Navigation – Plan du site

AccueilNumérosVol. 13, n°320 ans : 20 et quelques motsGouvernance

Texte intégral

1La gouvernance apporte une limitation aux comportements opportunistes destructeurs. Le vocable a été introduit dans un premier temps en économie du développement pour des situations de pays qui obtenaient de bons résultats pour un objectif déterminé conforme à l’intérêt général, alors même que les pouvoirs établis étaient inactifs. La gouvernance se soucie de la qualité des pouvoirs, alors qu’une sociologie politique comme celle de Max Weber se concentrait sur les formes extrêmes de domination pouvant exister. Il s’agissait alors de dresser les caractéristiques des formes destructrices d’exercice du pouvoir. Weber en citait trois : les formes traditionnelles patriarcales, les bureaucratiques, et les emprises charismatiques.

2Dès la création de la revue Développement durable & territoires, le thème de la gouvernance est pris en considération. Il est celui du deuxième dossier de la revue, dès 2003. La veine des recherches sur la gouvernance a été saluée en 2009 par le prix Nobel d’économie attribué à Elinor Ostrom et Oliver Williamson, respectivement pour la gouvernance des communs et la gouvernance des organisations. L’importance de la déclinaison conjointe de la gouvernance et du développement durable n’a cessé de croître, avec l’affirmation d’une responsabilité sociétale pour les firmes et l’ensemble des autres organisations et l’adoption des Objectifs du développement durable par les Nations unies pour la période 2015-2030.

3Pour l’action collective et publique, deux courants doctrinaux jouent un rôle dans ce début de troisième millénaire, celui des pratiques managériales du nouveau management public, basé sur un transfert et une imitation des exercices du pouvoir pratiqués dans l’entreprise privée, et celui de la responsabilité sociétale, qui interroge au nom de l’intérêt général tous les comportements de pouvoir dans les organisations.

4Un bilan de ces 20 années de travaux sur la gouvernance peut être dressé en comparant deux articles de Jacques Theys, l’un publié au début de la revue et un récent. L’article de 2003 est un programme de travail visant à une modification des procédures de l’aménagement du territoire. Il s’agit de redistribuer très largement les pouvoirs autour de nouvelles formes de solidarité, dans une conception plus ouverte de l’action collective. L’article récent prend le contrepied de cette approche procédurale, en préconisant des modifications autour des menaces majeures conciliant ouverture démocratique et prise en compte du long terme, comme le thème de la Chambre du futur dont l’architecture institutionnelle a été proposée par Dominique Bourg et Kerry Whiteside. L’action publique des États reste prisonnière du court-termisme, et si la gouvernance durable est traitée au niveau des organisations et de la gestion des communs, elle nécessite aujourd’hui, de plus, des adaptations institutionnelles au niveau central.

5Les indicateurs bibliométriques généraux sur l’ensemble des publications scientifiques opposent la courbe en cloche avec un pic en 2010 pour les articles sur le nouveau management public et la progression exponentielle des travaux sur la gouvernance durable. Le pic des publications sur le courant du nouveau management public correspond au minima du thème de la gouvernance dans la revue. L’item management dans la revue est une formulation allégée de celui de la gouvernance qui suit les mêmes variations interannuelles. Cependant, le thème de la gouvernance s’affirme progressivement.

Figure 1. Références dans la revue par année de publication

Figure 1. Références dans la revue par année de publication

6Les premiers articles de la revue anticipaient que la durabilité se traduirait dans le courant de la gouvernance, la recherche de la qualité dans l’exercice du pouvoir. Les politiques effectivement mises en œuvre ont pu relever de deux autres paradigmes, celui du nouveau management public et celui de la réaction populiste prenant le contrepied de toute recherche de qualité dans l’exercice du pouvoir. Les articles de la revue ont traité les attitudes de réaction à petite échelle, en soulignant les insuffisances dans les procédures d’acceptabilité pour un aménagement du territoire : « La planète ne peut être gérée comme un gigantesque patchwork de jardins et d’arrière-cours dont les propriétaires seraient les seuls à pouvoir décider ce qu’on implante à proximité. » Un numéro de la revue (2018, vol. 9, n° 3) a été consacré à un bilan du nouveau management public pour la biodiversité. Bilan mitigé, qui fait apparaître le nouveau management public comme une séquence de transition, accompagnant la fermeture de sites industriels très polluants et mettant en place des indicateurs de performance extra-financière, mais accentuant une impréparation devant toutes les questions de risques systémiques (environnement, santé, sécurité collective, finance).

7Le thème du commerce éthique (350 références dans la revue) participe de l’expansion des préoccupations de la gouvernance, expansion qui s’est accélérée avec la mise en place des ODD et la montée du populisme. Cette dynamique d’expansion est analysée dans la revue au début des années 2010. L’affirmation de la responsabilité sociétale se fait en conclusion d’un double constat d’une multiplication des normes légales et de montée conjointe des illégalismes. La hard law demande de la soft law pour fonctionner. Puis, à partir des accords de Paris de 2015 et la montée du populisme, l’insuffisance du soutien de la hard law à la responsabilité sociétale devient une préoccupation.

8Le programme de travail initial pour les questions de la gouvernance, « redistribuer très largement les pouvoirs autour de nouvelles formes de solidarité », a été rempli et la gouvernance de responsabilité sociétale par parties prenantes connaît un fort développement, à la fois conceptuel et pratique. Si les insuffisances des pratiques purement managériales sont aujourd’hui largement reconnues, le déploiement effectif des alternatives déclinées localement à plus grande échelle reformule un programme de travail pour ce thème de la gouvernance.

Haut de page

Bibliographie

Bensebaa F., Boudier F., 2014 « Gestion des déchets dangereux et responsabilité sociale des firmes : le commerce illégal de déchets électriques et électroniques », Développement durable & territoires, https://doi.org/10.4000/developpementdurable.4823.

Callens S., 2011, « Vers une démocratie écologique. Le citoyen, le savant et le politique, Dominique Bourg, Kerry Whiteside, 2010, Paris, Seuil, 103 p »,Développement durable & territoires, vol. 2, n° 2, https://doi.org/10.4000/developpementdurable.8997.

Flanquart H., 2020, « Nous sommes tous des nimbystes : plaidoyer pour l’utilisation de la notion d’acceptabilité sociale », Développement durable & territoires, vol. 11, n° 3, https://doi.org/10.4000/developpementdurable.17718.

Theys J., 2003, « La gouvernance, entre innovation et impuissance », Développement durable & territoires, dossier 2, https://doi.org/10.4000/developpementdurable.1523.

Theys J., Guimont C., 2019, « Nous n’avons jamais été “soutenables” : pourquoi revisiter aujourd’hui la notion de durabilité forte ? », Développement durable & territoires, vol. 10, n° 1, https://doi.org/10.4000/developpementdurable.13589.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Figure 1. Références dans la revue par année de publication
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/21961/img-1.png
Fichier image/png, 37k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Stéphane Callens, « Gouvernance »Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 13, n°3 | Décembre 2022, mis en ligne le 16 décembre 2022, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/21961 ; DOI : https://doi.org/10.4000/developpementdurable.21961

Haut de page

Auteur

Stéphane Callens

Stéphane Callens, Professeur d’université en économie, Centre EREIA, Université d'Artois, Lem UMR 9221 CNRS.
stephane.callens@univ-artois.fr
n° Orcid : 0000-0001-5761-3260

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search