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1Cet ouvrage au sujet original comporte une analyse fort dense de 78 pages suivie de notes, d’une bibliographie impressionnante et d’un index de 11 pages. Il s’agit d’un travail sérieux puisque l’auteur recense plus de soixante-quinze notices nécrologiques, essais commémoratifs, articles critiques et lettres provenant de quarante-huit journaux religieux (anglicans, baptistes, catholiques, juifs, non-conformistes, presbytériens, méthodistes, swedenborgiens, unitariens, wesleyens et autres). Comme George Eliot avait toujours pris soin de protéger sa vie privée, à sa mort, le 22 décembre 1880, les journaux tentèrent de « percer » le mystère Eliot, à savoir « croyante » ou « incroyante » ? Collins commence « au commencement », lorsqu’on apprit que l’auteur des Scènes de la vie cléricale n’était pas un pasteur (comme on le pensa au début) mais « une femme athée vivant avec le mari d’une autre ». En ayant eu recours à un pseudonyme, Eliot avait opéré une dissociation entre ses activités de traductrice de The Life of Jesus et de The Essence of Christianity : du coup, ses lecteurs n’ont pu identifier l’humanisme athée de Strauss et de Feuerbach. Certains se demandent comment une intellectuelle « athée » a pu offrir aux lecteurs de ses romans une éthique de cette qualité et ils recommandent d’opérer une séparation entre esthétique et philosophie. L’auteur de l’ouvrage a constaté que le ton des articles diffère beaucoup, que le « très catholique » Weekly Register est moins sévère que le Catholic Times (pourtant censé être plus tolérant à l’époque) tandis que The Month (qui commence en observant une certaine retenue) finit en laissant exploser sa fureur. Il remarque aussi que les journaux évangélistes sont, dans l’ensemble, plus durs avec notre auteur que la presse « High Church » ou dissidente et que les discordances finissent par être plus éloquentes qu’une réaction unanime. Ainsi, le Guardian (journal anglican « High Church ») semble, dans un premier article, louer l’égalité d’âme de Eliot face au scepticisme ambiant pour condamner ensuite (dans un autre article) son dur réalisme car il ne s’accompagnait pas de lueurs d’espoir d’un monde meilleur. La somme de tous ces articles produit une image composite de Eliot, celle d’un chef religieux controversé et paradoxal : comment une incroyante pouvait être, en même temps, une autorité morale et, dans ce cas, que signifie le fait d’être croyant ? Le Baptist Magazine a peut-être trouvé la réponse lorsqu’il la qualifie de « chrétienne sans christianisme » à la façon du Christ qui était un paria, un proscrit et qui témoigne, par sa mort, de l’existence de quelque chose de divin et de l’ordre du miracle. Lorsqu’Eliot mourut le 22 décembre 1880, les journaux réalisèrent qu’ils ne disposaient que de peu d’informations sur sa vie privée et que son œuvre confinait au génie : du coup, les notices nécrologiques hésitent entre admiration et incompréhension. On loue la hauteur et la noblesse de sa vision morale mais sans pouvoir, pour autant, y voir la manifestation d’une foi. On ne pouvait ni la ranger dans le troupeau, ni l’exclure. L’apologiste catholique William Barry résume avec justesse dans le Dublin Review que sa religion de la sympathie est un mélange d’athéisme et de quiétisme tout comme l’utilitarisme de Mill. Dans un premier article, il avait déjà souligné le fait que les personnages de Eliot agissent tous selon les règles d’un système de pensée abstraite mais ne sont jamais guidés par un instinct divin et il conclut ainsi: « Had she never been a Christian, she would never have exercised the moral fascination, the heart-searching influence, which give her writings their permanent and peculiar worth... George Eliot cannot help reminding us that she was once a believer ». Ces remarques n’engagent (certes) que leur auteur mais elles résument assez bien le ton d’un grand nombre des notices publiées par les journaux religieux de l’époque au lendemain de la mort d’Eliot. En conclusion, nous dirons que cet ouvrage d’une grande densité fera le bonheur de ceux qui s’intéressent à George Eliot (en particulier), à l’histoire des religions ou l’histoire des idées en général.