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2025
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Digues et “nature”. Résultats d’une enquête sur la perception des digues et de leur évolution en France au XXIe siècle

Lydie Goeldner-Gianella, Delphine Grancher, Marina d’Avdeew, Charles De Godoy Leski, Catherine Carré et Tristan Douillard
Cet article est une traduction de :
Dykes and ‘nature’. Results of a survey on the perception of dykes and their evolution in 21st century France

Résumé

Le paradigme classique de la gestion des digues est centré sur la défense contre les eaux. Souhaitant proposer une vision multifonctionnelle et durable de ces ouvrages, nous avons retenu sept tronçons de digues maritimes et fluviales en France. Nous présentons ici une enquête menée auprès de 828 riverains et usagers de digues pour analyser leur perception et représentations. Si la fonction défensive de ces ouvrages demeure bien connue, la perception des digues urbaines et rurales diverge en matière de connaissance des digues et de liens entre digues et nature. Les enquêtés mettent en avant la naturalité des digues – objet pourtant artificiel. Cinq scénarios d’évolution des digues à l’avenir ont été proposés aux enquêtés : renforcer les digues, les ouvrir/abaisser, les végétaliser davantage, les aménager davantage, ou ne rien y changer. Le scénario le plus souhaité est celui d’un maintien à l’identique et le moins refusé, celui de la végétalisation des digues ; le renforcement des digues est autant refusé que leur ouverture/abaissement. Ce refus inhabituel du renforcement pourrait traduire une première évolution des représentations de la gestion des digues en France, mais le refus de leur ouverture demeure en adéquation avec le faible déploiement de la défense douce littorale ou fluviale. On observe aussi un lien important entre les réponses ou les choix de scénarios et la relation des répondants à la nature – bien qu’ils fassent référence à une nature anthropisée et apprivoisée. Ces résultats aideront à construire des scénarios d’évolution des digues, face au changement climatique, et à communiquer auprès de publics peu réceptifs aux innovations.
Mots clés : digues de protection, dépoldérisation, nature, représentations sociales, scénarios

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Texte intégral

Nous tenons à remercier le Master Bioterre de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et les étudiantes de master Enora Soriano et Mathilde Ravoyard pour leur collecte de données sur les sites respectifs de la Dives, du Marais poitevin et de la Baie d’Authie. Cette étude a reçu le soutien financier du LabEx DynamiTe (ANR-11-LABX-0046 – Investissements d’Avenir) et de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR-18-CE03-0008-01).

Introduction

1En France, les digues s’étendent sur environ 9 000 km. Il s’agit d’ouvrages hydrauliques linéaires s’élevant de quelques mètres au-dessus du terrain naturel environnant et des eaux douces ou côtières qu’ils bordent. Bien que les premières digues fluviales et côtières françaises remontent à l’époque romaine et médiévale, la plupart d’entre elles ont été construites entre le XVIIe et le XIXe siècle. L’objectif principal de leur construction a toujours été de défendre les terres adjacentes, naturellement inondables, contre la montée des eaux (CIRIA et al., 2013), bien que les digues aident également à la conquête de nouvelles terres sur la mer (Verger, 2009) ou sur les berges des cours d’eau (Dion, [1961] 2017 ; Morera, 2011). Les digues fluviales protègent les terres des inondations lors des crues, tandis que les digues maritimes protègent les terres des submersions marines, qui peuvent survenir lors des tempêtes. L’inondation et la submersion se produisent lorsque le niveau de l’eau dépasse la crête de la digue ou lorsqu’une brèche se forme dans la digue en raison de la pression de l’eau. À l’heure actuelle, les digues et les territoires endigués français sont particulièrement vulnérables au changement climatique, les scientifiques s’attendant, avec un degré de confiance élevé, à une poursuite de l’élévation du niveau de la mer, une augmentation de l’érosion et de la submersion marines et une augmentation des inondations fluviales – à l’exception de la France méditerranéenne (https://www.adaptation-changement-climatique.gouv.fr/​dossiers-thematiques/​impacts). Dès lors, la fonction défensive des digues ne peut être garantie que si elles sont constamment entretenues, voire renforcées ou surélevées dans les zones les plus à risque.

2Cependant, depuis une quinzaine d’années, le rôle défensif des digues est partiellement remis en question (Guerrin, Bouleau, 2014 ; Pigeon, 2014 ; Serre et al., 2017 ; Verger, 2011) en raison du risque qu’elles engendrent par leur présence ou du déclin de la culture du risque qu’elles peuvent induire. Face au risque d’inondation, une évolution de la gestion des digues est donc nécessaire, ce que le législateur a récemment reconnu en France avec la mise en place de la compétence GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) en 2018. Cette compétence a été déléguée aux autorités locales, ce qui les place en position de responsabilité juridique et politique en matière de gestion intégrée du risque inondation et de restauration de la biodiversité (de Godoy Leski, 2021). Désormais, les collectivités locales devront créer, gérer et entretenir les ouvrages de protection contre les inondations en intervenant directement sur leurs digues (https://www.ecologie.gouv.fr/​gestion-des-milieux-aquatiques-et-prevention-des-inondations-gemapi). Par ailleurs, au-delà de leur rôle défensif et de leurs aspects techniques, qui constituent souvent le seul angle sous lequel elles sont étudiées (CIRIA et al., 2013 ; Igigabel, 2016), les digues peuvent être associées à d’autres enjeux sociétaux, liés essentiellement à leurs usages (Dèbre et al., 2022) voire, plus rarement, à la nature ou au paysage (Forray, Clément, 2017). Mais s’il existe des études sur les liens entre la perception du risque d’inondation et le paysage (Quinn et al., 2019) ou la nature (van Heel, van den Born, 2020), très peu concernent les liens entre les digues et la perception du paysage ou de la nature, notamment sans passer par le prisme classique de la perception du risque.

3Et pourtant, les aménageurs et les gestionnaires européens envisagent de plus en plus l’idée d’ouvrir/abaisser ou reculer les digues, face à des arguments climatiques, écologiques et socio-économiques (Bax et al., 2023), tant en milieu fluvial ou estuarien (Valette et al., 2015 ; Tafel et al., 2021 ; Warner et al., 2012) qu’en milieu côtier (Bazin, 2022 ; de la Vega-Leinert et al., 2018 ; Esteves, 2013 ; Goeldner-Gianella, 2013 ; Roca, Villarès, 2012). De nouvelles solutions de gestion sont de plus en plus à l’étude (Shepard et al., 2011 ; Weinstein, Kreeger, 2000 ; Wolters, 2006) : plus innovantes et moins coûteuses, elles mettent davantage l’accent sur le rôle paysager, défensif et de restauration écologique de la végétation à l’avant-pays des digues ou derrière les digues réouvertes. Certains chercheurs réfléchissent également à la gestion de la végétation présente sur les digues, notamment les arbres (Vennetier et al., 2015), ou du revêtement végétal des digues (Chapman, Underwood, 2011 ; Gueben-Venière, 2014 ; Scheres, Schüttrumpf, 2019 ; Schoonees et al., 2019 ; Van Loon-Steensma, Vellinga, 2019). Ainsi, en ces temps incertains de changement climatique, de déclin de la biodiversité, d’attention croissante aux usages et paysages locaux, et de passation de la gestion des digues à l’échelon politique local, il devient nécessaire de réfléchir à l’avenir des digues françaises et à leur gestion : quels sont les enjeux concernés, les moyens financiers disponibles, les options possibles pour les communes désormais responsables ?

4Pour aider l’échelon local à imaginer des scénarios possibles d’évolution des digues, notamment dans le cadre de la nouvelle compétence GEMAPI et afin de révéler des facteurs de blocage fréquemment d’ordre social (Cortina-Segarra et al., 2021), nous avons mis en place une enquête sociale auprès des riverains et des usagers des digues. Nos objectifs de recherche étaient de comprendre 1) leurs perceptions des digues et 2) leurs avis sur différents scénarios d’évolution pour les décennies à venir (renforcer les digues ou au contraire les ouvrir, les abaisser ou les reculer, les végétaliser ou les aménager davantage, ou ne rien y changer) au regard d’enjeux multiples et parfois contradictoires liés aux digues : la défense contre l’eau, les usages, la nature et le paysage. Ces objectifs découlent de plusieurs constats scientifiques : si d’autres infrastructures liées à l’eau ont été étudiées sous l’angle de leur perception – comme les épis (Barraud et al., 2013) ou les barrages (Barraud, Germaine, 2017 ; Blanc, Bonin, 2006 ; Germaine, Lespez, 2023) –, ce n’était pas le cas des digues en tant qu’infrastructure. Par ailleurs, seule la perception de scénarios d’évolution innovants (la dépoldérisation, notamment) a été étudiée, notamment en Europe (de la Vega-Leinert et al., 2018 ; Esteves, 2013 ; Goeldner-Gianella, 2013 ; Roca, Villares, 2012). En effet, dans ces enquêtes, les formes d’évolution des digues – des plus traditionnelles aux plus innovantes (ouverture/abaissement/retrait, végétation) – ont rarement été explorées simultanément, ainsi que d’autres problématiques que la défense. Enfin, notre enquête vise à confirmer la nécessité de prendre en compte l’opinion des populations en matière de restauration écologique (Egan et al., 2011) – ici, par l’ouverture/abaissement/recul des digues –, ce qui n’est pas encore suffisamment mis en œuvre en Europe (Cortina-Segarra et al., 2021).

Partie 1 : Enquête sur la perception et le devenir des digues côtières et fluviales en France

1. Sites d’étude

5Sept sites d’étude ont été sélectionnés dans le cadre du programme de recherche DIGUES afin d’étudier l’évolution des digues en France au XXIe siècle (figure 1). Ils bordent soit les grands fleuves (Seine, Loire, Sèvre niortaise), soit le littoral de la Manche. Nous avons pris simultanément en considération les digues fluviales et les digues littorales en raison de leur rôle similaire en matière de protection contre l’eau, en période d’inondation fluviale ou de submersion marine – elles sont d’ailleurs souvent étudiées ensemble, comme dans CIRIA et al. (2013). Par ailleurs, elles sont aujourd’hui concernées par les mêmes instruments législatifs : le PAPI (Programme d’Actions de Prévention des Inondations) depuis 2002, la Directive Cadre Inondations depuis 2007, et la compétence GEMAPI depuis 2018.

6Les digues étudiées (tableau 1) varient en longueur (de quelques kilomètres à plusieurs dizaines de kilomètres), selon leur période de construction (du Moyen Âge aux années 1920), leur état (de mauvais à bon), leur fonction (généralement défensive ou agricole), mais aussi selon la densité de population des communes ainsi protégées contre les eaux (de zones profondément rurales à des zones fortement urbanisées). Ces deux derniers éléments de contexte nous font considérer les digues des baies d’Authie (1) et des Veys (2), de Luthenay-Uxeloup (6) – simplement nommée Luthenay dans le texte – et du Marais poitevin (7) comme des « digues rurales », celles de la Dives (3) et de Jargeau (5) comme des « digues urbaines » et celles des bords de Seine au SE de Paris (Alfortville-Ivry – 4) comme des « digues très urbaines » (aussi appelées « murettes »). Après des entretiens menés avec des acteurs locaux, nous avons aussi sélectionné des digues concernées à court terme par des projets locaux d’ouverture, d’abaissement ou de retrait – projets soit déjà mis en œuvre, soit au stade de l’idée (tableau 1).

Tableau 1 : Caractéristiques des sites d’étude et de leurs digues

  • 1 Le déversoir de Jargeau a été achevé en 1882 selon les plans de l’ingénieur Comoy et a été conçu po (...)

Sites d’étude/Grandes caractéristiques

Baie d’Authie (1)

Baie des Veys (2)

Dives (3)

Sud-Est de Paris (4)

Jargeau (5) 1

Luthenay (6)

Marais poitevin (7)

Département

Somme, Pas-de-Calais

Manche, Calvados

Calvados

Val-de-Marne

Loiret

Nièvre

Vendée, Charente-Maritime

Longueur de la (des) digue(s)

~ 10 km

~ 10 km

~ 10 km

Quelques km de murettes

Quelques km

Quelques km

Plusieurs dizaines de km

Largeur de la (des) digue(s)

5 à 10 m

5 à 10 m

5 à 10 m

Murettes de quelques centimètres, mais berges de quelques mètres

~ 30 m

Quelques mètres

10 à 50 m

Communes locales abritant la catégorie « résidents locaux » de l’enquête

Groffliers, Waben, Conchil, Colline-Beaumont, Quend, Fort-Mahon-Plage

Carentan-les-marais, Géfosse-Fontenay, Sainte-Marie-du-Mont, Grandcamp-Maisy

Cabourg, Dives-s/Mer, Périers-en-Auge, Varaville

Vitry-sur-Seine, Alfortville

Sandillon, Darvoy, Jargeau, Férolles, Ouvrouer-les-Champs, Sigloy, St Denis de l’Hôtel

Luthenay-Uxeloup, Fleury-s

/Loire

Doix-les-Fontaines, St-Pierre-le-Vieux, Maillezais, Maillé, Vix, Courçon, St-Cyr-du-Doret, La Ronde, Taugon, St-Jean-de-Liversay

Densité moyenne des communes “locales” (habitants par km2 en 2019)

78

43

419

10 196

134

14

58

Paysage dans lequel est intégrée la digue

rural

rural

urbain (Cabourg) à rural

très urbain

urbain à rural (déversoir de Jargeau)

rural

rural

Période de construction de la (des) digue(s)

XVIIIe, XIXe siècles

XIXe, XXe siècles

XVIIIe, XIXe siècles

Après la crue de 1924

À partir du Moyen Âge, et en 1882 pour le déversoir

1755

XVIIe siècle

Fonction initiale/actuelle des digues

défense/défense

conquête de terres/conquête de terres

défense + conquête de terres/défense + conquête de terres

défense (‘murettes’)/défense

défense/défense

défense + navigation/(défense)

Conquête de terres/défense + séparation des eaux

État général des digues

moyen

moyen

mauvais

bon

moyen

bon

moyen

Projet local à court terme (dans les faits ou les idées)

Brèches imaginables aux yeux du Conservatoire du Littoral en réponse à l’évolution du trait de côte

L’idée de dépoldériser intéresse le Conservatoire du Littoral

Projet de recul des digues et d’adoucissement de leur pente proposé par une association locale

Maintien/Entretien des digues

Abaissement du déversoir (proposé par les services techniques de l’État pour prévenir le risque d’inondation urbaine)

Brèches envisagées car la digue, non fonctionnelle face aux crues, n’est plus classée

Maintien/Entretien des digues

7Il est important de présenter les caractéristiques paysagères des digues étudiées, très végétalisées dans la plupart des cas (figure 1), en s’appuyant notamment sur la notion de naturalité. Guetté et al. (2018) expliquent que la naturalité n’est pas comparable à la simple nature sauvage, mais représente un concept à trois facettes mettant en avant certains gradients. À partir de ces trois facettes, de leurs propres observations (Jolly et al., 2022 ; Gautier et al., 2022) et en prenant en considération les portions de digues les plus caractéristiques (figure 1), les chercheurs du programme ont déterminé le caractère naturel des digues étudiées. Ce dernier se déploie d’un niveau faible (baie des Veys, SE de Paris, Jargeau) à un niveau moyen (Baie d’Authie, Dives, Marais poitevin), ce degré de naturalité n’étant élevé qu’à Luthenay seulement.

Figure 1 : Les digues étudiées, dans leurs portions les plus caractéristiques

Figure 1 : Les digues étudiées, dans leurs portions les plus caractéristiques

2. Méthodologie

8Pour analyser les perceptions et représentations des digues, une enquête par questionnaire a été conduite en 2021 auprès de 828 usagers – résidents et non-résidents – de ces sept sites d’étude. La répartition des réponses par site s’avère relativement équilibrée – 16 % en Baie d’Authie (132 personnes interrogées), 17 % (141) en Baie des Veys, 20 % le long de la Dives (166), 20 % à Jargeau (166), et 13 % (108) dans le Marais poitevin – à l’exception de Luthenay (4 %/33), où la digue est isolée du village, et du SE de Paris (10 %/83), où l’enquête a été réalisée pendant la crise sanitaire.

9À la suite d’une première enquête exploratoire, un questionnaire quasi-identique a été ensuite administré dans les 7 sites d’étude. Seuls quelques ajustements de vocabulaire se sont avérés nécessaires entre les sites d’étude : ainsi, les digues ont été nommées « levées » à Luthenay et dans le Marais poitevin, « renclôtures » dans la Baie d’Authie et « murettes » le long de la Seine parisienne ; notons par ailleurs que la digue surbaissée de Jargeau est en réalité un « déversoir » (cf. note 1). L’administration du questionnaire en face-à-face durait entre 15 minutes et une heure, le plus souvent sur ou à proximité de la digue et parfois au domicile des habitants. Notre méthode d’échantillonnage était non probabiliste – seule méthode possible lorsque la population de référence est inconnue (cette population étant composée des personnes utilisant et/ou connaissant les digues de chaque site d’étude). Ainsi, les répondants ont été sélectionnés arbitrairement (échantillon de convenance), après avoir vérifié qu’ils connaissaient ou fréquentaient la digue. Les données issues d’enquêtes non probabilistes présentent d’inévitables biais de participation et de sélection, mais cette forme d’enquête constitue la seule manière d’obtenir des données sur la perception et la fréquentation des digues. Pour éviter d’introduire d’autres biais, le nombre d’enquêteurs a été limité à un ou deux par site, parmi lesquels des chercheurs ayant conçu l’enquête et formé les autres enquêteurs à déployer une méthode commune et à ne jamais induire de réponses.

10L’enquête comprenait 39 questions, à la fois fermées (à choix unique ou multiple) et ouvertes. Après de nombreuses questions sur la perception des digues et des enjeux associés, la dernière partie du questionnaire demandait aux répondants d’envisager 5 scénarios d’évolution des digues. Le traitement statistique des résultats se compose de tris à plat et de tris croisés (figures 2, 4, 5, 6), soumis à la significativité du test du khi-deux lorsqu’il était applicable. Dans la plupart des cas, les réponses « ne sait pas », relativement rares, ont été exclues de l’analyse, afin de mettre en évidence les perceptions dominantes.

11Pour chaque site d’étude, les chercheurs ont défini 5 scénarios d’évolution des digues, en s’appuyant sur la littérature scientifique (cf. introduction), des observations de terrain et des discussions avec les acteurs locaux, soit autour de projets déjà en discussion ou au stade de la réflexion (tableau 1), soit autour d’autres scénarios potentiels. Durant l’enquête, un tableau était présenté aux répondants, détaillant les effets positifs et négatifs de chaque scénario selon les quatre enjeux abordés dans le questionnaire (ces effets sont synthétisés dans le tableau 2, général, qui ne contient pas ici les adaptations locales présentes dans les tableaux montrés in situ). Ainsi, les répondants pouvaient se positionner sur la base d’une analyse globale, mais adaptée à chaque site d’étude. Après lecture et analyse du tableau, il était demandé aux répondants « s’ils pensaient que le scénario était souhaitable pour l’avenir ».

Tableau 2 : Synthèse des impacts positifs et négatifs de chaque scénario

Enjeux/

Scénarios

Défense

Usages

Nature

Paysage

SO : Ne rien changer aux digues

Les digues ne protégeront pas le territoire contre une inondation majeure. À Jargeau, le déversoir ne sera plus fonctionnel en cas de crue.

Usages préservés.

Maintien des espaces naturels.

Les digues font partie du patrimoine local et permettent l’observation du paysage.

S1 : Renforcer les digues

La protection est à renouveler et/ou à renforcer pour que les digues jouent leur rôle protecteur – ce qui représente un coût.

Les usages, particulièrement agricoles, augmentent, sur et autour des digues.

La végétation change (digues moins végétalisées ; arbres remplacés par de l’herbe dans le Marais poitevin).

Les digues renforcées sont davantage visibles.

S2 : Ouvrir/abaisser les digues

L’eau peut entrer dans les terres (d’où des inondations plus fréquentes). À Jargeau, le déversoir abaissé peut fonctionner en cas d’inondation majeure.

Les usages doivent être temporairement adaptés à la présence d’eau (agriculture, accessibilité).

La végétation évolue naturellement, du fait de la présence d’eau.

Les digues sont moins présentes et visibles.

S3 : Végétaliser davantage les digues

La fonction défensive des digues est maintenue à son niveau actuel. À Jargeau, le déversoir ne sera plus fonctionnel en cas de crue. La végétation (c.-à-d. les prés salés) peut jouer un rôle protecteur contre les eaux.

Usages maintenus, particulièrement sur les digues – à moins que la végétation ne s’y développe trop.

La végétation prendrait différentes formes selon les sites*. La nature serait à gérer pour augmenter la biodiversité ou éviter les terriers fragilisant les digues. La végétation peut créer une continuité paysagère avec le territoire adjacent…

… mais peut partiellement constituer un obstacle à la vue des promeneurs.

S4 : Aménager davantage les digues

Le niveau de protection ne change pas.

Davantage d’activités récréatives sur les digues, mais risque d’une perte d’intimité et d’augmentation des conflits entre anciens et nouveaux usages.

La végétation peut être dégradée et les animaux dérangés.

Plus d’artificialisation.

* Baie des Veys, Luthenay, Jargeau et SE de Paris : permettre à la végétation de se développer sur les digues, petits arbres compris. Dives : permettre une végétalisation des pentes adoucies des digues, le long de la rivière. Baie d’Authie : encourager le développement des prés salés devant les digues, sans plantation d’arbres sur les digues. Marais poitevin : encourager le renouveau et la diversification des espèces d’arbres sur les digues.

12Bien que les répondants n’aient pas systématiquement répondu à toutes les questions, nous avons néanmoins fait le constat d’un faible taux de refus de réponse (par exemple, sur 828 répondants, ce taux est inférieur à 4 % concernant les questions à choix unique des figures 3 à 5).

3. Profil des personnes interrogées

  • 2 Les communes considérées comme « locales » sont répertoriées dans le tableau 1. Le statut de « non (...)

13Comme le montre la figure 2, nous avons veillé à assurer un équilibre entre le nombre de répondants résidant à proximité du système digue ou de la zone d’étude2 (54 % de « résidents locaux ») – la distance à la digue la plus proche étant une variable discriminante (Mol et al., 2020) – et les « non-locaux » résidant à des distances variées (46 %). Nous n’avons cependant pas pu éviter un certain déséquilibre entre la proportion d’hommes et de femmes (respectivement 60 et 40 %). Les classes d’âge sont relativement bien réparties de part et d’autre de la barre des 60 ans (53 % ont moins de 60 ans et 47 % plus), ce qui reflète par ailleurs une forte proportion de « retraités » dans les catégories socioprofessionnelles (38 %). Notre échantillon comprend cependant davantage de jeunes sur les sites « urbanisés » (Jargeau et SE de Paris), tandis que les personnes âgées et les retraités prédominent dans les sites ruraux (Luthenay et Marais poitevin). Les diplômés dont le niveau est inférieur à un bac +3 sont plus nombreux (58 %), alors que la part des cadres et professions intellectuelles supérieures n’est que de 20 %. Plus précisément, on trouve moins de diplômés et davantage d’agriculteurs en milieu rural (Luthenay et Marais poitevin) et plus de diplômés, de professions intermédiaires, de cadres et de professions libérales en milieu urbain (Jargeau et SE de Paris).

  • 3 Cette question était rarement posée le long des murettes du SE de Paris, et manquait également dans (...)

14Selon les sites, les usagers n’entretiennent pas le même rapport aux digues (figure 2). La connaissance des digues est globalement très bonne puisque les trois quarts des répondants les connaissent depuis 5 ans ou plus, et 41 % depuis plus de 30 ans notamment en milieu rural (Baie d’Authie, Luthenay et Marais poitevin). Ceux qui les connaissent moins ont été majoritairement interrogés en Baie des Veys et à Jargeau, où peu de résidents locaux nous ont répondu. Les répondants fréquentent également beaucoup les digues3 : 63 % des répondants les fréquentent quotidiennement à mensuellement, alors qu’ils ne le font qu’annuellement à Jargeau ou en Baie des Veys. Parmi les activités pratiquées sur les digues, la promenade à pied arrive en tête (75 %) – à l’exception de Jargeau le long de la Loire où le vélo prédomine –, suivie par l’observation de la nature et/ou du paysage (32 %), notamment en Baie d’Authie, mais très peu à Luthenay ou le long de la Dives. En revanche, la chasse (7 % en moyenne) est plus fréquente dans ces deux derniers sites (respectivement 21 % à Luthenay et 13 % le long de la Dives). La Baie des Veys se distingue des autres sites par le nombre plus élevé de répondants non-locaux, ce qui explique également que ces derniers soient plus nombreux à connaître les digues depuis peu, les fréquenter rarement et s’y rendre principalement pour observer le paysage.

15Bien que notre approche ne soit pas probabiliste et qu’il n’existe pas de population de référence pour les usagers des digues, nous avons comparé les « résidents locaux » de l’enquête à la population de référence des communes dans lesquelles s’est déroulée celle-ci (pour le recensement de la population de 2020). Nous constatons qu’à l’exception du site de Dives, nous avons interrogé davantage d’hommes et davantage de personnes de plus de 60 ans dans les sites d’étude que dans les populations de référence, les hommes étant visiblement plus enclins à nous parler de ces infrastructures et les plus de 60 ans étant davantage présents sur les digues. Néanmoins, ce qui nous importe davantage qu’une impossible représentativité, c’est le haut niveau de connaissance que les personnes enquêtées ont des digues, et leur forte utilisation de ces infrastructures.

Figure 2 : Profil des personnes interrogées et relations aux digues (en %)

Figure 2 : Profil des personnes interrogées et relations aux digues (en %)

Source : Enquête DIGUES 2021.

Partie 2 : principaux résultats

1. Perception et connaissance des digues en France

16Notre étude sur la perception des digues (figure 3) montre que seule leur fonction de protection contre les eaux est bien connue : 70 % des répondants reconnaissent aux digues une fonction défensive, alors que seulement 39 % évoquent d’autres usages en lien avec les digues ; ils sont encore moins nombreux à évoquer les liens avec la nature ou le paysage (respectivement 10 % et 2 %). En matière de défense des eaux, une écrasante majorité (90 %) estime que les digues ont une fonction de protection contre les inondations (figure 3) (particulièrement en Baie d’Authie, le long de la Seine, au SE de Paris, et de la Loire à Jargeau) bien que les deux tiers n’aient jamais observé un tel phénomène (figure 3). Ce poids des enjeux défensifs, dans les réponses, montre que la fonction première des digues est globalement bien connue de la population. Cette hiérarchisation des enjeux associés aux digues est très proche de celle fournie par une analyse des représentations sociales des digues fluviales et maritimes en France, réalisée à partir d’articles sur ce thème parus dans le quotidien national Le Monde entre 1944 et 2020 (Goeldner-Gianella et al., 2021). En effet, 77 % des articles d’un corpus mentionnant des digues faisaient référence à leur fonction défensive, alors que seulement 20 % et 14 % respectivement évoquaient les enjeux naturels et paysagers associés à ces infrastructures.

Figure 3 : Perception et connaissance des digues en France

Figure 3 : Perception et connaissance des digues en France

Source : Enquête DIGUES 2021

  • 4 Les réponses ouvertes des répondants ont été recodées en fonction de leur degré de connaissance des (...)

17La dimension patrimoniale des digues est également largement reconnue (92 %) (figure 4), mais les répondants ne savent pas quand elles ont été construites (67 %) (figure 4). Par ailleurs, 75 % des répondants perçoivent les digues comme « bien intégrées au paysage » et un quart considère même qu’elles « sont un paysage en soi » (figure 3). Enfin, la moitié des répondants a une bonne connaissance4 des caractéristiques générales du paysage avant la construction des digues et un quart en a une connaissance partielle (évoquant par exemple la présence antérieure d’un marais maritime ou fluvial, d’une berge naturelle basse, ou l’absence de coupure entre l’eau et la terre, etc., figure 4). Le niveau d’attachement aux digues étudiées est également très élevé (pour 80 % des répondants en général, et même 65 % pour les murettes du SE de Paris).

  • 5 Les répondants comprennent implicitement la notion de « paysage de digue », sans se demander si l’é (...)

18Un autre constat est que le paysage des digues5 est davantage perçu comme à la fois « naturel et artificiel » (49 %), voire comme strictement « naturel » (31 %), plutôt que comme purement « artificiel » (figure 4). En outre, il a été demandé aux personnes interrogées d’indiquer les « trois mots qui leur viennent spontanément à l’esprit lorsqu’ils regardent le paysage de la digue » : les premiers mots cités concernent principalement la nature en général (22 %), et les composantes de la nature – la végétation (12 %) et l’eau (11 %) –, mais aussi la beauté (16 %), le calme (12 %), la marche (7,5 %) et la notion d’entretien des digues (7 %). Aucun des mots cités ne décrit les digues comme un paysage artificiel. En lien avec la nature, on constate également que les digues sont considérées comme « accueillantes pour la nature » (54 %), voire « protectrices de la nature » (52 %), alors que seulement 11 % des personnes interrogées les considèrent comme « néfastes pour la nature » (figure 4). Sans surprise alors, 90 % mentionnent les animaux (sauvages et domestiques) observés sur les digues (figure 4), 69 % reconnaissant au moins deux espèces locales ou une espèce locale et un groupe d’espèces. Beaucoup de réponses obtenues mettent ainsi l’accent sur une sorte de naturalité des digues.

Figure 4 : Perception et connaissance des digues en France dans les 7 sites d’étude

Figure 4 : Perception et connaissance des digues en France dans les 7 sites d’étude

Légende : toutes les relations sont hautement significatives. Le test du khi-deux n’était pas applicable pour la question à choix multiples concernant les effets des digues sur la nature. Les valeurs en gras et en italiques sont significativement surreprésentées (au seul de risque de 5 %).

Source : Enquête DIGUES 2021.

2. Des scénarios d’évolution des digues majoritairement rejetés

19Parmi les 5 scénarios d’évolution des digues présentés aux répondants (figure 5), le scénario correspondant à une absence de changement dans l’état actuel des digues est, dans l’ensemble des sites, le plus populaire (65 %), sauf le long de la Dives et au SE de Paris. Les scénarios « végétaliser davantage » et « aménager davantage » les digues sont également assez populaires (respectivement 48 % et 32 %), alors que les scénarios « ouvrir/abaisser » et « renforcer » sont moins bien classés. Il est logique que les scénarios proposant les changements les plus significatifs soient fortement rejetés : renforcer les digues (rejeté à 73 %, notamment dans le Marais poitevin), les ouvrir ou les abaisser (rejeté à 71 %, notamment le long de la Dives et au SE de Paris) et les aménager davantage (rejeté à 68 %). Seul le scénario proposant de végétaliser davantage les digues présente un taux de rejet plus faible (52 %). Ce scénario est d’ailleurs le plus apprécié (48 %) après le scénario « sans changement », notamment en Baie d’Authie et dans le Marais poitevin. C’est même le premier scénario retenu dans le secteur de la Dives et au SE de Paris.

Figure 5 : Degré d’acceptabilité des scénarios d’évolution des digues selon les sites d’étude (en %)

Figure 5 : Degré d’acceptabilité des scénarios d’évolution des digues selon les sites d’étude (en %)

Légende : toutes les relations sont hautement significatives. Les valeurs en gras et en italiques sont significativement surreprésentées (au seuil de risque de 5 %).

Source : Enquête DIGUES 2021.

3. Des choix de scénarios en relation avec le profil des enquêtés et leur perception des digues

20Si l’on tient compte du profil des individus, l’analyse montre que certains groupes expriment des positions plus marquées en faveur de tel ou tel scénario (figure 6). Par exemple, les agriculteurs sont plus favorables au renforcement des digues. Les résidents locaux sont plus favorables au renforcement et moins enclins à végétaliser davantage les digues ou à modifier leur état actuel ; ils sont également plus réticents à les ouvrir/abaisser. En revanche, les non-résidents expriment une préférence pour l’ouverture/abaissement des digues. Plus les digues sont fréquentées, plus les gens souhaitent ne pas les modifier, les végétaliser davantage (pour ceux qui les fréquentent mensuellement) et ne pas les ouvrir/abaisser. Les activités liées à la nature sont également très clivantes (figures 6, 7) : les gens sont plus opposés à l’ouverture/abaissement des digues lorsqu’ils s’y promènent ; ils sont plus réticents à les aménager davantage lorsqu’ils y chassent, y observent la nature ou s’y promènent ; et enfin, ils préfèrent également ne rien changer lorsqu’ils chassent, observent le paysage ou se promènent sur les digues. Les personnes peu diplômées sont plus susceptibles de refuser d’ouvrir/abaisser les digues ou de souhaiter ne rien y changer, tandis que les personnes plus diplômées ou les cadres sont plus susceptibles de refuser l’absence de changement. Les retraités sont plus nombreux à rejeter l’ouverture/abaissement des digues et les plus de 60 ans, la végétalisation des digues.

21Concernant la perception des digues (figure 6), les personnes qui préfèrent ouvrir/abaisser les digues estiment que celles-ci sont néfastes à la nature. Inversement, le souhait de ne pas modifier les digues est principalement exprimé par des personnes estimant que les digues sont respectueuses de la nature, voire protectrices de celle-ci, et qui ont une certaine connaissance des animaux présents sur les digues. Enfin, ceux qui souhaitent les végétaliser davantage ont une bonne connaissance des animaux présents et estiment que la digue joue un rôle vis-à-vis de la nature. Ce rapport à la nature ressort aussi de l’examen du rejet des scénarios (figure 6) : ceux qui refusent le renforcement des digues considèrent celles-ci comme respectueuses de la nature ou comme jouant un rôle par rapport à la nature, tandis que ceux qui refusent le scénario d’ouverture/abaissement les considèrent comme non néfastes à la nature, voire comme protectrices de celle-ci. Enfin, ceux qui refusent le scénario de végétalisation ont une connaissance partielle ou erronée des animaux présents sur les digues. En conclusion, il est important de noter que les liens identifiés entre l’acceptation ou le rejet des scénarios et la perception des digues concernent souvent la « nature » (effets des digues sur la nature, connaissance des animaux présents, rôle des digues par rapport à la nature), bien plus que les enjeux de défense, de paysage ou d’usage.

22Cependant, au-delà de ce lien à la nature, on constate que l’attachement aux digues est également un facteur important de positionnement : les répondants qui se disent très attachés aux digues ne souhaitent pas les changer ni les ouvrir/abaisser, contrairement à ceux qui n’y sont pas attachés (ces répondants sont plus nombreux à vouloir les changer ou les ouvrir). En revanche, le fait que les digues soient considérées comme un élément patrimonial n’a qu’une influence limitée sur les réponses, se traduisant uniquement par la volonté de ne rien y changer ou de ne pas les aménager davantage.

Figure 6 : Relation aux digues, perception des digues et profil des répondants selon le degré d’acceptabilité des scénarios d’évolution des digues

Figure 6 : Relation aux digues, perception des digues et profil des répondants selon le degré d’acceptabilité des scénarios d’évolution des digues

Légende : seules les relations statistiques significatives sont commentées dans le texte.

Source : Enquête DIGUES 2021.

Partie 3 : Discussion

23Comment comprendre les principaux résultats de l’enquête, qui montrent 1) que les répondants refusent de voir les digues évoluer, en rejetant les scénarios pourtant opposés du renforcement et de l’ouverture/abaissement, et 2) que de nombreuses réponses mettent l’accent sur une sorte de naturalité des digues ?

1. Le rejet d’un changement des digues

24La majorité des personnes interrogées ont opté pour le scénario n’impliquant « aucun changement » des digues (65 %). Ce résultat peut être interprété à la lumière de leur attachement aux digues qui est extrêmement élevé (80 %). De plus, plusieurs de ces digues sont déjà végétalisées et bien intégrées au paysage (figure 1), ce qui, combiné à un état général qualifié de moyen à bon (tableau 1), pourrait justifier de les laisser telles quelles. Enfin, la forte fréquentation des digues est sans doute à prendre en considération (3/4 des personnes interrogées marchent sur ces digues). L’analyse montre également que ceux qui refusent de modifier les digues (figure 6) sont principalement des chasseurs, des promeneurs et des observateurs du paysage.

25Outre leur souhait de laisser les choses en l’état, les personnes interrogées expriment simultanément leur rejet d’autres scénarios. Sur ce plan, il n’est pas surprenant qu’ils aient rejeté l’ouverture/abaissement des digues (71 %). Ce refus de l’ouverture des digues a été observé plusieurs fois au cours des deux dernières décennies, comme l’a montré la comparaison de 5 enquêtes sur la dépoldérisation littorale en France, enquêtes administrées entre 2002 et 2011 auprès de 1 500 personnes (Goeldner-Gianella, Bertrand, 2013) : la majorité des personnes interrogées dans le Bassin d’Arcachon et sur les côtes picardes étaient contre la dépoldérisation. En Allemagne, en Espagne ou au Royaume-Uni, la population locale (de la Vega-Leinert et al., 2018) et les acteurs locaux peuvent exprimer une opposition similaire à l’ouverture des digues (Esteves, Thomas, 2014 ; Roca, Villares, 2012), bien que les décideurs administratifs présentent des avis plus favorables au déplacement des digues (Tafel et al., 2021). Dans les enquêtes françaises évoquées supra, le profil des opposants à l’ouverture/abaissement des digues présente de fortes similitudes avec les résultats de l’enquête DIGUES (figure 7) : l’âge, le niveau d’éducation, le niveau de fréquentation des digues, les activités pratiquées sur et autour des digues et le lieu de résidence sont des variables qui contribuent à expliquer le refus d’ouvrir/abaisser les digues.

Figure 7 : Liens significatifs entre le profil des enquêtés et leur rejet des 5 scénarios

Figure 7 : Liens significatifs entre le profil des enquêtés et leur rejet des 5 scénarios

Sources : Enquête DIGUES 2021 ; Goeldner-Gianella, Bertrand, 2013.

  • 6 Dans le Bassin d’Arcachon (2010), les répondants ont été interrogés sur ce qui se passerait « dans (...)

26Il est plus difficile de commenter le niveau élevé de rejet du scénario de renforcement des digues, car il s’agit d’une réponse inhabituelle au vu des enquêtes précédentes. En effet, la poursuite de la défense dure était choisie en priorité lors d’enquêtes précédemment menées dans le bassin d’Arcachon ou sur le littoral picard (Goeldner-Gianella, 2013 ; Goeldner-Gianella et al., 2015). Et ailleurs en Europe, les populations locales ou les parties prenantes ont longtemps continué de privilégier une défense dure et donc le maintien des digues (de la Vega-Leinert et al., 2018 ; Roca, Villares, 2012). La formulation différente des questions dans les enquêtes françaises successivement6 conduites pourrait partiellement expliquer ce passage de la volonté d’un renforcement des digues à son rejet. Ou alors, les réticences nouvellement observées pourraient aussi être le signe d’un changement récent de mentalité, 10 ou 20 ans après les premières enquêtes et constatations sur le sujet. Ce changement de mentalités a d’ailleurs été constaté par de Groot (2012), en milieu fluvial, au début des années 2010 : pour cet auteur, le renforcement des digues n’était déjà plus perçu de manière positive en France, en Allemagne et aux Pays-Bas. Des recherches supplémentaires sont toutefois nécessaires pour confirmer cette hypothèse. Ce changement d’opinion pourrait également être lié à un déclin de la culture du risque, conduisant à une diminution de l’importance de la fonction défensive des digues, et/ou à un fort attachement aux digues en tant qu’élément patrimonial ou paysager.

27Enfin, site par site, des préférences de scénarios se manifestent pour des raisons variées (tableau 1). Le long de la Dives, où quatre scénarios sont (plus ou moins) rejetés bien que certains tronçons de digues soient en mauvais état, celui proposé par une association et consistant à végétaliser les digues sud avec une légère atténuation de la pente de la digue s’avère le plus (faiblement) accepté. Il aiderait à répondre au risque de submersion marine pour la partie nord et urbanisée de la Dives et à la volonté de préserver les activités traditionnelles pratiquées derrière les digues dans la partie sud, plus rurale (Rich et al., 2022). Les avis sont du même ordre dans les baies d’Authie et de Veys, où les digues côtières rurales devraient préférentiellement rester telles quelles, ou non aménagées ou non ouvertes – même si certains acteurs publics seraient favorables à cette dernière idée. Seule différence notable entre ces sites : la volonté de renforcement prédomine dans la Baie d’Authie – déjà frappée par des tempêtes – et s’accompagne d’un souhait de végétalisation supplémentaire, contrairement à la Baie des Veys où les digues, déjà considérées comme « naturelles », devraient rester en l’état (Douillard et al., 2021). Dans le Marais poitevin rural (Pernet, 2023), trois scénarios sont également refusés (le renforcement – sans doute face à un risque d’inondation méconnu –, l’ouverture et l’aménagement). Pour la population très attachée au caractère végétal des digues et à leur accessibilité, celles-ci doivent rester inchangées et surtout naturelles (comme dans le scénario de végétalisation). À l’inverse, à Luthenay-Uxeloup où la densité de population à protéger est très faible et où la digue est en bon état, les gens refusent de renforcer autant que d’ouvrir ou de végétaliser davantage (les digues sont déjà jugées « naturelles »), et souhaitent soit ne rien changer, soit les aménager davantage pour la promenade. À Jargeau, dans une ambiance plus urbaine où les digues sont entretenues et déjà utilisées, trois scénarios sont refusés (renforcement, végétalisation et aménagement) : les gens préfèrent les maintenir en l’état ou abaisser le déversoir (une idée également envisagée par les pouvoirs publics) face au risque d’inondation. Enfin, dans le sud-est de Paris, où la densité dépasse les 10 000 hab/km2, les préférences vont au refus d’ouvrir les murettes, face à un risque d’inondation déjà expérimenté, et à la végétalisation de ces murettes jugées très « artificielles ». Ainsi, dans certains cas, au-delà du profil des personnes interrogées, le contexte local (tableau 1) est également à l’origine des préférences observées (état de la digue, risque d’inondation, densité de population, paysage, activités, fréquentation, etc.).

2. Les digues comme « objets hybrides » et « artefacts naturels » ?

28Un autre résultat digne de discussion est l’apparente naturalité des digues aux yeux des répondants – comme le montrent les réponses à plusieurs questions, l’importance de la nature pour comprendre certains choix de scénarios, et le fait que le scénario de végétalisation soit le plus apprécié après celui de l’absence de changement. Ces résultats sont assez paradoxaux étant donné que les digues sont des infrastructures bâties qui s’étendent sur d’anciens marais naturels.

29Une première explication de cette mention régulière de la nature réside dans le fait que certaines digues, très végétalisées (figure 1), sont attrayantes dans leur forme actuelle – 80 % des répondants y sont d’ailleurs attachés – et que les végétaliser davantage pourrait, en quelque sorte, équivaloir à ne rien y changer – l’option privilégiée par les répondants. Par ailleurs, la vision de la digue par le grand public se limite sans doute à un paysage de surface, qu’il perçoit et considère dans sa continuité – tel qu’on le vit en marchant sur une digue –, alors que les visions des scientifiques et des aménageurs assimilent davantage celle-ci à un volume complet (la surface et son substrat) séparant la terre de l’eau, et donc à une forme de coupure écologique et paysagère. Ainsi, une vision superficielle et continue des digues permettrait au public de les associer plus facilement à un paysage naturel. Comme dans le cas des épis de navigation construits dans le lit de la Loire armoricaine au début du XXe siècle (Davodeau et al., 2013 ; Barraud et al., 2013), associer les digues à la nature se rapproche ici davantage du « point de vue vécu » que du « modèle scientifique », qui lui exclue automatiquement ces infrastructures artificielles de la nature. Bien qu’artificiels, ces épis sont aujourd’hui perçus comme naturels, par leur aspect et parce qu’ils sont « immergés dans les berges » – tout comme certaines de nos digues sont immergées dans la végétation – au point qu’ils sont devenus « une des composantes du modèle “Loire, fleuve sauvage” » (Davodeau et al., 2013).

  • 7 En raison de la diversité des acceptions de la « nature », nous retiendrons à ce stade deux des qua (...)

30En troisième lieu, cette référence régulière à la nature pourrait découler des représentations sociales de la nature7 propres à la France. Les concernant, de nombreux auteurs, toutes disciplines confondues, soulignent les interconnexions étroites entre société et nature dans ce pays que l’historien américain Michael Bess décrit comme une « société vert clair » (2011). De Groot (2012) montre que si les considérations françaises de la « nature pure » ou sauvage sont très similaires à celles des Allemands ou des Néerlandais, les Français sont bien plus nombreux que les Allemands, et à peu près aussi nombreux que les Néerlandais, à considérer également la « nature gérée » comme naturelle. Une enquête du CGDD menée auprès de 4 000 Français sur les représentations sociales de la nature précise ce constat (Ducarme, Pautard, 2021). Elle indique que si « les espaces et les espèces » sont les premières citées en matière de perception de la nature, ensuite apparaît la notion de nature en lien avec les activités humaines, notamment en relation avec la ruralité. Les représentations sociales de la nature « renvoient aussi […] à une idée d’interdépendance des populations et de leur milieu » pour une faible proportion des personnes interrogées. À l’inverse, « la nature n’est pas foncièrement “sauvage”, et se présente au contraire comme accueillante, et à l’occasion entretenue, voire jardinée ; elle est un cadre […] où l’humanité semble avoir toute sa place » (Ducarme, Pautard, 2021). Une enquête réalisée trente ans plus tôt (1991) donnait déjà des résultats similaires (Collomb, Guérin-Pace, 1998) : la « nature anthropisée » était considérée comme l’une des représentations sociales de la nature en France. Enfin, le géographe E. Reclus défendait la même idée dès 1866 (Reclus, 1866) : « La nature que le Français comprend le mieux et qu’il aime le plus à regarder, c’est la campagne […] », « la nature façonnée par le travail (qui) s’est humanisée ». Cette « vision manifestement très française d’une nature accueillante et apprivoisée » (Ducarme, Pautard, 2021) ou ce « manque d’amour » pour la nature sauvage (Chansigaud, 2017) peuvent probablement s’expliquer par la très longue histoire de l’anthropisation du territoire français, qui a pris au fil des siècles la forme d’une domestication soignée et presque complète de la terre (Dagognet, 1988 ; Frémont, in Nora, 1997). En cela, le fait que les Français considèrent les digues non pas comme un élément artificiel, mais comme un élément purement ou semi-naturel, associent le paysage des digues à la nature, considèrent les digues comme bénéfiques pour la nature et les préfèrent plus végétalisées à l’avenir n’est pas si paradoxal. Sans doute font-ils ainsi référence à une nature profondément anthropisée et apprivoisée, et non à une nature sauvage qui ne pourrait être assimilée à des digues.

31À partir de cette volonté de nature anthropisée, pourrait-on imaginer que les digues évoluent en des infrastructures mieux intégrées à la nature et au paysage et davantage conformes à la vision ou aux attentes du grand public ? Cette idée est de plus en plus envisagée, voire déjà mise en œuvre. Ainsi, si les ingénieurs prohibent généralement les arbres en raison de l’impact de leur enracinement dans les digues et des risques d’érosion interne et de dégradation des parements qu’ils occasionnent (Vennetier et al., 2015), ils estiment qu’ils pourraient être tolérés dans le cas de digues larges à végétation contrôlée et sélectionnée, ou de digues constituées de matériaux drainants ou renforcées par ailleurs (C. Zanetti, comm. pers., 2021). Des chercheurs allemands et néerlandais proposent également d’évoluer vers des infrastructures côtières plus vertes et des formes de conception fondées sur la nature. Ils proposent pour les digues littorales – actuellement précédées de vasières et recouvertes d’enrochements à leur base puis d’une couche d’herbe peu épaisse – de développer des écosystèmes et/ou des structures basées sur la nature dans la partie aval des digues, de planter sur la digue une végétation plus intéressante en termes écologiques, en mélangeant des semis, et d’opter pour des revêtements et des sentiers de digues végétalisés (Schoonees et al., 2019). Les ingénieurs allemands Scheres, Schüttrumpf (2019), qui cherchent également à augmenter la valeur écologique des digues de mer, évoquent l’avancée des réflexions concernant « l’avant-pays » des digues (les schorres ou des ouvrages artificiels), mais soulignent les incertitudes encore liées à l’amélioration écologique de la structure de la digue elle-même (revêtements végétalisés, types de végétation). Dans les pays d’Europe endigués et poldérisés et face à la nécessité de préserver la plupart des digues et de les adapter au changement climatique, les ingénieurs, les écologistes et les paysagistes se sont ainsi engagés dans une réflexion portant sur des infrastructures plus naturelles. Leurs propositions semblent pleinement s’accorder avec les scénarios de végétalisation que le public privilégie localement dans notre enquête, en souhaitant des arbres sur les digues du SE de Paris, le renouvellement des arbres sur les digues du Marais poitevin, des pentes adoucies et végétalisées le long de la Dives ou l’extension des marais maritimes en baie d’Authie. En cela, ces infrastructures naturelles nouvellement conçues ont, comme dans le cas des épis de la Loire, « un statut indéfini et instable entre nature et culture » (Davodeau et al., 2013). Les digues ou les espaces endigués peuvent en effet être qualifiés d’objet ou d’environnement hybrides (Lespez, Dufour, 2021), mais jusqu’à quel point ? Sont-ils hybrides en tant qu’espaces naturels artificialisés ou en tant qu’espaces artificiels renaturés ? Dans le cas des digues et de leur évolution, les réponses à cette question sont en réalité plurielles (tableau 3).

Tableau 3 : Les digues et les espaces endigués sont des objets et des environnements hybrides…

Tableau 3 : Les digues et les espaces endigués sont des objets et des environnements hybrides…

32Il est évident que sur et autour des digues et dans les espaces endigués, nature et artifice sont en constante interaction, tant spatiale que temporelle (tableau 3), à condition d’admettre qu’il existe plusieurs conceptions de la nature ou degrés de naturalité (Larrère, Larrère, 2015). Dans le contexte des évolutions innovantes évoquées supra, une digue et un espace endigué constituent de surcroît un bon exemple « d’artefact naturel », c’est-à-dire « une entité intentionnellement créée capable de s’inscrire dans la continuité des processus naturels et disposant d’un potentiel d’autonomie » (Waller, 2016). Cette définition s’applique sans doute mieux à l’espace naturel restauré par l’ouverture d’une digue, mais elle pourrait également concerner, dans une certaine mesure et en raison de la gestion floristique qu’elles nécessitent, certaines digues déjà fortement végétalisées ou en passe de le devenir à l’avenir. Une nouvelle enquête spécifiquement centrée sur les digues et la nature permettrait de mieux comprendre quelle nature est localement souhaitée – devant, sur ou derrière les digues fermées ou réouvertes – en explorant avec les enquêtés les diverses facettes de la naturalité (Guetté et al., 2018) de ces objets hybrides.

Conclusion

33Les résultats de cette première enquête sur les digues fluviales et côtières françaises devraient aider les acteurs à construire des scénarios locaux d’évolution des digues et à concevoir des projets d’aménagement. Pour les aider davantage, au-delà des résultats de cette enquête, les chercheurs du programme ont également construit des scénarios génériques d’évolution des digues (De Godoy-Leski et al., soumis), à partir des différents sites d’étude du programme, en prenant en considération 17 variables environnementales et sociales différentes, dont la variable « perception des digues et de scénarios d’évolution » issue de cette enquête. Notons que cette variable de perception est particulièrement déterminante dans deux de ces scénarios génériques : la perception est le critère qui, parmi les variables de gestion technique, de gouvernance et de dynamiques environnementales et territoriales, incite le plus au maintien des digues et pousse le moins à leur ouverture ou abaissement. Les résultats de l’enquête DIGUES constituent ainsi un élément important à prendre en considération par les gestionnaires de digues et les élus, dans leur réflexion sur l’avenir des digues ou sur le profil des opposants à certains scénarios d’évolution.

34En conclusion, il serait utile de sensibiliser les acteurs locaux à l’idée de combiner plusieurs scénarios d’évolution et leurs impacts positifs cumulés, plutôt que de les concevoir séparément les uns des autres. En particulier, il pourrait être intéressant face au changement climatique de combiner le scénario de plus en plus envisagé d’ouverture/abaissement des digues avec le scénario approuvé d’augmentation de la végétation, autour et sur les digues ; ou ce scénario de végétalisation avec les scénarios de maintien ou de renforcement des digues, lorsque ceux-ci demeurent nécessaires dans les territoires habités. Pour l’heure, combiner l’ouverture/abaissement des digues avec la végétalisation des digues ne semble pas encore attirer les populations : en effet, lorsque plusieurs scénarios sont choisis simultanément, la volonté de végétaliser davantage les digues va encore de pair avec les scénarios traditionnels de ne rien changer (Baie d’Authie, Marais poitevin) ou de renforcer les digues (Baie d’Authie, et dans une moindre mesure SE de Paris) (figure 5). Ainsi, pour développer des solutions fondées sur ou liées à la nature et accroître la sensibilisation des populations locales, c’est vers ce type de combinaison – associant un scénario encore redouté (ouverture/abaissement des digues) à un scénario aujourd’hui fréquemment apprécié (végétaliser davantage les digues) – qu’il conviendrait de se tourner.

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Notes

1 Le déversoir de Jargeau a été achevé en 1882 selon les plans de l’ingénieur Comoy et a été conçu pour permettre à toute crue importante de la Loire de se déverser dans un val en rive sud, afin de protéger Jargeau, et surtout, plus en aval, la ville d’Orléans.

2 Les communes considérées comme « locales » sont répertoriées dans le tableau 1. Le statut de « non local » englobe à la fois les non locaux proches et les non locaux éloignés.

3 Cette question était rarement posée le long des murettes du SE de Paris, et manquait également dans certains questionnaires de Luthenay et de Jargeau.

4 Les réponses ouvertes des répondants ont été recodées en fonction de leur degré de connaissance des paysages côtiers et fluviaux avant la construction des digues, et en acceptant l’usage d’un vocabulaire non scientifique.

5 Les répondants comprennent implicitement la notion de « paysage de digue », sans se demander si l’échelle d’observation d’une digue n’est pas trop étroite pour parler de « paysage ». Même si les chercheurs parleraient plutôt d’un « élément du paysage », ils approuvent cette expression familière.

6 Dans le Bassin d’Arcachon (2010), les répondants ont été interrogés sur ce qui se passerait « dans 30 ans », et en Picardie (2011), sur « la protection future » des sites ; dans l’enquête DIGUES (2020-21), la question était : « Pensez-vous que ce scénario soit souhaitable à l’avenir ? ».

7 En raison de la diversité des acceptions de la « nature », nous retiendrons à ce stade deux des quatre définitions proposées par F. Ducarme (https://www.encyclopedie-environnement.org/vivant/quest-ce-que-la-nature/#_ftn7) après une étude de sa signification dans les langues européennes : « L’ensemble de la réalité matérielle qui ne résulte pas de la volonté humaine (par opposition à l’artifice, à l’intention et à la culture) » et « La force au principe de la vie et du changement ».

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Les digues étudiées, dans leurs portions les plus caractéristiques
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/41822/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 280k
Titre Figure 2 : Profil des personnes interrogées et relations aux digues (en %)
Crédits Source : Enquête DIGUES 2021.
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/41822/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 392k
Titre Figure 3 : Perception et connaissance des digues en France
Crédits Source : Enquête DIGUES 2021
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/41822/img-3.jpg
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Titre Figure 4 : Perception et connaissance des digues en France dans les 7 sites d’étude
Légende Légende : toutes les relations sont hautement significatives. Le test du khi-deux n’était pas applicable pour la question à choix multiples concernant les effets des digues sur la nature. Les valeurs en gras et en italiques sont significativement surreprésentées (au seul de risque de 5 %).
Crédits Source : Enquête DIGUES 2021.
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/41822/img-4.jpg
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Titre Figure 5 : Degré d’acceptabilité des scénarios d’évolution des digues selon les sites d’étude (en %)
Légende Légende : toutes les relations sont hautement significatives. Les valeurs en gras et en italiques sont significativement surreprésentées (au seuil de risque de 5 %).
Crédits Source : Enquête DIGUES 2021.
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/41822/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 124k
Titre Figure 6 : Relation aux digues, perception des digues et profil des répondants selon le degré d’acceptabilité des scénarios d’évolution des digues
Légende Légende : seules les relations statistiques significatives sont commentées dans le texte.
Crédits Source : Enquête DIGUES 2021.
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/41822/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 524k
Titre Figure 7 : Liens significatifs entre le profil des enquêtés et leur rejet des 5 scénarios
Crédits Sources : Enquête DIGUES 2021 ; Goeldner-Gianella, Bertrand, 2013.
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/41822/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 200k
Titre Tableau 3 : Les digues et les espaces endigués sont des objets et des environnements hybrides…
URL http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/41822/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 240k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Lydie Goeldner-Gianella, Delphine Grancher, Marina d’Avdeew, Charles De Godoy Leski, Catherine Carré et Tristan Douillard, « Digues et “nature”. Résultats d’une enquête sur la perception des digues et de leur évolution en France au XXIe siècle », Cybergeo: European Journal of Geography [En ligne], Environnement, Nature, Paysage, document 1073, mis en ligne le 14 mars 2025, consulté le 16 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/41822 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13h7a

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Auteurs

Lydie Goeldner-Gianella

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – Laboratoire de Géographie Physique CNRS-UMR 8591
Professeure d’Université, France
lydie.goeldner-gianella@univ-paris1.fr

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Delphine Grancher

Laboratoire de Géographie Physique CNRS-UMR 8591
Ingénieure de Recherches, France
Delphine.GRANCHER@lgp.cnrs.fr

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Marina d’Avdeew

Laboratoire de Géographie Physique CNRS-UMR 8591
Doctorante, France
marina.davdeew@cnrs.fr

Charles De Godoy Leski

Laboratoire de Géographie Physique CNRS-UMR 8591 - INRAE UR EABX - Centre Émile Durkheim
Post-Doctorant - Chercheur associé, France
charles.degodoyleski.pro@gmail.com

Catherine Carré

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – UMR 7533 LADYSS
Professeure émérite, France
catherine.carre@univ-paris1.fr

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Tristan Douillard

Laboratoire de Géographie Physique CNRS-UMR 8591, France
Doctorant
tristandouillard@gmail.com

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