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Les territoires au temps de la pandémie : entre urgence sanitaire et impacts sociétaux

Les territoires au temps du Covid : recherches en sciences humaines et sociales

Introduction du dossier thématique
Territories in the Covid period
A Human and Social Sciences perspective
Lise Bourdeau-Lepage, Guillaume Schmitt et André Torre

Résumés

Le Covid est apparu comme un catalyseur de phénomènes émergents et préexistants, un révélateur d’inégalités et un générateur de dynamiques nouvelles dans les territoires. Les recherches en sciences humaines et sociales se sont fait l’écho de ces enjeux tout autant mondiaux que locaux. Au prisme des publications francophones entre 2020 et 2022, ce texte dresse tout d’abord une première tendance des faits observés, avant de se concentrer sur la contribution spécifique des approches en sciences humaines et sociales dédiées au Covid, ainsi que sur l’évolution des thématiques investies. Une dernière partie met en perspective les articles du dossier de la revue DD & T consacré au Covid à l’échelle des territoires dans la production scientifique contemporaine.

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Texte intégral

1Comme l’ont souligné de nombreuses publications, la crise du Covid s’est traduite par des bouleversements intenses, qui ont affecté aussi bien l’existence de l’essentiel de la population mondiale que les sociétés et les économies de la plupart des pays de la Terre (Gaille et al., 2020). Notre quotidien, nos habitudes, nos comportements, ont été le plus souvent violemment impactés par cette pandémie planétaire, qui a eu de profondes répercussions et instillé le doute sur la résilience de nos modes de vie et de nos projets de vivre ensemble. Elle s’est également traduite par de puissantes inégalités entre les pays et les continents, en fonction de déterminants sociaux, économiques, politiques ou organisationnels, dont les racines se trouvent au niveau local.

2L’originalité de ce dossier thématique relève de l’articulation des enjeux liés à la pandémie et des enjeux territoriaux. Il fait suite à un workshop, qui a eu lieu en janvier 2021, financé par la MSH Paris-Saclay, et intitulé « Les territoires au temps de la pandémie du Covid-19 ». Son objectif est de réfléchir aux impacts sociaux et spatiaux de la pandémie du Covid-19 sur les territoires et d’en tirer des enseignements. Il s’agit de faire un bilan sur ces questions du point de vue de différentes disciplines en sciences humaines et sociales, et de se donner des outils pour penser le futur de la société post-Covid, ou des crises sanitaires récurrentes.

3L’introduction du dossier s’organise comme suit. D’abord nous révélons et débattons de certains effets spatiaux et sociaux de la crise sanitaire (section 1) tels que les limitations de mobilités, l’isolement induit par le confinement, l’instauration de distances de sécurité et de la distanciation sociale, la vitesse de propagation du virus et sa relation à la densité des populations, les mesures sanitaires prises, l’apparition d’inégalités spatiales et sociales entre les quartiers riches et les autres, l’exode urbain vers les campagnes, la fracture entre les confinés et les premiers de corvée, le danger physique et psychologique encouru à l’intérieur dans des habitations sur-occupées, le travail à distance, l’essor de la télémédecine ou la reterritorialisation des productions. Ensuite, nous analysons un corpus constitué de publications francophones en sciences humaines et sociales sur le Covid afin de dévoiler les sujets et préoccupations de la recherche sur le Covid entre mars 2020 et août 2022 (section 2). Enfin, nous présentons les différents articles qui composent le numéro (section 3).

1. Interrogations sur les implications spatiales et territoriales de la pandémie

4Au-delà de la constatation, devenue aujourd’hui banale, d’une pandémie qui a balayé l’ensemble de la planète et produit des effets dévastateurs sur les populations et les économies, nous nous posons la question des dimensions spatiales de la crise du Covid et de son expression différenciée en fonction des territoires impactés, qu’il s’agisse des pays, des régions ou encore des villes et des espaces ruraux.

1.1. Des manifestations spatiales et sociales bien différenciées

5Les premières fractures spatiales se sont exprimées dès les manifestations initiales de la crise et les balbutiements des politiques sanitaires, avec la réapparition momentanée ou le renforcement brutal des frontières nationales au sein des ensembles régionaux, qui ont permis un ralentissement éphémère de la propagation du virus. L’Union européenne a ainsi vu la réintroduction provisoire des contrôles aux frontières terrestres dans plusieurs pays membres de l’espace Schengen, traduisant un retour inattendu aux politiques et stratégies nationales de protection des populations, après des décennies de progrès ininterrompu dans la libéralisation des échanges de biens, la libre circulation des personnes et la construction d’un cadre institutionnel supra-national. Rapidement, des impacts très différenciés selon les territoires sont apparus. Certains pays se sont révélés bien plus touchés que d’autres, suscitant des interrogations quant aux modes de propagation de la pandémie, quand ce n’est sur les appareils de statistiques et leur degré de fiabilité ou leur sujétion à des impératifs très politiques. Il est également vite apparu que ces inégalités existaient entre les régions d’un même pays, l’Alsace ou le bassin parisien s’avérant par exemple bien plus touchés par les premières vagues de la maladie que d’autres zones, en particulier situées dans l’ouest de la France.

6L’interrogation sur les modes de propagation du virus a mis alors en évidence l’importance des modes de transport dans la diffusion du Covid et, tout particulièrement, dans ses phases préliminaires, du transport aérien, qui s’est avéré un vecteur extrêmement efficace de propagation de la maladie d’un pays ou d’un continent à l’autre. Il n’était donc pas étonnant que des pays très ouverts ou des régions extrêmement urbanisées aient été touchés les premiers, en raison de la présence d’aéroports, vecteurs de transmission rapide de la pandémie. Mais la suspicion d’un virus très urbain, au moins pendant les premiers mois, allait rapidement laisser place à des interrogations quant aux idiosyncratismes des pays ou des régions. Aujourd’hui encore, nous notons des profils bien différenciés, en termes de mortalité ou de taux d’infection, selon les États et leurs politiques sanitaires respectives, voire entre deux régions voisines partageant pourtant beaucoup de déterminants institutionnels, mais différentes en termes de profil géographique ou de densité des activités humaines. Un point particulier s’est cependant imposé. Il concerne les particularités et les inconvénients de la vie dans les agglomérations en temps de pandémie. Comme le montre l’outil statistique du Financial Times (Coronavirus Tracker, en ligne depuis le but de la pandémie), toutes les capitales du monde ont connu une exposition massive à la maladie et un taux de contamination, puis de mortalité, bien plus important que les autres territoires. Ces taux se sont largement maintenus dans le temps, y compris après la diffusion générale du Covid, laissant entrevoir d’autres déterminants que la seule proximité d’aéroports ou de gares vecteurs de transmission ultrarapide. Les villes, et plus particulièrement les grandes agglomérations, se sont rapidement révélées des « lieux dangereux », un sentiment largement partagé par les populations urbaines en particulier, qui ont tenté de s’en évader. La migration résidentielle limitée, abusivement qualifiée d’« exode urbain », s’est traduite par un bref déplacement massif, durant les confinements, des catégories urbaines les plus fortunées vers les campagnes ou des villes de taille plus réduite, dans des résidences secondaires ou des locations temporaires (voir à ce sujet le dossier n° 20 de la Revue du Réseau rural français).

7Cette migration a révélé une première fracture sociale, puisque seuls les groupes les plus aisés se sont trouvés en mesure de se déplacer, pour deux raisons bien distinctes. Tout d’abord parce que la possession de résidences secondaires ou même la location temporaire de logements dans des zones privilégiées reste l’apanage des catégories sociales les plus élevées, surtout en période de renchérissement des prix de l’immobilier. Ensuite, parce que seuls les employés ou les cadres supérieurs se trouvent en mesure de s’abstraire de l’obligation de se rendre sur leurs lieux de travail et peuvent ainsi basculer en travail à distance. La distinction entre cols blancs et cols bleus s’est donc affirmée une nouvelle fois face à l’injustice devant la pandémie, les premiers pouvant se mettre à l’abri, ce qui se révélait impossible pour les seconds. Il en a résulté une inégalité fondamentale entre, d’une part, des populations pouvant passer leur confinement dans de grandes maisons ou appartements, souvent proches de la nature ou de lieux de villégiature, ou disposant de jardins privés, et des personnes vivant dans des quartiers ou des zones moins favorisés, caractérisés par une suroccupation de logements exigus peu adaptés pour une occupation permanente, et favorisant donc des conditions sanitaires dégradées pouvant se révéler dangereuses en termes de diffusion du virus (Crowley et Doran, 2020). Ainsi, les effets de la crise sanitaire et en particulier de la période du « grand confinement » se sont avérés variables selon les populations et les régions. En France, en moyenne, sur une échelle de 1 à 10, le niveau de bien-être déclaré des Français adultes métropolitains est passé de 7,07 (avant le grand confinement) à 5,6 (au cours du grand confinement) enregistrant une baisse de 1,47 (Bourdeau-Lepage, 2021). Cependant des variations régionales existent. Ainsi, ce sont les habitants des régions Bourgogne-Franche-Comté et de Nouvelle-Aquitaine qui ont connu la plus forte chute de leur niveau de bien-être, avec des baisses respectives de 1,97 et 1,87, alors que les résidents de Grand Est et de Normandie connaissaient les diminutions les plus faibles, de 0,99 et 1,04 respectivement (Bourdeau-Lepage et Kostosz, 2021).

8Nous pouvons aussi documenter une série de différences de nature spatiale, intimement liées à la diffusion de la pandémie du Covid-19. Ces inégalités spatiales face au virus présentent des causes et des manifestations variées (Bag et al., 2020). Elles sont liées, par exemple, à des particularités géographiques ou institutionnelles fortes, comme des groupes de nations ou de régions possédant des caractéristiques similaires, entretenant des niveaux élevés de relations et de connexions, ou disposant de capacités organisationnelles et de santé plus ou moins importantes. Ou encore à des mesures sanitaires et d’isolement très différentes, comme la longue fermeture des frontières en Australie, le confinement autoritaire en zones zéro-Covid en Chine, le traçage systémique des porteurs et des vaccinés à Singapour, ou les fortes disparités de niveaux de vaccination entre les États. Enfin, les différences en termes de densité apparaissent essentielles et tracent une délimitation nette entre les zones urbaines, soumises aux vagues successives de développement des différents variants et connaissant ainsi des pics d’infection et de mortalité, et des zones rurales bien plus protégées en raison du faible volume de population et donc des opportunités plus limitées de contact et de contamination.

1.2. Des conséquences en termes d’organisation économique et sociale

9Une fois passés les principaux pics de la pandémie et tout particulièrement les périodes de confinement, nous pouvons évaluer les effets réels et les impacts différés de la crise du Covid, ainsi que les changements plus ou moins durables que cette dernière a provoqués dans l’organisation économique et sociale de nos sociétés. C’est par exemple le cas de la réduction de l’activité touristique, qui s’est avérée massive, avec un coût évalué par la Cnuced (2021) à environ 4 000 milliards de dollars pour l’économie mondiale entre 2020 et 2021. Elle a touché principalement les pays et les régions spécialisés dans ce type d’économie de service, ainsi que les grandes capitales de la planète, sujettes à des flux intenses de visiteurs. Nous pouvons faire un constat similaire pour les compagnies de transport, en particulier aériennes, qui ont subi de plein fouet les effets de la crise et n’ont souvent dû leur survie qu’aux aides des États. Toutefois, les grands bouleversements parfois annoncés dans les déplacements longue distance entre les pays ne sont pas aujourd’hui assez documentés pour que nous puissions assurer avec certitude qu’une nouvelle ère du transport s’est ouverte.

10Nous retrouvons un peu la même incertitude concernant la question alimentaire, et en particulier celle des villes. La pandémie, et surtout les confinements, se sont traduits, en France, par un intérêt très fort des consommateurs urbains pour les produits d’origine locale ou dont il est possible d’identifier la source. Nous avons ainsi vu se former des queues immenses devant les magasins proposant des productions en circuits courts ou, par extension, bio, qui ont connu un développement soudain et sans doute inespéré (Darrot et al., 2020). Cet engouement, souvent provoqué par des considérations de santé et la volonté d’une alimentation plus saine, pose des questions importantes en matière de souveraineté alimentaire et du maintien ou du développement d’une agriculture de proximité, quand il ne s’agit pas réellement de l’installation d’une production agricole à l’intérieur même des villes. Toutefois, elle interroge sur les déterminants exacts et sur le caractère durable de ce mouvement. Nous pouvons nous demander si la tendance à une consommation de produits locaux va continuer à se développer face aux menaces inflationnistes, et si, finalement, elle ne concerne pas principalement, ici encore, les catégories les plus aisées, comme peut le laisser penser le reflux déjà constaté.

  • 1 Nielsen, un groupe américain qui commercialise des prestations de marketing, a produit de nombreus (...)

11Malgré tout, face à ces impacts finalement assez passagers, nous notons des évolutions très importantes et sans doute bien plus durables, qui prennent place dans deux domaines intimement liés à la question des mobilités. Le premier concerne le travail ou la consommation à distance. Si l’on considère cette dernière, la pandémie n’a fait qu’accroître et accélérer une tendance déjà bien établie. Les achats en ligne de produits alimentaires et de grande consommation sont passés, en France, de 5,7 % en 2019 à près de 10 % au cours du confinement, et en 2022, ce sont plus de 11 % des produits de consommation qui sont commandés par Internet (voire différentes notes de NielsenIQ sur cette question1), générant un intense trafic de proximité et la multiplication des magasins éphémères [« pop-up stores »]. Le processus se révèle davantage complexe et bien plus inédit pour le télétravail. Alors que cette modalité peinait à se mettre en place en France avant la crise du Covid, elle a connu une accélération majeure durant cette période, produisant une division sociale importante entre les personnes en mesure de s’abstraire de la coprésence dans leur travail et donc de se protéger de manière relativement efficace des atteintes de la pandémie, et les autres. Ces dernières, le plus souvent des ouvriers ou des employés dans des activités de services (hôpitaux, supermarchés, commerces de proximité, nettoyage, transports…) se sont alors retrouvées exposées aux dangers de la proximité géographique (Torre, 2022) et de la promiscuité dans les transports en commun. Une fois la crise passée, le retour des « baby zoomeurs » s’est avéré bien plus complexe que le prédisaient les défenseurs des relations de face-à-face. De récentes enquêtes (Bindley et Cutter, 2022 ; SurveyMonkey, 2022) montrent qu’une bonne partie des employés ne désire pas retourner à plein temps au bureau et se satisfait de périodes importantes de télétravail. Par ailleurs, les impératifs de lutte contre le changement climatique contenus dans le Plan du green deal de l’Union européenne (Commission européenne, 2019), auxquels s’ajoutent les menaces sur la sécurité énergétique, poussent à une institutionnalisation du travail à distance, deux, voire trois jours par semaine. Alors que de nombreuses entreprises réduisent la taille ou le nombre de leurs bureaux, en les rendant toujours plus temporaires et interchangeables, les open spaces semblent condamnés à une décroissance programmée.

12Le deuxième changement sans doute plus durable est associé au déplacement de certaines populations vers de nouveaux lieux de résidence. Loin du fameux exode urbain, qui ne fut que temporaire, il s’agit d’un mouvement qui touche une partie des populations habitant les centres urbains des grandes agglomérations, et qui se présente comme une conséquence de la généralisation du télétravail. La possibilité de ne se rendre sur son lieu de travail que deux ou trois fois par semaine permet maintenant d’envisager des localisations beaucoup plus éloignées, à partir du moment où l’inconvénient d’un déplacement long est limité à quelques allers-retours. Ce privilège, réservé à certaines catégories sociales ou à des types d’emplois sédentaires particuliers, permet à ces populations de bénéficier d’avantages nouveaux, comme un accès facilité à la nature voisine, ainsi que des logements de taille plus importante ou des jardins privés, en raison de prix avantageux du foncier et de l’immobilier. Les zones périurbaines, très critiquées pour leur consommation foncière et leur contribution au processus d’artificialisation des sols, ainsi que pour leurs limites en termes de vie sociale et d’interactions, retrouvent ainsi un intérêt comme des lieux sûrs et garantissant une certaine liberté de mouvement. Il en va de même des villes moyennes facilement et rapidement accessibles à partir de grandes agglomérations, qui offrent un niveau de services satisfaisant tout en procurant les avantages en matière d’immobilier ou d’accès à la nature.

13L’ensemble de ces conséquences est perceptible dans les publications scientifiques francophones et reflète l’évolution des préoccupations sociétales depuis les premiers confinements en France, en Europe et dans le monde.

2. Panorama des publications francophones en sciences humaines et sociales sur le Covid

14Les chercheurs en sciences humaines et sociales ont été très réactifs face au grand confinement et plus largement dans l’analyse des ramifications de la crise sanitaire (Gaille et al., 2020). Un panorama des publications francophones en sciences humaines et sociales est proposé dans cette deuxième partie, afin de contextualiser au mieux les articles de ce dossier de la revue DD&T.

2.1. Constituer et analyser un corpus des publications francophones en sciences humaines et sociales sur le Covid

15Afin de disposer d’une représentation conséquente des publications francophones en sciences humaines et sociales portant sur le Covid, nous avons, dans une première phase, effectué un inventaire des articles publiés sur le portail de revues Cairn sur la période s’étalant du 01/01/2020 au 31/08/2022. Après lecture de dossiers ou numéros spéciaux de revues et afin d’identifier a priori le champ lexical des publications scientifiques, une phase de collecte des articles a été menée en trois étapes. La première étape a consisté à sélectionner les articles en fonction de leurs titres. Ces derniers devaient contenir au moins l’un des mots suivants : « Covid », « corona(virus) », « pandémie », « épidémie », « confinement », « sanitaire ». La deuxième étape a consisté à lire les résumés, pour supprimer du corpus les articles ne portant pas sur le Covid (par exemple des articles dans le domaine de la santé employant le terme « sanitaire », notamment en 2020 et très probablement dans un processus d’édition antérieur). La troisième étape a permis de compléter le corpus en incorporant les articles des dossiers et numéros spéciaux des revues dont le titre, par souci d’éviter les répétitions sans doute, que ne le prédisaient pas ces mots clés. Au total, le corpus bibliographique compte 797 textes, répartis dans 231 revues sur les 577 revues disponibles en août 2022 sur le portail Cairn.

16Dans une deuxième phase, nous avons constitué une base de données bibliographiques au sein du logiciel Zotero. Les métadonnées (à l’exception des mots clés du fait d’une hétérogénéité des modalités techniques de saisies et d’existence même de ces derniers) permettent de décrire chaque article selon les critères suivants : année, revue, auteur(s), titre, nombre de pages (obtenu par déduction), domaine et résumés. Le domaine correspond à celui identifié sur le portail Cairn pour chaque revue, dénommé « disciplines ». Les revues appartenant à plusieurs domaines sont relativement fréquentes dans le corpus constitué (de l’ordre de 25 % en nombre d’articles). Ces domaines associent des revues selon une logique éditoriale de la plateforme qui a défini des bouquets commerciaux en lien « avec des documentalistes d’institutions » au fur et à mesure de l’incorporation de nouvelles revues (échanges avec Cairn en septembre 2022). Ainsi, une revue peut appartenir à deux bouquets, c’est le cas de 48 % des revues de la plateforme, et parfois à plus (échanges avec Cairn en septembre 2022). Les bouquets commerciaux proposés aux institutions et les domaines sur le site ne sont pas complètement identiques (12 bouquets commerciaux, 17 domaines sur le site et 13 dans le corpus constitué). L’un des critères de classement dans un bouquet tient aux droits d’accès aux revues, celles en accès gratuit n’étant pas dans un bouquet commercialisé. Le bouquet « Géographie, Environnement » comprend 43 revues et « Santé publique » en compte 15, dont une en commun (revue « Population »). Malgré cette catégorisation des revues moins disciplinaires que ce que pourrait produire une catégorisation s’appuyant, par exemple, sur les sections délimitées par le Conseil national des universités (CNU) en France, il est possible de disposer d’un panorama général des publications par grands domaines disciplinaires des sciences humaines et sociales. Lorsqu’une revue appartient à plusieurs domaines, les articles y sont répartis à parts égales dans la suite de ce texte.

17Dans une troisième phase, plus analytique, nous nous sommes concentrés tout d’abord sur les domaines disciplinaires des publications, exprimés en nombre d’articles et en nombre de pages publiés. Les mots des titres ont ensuite fait l’objet d’un calcul de leur occurrence pour réaliser des nuages de mots en 2020, 2021 et 2022. Puis, une analyse de similitude des mots des résumés a affiné l’analyse du corpus bibliographique. À cette fin, nous avons utilisé le logiciel Iramuteq2 et la bibliothèque du logiciel R (après lemmatisation des mots, détails précisés dans les figures).

2.2. La question du Covid sous l’angle des disciplines

18La répartition des articles répertoriés par domaine disciplinaire donne à lire la richesse et la diversité des approches sur le Covid (figure 1). En effet, plus de 10 domaines disciplinaires des sciences humaines et sociales ont comptabilisé des publications sur le Covid, pour près de 5 000 pages, dans le corpus étudié. En nombre d’articles, près de 60 % des publications apparaissent dans des revues de sciences politiques, psychologie, sociologie et société et santé publique. En nombre de pages, ce seuil est atteint par les revues en économie, gestion, géographie et sciences politiques. Les modalités d’écriture et les attendus éditoriaux des revues expliquent sans nul doute un tel changement de répartition par domaine disciplinaire. Ainsi, les articles dans le domaine « géographie » font en moyenne 11 pages, alors que les articles des revues en sciences politiques sont plus proches des 7 pages en moyenne. Les articles en économie et gestion sont en moyenne les plus longs, avec 17,5 pages, et ceux en santé publique les plus courts (6,5 pages). Ces publications témoignent d’une « recherche en mouvement » (Gaille et al., 2020 : 74) dans l’ensemble des sciences humaines et sociales, qui se sont emparées d’un objet social nouveau. D’une manière générale, les articles globalement courts durant les premiers mois de l’année 2020 (correspondant à des observations, des hypothèses…), sont devenus plus longs en 2021 et 2022, voire davantage qu’avant 2020. D’une certaine façon, cette augmentation illustre le fait que les publications sont assises sur des études plus étayées (notamment par des enquêtes comparant des situations dans le temps et l’espace) à mesure que la crise se prolonge. Autrement dit, les publications en sciences humaines et sociales ont documenté et analysé les différents ressorts et conséquences du Covid.

Figure 1. Les articles portant sur le Covid par domaines disciplinaires entre 2020 et 2022

Figure 1. Les articles portant sur le Covid par domaines disciplinaires entre 2020 et 2022

Critères de recherche entre le 01/01/2020 et le 01/08/2022 ; titre contenant au moins « Covid », « corona(virus) », « pandémie », « épidémie », « confinement », « sanitaire » ; ainsi que les articles des dossiers et numéros spéciaux de revue dont le titre général contient les mêmes mots-clés. Après filtrage manuel, 797 textes ont été retenus. Quand une revue appartient à plusieurs domaines, les articles et le nombre de pages ont été répartis à parts égales. Les données scientifiques sont ceux identifiés par la plateforme Cairn selon une logique éditoriale et cumulative depuis 2015
En nombre d’articles à gauche et en nombre de pages à droite

Réalisation : Guillaume Schmitt, 2022

2.3. Une polarisation des titres des publications constantes depuis trois ans et une évolution des thématiques au gré des enjeux sociétaux

19L’occurrence des mots des titres des articles témoigne d’une certaine polarisation et d’une permanence autour d’éléments principaux propres aux critères de sélection des textes. Le terme « Covid » est mécaniquement le plus important, mais la présence et l’ampleur prise au cours du temps par les autres mots utilisés comme critères de sélection illustrent les focales thématiques des sciences humaines et sociales en 2020, 2021 et 2022 (figure 2). L’occurrence témoigne également de l’emploi ou de l’abandon de certains termes, à l’instar de « coronavirus » qui est en 2020 l’un des 25 mots les plus employés, mais disparaît des fortes occurrences en 2022. La pratique de la langue au quotidien, dans toutes les sphères informationnelles, conduit généralement à l’identification de termes iconiques (Pennec, 2021). De ce point de vue, « Covid » semble supplanter « coronavirus ».

Figure 2. les 25 mots les plus fréquents dans les titres des articles (hors-Covid) en 2020, 2021 et 2022 Jusqu’au 31/08/2022

Figure 2. les 25 mots les plus fréquents dans les titres des articles (hors-Covid) en 2020, 2021 et 2022 Jusqu’au 31/08/2022

20De même, la part du mot « confinement » est la plus forte en 2020 et tend plutôt à décroître au fil du temps. On note également une évolution du focus des recherches. Schématiquement, en 2020, les publications sont majoritairement des études monographiques sur « l’épreuve » « sociale » que constitue le « confinement » (Mariot et al., 2021). En 2021, il s’agit plutôt de procéder à des « analyses » de « l’expérience » du « confinement » et d’en étudier les « conséquences » « cliniques », « psychologiques » ainsi que les « impacts » en termes d’« inégalités » et de « santé » (Bessin et Grossetti, 2022). En 2022, le « changement » sur le plan du « droit » et du « travail » dans une période « post » « confinement » est davantage investi.

21Notons que le mot « crise » n’a pas été retenu comme critère de sélection des articles du fait de l’hétérogénéité des résultats obtenus initialement (423 recensés par ce seul mot fin août 2022). Dans le corpus resserré mobilisé ici, il apparaît en croissance. Essentiellement associé à « sanitaire » en 2020, il est également combiné avec « enseignement » et « sociale » en 2021 et davantage encore en 2022. Les effets de « l’épidémie », au-delà de la « santé », sont davantage investis dans une logique d’évaluation en continu et ex-post. Un raisonnement analogue (de la description à ses effets au-delà de son périmètre initial) peut être tenu pour le mot « politique ».

22La dimension territoriale apparaît peu dans les titres des publications, non pas du fait d’un faible nombre d’études de cas localisées, mais en raison de la diversité des terrains investis par observation directe, enquête et mesure. Il ressort des mots principaux que la « France » est le territoire privilégié, avec une constance de la référence aux autres situations dans le « monde » et à la « mondialisation ». La multiscalarité du « virus » apparaît en filigrane dans les publications en sciences humaines et sociales, notamment avec le mot « pandémie ».

2.4. Production scientifique sur le Covid en sciences humaines et sociales : similitudes et catégories

  • 3 Il est en effet impossible de citer l’ensemble des textes retenus, la présentation de la méthode d (...)

23Les résumés des articles constituent un matériau plus conséquent, en quantité certes, mais surtout en modalités argumentatives. Ils permettent d’étudier plus finement les cooccurrences et les similitudes entre les mots et de procéder à des regroupements plus thématiques (figure 3). Par souci de concision, nous illustrons les regroupements effectués en indiquant quelques articles sélectionnés de manière aléatoire3. Six catégories peuvent ainsi être déduites du champ lexical des résumés :

  • 1re catégorie : autour du maître mot « Covid », une série de cooccurrences porte tout au long des trois années sur les dimensions spatiales du virus, son apparition et sa diffusion (« monde », Chine », « France », « ville ») jusqu’à ses effets sur la société, tout particulièrement dans le domaine du « travail », à « l’hôpital » ou plus largement dans la sphère « professionnelle » (Avom, 2022 ; Barjoan et al., 2021 ; Lacoste et Raynaud, 2021) ;
  • 2e catégorie : les effets du « Covid » et du « confinement » se détachent par des mots centrés sur les « jeunes » et les « enfants », la maladie (« patient »), ainsi que sur l’« expérience » vécue pendant ces confinements (Cayré, 2021 ; Bonnéry, 2020 ; Dreveton, 2020) ;
  • 3e catégorie : très proche de la première, cette catégorie s’en distingue par un centrage plus affirmé sur la « pandémie » autour de deux dimensions : les différences entre localités (« Italie », « pays, « région ») et les politiques sur le plan des modes de « gouvernement » et de leurs applications « territoriales » (de Bujadoux, 2021 ; Doignon et Guilmoto, 2021 ; Sacchetto, 2021) ;
  • 4e catégorie : les actions4 « publiques », tout particulièrement de « santé » constituent une autre catégorie spécifique dès lors que sont étudiées leurs perceptions (« débat », « communication ») et les diverses formes « d’inégalités ». Leur dimension « économique » n’est pas absente de la réflexion (Kushtanina et Vinel, 2022 ; Négrier, 2022 ; Courleux, 2020) ;
  • 5e catégorie : le terme « crise » est le second maître mot. Il polarise des termes interrogeant la « gestion » et le « droit » (« règle ») et décrivant la dimension protéiforme de la crise « sanitaire » (« impact », « activité », « entreprise »), qui se décline dans l’« espace », en particulier « européen » (Le Clainche, 2021 ; Heyer et Hubert, 2020 ; Parrot, 2020) ;
  • 6e catégorie : enfin, la crise « sociale » fait l’objet d’investigations singulières dans le rapport des individus aux « réseaux » sociaux et à la « vie culturelle », alors que curieusement c’est ici qu’apparaît la seule mention de son impact « environnemental » (Badin et al., 2020 ; Jonchery et Lombardo, 2020 ; Moliner, 2020).

Figure 3. Les mots des résumés des articles francophones sur le Covid : similitudes et catégories

Figure 3. Les mots des résumés des articles francophones sur le Covid : similitudes et catégories

Symboles proportionnels au chi2 ; mots proportionnels aux effectifs ; liens proportionnels à la concurrence entre les mots (avec distinction des classes en noir et mots en gris), mise en page du graphique à partir de l’algorithme dans R (par attraction/répulsion) « graphopt » ; classement des mors à partir de l’algorithme dans R d’analyse de réseau (par le chemin le plus court) « edge.beweenness.community » ; 66 mots retenus après lecture des verbatims
Ces six catégories se retrouvent dans les papiers qui composent ce numéro spécial, tout en se focalisant fortement sur les effets de la crise sanitaire en tentant : i) d’identifier les phénomènes émergeant avant la crise et qui se sont accentués avec cette dernière et ii) de souligner les innovations produites par cette dernière.

Réalisation : Guillaume Schmitt, 2022

3. Les effets de la crise sanitaire : entre prolongement des tendances et innovations plus ou moins pérennes

24Trois domaines fondamentaux de l’activité et des sociétés humaines sont abordés dans les articles qui composent ce numéro : (i) les modifications de comportements et de pratiques des populations au cours de la crise, (ii) l’illusoire retour à la normale et la question du caractère global de cette crise, qui conduit à se pencher sur les conséquences du mode de vie des sociétés humaines sur l’ensemble du vivant et sur le climat (iii).

3.1. Les effets du confinement sur les comportements et les pratiques des Français

25La diffusion rapide du virus a décidé le gouvernement français à assigner la population à domicile en lui donnant la possibilité de se déplacer ponctuellement. Les habitudes de vie des personnes s’en sont aussitôt trouvées bouleversées.

26Tout d’abord confinés à leur domicile, les étudiants enquêtés et leur famille ont tenté de domestiquer la pandémie, comme le souligne l’article d’Élise Roy, Julie Gangneux-Kebe et Léa Perraudeau (2022). L’expérience du grand confinement (mars-mai 2020) a conduit les personnes à envisager autrement la spatialité de leur habitation et à l’adapter à cette situation inédite. L’aspect du logement s’est transformé et, dans bien des cas, les éléments matériels liés au télétravail l’ont envahi. Les appropriations spatiales se sont ainsi modifiées, les frontières entre privé et public ont évolué et les activités de loisir ont envahi l’espace domestique.

27Ensuite, les populations ont modifié leur fréquence d’achat et leur lieu d’achat. Matthieu Boquet et Nicolas Dorkel (2022) se sont intéressés aux stratégies de déplacement des confinés pour effectuer des achats alimentaires. Ils montrent qu’au cours de la première semaine du grand confinement les Français ont fait leurs courses à proximité de leur domicile, renforçant une tendance émergeant depuis peu.

28Enfin, ce confinement a eu des effets sur l’état de santé des personnes, selon Lise Bourdeau-Lepage et Balazs Kotosz (2022). Enfermés dans leur logement, les Français métropolitains adultes ont connu une détérioration de leur état de santé, variable notamment selon leur situation face à l’emploi et le type de logement dans lequel ils se trouvaient. Ils ont aussi été victimes de manière plus importante qu’avant la crise sanitaire d’un isolement social, qui a contribué à la diminution de leur niveau de bien-être. Les auteurs révèlent également qu’un nivellement du niveau de bien-être déclaré des Français s’est opéré avec le confinement. En effet, ils montrent que ce sont les personnes qui avaient le niveau de bien-être le plus élevé avant le confinement qui ont enregistré une baisse plus importante de ce dernier. L’altération de l’état de santé n’est pas le facteur ayant joué le rôle le plus important sur le changement de niveau de bien-être déclaré.

3.2. L’illusoire retour à la normale

29La crise sanitaire a également eu des effets en termes de politiques publiques. Certaines mesures, notamment l’injonction à la distanciation physique dans les lieux publics, se sont avérées problématiques pour l’équilibre économique d’espaces tels que les gares françaises. C’est ce qui ressort du papier de Nacima Baron et Yinghua Ma (2022). En effet, en comparant les stratégies de gestion des flux et de respect de la distanciation physique au cours de la crise sanitaire entre la Gare du Nord (Paris) et la gare de Shenzen (Chine), les auteurs montrent des différences de stratégie de gestion des flux. Tournée vers la technique et le contrôle en Chine, elles utilisent l’incitation, le nudge et l’urbanisme tactique en France, avec un impact problématique pour la gare française et son avenir.

30Le retour à la normale est aussi difficile dans les espaces publics que sont les plages des villes espagnoles de Barcelone et Valence en comparaison aux plages de Nice et Marseille. Ainsi Samuel Robert, Brieuc Cabioch, Marie-Laure Tremelo, Nelly Pares, Éric Carroll et Alexandra Chleyer-Lindenmann (2022) montrent qu’au cours de l’été 2020 les comportements et l’application des mesures de distanciation sociale et des gestes barrière ont été quelque peu différents entre les plagistes espagnols et français (notamment à Barcelone), le désir de sociabilité se heurtant à la peur d’être contaminé de manière plus intense en Espagne qu’en France. Selon les auteurs, cela est dû au fait que les Espagnols ont été nettement plus touchés que les Français au cours de la première vague de l’épidémie.

3.3. Une crise globale posant la question du vivant

31De nombreuses personnes se sont intéressées au lien entre leur bien-être et leur environnement de vie, et d’une certaine manière ont cherché à déterminer les éléments qui leur sont nécessaires pour bien vivre en accord avec le reste des êtres vivants (Bourdeau-Lepage, 2020). Ainsi, nous avons pu lire de nombreux articles sur les causes et les conséquences environnementales de la crise du Covid. L’article d’Hélène Beraud, Mathieu Durand, Rebecca Oates et Frédéric Gbedande (2022), portant sur la gestion des déchets au cours des confinements successifs dans 17 collectivités territoriales, révèle que la logique hygiéniste a franchement prévalu dans les premiers temps de la crise. Il met en lumière le rôle joué par les déchetteries comme pourvoyeuses d’inputs pour certaines activités. Les auteurs révèlent également que les populations de ces collectivités semblent être plus préoccupées qu’auparavant par les effets de leurs actions sur leur environnement.

32Certains articles ont également porté sur l’impact de cette crise sanitaire sur les activités économiques. Comme nous l’avons souligné précédemment, la question de la souveraineté alimentaire de nos économies a été mise en débat et les pratiques d’achat ont évolué, avec une augmentation des achats de proximité. C’est pourquoi les auteurs se sont interrogés quant à la durabilité des chaînes d’approvisionnement et à l’évolution des pratiques d’achat.

33Dans leur article sur le cas de la chaîne d’approvisionnement en fruits et légumes de la ville marocaine de Meknès, Abdelmajid Saidi, Laila Bouhid, Claude Napoleone, Fatima El Hadad-Gauthier, Sanaa Moussalim et Abdelkamel Alj (2022) soulignent un fait très intéressant. Le renforcement de la durabilité de cette chaîne est en partie induit par de nouvelles pratiques de conservation des produits et la réduction de la distance parcourue des biens pour atteindre le consommateur. Leur enquête révèle également que la vulnérabilité de la chaîne au cours de la période d’étude est, en grande partie, le résultat d’une faible protection sociale des employés et d’un manque de coordination entre les acteurs.

34Frédérique Alban, Sophie Léonardi et Pascal Le Floc’h (2022) se penchent quant à eux sur les répercussions de la crise sanitaire sur les halles à marée française. Ils montrent que le développement de nouveaux circuits de vente du poisson au cours de la crise (notamment plus proches des consommateurs) n’a pas remis en question le rôle des halles. Cependant, dans le même temps, ils soulignent que les nouveaux comportements des consommateurs des « produits de la mer », plus soucieux de l’origine et du bien-être des non-humains marins consommés, pourraient avoir des conséquences dans le futur. Ainsi, une nouvelle fois, la question du changement de comportement des personnes, alliée à celle d’un plus grand souci envers le vivant non humain revient sur le devant de la scène et conduit à s’interroger sur les effets globaux de cette crise et sur les évolutions à venir pour mieux respecter l’ensemble du vivant afin de protéger l’être humain.

Conclusion

35Les huit articles composant ce dossier contribuent ainsi à la fois individuellement et collectivement aux enjeux des premiers temps de la crise sanitaire du Covid et s’intéressent aux permanences et aux mutations des modes de vie et de l’activité économique depuis 2020.

36De nombreuses questions restent en suspens, sur des notions telles que la résilience des modes d’habiter et de consommer, la permanence des mobilités et des modes de transport, voire sur la réversibilité des modalités d’organisation de l’activité économique (localisation des zones de production et de consommation, mondialisation, durabilité du tourisme…).

37Surtout, la succession des crises de nature énergétique, géopolitique et plus encore environnementale confronte parfois l’activité de recherche à la difficulté d’analyser « à froid » des enjeux qui sont devenus (i) bien plus que « chauds » au fil de l’avancée des sociétés dans l’incertitude et (ii) complexes au gré des enchevêtrements et des rétroactions dans un système socio-économique mondialisé en recherche (ou non) de régulation permanente. Le passage des frontières disciplinaires entre chercheurs est une réponse initiale et déjà ancienne face à ce constat. Nul doute que d’autres cheminements scientifiques, plus participatifs et citoyens, seront à emprunter face à une incertitude exacerbée et une complexité inédite dans les recherches en sciences humaines et sociales.

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Notes

1 Nielsen, un groupe américain qui commercialise des prestations de marketing, a produit de nombreuses notes au sujet de l’impact du Covid sur la consommation.

2 Voir le site du logiciel pour la description de la méthode mobilisée : http://www.iramuteq.org/documentation.

3 Il est en effet impossible de citer l’ensemble des textes retenus, la présentation de la méthode de sélection apporte toutefois des précisions.

4 Le mot « politique » est dans la même classe que le mot « pandémie », car il partage davantage de cooccurrences avec ce dernier qu’avec le mot « public » (5 % de plus).

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Les articles portant sur le Covid par domaines disciplinaires entre 2020 et 2022
Légende Critères de recherche entre le 01/01/2020 et le 01/08/2022 ; titre contenant au moins « Covid », « corona(virus) », « pandémie », « épidémie », « confinement », « sanitaire » ; ainsi que les articles des dossiers et numéros spéciaux de revue dont le titre général contient les mêmes mots-clés. Après filtrage manuel, 797 textes ont été retenus. Quand une revue appartient à plusieurs domaines, les articles et le nombre de pages ont été répartis à parts égales. Les données scientifiques sont ceux identifiés par la plateforme Cairn selon une logique éditoriale et cumulative depuis 2015En nombre d’articles à gauche et en nombre de pages à droite
Crédits Réalisation : Guillaume Schmitt, 2022
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/21630/img-1.png
Fichier image/png, 433k
Titre Figure 2. les 25 mots les plus fréquents dans les titres des articles (hors-Covid) en 2020, 2021 et 2022 Jusqu’au 31/08/2022
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/21630/img-2.png
Fichier image/png, 584k
Titre Figure 3. Les mots des résumés des articles francophones sur le Covid : similitudes et catégories
Légende Symboles proportionnels au chi2 ; mots proportionnels aux effectifs ; liens proportionnels à la concurrence entre les mots (avec distinction des classes en noir et mots en gris), mise en page du graphique à partir de l’algorithme dans R (par attraction/répulsion) « graphopt » ; classement des mors à partir de l’algorithme dans R d’analyse de réseau (par le chemin le plus court) « edge.beweenness.community » ; 66 mots retenus après lecture des verbatimsCes six catégories se retrouvent dans les papiers qui composent ce numéro spécial, tout en se focalisant fortement sur les effets de la crise sanitaire en tentant : i) d’identifier les phénomènes émergeant avant la crise et qui se sont accentués avec cette dernière et ii) de souligner les innovations produites par cette dernière.
Crédits Réalisation : Guillaume Schmitt, 2022
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/21630/img-3.png
Fichier image/png, 534k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Lise Bourdeau-Lepage, Guillaume Schmitt et André Torre, « Les territoires au temps du Covid : recherches en sciences humaines et sociales »Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 13, n°2 | Décembre 2022, mis en ligne le 01 décembre 2022, consulté le 28 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/21630 ; DOI : https://doi.org/10.4000/developpementdurable.21630

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Auteurs

Lise Bourdeau-Lepage

Lise Bourdeau-Lepage est professeur des universités en géographie à l’université Jean-Moulin – Lyon 3. Ses travaux actuels, dans une optique pluridisciplinaire, portent sur la place de la nature en ville, la mesure du bien-être des individus, l’attractivité territoriale et les inégalités socio-spatiales.
Université Lyon 3, UMR environnement ville société
lblepage@gmail.com
n° Orcid : 0000-0002-4249-6855

Articles du même auteur

Guillaume Schmitt

Guillaume Schmitt est maître de conférences en géographie à l’Université polytechnique Hauts-de-France. Ses travaux portent sur la dimension foncière des projets de territoire en mobilisant les méthodes d’analyses spatiale, statistique et du discours.
Université polytechnique Hauts-de-France, LARSH – Criss
schmitt_guillaume@yahoo.fr
n° Orcid : 0000-0002-9113-3938

Articles du même auteur

André Torre

André Torre est directeur de recherche en économie à Inrae, université Paris-Saclay, AgroParistech. Ses travaux portent sur les problématiques de développement territorial dans leurs dimensions coopératives et conflictuelles, ainsi que sur les relations de proximité, en particulier dans les situations d’innovation.
Université Paris Saclay, Inrae, AgroParistech
n° Orcid : 0000-0001-5644-7520

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