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Comptes rendus

George Gissing. By the Ionian Sea. Notes of a Ramble in Southern Italy. Présentation, introduction et notes de Pierre Coustillas

Christine Huguet
Référence(s) :

George Gissing. By the Ionian Sea. Notes of a Ramble in Southern Italy. Présentation, introduction et notes de Pierre Coustillas. Oxford : Signal Books Limited, « Lost and Found Series. Classic Travel Writing », 2004. 159 pp. ISBN 1–902669–66–5 (Cloth) ; 1–902669–67–3 (Paper). Prix : £ 24.95 ou £ 12.99.

Texte intégral

1Le neuvième récit de voyage retenu par Signal Books pour figurer dans la collection «  Lost and Found. Classic Travel Writing » n’est autre que By the Ionian Sea. Notes of a Ramble in Southern Italy de George Gissing, un charmant petit texte de 131 pages rédigé au cours de l’été 1899, souvent réédité et traduit dans diverses langues depuis. L’ouvrage qui nous concerne représente la première édition critique en langue anglaise ; elle a été préparée par Pierre Coustillas, dont la connaissance intime du corpus gissingien est en passe de devenir légendaire. En revanche, les prouesses de Pierre Coustillas, métamorphosé pour la circonstance en voyageur-enquêteur sur les traces de Gissing, constituent une agréable surprise. Il aura fallu en effet d’innombrables contacts italiens, et surtout pas moins de quatre voyages successifs jusqu’en Calabre, pour redonner vie à ce texte fascinant. L’attention portée aux ouvrages passés et présents sur l’Italie, au manuscrit ainsi qu’aux écrits personnels de Gissing relatifs à son voyage, n’aurait sans doute guère permis à elle seule l’élaboration de la longue introduction détaillée et des abondantes légendes et notes qui accompagnent récit et illustrations. Cet appareil critique regorge de précisions d’ordre littéraire, mais aussi historique et géographique, au point de procurer une plaisante double impression de vécu (celui de l’auteur et celui du chercheur), singulièrement renforcée par la présence d’une carte de la Calabre.

2C’est en 1897, six ans avant sa mort, que Gissing s’offrit une parenthèse de bonheur pour enfin réaliser son rêve d’adolescent épris de la Grande-Grèce et entreprendre un troisième voyage en Italie, qui devait le mener, cette fois, jusqu’en vue de l’Etna. By the Ionian Sea permet de découvrir un autre Gissing, mais aussi de bouleverser au passage l’image traditionnelle du touriste victorien armé de son Baedeker, mettant prudemment un terme à la grande aventure méridionale au niveau de Naples ou de Capri tout au plus. Désireux de se retrouver sur les terres d’Horace et de Virgile, de fouler le sol qui constitue le berceau de notre civilisation, Gissing n’hésita pas un instant à s’éloigner des sentiers battus et apprit, à ses dépens, que la réputation d’insalubrité du Sud profond n’était certes pas imméritée. Mais même cloué au lit par la fièvre dans une auberge douteuse de Crotone, Gissing ne montre nul signe de cette arrogance qui contribue à ternir l’image du Victorien outre-Manche. Dans son introduction d’une grande finesse, Pierre Coustillas évoque l’attachement touchant de l’artiste pour ces régions rurales et leurs habitants, l’exceptionnelle mesure dont ce voyageur solitaire sait toujours faire preuve. Sans jamais céder à un passéisme facile, Gissing réagit avec bon sens, humanité et une dose d’humour au monde qu’il découvre. Ni son érudition ni le véritable culte qu’il voue, pour leur histoire, à ces contrées reculées, ne le rendent insensible au monde bigarré des vivants, qu’il regarde sans préjugés s’agiter autour de lui. Une structure binaire magistralement analysée par Coustillas distingue donc cet ouvrage d’une très grande richesse. Bien plus qu’un simple journal de bord, By the Ionian Sea doit s’apprécier comme une originale invitation au voyage dans le temps autant que dans l’espace, que Pierre Coustillas n’hésite pas à qualifier de « contre-voyage. » Le lecteur qui se laisse guider de Naples à Reggio au gré des dix-huit chapitres écrits dans une prose ciselée, souvent poétique, fruit de longs mois de maturation, trouvera une source de plaisir supplémentaire dans les illustrations en noir et blanc choisies par Gissing pour la première édition, peut-être davantage encore dans les curieux petits croquis qu’il prit le soin de réaliser. L’artiste, à n’en pas douter, aurait applaudi avec nous l’initiative de Coustillas, grâce à qui l’apport iconographique initial s’enrichit sous la forme de photographies et de cartes postales d’époque : comment, par exemple, ne pas souhaiter voir immortalisé l’intérieur de la pharmacie de Catanzaro, que Gissing enthousiaste convie le lecteur à imaginer ? Et l’on se plaît à deviner l’intérêt qu’aurait suscité chez l’auteur la lecture des notes généreuses, qui viennent souvent compléter sa remarquable culture personnelle sur la région. On songe aussi avec amusement à l’air médusé de Gissing apprenant, dans l’une de ces notes, l’étrange notoriété internationale à laquelle, grâce à lui et via Federico Fellini, un aubergiste empressé dénommé Paparazzo, serait un jour voué.

3Pierre Coustillas a de surcroît accompli un tour de force éditorial, en sachant s’adresser à un lectorat vaste et diversifié à la fois. Dès la photographie de couverture, éclatante de luminosité, qui montre les ruines du superbe Temple des Paladins, on pressent que ce livre maniable et soigné a vocation de devenir un guide touristique aussi précieux qu’original. Mais surtout, sa portée pluridisciplinaire ne fait aucun doute : l’érudition de Coustillas comble le civilisationniste, qui trouvera réponse à toutes ses interrogations sur texte et contexte, et dont les recherches ultérieures seront stimulées par l’exhaustive bibliographie en fin de volume. Par ailleurs, c’est incontestablement à ce genre d’ouvrage que s’intéressent vivement des revues spécialisées récentes, telles Studies in Travel Writing. Finalement, chez le littéraire naîtra sans doute l’envie de voir s’élargir l’analyse de l’œuvre romanesque de Gissing, dont la variété générique et thématique demeure encore largement insoupçonnée. C’est une image différente de l’artiste que privilégie By the Ionian Sea : celle d’un homme libéré, d’un érudit heureux, enfin chez lui sur ces terres peu fréquentées, une sorte de Reardon miraculé.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Christine Huguet, « George Gissing. By the Ionian Sea. Notes of a Ramble in Southern Italy. Présentation, introduction et notes de Pierre Coustillas »Cahiers victoriens et édouardiens [En ligne], 60 Automne | 2004, mis en ligne le 07 février 2025, consulté le 09 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/cve/15419 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13jdb

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Auteur

Christine Huguet

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