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1Martin A. Danahay est Professeur à l’université de Brock (Canada). Le volume porte sur les connotations idéologiques et culturelles du travail à l’époque victorienne puisqu’on l’associait à la masculinité tandis que les activités intellectuelles et artistiques étaient plutôt considérées comme relevant du domaine des femmes. On faisait donc rimer labeur et sueur. L’auteur commence par rappeler que, sur les panneaux qu’il voyait enfant au bord des routes (« Caution : Men at Work »), figurait toujours une silhouette d’homme tenant une pelle, ce qui faisait rimer labeur avec travail manuel et activité virile. L’ouvrage se propose de faire l’archéologie de la construction des rapports entre « genre » et travail à l’époque victorienne et l’impossibilité pour les femmes d’entrer dans la sphère active. Plutôt qu’une archéologie de type psychanalytique, il voit dans l’éthique protestante la source des contradictions de l’époque. Il estime que le masculin se construit sociologiquement à travers des représentations sociales et culturelles et n’est pas un concept abstrait. Après les définitions d’usage, on passe à « Victorian Work and Industry » (ch. 1), où l’on nous rappelle que l’évangile du travail d’un Thomas Carlyle a joué un rôle déterminant à une époque qui confondait travail et « chute » biblique : « Carlyle’s God in Sartor Resartus is a masculine force who controls a female chaos » (p. 33). L’autre « évangile » est celui de Samuel Smiles (Self-Help). Lorsque le Manifeste du parti communiste de Marx et Engels parut en 1848, le travail devint plutôt synonyme d’oppression. Au chapitre 2 « Gendering Work in the 1840s », Danahay met l’accent sur le rôle joué par certains artistes comme Richard Redgrave et Thomas Hood qui dénoncèrent l’exploitation de la couturière. Quand Punch publia en décembre 1843 le poème de Hood, « The Song of the Shirt », tous les journaux le publièrent à leur tour et il fut même mis en musique. Cette figure inspira d’autres peintres, comme si la cousette devenait l’emblème du monde ouvrier féminin mais Danahay reproche à Redgrave le fait de ne pas avoir représenté le monde de l’usine et d’avoir fait de la couturière une figure isolée (ce qui ne correspond pas vraiment à la réalité sociologique).

2Ce reproche semble fondé si on relit Ruth de Mrs Gaskell qui met en scène une cousette dans un atelier. Le chapitre suivant « Dickens, Work and Sexuality » (ch. 3) évoque surtout Hard Times qui dénonce les méfaits du travail inhumain. Une fois de plus, Danahay reproche à Dickens une idéalisation excessive de la femme. Dans le chapitre consacré à Brown (« Ford Madox Brown and the Division of Labor »), on retrouve les mêmes tensions entre travail intellectuel et travail manuel dans la mesure où, à force de travailler à la maison, un peintre finit par haïr une activité qui ne cesse jamais. Si l’auteur a choisi ensuite de nous parler de la conception du travail que l’on observe dans le journal de Arthur Joseph Munby (1828-1910), c’est parce qu’il y a chez lui une perversité qui consiste à fétichiser le travail. Danahay accuse aussi Ruskin d’une idéalisation excessive du travail manuel. Gissing marque un changement dans la conception du travail puisqu’il met en scène l’industrialisation. L’ouvrage se conclut avec « New Women, New Technologies and New Work ». Les dix illustrations choisies correspondent soit à des toiles célèbres qui évoquent le travail sous diverses formes comme celle de Richard Redgrave : The Sempstress (1844), William Bell Scott : Iron and Coal (1861), Ford Madox Brown : Work (1865) et ainsi de suite, soit à des photographies. Le contraste est saisissant : dans Work, Ford Madox Brown montre un homme maniant la pelle tandis que dans certaines photographies, nous voyons des femmes portant une pelle. En un mot, l’ouvrage de Martin A. Danahay est de lecture facile (même pour des étudiants de la période).