1. Présentation générale

1.1. Cadre de l’étude

1Depuis la construction de l’autoroute A54, la plaine alluviale située au sud de la ville de Nîmes a été le théâtre de très nombreux projets d’aménagements. La plupart ont été précédés de diagnostics et certains de fouilles préventives. Cet article a pour but de présenter l’ensemble des vestiges archéologiques datés des V^e, IV^e et III^e s. av. n. è., observés et fouillés dans le même secteur de la plaine du Vistre, à la périphérie de l’agglomération nîmoise, autour du chemin du Mas Neuf (Fig. 1). Cette documentation peut paraître hétérogène du fait de la nature de la collecte, essentiellement des diagnostics. Toutefois, il nous a semblé opportun de rassembler et analyser ces découvertes, qui pour certaines sont relativement anciennes, puisqu’à l’exception de l’extrémité septentrionale du secteur pris en compte, les prescriptions archéologiques ont toutes été levées.

3Nous présentons les contextes avec leur description et les inventaires de mobiliers associés, selon une logique topo- graphique, d’ouest en est et par opération. Pour simplifier la compréhension de ces vestiges et éviter les redites, les diagnostics suivis de fouilles sont présentés ensemble. Au total, huit opérations réalisées entre 1987 et 2009 sont prises en compte pour cette étude (Fig. 2). Après cet inventaire, des synthèses thématiques portent sur les questions de chronologie, de nature des occupations et d’évolution et de caractérisation du paysage agraire. Les données concernant le chemin du Mas Neuf sont regroupées dans un même chapitre. Grâce à ces éléments, son ancienneté a pu être discutée et il est dès l’origine l’axe de circulation autour duquel s’installent les établissements protohistoriques. Malgré quelques modifications de tracés et d’aménagements, il reste l’élément structurant le paysage jusqu’à l’époque antique.

1.2. Contexte paléo-environnemental

4Les opérations retenues pour cette étude sont localisées de part et d’autre de la limite de la plaine d’inondation distale du Vistre. Orientée globalement est-ouest, cette limite correspond à la courbe de niveau des 27 m NGF. Elle distingue au sein des séquences sédimentaires l’apparition d’une couche de limon brun qui témoigne d’atterrissements alluviaux remontant au début de l’Holocène conservés à la faveur d’une dépression marquée aux abords du cours d’eau. Dans cette couche, les vestiges archéologiques sont parfois complexes à repérer et, en l’absence de mobilier ou d’éléments signalant leur présence, le décapage à la pelle mécanique lors des diagnostics est souvent plus incisif, parfois jusqu’à atteindre les niveaux de limons lœssoïdes jaunes sous-jacents. Les topo-séquences nord-sud restituées à partir des relevés de logs stratigraphiques permettent de bien identifier cette limite (Fig. 3). Cette portion de paysage est également marquée par des chenaux fossiles orientés nord-sud qui ont largement incisé le substrat lœssique entre la fin du Pléistocène et le début de l’Holocène (Chevillot et al. 2010). Certains sont toujours actifs durant les épisodes cévenols qui affectent la région en automne. Nommés localement cadereaux, ils ont une influence notable sur la structuration des paysages qu’ils compartimentent en blocs allongés nord-sud. Ils ont pu être mis en évidence à partir des topo-séquences est-ouest établies lors du diagnostic du Mas de Vignoles XII ou de la fouille de la Digue du Mas Neuf. Ils semblent jouer un rôle important dans la distribution des chemins nord-sud et dans l’organisation des parcellaires qui s’articulent avec ces chemins.

1.3. Protocoles et méthodes

5Étant donné le caractère disparate des données, il nous a paru utile de préciser les conditions qui ont présidé à leur collecte. Comme la plupart des vestiges a été observée à l’occasion de diagnostics, les observations sont le plus souvent partielles. Si la largeur et la longueur restituée sont le plus souvent consignées, la profondeur conservée n’est pas toujours connue faute de sondage. De plus, ces dimensions sont arbitraires puisqu’en l’absence de niveaux de sol conservés, il s’agit plus de valeurs qui dépendent de l’état de conservation et du niveau de lecture des vestiges dans les sédiments plus ou moins sombres qui nécessitent parfois un décapage plus incisif. C’est la raison pour laquelle on distingue le niveau d’apparition, le plus souvent relevé en coupe, du niveau observé qui correspond à l’arrêt du décapage. Dans certains cas, la différence peut être importante de l’ordre de plus d’une dizaine de centimètres. Ainsi, pour un même fossé repéré dans plusieurs tranchées de diagnostic, en fonction du niveau de décapage, les valeurs de largeur peuvent varier sensiblement.

6Un second point qui doit être précisé concerne la mise en relation de plusieurs structures pouvant appartenir à une même phase chronologique. Deux facteurs sont pris en compte. Le premier, habituel, repose sur la collectée de mobilier céramique dans les comblements des structures. La présence en quantité suffisante et dans des couches appartenant à des rejets anthropiques sont des conditions favorables pour asseoir la véracité de la chronologie. Si évidemment, il s’agit d’un unique tesson d’amphore au sommet du décapage de la structure et à l’interface des terres labourées, la validité de la chronologie sera pondérée voire pas prise en compte et la structure ne sera pas intégrée aux autres constituant une phase d’occupation. Le second facteur, plus rarement exploité, s’appuie sur l’ana- lyse des sédiments présents dans les structures. Sans entrer dans le détail, il apparaît que dans notre secteur d’étude, il est possible d’associer la nature des sédiments à certaines phases chronologiques (Chevillot et al. 2010). En effet, les différentes façons d’exploiter l’environnement végétal influent, entre autre, sur les sédiments sur lesquels la végétation pousse. De même, la structure végétale conditionne les assemblages de malacofaune. Selon que le fossé soit près d’un espace boisé ou d’un champ ou encore d’un espace très ouvert, les variétés de gastéropodes retrouvées seront différentes.

7La présence d’inclusions dans les sédiments d’origine naturelle sont aussi autant d’éléments à prendre en compte pour discriminer la nature des remplissages et constituer des groupes.

8Ces expériences ont été menées sur plusieurs diagnostics et fouilles réalisés dans notre fenêtre d’étude et c’est pour cela qu’il est possible d’associer certaines structures entre elles du fait de remplissages identiques. Des sondages permettent le ramassage de mobilier céramique et d’ajouter une valeur chronologique à ces ensembles. Des liens peuvent être également effectués selon une analyse spatiale : tel tronçon de fossé étant dans le prolongement d’un autre. Dans ces cas, il faut rester prudent sur les hypothèses de restitution.

9Il faut ajouter que les codes donnés aux structures sont à considérer la plupart du temps comme des génériques. En effet, tant que les structures n’ont pas été fouillées, il est difficile de leur attribuer une fonction véritable, et un simple sondage ne permet que rarement de distinguer si un fossé correspond à une palissade ou à un fossé ouvert. Les fosses sont donc des creusements dont les limites ont été circonscrites et s’apparentent à des formes globalement circulaires et les fossés sont des creusements longilignes dont il est parfois difficile de connaître la longueur complète à partir des tranchées de diagnostic. Quand la fouille livre suffisamment d’éléments pour proposer une fonction, celle-ci est alors précisée.

1.4. Chronologie des occupations

10À l’image des vestiges archéologiques, les mobiliers collectés lors des diagnostics et des fouilles sont peu nombreux (Fig. 4). Le matériel céramique des structures est uniquement constitué de céramiques protohistoriques, sans qu’aucune intrusion ne puisse créer de doute quant à leur attribution chronologique. Celle-ci se fonde sur de très rares éléments typologiques (Fig. 5) et sur la présence ou l’absence de certains traceurs (grise monochrome, campanienne A, amphore étrusque ou amphore italique). Dans de rares cas, les relations stratigraphiques ont permis d’une part la distinction de plusieurs phases au sein des sites protohistoriques et d’autre part, d’établir des liens d’antériorité avec des vestiges de la période tardo-républicaine. Ainsi, la conjugaison de ces facteurs a contribué au regroupement des structures en entités spatiales (cf. infra) auxquelles nous avons attribué une datation plus ou moins resserrée.

2. Le chemin du Mas Neuf

11Dans sa configuration actuelle, le chemin du Mas Neuf se détache au nord de la route de Générac et, après avoir franchi le Vistre, se dirige vers le sud et la route de Saint- Gilles. Seule ici nous intéresse sa portion nord, un simple chemin vicinal en terre dont le tracé a été en partie modifié du fait des aménagements récents à l’origine des opérations archéologiques.

12Contrairement à certains axes qui ont livré des traces tangibles de la circulation de véhicules à roues (Séjalon, Ratsimba 2018), le chemin du Mas Neuf ne peut être que restitué, d’une part, à partir de rares vestiges qui le concernent directement et d’autre part, sur la lecture et l’organisation des occupations protohistoriques qui ont été repérées à ses abords immédiats.

13En effet, bien que les aménagements les plus nombreux et les plus prégnants (niveaux de circulation, fossés et murs bordiers) datent de la période tardo-républicaine et de l’Antiquité, quelques linéaments fossoyés attestent de l’utilisation antérieure du chemin. Ce constat est par ailleurs confirmé par les nombreux vestiges datés de l’âge du Fer qui s’organisent le long de son tracé. En reprenant les faits les plus marquants et les accroches chronologiques afférentes, il est donc possible de faire remonter sa création dans le temps et de restituer son parcours.

2.1. Des aménagements en bordure du chemin observés au nord-ouest du tracé

14Plusieurs tronçons de fossés ont été mis au jour au cours de la fouille du Mas de Vignoles XIII (Piskorz, Escallon, Guerre 2009). Ils sont les seuls aménagements qui docu- mentent le tracé du chemin dans sa partie nord (Fig. 6).

15Toutefois, leur nature pose la question de leurs liens directs avec la construction de l’axe de circulation, à savoir, s’il s’agit bien de fossés bordiers.

16Ainsi les éléments disposés le long de la bordure septentrionale se composent des segments de fossés FO2029 et FO2181 repérés lors du décapage de la fouille et du tronçon FO1077 enregistré dans la tranchée du diagnostic, TR29. L’ensemble pourrait constituer un seul et même axe, orienté nord-ouest/sud-est, et observé sur une longueur de 50 m. À l’ouest, le fossé FO2029 a fait l’objet d’une fouille sur plusieurs mètres (Fig. 7). Son creusement présente une largeur de 0,38 m pour une profondeur de 0,28 m. Il offre un profil à parois verticales et un fond plat. Son fond fait apparaître quatre trous de piquets d’un diamètre de 0,15 m pour une profondeur de 0,10 à 0,15 m (PO2278, PO2279, PO2280, PO2281). Ces poteaux sont espacés en moyenne de 1,30 m les uns des autres. Ils suggèrent la présence d’une clôture (ou palissade ?). L’état de conservation présente un seul comblement.

17En partie est, ce fossé est complètement perturbé par le creusement d’une grande fosse, peu profonde (0,20 m en moyenne) et aux contours irréguliers. Seul un petit tronçon a été épargné à l’est. Le tronçon observé au diagnostic (FO1077) présente une largeur de 0,70 m.

18En bordure sud du chemin, l’orientation du fossé FO2196/ FO2277 se calque sur celle des structures présentées ci-dessus sur une longueur de 50 m, à environ 8 m de distance. À l’extrémité occidentale du tronçon observé, il bifurque vers le nord, réduisant de fait la largeur de l’axe de circulation. Son creusement est large de 0,25 m à 0,42 m. Sa profondeur varie de 0,13 à 0,15 m. Il présente un comblement fait de limons argileux brun gris, homogènes et compacts, avec de rares nodules de terre cuite de taille millimétrique. Dans un second temps, la section coudée de ce fossé est remplacée au profit d’un aménagement rectiligne (FO2028) mis au jour sur 17,5 m. Il est conservé sur une largeur de 0,35 m et une profondeur de 0,15 m. Ces différents linéaments ont été explorés par des sondages ponctuels qui n’ont pas permis la mise en évidence d’une palissade. Cependant, les fonds plans et les largeurs réduites de ces creusements ne s’opposent pas à cette hypothèse.

19Plus à l’est du tracé, le diagnostic et la fouille de la digue du bassin du Mas Neuf ont livré également des tronçons de fossés (FO2001, FO2128 et FO2191) qui longent le tracé actuel du chemin selon une nouvelle orientation nord-ouest/sud-est (Fig. 8). Le parallèle des orientations et la présence d’un accès suggèrent qu’ils se situaient à proximité de l’axe de circulation. Il ne s’agit pas de fossés bordiers mais de la limite ouest d’un établissement.

2.2. Chronologie et restitution du tracé du chemin protohistorique du Mas Neuf

20Ces structures n’ont livré que peu de matériel, un fragment de céramique non tournée dans le fossé FO1077 et un autre dans le fossé FO2196/FO2277. Leur chronologie repose essentiellement sur les relations stratigraphiques qu’elles entretiennent avec les vestiges de la période tardo-républicaine. Elles n’apportent donc que peu de précision quant à la datation du chemin. Toutefois, cet ensemble de creusements constitue l’état le plus ancien des aménagements en bordure de la voie, avant que celle-ci ne bifurque vers le sud-ouest.

21Force est de constater qu’en l’absence de bande de roulement bien conservée, il est difficile de se faire une idée de la nature et du tracé précis du chemin du Mas Neuf. Les vestiges décrits plus haut s’apparentent d’ailleurs plus à des éléments parcellaires qu’à des fossés bordiers. Il est possible d’envisager que le chemin, au moins dans ces états les plus anciens, soit un simple chemin plat peut-être en léger creux par rapport aux parcelles voisines. L’état tardo-républicain montre quant à lui un fort encaissement et le creusement de deux fossés bordiers. Cette différence peut s’expliquer en partie par la fréquentation du chemin. En effet il a pu être observé qu’un espace de circulation est plus sensible à l’érosion du fait de l’absence de végétation, de la circulation de véhicules à roues et du passage des troupeaux (Séjalon, Ratsimba 2018). Une autre hypothèse serait d’envisager un décaissement volontaire afin d’aménager une structure en creux drainante.

22La question de l’origine protohistorique de ce chemin repose donc en grande partie sur des éléments indirects et sur leur organisation le long de cet axe.

23Au nord, comme on vient de l’évoquer, la fouille de Mas de Vignoles XIII a permis la mise en évidence d’une clôture située au nord de la voie. Plus au sud, dans l’emprise de la fouille de Mas de Vignoles XV (cf. infra), un accès au chemin a fait l’objet de nombreux réaménagements sans doute pour gérer les problèmes liés à l’eau : creusements de fossés drainants et puisards. Lors de la fouille du Mas Neuf, dans la zone 2, le fossé FO2001/FO2191 a été décapé sur 44 m de long. Son creusement suit l’orientation du chemin et un accès de 5 m de large a été observé au sein de son tracé.

24Tous ces vestiges sont bien datés de la période protohistorique, entre les V^e et IV^e s. av. n. è., et leur agencement suggère la présence d’un chemin, seul moyen d’accéder à ces espaces.

2.3. Synthèse

25Le chemin du Mas Neuf a bien dû exister durant le premier âge du Fer. S’il est difficile de fixer avec précision la date de sa création, il est fort probable qu’il soit présent au moment de l’installation des premiers établissements agricoles le long de son tracé. Dans les premiers temps, il n’a pu consister qu’en un simple chemin de terre pouvant mesurer jusqu’à près de 9 m de large. Dans ces états anciens, la présence de fossés bordiers n’est pas avérée et l’on a pu observer que certains linéaments pouvaient plutôt être des palissades. Le drainage de la bande de roulement par la construction de fossés bordiers a pu intervenir dans un second temps, sans doute dès la période tardo-républicaine.

26Le statut du chemin peut être discuté en fonction de sa place dans le réseau. Le chemin du Mas Neuf peut être considéré comme un simple tronçon partant de la route de Générac pour aller se greffer à la route de Saint-Gilles, axe majeur protohistorique menant au comptoir gaulois d’Espeyran (Saint-Gilles-du-Gard, Gard) (Barruol, Py 1978). Ce tronçon mesure 3,1 km de long et devait disposer d’une structure permettant le franchissement du Vistre.

3. Les occupations autour du chemin du Mas Neuf

27Les vestiges pris en compte dans cette étude se répartissent sur l’ensemble de la portion du chemin du Mas Neuf, et au-delà vers le nord-ouest, le long de la route de Générac (Mas de Vignoles XI) (cf. Fig. 1). En l’absence de niveaux de circulation anciens, seules les structures en creux matérialisent les occupations humaines, et encore, faut-il préciser que seules les structures les plus profondément inscrites dans le sous-sol ont été préservées. Il s’agit principalement, au sens générique des termes tels que nous les avons définis plus haut, de fossés et de fosses qui ont livré des séries de mobilier peu fournies. Malgré cela, les éléments typologiques présents suffisent pour alimenter les arguments chronologiques de chaque entité. Malgré les occupations diverses, antérieures comme postérieures, aucune structure ne présente d’ensembles hétérogènes témoignant de mélanges avec des éléments intrusifs ou résiduels. Dans ces contextes sédimentaires essentiellement constitués de limon, l’érosion des parois des creusements apparaît rapidement et semble s’accélérer sous la forme de sape dans les structures profondes en raison de la présence de la nappe phréatique. Ainsi, sans curage régulier, la durée de vie de ces creusements semble limitée dans le temps.

28La présentation de ces vestiges suit une logique topographique, d’ouest en est, en respectant les limites administratives de chaque intervention archéologique.

3.1. Mas de Vignoles XI

29L’opération de diagnostic de Mas de Vignoles XI s’est déroulée en 2005 (Séjalon et al. 2005). Elle concernait une emprise de 5 ha localisés au nord-ouest de la ZAC de Vignoles (Fig. 9). L’ouverture de 56 tranchées essentiellement orientées est-ouest a permis la reconnaissance de plusieurs entités chronologiques, notamment d’importantes occupations des Néolithiques moyen et final.

30Dans la partie ouest du diagnostic, réparties sur une surface d’environ 4 000 m², plusieurs structures contenant du mobilier céramique protohistorique (amphores de Marseille, céramique non tournée, grise monochrome) ont été partiellement évaluées. Elles sont situées le long de la route de Générac et en l’état ne sont associées à aucun fossé. Ce fait est notable puisqu’il s’agit d’un cas isolé. Il est peut-être imputable à l’orientation des tranchées creusées perpendiculairement à l’axe de circulation supposé et donc peu propice à la reconnaissance de fossés aménagés selon les mêmes orientations. Ce petit ensemble se compose de deux fosses, FS1014 (Fig. 10) et FS1018 (Fig. 11), dont les comblements contiennent une part importante de cendres, de charbons et de fragments de terre crue cuite, qui évoquent pour certains des éléments d’architectures en terre. À la base du creusement de la fosse FS1018, un pavage est constitué de dalles de calcaire froid (module maxi = 0,27 m). Elles sont disposées très régulièrement (bords joints ou léger chevauchement) et épousent la forme du creusement, légèrement concave. La fonction de cet aménagement reste énigmatique.

31Deux structures allongées, FS1025 (Fig. 12) et FS1027, complètent cet ensemble. Elles sont emplies de pierres calcaire qui ont toutes subi l’action du feu. Orientées est/ouest, ces fosses sont aménagées sur le même axe, à 2 m de distance. L’une d’elles (FS1027) a fait l’objet d’un nettoyage de surface et d’un sondage ponctuel (Fig. 13). Les parois du creusement, conservées sur 0,50 m de hauteur, ne sont pas rubéfiées et aucune cendre ni charbon n’ont été relevés sur le fond, ce qui pose un problème d’interprétation. En effet, la présence des pierres calcaires suppose qu’elles ont subi l’action du feu dans un autre endroit et qu’elles ont été déposées volontairement dans ce creusement linéaire, soit encore chaudes pour bénéficier d’une chaleur sans flamme, soit froides pour servir d’assise à une structure non identifiée. Peut-être que l’aspect brûlé n’affecte que les pierres observées à la surface décapée de la structure. Comme nous savons qu’il manque quelques dizaines de centimètres, on peut supposer que le feu a été réalisé plus haut, mais l’absence totale de charbon de bois dans le remplissage ne vient pas étayer cette hypothèse. De plus, l’exiguïté du sondage ne facilite pas la compréhension de cette structure.

32À quelques 150 m au nord-est, une petite fosse FS1199 (TR47) a livré en surface du décapage du mobilier céramique protohistorique.

33Plus à l’est, dans la tranchée TR44, un drain d’aspect moderne contient quelques tessons d’amphore de Marseille. Enfin, à l’est de l’emprise diagnostiquée, dans la tranchée TR16, un tronçon de fossé FO1039 a livré un ensemble hétérogène de céramique appartenant aux différentes phases d’occupation du secteur dont des fragments d’amphore de Marseille. Il a été repéré dans d’autres tranchées et on peut le suivre sur plusieurs centaines de mètres. Il appartient à un réseau parcellaire antique dont la mise en place n’a pu être précisée.

34Ces vestiges épars, à distance des véritables structures protohistoriques, évoquent l’emprise spatiale maximale de l’occupation.

35Pour ce qui concerne la chronologie de cette entité mal caractérisée, les bords d’amphore de Marseille mis au jour dans les structures composant le groupe occidental fournissent une datation remontant à la première moitié du V^e s. av. n. è. (cf. Fig. 5). Les deux faits situés au nord des parcelles diagnostiquées ont livré peu de matériel ce qui ne permet pas de préciser une chronologie large comprise entre le V^e et le III^e s. av. n. è.

• La fosse FS1014 (Fig. 10) a été repérée au sein de la tranchée TR4. Elle présente au niveau du fond de tranchée de diagnostic soit à 0,20 m de profondeur du sol actuel, un plan circulaire de 1,80 m de diamètre. Cette structure se prolonge en partie sous la berme sud. La fouille rapide de la moitié visible a permis de dégager le col complet d’une amphore massaliète dans la partie supérieure du comblement conservé ; la partie inférieure de la fosse était stérile en mobilier. Avec les nombreux fragments d’amphore, des restes fauniques et quelques fragments de céramique modelée ont été collectés. Ils sont pris dans une matrice de limon argileux très compact, avec de nombreuses inclusions de charbons, de cendre, et de fragments de terre rubéfiée. Il pourrait s’agir de rejets domestiques associés à des vidanges de foyer.

• La fosse FS1018 (Fig. 11) se situe dans la tranchée TR8, contre la berme sud sous laquelle elle se prolonge. Son creusement a recoupé un foyer empierré néolithique (FY1260). Elle présente un contour circulaire au niveau du fond de tranchée, soit à 0,35 m de profondeur. Sur le fond du creusement, un pavage constitué de dalles de calcaire froid (module maxi = 0,27 m) semble être un aménagement volontaire dont la destination reste énigmatique. Ces dalles sont disposées très régulièrement (bords joints ou léger chevauchement) et épousent la forme du creusement, légèrement concave (Us 1264). Au-dessus (Us 1263), la sédimentation semble être liée à un remblai assez massif de limon gris contenant de nombreuses inclusions (charbons, cendre, argile cuite) et des poches d’argile verte et jaune. Ce type de remblai évoque des rejets d’architecture en terre. Cette couche a livré quelques tessons de céramique et d’amphores. Ce premier comblement semble être suivi d’une phase sans rejets et la sédimentation présente évoque l’érosion naturelle des parois. En effet, une couche de limon brun moyen se dépose le long de la paroi ouest (Us 1262). Enfin, la fosse semble définitivement comblée par une couche de limon brun (Us 1261) contenant de nombreux fragments de terre rubéfiée (architecture en terre), un peu de faune et de la céramique.

• La fosse-foyer FS1025 (Fig. 12) s’apparente à un creusement allongé, d’axe est-ouest, qui mesure 3,50 m de longueur pour une largeur minimale de 0,60 m car la structure s’engage sous la berme sud de la tranchée TR10. Elle a été repérée à 0,60 m de profondeur. On note la présence d’amphore de Marseille dans le comblement supérieur conservé. Cette fosse n’a pas été fouillée. Elle s’apparente en tout point à la fosse-foyer FS1027 repérée dans la même tranchée.

• La fosse-foyer FS1027 (Fig. 13) a fait l’objet d’un nettoyage de surface et d’un sondage ponctuel. Au niveau du fond de la tranchée TR10, à 0,60 m de profondeur, elle présente un plan rectangulaire allongé de 2,30 m de long pour 0,80 m de large. À ce niveau, les parois ne présentent pas de trace de rubéfaction. Elle est comblée par une couche de cailloux calcaires d’un module moyen compris entre 0,10 et 0,20 m. Au niveau supérieur, les cailloux semblent plus fragmentés que dans la partie inférieure du remplissage.

36L’extrémité ouest de la structure a fait l’objet d’un sondage. Son profil présente des parois verticales de 0,50 m de profondeur conservée et un fond plat relativement régulier. Les parois ne sont pas rubéfiées et aucune cendre ni charbon n’ont été relevés sur le fond. Il pourrait tout de même s’agir d’une structure liée à la combustion car les pierres présentent des teintes bleuies ou rosées signalant peut-être un passage au feu. Le mobilier datant est homogène et réparti sur toute la hauteur du comblement constitué exclusivement de pierres.

• La fosse FS1199 est matérialisée, au niveau du fond de la tranchée TR47 située à 0,60 m de profondeur par rapport au sol actuel, par un creusement ovalaire qui mesure 1,40 m de long pour 0,80 m de large. Cette structure non fouillée présente un remplissage au niveau du décapage qui contient des pierres calcaires et des fragments d’amphore de Marseille.

3.2. Mas de Vignoles XII et XV

37En 2006, l’opération de diagnostic Mas de Vignoles XII (Séjalon et al. 2006) a couvert une surface de 4,3 ha située au nord-ouest du croisement de la route de Générac et de l’autoroute A54. Les 54 tranchées réalisées ont révélé de multiples occupations, du Paléolithique supérieur, de l’âge du Bronze, de l’âge du Fer, de la période tardo-républicaine, de l’Antiquité et du Moyen Âge. Les fouilles réalisées par la suite, Mas de Vignoles XIII (Piskorz, Escallon, Guerre 2009) et Mas de Vignoles XV (Ratsimba et al. 2011), ont concerné respectivement la bordure méridionale et l’angle sud-est de l’emprise diagnostiquée. Les vestiges protohistoriques mis au jour forment un ensemble cohérent composé de plusieurs tronçons de fossés qui dessinent les limites d’enclos installés au nord de la voie et de fosses-puisards aménagées à la jonction de ces deux entités (Fig. 6).

38Ces vestiges se cantonnent à une aire globalement rectangulaire d’environ 8000 m². Celle-ci se développe vers le nord, depuis le chemin du Mas Neuf, sur une longueur de 125 m et une largeur de 65 m.

39Les structures de l’âge du Fer mises au jour au cours de l’opération de fouille de Mas de Vignoles XV se concentrent dans l’angle nord-ouest de la parcelle décapée. Ainsi, quelques fossés et palissades, deux puisards et une fosse bordent l’axe de voirie VOI3038 (Fig. 14).

41Toute la partie nord de l’occupation n’a pu être observée qu’au cours de la phase de diagnostic. Elle se compose d’une fosse et de dix tronçons de fossés, rattachés à la Protohistoire suite à une analyse détaillée de leurs comblements et au ramassage de mobilier à la surface des structures. Parmi elles, les fossés FO1010, FO1011 et probablement FO1019 présentent des largeurs de creusement, entre 1,70 et 2,20 m, rarement observées dans la plaine du Vistre pour la période. Au contraire, la largeur des fossés mis au jour plus au sud varie entre 0,60 et 0,90 m. Si la similarité des comblements assure leur appartenance à un même ensemble, ces différences ne peuvent s’expliquer par un effet de troncature quelconque. Cela pourrait signaler une partition des espaces que seul un décapage extensif permettrait de valider. Ainsi, on pourrait avoir un enclos plus ou moins carré de 40 m de côté et possédant un large fossé. Puis, assurant la jonction avec la voie, un ensemble de fossés plus étroits. Cette partition marquée des espaces pourrait constituer une évolution chronologique de la morphologie des enclos et annoncerait les plans des établissements du II^e s. av. n. è. (Pomarèdes, Breuil 2006). L’enclos du nord pourrait représenter un espace de près de 1 600 m² et l’enclos du sud, un peu plus de 2 000 m². Comme pour le fossé FO3032 (cf. supra), les creusements les plus étroits pourraient correspondre à des tranchées d’implantation de palissades ou de clôtures et donc cerner des espaces aux fonctions variées.

42La majeure partie de ces vestiges n’ayant pas fait l’objet de fouille, il est délicat de les considérer comme étant strictement contemporains, d’autant plus que les données stratigraphiques recueillies en fouille aux abords de la voie révèlent plusieurs phases d’aménagements. Les rares indices chronologiques fournis par le matériel datent l’ensemble des structures liées au contrôle des eaux de la première moitié du IV^e s. av. n. è. La datation du groupe de fossés situés plus au nord repose, en l’absence de marqueurs typologiques, sur la présence ou l’absence de certaines catégories de céramiques. Ainsi, l’absence de céramique grise monochrome ou d’amphore étrusque exclurait le V^e s. av. n. è., tandis que la présence récurrente des pâtes claires, des amphores de Marseille et des dolia plaiderait pour une occupation centrée sur les IV^e et III^e s. av. n. è. Enfin, le fragment de céramique campanienne A mis au jour dans le fossé FO1011 pourrait étayer l’hypothèse de la chronologie la plus récente ou être considéré comme intrusif.

• Les fossés FO1010 et FO1019 (TR4 et TR8). Orientation nord-ouest/sud-est. Situé à 100 m de la voie, le fossé FO1010 mesure 1,70 m de large. Son comblement est un limon brun contenant de rares cailloux calcaires et une faible densité de coquilles d’escargots. Le fossé FO1019 prolonge cet axe. Il a été observé à 15 m au sud-est. Repéré à l’extrémité est de la tranchée, il n’a été que partiellement dégagé. Les comblements sont identiques.

• Les fossés FO1011 et FO1022 (TR5 et TR10). Orientation nord-ouest/sud-est. Ces tronçons permettent de restituer un axe de 35 m de longueur, qui au plus loin est distant de la voie de 125 m. Le fossé FO1011 mesure 2,20 m de large. Son comblement est un limon brun sombre contenant des cailloux calcaires (notamment sur les bords) et une forte densité de petites coquilles. Le fossé FO1022 mesure 1,10 m de large. Son comblement est un limon brun sombre contenant des cailloux calcaire et des coquilles cassées.

• Les fossés FO1025 et FO1097 (TR 35 et TR12). Orientation nord-est/sud-ouest. Le fossé FO1097 mesure 0,90 m de large. Son comblement est un limon brun sombre contenant de rares cailloux calcaires et une faible densité de coquilles d’escargots. Il forme avec le fossé FO1025 un axe de 24 m de longueur. Ce dernier mesure 0,62 m de large. Il est possible que le fossé s’interrompe avant la berme est de la tranchée. Son comblement se compose d’un limon brun sombre contenant des coquilles d’escargots. Ces deux tronçons de fossés sont respectivement localisés à 40 et 60 m de l’axe de voirie.

• Le fossé FO1026 (TR13). Orientation nord-est/sud-ouest. Situé à 95 m de la voie, il mesure 0,72 m de large. Son comblement est un limon brun contenant des cailloux calcaires, des galets et une forte densité de coquilles d’escargots.

• Le fossé FO1057 (TR25). Orientation nord-ouest/sud-est. Il est situé aux abords immédiats de l’axe de voirie et mesure 1,30 m de large. Son comblement est constitué d’un limon brun sombre contenant des cailloux calcaire.

• La fosse FS1063 (TR26). Elle s’appuie contre le fossé FO1064. Coupée lors du décapage mécanique pour la distinguer de celui-ci, elle présentait un comblement très riche en fragments de brique cuite (peut-être du fait d’un incendie), de charbons de bois et de céramique (A-MAS, CNT-LOR). Malheureusement ce mobilier n’a pas été inventorié.

• Le fossé FO1064 (TR26). Orientation nord/sud. Situé à 16 m de la voie. Il mesure 1,50 m de large. Son comblement est un limon brun foncé contenant de nombreux cailloux calcaires.

• Le fossé FO1162 (TR15). Orientation est/ouest. Il mesure 0,74 m de largeur.

• Le fossé FO3032, est un creusement linéaire d’orientation nord-est/sud-ouest, observé sur 26,50 m de long qui recoupe la fosse FS3183, le fossé FO3241 et le puisard PT3288. Au nord-est, il se poursuit au-delà de l’emprise et au sud-ouest, il s’interrompt au contact de la voie VOI3038. Large de 0,50 m en moyenne, il est conservé sur une profondeur maximale de 0,20 m. Ses parois sont évasées et son fond plat mesure une vingtaine de centimètre de large. Celui-ci est régulièrement marqué de surcreusements quasi-circulaires qui correspondent vraisemblablement à des négatifs de piquets (Us 3182). Leurs diamètres s’échelonnent de 0,12 à 0,20 m et leurs profondeurs de 0,04 et 0,16 m. Lorsque leur conservation est optimale, leur organisation apparaît en quinconce le long de l’axe fossoyé (Fig. 15). Les comblements (Us 3187, 3188), se caractérisent par des limons bruns contenant des inclusions fréquentes de petits escargots.

• La fosse FS3183 présente un plan ovoïde de 1,20 m par 1,60 m et un creusement à fond plat, légèrement concave et aux parois évasées conservées sur 0,60 m de profondeur. Au sein de son comblement (Fig. 16), les effondrements de parois (Us 3193, 3194), sont entrecoupés de phases de colmatage essentiellement constituées de limons argileux peu chargés en inclusions, où le matériel anthropique est rare (Us 3190, 3191, 3192).

• Le fossé FO3241. Au nord, la section principale se développe sur environ 8 m de long selon un axe nord/sud. L’extrémité nord du fossé bifurque vers le nord-est sur une longueur de 1,70 m, avant d’être perturbée par un aménagement médiéval. Le creusement présente un profil en cuvette large de 1,20 à 1,50 m et est conservé au maximum sur 0,42 m de profondeur. La base du fossé est ici marquée par un léger pendage de 1,6 % vers le sud. Au nord, son altitude est de 26,54 m NGF, puis elle descend à 26,47 m NGF au contact de PT3274. Au sud, le tracé se divise en deux branches. L’une se dirige vers la structure PT3288 et l’autre bifurque vers le sud-est et les bordures de la voie VOI3038 (FO1057). L’extension ouest ne semble pas correspondre à un réel aménagement, mais plutôt à une dégradation des sols en périphérie du fossé et des puisards. En effet, ses contours sont peu perceptibles, extrême- ment irréguliers et sa profondeur varie entre 2 et 5 cm. La branche sud-est présente un creusement en cuvette conservé sur 0,60 à 0,80 m de large et 0,18 m de profondeur maximale. Comme pour la section principale cette bifurcation se caractérise par un pendage nord-sud, cette fois plus franc puisqu’il est de plus de 7 %. Cependant, notons que la base de cette partie du fossé est surélevée par rapport à la précédente. Elle se situe à une altitude de 26,72 m NGF au sud de PT3274 et descend à 26,63 m NGF plus au sud. La section nord du fossé pourrait donc avoir été destinée à canaliser les eaux vers le puisard et/ou favoriser, assainir un éventuel accès. La partie sud aurait quant à elle été aménagée dans le but de rediriger le trop plein occasionnel vers la voie.

• La tranchée TR3243 se développe sur une longueur de 3,15 m et une largeur de 0,24 à 0,30 m. Son creusement est caractérisé par un fond plat et des parois légèrement évasées conservées sur 6 à 10 cm de hauteur. La base du comblement est marquée par de légères variations de formes quasi-circulaires (diamètre ≈ 15 à 20 cm) qui pourraient correspondre à des négatifs de poteaux.

• La tranchée TR3244 (Fig. 17), mesure 2,15 m de longueur pour une largeur variant entre 0,19 et 0,30 m. À la base du creusement, des négatifs circulaires de 10 à 15 cm de diamètre sont discernables au centre et à l’extrémité ouest de la structure. Aucun mobilier n’a été mis au jour dans son comblement.

• Un second puisard, PT3274, a été repéré 4 m au nord-est du précédent (Fig. 18). Il est distant de 3 m de la voie. Son creusement présente un plan de forme rectangulaire de 0,77 sur 0,60 m et un profil à fond plat aux parois verticales sur 1,10 m de hauteur puis évasées sur 0,85 m.

43Il est tout d’abord comblé, sur 0,60 m d’épaisseur, par un sédiment argilo-limoneux de couleur grise à noire au sein duquel la malacofaune est abondante, qui englobe un niveau de blocs calcaires et de fragments d’amphores de Marseille (Us 3301). Cette première couche est surmontée par plusieurs niveaux (Us 3304, 3300, 3299, 3274, 3298) présentant les mêmes caractéristiques : une matrice argilo-limoneuse mêlée de limons lœssiques remaniés qui, si l’on considère qu’ils sont issus de l’érosion des parois du puisard, pourraient expliquer le profil en entonnoir de la structure.

• Le puisard PT3288 dont l’extrémité ouest est en partie tronquée par les aménagements de voirie antiques présente un plan ovale large de 0,85 m et a été observée sur 0,70 m de longueur. Elle présente un creusement aux parois verticales conservées sur 0,90 m de hauteur (Us 3288) (Fig. 19). Son fond est marqué au pied de la paroi nord-ouest par un léger surcreusement quasi-circulaire (0,35 x 0,45 m). Dans un premier temps, PT3288 est comblé sur 0,20 m d’épaisseur par des limons de couleur brune, faiblement mêlés de lœss (Us 3289 inf.). Cette couche est surmontée sur une hauteur de 0,40 m par un dépôt aux caractéristiques similaires mais plus chargé en lœss (Us 3289 sup.), ce qui confère une texture sableuse et une couleur jaune-orangé à l’ensemble. À la base de celle-ci reposent des cailloux et des blocs calcaires. La partie supérieure est colmatée par des limons bruns au sein desquels la part lœssique est plus faible (Us 3290). La présence récurrente des lœss dans ces premières phases de comblements, ainsi que l’aspect compact et homogène des sédiments semblent indiquer que le remplissage de la structure est en partie lié à la dégradation des parois. Il faudrait donc envisager là deux phases de comblement naturel, entrecoupées par un apport d’origine anthropique. Une fois la structure en grande partie comblée, un curage partiel est réalisé. S’il se superpose à l’aménagement précédent, il occupe une aire plus vaste, longue de 3,20 m et large de 1,20 m. Son profil présente des parois évasées hautes de 0,60 m et un fond légèrement concave large de 0,50 m. Il est comblé sur la totalité de sa hauteur par des limons argileux de couleur brun foncé (Us 3285), où sont discernables quelques éléments de malacofaune.

45L’interprétation de cette structure en tant que « puisard » se voit confirmée par la malacologie, notamment par la présence d’individus aquatiques (Galba truncatula, Anisus leucostoma) peu nombreux au sein de spectres composés pour une large part de faune terrestre. Ils correspondent plutôt à des milieux intermittents liés à un engorgement saisonnier.

• La tranchée TR3297 est orientée nord-nord-est/sud-sud-ouest, à la perpendiculaire de l’axe de circulation. Cette structure a été observée sur une longueur de 8,25 m. Au nord, elle s’engage au-delà des limites de fouille, alors qu’au sud la suite de son tracé est masquée par l’aménagement du fossé protohistorique FO3241. Sa largeur oscille entre 0,17 et 0,24 m. Son creusement présente un profil en U conservé sur une dizaine de centimètres maximum. Il est comblé par un sédiment limono-argileux de couleur brune contenant de rares éléments de malacofaune. Cette structure n’a pas livré de mobilier.

• La tranchée FO3305 reprend le tracé de la section nord de FO3241 et, à l’aplomb du puisard PT3274, il bifurque vers PT3288, formant un arc de cercle de 8,70 m de longueur (Fig. 14). Son creusement est large de 0,60 m en moyenne et son profil présente un fond plat et des parois légèrement évasées, conservées sur 0,42 m de hauteur au maximum (Fig. 19, sommet de PT3288). Il est comblé par un sédiment limono-argileux, mêlé de rares inclusions de lœss et d’éléments de malacofaune. Au niveau de l’extrémité ouest, au droit du puisard PT3288, des blocs et cailloux calcaires se mêlent à la matrice limoneuse. En plus de la spécificité du profil, des négatifs de poteaux d’une dizaine de centimètres de diamètre ont été observés en plusieurs points à la base du creusement. La partie supérieure du comblement se compose de limons loessiques remaniés et quelques cailloux calcaires (Us 3037). Au droit du puisard PT3274, cette couche est remplacée par une blocaille de cailloux calcaires et de fragments d’amphores massaliètes (Us 3295) (Fig. 18). Il est probable que cet amas ait été destiné à assainir le terrain et palier à son affaissement au niveau du puisard.

3.3. Le bassin du Mas Neuf

46Suite aux inondations qui ont affecté la ville et sa périphérie en 1989, un important programme de lutte contre les inondations a été mis en place (PPCI : Plan de Protection Contre les Inondations). Il s’agissait d’aménager plusieurs bassins, en amont et en aval de la ville, et des canaux, nommés cadereaux, afin de gérer le flux des eaux pluviales lors des épisodes cévenols en automne.

47Le projet d’aménager un vaste bassin dans le secteur a généré la réalisation d’un diagnostic sur les emprises du canal et du bassin (Hervé 2000).

48La mise au jour de nombreux vestiges couvrant plusieurs tranches chronologiques a nécessité la prescription de deux fouilles : en 2002, en préambule au creusement du Cadereau d’Alès et en 2004 pour aménager la digue du bassin du Mas Neuf.

3.3.1. Le Cadereau d’Alès

50Ces vestiges semblent correspondre à un ou deux ensembles de fossés, peut-être superposés, qui délimitent différents espaces (Fig. 20). Au nord, deux ruptures dans les fossés FO5003 et FO5175 suggèrent la présence d’un accès commun et plaident pour un fonctionnement contemporain des fossés FO5003, FO1010/FO3008 avec les fossés FO3003/FO5101 et FO3004. Seul le fossé FO3003bis/ FO5109 pourrait recouper l’ensemble ou être antérieur. En l’état, il est impossible de trancher. Cette chronologie relative est confirmée par les mobiliers collectés à l’occasion des tranchées de surveillance des travaux qui livrent plusieurs bords d’amphore de Marseille qui couvrent une fourchette chronologique large (Fig. 21).

51Les fossés orientés sud-ouest/nord-est devaient se prolonger en direction du sud jusqu’au chemin du Mas Neuf alors que vers le nord, les tranchées effectuées lors du diagnostic de Mas de Vignoles VIII (Séjalon, Noret 2003) montrent qu’ils s’interrompent avant. Au sud de ces linéaments, il est difficile d’évaluer la largeur de l’emprise de ces enclos. Des petites tranchées effectuées dans ce secteur à l’occasion du diagnostic de Mas de Vignoles III (Escallon 2001) n’ont pas livré de fossés protohistoriques, il est donc possible de limiter l’extension à une trentaine de mètres de largeur.

• Le fossé FO5003 a été décapé sur une longueur de 25 m. Il est orienté sud-ouest/nord-est et s’interrompt nettement côté ouest. Seuls les niveaux inférieurs de la structure étaient conservés dans les limons lœssoïdes jaunes. Le fossé a conservé une largeur de 0,48 m et un sondage réalisé à l’extrémité ouest a permis de mesurer sa profondeur conservée : 0,18 m. Son profil est en « U » (Fig. 22) et le fossé présente un léger pendage vers le sud-ouest ; pendage mesuré à partir de trois points de côte. Son remplis- sage est assez uniforme. Il est constitué de limon brun homo- gène recelant quelques petits cailloux et de très rares fragments de céramique. À deux mètres de son interruption, il se prolonge au-delà de la limite d’emprise de la fouille et semble correspondre à des tronçons observés lors des surveillances de travaux, notamment FO1010 et FO3008. L’ensemble de ces informations permet de restituer un linéaire long de 66 m.

• De gabarit similaire, le fossé FO5101 a été repéré à deux mètres au sud du fossé FO5003. Il est perpendiculaire au tracé de ce dernier et se termine par une petite fosse FS5103 qui semble reprendre l’orientation du fossé FO5003 et se terminer à l’aplomb de l’ouverture ménagée. Il a été observé sur 4 m de longueur et peut être poursuivi par un tronçon (FO3003) observé dans une tranchée réalisée à l’occasion de la surveillance de travaux. Ce fossé FO5101 mesure 0,92 m de large à l’extrémité sud du tronçon observé et 0,64 m à l’extrémité nord. La fouille a révélé un creusement peu profond de 0,14 m qui se réduit vers la fosse FS5103. Le fond reste large et légèrement concave sur l’ensemble du tracé. Le remplissage est constitué par du limon brun moyen contenant quelques nodules de carbonate et du mobilier archéologique.

• Parallèlement au FO5003, à 7 m au sud, le fossé FO5109 a été décapé sur près de 10 m de longueur. Il mesure 0,90 m de large côté est et 0,80 m côté ouest. Les trois sondages répartis sur la partie décapée montrent un creusement irrégulier dont la morphologie générale est de profil en « U » évasé, de 0,44 m de profondeur conservée. Son remplissage est constitué en partie haute par un limon brun moyen recelant quelques nodules de carbonate de calcium, de nombreuses coquilles d’escargots brisées, quelques char- bons de bois et quelques tessons de céramique modelée. Ce fossé peut être prolongé par un tronçon (FO3003 bis) observé dans une tranchée des travaux de surveillance. Par rapport au fossé FO5101, l’analyse spatiale des vestiges suggère qu’ils devaient se recouper mais le carrefour des deux fossés se situe hors emprise.

• Le fossé FO5175 est parallèle au fossé FO5003 duquel il est distant de 1,50 m (Fig. 22). Il a été essentiellement observé lors d’un décapage complémentaire au sud-ouest de l’emprise. Il ne semble doubler le fossé FO5003 que dans sa portion sud-ouest et pourrait correspondre au fossé FO3004 observé à l’occasion de la surveillance de travaux. Il présente un gabarit différent puisqu’il mesure 0,90 m de large pour 0,28 m de profondeur conservée. Le remplissage est constitué de limon brun dans lequel sont présents, en partie médiane et en partie haute, quelques gros fragments de céramique et de rares cailloux de taille décimétrique. On note également la présence de quelques fragments de charbon de bois et de petites coquilles d’escargots.

3.3.2. La fouille de la digue du Mas Neuf

52Étant donné la densité de vestiges mise au jour au sein de l’emprise de 15 hectares du bassin (Hervé 2000), le creuse- ment de ce dernier a été abandonné au profit de la construction d’une digue et d’un système de déversoir. La fouille réalisée en 2004 (Séjalon et al. 2009b) a donc porté sur les terrains cernant l’emprise du bassin à partir de 4 zones décapées pour une superficie cumulée de 2,5 hectares. Elle a permis la mise au jour de nombreux vestiges couvrant plusieurs phases d’occupation du Néolithique, du premier âge du Fer, du second âge du Fer (Fig. 23), de la période Antique et du Moyen Âge.

53À partir de la documentation collectée lors de la fouille et des données du diagnostic, il est possible de restituer trois entités dont la constitution est très variable du fait des limites de l’ouverture des fenêtres de fouille et des études qui ont pu être réalisées. Elles s’organisent de part et d’autre du chemin du Mas Neuf et sont essentiellement matérialisées par des fossés.

54Entité 1 :

55À l’extrémité ouest du décapage de la zone 2, un petit ensemble de structures a pu être daté de la Protohistoire (Fig. 8). Il se compose d’un semis de trous de poteaux et de deux portions de fossés orientés nord-ouest/sud-est, FO2001 et FO2191. Avec les données enregistrées lors du diagnostic, il est possible de limiter cette occupation vers le sud avec le fossé FO2101. Au sud de celui-ci, une fosse de grande taille FS2102 a été mise au jour et partiellement testée. Elle s’apparente à une fosse d’extraction de matériau qui aurait servi à la construction de bâtiments.

56Sur le linéaire longeant le chemin du Mas Neuf, une interruption nette sépare les fossés FO2001 et FO2191. Elle mesure près de 5 mètres de large et pourrait signaler la présence d’un accès. Au sud de cette interruption, trois trous de poteau - FS2185, FS2187 et FS2189 - pourraient matérialiser un système de fermeture supportant une porte (Fig. 24). Ils présentent les mêmes caractéristiques de creusement à savoir une fosse d’implantation circulaire au contour régulier mesurant entre 0,22 et 0,34 m de diamètre pour une profondeur conservée variant de 0,10 à 0,24 M. Les comblements sont identiques et constitués de limon brun, compact et homogène.

57Dans le fossé FO2101, d’importants rejets anthropiques avaient été repérés lors du diagnostic. Avec les trous de poteaux matérialisant probablement la zone habitée et la fosse d’extraction, cela confère à cette entité un statut d’établissement agricole dont les fonctions n’ont pu être appréhendées. L’emprise restituée permet d’estimer la surface de l’enclos à environ 2 500 m².

• Le fossé FO2001 est orienté nord-ouest/sud-est et a été décapé sur une longueur de 27 m. Côté nord, le diagnostic avait permis de reconnaître un tronçon de fossé (FO2128) qui est dans le prolongement de FO2001. Il semble suivre le tracé du chemin du Mas Neuf. Côté sud, après une interruption marquée, il se prolonge par un autre fossé enregistré FO2191. Tous deux présentent des caractéristiques similaires de creusement et de comblement. Le fossé FO2001 a été testé sur une section d’1 m ; il mesure 0,90 m de large pour 0,30 m de profondeur conservée (Fig. 25). Son profil est régulier en cuvette et présente des parois évasées et un fond légèrement concave. Son comblement est constitué d’un limon argileux, compact et homogène, de couleur brun-gris moyen. On note une densité moyenne de malacofaune surtout sous forme de débris, en surface.

• Le fossé FO2101 a d’abord été reconnu au sein de la tranchée TR35 du diagnostic à 0,40 m sous la surface du sol actuel. Un premier sondage a permis de caractériser son creusement et son comblement. Il présente un profil aux parois évasées et un fond plat. Il atteint 1,40 m de large pour une profondeur conservée de 0,32 m. Au fond, a été retrouvée la base d’un trou de poteau installé au milieu de la largeur du fossé et mesurant de 0,22 à 0,25 m de diamètre. Le remplissage du fossé est nettement distinct du sédiment encaissant et se compose d’un limon gris-noir contenant de nombreuses coquilles de malacofaune et des poches de substrat carbonaté remanié. Ce comblement inclut quelques éclats de calcaire (10 x 10 x 5 cm) et des tessons d’amphore de Marseille, notamment un, retrouvé dans le remplissage du trou de poteau mais ne semblant pas participer du calage de ce dernier. Le colmatage du trou de poteau se distingue du comblement du fossé par un remplissage un peu plus hétérogène, plus gris que noir, et une fréquence de nodules carbonatés un peu plus importante. Une tranchée complémentaire orientée est-ouest a permis le dégagement du fossé sur environ 30 m de long. Côté est, au sein de la tranchée TR44, il s’interrompt par une extrémité arrondie (Us 2136). En plan, il présente un tracé sinueux s’élargissant entre les tranchées TR44 et TR35. Il pourrait s’agir probablement d’un fossé de palissade.

• La fosse FS2102 se situe au sud du fossé FO2101 observé lors du diagnostic. Elle est de forme oblongue et elle est apparue à 0,40 m sous la surface du sol actuel. Son creusement mesure au niveau du décapage 3,20 m de long et 0,85 à 0,90 m de large. Elle a été fouillée par moitié et se trouve conservée sur près de 0,30 m de profondeur. Elle présente un profil aux parois peu évasées et un fond plat. Elle est comblée par un sédiment limoneux brun- noir incluant quelques nodules de terre crue jaune ou verte et très chargé en mollusques et en fragments de calcaire (15 x 10 x 5 cm en moyenne, quelques-uns supérieurs à 12 cm). Le comblement contient quelques tessons de céramique très érodés et des fragments d’amphore de Marseille.

• Le fossé FO2191 a été observé sur une longueur de 12 M. Il est dans le même axe que le fossé FO2001 et séparé de ce dernier d’environ 5 m. L’ensemble permet de restituer un linéaire de près de 40 m de long. Il mesure 0,70 m de large pour 0,16 m de profondeur conservée (Fig. 25). Son profil est régulier en cuvette avec des parois quasi-verticales et un fond concave. Son comblement est constitué d’un limon argileux compact et homogène, de couleur brun-gris.

• La fosse FS2185 peut être considérée comme un trou de poteau circulaire. Le surcreusement en « V » situé au fond de la structure pourrait indiquer l’emplacement du calage du poteau. Le creusement circulaire possède un contour régulier qui mesure 0,32 m de large pour une profondeur maximale conservée de 0,10 à 0,14 m. Son profil est irrégulier avec une paroi quasi-verticale et un fond plat.

• La fosse FS2187 peut être considérée comme un trou de poteau circulaire. Le surcreusement cubique, situé au fond de la structure, pourrait indiquer l’emplacement du calage du poteau. Le creusement est ovalaire, au contour régulier, qui mesure 0,34 m de large pour une profondeur maximale conservée de 0,12 à 0,22 m. Son profil est irrégulier avec une paroi quasi-verticale et un fond plat.

• La fosse FS2189 peut être considérée comme un trou de poteau circulaire. Le creusement est circulaire, au contour régulier, et mesure 0,22 m de large pour une profondeur maximale conservée de 0,24 m. Son profil est régulier avec une paroi quasi-verticale et un fond en cuvette.

58Entité 2 :

59Au nord de la zone 1, trois fossés (FO1055, FO1061 et FO1063) semblent délimiter une parcelle dont la fonction n’a pu être définie (Fig. 26). Ils constituent l’angle sud-ouest de la parcelle que l’on suppose étendue au nord et vers l’ouest jusqu’au chemin du Mas Neuf. Côté ouest, entre les tronçons de fossés FO1055 et FO1061, une interruption large de 3 mètres signale un accès donnant sur un autre chemin peut-être plus ancien que le chemin du Mas Neuf. La nature similaire des comblements suggère qu’ils appartiennent bien à l’occupation protohistorique du secteur et non aux fossés parcellaires antiques présents également dans le secteur qui présentent des comblements plus clairs. Les rares mobiliers découverts dans les sondages effectués confirment cette attribution chronologique.

• Le fossé FO1055 est orienté nord-sud et a été observé sur près de 24 m de long. D’après les résultats du diagnostic, il peut être prolongé vers le nord en liaison avec le fossé FO3188 observé dans la tranchée TR89. Vers le sud, après une interruption de 3,50 m, il se poursuit par un autre tronçon de fossé FO1061.

60Deux sondages ont permis d’analyser son profil (Us 1055) et son comblement (Us 1056). Il mesure 0,60 m de large au niveau du décapage. Son profil régulier présente des parois verticales et un fond plat conservé sur seulement 0,10 m de profondeur. Il pourrait s’apparenter à une tranchée de palissade. Son comblement est constitué d’un limon meuble et homogène de couleur brun clair faiblement mêlé de lœss carbonaté. On note une forte densité de malacofaune sous forme de débris et de coquilles entières.

• Le fossé FO1061 correspond au prolongement vers le sud du fossé FO1055. Il mesure 6 m de long et s’articule à angle droit vers l’est avec le fossé FO1063. Un seul sondage a permis d’analyser son profil (Us 1061) et son comblement (Us 1062). Large de 0,60 m, il possède un profil régulier aux parois verticales et un fond plat, conservé sur 0,12 m de profondeur maximale. Son comblement est constitué d’un limon, meuble et homogène de couleur brun clair faiblement mêlé de lœss carbonaté. On note une forte densité de malacofaune sous forme de débris et de coquilles entières.

• Le fossé FO1063 constitue le prolongement vers l’est du fossé FO1061, probablement jusqu’au chemin du Mas Neuf. Il a été observé sur près de 22 m de long. Deux sondages ont permis d’analyser son profil (Us 1063) et son comblement (Us 1064). Il mesure 0,90 m de large au niveau du décapage. Son profil régulier présente des parois verticales et un fond légèrement concave. Son comblement est constitué d’un limon, meuble et homogène de couleur brun foncé, faiblement mêlé de lœss carbonaté. On note une forte densité de malacofaune sous forme de débris et de coquilles entières.

61Entité 3 :

62Au sud de la zone 1, un réseau de fossés (Fig. 26) observés lors de la fouille, complété par plusieurs linéaires détectés à l’occasion du diagnostic, constitue un ensemble dont l’organisation et la chronologie assurent une compatibilité avec les précédents. Le fossé FO1085 (Fig. 27) a fait l’objet de plusieurs sondages et a livré un profil longitudinal particulier suggérant la présence d’une palissade, peut-être implantée dans un second temps. Si la limite nord ne pose pas de problème de restitution, en revanche, son parallèle situé plus au sud ne repose que sur un unique tronçon de fossé FO3096 qui a bien livré du mobilier céramique protohistorique. Entre les deux, deux autres segments, datés également avec du mobilier céramique, pourraient participer d’une segmentation interne de l’enclos.

63L’implantation de cette entité semble dictée par la présence de deux chemins : le chemin du Mas Neuf orienté nord- ouest/sud-est à cet endroit et un petit chemin nord-sud, héritage d’un chemin plus ancien dont la restitution s’appuie sur la présence de plusieurs enclos circulaires et sur sa reprise à l’antiquité.

64Cela circonscrit une surface rectangulaire qui mesure 125 m de long pour une largeur moyenne d’environ 100 m. Cette proposition fragile s’appuie sur des modèles établis à partir de fouilles plus conséquentes, notamment celle réalisée au Mas de Vignoles IX (Séjalon et al. 2015). Elle mériterait d’être confirmée par un décapage général.

65L’étroitesse de la fenêtre décapée comparée à l’emprise restituée ainsi que l’absence d’autres structures contemporaines ne facilite pas l’interprétation de la nature de cette occupation mais la présence en quantité suffisante de mobilier céramique permet de fixer la datation dans la première moitié du V^e s. av. n. è. couches constituant son comblement ont été tamisés et analysés par Sophie Martin (cf. infra et Martin 2009). Les assemblages montrent dans un premier temps la mise en place de formations herbacées traduisant un fort degré d’ouverture des milieux puis dans les niveaux supérieurs conservés une reprise de la végétation qui signalerait une phase d’abandon.

• Le fossé FO1085 limite au nord l’emprise de l’entité restituée. Il a été observé sur 25 mètres de longueur et semble se poursuivre vers l’est. Deux tronçons non datés (FO3157 et FO3158) détectés dans la tranchée TR71 du diagnostic présentent la même orientation. L’un d’eux pourrait être le prolongement du fossé FO1085. Il aurait alors une longueur de plus de 100 m.

66Quatre sondages ont permis d’analyser son profil et son comblement. Il présente un creusement en « V » avec des parois abruptes conservées sur 0,30 m de profondeur. Au niveau du décapage il mesure 0,50 m de large. Un sondage dans le sens du fossé a permis la mise en évidence d’une section transverse pour le moins originale (coupe 5). Le caractère très anguleux du creusement pourrait s’expliquer par la présence d’une palissade constituée de petits piquets disposés en rang serré. Il n’a pas été observé de poteaux raidisseurs. Cette interprétation ne s’oppose pas au mode de remplissage du fossé marqué par deux couches distinctes. À la base, une couche de limon jaunâtre pourrait provenir de l’encaissant creusé et réutilisé immédiatement pour le calage de la palissade. Au-dessus, la couche de limon brun accueille le mobilier et contient de nombreuses coquilles d’escargots ainsi que quelques cailloux calcaires. Elle marquerait une phase d’occupation. Des prélèvements ont été pratiqués dans deux portions éloignées du fossé pour vérifier des observations visuelles quant à la présence d’assemblages de malacofaune différents et bien évidemment pour agrémenter le corpus de données concernant l’environnement protohistorique.

67Dans le comblement inférieur du fossé, on note la présence majoritaire d’espèces héliophiles (Candidula gigaxii et Candidula unifasciata) associées à des espèces plus hygrophiles également de milieux ouverts (Vallonia pulchella et Cochlicella acuta), ainsi que l’absence totale d’éléments à affinité forestière, alors que l’on retrouve un taxon de broussailles (Monacha sp.) et une espèce de friches sèches (Cernuella virgata). Cet assemblage indique un milieu totalement déboisé, subissant un impact anthropique élevé : on peut reconstituer un paysage rudéral, de type terrain vague avec des herbacées plus ou moins hautes, relativement clairsemées, et quelques broussailles.

68Les échantillons du comblement supérieur traduisent une légère déprise : en effet, on constate la diminution des espèces de pelouses au profit du taxon de broussailles Monacha sp. et de l’espèce de friche haute Cernuella virgata. Il apparaît que la zone continue de se végétaliser témoignant de l’abandon de la structure. Par ailleurs, on note que cet abandon s’accompagne, comme souvent, du développement des faunes aquatiques (Galba truncatula et Anisus leucostoma) de milieu temporaire d’eau stagnante marquant le manque d’entretien du fossé. Une différence d’assemblage malacologique a été enregistrée d’une extrémité à l’autre du fossé : Rumina decollata et Pomatias elegans ; ces deux espèces nécessitant la présence d’un couvert arboré semblaient particulièrement abondantes à l’est du fossé alors que côté ouest le prélèvement n’en contenait pas. Dans l’ensemble, ces deux échantillons sont malgré tout très semblables (ce sont les espèces de milieux ouverts qui dominent) : en effet, Pomatias elegans et Rumina decollata sont largement minoritaires dans l’assemblage est. On pourrait y voir une différence spatiale avec une zone du fossé à proximité de formations arborées. Même si la résolution spatiale des assemblages malacologiques est très fine, il apparaît que les éléments de très petite taille (comme les haies) ne sont pas - ou mal - enregistrés dans les assemblages (Martin 2004).

• Le fossé FO1087 est une courte portion de fossé qui vient se greffer au sud du fossé FO1085 à quelques mètres de son extrémité ouest (Fig. 26). D’orientation est-ouest, il a été observé sur une longueur de 8,50 m. Deux sondages ont permis d’analyser son profil et son comblement. Au niveau du décapage, il est large de 0,35 m pour une profondeur conservée de 0,20 m. Son profil régulier est très arasé mais présente des parois verticales et un fond plat. La présence au fond du fossé d’un sédiment fortement mêlé de lœss témoigne peut-être d’une phase de fonctionnement ouvert du fossé. Son comblement est constitué d’un limon compact et homogène, de couleur brun-gris foncé. On note une forte densité de malacofaune sous forme de débris et de coquilles entières.

• Parallèlement au fossé FO1087, le fossé FO1089 se situe à 10 mètres au sud. Il a été observé sur une longueur de 36 m et les résultats du diagnostic permettent de le prolonger vers l’est sur une dizaine de mètres (FO3142, TR62). Au-delà, il doit s’interrompre ou s’infléchir, car aucune trace de fossé n’a été observée dans la tranchée TR65 plus à l’est.

69Quatre sondages ont permis d’analyser son profil et son comblement. Il est large de 0,50 m au niveau du décapage (Fig. 28). Il présente un profil symétrique en cuvette avec un fond concave et des parois évasées conservées sur 0,15 m de profondeur. Son comblement unique est constitué d’un limon faiblement argileux compact et homogène de couleur brun-gris foncé. On note une forte densité de malacofaune sous forme de débris et de coquilles entières essentiellement dans la partie supérieure du remplissage qui rappelle le comblement supérieur de FO1085. Le sommet du comblement est marqué par un horizon formé de cailloux calcaires et de mobilier.

• Fig. 28 : Plan, coupes et vues détaillées des profils enregistrés lors de la fouille du fossé FO1089.

  

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  Au sud des deux précédents, le fossé FO1093, se distingue par son orientation. Il est en effet globalement perpendiculaire et son extrémité nord s’infléchit nettement vers l’ouest et s’interrompt dans l’alignement des fossés FO1085, FO1087 et FO1089.

70Il a été observé sur près de 40 m de long ; sa branche septentrionale mesure 12 m de long et sa branche méridionale près de 30 m après que le fossé dessine une large courbe. Un sondage dans la partie est-ouest et quatre sondages dans son tracé nord-sud, ont permis d’analyser son profil et son comblement. Il est large de 0,50 m au niveau du décapage. Son profil en cuvette est régulier et présente des parois évasées et un fond pratiquement plat ou légèrement concave, conservé sur 0,20 m de profondeur. Son comblement est constitué d’un limon brun-gris foncé compact et homogène. On note une forte densité de malacofaune sous forme de débris et coquilles entières. Sa sédimentation et son profil le rapprochent des comblements des autres fossés parcellaires protohistoriques.

4. Synthèses thématiques

71Après la présentation des vestiges archéologiques tels qu’ils ont été découverts lors des diagnostics et des fouilles, il nous a semblé nécessaire de reprendre l’ensemble de la documentation et d’y apporter un éclairage interprétatif afin de mieux appréhender cette portion de paysage protohistorique et d’en comprendre l’organisation et l’évolution entre les V^e et III^e s. av. n. è. On l’a déjà évoqué à plusieurs reprises, les propositions de restitutions et d’interprétation que l’on en fait reposent sur des données parfois ténues. Toutefois, avec les sites mieux connus et publiés sous la forme de monographie (Ratsimba et al. 2015 ; Séjalon et al. 2015), l’exercice de comparaison nous apparaît pertinent.

4.1. Morphologie des occupations

72La plupart des vestiges mis au jour dans ce secteur de la plaine du Vistre concerne des creusements linéaires dont la grande majorité s’apparente à des fossés et dont certains présentent des aménagements qui suggèrent des clôtures ou des palissades légères. Quelques fosses, des trous de poteaux et des puisards complètent la liste des types de structures protohistoriques.

73Du fait du découpage des emprises des différentes opérations, les entités qui ont pu être définies ne présentent aucun plan complet et la part observée reste le plus souvent très limitée.

74En dehors de l’occupation détectée sur le diagnostic de Mas de Vignoles XI, toutes les autres concentrations de vestiges s’organisent au sein ou autour des fossés (Fig. 29). En l’état, et faute de décapages extensifs permettant une vision globale de leur plan, les agencements de ces fossés présentent des formes simples qui sont des déclinaisons de quadrilatères dont un côté s’appuie sur le chemin du Mas Neuf et offre le plus souvent un accès aux parcelles. Il est à noter une grande diversité de formes et d’emprise spatiale qui suggèrent à la fois un éventail d’établissements aux rôles et fonctions sans doute divers et une évolution dans le temps. Grâce au mobilier céramique mis au jour dans certaines structures et aux propositions de datation que nous avons pu établir pour chaque entité (cf. supra), il est possible de fixer un schéma évolutif.

75Le plus ancien des établissements est celui décapé dans la zone 1 de la fouille du Mas Neuf (Fig. 29, n° 1). La restitution que l’on en fait se présente sous une forme globalement rectangulaire qui mesure d’est en ouest 125 m de long pour une largeur moyenne d’environ 100 m, soit une superficie dépassant 1 hectare. D’autres fossés repérés au sein de cette emprise restituée suggèrent un découpage interne des espaces.

76Toujours dans l’emprise de la fouille du Mas Neuf et en complément du diagnostic, une seconde concentration de vestiges a permis de délimiter un autre établissement (Fig. 29, n° 2). Il présente également une forme rectangulaire dont le long côté borde le chemin du Mas Neuf. Elle mesure environ 60 m de long pour 40 m de large. Cette estimation est minimale car on ne connaît pas les limites nord et est. L’arrêt du fossé sud vers l’est suggère la présence d’un accès et donc que l’enclos se prolonge encore. En l’état, sa superficie dépasse les 2 400 m². Un ensemble de trous de poteaux localisés aux abords de la voie pourrait matérialiser l’emplacement de bâtiments.

77Au sud du Cadereau d’Alès, une concentration de fossés matérialisent probablement des enclos accolés et superposés dont on ne perçoit aucune limite claire ; vers l’est des tranchées de diagnostics n’avaient pas permis d’identifier de linéaires signalant un éventuel prolongement (Fig. 29, n° 3). Deux phases sont proposées à partir de l’étude du mobilier. L’emprise proposée mesure 65 x 50 m soit 3 250 m². Cette dernière restitution est bien évidemment sujette à caution. Au Mas de Vignoles XV (Fig. 29, n° 4), les données de la fouille associées à celles du diagnostic, permettent de restituer deux rectangles accolés mesurant respectivement, 40 x 55 m pour celui localisé en bord de chemin, et 40 x 40 m pour celui implanté plus au nord-est, soit une superficie totale d’environ 4 000 m². Ici la partition des espaces est proposée à partir des différences de largeur des fossés. Elle pourrait matérialiser une hiérarchisation entre les enclos aux fonctions différentes. Sur le Mas Neuf (Fig. 29, n° 5), au nord de la zone 1, deux fossés s’articulent à angle droit à distance du chemin du Mas Neuf. Le long du fossé orienté nord-sud, un petit accès a pu être observé. Il pourrait s’ouvrir sur un petit chemin de terre que l’on restitue en limite de tous les fossés des exploitations agricoles de ce secteur. A minima, la superficie de l’emprise limitée par les fossés mesure 3 200 m², soit un rectangle allongé de 81 x 40 m.

78À ces superficies ainsi délimitées, il faut ajouter des espaces ouverts entourant chaque établissement dont l’écho est perceptible par la quantité de matériel céramique résiduel mis au jour dans les structures postérieures. Ces éléments probablement issus de la fumure des champs complètent nos connaissances sur les activités agricoles. De rares structures isolées, en dehors des espaces fossoyés, témoignent également d’activités périphériques dont il est difficile de mesurer l’ampleur.

4.2. Fonctions des occupations

79Comment interpréter ces vestiges ? Il y a encore peu de temps, on ne disposait pas de référentiel pour le sud de la France. Ce n’est que récemment que des fouilles ont permis l’exploration complète d’exploitations agricoles, d’en saisir l’organisation et pour partie la nature de leurs activités (Ratsimba et al. 2015 ; Séjalon et al. 2015). Ces découvertes tendent à démontrer que ces occupations sont le siège d’un habitat permanent dont la durée de vie est variable, d’une à plusieurs générations. Attention, la faiblesse des arguments chronologiques ne doit pas créer du temps long. L’étude du mobilier céramique doit reposer sur des ensembles suffisants pour fixer précisément le nombre de quarts de siècle que dure l’occupation. C’est en ce sens que nous entendons le terme de génération, à savoir, 25 ans pour une génération. Ici, les propositions faites en terme de chronologie sont à prendre pour des indications en raison de la faiblesse numérique des ensembles.

80La place de l’habitat est en principe la plus simple à localiser. Pour ce faire, on s’appuie sur la présence de trous de poteau et/ou sur la localisation des zones de rejets domestiques. Dans notre fenêtre d’étude, seule l’entité 1 (Fig. 29, n° 2) répond à ces critères. Une concentration de petites fosses circulaires interprétées comme des trous de poteau située à l’ouest de l’emprise restituée et aux abords du chemin ainsi que des dépôts de mobilier dans un fossé (FO2101) suggèrent l’emplacement de bâtiments, maisons et annexes dont il n’a pas été possible de déterminer de plans. À proximité, la fosse FS2102 semble pouvoir être interprété comme une fosse d’extraction de matériau. Elle est un argument supplémentaire pour établir dans ce secteur de l’enclos la zone de l’habitat. De même l’ouverture aménagée avec des trous de poteau suggère une construction architecturale complexe qui ne s’apparente pas à une simple porte.

81D’autres témoignages suggèrent que ces espaces pouvaient accueillir des constructions abritant l’habitat. Lors du diagnostic de Mas de Vignoles XII, la fosse FS1063 a livré d’importants rejets de matériaux en terre, des fragments de brique, ce qui suggèrent des modes de construction en terre massive ne nécessitant pas l’emploi de structures porteuses en bois fichées dans le sol. Au Mas Vigier (Nîmes, Gard) (Ratsimba et al. 2015, 230), la découverte de blocs calcaires équarris et d’adobes fondues dans le comblement d’un des fossés du IV^e s. av. n. è. ont été interprétés comme le démantèlement d’un bâtiment construit avec des murs en briques d’adobe sur soubassement de pierres. Ainsi, comme en contexte « urbain », l’architecture en milieu rural, moins contrainte au niveau des espaces, pourrait tout de même suivre les changements de mode de construction ne laissant pas ou peu de traces dans le sous-sol.

82Par rapport au modèle d’organisation défini (Breuil, Séjalon 2008), les espaces occupés par l’habitat proprement dit sont préférentiellement localisés en bordure des chemins. Dans cette fenêtre d’étude, ces zones ont été peu appréhendées par la fouille, ainsi les témoignages d’habitat sont rares.

83À l’opposé de ces espaces et toujours dans les emprises des fossés, il est régulièrement enregistré un vide de vestiges. Cette vision nous semble réductrice et tronquée du fait de l’absence des niveaux de sol. Ils pourraient accueillir des activités particulières ou des plantations à protéger ne laissant pas de traces dans le sous-sol. Un jardin potager ou un espace de pacage sont des possibilités ; dans l’exploitation agricole du Mas de Vignoles IX, un puits a piégé les restes de céréales signalant une aire de battage proche. On l’a évoqué, des découpages internes au sein de ces enclos ont pu délimiter ces différents espaces. Des haies vives ou des structures peu enfouies ont pu compléter les systèmes fossoyés.

84La question du pacage ponctuel pour accueillir les bêtes le soir peut être posée à partir de la morphologie de certains accès et de la présence de palissades. Au Mas Neuf, dans l’entité 2 (Fig. 29, n° 1), l’organisation des fossés situés au nord-ouest de la restitution, à l’opposé du chemin du Mas Neuf, pourrait correspondre à des accès contraints pour les animaux. La mise en évidence de palissade dans un des fossés pourrait aller dans ce sens. Les trous de poteaux observés dans un des fossés longeant le chemin du Mas Neuf lors de la fouille de Vignoles XIII suggèrent également des parcelles destinées à accueillir du bétail.

85La mise au jour de ces poteaux au sein des comblements des fossés et visibles sur les fonds de ces derniers permet d’envisager que les creusements linéaires initiaux ont pu être réaménagés dans un second temps avec une palissade changeant de fait la fonction du fossé ou que la construction de cette palissade nécessitait un creusement linéaire préalable pour enterrer et caler les parties verticales tout en consolidant l’ensemble avec des poteaux installés selon un espacement régulier. Ces constructions végétales pourraient avoir attiré une population particulière de gastéropodes. L’analyse malacologique effectuée dans un des fossés du Mas Neuf propose d’interpréter ces assemblages comme une reprise de la végétation en raison d’un abandon de la structure ou de la présence proche d’un espace arboré. La possibilité d’une haie est également évoquée. Nous proposons d’y voir des palissades végétales. Cette limitation des espaces peut être appréhendée sous deux aspects : soit pour parquer le bétail à l’intérieur, soit pour protéger des plantations particulières du bétail circulant en semi-liberté. En l’état, nous ne pouvons trancher sur l’une ou l’autre des possibilités.

86Ainsi, une partie des espaces restitués est dédiée probablement au bétail que l’on rentre le soir ou à des animaux que l’on souhaite conserver à proximité comme le cheval qui devait représenter une valeur importante, celui-ci étant particulièrement présent dans les établissements ruraux (Séjalon, Ratsimba, Forest 2012).

87Du point de vue de l’économie et des modes de consommation de ces exploitations agricoles, les données disponibles sont trop peu nombreuses pour en tirer de véritables conclusions. Le nombre réduit de structures fouillées et, on l’a dit, l’absence d’importants dépotoirs, nous privent d’une approche quantitative fondée. De plus, la faible représentation de restes fauniques interdit toute tentative d’analyse de la constitution du cheptel et de la consommation carnée qui pourrait en découler. Seul le mobilier céramique (Fig. 4) autorise quelques réflexions dont la portée devra être considérée comme tendancielle étant donné l’insuffisance du corpus (796 fragments).

88Les pourcentages montrent globalement que la composition des assemblages est comparable d’une période à l’autre, à savoir, une surreprésentation du matériel amphorique et notamment de l’amphore de Marseille en nombre de tessons (de 50 à 70 % du total) et une part prédominante de la céramique non tournée dans la vaisselle (entre 75 et 90 %). Au contraire, la proportion de fragments de dolium semble évoluer nettement entre le V^e et les IV-III^e s. av. n. è. (de 1 à 13 %). Ces données chiffrées sont cohérentes par rapport aux valeurs connues dans les différents oppidums de la région. Le fort taux d’amphore permet d’envisager que ces établissements agricoles sont prospères et que les biens produits autorisent des échanges. Le faible taux de céramique fine et tournée peut être imputable à la rareté des dépotoirs fouillés. Plus intéressant est l’accroissement substantiel du nombre de tessons de dolium. Cette tendance semble témoigner de l’adoption de ce nouveau type de vase lié au stockage, à la conservation et à la transformation des denrées alimentaires.

89Ainsi, malgré l’apparente incomplétude et la disparité de nos données, celles-ci s’intègrent à un modèle général d’organisation. Les creusements linéaires, fossés et tranchées d’implantation de palissades ou de clôtures, sont les dénominateurs communs qui permettent d’identifier la présence et l’étendue d’une exploitation agricole.

4.3. Évolution et caractérisation du paysage agraire

90Le paysage de ce secteur de plaine est tout d’abord marqué et structuré par les chemins. La route de Générac semble être un axe important rejoignant probablement vers le sud une voie longeant la rive gauche du Vistre. Les opérations archéologiques n’ont pas permis d’approcher le carrefour avec le chemin du Mas Neuf et les cartes topographiques n’indiquent pas que celui-ci se poursuive au-delà de la route de Générac. Cela suggère bien qu’il démarrerait à partir de cet axe. Depuis ce chemin se développe un réseau de ramifications secondaires donnant accès aux parcelles ou aux établissements agricoles.

92Malgré les incertitudes et l’imprécision de la chronologie de chaque exploitation agricole évoquées plus haut, un schéma évolutif se dégage dans ce secteur de la plaine du Vistre. En tenant compte des résultats acquis le long du chemin de Mas de Vignoles situé à 300/400 m du chemin du Mas Neuf, il est possible de mesurer le rythme de création/abandon des établissements agricoles. Ainsi, toutes les exploitations n’ont pas fonctionné en même temps et pourraient être occupées pour la plupart sur une courte durée, une à deux générations. La vision du plan général de la figure 29 doit donc être nuancée si l’on découpe le temps en quart ou en demi-siècle. À cette échelle de la plaine, l’entité 1 de Mas Neuf a pu fonctionner en même temps que les premières phases de Mas de Vignoles IX qui existe déjà depuis la fin du VI^e s. av. n. è. Toujours dans la première moitié du V^e siècle, le site de Mas de Vignoles IV ainsi que les quelques structures repérées au Mas de Vignoles XI témoignent d’une multiplication des établissements. Durant la seconde moitié du V^e siècle, la plupart de ces sites ne sont plus occupés, à l’exception de Mas de Vignoles IX, tandis que trois entités apparaissent : Mas de Vignoles VII, Cadereau d’Alès et l’habitat de la zone 2 du Mas Neuf. La proximité de ces deux dernières entités, séparées seulement de 100 m, laisse supposer qu’elles pourraient constituer en réalité un seul établissement à l’image du Mas de Vignoles IX qui double sa surface durant cette période.

93À partir du début du IV^e siècle av. n. è., une nouvelle exploitation agricole voit le jour au Mas de Vignoles XV alors que celle du Cadereau d’Alès/Mas Neuf semble perdurer avec peut-être une réduction de son emprise. À proximité, Mas de Vignoles IX continue d’exister. L’ensemble de ces sites ne semble plus occupé au-delà du premier quart du III^e siècle av. n. è.

94Ce rythme de création/abandon des établissements agricoles autour du chemin du Mas Neuf interroge d’une part sur les causes de ces changements et d’autre part sur le statut des terres. En effet, les mouvements déduits de la position des sites et de leur chronologie pourraient être liés soit au déplacement d’un même groupe humain (une cellule familiale plus ou moins élargie), soit à l’installation de nouvelles familles suite au départ ou au non renouvellement (en terme de naissance et de succession) des précédentes.

95Dans le premier cas, c’est la raison de ces déplacements qui pose question. L’épuisement des sols est souvent évoqué pour expliquer ce type de déplacement sur de plus ou moins longues distances. Ici, l’absence de données relatives aux activités agricoles ne permet pas d’aller plus avant dans les hypothèses. En revanche, cela témoignerait du fort ancrage d’un groupe humain sur un espace donné et sur la longue durée à savoir 200 ans (entre 500 et 300 av. n. è.). Le chemin du Mas Neuf et les terres situées de part et d’autre de son axe constitueraient le finage de l’exploitation. Sans aller jusqu’à envisager une appropriation privée, il semble que les exploitants aient une mainmise totale sur ces terres.

96La seconde hypothèse renvoie plutôt à d’autre dynamiques où chaque nouvelle famille qui arrive, tous les 50 ans, si l’on accepte notre découpage chronologique, bénéficie de la totalité des terres autour du chemin mais n’en dispose que sur une courte période. Le lien avec l’appropriation de la terre semble alors moindre. Nous touchons ici les limites des possibilités interprétatives.

5. Conclusion

97Au terme de cette étude qui regroupe un ensemble de données disparates, il nous a semblé opportun de mettre l’accent sur quelques points. Pour mémoire, ces sites n’ont fait l’objet que de décapages partiels ou d’observations ponctuelles lors de diagnostics. De même, rares sont les structures fouillées intégralement qui livrent à la fois des séries de mobiliers conséquentes et autorisent des études paléo-environnementales permettant une grille de lecture pluridisciplinaire qui permet d’appréhender l’organisation des établissements agricoles et leur fonctionnement.

98D’un point de vue méthodologique, nous avons pu constater que la prise de données dès le diagnostic est importante. Mieux caractériser les structures linéaires en essayant d’en définir véritablement la fonction nous paraît essentiel. Perçus le plus souvent comme des aménagements secondaires, les « fossés » ne font l’objet que de rares sondages limités en surface alors que nous avons vu que des palissades pouvaient y être installées. De plus, afin de mieux restituer les emprises des parcelles et des enclos, il nous semble important d’assurer les relations entre les structures linéaires repérées.

99Lors des fouilles, l’accent doit évidemment porter sur les zones de rejets domestiques mais également sur toutes les structures piégeant les indices des activités agricoles.

100Dans certains cas, les puits et les puisards peuvent être de véritables milieux humides conservant des restes végétaux fossiles.

101Des analyses spécifiques pourraient être tentées dans les fossés pour savoir si oui ou non ils ont pu entourer des espaces de stabulation pour le bétail.

102D’autre part, d’un point de vue qualitatif, l’effort doit porter sur les analyses paléo-environnementales (anthracologie, carpologie, malacologie) car la confrontation de leurs résultats permet une approche optimale du couvert végétal aux abords des exploitations, de mieux connaître l’environnement, et surtout documenter les activités agricoles. La collecte des restes fauniques doit être accompagnée des études spécialisées pour mieux connaître la nature de la consommation carnée, mieux évaluer la constitution des cheptels pour estimer les besoins en pâturage et détecter d’éventuelles spécialisations. Sans ces approches pluri-disciplinaires, nous en resterons à collectionner des plans d’établissements sans fonction bien définie.

103Ces secteurs relativement éloignés de l’agglomération protohistorique (Fig. 30), entre 3 et 5 km, se caractérisent par un rythme de création/abandon des établissements agricoles en tout point comparable aux dynamiques mises en évidence autour du chemin du Mas de Vignoles. La présence d’établissements aux IV^e et III^e s. av. n. è. complète de manière significative le panorama des occupations pour cette période, alors qu’elle est souvent décrite comme une phase de crise économique.

104Par ailleurs, les mutations, que l’on peut qualifier de rapides (estimées entre 1 et 2 générations), suggèrent une forme d’instabilité dans le régime foncier. En terme de population, cela peut se traduire par un non renouvellement démographique au sein de chaque établissement, expliquant leur abandon, ou que le groupe familial se déplace et se fixe sur un nouveau finage. Cela pose la délicate question de la transmission de la terre et de ses formes d’appropriation.