Le Pakistan, l’Inde et les pays du Conseil de Coopération du Golfe : idéologies, géopolitique et realpolitik
Résumés
Alors que l’hégémonie politique du nationalisme hindou marginalise des musulmans indiens, la politique étrangère de Narendra Modi ne souffre guère de son image dans les États du Golfe, Arabie saoudite et Émirats arabes unis au premier chef, les principaux partenaires de l’Inde dans la région. Les tentatives du Pakistan de faire condamner la politique indienne, au Cachemire en particulier, ne rencontrent qu’un écho mesuré, plutôt au sein de l’Organisation de la Coopération islamique que dans les relations bilatérales. La coopération militaire entre Riyad et Islamabad n’a pas été jusqu’à envoyer des forces pakistanaises au Yémen, et la crise économique qui frappe le Pakistan l’a rendu dépendant des soutiens financiers venus du Golfe. Par contraste, l’Inde n’est plus seulement un pays à forte diaspora dans le Golfe, et un client important pour le pétrole : elle est aussi une terre d’investissements, et entretient un dialogue de coopération stratégique avec le Conseil de Coopération du Golfe. Bref, la realpolitik l’emporte.
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Mots-clés :
Inde, Pakistan, Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis, Conseil de Coopération du Golfe, Organisation de la Coopération Islamique, diasporas, énergie, investissements, dialogue stratégiqueKeywords :
India, Pakistan, Saudi Arabia, United Arab Emirates, Gulf Cooperation Council, Organisation of Islamic Cooperation, diasporas. energy, investment, strategic dialogue.Plan
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1Entrées dans une nouvelle phase, les relations des pays du Golfe avec l’Inde et le Pakistan voient s’amenuiser le poids des affiliations religieuses qui devraient a priori favoriser les liens avec le Pakistan, république islamique, à l’encontre d’une Inde dirigée depuis près de dix ans par Narendra Modi, à la tête d’un gouvernement nationaliste hindou. L’essor économique de l’Inde, le pragmatisme de sa politique étrangère, les accords d’Abraham qui ont redéfini les relations des Émirats arabes unis et de Bahreïn avec l’État d’Israël, que l’Inde cultive de son côté : autant d’éléments qui changent la donne. Si les relations d’un Pakistan en crise avec les monarchies du Golfe sont essentielles pour Islamabad, la dualité entre hindous et musulmans ayant abouti à la partition de l’Inde britannique en 1947 ne semble pas déterminer de façon décisive la politique étrangère de ces monarchies vis-à-vis de l’Asie du Sud. Les choses sont en réalité beaucoup plus complexes.
2Après un bref rappel historique qui soulignera l’ancienneté et la prégnance des liens entre les deux rives de la mer d’Arabie, on s’arrêtera sur les divers paramètres, économiques, migratoires, géopolitiques voire stratégiques qui définissent les relations entre le Pakistan et les pays du Golfe, puis les relations entre l’Inde et ces mêmes pays, avant de s’arrêter sur la question du Cachemire qui oppose si constamment l’Inde et le Pakistan, mais qui ne justifie pas, pour les pays du Golfe, une position que pourrait dicter la solidarité islamique. En soi, cette posture est révélatrice des liens tissés avec les deux pays d’Asie du Sud, que les décideurs arabes n’entendent pas réduire à un jeu à somme nulle, où appuyer l’un reviendrait à amoindrir l’autre. C’est bien la realpolitik qui l’emporte, non sans tensions occasionnelles. Elle justifie le maintien de relations fortes entre le Pakistan et les États du Golfe, mais elle explique aussi comment l’Inde redécouvre aujourd’hui ces mêmes États, qui faisaient partie de son horizon du temps de l’Empire britannique.
I. Une histoire partagée
- 1 Le recensement décennal prévu en 2021 en Inde a été retardé à cause de la pandémie du Covid. Selon (...)
3Avant l’Islam, les navigateurs arabes abordaient les côtes occidentales des royaumes indiens pour y commercer, et ils continuèrent après l’Hégire, ce qui explique que la population du Kérala, État indien riverain de la mer d’Arabie, comptait en 2011 26,5% de musulmans, la moyenne nationale indienne n’étant que de 14% à la même date.1 Les musulmans d’Asie du Sud, en Inde comme au Pakistan, doivent cependant moins aux migrations pacifiques liées au commerce maritime qu’à un Islam continental, venu il y a un millénaire d’Asie centrale et d’Afghanistan, qui donnera naissance au Sultanat de Delhi au XIIème siècle, et à l’empire Moghol au XVIème siècle, qui avaient le persan comme langue de cour.
4La Compagnie des Indes orientales, fondée à Londres en 1600, puis l’instauration du British Raj, l’Empire des Indes, en 1858, dessinèrent de nouveaux axes maritimes transocéaniques, mais sans éteindre les anciennes relations entre contrées riveraines de la mer d’Arabie. Mise en circulation par les Britanniques dans nombre de principautés du Golfe, la roupie indienne fut en usage jusqu’aux années 1960 dans les États de la Trêve (Trucial States, devenus Émirats arabes unis en 1971) ainsi qu’à Koweït, au Qatar, en Oman et à Bahreïn, jusqu’à ce que ces anciens protectorats britanniques deviennent indépendants.
5Sur le plan idéologique, dans l’Inde britannique post Première guerre mondiale, les élites musulmanes (mais aussi Gandhi) se prononcèrent en faveur du mouvement pour le Califat du sultan ottoman. L’Inde indépendante de Nehru, elle, mit en avant le non-alignement et soutint les nationalismes arabes. Côté pakistanais, le nouveau pays, établi dans les terres à majorité musulmane de l’ancien Raj, accueillit par deux fois, en 1949 et 1951, le Congrès mondial musulman (Mu’tammar al-‘âlam al islâmî), avant de créer en 1954, avec l’Égypte et l’Arabie saoudite, la Conférence générale islamique, une étape vers l’établissement, en 1969, de l’Organisation de la Conférence Islamique, devenue Organisation de la Coopération Islamique en 2011. Pays musulman le plus peuplé du monde après l’Indonésie, le Pakistan a toujours joué de son identité islamique revendiquée, soit en mettant en avant la Oummah —ainsi Zulfikar Ali Bhutto en organisant la seconde réunion de l’OCI en 1974 à Lahore, en présence du roi Faisal, qui contribua à convaincre Bhutto de reconnaître la sécession du Pakistan oriental, devenu Bangladesh en 1971, ce qu’il fit — soit en cherchant une relation privilégiée avec l’Arabie saoudite. C’est le roi Faisal qui, lors d’une visite au Pakistan, proposa la construction d’une mosquée emblématique dans la nouvelle capitale baptisée Islamabad. La plus grande mosquée du Pakistan, dont l’architecture symbolise une gigantesque tente bédouine entre ses quatre minarets, fut achevée en 1986, et porte le nom du roi saoudien. Dans un contexte plus tendu, ce sont les bons offices saoudiens qui permirent, après le coup d’État du général Musharraf renversant et emprisonnant le Premier ministre Nawaz Sharif, qu’un accord soit trouvé en décembre 2000, Sharif partant en exil en Arabie saoudite, où il arriva à bord d’un avion privé de la famille royale. En revanche, c’est à Dubaï que s’exilèrent deux leaders pakistanais après avoir perdu le pouvoir : Benazir Bhutto en 1999, et le général Musharraf en 2009, pour éviter les peines imposées à leur encontre.
- 2 Prince Turki Al Faisal al Saud, The Afghanistan Files, Cowes, Arabian Publishing, 2021. Le prince d (...)
6La politique afghane du Pakistan doit aussi beaucoup à l’Arabie saoudite qui, à compter de 1980 et en liaison avec la CIA, contribua largement, via les services de renseignement pakistanais (ISI), au financement des moudjahidines afghans en lutte contre l’occupation soviétique, moudjahidines bientôt rejoints par des combattants étrangers venus de divers pays, dont l’Arabie saoudite. Parmi eux, Osama Ben Laden, que plus tard les talibans refuseront d’extrader vers son pays d’origine… Ces années décisives contribuèrent à renforcer la place de l’Inter Services Intelligence au sein de l’armée pakistanaise et du pouvoir d’État, les services saoudiens assurant plus tard que les financements du royaume (mais pas les fonds privés) cessèrent avec le départ de l’Armée rouge, sauf pour aider les réfugiés afghans au Pakistan.2
7L’histoire partagée entre les deux rives de la Mer d’Arabie est donc plus que millénaire. Au XXIème siècle, cette histoire partagée se poursuit, marquée depuis 1947 par la dualité tendue, voire conflictuelle, entre Inde et Pakistan. Cette dualité impose d’analyser séparément les relations des deux pays d’Asie du Sud avec les pays du Golfe, mais commande aussi, sur certains dossiers, de mettre en lumière, par une approche qu’on peut dire triangulaire, les questions sensibles, liées d’une façon ou d’une autre (Cachemire, politique du nationalisme hindou vis-à-vis des minorités religieuses) au sort d’une partie des musulmans d’Asie du Sud.
II. Les relations entre Pakistan et les pays du Golfe
- 3 Le mouvement deobandi est un mouvement sunnite revivaliste, apparu au XIXè siècle autour de la madr (...)
8Dans les discours comme dans les visites officielles, les affinités religieuses et « fraternelles » entre la République islamique du Pakistan et les monarchies du Golfe sont mises en avant, particulièrement avec l’Arabie saoudite, gardienne des lieux saints. Dès 1954, le Pakistan et l’Arabie saoudite signèrent un traité d’amitié. Après le coup d’État du général Zia-ul Haq (1977-1988) la promotion au Pakistan d’un Islam deobandi rigoriste3 bénéficia des largesses du wahhabisme saoudien, et les madrassas se multiplièrent, d’autant que l’Iran de l’ayatollah Khomeini cherchait de son côté à se concilier les chiites de son voisin pakistanais. Par tradition, les Premiers ministres pakistanais conduisent leur première visite à l’étranger en Arabie saoudite, combinant les rencontres politiques à Djeddah et les pèlerinages à la Mecque et Médine : c’est ce que firent Imran Khan en 2018, et Shehbaz Sharif en 2022.
Une diaspora considérable
- 4 Government of Pakistan. Ministry of Overseas Pakistanis and Human Resource Development. Yearbook 20 (...)
- 5 Government of Pakistan. Bureau of Emigration & Overseas Employment (HQ), Annual Analysis of Manpowe (...)
- 6 Kurshid Ahmed, « Statistics reveal Pakistan received more than 54% remittances from the Gulf region (...)
9Le Pakistan est, après l’Inde, le plus gros pourvoyeur de main d’œuvre des pays du Golfe, et ceux-ci viennent en tête des pays d’émigration pour les Pakistanais. Sur les 8,375 millions de membres de la diaspora pakistanaise, l’Arabie saoudite vient au premier rang (2,3 millions) suivie des Émirats (1,6 million), puis des Etats-Unis, du Royaume Uni et du Canada. Oman, le Qatar et Bahreïn venant aux 8è, 9è et 10è rangs (entre 170 000 et 120 000 chacun), le Koweït n’arrivant qu’à la 14è place (95 000) derrière la France et l’Australie,4 les travailleurs peu qualifiés ou spécialisés étant plutôt en Arabie saoudite et dans les Émirats. Pour cette catégorie de travailleurs, les données officielles pour 2019 (avant les années Covid qui ont eu un impact sur les migrations) soulignent l’extrême prédominance de l’Arabie saoudite (53,2% de l’ensemble du monde) et des Émirats (33,7%), Oman, le Qatar, Bahreïn et le Koweït ne comptant que pour 9%. Au total, les pays du Golfe absorbent donc plus de 95% de la diaspora des travailleurs de base. Ce qu’il est convenu d’appeler les professionnels « hautement qualifiés » (25 000 contre 600 000 travailleurs « qualifiés, semi-qualifiés ou non qualifiés » pour l’année 2019) ont un horizon géographique beaucoup plus large. Mais au total, les versements envoyés par les migrants au pays (près de 22 milliards de dollars pour l’année financière 2018-19) viennent davantage de l’Arabie saoudite (5 milliards) et des Émirats (4,6 milliards) que des pays de « professionnels » (3,4 milliards chacun pour Royaume Uni et États-Unis).5 Passé l’essentiel du choc du Covid, les données pour 2022 confirment le poids de la diaspora établie dans les pays du Golfe sur les transferts d’argent vers le Pakistan : près de 15 milliards de dollars, dont 6,6 pour l’Arabie saoudite et 5,1 pour les Émirats, sur un total mondial de plus de 27 milliards.6
Les relations économiques : un Pakistan dépendant
- 7 Sur la politique d’aide des pays du Golfe et sur ses objectifs diplomatiques voir Hashan al-Hasan e (...)
10Ces versements de la diaspora sont une ressource essentielle pour le Pakistan, a fortiori à l’heure où le pays est en pleine crise financière et économique, au risque de la cessation de paiement, et contraint de négocier avec difficulté les conditions d’obtention des tranches promises par le Fonds Monétaire International. Pour ce faire, outre les réformes imposées par le FMI, celui-ci demande aussi des marques de soutien de pays tiers. Comme la Chine qui lui a consenti un prêt d’1,3 milliard de dollars, versé en mars-avril 2023, l’Arabie saoudite et les Émirats ont répondu présents en s’engageant en avril à déposer de nouveaux fonds à la banque centrale pakistanaise, 2 milliards pour la première, et 1,4 milliard pour les seconds. Ce n’est pas la première fois que les deux pays mènent ainsi une politique d’aide au Pakistan, accordant des dépôts (3 milliards saoudiens en 2022) ou des prêts, ou vendant du pétrole à prix de faveur ou à crédit.7
- 8 « Crude Petroleum in Pakistan ». Observatory of Economic Complexity, consulté le 20 avril 2023. htt (...)
- 9 Government of Pakistan, Pakistan Economic Survey 2021-22, Islamabad, p. 264
11La fourniture d’énergie est en effet un paramètre clé des relations avec le Golfe. En 2021 le Pakistan, qui ne produit guère de pétrole, a importé 53% de son brut d’Arabie saoudite et 38% des Émirats.8 En 2022, la facture a quasiment doublé, à 17 milliards de dollars, sous les effets croisés du renchérissement du prix du brut et de l’affaiblissement de la roupie pakistanaise.9 Le gaz importé (plus de 6 milliards de dollars en 2021), vient essentiellement du Qatar, devant l’Iran et les Etats-Unis.
- 10 Voir par exemple dans ce numéro Antia Mato Bouzas, « Political entanglement between Pakistan and Ku (...)
- 11 Arhama Siddiqa, « Pakistan-GCC Relationship: Reframing Policy Trajectories », Strategic Studies, In (...)
12Au-delà de ces échanges commerciaux, c’est bien d’investissements dont le Pakistan a besoin, mais les promesses considérables (30 milliards de dollars d’assistance financière et d’investissements) de l’Arabie saoudite et des Émirats Arabes Unis restent largement à concrétiser, en raison de la crise économique que traverse une fois encore le pays. Une bonne part des projets sont liés aux opportunités offertes par le Corridor économique sino-pakistanais, par exemple au port de Gwadar, mais des projets de développement portent aussi sur des zones plus reculées, comme au Gilgit-Baltistan himalayen.10 Pour certains analystes pakistanais, cultiver les liens culturels et religieux et les affaires stratégiques ne peut suffire : au-delà de la dépendance énergétique et financière, et du poids de la diaspora, c’est toute une politique économique entre leur pays et les États du Golfe qu’il faudrait repenser, pour servir au développement du Pakistan11.
Questions sécuritaires et jeu géopolitique
- 12 Mujib Mashal, «Pakistan troops aid Bahrain’s crackdown », Al Jazeera, 30 juillet 2011. www.aljazeer (...)
13Depuis longtemps, le Pakistan a envoyé dans les pays du Golfe (et surtout en Arabie saoudite) des officiers chargés de la formation des forces des pays concernés. En 2011, Islamabad a même envoyé quelques milliers de militaires ou de policiers retraités, mobilisés par la Fondation Fauji liée aux forces armées pakistanaises, pour renforcer, en liaison avec les forces du Conseil de Coopération du Golfe, la répression des vives manifestations émanant de la population chiite dénonçant le régime du roi —sunnite— de Bahreïn. 12
- 13 Asad Hashim, « Pakistan Parliament backs neutrality in Yemen conflict », Al Jazeera, 10 avril 2015. (...)
14Les choses ne sont pas toujours aussi simples, comme l’a illustré la complexité du dossier yéménite. Après la chute de Sanaa, tombée aux mains des rebelles chiites houthistes en 2014, l’Arabie saoudite prit la tête d’une coalition largement constituée d’États du Golfe (Émirats, Koweït, Qatar, Bahreïn) qui lança en mars 2015 une opération militaire (Decisive Storm) contre les forces houthistes, tout en demandant un soutien militaire au Pakistan, dans les trois armes, avions de combat, troupes au sol, navires de guerre. Mais le Parlement pakistanais vota à l’unanimité, le 10 avril 2015, une résolution neutraliste, appelant à trouver un règlement politique au conflit yéménite, tout en affirmant son « soutien sans équivoque au royaume d’Arabie saoudite », s’il était attaqué sur son sol.13 Finalement le Pakistan trouva une manière de compromis : il avait déjà 1600 hommes en Arabie saoudite, pour des missions de formation des forces saoudiennes. En 2018, il envoya un nouveau contingent de 1000 hommes, là encore non destinés à servir hors des frontières du Royaume, en invoquant un accord bilatéral de coopération militaire signé en 1982.
- 14 Ehtesham Shahid, « Unravelling the mystery over ‘Muslim NATO’ chief Raheel Sharif, Al Arabiya, 18 f (...)
- 15 « Islamic Military Counter Terrorism Coalition holds workshop in Riyad », Arab News, 12 février 202 (...)
- 16 Athar Bhukari & Syed Adnan, « The Islamic Military Alliance against Terrorism: Efficacity and Chall (...)
- 17 Bruce Riedel, « A Pakistani general steps into the middle of the Iran-Saudi firestorm », The Brooki (...)
15C’est investi d’une autre mission qu’en 2017 l’ancien Chef d’état-major de l’armée de terre pakistanaise, le général Raheel Sharif, reprit très vite du service en Arabie saoudite, comme chef de la « Coalition militaire islamique pour combattre le terrorisme », une alliance d’une quarantaine de nations établie à Riyad à compter de 2015, mais qui restait alors à construire.14 Un peu trop vite baptisée « OTAN musulmane » par quelques analystes, la coalition, qui compte aussi dans ses rangs une vingtaine de pays d’Afrique sub-saharienne, n’a pas véritablement fait ses preuves depuis, apparaissant plutôt comme une plateforme d’échanges d’expériences que comme un instrument opérationnel de contre-terrorisme, comme l’illustre sa réunion tenue à Riyad en février 2023.15 Dès 2017, des analystes pakistanais notaient du reste que si tous les États membres de l’Alliance étaient membres de l’Organisation de la Coopération Islamique, tous les membres de l’OCI n’étaient pas membres de l’Alliance, à commencer par l’Iran, l’Irak et la Syrie, ce qui « mettait en question l’efficacité et la crédibilité de l’organisation », censée combattre entre autres l’État islamique.16 Du moins, en 2017, la nomination du général Sharif, prise dans des conditions obscures, permettait de corriger la mauvaise surprise que fut, pour l’Arabie saoudite, le refus pakistanais d’envoyer des troupes au Yémen. Mais sitôt nommé, le général dut s’accommoder des commentaires violemment anti-iraniens du prince Mohammad ben Salman, alors ministre de la défense saoudien, mettant le Pakistan dans une position délicate vis-à-vis de son voisin chiite, qu’il tenta de rassurer. 17En 2018, le Premier ministre pakistanais Imran Khan avait tenté de jouer un rôle de médiateur au Yémen, et donc entre Arabie saoudite et Iran. Cinq ans plus tard, c’est la Chine qui joua ce rôle de médiation entre les deux pays, ouvrant la voie à des pourparlers de paix proposés par Riyad au commandement houthiste et à la reprise des relations diplomatiques entre Iran et Arabie saoudite.
- 18 Asad Hashim, « On Qatar, Pakistan walks a diplomatic tightrope », Al Jazeera, 9 juin 2017.
16La même prudence diplomatique fut manifeste quand le Parlement pakistanais, en juin 2017, s’alarma des tensions entre l’Arabie saoudite, les Émirats Arabes Unis, Bahreïn et l’Égypte d’un côté et le Qatar de l’autre. Islamabad appela à la retenue et au dialogue, rappelant que « le Pakistan croit en l’unité entre pays musulmans ».18
III. L’Inde et les pays du Golfe
- 19 Pour replacer cette politique des années 1990 dans le contexte plus général des relations entre Ind (...)
17En 1992, un an après le début des réformes de libéralisation mesurée de l’économie indienne, le gouvernement de Narasimha Rao, du parti du Congrès, annonçait une nouvelle politique de « regard vers l’Est » : la disparition de l’URSS donnait une tonalité nouvelle aux pays de l’ASEAN, et l’Inde entendait raviver avec eux les liens millénaires qu’avaient noués commerçants et religieux indiens dans une vaste région où une population d’origine indienne restait notable, comme à Singapour ou en Malaisie, et où les marques de la culture indienne persistaient, comme à Angkor. S’il n’y eut pas, en parallèle, de politique officielle « de regard vers l’Ouest » (bien que le terme fût parfois employé par les analystes), l’Inde émergente des années 2000 ne pouvait négliger les pays du Golfe, pour deux raisons majeures, au-delà des pèlerinages du Haj des musulmans indiens : l’importance de la diaspora indienne dans la région, et la dépendance énergétique indienne en pétrole et en gaz.19
La plus grande diaspora indienne
- 20 Au sein de la diaspora, les autorités indiennes distinguent les Indiens non-résidents (NRI = citoye (...)
- 21 Karishma Nandkeolyar, « Remittances to India reaches historical high », Gulf News, 26 janvier 2023.(...)
- 22 Government of India, Economic Survey 2022-23, p. 328. www.Indianbudget.gov.in/economicsurvey
18Sur les quelque 13,46 millions de citoyens indiens en diaspora, les pays du Golfe en accueillaient 8,7 millions en 2018, selon les sources ministérielles indiennes, principalement aux Émirats (3,4) en Arabie saoudite (2,59) et au Koweït (1 million), le reste se répartissant entre Oman, Koweït, Qatar et Bahreïn.20 Les pays du Golfe hébergent donc la plus grande diaspora de citoyens indiens, pour beaucoup des travailleurs du secteur informel, mais aussi, pour une part, des professionnels des activités de service, ainsi qu’une minorité d’hommes d’affaires. Comme pour le Pakistan, mais à une autre échelle, cette diaspora indienne des pays du Golfe renvoie au pays des sommes considérables, puisqu’estimées à 30 milliards de dollars en 2022, 30% du total reçu par l’Inde cette année-là, en hausse notable après les années Covid.21 Mais la part relative des pays du Golfe semble devoir baisser, en raison de la hausse des transferts venus de pays accueillant davantage d’Indiens très qualifiés (États-Unis, Royaume Uni, Australie…).22
Énergie, commerce et investissements
19Au-delà des versements de la diaspora, les relations économiques entre l’Inde et les pays du Golfe se structurent traditionnellement autour des questions énergétiques, mais désormais l’horizon s’élargit de façon significative, l’essor de l’Inde devenue cinquième puissance économique mondiale offrant des opportunités nouvelles.
- 23 Government of India, Economic Survey 2022-23. Statistical Annexures, table 6.4 (A), p. 127.
- 24 La part des pays du Golfe dans les importations de pétrole brut par l’Inde baisse en effet, New Del (...)
20Comme le Pakistan, l’Inde doit importer une part considérable de son pétrole et de son gaz, qui constituent une part majeure de son commerce avec les pays du Golfe qui s’est haussé à 154 milliards de dollars en 2021-22, dont 110 milliards d’importations indiennes (venant en majorité des Émirats (48 milliards) et d’Arabie saoudite (34 milliards) puis du Qatar (13 milliards) 23 : le pétrole brut et le gaz représentaient près de 60 % du total. Le déficit commercial est donc considérable pour l’Inde, qui accroît toutefois ses exportations, incluant du pétrole raffiné, des diamants et des produits alimentaires, mais aussi des services. La guerre en Ukraine change toutefois la donne, l’Inde se tournant de plus en plus vers la Russie pour ses importations de pétrole brut.24
- 25 Editorial Team, « A showcase of India’s Top 10 Trade Partners », Cogoport Global Trade Platform, 6 (...)
21Pris en bloc, les pays du Conseil de Coopération du Golfe sont depuis des années le principal partenaire commercial de l’Inde, devant les États-Unis et la Chine, les Émirats étant l’acteur majeur au sein du Golfe, avec en 2020-21 un commerce bilatéral de près de 73 milliards de dollars, dont 45 milliards d’importation côté indien, devant l’Arabie saoudite (près de 43 milliards, dont 34 milliards d’importation côté indien).25
- 26 Naina Bhardwaj, « India’s Trade and Investment Ties with the Gulf Cooperation Council (GCC) », Indi (...)
22L’importance de ces relations commerciales, et leur déséquilibre, incitent les deux parties à élargir leur champ d’activité, la question clé pour l’Inde étant d’attirer les investissements étrangers, dans le cadre de la politique du Make in India promue depuis 2014 par le gouvernement de Narendra Modi. Ceci explique que l’Inde et les Émirats aient signé en 2022 un ‘Accord de partenariat économique’, permettant des baisses de taxe sur une large gamme de produits indiens importés, des bijoux aux biens d’ingénierie, du textile aux produits pharmaceutiques, les Émirats s’engageant aussi à investir dans le secteur agro-alimentaire en Inde. Du reste ils sont, parmi les pays du Golfe, les plus gros investisseurs en Inde : quelque 12 milliards de dollars sur un total de plus de 16 milliards pour les années 2020-2021 et 2021-22, l’Arabie saoudite venant au second rang.26
Des relations politiques intensifiées
- 27 L’Inde a par ailleurs conduit en juin 2023 ses premiers exercices conjoints avec la marine des Émir (...)
23Les relations commerciales et les investissements à la hausse sont au menu de toutes les rencontres politiques entre l’Inde et les pays du Golfe, mais le champ des discussions et des partenariats va bien au-delà. C’est à compter de 2010, sous le gouvernement congressiste de Manmohan Singh, que le tournant s’est opéré avec la visite du Premier ministre indien en Arabie saoudite —la première depuis 28 ans —, suivie de la visite de la Présidente de la République indienne aux Émirats, et de celle du roi Salman d’Arabie saoudite en Inde, début 2014. Bien que porte-étendard du nationalisme hindou, Narendra Modi, élu au printemps 2014, accomplit sa première visite aux Émirats en 2015, 34 ans après celle d’Indira Gandhi, qui s’était aussi rendue en Arabie saoudite. En 2016 Modi était en Arabie saoudite, le prince Mohammad ben Salman se rendant en Inde en visite d’État en 2019 (après une visite au Pakistan et avant de poursuivre son voyage en Chine), avec une large délégation d’hommes d’affaires. La question était claire : quelle place l’Inde émergente pouvait-elle jouer dans la « Vision 2030 » du prince héritier, préparant entre autres son Royaume à l’ère de l’après-pétrole ? Réponse : l’Inde devint un des huit « partenaires stratégiques du Royaume », l’agenda s’élargissant aux questions du contre-terrorisme (un thème cher à l’Inde) et aux questions de défense et de sécurité maritime. Dès 2012, l’Arabie saoudite avait déporté en Inde un militant pakistanais du Lashkar-e Taiba soupçonné d’être lié aux attaques terroristes ayant frappé Mumbai en 2008. En matière de sécurité maritime, les premiers exercices conjoints des marines indienne et saoudienne ont été conduits en 2021 et en 2023.27
- 28 Government of India. Prime Minister Office. « India Saudi Arabia Joint Statement during the State V (...)
24La longue déclaration conjointe signée lors de la visite princière à New Delhi est emblématique du degré de rapprochement entre le tenant du nationalisme hindou et l’héritier de la monarchie wahhabite. Elle célèbre les « relations cordiales et amicales héritières de relations économiques et socio-culturelles multiséculaires », ajoutant : « une étroite proximité géographique, des liens civilisationnels, une affinité culturelle, des synergies naturelles, des contacts vibrants entre peuples ; des opportunités et des défis communs ont ajouté du poids à ce robuste engagement ». Derrière cette rhétorique surjouée, l’horizon des dossiers abordés est considérable : commerce bilatéral à développer ; investissements indiens à attirer en Arabie saoudite ; engagement saoudien de quelque 100 milliards de dollars, à terme, dans de multiples secteurs indiens : énergie, raffinage, pétrochimie, infrastructures, agriculture, industrie, santé, éducation ; mais aussi coopération dans les industries de défense, engagement en faveur de la sécurité maritime dans le cadre de l’Association des pays riverains de l’océan Indien (IORA) dont font partie l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Oman —mais pas le Pakistan— ; condamnation du terrorisme (quelques jours après une attaque de jihadistes pakistanais ayant tué, au Cachemire, 40 paramilitaires indiens). Parmi les autres points mentionnés, outre une hausse du quota offert à l’Inde pour le Haj, un appel à réformer le Conseil de sécurité de l’ONU, pour que celle-ci « reflète mieux les réalités contemporaines » : encore un thème cher à New Delhi…28
- 29 United Arab Emirates, Ministry of Economy, « UAE-India Comprehensive Economic Agreement » (mis à jo (...)
- 30 The White House, « Joint Statement of the Leaders of India, Israel, United Arab Emirates, and the U (...)
- 31 Navdeep Puri & Kabir Taneja (eds), I2U2. Pathways for a New Multilateral. New Delhi, Observer Resea (...)
25Côté Émirats Arabes Unis, les choses bougent également : outre l’Accord de Partenariat Économique entré en vigueur en 2022 (18 chapitres, 11 annexes)29, la même année fut publiée la première déclaration conjointe d’une structure inédite élaborée en 2021, l’I2U2, un autre Quad que celui de l’Indo-Pacifique, regroupant Inde, Israël, Émirats Arabes Unis et États-Unis.30 La déclaration célèbre « l’esprit entrepreneurial » et la mobilisation du secteur privé, pour traiter en priorité des questions de sécurité alimentaire et d’énergie propre, tout en évoquant aussi les thématiques de l’eau, des transports, de l’espace, de la santé, la nécessité d’intensifier la connectivité entre pays du Moyen Orient, et la Mission d’Innovation de l’Agriculture pour l’Initiative Climatique. Si la focale est essentiellement économique, elle s’inscrit évidemment, comme le mentionne la déclaration, à la suite des Accords d’Abraham, signés en 2020 à la Maison Blanche entre Israël et les Émirats d’une part, entre Israël et Bahreïn d’autre part. Le signal géopolitique est évident, même si les parties intéressées ont alors réfuté l’hypothèse d’une initiative anti-chinoise ou anti-iranienne.31 L’Inde, qui jadis recevait Yasser Arafat comme un quasi chef d’État, s’est depuis grandement rapprochée d’Israël, un fournisseur important d’équipements de défense, tout en continuant à maintenir des relations avec l’Autorité palestinienne.
26Dans un autre domaine stratégique, l’espace, de nouvelles coopérations se profilent : alors que les Émirats arabes unis ont mis en orbite en 2021 un satellite d’observation autour de Mars, et lancé en 2022 leur premier rover vers la Lune, le protocole d’accord de coopération spatiale signé en 2016 entre l’Inde et les Émirats témoigne de l’élargissement des champs de partenariats entre les deux pays.
- 32 Pakistan Ministry of Foreign Affairs, « Pakistan welcomes the normalisation of diplomatic relations (...)
- 33 Qasim Moini, « What the Saudi-Iran deal means for geopolitics », Dawn, 22 avril 2023. www.dawn.com
- 34 Indian Ministry of External Affairs, « Transcript of the Weekly Press Briefing by the Official Spok (...)
- 35 Lakshmi Priya, « Significance of the Saudi-Iran Deal », New Delhi, Indian Council of World Affairs, (...)
27Reste à voir dans le champ géopolitique comment, quelques semaines après la visite de Xi Jinping à Riyad, la médiation chinoise ayant permis en 2023 un accord inattendu entre Arabie saoudite et Iran affectera ou non la relation entre l’Inde et les pays du Golfe. Le ministère pakistanais des Affaires étrangères s’est réjoui de cette normalisation des relations diplomatiques entre deux de ses « pays frères »,32 tandis que certains analystes n’y voyaient rien moins que le signe confirmant le déclin de l’ordre occidental, au-delà des bénéfices que le Pakistan pourrait tirer de cet accord.33 L’Inde a été très discrète, le ministère des Affaires étrangères se bornant, en conférence de presse, à souligner que l’Inde « a de bonnes relations avec divers pays d’Asie de l’Ouest », qu’elle a des intérêts majeurs dans la région, et qu’elle « a toujours plaidé pour résoudre les différends par le dialogue et la diplomatie » .34 Même discrétion du côté de l’Indian Council for World Affairs, un think tank dont le vice-président de la République est ex-officio président : l’analyse de la déclaration trilatérale Chine, Iran, Arabie saoudite du 10 mars souligne que l’accord irano-saoudien « symbolise la diplomatie tranquille de la Chine dans la région et l’évolution d’un partenariat économique vers l’émergence d’un allié politique », sans en dire plus sur ce que cette évolution peut signifier pour l’Inde…35
28Le jeu se complexifie donc, la realpolitik définissant les choix des uns et des autres, sans que les affiliations idéologiques ou religieuses déterminent nécessairement les positions diplomatiques. Les implications de la question du Cachemire sur le triangle Inde, Pakistan, pays du Golfe en témoignent.
IV. La question du Cachemire et le triangle Inde, Pakistan pays du Golfe
- 36 L’un d’eux raconta plus tard cette aventure : Major General (Rtd) Muhammad Akbar Khan, Raiders in K (...)
29La question du Cachemire est centrale dans les relations indo-pakistanaises, et elle informe aussi, pour partie, la relation entre Pakistan et pays du Golfe. Au lendemain de la partition de 1947, les États princiers, intégrés jusque-là au British Raj, devaient choisir de se rallier à l’un des deux nouveaux pays. A la tête d’un des plus grands de ces États, le maharaja du Cachemire, souverain hindou régnant sur un territoire à très forte majorité musulmane, jouxtant à la fois l’Inde et le Pakistan nouvellement indépendants, chercha à préserver son statut, alors même que divers mouvements s’opposaient à son règne autocratique. Menacé par des milices venues du Pakistan, encadrées par quelques officiers pakistanais en civil36 et marchant vers sa capitale Srinagar, le maharaja se résolut à demander secours à l’Inde, qui accepta d’envoyer ses forces pour bloquer l’avancées des milices, sous réserve que le maharaja signe un acte d’accession à l’Inde, pour légitimer l’intervention : ce qu’il fit, sans que sa décision ne soit jamais reconnue par le Pakistan. Les forces indiennes bloquèrent l’avancée des milices, plus tard doublées par des forces pakistanaises. Une ligne de cessez-le-feu fut décidée en janvier 1949, sous l’égide de l’ONU.
30De multiples résolutions onusiennes appelèrent, dans les années cinquante, à régler la question par un référendum, après le départ des milices et des forces pakistanaises de l’ancien État princier. Sans effet, le Pakistan ne retirant pas ses troupes, et l’Inde se détournant bientôt du principe d’un référendum, pour trouver un accord avec la Conférence nationale, parti cachemiri dont le leader accéda un temps au pouvoir à Srinagar, tandis que la Conférence musulmane, autre mouvement cachemiri, anti-indien celui-là, allait amener à la création d’un territoire sous contrôle pakistanais baptisé ‘Azad Jammu and Kashmir’ (le « Jammu et Cachemire libre »), en réalité sous tutelle pakistanaise. Les « Territoires du Nord », reste de l’État princier sous contrôle pakistanais furent rebaptisés Gilgit Baltistan en 2009 : ils sont toujours sous la tutelle d’Islamabad. En 1965 une nouvelle poussée pakistanaise déclencha la seconde guerre au Cachemire, sans effet : la ligne de cessez-le feu de 1949 devint la Ligne de contrôle. Une troisième guerre advint, brève aussi, en 1971, contrecoup himalayen de la guerre de sécession du Pakistan oriental devenu Bangladesh grâce à l’intervention militaire indienne. Un quatrième conflit se déroula en 1999 le long de la Ligne de contrôle, un an après la nucléarisation officielle de l’Inde et du Pakistan.
31La situation se compliqua à compter de 1989-90 quand une insurrection se déclencha au Jammu et Cachemire indien : un mouvement d’abord cachemiri, bien vite relayé par des groupes jihadistes pakistanais, instrumentalisés largement par l’armée pakistanaise. L’Inde, au fil des ans, dénonça un « terrorisme transfrontalier », le Pakistan dénonçant une « occupation indienne » coupable de violer les droits de l’homme dans sa répression de l’insurrection. Une situation enlisée, les quelques tentatives de dialogues se soldant par des échecs, souvent après un attentat terroriste.
- 37 Pour un ouvrage de référence récent sur la question du Cachemire, voir Sumantra Bose, Kashmir at th (...)
32La tension s’accrut en 2019, quelques mois après la réélection de Narendra Modi en Inde. Fort d’une majorité élargie au Parlement, le gouvernement décida alors de changer le statut du Cachemire, en révoquant, par un vote du Parlement indien (et non de l’Assemblée du Jammu et Cachemire alors dissoute) l’article 370 de la Constitution indienne qui accordait, fut-ce à titre provisoire, des marges d’autonomie peu à peu grignotées au territoire administré par l’Inde. Pis, l’État du Jammu et Cachemire fut rétrogradé au statut de ‘Territoire de l’Union’, sous la tutelle directe de New Delhi, la partie orientale de l’État, le Ladakh, à majorité bouddhiste et chiite, en étant détachée pour devenir elle aussi un Territoire de l’Union, frontalier avec la Chine qui s’était appropriée dans les années 60 le plateau transhimalayen de l’Aksai Chin, revendiqué par l’Inde comme la totalité de l’ancien État princier du maharaja.37
- 38 AFP. « Pakistan PM says world inaction on Kashmir like appeasing Hitler », Arab News, 11 avril 2019 (...)
- 39 Huma Yusuf, « A wide gulf », Dawn, 9 septembre 2019. www.dawn.com
33S’il y eut un consensus au Pakistan pour condamner cette décision du gouvernement Modi et la répression de toute contestation au Cachemire, le Premier ministre pakistanais Imran Khan, à la tête d’un nouveau parti arrivé au pouvoir en 2018, se lança dans une dénonciation virulente de la politique indienne au Cachemire, comparant l’Association des volontaires de la nation, le RSS, la matrice idéologique et militante du nationalisme hindou, au suprémacisme nazi, et accusant la communauté internationale d’une inaction rappelant celle qui accueillit la montée en puissance de Hitler.38 Une attention particulière se porta vers l’Organisation pour la Coopération Islamique, basée à Djeddah, qu’Imran Khan entendait mobiliser. L’OCI se contenta de déclarations de son groupe de contact sur le Cachemire, et de sa commission des droits humains. Les pays du Golfe, l’Arabie saoudite au premier chef, adoptèrent une posture discrète. Soulignant que quelques jours après le changement de statut du Cachemire, Saudi Aramco, le major saoudien du pétrole, annonçait un investissement de 15 milliards de dollars chez un partenaire indien, tandis que Narendra Modi recevait un peu plus tard l’Ordre de Zayed, la plus haute distinction émiratie, une observatrice pakistanaise ne pouvait que constater l’isolement du Pakistan dans la région sur la question du Cachemire, mais aussi, plus largement, la nouvelle donne géopolitique , « amoindrissant la valeur du Pakistan comme partenaire stratégique du Conseil de Coopération du Golfe ».39
- 40 Sur les tensions entre Pakistan et Arabie saoudite consécutives à l’évolution du statut du Cachemir (...)
34A l’inverse, la Turquie, l’Iran et la Malaisie critiquèrent l’initiative indienne. Les choses prirent un tour plus tendu lorsque le premier ministre malaisien Mahathir Mohamad convoqua en décembre 2019 un sommet islamique à Kuala Lumpur pour traiter de toutes les questions affectant le monde musulman —dont le Cachemire. Y participèrent entre autres le président turc, le président iranien et l’émir du Qatar. Imran Khan aurait évidemment souhaité faire de même, mais Riyad vit d’un très mauvais œil l’initiative de Mahathir, qui semblait vouloir concurrencer l’OCI, sous tutelle saoudienne, et le Premier ministre pakistanais renonça au voyage. Dans les mois qui suivirent, le mécontentement pakistanais s’accrût, faute de voir l’OCI se saisir avec vigueur du dossier cachemiri. En août 2020, las de ces tergiversations, le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Mahmoud Qureishi, lança un avertissement : si l’OCI n'organisait pas de réunion sur le Cachemire, « je serais contraint de demander au Premier ministre Imran Khan d’inviter tous les pays islamiques prêts à se ranger à nos côtés sur la question du Cachemire et à soutenir les Cachemiris opprimés. »40
- 41 Shahbaz Rana, « China again bails out Pakistan to pay Saudi debt », The Express Tribune, 13 décembr (...)
35En octobre 2019, trois mois après la révocation du statut du Cachemire, le royaume saoudien avait accueilli le Premier ministre indien en hôte d’honneur du forum ‘Future Investment Initiative’, dit ‘Davos du désert’, organisé —avec une forte participation américaine— pour conforter la Vision 2030. Près d’un an plus tard, l’admonestation pakistanaise fut fort mal reçue par Riyad, qui suspendit alors un prêt sans intérêt d’un milliard de dollars consenti au Pakistan en 2018, et des livraisons de pétrole à paiement retardé. Les tensions inédites entre les deux pays se dissiperont en partie après la visite du chef d’état-major pakistanais en Arabie saoudite, le 17 août 2020, officiellement pour une visite portant sur les relations militaires bilatérales. Mais le Pakistan dut aussi se tourner vers la Chine en décembre 2020 pour l’aider à rembourser à l’Arabie saoudite deux tranches de un milliard de dollars de prêts obtenus de Riyadh à conditions avantageuses. 41
- 42 « Islamabad Declaration. 48th Session of OIC Council of Foreign Ministers’ Partnering for Unity, Ju (...)
- 43 Pakistan Ministry of Foreign Affairs, « Joint Statement between the Kingdom of Saudi Arabia and the (...)
- 44 Sajid Ullah, « Pakistan and the OIC », The Nation, 17 mars 2023. www.nation.com.pk
36Les tensions s’atténuèrent entre Riyad et Islamabad avec le retour des talibans au pouvoir. Après la chute de Kaboul le 15 août 2021 et la restauration de l’Émirat islamique d’Afghanistan — en liens réguliers avec le Qatar, où le bureau politique des talibans s’était établi pour négocier avec les Américains—, le Pakistan retrouva un meilleur statut aux yeux de Riyad, comme intermédiaire naturel avec le régime taliban. Un compromis fut trouvé en décembre 2021, quand l’OCI organisa à Islamabad une réunion consacrée à l’Afghanistan, puis, encore à Islamabad, en mars 2022, une autre rencontre où la question cachemirie donna lieu à une déclaration satisfaisant le Pakistan en reprenant ses points clés : « solidarité inébranlable avec le peuple du Jammu-et-Cachemire », « droit inaliénable à l’autodétermination », et condamnation « des violations massives des droits humains au Jammu-et Cachemire illégalement occupé par l’Inde ».42 Quelque temps plus tard, Imran Khan perdait le pouvoir au Parlement. Son successeur Shehbaz Sharif en effectuant son premier voyage officiel à l’étranger en Arabie saoudite, renouvela la rhétorique des « relations islamiques fraternelles » entre les deux pays. Alors que des promesses d’aides financières considérables furent avancées par Riyad, la déclaration bilatérale qui conclut le voyage du Premier ministre pakistanais fut, sur la question du Cachemire, d’une tout autre teneur que celle de l’OCI : « Les deux parties soulignent l’importance du dialogue entre le Pakistan et l’Inde afin de résoudre les problèmes entre les deux pays, particulièrement la question du Jammu-et-Cachemire, afin d’assurer paix et stabilité dans la région ».43 Mais Islamabad, qui présidait alors l’OCI, n’en abandonna pas pour autant le dossier Cachemire : en décembre 2022, le Secrétaire général de l’organisation, et les membres du groupe de contact dédié étaient invités dans la partie du Cachemire contrôlée par le Pakistan « pour prendre note de la situation » et condamner la politique indienne, la lutte contre l’islamophobie étant aussi abordée.44
Conclusion : un subtil jeu diplomatique
- 45 Dipanjan Roy Chaudhury, « Oman Navy Chief visits India eyeing defence procurement and additional tr (...)
- 46 OIC, Report of the meeting of the Contact group on Jammu and Kashmir in the sidelines of the 49th s (...)
37L’intensification des relations de tous ordres entre l’Inde et les pays du Conseil de Coopération du Golfe touche à de multiples domaines : énergie, migration, sécurité et défense, agro-business et sécurité alimentaire, investissements, espace, etc... Si l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont les partenaires majeurs de New Delhi dans la région, ils ne sont pas les seuls : Narendra Modi a visité le Qatar en 2016, mais aussi Oman en 2018, et désormais la marine indienne dispose de facilités dans le port de Duqm, alors que le chef de la marine d’Oman était en visite en Inde en 2022 pour discuter armement et formation.45 Le statut de l’Inde, devenue la cinquième puissance économique du monde en 2019 est loin d’égaler celui de la Chine, mais il offre aux pays du Golfe des opportunités multiples. Dans ce contexte, la question du Cachemire et la politique du nationalisme hindou vis-à-vis de la minorité musulmane n’impactent pas vraiment les relations bilatérales, les États du Golfe laissant dans une large mesure l’OCI gérer ces dossiers.46 Mais parfois, les choix relèvent des États eux-mêmes : l’Arabie saoudite a ainsi répondu à l’appel du Pakistan à boycotter (comme la Chine ou la Turquie) les réunions du G20 organisées par l’Inde au Ladakh sur la jeunesse et au Cachemire sur le tourisme, en avril et mai 2023, mais c’étaient là des thématiques secondaires, entre les réunions des ministres des finances puis ceux des affaires étrangères, en février et mars, et le sommet des chefs d’État et de gouvernement, prévu en septembre.
- 47 « India: diplomatic storm over BJP staff insult of Prophet Muhammad », Al Jazeera, 7 juin 2022 www. (...)
- 48 The Hindu Bureau, « Reflect anti-India agenda. India slams OIC for its comments on Ram Navami viole (...)
38Sur le fond, aujourd’hui, le Pakistan en crise économique et financière aiguë a besoin de l’aide des « pays frères », tandis que l’Inde, elle, offre à ces mêmes pays des opportunités multiples. L’islamophobie à l’œuvre en Inde peut créer des irritations, quand une porte-parole du BJP parle de façon inconsidérée du Prophète et de son épouse (elle fut aussitôt démise de ses fonctions)47, ou quand des militants du nationalisme hindou cultivent les provocations à l’encontre des quartiers musulmans en conduisant des processions célébrant des fêtes hindoues.48 Reste que, pour l’essentiel, les pays du Conseil de Coopération du Golfe (comme les Etats-Unis du reste) ont désormais rejeté le jeu à somme nulle qui voulait que toute action positive envers l’Inde soit vue comme négative pour le Pakistan, et vice versa.
- 49 Touquir Hussain, «Foreign policy choices », Dawn, 9 avril 2023. www.dawn.com
- 50 C. Raja Mohan, « New India Finds an Old Role in a Changing Middle East », Foreign Policy, 29 octobr (...)
39Pour le Pakistan, c’est un élément de plus qui appelle à revoir la politique étrangère d’Islamabad qui, suggère un ancien ambassadeur pakistanais, doit prendre en compte les réalités du nouvel ordre mondial en gestation : « Les pays ne changent pas de loyauté, ils les multiplient. Mais la politique étrangère du Pakistan bat toujours au rythme d’un monde éteint ». À Islamabad, ajoute-t-il, de se saisir des opportunités offertes tant par la médiation chinoise entre Iran et Arabie saoudite, que par la politique américaine en Indo-Pacifique, qui toutes les deux concernent, en tout ou en partie, la région du Golfe.49 Quant à l’Inde, elle redécouvre clairement ses voisins arabes : le mouvement, entamé dans les années 1990-2000 s’est intensifié sous Narendra Modi. Replaçant les évolutions d’aujourd’hui dans le cadre historique évoqué au début de ce texte, l’analyste indien C. Raja Mohan souligne que « la nouvelle Inde retrouve son ancien rôle dans un Moyen Orient en mouvement » 50 : la parenthèse post-coloniale est close, et le pays renoue les liens anciens entre les deux rives de la mer d’Arabie, non plus comme base essentielle de l’Empire britannique, « mais avec son propre agenda », qui touche à de très nombreux domaines, au-delà des questions énergétiques et migratoires, comme le montre entre autres le nouveau quad I2U2. C’est bien « la logique de la géographie indienne » qui retrouve ses droits, au-delà des convictions du nationalisme hindou. En d’autres termes, l’idéologie ne fait pas tout. Comptent aussi les intérêts économiques, et la realpolitik.
Notes
1 Le recensement décennal prévu en 2021 en Inde a été retardé à cause de la pandémie du Covid. Selon les estimations en cours, le pays va dépasser la Chine en 2023, et compterait en avril 2023 1,418 milliard d’habitants, dont environ 220 millions de musulmans. Au Pakistan, le septième recensement est conduit en mars-avril 2023, seize ans après le précédent. La population est estimée à 233 millions d’habitants, de confession musulmane à 96%, dont entre 10 et 15% de chiites. Les Ahmadis, qui ne reconnaissent pas la finalité du prophète Mohammed, ont été exclus de l’Islam par les autorités pakistanaises en 1974.
2 Prince Turki Al Faisal al Saud, The Afghanistan Files, Cowes, Arabian Publishing, 2021. Le prince dirigea les services de renseignement saoudiens de 1978 à 2001, et fut à ce titre un acteur clé de la politique afghano-pakistanaise du Royaume.
3 Le mouvement deobandi est un mouvement sunnite revivaliste, apparu au XIXè siècle autour de la madrassa Darul Uloom dans la ville de Deoband, en Inde du nord. Le mouvement se revendique de l’école Hanafi. Nombre de talibans afghans ont été formés dans des madrassas déobandies pakistanaises.
4 Government of Pakistan. Ministry of Overseas Pakistanis and Human Resource Development. Yearbook 2020-21, Islamabad. Table 1. www.pphrd.gov.pak.
5 Government of Pakistan. Bureau of Emigration & Overseas Employment (HQ), Annual Analysis of Manpower Export, 2019. Islamabad. Tableaux 2.3, 2.8, 6.1 et 6.2. https://beoe.gov.pak
6 Kurshid Ahmed, « Statistics reveal Pakistan received more than 54% remittances from the Gulf region in 2022 », Arab News, 23 décembre 2022. www.arabnews.pk. Les chiffres sont ceux de la State Bank of Pakistan. Il faudrait sans doute y ajouter une part croissante qui transite hors des canaux officiels.
7 Sur la politique d’aide des pays du Golfe et sur ses objectifs diplomatiques voir Hashan al-Hasan et al., « Gulf Bailout Diplomacy : Aid as Economic Statecraft in a Turbulent Region », research paper, Manama, International Institute for Strategic Studies, 17 novembre 2022. www.iiss.org
8 « Crude Petroleum in Pakistan ». Observatory of Economic Complexity, consulté le 20 avril 2023. https://oec.world/en/profile/bilateral-product/crude-petroleum/reporter/pak
9 Government of Pakistan, Pakistan Economic Survey 2021-22, Islamabad, p. 264
10 Voir par exemple dans ce numéro Antia Mato Bouzas, « Political entanglement between Pakistan and Kuwait : the transnational figuration of migration, development and charity ».
11 Arhama Siddiqa, « Pakistan-GCC Relationship: Reframing Policy Trajectories », Strategic Studies, Institute for Strategic Studies Islamabad, n°1-2021, pp. 87-102
12 Mujib Mashal, «Pakistan troops aid Bahrain’s crackdown », Al Jazeera, 30 juillet 2011. www.aljazeera.com
13 Asad Hashim, « Pakistan Parliament backs neutrality in Yemen conflict », Al Jazeera, 10 avril 2015. www.aljazeera.com
14 Ehtesham Shahid, « Unravelling the mystery over ‘Muslim NATO’ chief Raheel Sharif, Al Arabiya, 18 février 2017 https://english.alarabiya.net
15 « Islamic Military Counter Terrorism Coalition holds workshop in Riyad », Arab News, 12 février 2023. https://arabnews.com
16 Athar Bhukari & Syed Adnan, « The Islamic Military Alliance against Terrorism: Efficacity and Challenges », Pakistan Journal of Peace and Conflict Studies, Vol. 2, n°1, 2017, pp 59-69
17 Bruce Riedel, « A Pakistani general steps into the middle of the Iran-Saudi firestorm », The Brookings Institution, 10 mai 2017. www.brookings.edu
18 Asad Hashim, « On Qatar, Pakistan walks a diplomatic tightrope », Al Jazeera, 9 juin 2017.
19 Pour replacer cette politique des années 1990 dans le contexte plus général des relations entre Inde et Moyen Orient, voir Jean-Luc Racine, « l’Inde et l’Asie de l’Ouest : un nouvel horizon », in J.L. Racine (dir), L’Inde et l’Asie. Nouveaux équilibres, nouvel ordre mondial, Paris, CNRS Éditions, 2009, pp. 66-86
20 Au sein de la diaspora, les autorités indiennes distinguent les Indiens non-résidents (NRI = citoyens indiens) des « personnes d’origine indienne », qui n’ont pas de passeport indien, le pays n’acceptant pas la double nationalité. Les données fournies ici sont celles des citoyens indiens. Mais des personnes ayant acquis la nationalité de leur pays d’accueil peuvent jouer un rôle considérable dans la diaspora, aux Etats-Unis ou au Royaume Uni par exemple. Dans les pays du Golfe, leur part est minime : 15 000 personnes en 2018. Source : Ministry of External Affairs, New Delhi, https://mea.gov.in>attach>NRIs-and-PIOs_1.pdf . Des sources privées avancent des chiffres plus élevés pour les NRI. L’association ‘Non Resident Indians On Line’, basée à Washington, donne ainsi pour les six pays du Golfe le chiffre de 10 millions de NRI, dont 4,5 pour l’Arabie saoudite et 3,5 pour les Émirats. https://nriol.com
21 Karishma Nandkeolyar, « Remittances to India reaches historical high », Gulf News, 26 janvier 2023. https://gulfnews.com
22 Government of India, Economic Survey 2022-23, p. 328. www.Indianbudget.gov.in/economicsurvey
23 Government of India, Economic Survey 2022-23. Statistical Annexures, table 6.4 (A), p. 127.
24 La part des pays du Golfe dans les importations de pétrole brut par l’Inde baisse en effet, New Delhi se tournant de façon inédite vers la Russie, qui lui vend du pétrole à moindre prix, et qui devient son principal fournisseur : la part de la Russie est passée de 2% en 2021 à 20% en 2022 et 27 % en Février 2023. « India’s oil trade has undergone a seismic shift », Mint, 9 mai 2023. www.livemint.com
25 Editorial Team, « A showcase of India’s Top 10 Trade Partners », Cogoport Global Trade Platform, 6 juillet 2022, www.cogoport.com
26 Naina Bhardwaj, « India’s Trade and Investment Ties with the Gulf Cooperation Council (GCC) », India Briefing, 31 janvier 2023. www.india-briefing.com
27 L’Inde a par ailleurs conduit en juin 2023 ses premiers exercices conjoints avec la marine des Émirats (et la marine française).
28 Government of India. Prime Minister Office. « India Saudi Arabia Joint Statement during the State Visit of His Royal Highness the Crown Prince of Saudi Arabia to India », 20 février 2020. https://pib.gov.in
29 United Arab Emirates, Ministry of Economy, « UAE-India Comprehensive Economic Agreement » (mis à jour le 21 avril 2023), www.moec.gov.ae
30 The White House, « Joint Statement of the Leaders of India, Israel, United Arab Emirates, and the United States (I2U2) », 14 juillet 2022. www.whitehouse.gov
31 Navdeep Puri & Kabir Taneja (eds), I2U2. Pathways for a New Multilateral. New Delhi, Observer Research Foundation, 2023. p.5
32 Pakistan Ministry of Foreign Affairs, « Pakistan welcomes the normalisation of diplomatic relations between Saudi Arabia and Iran », Press release, 10 mars 2023. https://mofa.gov.pak
33 Qasim Moini, « What the Saudi-Iran deal means for geopolitics », Dawn, 22 avril 2023. www.dawn.com
34 Indian Ministry of External Affairs, « Transcript of the Weekly Press Briefing by the Official Spokesperson », 16 mars 2023. https://mea.gov.in/media-briefings.htm
35 Lakshmi Priya, « Significance of the Saudi-Iran Deal », New Delhi, Indian Council of World Affairs, 16 mars 2023. www.icwa.in
36 L’un d’eux raconta plus tard cette aventure : Major General (Rtd) Muhammad Akbar Khan, Raiders in Kashmir, Lahore, Jang Publishers, 1992.
37 Pour un ouvrage de référence récent sur la question du Cachemire, voir Sumantra Bose, Kashmir at the Crossroads. Inside a 21st-Century Conflict, New Haven, London, Yale University Press, 2021.
38 AFP. « Pakistan PM says world inaction on Kashmir like appeasing Hitler », Arab News, 11 avril 2019. www.arabnews.com
39 Huma Yusuf, « A wide gulf », Dawn, 9 septembre 2019. www.dawn.com
40 Sur les tensions entre Pakistan et Arabie saoudite consécutives à l’évolution du statut du Cachemire, voir Jean-Luc Racine : « Turbulences dans les relations entre le Pakistan et l’Arabie saoudite », Orient XXI, 21 juillet 2022. https://orientxxi.info (versions anglaise et arabe disponibles).
41 Shahbaz Rana, « China again bails out Pakistan to pay Saudi debt », The Express Tribune, 13 décembre 2020. https://tribune.com.pk
42 « Islamabad Declaration. 48th Session of OIC Council of Foreign Ministers’ Partnering for Unity, Justice and Development’ », Organisation of Islamic Countries, § 26, 23 mars 2022. www.oic-oci.org
43 Pakistan Ministry of Foreign Affairs, « Joint Statement between the Kingdom of Saudi Arabia and the Islamic Republic of Pakistan. 27/09/1443H » (30 avril 2022). https://mofa.gov.pak
44 Sajid Ullah, « Pakistan and the OIC », The Nation, 17 mars 2023. www.nation.com.pk
45 Dipanjan Roy Chaudhury, « Oman Navy Chief visits India eyeing defence procurement and additional training slots ». The Economic Times, 13 février 2022, https://economictimes.indiatimes.com
46 OIC, Report of the meeting of the Contact group on Jammu and Kashmir in the sidelines of the 49th session of the Council of Foreign Ministers, Nouakchott, 16 mars 2023. OIC/CFM-49/2023/CG-J&K/ Final. Report
47 « India: diplomatic storm over BJP staff insult of Prophet Muhammad », Al Jazeera, 7 juin 2022 www.aljazeera.com
48 The Hindu Bureau, « Reflect anti-India agenda. India slams OIC for its comments on Ram Navami violence », The Hindu, 4 avril 2023. www.thehindu.com
49 Touquir Hussain, «Foreign policy choices », Dawn, 9 avril 2023. www.dawn.com
50 C. Raja Mohan, « New India Finds an Old Role in a Changing Middle East », Foreign Policy, 29 octobre 2021. https://foreignpolicy.com
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Référence électronique
Jean-Luc Racine, « Le Pakistan, l’Inde et les pays du Conseil de Coopération du Golfe : idéologies, géopolitique et realpolitik », Arabian Humanities [En ligne], 17 | 2023, mis en ligne le 01 juillet 2023, consulté le 29 septembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/cy/9982 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cy.9982
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