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2023
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Vers une trame verte et bleue urbaine opérationnelle : approche typo-morphologique et urbanistique valorisée via un WebGIS sur le bassin transfrontalier de la Sambre

Towards an operational urban green and blue framework: A typo-morphological and urbanist approach valorized through a WebGIS on the cross-border Sambre watershed
Hacia una infraestructura de red urbana verde y azul operacional : enfoque tipo-morfológico y urbanístico valorizado a partir de una WebGIS en la cuenca transfronteriza del Sambre
Alexandre Leclercq, Coraline Berger, Martin Grandjean, Fiorella Quadu et Yves Hanin

Résumés

Au cours de ces cinquante dernières années, les espaces végétalisés en milieu urbain ont connu de profondes mutations, tant au niveau de leurs fonctions que de leur organisation spatiale. Ces évolutions témoignent d’un intérêt croissant pour le maintien ou la reconstitution de continuités écologiques via des démarches territoriales telles que les trames vertes et bleues. L’opérationnalisation de telles trames au sein de milieux urbanisés fait cependant face à un double enjeu, à savoir un manque de connaissances et de données spatialisées permettant d’éclairer les politiques publiques et de stimuler la sensibilisation citoyenne. L’article met en avant une démarche expérimentée au sein du territoire transfrontalier franco-belge du bassin de la Sambre. En réponse au manque de données géoréférencées, nous avons élaboré une méthodologie exploratoire fondée sur une approche typo-morphologique et urbanistique des îlots végétalisés, avec pour objectif d’identifier les diverses catégories d’espaces verts privés et d’analyser leur rôle potentiel de support à la déclinaison locale de la trame verte et bleue. Cette méthode a permis l’élaboration d’un WebGIS spécifique ayant pour vocation de constituer un outil d’aide à la connaissance territoriale à destination des acteurs opérationnels et des citoyens présents de part et d’autre de la frontière. La démarche présentée ici offre donc aux acteurs urbains un regard nouveau sur le territoire à l’échelle transfrontalière, utile à la mise en œuvre d’un réseau de la nature cohérent et résilient en contexte urbain ou artificialisé et profitable aux synergies nécessaires à la production urbaine.

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Texte intégral

Introduction

1La biodiversité est en déclin à l’échelle mondiale et la fragmentation élevée des habitats naturels en est une des causes majeures. Au sein et à proximité directe des milieux urbanisés, ce constat semble exacerbé par l’artificialisation et les multiples pollutions anthropiques rencontrées (sol, eau, air, lumineuse, olfactive et sonore) (Piano et al., 2019).

2Afin d’enrayer ce phénomène, le concept de réseau écologique est apparu et a donné lieu à l’adoption de directives et de stratégies au sein de l’Union européenne. Parmi ces dernières, la stratégie pour les infrastructures vertes adoptée en 2013 encourage la mise en place d’un réseau interconnecté d’espaces porteurs de biodiversité et mise sur une approche intégrée et écosystémique du développement territorial (planification stratégique, urbanisme, etc.). Elle amène notamment à se questionner sur trois points fondamentaux : la multifonctionnalité, la structuration et l’opérationnalisation de ce réseau dans les territoires fortement artificialisés.

3La multifonctionnalité repose aujourd’hui en grande partie sur la mise en valeur des espaces végétalisés et de leurs nombreux services écosystémiques en milieu urbain (services culturels, d’approvisionnement et régulation environnementale) (Clergeau, 2012). Parallèlement aux intérêts écologiques, cette mise en valeur fait ressortir une série d’intérêts sociétaux (prépondérant au sein des milieux urbanisés) tels que l’amélioration de la qualité de vie, le renforcement de l’image territoriale en tant que support au développement économique, la régulation des risques, la limitation des nuisances (inondations, pollution lumineuse et sonore, etc.).

4En termes de structuration, il s’agit aujourd’hui de dépasser la simple organisation monofonctionnelle du territoire et de renforcer les synergies entre espaces interconnectés. Pour y parvenir, la mise en place d’une trame verte et bleue au sein du territoire amène une organisation spatiale optimisée suivant une approche écosystémique des lieux. La volonté, outre l’ambition de préserver et reconstituer un réseau de continuités écologiques terrestres et aquatiques, est de favoriser les effets d’entraînements positifs entre les intérêts écologiques et sociétaux.

5Découlant des deux points précités, une évolution est également observée en matière d’opérationnalisation et de modalités d’organisation territoriale. Historiquement, les espaces végétalisés étaient transposés au sein du territoire sous la forme d’espaces clairement délimités à l’aide d’une approche zonale caractérisée par des critères territoriaux de proximité et de superficie. Il est ici question d’espaces végétalisés, d’espaces interstitiels, de zones vertes, etc. qui reflètent un mode d’organisation planologique du territoire axé sur des échelles prédéterminées. Par la suite, une délimitation floue et imbriquée s’est imposée à l’aide d’une approche réticulaire fondée essentiellement sur des critères territoriaux de connectivité. Sémantiquement, il s’agit de trames vertes et bleues, de maillages écologiques, de réseaux écologiques, de liaisons écologiques, etc. En résulte un mode d’organisation schématique du territoire empreint de leviers d’actions à plusieurs niveaux qui, par ailleurs, peuvent entraîner une démarche bottom-up des interventions sur le territoire (Toublanc, Bonin, 2012).

  • 1 L’émulation citoyenne se définit comme une démarche et une dynamique d’information, de sensibilisat (...)

6Au vu de ces évolutions, trois enjeux en matière de stratégie et d’opérationnalisation peuvent être identifiés. Le premier enjeu est lié à la gestion des échelles, elles-mêmes inhérentes aux multiples déclinaisons de la trame verte et bleu au sein du territoire (Canard et al., 2016). Cette logique multiscalaire découle des besoins spécifiques des espèces (niches écologiques) et interpelle quant à la mise en œuvre concrète d’un nombre infini de trames sur le territoire. Un deuxième enjeu concerne l’émulation citoyenne1 et la coordination des actions locales issues des processus bottom-up (Vimal, 2010 ; Charvolin et al., 2011 ; Consalès et al., 2012 ; Glatron et al., 2012 ; Rouadjia, 2017). Enfin, le dernier enjeu est quant à lui relatif à l’équilibre des fonctions au regard des objectifs poursuivis et des spécificités du territoire. En effet, l’avènement du rôle écologique garant de la biodiversité n’en réduit pas moins les fonctions historiques des espaces végétalisés (esthétisme, hygiénisme), ce qui amène à s’interroger sur leur nécessaire équilibrage.

7Cette multiplication d’espaces, d’intérêts, d’échelles et d’enjeux rend complexe l’émergence d’une trame verte et bleue partagée au sein du territoire. Pour s’émanciper de ce constat, une démarche simplificatrice s’avère dès lors nécessaire (Tzoulas, James, 2010), tout comme la mise en place d’outils d’aide à la connaissance utiles à la gestion intégrée des lieux ainsi qu’à l’émulation citoyenne.

8En pratique, cette démarche simplificatrice se traduit généralement par l’élaboration d’une cartographie des trames vertes et bleues sur la base de l’occupation du sol. L’exercice est néanmoins plus ardu en milieu urbanisé, car cette approche méthodologique se confronte souvent à un manque de données géoréférencées, pourtant nécessaires à la constitution d’une connaissance territoriale spécifique et pertinente à l’échelle locale. Il en résulte des milieux urbanisés souvent représentés sous la forme d’une barrière écologique à part entière. Cependant, et tenant compte des intérêts liés à la déclinaison d’une telle trame en milieu urbain, une connaissance territoriale fine s’avère primordiale. Outre ce constat, se pose également la question de la traduction de cette trame en actions concrètes à l’échelle parcellaire (Consalès et al., 2012). En d’autres termes, comment passer d’une trame verte et bleue stratégique à une trame verte et bleue opérationnelle ?

9C’est dans ce cadre qu’une méthodologie a été développée. Elle vise à construire une base commune d’information destinée aux acteurs du développement territorial et à objectiver et améliorer l’organisation spatiale de la trame verte et bleue en milieu urbain.

10Cette méthodologie ainsi que sa mise en valeur par un WebGIS ont été testées au sein du territoire transfrontalier de la Sambre tenant compte d’une série de lacunes clairement identifiées telle que (i) l’absence d’une cartographie harmonisée sur les habitats naturels pouvant être interprétée au niveau local et régional, (ii) le manque de données sur les espaces végétalisés au sein des milieux urbanisés, (iii) l’absence d’approches analytiques communes mettant en évidence les spécificités et potentialités du territoire ainsi que la cohérence transfrontalière de la trame verte et bleue esquissée.

11Considérant ces différents enjeux et questionnements, l’article présente dans un premier temps le territoire d’étude, à savoir le bassin de la Sambre franco-belge, en mettant en évidence ses spécificités transfrontalières ainsi que ses principaux défis territoriaux qui entrent en résonnance avec la mise en place d’une trame verte et bleue en milieu urbanisé.

12Dans un deuxième temps, une méthodologie exploratoire visant à contrebalancer le manque de données géoréférencées utiles à l’élaboration d’une telle trame est exposée. Cette dernière se base sur une approche typo-morphologique et urbanistique et illustre géographiquement les types d’espaces verts privés en tant que support éventuel à la déclinaison de la trame verte et bleue en milieu urbanisé.

13Dans un troisième temps, un WebGIS reprenant la typologie est présenté. Ce dernier, développé à l’échelle du territoire d’étude, se présente comme un outil qui facilite la prise en compte des atouts du territoire en faveur de l’émergence et de l’opérationnalisation d’un tel réseau en milieu urbanisé.

14Plusieurs résultats exemplatifs de l’usage de l’outil sont ensuite exposés ainsi que les perspectives et les limites de la démarche en guise de conclusions.

Territoires, échelles et trames transfrontalières : le cas du bassin de la Sambre franco-belge

15Le territoire étudié s’inscrit dans une coopération transfrontalière traitant de la trame verte urbaine initiée par le projet Interreg TVBuONAIR. Le périmètre d’étude s’est dès lors limité au fond de vallée urbanisé transfrontalier du bassin sambrien franco-belge afin d’en assurer la cohérence éco-géographique. Ainsi, le périmètre d’étude regroupe 22 communes françaises (dont Maubeuge et Jeumont) et 5 communes belges (Thuin, Lobbes, Montigny-le-Tilleul, Erquelinnes, Merbes-le-Château).

Figure 1 : Délimitation du périmètre d'étude et occupation du sol par CORINE LAND COVER du bassin de la Sambre franco-belge

Figure 1 : Délimitation du périmètre d'étude et occupation du sol par CORINE LAND COVER du bassin de la Sambre franco-belge

CREAT-UCLouvain, 2017

16Région historiquement peuplée et présentant des densités de population variables d’une commune à l’autre, le bassin transfrontalier de la Sambre présente également une configuration territoriale complexe et multiple caractérisée par une structure christallérienne linéaire de part et d’autre de Maubeuge, du côté français, et une structure polycentrique et orientée vers Charleroi du côté belge. Si ces structures présentent des différences de part et d’autre de la frontière, elles sont toutes deux axées et orientées sur le bassin sambrien, la Sambre agissant donc comme un axe structurant historique et robuste du développement territorial de la région.

17Cette caractéristique structurelle se traduit également en termes d’occupation et d’utilisation du sol. Les milieux urbanisés occupent 14,7 % du territoire transfrontalier et se concentrent majoritairement dans le fond de vallée sous forme de conurbation du côté français et d’urbanisation diffuse du côté belge. Les réseaux de communication sont également assez denses et agissent tantôt comme vecteur de la fragmentation des espaces naturels et tantôt comme corridor écologique potentiel. Quant aux milieux naturels, ils assurent un rôle essentiel dans le maintien de la biodiversité et se caractérisent essentiellement par :

  • des prairies (± 30 % du territoire) à caractère bocager, dont 51 % de leurs lisières jouxtent directement des zones urbanisées ;

  • des bois (± 18 % du territoire), dont 7,5 % des lisières jouxtent directement des zones urbanisées ;

  • des zones humides (± 1 % du territoire), dont 43 % de leurs superficies sont situés à moins de 100 mètres d’un cours d’eau.

Figure 2 : prise de vue à Merbes-le-Château (2018)

Figure 2 : prise de vue à Merbes-le-Château (2018)

Figure 3 : prise de vue à Jeumont (2018)

Figure 3 : prise de vue à Jeumont (2018)

CREAT-UCLouvain, 2018.

18Il en résulte une dichotomie territoriale forte entre les milieux urbanisés et les milieux naturels au sein du territoire transfrontalier de la Sambre, qui présage une concentration des nuisances anthropiques sur les espaces naturels et un manque d’espaces de transition écologique entre ces milieux et en particulier le long de la Sambre.

19En résumé, le réseau écologique du bassin nord de la Sambre franco-belge apparaît comme un espace fortement fragmenté (TVBuONAIR, 2018) et modelé par des caractéristiques territoriales spécifiques telles qu’une densité de population élevée, une urbanisation soutenue du territoire, une disponibilité foncière décroissante, ainsi qu’une forte densité des réseaux de transports et de communication.

20Tenant compte de ces spécificités, la problématique de la fragmentation des habitats naturels se révèle comme un enjeu majeur pour ce territoire au regard de la nécessité de préservation, de restauration et de développement de la biodiversité et des paysages.

21Au-delà de cet enjeu, il s'agit aussi d'inscrire la trame verte et bleue dans les milieux urbanisés en vue de répondre à plusieurs défis territoriaux, à savoir la requalification de l’image territoriale comme support de développement économique tenant compte du passé sidérurgique (logique d’esthétisme ; approche urbanistique et paysagère) et l’amélioration de la qualité de vie des citoyens (logique hygiéniste et de loisirs ; approche urbanistique et sociologique).

22Pour y parvenir, une coordination des actions individuelles s’avère nécessaire sur l'ensemble du territoire transfrontalier, dans une logique de cohérence écologique. L’objectif est d'éviter l'apparition de points de rupture sur le réseau écologique et de facto l’amenuisement d’autres actions menées par ailleurs sur le territoire (TVBuONAIR, 2018).

23En vue de répondre à cet enjeu de coordination, le besoin de disposer d’une base commune d’informations comme support à l’émergence de la trame verte et bleue s’est manifesté au sein des acteurs du territoire (TVBuONAIR, 2018). C’est dans ce cadre qu’une méthodologie d’analyse des milieux urbanisés a été conceptualisée et appliquée. Les résultats de cette méthodologie ont par la suite été mis en valeur à l’aide d’un WebGIS spécifique.

Approches typo-morphologique et urbanistique

24Face au manque d’informations et de données relatives aux espaces verts et/ou naturels à l’échelle fine des milieux urbanisés, une méthodologie exploratoire a été développée.

25À l’échelle du bassin transfrontalier sambrien, les éléments structurants de la trame verte et bleue ont dans un premier temps été identifiés sur la base de la littérature et des spécificités territoriales. Ces éléments, validés par les acteurs, font classiquement référence (i) aux espaces linéaires structurants tels que les routes principales, les voies de chemin de fer, les cours d’eau principaux, (ii) les espaces semi-naturels et naturels tels que les sites naturels classés, les grands parcs et jardins publics, les zones d’équipements sportifs, les points d’eau et (iii) les aires et axes d’intérêt local tels que les cimetières, les friches industrielles, les sentiers, les petits cours d’eau, les mares ainsi que les arbres et haies remarquables (Liénard, Clergeau, 2011 ; TVBuONAIR, 2018). Cette première étape vise à articuler la trame verte et bleue aux multiples échelles du territoire transfrontalier.

26Après avoir cartographié les éléments structurants de la trame verte et bleue, il subsiste une part surfacique non négligeable des milieux urbanisés, non qualifiée en termes de potentiel d’interactions, d’usages et d’accueil de la biodiversité. Cette part importante fait majoritairement référence aux espaces verts privés au sein du territoire considéré. En effet, ces derniers sont repris cartographiquement sous une catégorie "aire urbaine" (ou équivalente), ne permettant pas de détailler le rôle qu’ils pourraient jouer dans l’accueil et la préservation de la biodiversité en milieu urbain.

27De plus, une meilleure qualification des espaces verts privés s’avère primordiale. Ce sont des espaces de contacts privilégiés entre les habitants et la biodiversité (Riboulot-Chetrit, 2015) et ils peuvent, dans certains cas, être à l’origine d’initiatives individuelles ou collectives, modifiant localement la place ou la fonction de la nature urbaine (AUDIAR, 2014).

28La méthodologie exploratoire développée vise à créer une nouvelle information géographique qui caractérise les types d’espaces verts privés rencontrés, tenant compte de leur potentialité à servir de support à une trame verte et bleue urbaine.

29Elle vise, dans un souci de simplification, à construire une information utile, pertinente et suffisante à l’émergence de stratégies et de tactiques territoriales. En effet, les méthodes actuelles de caractérisation de la biodiversité urbaine sont pour la plupart chronophages et complexes. Elles ne sont dès lors pas adaptées à une analyse rapide à grande échelle, pourtant utile à l’émergence d’une vision globale des éco-potentialités urbaines (Tzoulas, James, 2010). Afin de pallier cette lacune, la méthode doit être conceptualisée en vue de permettre une application rapide, en se fondant sur des données directement disponibles. Il s’agit également de mettre en avant des résultats intelligibles à l’ensemble des acteurs du territoire et non pas exclusivement aux écologues et aux urbanistes.

30À l’instar des approches morphologiques urbaines classiques, la méthodologie développée consiste à établir une typologie d’îlots en mettant l’accent sur leurs structures vertes. La typologie décrit par conséquent le type d’espace vert privé présent au regard de la structure et de la morphologie bâtie et non bâtie in situ à l’échelle de l’îlot urbanisé.

31Pour ce faire, la méthodologie se structure autour de deux étapes successives qui consistent en la délimitation d’îlots urbains et leurs caractérisations à l’aide d’une typologie spécifique.

  • 2 À présent Institut Paris Région.

32La délimitation des îlots urbains s’est inspirée de la méthode "Délimitation et caractérisation des îlots morphologiques urbains 2012", développée en Île-de-France par l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la région Île-de-France2 (Cordeau, 2016).

33Cette méthodologie vise à découper le territoire urbanisé en différents îlots morphologiques suivant les formes des tissus caractérisées par :

  • des éléments de structuration tels que la structure viaire et parcellaire ;

  • des éléments de composition tels que l’occupation et l’usage du sol ainsi que les densités.

34Ce découpage assure une échelle d’analyse pertinente pour de multiples enjeux territoriaux (vulnérabilité climatique, transition énergétique, artificialisation des sols, etc.) et garantit par conséquent une transversalité des savoirs liés au territoire.

35Elle se conceptualise autour de deux étapes successives que sont la création des îlots "viaires" et la création de l’îlot morphologique urbain jointif. La base de données utilisée pour les géotraitements est la base de données vectorielles d’OpenStreetMap, obtenue sur le serveur Geofabrik3 en date de 2017. Cette base de données assure :

  • une uniformité et un calage spatial de part et d’autre de la frontière franco-belge au sein du territoire considéré ;

  • un accès libre de droits suivant la licence Open Data Commons Open Database Licence (ODbL) permettant une liberté de copier, distribuer, transmettre et adapter les données sous réserve de crédits "© OpenStreetMap contributors" ;

  • une facilité d’acquisition et de traitement (gratuité et format interopérable).

36La création des îlots "viaires" a été réalisée à l’aide de géotraitements par un système d’information géographique qui vise à créer des polygones à partir d’entités linéaires (routes, voies d’eau et voies de chemin de fer). Partant des données vectorielles linéaires d’Openstreetmap, les données belges et françaises ont, dans un premier temps, été jointes en corrigeant les duplications de segments. Le résultat obtenu est ensuite transformé en polygones représentant des îlots urbains à l’aide de la fonction "feature to polygon" d’ArcGIS 10.6 (figure 4).

Figure 4 : Géotraitements appliqués dans le cadre de la création des îlots urbains

Figure 4 : Géotraitements appliqués dans le cadre de la création des îlots urbains

CREAT-UCLouvain, 2021

37Suite à ces géotraitements, trois faiblesses peuvent être mises en évidence. Premièrement, à la périphérie des milieux urbanisés, le réseau viaire ne permet plus une délimitation satisfaisante des espaces verts urbains privés. Typiquement et à titre d’exemple, l’entité englobera des habitations développées en ruban le long d’un axe routier, les jardins qui y sont contigus et les champs ou prairies qui bordent ces jardins. Ces derniers ne devant pas être repris en tant qu’espaces verts urbains privés, un redécoupage de l’entité en vue de les isoler est nécessaire. Deuxièmement, certaines entités en centre urbain recouvrent des réalités contrastées nécessitant un redécoupage de l’entité (parcs urbains, habitations, bâtiments industriels, etc.). Enfin, d’autres entités présentant un caractère homogène sont quant à elles scindées (lotissements).

38Pour remédier à ces lacunes, les îlots viaires ont été vérifiés et corrigés manuellement sur la base d’orthophotoplans (ESRI, GOOGLE et orthophotoplans du Service public de Wallonie et des Hauts-de-France).

39Au départ des îlots identifiés, une caractérisation simple et non automatisée de leurs morphologies est réalisée sur la base des caractéristiques de leurs espaces verts à l’aide d’une typologie.

40Une caractérisation des îlots est ensuite établie en analysant de prime abord la juxtaposition des jardins d’agrément. Ces derniers font référence aux jardins liés aux fonctions résidentielles et annexes. Ce critère primaire fait référence à l’agencement spatial des jardins d’agrément au sein de l’îlot et se traduit par cinq types de configurations (voir figure 5) :

  • Configuration "groupée" des jardins d’agrément : plus de 75 % des jardins sont entourés de minimum trois autres jardins privés au sein de l’îlot. Sur le plan écologique, une configuration groupée de jardins privatifs assure une cohérence spatiale et une unité d’ensemble ; elle met en évidence des potentialités d’accueil et de maintien de la biodiversité ainsi que des enjeux de gestion opérationnelle intra-îlot. Cette configuration présage une approche écosystémique axée sur des besoins socio-démographiques (besoins récréatifs, sanitaires, cadre de vie, etc.) ;

  • Configuration "en ruban" des jardins privatifs : plus de 75 % des jardins sont entourés de deux autres jardins privés au sein de l’îlot. Une configuration "en ruban" s’inscrit davantage dans des enjeux d’interactions et de transitions entre milieux et usages (agricoles/résidentiels, etc.). Elle présage une approche écosystémique axée sur des aspects physiques et techniques (eaux, sol, ruissellement, écotones, paysage, etc.) ;

  • Configuration "dispersée" des jardins privatifs : entre 40 % et 75 % des jardins sont entourés de minimum deux autres jardins. Sur le plan écologique, une configuration dispersée des jardins privatifs annonce une fragmentation spatiale et une disparité intra-îlot. Cette dernière est potentiellement problématique à l’accueil et au maintien de la biodiversité. Cette configuration présage un enjeu de limitation des nuisances anthropiques (sonores, chimiques, etc.) ;

  • Configuration "unique" du jardin résidentiel : au sein de l’îlot, un jardin résidentiel unique est présent. Au niveau écologique, une configuration unique présage une cohérence et une continuité spatiale mettant en évidence des potentialités d’accueil et de préservation de la biodiversité.

  • Configuration "absence" d’espace de nature : au sein de l’îlot, aucun jardin n’est présent. Sur le plan écologique, une configuration sans espace de nature pressent une fracture spatiale mettant en évidence une difficulté d’accueil, de passage et de soutien à la biodiversité.

Figure 5 : Illustrations des configurations liées à l’agencement spatial des jardins d’agrément au sein de l’îlot

Figure 5 : Illustrations des configurations liées à l’agencement spatial des jardins d’agrément au sein de l’îlot

CREAT-UCLouvain, 2019

41À ce stade, cinq grandes catégories sont identifiées. Afin d’en préciser certaines, des critères secondaires ont été analysés :

  • Continuité du bâti (critère secondaire) : ce critère fait référence à la mitoyenneté des emprises bâties au sein de l’îlot. Il met en perspective un éventuel enclavement des espaces verts privatifs au sein de l’îlot. Sur le plan écologique, cet enclavement est synonyme de fragmentation spatiale importante des milieux naturels urbains et par conséquent d’une diminution de la perméabilité inter-îlots. Il se fonde sur la structuration bâtie et la morphologie de l’îlot catégorisée par deux configurations simplifiées (voir figure 6) : (i) l’emprise bâtie majoritairement continue au sein de l’îlot ; (ii) l’emprise bâtie majoritairement discontinue au sein de l’îlot.

Figure 6 : Critères secondaires : continuité du bâti

Figure 6 : Critères secondaires : continuité du bâti

CREAT-UCLouvain, 2019

  • Position de l’habitat au sein des parcelles : ce critère fait référence à l’implantation de l’emprise bâtie vis-à-vis de la voirie en matière d’alignement et de positionnement. Sur le plan écologique, si l’emprise bâtie s’aligne et se situe en front de voirie, la barrière écologique (incluant la voirie) s’en voit renforcée (distance), ce qui aggrave potentiellement la perte théorique de perméabilité inter-îlots. A contrario, une implantation variable de l’habitat en recul du front de voirie induit une répartition spatiale des nuisances résidentielles usuelles (pollutions sonores, olfactives, lumineuses, thermiques, etc.). Il en découle une diminution théorique des perspectives d’accueil de la biodiversité au sein de l’îlot (micro-espaces naturels-relais).

42Ce critère se base sur deux configurations simplifiées (voir figure 7) : (i) l’implantation alignée de l’habitat à front de voirie ; (ii) l’implantation variable de l’habitat en recul du front de voirie. La position de l’habitat au sein des parcelles se fonde sur la structuration bâtie ainsi que la morphologie de l’îlot et est souvent corrélée à la continuité du bâti.

Figure 7 : Critères secondaires : position de l'habitat au sein des parcelles

Figure 7 : Critères secondaires : position de l'habitat au sein des parcelles

CREAT-UCLouvain, 2019

  • Mode de gestion résidentielle : ce critère fait référence au mode de gestion résidentielle au sein de l’îlot. Il met en avant des enjeux potentiels visant la sensibilisation et l’émergence d’une vision et de projets partagés. Il est catégorisé selon deux modes : (i) le mode de gestion collectif : ce mode amène a priori une gestion opérationnelle facilitée par un nombre réduit et identifiable d’opérateurs de gestion. Ce faisant, il induit des enjeux potentiels en matière de responsabilisation individuelle ainsi que de sensibilisation des résidents sur les objectifs de gestion écosystémique des jardins collectifs, et donc sur le bien-fondé de la démarche et l’acceptation des charges et mesures éventuelles y afférentes ; (ii) le mode de gestion individuel : le mode de gestion individuel engendre a priori une gestion opérationnelle plus complexe au sein de l’îlot. Il amène potentiellement des enjeux en matière de gestion des jardins privés, de sensibilisation, et de développement d’une vision et d’un projet de gestion commun.

  • Emprise bâtie et imperméabilisée au sol : ce critère fait référence à la part surfacique de l’îlot dédiée aux bâtiments ainsi qu’aux surfaces imperméabilisées. Il traduit une capacité de l’îlot à accueillir de la biodiversité en son sein. En effet, une emprise bâtie au sol moyenne à forte, par hypothèse > 20 % de la superficie de l’îlot sur la base des échanges entre techniciens et gestionnaires du territoire (TVBuONAIR, 2018), induit une perte d’espace potentiellement dédié à l’accueil de biodiversité. Ce constat est renforcé par une propension spatiale aux nuisances résidentielles usuelles (pollutions sonores, olfactives, lumineuses, thermiques, etc.). Ce critère met en évidence des enjeux d’accueil de la biodiversité au sein de l’îlot. Au contraire, une faible emprise bâtie et imperméabilisée (par hypothèse < = 20 % de la superficie de l’îlot) permet a priori d’accueillir plus favorablement la biodiversité intra-îlot.

43Sur la base de ces critères, les cinq catégories initiales sont raffinées et neuf types d’espaces verts ont ainsi été identifiés à l’aide d’un système d’information géographique au sein des espaces urbanisés de la Sambre transfrontalière (figure 8). Une vérification manuelle à l’aide d’orthophotoplans a par la suite été réalisée. Notons que dans certains cas, malgré le découpage en îlots suivant la trame viaire et les corrections apportées, il n’a pas été possible de caractériser l’espace vert urbain privé par une des neuf catégories décrites ci-dessus. Ainsi, une dixième catégorie "mixte" a été ajoutée.

Figure 8 : Schéma conceptuel de la typologie sur la base des critères primaires et secondaires

Figure 8 : Schéma conceptuel de la typologie sur la base des critères primaires et secondaires

CREAT-UCLouvain, 2020

Mise en valeur à l’aide d’un WebGIS dédié

44À ce stade, l’expression cartographique de la typologie à l’échelle locale offre un premier éclairage aux acteurs, elle n’est cependant pas suffisante pour alimenter les éventuelles stratégies liées à l’émergence d’une trame verte et bleue au sein du territoire urbanisé. Pour pallier ce manque, une lecture spatiale, multiscalaire et croisée des éléments structurants de la trame verte et bleue en milieu urbain avec la typologie reste indispensable.

45C’est ce que permet le WebGIS, qui assure le lien entre (i) le territoire, (ii) des diagnostics transversaux et simplifiés axés sur les îlots résidentiels et (iii) les recommandations et orientations stratégiques poursuivies. Il s’agit d’un outil utile à la démarche de co-construction de la trame verte et bleue, en ce qu’il permet d’affiner des recommandations et d’opérationnaliser les orientations stratégiques en se confrontant aux spécificités du territoire.

46Le WebGIS se présente par conséquent comme un outil d’aide à la décision à destination des acteurs du territoire et plus largement des citoyens. Il a pour finalité d’éclairer :

  • des stratégies de sensibilisation territoriale et thématique ciblées en vue de développer la trame verte et bleue au sein du périmètre d’étude ;

  • des stratégies d’information pour la mise en place de relevés de terrain par des écologues et le développement de bases de données géographiques complémentaires utiles et visant à consolider la démarche d’aide à la décision ;

47En matière d’utilisation, le WebGIS a été conçu en vue de s’inscrire comme :

  • une base de lecture partagée et consolidée traitant de la trame verte et bleue sous l’angle territorial et multiscalaire ;

  • un outil de communication pertinent, engageant, accessible et intelligible par tous ;

  • un outil évolutif (possibilité d’intégrer de nouvelles données, de nouvelles fonctionnalités) et transférable (permettre une adaptabilité technique et juridique (licence) de part et d’autre de la frontière).

48Le WebGIS a également pour ambition de mettre en avant des recommandations en lien avec les spécificités du territoire et en particulier les types d’espaces verts privés. Celles-ci émanent notamment de discussions avec différents experts qui ont entre autres permis une analyse des recommandations spécifiques aux espèces cibles. Le choix des espèces détermine les caractéristiques des habitats et influence à la fois les types d’aménagement et la mobilisation des citoyens. Aussi, des entretiens et des ateliers menés avec les acteurs du territoire (élus, techniciens, etc.) ont permis d’établir un état des lieux et une représentation collective fondée sur leurs connaissances. Partant de ces informations recueillies, des dynamiques territoriales ainsi que leurs impacts sur la biodiversité ont été analysés. Des enjeux de biodiversité, orientés sur le milieu urbanisé, ont ensuite été identifiés et ont également contribué à la construction des recommandations. Suite à cette mutualisation des ressources, des orientations stratégiques ont été fixées dans une charte transfrontalière, au travers de laquelle les élus des communes du périmètre d’étude se sont particulièrement engagés à agir en faveur de la biodiversité urbaine sur leur territoire (TVBuONAIR, 2018).

49Il s’agissait ensuite de clarifier et d’opérationnaliser ces recommandations et orientations stratégiques en les confrontant aux réalités de terrain. Cette logique d’aide à l’opérationnalisation prend de l’importance dans le cadre du développement des trames vertes et bleues urbaines et le WebGIS assure cette entrée analytique par le territoire (Steen Møller et al., 2019). Pour ce faire, le WebGIS dédié se structure autour de trois volets.

50Le premier volet fait référence à la page d’accueil du WebGIS, qui affiche une carte dynamique reprenant les éléments structurants de la trame verte et bleue en milieu urbain (figure 9). Cette carte dynamique a pour finalité d’assurer la lecture croisée des informations, et ce aux multiples échelles et milieux du territoire. Les éléments structurants sont repris dans le tableau suivant.

Tableau 1 : Éléments structurants de la trame verte et bleue en milieu urbain

Éléments surfaciques

Éléments linéaires

Éléments ponctuels

Terrains de sports en plein air

Cimetières

Friches et sites à réaménager

Sous-trames écologiques

Corridors écologiques potentiels

Routes principales

Réseaux hydrographiques

Réseau ferroviaire

Mares prairiales

CREAT-UCLouvain, 2018

51Les données géoréférencées sont issues :

  • de bases de données géoréférencées préexistantes ;

  • d’un travail de vectorisation à partir de visites de terrain et d’informations recueillies auprès des communes et communautés de communes partenaires.

Figure 9 : Extrait de la carte dynamique du WebGIS

Figure 9 : Extrait de la carte dynamique du WebGIS

CREAT-UCLouvain, 2021

52Le deuxième volet renvoie à une page de diagnostic spécifique à chaque îlot résidentiel dont l’objectif est de détailler, à l’aide d’indicateurs simples, sa potentialité de support à une trame verte et bleue urbaine. Il s’agit de proposer une première lecture théorique de cette potentialité et de pouvoir s’inscrire dans une approche comparative, en vue de confronter ces indicateurs aux vécus des acteurs et techniciens, et d’affiner les stratégies de sensibilisation et d’actions sur le terrain. Il s’agit dès lors d’un volet spécifique à la typologie des îlots résidentiels, qui est accessible à partir de la carte dynamique du premier volet en cliquant sur l’îlot à détailler.

53Cette page de diagnostic présente une série d’indicateurs relevant (i) de l’identification du périmètre de l’îlot (numéro d’identification, superficie et localisation), (ii) de ses potentialités intrinsèques (typologie des espaces verts privés, degré de verdurisation (DV), superficie d’îlots, densité d’arbres, densité de haies) et (iii) de ses potentialités extrinsèques en matière de maillage et de connectivité écologique (degré de verdurisation, densité de haies et arbres à proximité, distance minimale au réservoir de biodiversité et à la trame écologique potentielle ainsi que le type de sous-trame écologique à proximité). L’ensemble de ces indicateurs ont été choisis et co-construits sur la base des données disponibles et tenant compte des retours issus des techniciens et acteurs du territoire.

Figure 10 : Extrait de la page de diagnostic par îlot du WebGIS

Figure 10 : Extrait de la page de diagnostic par îlot du WebGIS

CREAT-UCLouvain, 2022

54Le troisième volet du WebGIS expose les recommandations et principes en lien avec la typologie d’espaces verts privés et des potentialités de connectivité écologique de l’îlot. Il s’agit de cibler les mesures et principes et de les motiver au regard des orientations stratégiques fixées dans la charte transfrontalière signée par les maires et bourgmestres du périmètre d’étude.

55Tenant compte de ces exigences conceptuelles, le WebGIS a été codé en python, javascript et en PHP. Le WebGIS a par ailleurs été développé sur la base de la bibliothèque de fonctions javascript Leaflet. Les bases de données géoréférencées ont quant à elles été structurées sous le format JSON, en utilisant des logiciels libres de droit. Cette simplicité technologique permet de s’émanciper de serveurs SIG et de licences coûteuses. En effet, le coût technologique reste un frein majeur à leur appropriation dans les modalités de gouvernance et de sensibilisation (Falco, Kleinhans, 2018). Cette simplicité technologique assure également une malléabilité de l’outil essentielle à la démarche de co-construction visant à répondre aux besoins des futurs utilisateurs. Cette dernière a été mise en œuvre à l’aide de nombreuses réunions et échanges avec les acteurs de la trame verte et bleue et a permis de concevoir un outil en adéquation avec les questions et enjeux posés sur le territoire sambrien. Les choix techniques ont été motivés par le caractère maîtrisable, peu onéreux, facilement actualisable et transférable de l’outil.

56Le WebGIS est accessible à l’adresse suivante : https://www.tvbuonair.eu/​TOOLS_V10.php

57À ce jour, les retours issus de l’utilisation du WebGIS par les acteurs sont positifs et des perspectives de développement de l’outil, misant entre autres sur la participation des citoyens, sont en cours de réflexion.

Résultats

58Un des apports majeurs du WebGIS développé est de proposer un outil d’aide à la décision qui donne de l’information à l’échelle de l’îlot, redonne de la cohérence au niveau transfrontalier et propose de nouvelles clés de lecture de la problématique de la fragmentation des habitats naturels en milieu urbanisé.

59Au sein de la partie nord du bassin de la Sambre franco-belge, l’application de la typologie a permis de caractériser 3 572 îlots urbanisés et, par conséquent, de mettre en évidence :

  • la perméabilité potentielle de leurs espaces verts tenant compte de leurs fragmentations ;

  • leur potentiel d’accueil en matière de biodiversité ;

  • des modalités d’action et de sensibilisation à l’échelle des îlots urbains.

Figure 11 : exemple d’un espace vert urbain bordé d’un bâti continu (2018)

Figure 11 : exemple d’un espace vert urbain bordé d’un bâti continu (2018)

CREAT-UCLouvain, 2018

Figure 12 : prise de vue à Thuin (2018)

Figure 12 : prise de vue à Thuin (2018)

CREAT-UCLouvain, 2018

60

Figure 13 : prise de vue à Lobbes (2018)

Figure 13 : prise de vue à Lobbes (2018)

CREAT-UCLouvain, 2018

61Au sein du territoire transfrontalier de la Sambre, les espaces verts urbains en ruban bordés d’un bâti discontinu représentent 30 % du nombre d’îlots urbanisés (31 % de la superficie totale des îlots). Cette information exacerbe les constats initiaux d’un étalement urbain linéaire prononcé de part et d’autre de la frontière franco-belge. Ce constat met en avant des enjeux d’interactions et de transitions entre milieux et usages au sein du territoire.

Figure 14 : Caractérisation des îlots urbanisés à l'aide de la typologie au sein du bassin sambrien franco-belge

Figure 14 : Caractérisation des îlots urbanisés à l'aide de la typologie au sein du bassin sambrien franco-belge

CREAT-UCLouvain, 2020

62Le territoire présente par ailleurs une part non négligeable (74 %) d’îlots présentant une discontinuité bâtie, mettant en avant des potentialités en matière de perméabilité écologique inter-îlots sur laquelle une trame verte pourrait se reposer et s’opérationnaliser.

Figure 15 : Cartographie de la typologie sur Jeumont et Erquelinnes

Figure 15 : Cartographie de la typologie sur Jeumont et Erquelinnes

CREAT-UCLouvain, 2020

63Spatialement, la typologie confirme la structure territoriale héritée, mais permet également de nuancer la perception d’une barrière écologique urbaine le long de l’axe sambrien.

64Afin de préciser les types d’îlots sur lesquels une trame verte pourrait s’appuyer et s’opérationnaliser, une analyse vis-à-vis des sous-trames écologiques principales et potentielles a été réalisée. Elle vise à dégager d’éventuelles difficultés quant à la déclinaison concrète des sous-trames souhaitées au sein des milieux urbanisés. Les figures suivantes exposent les principaux résultats de cette analyse.

Figure 16 : Principaux résultats de l'analyse des îlots urbanisés par rapport aux sous-trames forestières potentielles

Figure 16 : Principaux résultats de l'analyse des îlots urbanisés par rapport aux sous-trames forestières potentielles

CREAT-UCLouvain, 2021

65Concernant les sous-trames forestières potentielles, 5 % des îlots urbains seraient susceptibles de jouer un rôle de support efficace à leur consolidation et à leur développement. Parmi ces îlots, une part non négligeable fait référence à des espaces verts urbains en ruban. De ce fait, une sensibilisation et des actions ciblées localement seraient pertinentes. Par exemple, la mise en place d’un écotone forestier avec des mesures de gestion adaptée en fond de jardin assurerait un renforcement des sous-trames forestières.

Figure 17 : Principaux résultats de l'analyse des îlots urbanisés par rapport aux sous-trames bocagères potentielles

Figure 17 : Principaux résultats de l'analyse des îlots urbanisés par rapport aux sous-trames bocagères potentielles

CREAT-UCLouvain, 2021

66Quant aux sous-trames bocagères potentielles, 7 % des îlots urbains pourraient jouer ce même rôle de support. Les espaces verts urbains en ruban représentent une part importante de ces îlots. Par ailleurs, 7 % de ces îlots révèlent une absence d’espace vert urbain. Pour ces derniers, une meilleure prise en considération du rôle joué par les espaces de transition, associée à des mesures adaptées (via la restructuration des haies, des bosquets, la réduction des surfaces minérales, la diminution des barrières physiques, etc.) devrait permettre une consolidation des sous-trames bocagères.

Figure 18 : Principaux résultats de l'analyse des îlots urbanisés par rapport aux sous-trames de zones humides potentielles

Figure 18 : Principaux résultats de l'analyse des îlots urbanisés par rapport aux sous-trames de zones humides potentielles

CREAT-UCLouvain, 2021

67Enfin, à propos des sous-trames de zones humides potentielles, 27 % des îlots urbains pourraient jouer ce rôle essentiel de support pour permettre leur consolidation et leur développement. Parmi ces îlots, une part non négligeable fait référence à des espaces verts urbains en ruban. À l’opposé, 10 % des îlots présentent une absence d’espaces verts urbains et nécessitent d’accorder une attention particulière à la lutte contre les pollutions chimiques usuelles, ainsi qu’aux dépotoirs sauvages.

68Parmi les 3 572 îlots, 31 présentent un intérêt stratégique étant donné qu’ils se localisent à moins de 200 mètres d’une sous-trame forestière, bocagère, et de zones humides. Ces îlots stratégiques sont principalement caractérisés par des espaces verts urbains en îlot bordé d’un bâti continu (22,5 %), des espaces verts urbains en ruban bordé d’un bâti continu (22,5 %), des espaces verts urbains avec habitat individuel dispersé à faible emprise au sol (13 %) ainsi que des espaces verts urbains en îlot bordé d'un bâti semi-continu (13 %).

69Ces résultats mettent en évidence une homogénéité entre les sous-trames quant aux îlots urbanisés rencontrés, ce qui confirme les enseignements effectués à l’échelle du bassin sambrien quant à la perméabilité écologique inter-îlots et les interactions et transitions entre milieux et usages pour chacune des sous-trames écologiques principales. Est également mise en évidence la possibilité de décliner ces sous-trames écologiques potentielles en se fondant sur les îlots urbains existants, leurs déclinaisons pouvant notamment s’appuyer sur la sensibilisation citoyenne et sur des recommandations adaptées à la localisation des îlots vis-à-vis des sous-trames.

Conclusion

70La typologie établie repose sur une série d’hypothèses inhérentes à la morphologie des îlots urbanisés en matière d’éco-potentialité. Pour cette raison, elle assure aux acteurs de la trame verte et bleue et de l’aménagement du territoire :

  • un premier éclairage sur la potentialité des espaces verts privés à participer au développement de la trame verte et bleue urbaine. Pour rappel, les espaces verts privés sont encore peu analysés sous le prisme écologique malgré leur part surfacique importante et leurs atouts en termes d’actions individuelles en faveur de la biodiversité ;

  • une analyse rapide sur l’ensemble du bassin de la Sambre franco-belge en mettant en avant un référentiel commun et partagé de part et d’autre de la frontière, indispensable à l’émergence d’une trame verte et bleue transfrontalière.

71Concernant la réplicabilité de la méthode, il est important de souligner que cette dernière reste relativement chronophage du fait :

  • de la vérification manuelle des périmètres d’îlots urbains sur la base des orthophotoplans. En effet, environ 5 % des îlots urbains ont dû être adaptés manuellement après le géotraitement ;

  • de la classification des îlots suivant un traitement manuel et non automatisé qui repose sur la connaissance territoriale des acteurs locaux, des visites de terrain et une analyse d’orthophotoplans et de données SIG transfrontalières (bâtiments, réseaux viaires, etc.).

72Si la méthode reste fastidieuse, le temps d’élaboration a cependant été mis à profit pour alimenter les réflexions sur la déclinaison de la trame verte et bleue en milieu urbanisé au sein du territoire concerné. En effet, l’élaboration de la typologie et du WebGIS s’est inscrite comme un élément de la démarche de co-construction avec les acteurs. Cette démarche représente par ailleurs un investissement intéressant qui a plusieurs avantages, à savoir (i) de faciliter les échanges avec les acteurs et (ii) de penser les stratégies dans une logique opérationnelle, c’est-à-dire de les adapter avec pragmatisme aux réalités et contraintes des espaces urbains.

73Concernant l’unité spatiale choisie, l’îlot urbanisé présente deux qualités majeures. D’une part, il permet de s’émanciper des limites administratives et statistiques habituelles et de limiter de ce fait des problèmes de compatibilité et d’interopérabilité liés aux données spatiales. D’autre part, il fait échos aux logiques de la fabrique urbaine.

74Le WebGIS, quant à lui, est important en ce qu’il facilite l’appropriation de la typologie en amenant une lecture spatialisée, multiscalaire et croisée des éléments structurants de la trame verte et bleue en milieu urbanisé. Il met en perspective les premiers enseignements issus de la typologie en prenant en considération d’autres éléments essentiels du territoire (tels que les friches, les parcs urbains, les infrastructures sportives, les routes principales, etc.).

75Cette approche globale rencontre pleinement les objectifs et logiques soulevés dans les guides européens qui visent la prise en compte des services écosystémiques dans les processus de décision (European Commission, 2019). Elle s’inscrit également dans la création d’un cadre stratégique pour soutenir davantage le déploiement d'infrastructures vertes et bleues au niveau de l’Union européenne (European Commission, 2019).

76Pour conclure, la mise en place de la typologie et du WebGIS a facilité la prise en compte des enjeux opérationnels et stratégiques de la trame verte et bleue en milieu urbanisé par les acteurs du territoire. Ils ont dès lors alimenté une base de discussion et de réflexion commune utile :

  • à la mise en œuvre de stratégies territoriales visant l’émergence d’une trame verte et bleue urbaine transfrontalière ;

  • à la gestion opérationnelle visant la coordination concrète des actions et des retours d’expériences au sein du bassin sambrien transfrontalier ;

  • à la mise en place de stratégies de sensibilisation reposant sur des acteurs clés locaux disposant d’un ancrage territorial.

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Notes

1 L’émulation citoyenne se définit comme une démarche et une dynamique d’information, de sensibilisation, d’implication et de participation des citoyens au regard d’un sujet/d’un projet, et qui induit un effet d’entrainement positif.

2 À présent Institut Paris Région.

3 Voir en ligne : https://download.geofabrik.de/

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Délimitation du périmètre d'étude et occupation du sol par CORINE LAND COVER du bassin de la Sambre franco-belge
Crédits CREAT-UCLouvain, 2017
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/40104/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 3,3M
Titre Figure 2 : prise de vue à Merbes-le-Château (2018)
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/40104/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 568k
Titre Figure 3 : prise de vue à Jeumont (2018)
Crédits CREAT-UCLouvain, 2018.
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/40104/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 508k
Titre Figure 4 : Géotraitements appliqués dans le cadre de la création des îlots urbains
Crédits CREAT-UCLouvain, 2021
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/40104/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 612k
Titre Figure 5 : Illustrations des configurations liées à l’agencement spatial des jardins d’agrément au sein de l’îlot
Crédits CREAT-UCLouvain, 2019
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Fichier image/jpeg, 336k
Titre Figure 6 : Critères secondaires : continuité du bâti
Crédits CREAT-UCLouvain, 2019
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Titre Figure 7 : Critères secondaires : position de l'habitat au sein des parcelles
Crédits CREAT-UCLouvain, 2019
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Titre Figure 8 : Schéma conceptuel de la typologie sur la base des critères primaires et secondaires
Crédits CREAT-UCLouvain, 2020
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Titre Figure 9 : Extrait de la carte dynamique du WebGIS
Crédits CREAT-UCLouvain, 2021
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Titre Figure 10 : Extrait de la page de diagnostic par îlot du WebGIS
Crédits CREAT-UCLouvain, 2022
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Titre Figure 11 : exemple d’un espace vert urbain bordé d’un bâti continu (2018)
Crédits CREAT-UCLouvain, 2018
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Titre Figure 12 : prise de vue à Thuin (2018)
Crédits CREAT-UCLouvain, 2018
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Titre Figure 13 : prise de vue à Lobbes (2018)
Crédits CREAT-UCLouvain, 2018
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Titre Figure 14 : Caractérisation des îlots urbanisés à l'aide de la typologie au sein du bassin sambrien franco-belge
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Titre Figure 15 : Cartographie de la typologie sur Jeumont et Erquelinnes
Crédits CREAT-UCLouvain, 2020
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Titre Figure 16 : Principaux résultats de l'analyse des îlots urbanisés par rapport aux sous-trames forestières potentielles
Crédits CREAT-UCLouvain, 2021
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Titre Figure 17 : Principaux résultats de l'analyse des îlots urbanisés par rapport aux sous-trames bocagères potentielles
Crédits CREAT-UCLouvain, 2021
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Titre Figure 18 : Principaux résultats de l'analyse des îlots urbanisés par rapport aux sous-trames de zones humides potentielles
Crédits CREAT-UCLouvain, 2021
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/40104/img-18.jpg
Fichier image/jpeg, 137k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Alexandre Leclercq, Coraline Berger, Martin Grandjean, Fiorella Quadu et Yves Hanin, « Vers une trame verte et bleue urbaine opérationnelle : approche typo-morphologique et urbanistique valorisée via un WebGIS sur le bassin transfrontalier de la Sambre », Cybergeo: European Journal of Geography [En ligne], Environnement, Nature, Paysage, document 1042, mis en ligne le 26 janvier 2023, consulté le 20 mars 2023. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/40104 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.40104

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Auteurs

Alexandre Leclercq

Chercheur, CREAT-UCLouvain (Belgium), alexandre.j.leclercq@uclouvain.be

Articles du même auteur

Coraline Berger

Chercheuse, CREAT-UCLouvain (Belgium), coraline.berger@uclouvain.be

Martin Grandjean

Chercheur, CREAT-UCLouvain (Belgium), martin.grandjean@uclouvain.be

Articles du même auteur

Fiorella Quadu

Chercheuse, CREAT-UCLouvain (Belgium), fiorella.quadu@uclouvain.be

Yves Hanin

Professeur et directeur de recherche, CREAT-UCLouvain (Belgium), yves.hanin@uclouvain.be

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Droits d’auteur

CC-BY-4.0

Creative Commons - Attribution 4.0 International - CC BY 4.0

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