Navigation – Plan du site

AccueilNumérosVol. 15, n°1Les jardins dans la fabrique des ...Faire jardiner la rue pour en fai...

Les jardins dans la fabrique des territoires : pratiques et représentations du socio-écosystème jardin

Faire jardiner la rue pour en faire un jardin ? Le projet de la rue Kléber à Bordeaux à l’épreuve des pratiques et des représentations habitantes (2011-2016)

Gardening the street to create a garden? The Kléber Street Project in Bordeaux through the lens of residents’ practices and perceptions (2011-2016)
Aurélien Ramos

Résumés

À partir du projet d’aménagement d’une rue-jardin conçu et mis en œuvre par la Ville de Bordeaux en 2011, cet article s’intéresse à la manière dont le jardin est utilisé par la municipalité comme levier pour modifier le regard des citadins sur leur rue, mais également leurs pratiques dans l’espace public. En analysant les formes d’interactions entre les habitants et leur rue, entre les habitants-jardiniers et les végétaux cultivés et entre les habitants eux-mêmes, nous montrons le décalage entre les ambitions municipales et la manière dont les habitants se saisissent de la requalification de la rue en rue-jardin. Si la végétation introduite dans la rue constitue un vecteur de transformation des pratiques et des interactions sociales des habitants, le projet de rue-jardin échoue à faire naître une dynamique collective autour des pratiques de jardinage de la rue, mais permet toutefois à des pratiques jardinières individuelles de coexister et de contribuer de manière dispersée à la fabrication du paysage de la rue.

Haut de page

Texte intégral

  • 1 Citons le programme « Je jardine ma ville » porté par le caue du Val d’Oise ; ou encore l’expositi (...)
  • 2 Voir par exemple les projets de rues végétales réalisées entre 2015 et 2020 par la Ville de Paris (...)
  • 3 Pour reprendre la terminologie du programme développé depuis 2005 par la Ville de Lyon, consulté l (...)

1Faire jardiner les citadins constitue un enjeu des politiques urbaines depuis la fin du xixe siècle en France. Cela se traduit généralement par l’aménagement de jardins spécifiquement dédiés au jardinage que l’on pourrait qualifier de jardins pour jardiner. Ils se distinguent des jardins publics (Sansot, 1995) qui sont dédiés à la promenade et à la contemplation (Debié, 1992 ; Texier, 2001) et dont l’entretien constitue un service public assuré par des jardiniers municipaux (Sainte-Marie-Gauthier, 2001). À l’inverse, dans les jardins pour jardiner, ce sont les jardinières et jardiniers qui prennent soin de leurs jardins, qui le modèlent et l’aménagent. Au fil du xxe siècle, ces jardins ont pris des formes différentes : des jardins ouvriers (Cabedoce et Pierson, 1996) et familiaux (Dubost, 1997 ; Weber, 1998) aux jardins partagés (Baudelet et al., 2008), ils sont devenus progressivement des équipements urbains dont les collectivités publiques se sont saisies (Helbert et Bernier, 1998). À partir des années 1990, les jardins collectifs apparaissent comme des instruments de la fabrique de la ville : les collectivités accompagnent et promeuvent leur développement, soutiennent ou encouragent les initiatives citoyennes de création de ce type d’espace (Baudelet-Stelmacher, 2018). Or, depuis les années 2000, la prise en charge institutionnelle du jardinage urbain ne se traduit plus seulement par l’aménagement de jardins pour jardiner, mais également par l’invitation à pratiquer le jardinage en dehors du jardin. Il ne s’agit plus de faire jardiner uniquement dans des jardins, mais d’envisager le jardinage de la ville. Les « permis de végétaliser » développés par les collectivités françaises depuis 2004 (Pagès, 2017 ; Deschamps, 2019 ; Ramos, 2020), de même que l’incitation faite aux citoyens de « jardiner la rue1 » (Cachin, Ligny, 2011), l’aménagement de « rues végétales2 » ou de « jardins de rue3 » (Niesseron, 2018) en sont des illustrations. Comment comprendre cette invitation des collectivités à faire jardiner les citadins dans des espaces qui ne sont pas des jardins ? Au travers du projet de « rue-jardin » développé en 2011 par la Ville de Bordeaux, cet article se propose d’étudier comment la mobilisation du jardin dans le cadre d’un projet d’aménagement de rue peut constituer, pour la collectivité, un moyen d’agir sur la manière dont les citadins voient, pratiquent et vivent l’espace public urbain.

  • 4 En France, le réseau national des jardins partagés « Le jardin dans tous ses états », fondé en 199 (...)

2Le jardinage urbain est souvent étudié pour ses effets sur la santé et le bien-être des citadins (Wakefield et al., 2007), son incidence sur les modes de socialisation (Bouvier-Daclon et Sénécal, 2001 ; Mestdagh, 2018), la place dans la société (Boulianne, 2001 ; Fortier, 2003), ou encore le « rapport au monde » (Laroze, 1999) de celles et ceux qui jardinent. S’il est analysé comme une pratique dilettante, un loisir ou une occupation choisie (Pluvinage et Weber, 1992 ; Creux, 1999), le jardinage urbain a aussi une dimension politique (Vandenbroucke et al., 2017) qu’ont révélée les travaux sur les luttes urbaines des années 1970 en Amérique du Nord. Les mouvements tels que la Green Guérilla (Pasquali, 2006 ; Tracey, 2007 ; Reynolds, 2010), le réseau des jardins partagés en France (Verfaillie, Hays, 1997)4 et plus récemment le réseau Incroyables Comestibles (Aird, 2011) ont montré que le jardinage pouvait constituer un instrument de lutte citoyenne contre la vacance ou l’accaparement des sols urbains (Schmelzkopf, 1995 ; Baudry, 2011 ; Reynaud-Desmet, 2012 ; Crossan et al., 2016), un mode de revendication du droit à la ville (Schmelzkopf, 2002 ; Harvey, 2011 ; Purcell et Tyman, 2015) à la croisée des revendications pour la justice sociale et environnementale (Irvine et al., 1999 ; Caruso et al., 2016). Cette façon de définir le jardinage urbain s’éloigne du sens donné habituellement à cette pratique pour l’envisager comme un vecteur de fabrication et d’aménagement de l’espace. Cette lecture du jardinage mobilisée par ailleurs, dans les travaux de paysagistes et d’urbanistes s’intéressant aux formes de jardinage ayant lieu à l’interface de l’espace privé et de la rue (Soulier, 2012). Ces derniers ont pu montrer la dimension paysagère (Lassus, 1977) et géographique (Marlin, 2020) du jardinage. Les « habitants-paysagistes » étudiés par Bernard Lassus de même que les jardiniers des rues du quartier de Yanaka à Tokyo étudiés par Cyrille Marlin (Marlin, 2008) utilisent le jardinage pour contribuer à l’aménagement de leur cadre de vie (Brosseau, 2014). Cette approche rejoint la définition du « jardin planétaire » donnée par Gilles Clément (Clément, 1997) qui, en envisageant la biosphère comme le jardin des humains, fait du jardinage un moyen d’entretenir le monde dans lequel nous vivons et invite tout un chacun à en devenir les jardinières et jardiniers.

3Cette définition du jardinage urbain qui amène à envisager les jardinières et jardiniers non plus seulement comme des bénéficiaires de la nature en ville, mais comme des agents (Ernwein et Tollis, 2017) ou des « faiseurs » du paysage urbain (Matthey, 2013) se retrouve aujourd’hui dans la lecture de cette pratique proposée à la lumière des enjeux de la transition socio-écologique. Dans la perspective de la production d’une ville plus durable, le jardin apparaît souvent comme la matrice où des relations privilégiées entre les citadins et la nature peuvent se nouer (Allemand et al., 2014). Sous cet angle, le jardinage est envisagé comme un vecteur de renouvellement des formes de la participation citoyenne à la production de la ville (Demailly, 2014 ; Ernwein et Salomon-Cavin, 2014 ; Deschamps, 2019) ainsi qu’un vecteur de préservation de la biodiversité en ville (Torres, 2017). Souvent assimilé aux pratiques de végétalisation urbaine, il est alors analysé comme un mode d’appropriation des espaces publics (Gwiazdzinski, 2017 ; Maurel, 2017), une contribution volontaire à leur embellissement (de Biase et al., 2021) ou un instrument de marketing urbain utilisé par les municipalités pour mesurer et valoriser leur action en faveur de la nature en ville (Marelli et Zaza, 2021). Enfin dans le cadre de la néolibéralisation des politiques de la fabrique de la ville (Ernwein, 2015), le jardinage volontaire des espaces publics a été analysé comme une alternative à la gestion de la nature urbaine, soit une forme de bénévolat environnemental (Erwein et Tollis, 2017) soutenu par les collectivités, face à la réduction de leurs moyens humains et financiers (Rosol, 2006 ; Ernwein, 2017). Cet article s’inscrit dans la continuité de ces travaux envisageant le jardinage urbain comme vecteur de fabrication de l’espace urbain par les citadins. En nous appuyant sur le cas de la rue-jardin développée par la Ville de Bordeaux, nous voulons contribuer à l’analyse de cette dimension du jardinage urbain, en étudiant la manière dont elle peut faire l’objet d’une mobilisation institutionnelle dans le cadre d’un projet d’aménagement de l’espace public.

4Pour rendre compte de la manière dont le jardinage est mobilisé par la municipalité dans le processus de conception de la rue-jardin et pour le confronter à la manière dont les habitants de la rue réagissent et se saisissent de cette possibilité d’y intervenir, nous nous référons à notre expérience en tant que paysagiste en charge d’une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage (amo) auprès de la Ville de Bordeaux pour la mise en œuvre du projet de rue-jardin. Cet article se nourrit de l’immersion d’octobre 2011 à septembre 2016 au sein des équipes mobilisées sur le projet dans le cadre de différentes missions : animation de concertations publiques, ateliers de mobilisation citoyenne, aide à la structuration du groupe de jardinières et jardiniers volontaires et accompagnement à l’appropriation de la rue par le jardinage. Afin de mettre en perspective cette expérience vécue, un travail d’enquête a posteriori auprès des acteurs de la mise en œuvre du projet a été mené sous forme d’entretiens semi-directifs afin de construire une vision multi-située (Flick, 1992) et critique (Delbaere, 2021) du processus de projet d’espace public dans son ensemble. Cela a été complété par l’analyse d’un corpus documentaire (documents-cadres, livrables de l’amo, cahiers des charges de la maîtrise d’œuvre, compte-rendu de réunion et d’ateliers, etc.) et iconographique (plans, images, photographies) produit dans le cadre du projet (Ramos, 2021).

5Nous analyserons trois possibilités d’interactions modifiées par le projet de rue-jardin. À partir de l’analyse des intentions de projet de la municipalité, nous chercherons à comprendre, dans un premier temps, si la transformation de la rue en rue-jardin amène les habitants à voir et pratiquer autrement l’espace public et si le jardinage permet de renouveler leur mode d’appropriation de la rue. Dans un second temps, nous tenterons de vérifier si la possibilité donnée aux habitants de jardiner dans la rue contribue à modifier leurs représentations et leur manière de cohabiter avec les végétaux introduits, jardinés, mais également avec la flore spontanée apparue dans la rue à la faveur de la création d’espaces de pleine terre. Enfin, nous chercherons à voir si le jardinage de rue, encouragé par la municipalité, contribue à modifier les relations sociales entre les habitants et à créer une dynamique collective fondée sur la pratique du jardinage et le partage de la rue comme jardin en commun.

1. Le jardin pour agir sur les interactions entre les citadins et la rue

1.1. Le jardin pour penser la « rue autrement » : changer le regard

  • 5 « Rue autrement », c’est le titre donné par la municipalité au livret publié à l’issue du cycle de (...)
  • 6 pnrqad : Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés créé par la loi de M (...)
  • 7 Présentation générale du pnrqad Bordeaux (Re)Centres par la Métropole de Bordeaux, consulté le 17  (...)
  • 8 Consulté le 17 mars 2022.
  • 9 Voir la Convention de financement Opération programmée d’amélioration de l’habitat de renouvelleme (...)

6En 2010 (Direction générale de l’aménagement, 2012)5, la Ville de Bordeaux est sélectionnée pour bénéficier du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (pnrqad)6 pour une durée de sept ans7. Le projet d’action sur le centre ancien, piloté principalement par la Direction générale de l’aménagement (dga), porte sur un périmètre de 148 hectares qui englobe les parties sud et est du centre ancien de la ville (Figure 1). Ce territoire urbain est marqué par un parc de logements privatifs anciens et souvent insalubres et par des espaces publics rares, se limitant bien souvent aux seules voies de circulation (pnrqad, 2010)8. La rue Kléber se situe au cœur du périmètre du pnrqad, mais ne constitue pas pour autant un axe structurant à l’échelle du centre ancien. C’est pourtant cette rue essentiellement résidentielle, servant principalement de voie de desserte de quartier, qui est choisie par la municipalité dès 2011 pour devenir une rue-jardin. Il s’agit pour la municipalité de faire de cette rue un projet pilote en vue de repenser « la requalification du centre ancien, pour en faire un quartier actif, convivial9 ».

Figure 1. Périmètre du PNRQAD Bordeaux (Re)Centres à partir de l’Opendata Bordeaux Métropole

Figure 1. Périmètre du PNRQAD Bordeaux (Re)Centres à partir de l’Opendata Bordeaux Métropole

@ Ramos, 2021

  • 10 Parmi les questions posées par la municipalité aux habitants lors du cycle de concertation on trou (...)

7La volonté de transformer la rue en rue-jardin vise tout d’abord à agir sur le regard porté par les habitants sur leur rue. Pour opérer ce changement, l’idée du « jardin » est proposée par la municipalité comme alternative à la rue et le terme « rue-jardin » est ainsi forgé. Faire de la rue un jardin constituerait selon la municipalité un moyen d’« amélioration du cadre de vie » (Direction générale de l’aménagement, 2012 : 36-37) des habitants. La transformation s’appuie sur la remise en question de l’aménagement existant, à la fois dans ses fonctions élémentaires et dans ses usages. S’inscrivant dans le mouvement de « retour à la rue » (Charmes, 2003) qui condamne la domination spatiale de la voiture dans l’urbanisme fonctionnaliste, la rue Kléber est présentée comme un espace public dysfonctionnel que la municipalité se propose en premier lieu de libérer pour redonner de la place au piéton10 (Figure 2).

Figure 2. Schémas comparatifs en plan de la rue Kléber aménagement en rue-jardin dans le cadre du pnrqad Bordeaux (Re)Centres Avant (gauche) et après (droite)

Figure 2. Schémas comparatifs en plan de la rue Kléber aménagement en rue-jardin dans le cadre du pnrqad Bordeaux (Re)Centres Avant (gauche) et après (droite)

© Ramos, 2021

8Le modèle de jardin proposé comme alternative à la rue semble s’apparenter à celui du jardin public aménagé pour la promenade et la contemplation. Le projet vise en effet tout d’abord à ménager les entrées de la rue pour marquer sa différence avec le reste du tissu urbain. Comme dans un parc, les seuils sont travaillés : les entrées aux deux extrémités de la rue sont identifiées par des arbres repères ; au sol, l’enrobé laisse place aux pavés sciés ; des dos d’âne contraignent les véhicules à marquer le pas avant de pénétrer dans la rue. Il s’agit de s’éloigner du vocabulaire routier de l’aménagement pour se rapprocher de celui des parcs et jardins, en reprenant le même mobilier urbain, en substituant à toutes les places de stationnement des espaces de pleine terre plantés non plus d’arbres d’alignement comme dans les rues, mais de véritables massifs composés d’arbustes et d’arbres de haut-jet ou de cépées (Figure 3).

Figure 3. Le mobilier urbain installé dans la rue-jardin Bancs publics, arceaux à vélo, jardinières

Figure 3. Le mobilier urbain installé dans la rue-jardin Bancs publics, arceaux à vélo, jardinières

© Friche and Cheap, mai 2014

9Si le vocabulaire du jardin public invite à la promenade, le projet de la rue-jardin est surtout présenté par la municipalité comme une opportunité donnée aux habitants de reconquérir l’espace public. L’image récurrente à laquelle se réfère la municipalité est celle de l’identité méditerranéenne du quartier qui, jusqu’aux années 1960, a été un territoire d’accueil pour les populations espagnoles immigrées, travaillant au Marché des Capucins situé à proximité. À cette image est associée celle d’une appropriation de la rue par des pratiques domestiques dans le prolongement des rez-de-chaussée. On peut lire dans le livret de concertation produit par la municipalité : « On vivait dehors, à l’espagnole, les grands-mères sortaient les chaises sur les trottoirs, les gamins occupaient la chaussée. » (Direction générale de l’aménagement, 2012 : 21). La référence à ces pratiques populaires d’appropriation de la rue – qui relevaient en réalité bien souvent moins d’un choix que d’une réponse à l’exiguïté ou l’inconfort des espaces privés (Clerval, 2011 ; Lebon et Sauvadet, 2019) – traduit la volonté de la municipalité de construire le projet de transformation de la rue sur une image idéalisée du passé. Or, la reconstitution de ce « paysage humain » (Bidou, 1984) voulu par la municipalité repose sur la mobilisation du jardin comme moyen de redonner à la rue son statut perdu de matrice de la sociabilité urbaine (Guillerme, 1987 ; Jacobs, 1991). On peut penser alors que le modèle convoqué ici n’est pas seulement celui du jardin public, mais aussi celui du « jardin de devant » (Lassus, 1977) ou du frontage (Soulier, 2012) se situant à l’interface entre l’espace privé et l’espace public, et servant tout à la fois d’extension domestique, de mise en scène de soi (Dubost, 1991) et d’espace de socialisation. En s’appuyant sur cette double image, le projet de la rue-jardin invite les habitants non seulement à se promener dans leur rue, mais également à s’y installer et à se l’approprier spatialement et durablement.

1.2. Faire jardiner et faire végétaliser : manières d’infléchir les pratiques des habitants dans la rue

10La rue-jardin n’est pas seulement un jardin que l’on contemple, c’est également un jardin que l’on jardine. Ainsi que l’envisage la municipalité, les habitants sont invités à intervenir et contribuer à l’aménagement de la rue : « La rue verte se fait par ses jardinières et par ce que les habitants y investiront, mais aussi par la plantation ponctuelle de quelques arbres à haute tige, de plantes grimpantes sur les façades et d’une strate végétale plus basse, arbustive. » (Direction générale de l’aménagement, 2012 : 62). L’introduction du végétal dans la rue est considérée comme une opportunité pour que les habitants deviennent non seulement bénéficiaires, mais également acteurs de l’aménagement « [Les habitants] devront pouvoir bénéficier des aménagements […] pouvoir, s’ils le souhaitent, disposer de quelques espaces appropriables, à végétaliser et à investir collectivement. » (Direction générale de l’aménagement, 2012 : 51). Il faut noter ici le glissement sémantique du terme « végétaliser » qui, dans son usage général, appartient plutôt au vocabulaire du génie végétal et désigne un processus de reconstitution ou de reconquête de milieu par le végétal spontané ou anthropique (Micoud, 1997 : 23). À la reconquête sociale de la rue que la municipalité appelle de ses vœux correspond donc la reconquête végétale pilotée par les habitants-jardiniers. Or, les habitants se saisissent de manière différente de cette opportunité d’intervenir dans l’aménagement de la rue via sa végétalisation. Le projet de la rue-jardin prévoit différents espaces pour l’introduction du végétal : des jardinières, des fosses linéaires en pied de façade et des grandes fosses de plantation (mesurant de 6 à 18 m2). À chacun de ces espaces, les habitants associent des intentions et des formes de pratiques différentes. Les jardinières sont utilisées comme des espaces de cultures aromatiques (menthe, sauge, thym) et font l’objet d’un entretien collectif (Figure 4). Ce mode d’appropriation est à rapprocher des pratiques du mouvement « Incroyables Comestibles » qui cible des cultures consommables par tous dans l’espace public (Paull, 2013 ; Warhurst et Dobson, 2015). Dans cette logique, celui qui cultive n’est pas nécessairement celui qui consomme le fruit de son travail. S’agissant de plantes aromatiques plutôt abondantes, nécessitant peu d’entretien, un type de jardinage où l’on ne récolte pas tout ce que l’on a cultivé semble convenir aux habitants-jardiniers. Dans les fosses au pied des façades, ce sont surtout les habitants des rez-de-chaussée qui cultivent individuellement ou en famille, des plantes essentiellement ornementales et grimpantes utilisant la façade comme support (Figure 5). Ce jardinage de frontage s’apparente aux pratiques de fleurissement dans la tradition des balcons fleuris11 (Bergues, 2016), vecteur de valorisation patrimoniale (Conan et Favaron, 1997). Les grandes fosses de plantation quant à elles sont jardinées par des petits groupes affinitaires d’habitants-jardiniers qui les ont divisées en parcelles individuelles, rappelant le mode d’organisation en lotissement de jardins collectifs (Figure 6). Dans ces parcelles, un mélange de plantes potagères (courges, tomates, fenouil, fèves, etc.) et de plantes annuelles ou vivaces est cultivé, dans l’esprit des potagers mixtes (Weber, 1998 ; Guyon, 2008) caractéristiques des jardins collectifs urbains où les petites surfaces disponibles sont compensées par une forte densité de cultures. Dans ces espaces, l’objectif de la mise en culture est double : il est à la fois productif (les habitants-jardiniers souhaitent consommer ce qu’ils ont planté et entretenu) et esthétique (le fleurissement accompagne les cultures potagères). Lors de l’atelier participatif du 31 mars 201212, les animateurs notent dans leur compte-rendu que « les participants font bien la différence entre jardin et végétalisation ». Lorsque la « végétalisation » est évoquée, les participants « imaginent des paniers suspendus, des plantes grimpantes, des jardinières sur les balcons, des fruits de la passion courant sur les façades. Tout cela se répartirait de façon homogène dans la rue ». Ils semblent donc surtout associer la végétalisation aux fosses linéaires au pied des façades et aux jardinières. Ils semblent également considérer plutôt des pratiques de fleurissement dont l’effet est avant tout esthétique et s’apprécie à l’échelle de la rue. Les grandes fosses de plantation quant à elles, sont qualifiées de « micro-jardins partagés » par les habitants-jardiniers et sont moins envisagées pour leur effet sur le paysage de la rue que pour ce que produit leur mise en culture et qui peut être consommé. La possibilité donnée aux habitants de jardiner dans la rue conduit à les mettre en position d’acteurs et à envisager la rue comme un paysage auquel ils peuvent contribuer par la végétalisation et qu’ils peuvent également rendre productif en le cultivant dans les « micro-jardins partagés ».

Figure 4. Jardinage collectif dans les jardinières dites « bacs Kléber »

Figure 4. Jardinage collectif dans les jardinières dites « bacs Kléber »

© Friche and Cheap, avril 2014

Figure 5. Plantations en pied de façade

Figure 5. Plantations en pied de façade

© Friche and Cheap, juin 2014

Figure 6. Jardinage collectif et semis dans les grandes fosses de plantations

Figure 6. Jardinage collectif et semis dans les grandes fosses de plantations

© Friche and Cheap, avril 2014

11Si les interactions entre les habitants et leur rue ont changé lors de la requalification de celle-ci en rue-jardin, on peut constater que c’est moins la rue qui est considérée comme un jardin que les parcelles potagères découpées dans les grandes fosses, soit des portions de la rue délimitées par les habitants-jardiniers pour leur propre bénéfice.

12Si la requalification de la rue en rue-jardin avait pour ambition d’agir sur la manière dont les habitants voyaient et pratiquaient la rue, on peut constater que cela se cristallise particulièrement sur les interactions entre les habitants et la végétation de la rue.

2. Le jardin pour agir sur les interactions entre les citadins et les végétaux

2.1. Nommer et reconnaître les végétaux : le rôle pédagogique du jardinier de rue

13La mobilisation du jardin dans le projet municipal de réaménagement de la rue Kléber conduit à agir sur les interactions entre les citadins et les végétaux dans l’espace urbain. Si cette dimension n’est pas présente explicitement dans les intentions initiales du projet de rue-jardin portées par la municipalité bordelaise, les premières années suivant la transformation de la rue révèlent une évolution du regard porté par les habitants de la rue sur les végétaux. Dans la rue-jardin, ces derniers constituent moins des objets que des individus avec lesquels les habitants cohabitent.

14Les interactions entre les habitants et les végétaux dans la rue-jardin reposent sur la présence d’un médiateur : le jardinier de rue. Missionné dans le cadre d’un contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage (amo) pour le pnrqad, il joue un rôle triple de relais sur le terrain pour les acteurs du projet, de coordinateur entre les différents services municipaux impliqués et d’animateur au jardin. Sa présence régulière entre mars 2014 et septembre 2016, au cours des permanences hebdomadaires qu’il assure, représente un point de repère temporel et spatial pour les habitants qui souhaitent être accompagnés dans leur pratique de jardinage. Ces rendez-vous constituent un vecteur d’apprentissage au jardinage et de sensibilisation au vivant. Le jardinier de rue propose ainsi des initiations pratiques aux techniques de la division des plants, de la bouture sur bois sec ou du compostage ; il initie également aux principes de l’herborisation, de la classification et de la reconnaissance botanique ou entomologique (Figure 7). Sa mission pédagogique contribue à faire évoluer le regard des habitants sur le vivant en milieu urbain.

Figure 7. Lors de l’atelier de printemps le 5 avril 2016, initiation à l’herborisation par le jardinier de rue avec une classe d’élèves de l’école Cazemajor, et du centre d’animation Nansouty-Argonne

Figure 7. Lors de l’atelier de printemps le 5 avril 2016, initiation à l’herborisation par le jardinier de rue avec une classe d’élèves de l’école Cazemajor, et du centre d’animation Nansouty-Argonne

© Friche and Cheap, avril 2016

15Dans son carnet de bord, le jardinier de rue cite une anecdote témoignant de l’évolution de la perception de la biodiversité par les habitants. Au début de sa mission, des habitants l’ayant identifié comme le jardinier en charge de l’entretien de la rue lui demandent à plusieurs reprises d’enlever les herbes qui poussent entre les pavés, comme il le note par exemple le 26 novembre 2014. Cette demande montre que la végétation spontanée est assimilée aux « mauvaises herbes » témoignant de négligence d’entretien (Menozzi, 2007). La végétation spontanée est associée à la saleté, c’est-à-dire qu’elle est perçue comme de la matière ne se trouvant pas à sa place (Douglas, 1971). Or, il constate qu’au fur et à mesure que les mois passent, de moins en moins de demandes de ce type lui sont faites. La végétation spontanée a progressivement intégré le paysage de la rue.

16Par la sensibilisation à la flore urbaine, les habitants sont en capacité d’identifier et de nommer les végétaux, qu’ils soient spontanés ou cultivés. Ils reconnaissent alors à la végétation spontanée une légitimité à occuper l’espace de la rue qu’ils se partagent.

2.2. Familiers et anonymes, sauvages et domestiques : les cohabitations entre individus végétaux et habitants-jardiniers dans la rue-jardin

  • 13 La municipalité bordelaise est engagée depuis 2005 dans la démarche de gestion différenciée de ces (...)

17Si les démarches de sensibilisation du jardinier de rue contribuent à agir sur les représentations que se font les habitants de la végétation spontanée, l’évolution du paysage de la rue permet également de dissiper le malaise initial à l’égard des plantes spontanées apparaissant sur le trottoir. Au fur et à mesure que les végétaux plantés et jardinés se développent, la présence végétale progresse dans l’espace de la rue (Figure 8). Dans la rue-jardin, les habitants-jardiniers sont tenus de respecter les principes de la « gestion différenciée13 » (Allain, 1997 ; Aggéri, 2010) appliqués dans les espaces publics bordelais. Par ailleurs, les dimensions modestes des fosses de plantation empêchent les services municipaux d’intervenir pour tondre ou faucher les adventices, et le travail des habitants-jardiniers se limite bien souvent à un désherbage sommaire à la main. L’ensemble de ces facteurs conduit progressivement à un mélange entre végétation spontanée et végétation cultivée, traduisant des modes d’interaction différents entre les habitants et les végétaux de la rue.

Figure 8. Grandes fosses de plantation où se mêlent arbres de haut-jet, cépées, plantations ornementales, potagères et adventices

Figure 8. Grandes fosses de plantation où se mêlent arbres de haut-jet, cépées, plantations ornementales, potagères et adventices

© Friche and Cheap, juillet 2014

18Les végétaux introduits sont de deux natures. Il y a d’une part les arbres de haut-jet, les cépées et les arbustes qui, comme dans un jardin public, sont plantés, arrosés et taillés par les services municipaux. D’autre part, il y a les végétaux cultivés par les habitants-jardiniers. L’ensemble se mêle de manière homogène dans les différents espaces aménagés pour le végétal. Comme dans un jardin, les végétaux cultivés composent un décor pour les « visiteurs » de jardins (Weber, 1998), c’est-à-dire ici les passants qui empruntent la rue ou les habitants qui ne jardinent pas. Pour les habitants-jardiniers, les végétaux de la rue représentent des individus. Les plantes entretenues par les jardiniers municipaux, quant à elles, restent souvent anonymes de même que la végétation spontanée qui profite de la pleine terre pour se développer. Ainsi, la végétation dans la rue ne constitue pas un fond de scène homogène. L’espace public de la rue est peuplé d’individus-végétaux aux statuts variés. L’individualisation des végétaux jardinés traduit l’attachement des habitants-jardiniers aux végétaux qu’ils cultivent. Cela se manifeste alors par un souci des végétaux auxquels les habitants-jardiniers reconnaissent des besoins, ce qui constitue la première étape d’une démarche de soin (Tronto, 2009). Tout au long de sa mission, le jardinier de rue, n’a de cesse de déplorer les plaintes des habitants-jardiniers signalant des « plantes abîmées par les roues des voitures », « souillées par les déjections canines » ou encore des « vols de végétaux ». Ayant identifié le besoin de protéger ces végétaux menacés par les usages de l’espace urbain, les habitants-jardiniers procèdent à leur prise en charge en construisant des clôtures autour des fosses jardinées jusqu’à en faire des dispositifs dissuasifs et défensifs (Figure 9). La rue-jardin, en dépit de son aménagement, reste un espace considéré par les habitants-jardiniers comme inhospitalier pour les végétaux. Si les habitants-jardiniers prennent soin des végétaux, c’est surtout qu’ils entretiennent avec ces derniers des relations fondées sur la propriété. Aux végétaux jardinés est assignée l’identité de leurs jardiniers : c’est le « pied de tomate de Thomas », « le rosier de Mme Maurel », « les aromatiques de la dame du n° 23 ». On peut faire l’hypothèse que ce rapport d’appartenance qui lie le jardinier aux végétaux dont il s’occupe exacerbe les conflits d’usage dans la rue : entre jardiniers et non-jardiniers, mais de manière plus générale, entre les pratiques de jardinage et les autres usages de la rue.

19Si l’introduction de végétaux dans la rue-jardin visait pour la municipalité à modifier le regard et les pratiques des habitants, cela impacte également les relations entre les individus se partageant l’usage de la rue.

Figure 9. Découpage en parcelles et dispositifs auto-construits de protection des espaces jardinés par les habitants-jardiniers

Figure 9. Découpage en parcelles et dispositifs auto-construits de protection des espaces jardinés par les habitants-jardiniers

© Friche and Cheap, janvier 2015

3. Le jardin pour agir sur les interactions sociales entre les habitants de la rue

3.1. Tentative de reproduction d’une dynamique collective de jardinage de rue

  • 14 La mise en place des « permis de végétaliser » en France est une réponse des municipalités aux ini (...)
  • 15 Le projet de végétalisation des rues du quartier Saint-Jean est à l’origine de la création de l'as (...)

20La requalification de la rue Kléber en rue-jardin répond à des enjeux sociaux pour la municipalité. Celle-ci envisage le jardinage comme expression citoyenne et vecteur de sociabilité. En effet, la forme de jardinage à laquelle elle se réfère pour penser le projet de la rue-jardin est à la fois une pratique collective et un vecteur de mobilisation. Plus précisément, elle justifie sa volonté de créer une rue-jardin jardinée par ses habitants, en s’appuyant sur les initiatives locales et citoyennes de végétalisation de rue qui se développent dans les villes françaises depuis le milieu des années 2000 et qui seront à l’origine de l’instauration des permis de végétaliser14. Parmi ces initiatives, elle s’intéresse à celle portée depuis 2008 par Yakafaucon, une association créée par des habitants du quartier Saint-Jean – situé à proximité de la rue Kléber – qui s’est donné pour objectif de végétaliser collectivement les rues Montfaucon, Ambroise et Guépin15 (Figure 10).

Figure 10. Localisation de la rue-jardin Kléber et des rues Montfaucon, Ambroise et Guépin

Figure 10. Localisation de la rue-jardin Kléber et des rues Montfaucon, Ambroise et Guépin

À l’intérieur du périmètre du pnrqad (en rouge) ; végétalisées par l’association Yakafaucon (en bleu)

Source : à partir de Google Maps
@ Ramos, 2021

21En proposant d’organiser à l’échelle de ces trois rues la construction, l’installation et la gestion collective de jardinières disposées sur les trottoirs et le long des façades, Yakafaucon mobilise le jardinage comme un vecteur d’action collective des habitants dans leur quartier. Chaque riverain a à sa charge la gestion d’une jardinière devant chez lui. L’ensemble de ces actions jardinières individuelles contribue à transformer le paysage de la rue (Figure 11).

Figure 11. Vue des dispositifs de végétalisation de la rue Montfaucon par l’association Yakafaucon

Figure 11. Vue des dispositifs de végétalisation de la rue Montfaucon par l’association Yakafaucon

© Sophie Vialettes, 2018

  • 16 Ces quatre réunions de concertation publiques ont été organisées les 12 octobre 2011, 10 novembre  (...)
  • 17 Ces ateliers participatifs, coanimés par l’association Les Jardins d’aujourd’hui et le collectif F (...)

22Voyant dans cette initiative collective une « bonne pratique » (Devisme et al., 2007) et l’expression d’un engagement citoyen, la municipalité cherche à la transposer dans le cadre institutionnel du pnrqad. Lors du cycle de concertation publique au démarrage du projet, le jardinage collectif des rues du quartier Saint-Jean par ses habitants est montré en exemple par la municipalité : « Ce qui a fonctionné dans la rue Montfaucon pourrait se reproduire dans les autres quartiers, à commencer par la rue Kléber. » (Direction générale de l’aménagement, 2012 : 49). La municipalité fait du jardinage une condition du projet de rue-jardin dont elle est à l’initiative : « La nouvelle rue Kléber ne sera un succès que si les habitants la "prennent en main" » est-il affirmé par l’équipe municipale en charge du projet (Direction générale de l’aménagement, 2012 : 70). En somme, la rue ne sera un jardin qu’à la condition que ses habitants la jardinent. Plusieurs dispositifs sont alors mis en place pour générer cette émulation sociale. Il y a, tout d’abord, le cycle de concertations organisé entre octobre 2011 et janvier 2012 qui prend la forme de réunions publiques, suivies de temps de discussion par petits groupes pilotés par des agents municipaux16. À la suite, la municipalité délègue à deux associations locales une mission de mobilisation des habitants qui se traduit par l’organisation de quatre ateliers participatifs entre mars et juin 201217. Ces ateliers ont pour objectif de contribuer à construire le groupe d’habitant-jardiniers volontaires pour jardiner ensemble la rue-jardin. Enfin, les ateliers hebdomadaires animés par le jardinier de rue entre mars 2014 et septembre 2016 visent également à consolider le groupe d’habitants-jardiniers, à susciter des rencontres entre riverains et, surtout, à recruter de nouveaux volontaires pour le jardinage de la rue.

3.2. Échec de la mobilisation collective, mais dispersion des initiatives individuelles de jardinage de rue

  • 18 L’association Les Amis de la rue Kléber déclarée en préfecture le 28 novembre 2011 affiche comme o (...)

23Suivant le modèle de l’association Yakafaucon, la municipalité imagine accompagner le groupe d’habitants-jardiniers de la rue Kléber à se structurer en association afin de pouvoir passer un contrat moral reposant sur la coécriture et la signature d’une charte de jardinage de la rue. En échange de l’autorisation à pouvoir jardiner sur le domaine public, l’association bénéficiaire s’engage à l’entretien de ce qu’elle jardine dans la rue-jardin. Or, en dépit des efforts déployés par la municipalité, la mobilisation collective n’est pas au rendez-vous. Durant le cycle de concertation, si la thématique du jardin suscite l’enthousiasme des participants, c’est comme solution aux problèmes d’entretien et de propreté de la rue. Réagissant à l’idée de rue-jardin, un participant explique : « L’idée est bonne, mais le problème est : qui va entretenir ? Regardez l’état du cours de la Marne ! » (Direction générale de l’aménagement, 2012 : 43). Au cours des ateliers de mobilisation, si des volontaires au jardinage se manifestent et permettent même à une association d’habitants de voir le jour18, leur engagement se traduit moins par une appropriation de la rue-jardin que par des actions événementielles, festives ou ludiques. Finalement, lors de la signature de la charte de la rue-jardin au printemps 2016, une seule habitante de la rue se présente et accepte de signer, ce qui témoigne de l’échec de la mobilisation collective autour du projet.

24Si le jardinage ne contribue pas à créer un collectif d’habitants-jardiniers, des habitants jardinent tout de même dans la rue Kléber. Au fil des mois, on constate que les facteurs sociaux à l’origine de l’appropriation de la rue par le jardinage passent au second plan, derrière des facteurs spatiaux. En effet, l’appropriation par le jardinage tend à s’organiser selon le critère de la proximité au domicile. Les fosses en pied de façades sont celles qui font l’objet de plus de soins : « E. a pris en charge la fosse devant le 74 de la rue. Cette fosse est la plus proche de chez lui, il arrose, plante et entretien la fosse depuis le 24/06/15 », note ainsi le jardinier de rue dans son compte-rendu de permanence du mois de juillet 2015. Cette pratique ne se développe pas seulement dans les fosses linéaires en pied de façade, mais se propage également aux parties de la rue où ce type de fosses n’a pas été aménagé. Depuis 2016, sur une portion de la rue, les habitants des rez-de-chaussée de deux immeubles ont installé des pots et des jardinières le long de leurs façades, mais également verticalement, sur les volets et sur le rebord de leur fenêtre. Lorsqu’ils arrosent leur jardin de pots avec un tuyau branché dans leur cuisine, il n’est pas rare qu’ils mettent de l’eau à la fosse de plantation située à proximité, bien qu’ils n’y jardinent pas pour autant nécessairement (Figure 12).

Figure 12. Scène d’arrosage et extension du jardin de frontage sur la « placette », le tronçon piéton de la rue-jardin Kléber

Figure 12. Scène d’arrosage et extension du jardin de frontage sur la « placette », le tronçon piéton de la rue-jardin Kléber

© Ramos, septembre 2019

25Ainsi, la transformation de la rue Kléber en rue-jardin n’a contribué ni à la structuration d’un groupe social ni à l’émergence de la mobilisation collective souhaitée par la municipalité. La rue-jardin se heurte à la difficulté – si ce n’est l’impossibilité – de faire de la rue l’espace d’un collectif (Gourdon, 2020). Toutefois, la requalification en rue-jardin rend possibles et légitimes des pratiques individuelles de jardinage. Elle offre les conditions pour établir un mode de relation jardinier à la rue ou l’expression de « comportements-jardin » (Marlin, 2020 : 7) qui, juxtaposés, contribuent à faire de la rue le jardin de plusieurs individualités voisines.

Conclusion

26Au travers du projet de la rue-jardin Kléber à Bordeaux, nous avons cherché à analyser comment la municipalité s’appuie sur le jardin pour agir sur la manière dont les citadins voient, pratiquent et vivent l’espace public urbain. Nous avons pu montrer que, mobilisé comme alternative à la rue, il visait à modifier trois formes d’interactions : entre les habitants et leur rue, entre les habitants et les végétaux de la rue et, enfin, entre les habitants eux-mêmes. Pour la municipalité, la requalification de la rue en rue-jardin vise à la rendre plus désirable aux yeux des habitants, mais également plus appropriable. Si son aménagement puise dans le vocabulaire paysager des parcs et jardins bordelais, la rue-jardin est envisagée surtout comme un jardin pour jardiner dont les habitants sont non seulement les bénéficiaires, mais également les acteurs. En faisant jardiner la rue par ses habitants, la municipalité espère voir se développer chez eux une empathie et un attachement pour les végétaux qu’ils cultivent, ainsi qu’un sentiment de responsabilité à l’égard du paysage de la rue auquel ils contribuent en jardinant. En se référant explicitement aux dynamiques citoyennes d’appropriation collective de l’espace public par le jardinage, la municipalité cherche à faire du jardin un vecteur de mobilisation collective et de socialisation privilégié. Or, cette intention municipale ne contribue pas à la structuration d’un groupe d’habitants-jardiniers, mais plutôt à une individualisation des interactions entre les habitants et les végétaux de la rue et le développement d’un sentiment de propriété qui entre en contradiction avec les usages du domaine public. Ainsi, la rue-jardin est moins le jardin d’un groupe que le résultat d’actions disparates et individuelles, contributions collectives, mais dispersées et non coordonnées à la fabrication du paysage de la rue. Toutefois, c’est bien le réaménagement de la rue qui permet à ces pratiques qui n’avaient pas lieu auparavant de se développer. La rue-jardin offre donc les conditions d’un changement de représentations de l’espace public par celles et ceux qui l’occupent.

Haut de page

Bibliographie

Ouvrages et articles

Aggéri G., 2010, Inventer les villes-natures de demain : gestion différenciée, gestion durable des espaces verts, Dijon, Éducagri.

Aird J., 2011, Incredible Edible Todmorden – demonstrating our impact, Londres, Esmee Fairbairn Foundation.

Allain Y.-M., 1997, « La ville : un territoire nouveau pour la nature ? La gestion différenciée en Europe », Journal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, vol. 39, n° 2, p. 199‑217, https://doi.org/10.3406/jatba.1997.3624.

Allemand S., Heurgon É., De Paillette S., 2014, Renouveau des jardins : clés pour un monde durable ?, Paris, Hermann, Centre culturel international.

Baudelet L., Basset F., Le Roy A., 2008, Jardins partagés : utopie, écologie, conseils pratiques, Mens, Terre vivante.

Baudelet-Stelmacher L., 2018, « Les 20 printemps des jardins partagés français. Bilan et perspectives », In Situ. Revue des patrimoines, n° 37, https://doi.org/10.4000/insitu.19725.

Baudry S., 2011, « Les community gardens de New York City : de la désobéissance civile au développement durable », Revue française d’études américaines, n° 129, p. 73‑86, https://doi.org/10.3917/rfea.129.0073.

Bergues M., 2016, « Dire avec des fleurs ; manières de jardins et modèles de cultures », in Nahoum-Grappe V., Vincent O. (dir.), Le goût des belles choses : ethnologie de la relation esthétique, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, p. 67‑81.

Bidou C., 1984, Les aventuriers du quotidien : essai sur les nouvelles classes moyennes, Paris, puf.

Boulianne M., 2001, « L’agriculture urbaine au sein des jardins collectifs québécois : Empowerment des femmes ou "domestication de l’espace public" ? », Anthropologie et Sociétés, vol. 25, n° 1, p. 63‑80.

Bouvier-Daclon N., Sénécal G., 2001, « Les jardins communautaires de Montréal : un espace social ambigu », Loisir et Société/Society and Leisure, vol. 24, n° 2, p. 507‑531.

Brosseau S., 2014, « Hachiue, les plantes en pot », in Bonnin Ph. (dir.), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, cnrs éditions.

Cabedoce B., Pierson P., 1996, Cent ans d’histoire des jardins ouvriers 1896-1996 : la ligue française du coin de terre et du foyer, Grâne, Créaphis.

Cachin S., Ligny S., 2011, Je Jardine ma ville, Paris, Éditions de l’échiquier.

Caruso C., Mcclintock N., Myers G., Weissman E., Herrera H, Block D., Reynolds K., 2016, « Beyond the Kale : Urban Agriculture and Social Justice Activism in New York City », The aag Review of Books, vol. 4, n° 4, p. 234‑243.

Charmes É., 2003, Le retour à la rue : entre paysages et usages, rue des Cascades et rue de l’Ermitage, Belleville, Paris, Laboratoire Théorie des mutations urbaines & Association pour la recherche et le développement en urbanisme (dir.), Champs-sur-Marne, ardu, Laboratoire cnrs Théorie des mutations urbaines.

Clément G., 1997, Le jardin planétaire, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube.

Clerval A., 2011, « L’occupation populaire de la rue : un frein à la gentrification ? L’exemple de Paris intra-muros », Espaces et sociétés, vol. 144‑145, n° 1‑2, p. 55‑71, https://doi.org/10.3917/esp.144.0055.

Conan M., Favaron J., 1997, « Comment les villages devinrent des paysages », Les Annales de la recherche urbaine, vol. 74, n° 1, p. 48‑58.

Creux G., 1999, « Les pratiques de jardinage dans l’espace des loisirs », in Creux G., Les métamorphoses du travail et la nouvelle société du temps libre : autour de Joffre Dumazedier, Paris, L’Harmattan.

Crossan J., Cumbers A., Mcmaster R., Shaw D., 2016, « Contesting Neoliberal Urbanism in Glasgow Community Gardens : The Practice of diy Citizenship », Antipode, vol. 48, n° 4.

De Biase A., Zaza O., Marelli C., 2021, « “Embellir la rue, c’est tout un projet !” », in La beauté d’une ville. Controverses esthétiques et transition écologique à Paris, Pavillon de l’Arsenal.

Debié F., 1992, Jardins de capitales : une géographie des parcs et jardins publics de Paris, Londres, Vienne et Berlin, Paris, Éditions du Centre national de la recherche scientifique.

Delbaere D., 2021, Altérations paysagères : pour une théorie critique de l’espace public, Marseille, Parenthèses.

Demailly K.-E., 2014, « Les jardins partagés franciliens, scènes de participation citoyenne  ? », EchoGéo, n° 27, https://doi.org/10.4000/echogeo.13702.

Deschamps A., 2019, « Aménager la ville par le jardinage : la végétalisation participative de Lyon », Géoconfluences, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02310345.

Denis L, 2010, Du jardin partagé au jardin de trottoirs. Nature de quartier et éco-citoyenneté à Lyon, Mémoire de master 2, Paris, Muséum national d’histoire naturelle et AgroParis Tech.

Devisme L., Dumont M., Roy É., 2007, « Le jeu des “bonnes pratiques” dans les opérations urbaines, entre normes et fabrique locale », Espaces et sociétés, n° 131, p. 15‑31, https://doi.org/10.3917/esp.131.0015.

Douglas M., 1971, De la souillure : essai sur les notions de pollution et de tabou, Paris, François Maspero.

Dubost F., 1991, « Le choix du pavillonnaire », in Faure A., Les premiers banlieusards : aux origines des banlieues de Paris, 1860-1940, Paris, Créaphis, p. 185‑213.

Dubost F., 1997, Les jardins ordinaires, Paris, L’Harmattan.

Ernwein M., 2015, Jardiner la ville néolibérale. La fabrique urbaine de la nature, thèse de doctorat, Géographie, Faculté des Sciences de la société de l’Université de Genève.

Ernwein M., 2017, « Du jardinage collectif au paysagisme bénévole. Trois figures de la participation corporelle à la fabrique de la ville », Géographie et cultures, n° 103, p. 63‑86, https://doi.org/10.4000/gc.5715.

Ernwein M., Salomon-Cavin J., 2014, « Au-delà de l’agrarisation de la ville : l’agriculture peut-elle être un outil d’aménagement urbain ? Discussion à partir de l’exemple genevois », Géocarrefour, vol. 89, n° 1‑2, p. 31‑40, https://doi.org/10.4000/geocarrefour.9380.

Ernwein M., Tollis C., 2017, « Produire la ville vivante : le travail des citadins et des non-humains », L’Information géographique, vol. 81, n° 3, p. 13‑31, https://doi.org/10.3917/lig.813.0013.

Flick U., 1992, « Triangulation Revisited : Strategy of Validation or Alternative ? », Journal for the Theory of Social Behaviour, vol. 22, n° 2, p. 175‑197.

Fortier A., 2003, « Les vertus du jardinage d’insertion », Communications, vol. 74, n° 1, p. 85‑102, https://doi.org/10.3406/comm.2003.2130.

Gourdon J.-L., 2020, « La rue comme forme », in Brody J. (dir.), La rue, Toulouse, Presses universitaires du Midi, p. 21‑31.

Guillerme A., 1987, La rue n’est pas une route, colloque européen du laboratoire Théorie des mutations urbaines, Paris.

Guyon F., 2008, « Les jardins familiaux aujourd’hui : des espaces socialement modulés », Espaces et sociétés, n° 134, p. 131‑147, https://doi.org/10.3917/esp.134.0131.

Gwiazdzinski L., 2017, « Réappropriations citoyennes dans l’espace public. Les nouveaux arts du faire », Manifeste pour la création artistique dans l’espace public, p. 47‑51.

Harvey D., 2011, Le capitalisme contre le droit à la ville : Néolibéralisme, urbanisation, résistances, Paris, Amsterdam/Multitudes.

Helbert Y., Bernier S., 1998, Des jardins familiaux dans nos villes : jardins, jardinage et politiques urbaines, Paris, Fondation de France.

Irvine S., Johnson L., Peters K., 1999, « Community gardens and sustainable land use planning : A case‐study of the Alex Wilson community garden », Local Environment, vol. 4, n° 1, p. 33‑46.

Jacobs J., 1991, Déclin et survie des grandes villes américaines, Liège, Pierre Mardaga Éditeur.

Laroze C., 1999, « Le jardin inspiré », in Brunon H. (dir), Le jardin, notre double : sagesse et déraison, Paris, Autrement.

Lassus B., 1977, Les habitants-paysagistes, Paris, Les Presses de la connaissance.

Lebon F., Sauvadet T., 2019, « Introduction. L’occupation juvénile de l’espace public par défaut d’espace privé », Agora débats/jeunesses, vol. 83, n° 3, p. 43‑54, https://doi.org/10.3917/agora.083.0043.

Marelli C.-M., Zaza O., 2021, « Cartographier l’incartographiable ? Retour sur la mise en place d’une cartographie collaborative institutionnelle pour la végétalisation urbaine participative à paris », Netcom. Réseaux, communication et territoires, n° 35‑3/4, https://doi.org/10.4000/netcom.6332.

Marlin C., 2008, L’expérience ordinaire : fabrication d’un énoncé de jardin, thèse de doctorat, Paysage, ehess.

Marlin C., 2020, « Le sens géographique du jardin “individuel” et sa relation au paysage », Projets de paysage. Revue scientifique sur la conception et l’aménagement de l’espace, n° 23, https://doi.org/10.4000/paysage.12838.

Matthey L., 2013, « Les faiseurs de paysage. Ethnographie d’un projet urbain », L’Information géographique, vol. 77, n° 1, p. 6, https://doi.org/10.3917/lig.771.0006.

Maurel L., 2017, « la végétalisation des villes et la tragi-comédie des communs », Vacarmes, n° 81, p. 46‑52, https://doi.org/10.3917/vaca.081.0046.

Menozzi M.-J., 2007, « “Mauvaises herbes”, qualité de l’eau et entretien des espaces », Natures Sciences Sociétés, vol. 15, n° 2, p. 144‑153, https://www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2007-2-page-144.htm.

Mestdagh L., 2018, Jardiner entre soi, Paris, L’Harmattan.

Micoud A., 1997, « Les balbutiements du génie écologique. Réflexions à partir de deux exemples-documents », Les Annales de la recherche urbaine, n° 74, p. 21‑30, https://doi.org/10.3406/aru.1997.3116.

Niesseron I., 2018, « Les jardins de rue de la Ville de Lyon », In Situ. Revue des patrimoines, n° 37, https://doi.org/10.4000/insitu.19434.

Pagès D., 2017, « Urbainculteurs : avez-vous votre “permis de végétaliser”  ? (1) », Blog de recherches, p. 2.

Pasquali M., 2006, Loisaida : NYC Community Gardens, Milan, A+MBookstore.

Paull J., 2013, « “Please Pick Me” : how incredible edible Todmorden is repurposing the commons for open source food and agricultural biodiversity », in Fanzo J., Hunter D., Borelli T, Mattei F., Diversifying Food and Diets : Using Agricultural Biodiversity to Improve Nutrition and Health, Londres, Routledge.

Purcell M., Tyman S., 2015, « Cultivating food as a right to the city », Local Environment, vol. 20, n° 10, p. 1132‑1147.

Ramos A., 2020, « Ce que l’on jardine : les “permis de végétaliser” de vingt municipalités françaises et le projet de la rue-jardin Kléber à Bordeaux », Intermédialités : histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques/Intermediality : History and Theory of the Arts, Literature and Technologies, n° 35, https://id.erudit.org/iderudit/1076379ar.

Ramos A., 2021, Faire jardiner sans jardin. Mécanismes et limites des dispositifs municipaux de jardinage tactique dans la rue, thèse, Université Paris-Nanterre.

Reynaud-Desmet L., 2012, « La fabrication de la ville durable entre conflit et participation : les activistes urbains écologistes en région parisienne », L’Information géographique, vol. 76, n° 3, p. 36‑51.

Reynolds R., 2010, La guérilla jardinière, Gap, Yves Michel.

Rosol M., 2006, Gemeinschaftsgärten in Berlin. Eine qualitative Untersuchung zu Potenzialen und Risiken bürgerschaftlichen Engagements im Grünflächenbereich vor dem Hintergrund des Wandels von Staat und Planung, thèse de doctorat Fach Geographie an der Mathematisch-Naturwissenschaftlichen Fakultät II der Humboldt-Universität zu Berlin.

Sainte-Marie-Gauthier V., 2001, « L’invention du jardinier municipal », in Les parcs et jardins dans l’urbanisme parisien, xixe-xxe siècles, Paris, Action artistique de la ville de Paris.

Sansot P., 1995, Jardins publics, Paris, Payot.

Schmelzkopf K., 1995, « Urban Community Gardens as Contested Space », Geographical Review, vol. 3, n° 85, p. 364‑381.

Schmelzkopf K., 2002, « Incommensurability, land use, and the right to space : community gardens in New York City », Urban Geography, n° 23, p. 323‑343.

Soulier N., 2012, Reconquérir les rues, exemples à travers le monde et pistes d’actions : pour des villes où l’on aimerait habiter, Paris, Ulmer.

Texier S., 2001, Les parcs et jardins dans l’urbanisme parisien, xixe-xxe siècles, Paris, Action artistique de la ville de Paris.

Torres A.-C., 2017, Initiatives citoyennes de conservation de la nature en milieu urbain  : rôle des jardins partagés, thèse de doctorat, Université Paris-Saclay.

Tracey D., 2007, Guerrilla gardening : A Manualfesto, Gabriola Island, New Society Publishers.

Tronto J.-C., 2009, Un monde vulnérable : pour une politique du care, Paris, La Découverte.

Vandenbroucke P., Canavese M., Dacheux‑Auzière B., Grenet M., Mouhot L., Berthier N., Melin G., Pouvesle C., Rémy É., Consalès J.-N., 2017, « Derrière l’utopie du jardin collectif, la complexité d’un projet social, technique et politique », Géographie et cultures, n° 103, p. 19‑37, https://doi.org/10.4000/gc.5567.

Verfaillie B., Hays D., 1997, « Compte-rendu du forum : le jardin dans tous ses états », Lille, Chantier Nature

Wakefield S., Yeudall F., Taron C., Reynolds J., Skinner A., 2007, « Growing urban health : Community gardening in South-East Toronto », Health Promotion International, vol. 22, n° 2, p. 92‑101.

Warhurst P., Dobson J., 2015, Les incroyables comestibles, Arles, Actes Sud.

Weber F., 1998, L’honneur des jardiniers : les potagers dans la France du xxe siècle, Paris, Belin.

Sources institutionnelles

Direction générale de l’aménagement, 2012, Les rencontres Bordeaux (Re)Centres II – Kléber : la rue autrement, Bordeaux, Ville de Bordeaux.

Pluvinage M., Weber F., 1992, Les jardins populaires : pratiques culturales, usages de l’espace, enjeux culturels éléments d’histoire et d’ethnographie, rapport de recherche pour la Mission du patrimoine ethnologique du ministère de la Culture, Paris, https://www.culture.gouv.fr/content/download/44625/354733.

« pnrqad, 2010, Le centre ancien. Entre rayonnement métropolitain et vie de quartier, rapport d’étude, A’Urba – Communauté urbaine de Bordeaux, p. 42, https://www.aurba.org/productions/pnrqad-le-centre-ancien-entre-rayonnement-m %C3 %A9tropolitain-et-vie-de-quartier/.

Haut de page

Notes

1 Citons le programme « Je jardine ma ville » porté par le caue du Val d’Oise ; ou encore l’exposition « Jardiner la rue » rendant compte des expériences de végétalisation participatives des rue accompagnées par les caue de la Vienne et de Charente-Maritime, consulté le 27/10/2022.

2 Voir par exemple les projets de rues végétales réalisées entre 2015 et 2020 par la Ville de Paris selon un processus de coconception et de gestion partagée avec les riverains, consulté le 27/10/2022.

3 Pour reprendre la terminologie du programme développé depuis 2005 par la Ville de Lyon, consulté le 27/10/2022.

4 En France, le réseau national des jardins partagés « Le jardin dans tous ses états », fondé en 1997, a contribué à fédérer les actions militantes, à donner une reconnaissance politique aux initiatives citoyennes de création de jardins collectifs.

5 « Rue autrement », c’est le titre donné par la municipalité au livret publié à l’issue du cycle de concertations sur le projet d’aménagement de la rue-jardin Kléber.

6 pnrqad : Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés créé par la loi de Mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion du 25 mars 2009. Il vise notamment la requalification urbaine et sociale des quartiers urbains anciens en ciblant essentiellement l’amélioration de l’habitat, mais également le maintien de la mixité́ sociale.

7 Présentation générale du pnrqad Bordeaux (Re)Centres par la Métropole de Bordeaux, consulté le 17 mars 2022.

8 Consulté le 17 mars 2022.

9 Voir la Convention de financement Opération programmée d’amélioration de l’habitat de renouvellement urbain à volet réhabilitation des copropriétés dégradées ou fragiles du centre historique de Bordeaux opah ru-cd 2017-2022 : 9, consulté le 16 octobre 2022.

10 Parmi les questions posées par la municipalité aux habitants lors du cycle de concertation on trouve la suivante : « Comment utiliser l’espace qui pourrait être libéré́ par les voitures ? » Direction générale de l’aménagement, 2012 : 36-37.

11 Voir le Conseil national des villes et village fleuris, vecteur de valorisation de l’esthétique horticole d’initiative privée comme publique dans les villes françaises, consulté le 16 octobre 2022.

12 La phase de mobilisation des habitants de la rue a fait l’objet d’une mission spécifique qui se traduit par l’organisation de quatre « ateliers participatifs » (les 31 mars, 4 mai, 1er et 15 juin 2012) ayant pour objectif de définir le mode de jardinage de la rue et de structurer un groupe de jardinières et jardiniers volontaires.

13 La municipalité bordelaise est engagée depuis 2005 dans la démarche de gestion différenciée de ces parcs et jardins. Ces principes sont étendus également aux jardins partagés. La rue-jardin étant considérée comme un espace jardiné par les habitants, elle est soumise aux mêmes principes de la « Charte du jardinier écologique bordelais », consulté le 22 mars 2022.

14 La mise en place des « permis de végétaliser » en France est une réponse des municipalités aux initiatives citoyennes de jardinage dans la rue. Les premiers dispositifs de ce type ont été mis en place par les Villes de Rennes et Lyon en 2004. À Lyon, c’est l’association Jardingue qui en est à l’origine (Denis, 2010). Ces dispositifs connaissent un développement important à partir des années 2010. À Bordeaux, le permis de végétaliser se met en place à partir de 2013.

15 Le projet de végétalisation des rues du quartier Saint-Jean est à l’origine de la création de l'association Yakafaucon qui, aujourd’hui, a diversifié ses activités et ses objectifs, voir le site de l’association, consulté le 22 mars 2022.

16 Ces quatre réunions de concertation publiques ont été organisées les 12 octobre 2011, 10 novembre 2011, 22 novembre 2011 et 11 janvier 2012. Ce cycle de concertations fait l’objet d’une publication en avril 2012 retraçant, outre ses résultats, les étapes de diagnostic du projet et le cahier des charges du projet (Direction générale de l’aménagement, 2012).

17 Ces ateliers participatifs, coanimés par l’association Les Jardins d’aujourd’hui et le collectif Friche and Cheap, ont été organisés dans différents lieux du quartier autour de la rue Kléber et ont eu lieu les 31 mars, 4 mai, 1er juin, 15 juin et 29 juin 2012.

18 L’association Les Amis de la rue Kléber déclarée en préfecture le 28 novembre 2011 affiche comme objet : « développer le lien social entre les habitants du quartier de la rue Kléber à Bordeaux ; participer à l’amélioration du cadre de vie des habitants et usagers du quartier ; favoriser la diffusion des pratiques du développement durable dans le quartier ». Voir la déclaration au Journal officiel, consulté le 28 octobre 2022.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Figure 1. Périmètre du PNRQAD Bordeaux (Re)Centres à partir de l’Opendata Bordeaux Métropole
Crédits @ Ramos, 2021
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/24235/img-1.png
Fichier image/png, 2,8M
Titre Figure 2. Schémas comparatifs en plan de la rue Kléber aménagement en rue-jardin dans le cadre du pnrqad Bordeaux (Re)Centres Avant (gauche) et après (droite)
Crédits © Ramos, 2021
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/24235/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 3,5M
Titre Figure 3. Le mobilier urbain installé dans la rue-jardin Bancs publics, arceaux à vélo, jardinières
Crédits © Friche and Cheap, mai 2014
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/24235/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 1,1M
Titre Figure 4. Jardinage collectif dans les jardinières dites « bacs Kléber »
Crédits © Friche and Cheap, avril 2014
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/24235/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 2,1M
Titre Figure 5. Plantations en pied de façade
Crédits © Friche and Cheap, juin 2014
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/24235/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Figure 6. Jardinage collectif et semis dans les grandes fosses de plantations
Crédits © Friche and Cheap, avril 2014
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/24235/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 4,6M
Titre Figure 7. Lors de l’atelier de printemps le 5 avril 2016, initiation à l’herborisation par le jardinier de rue avec une classe d’élèves de l’école Cazemajor, et du centre d’animation Nansouty-Argonne
Crédits © Friche and Cheap, avril 2016
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/24235/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 245k
Titre Figure 8. Grandes fosses de plantation où se mêlent arbres de haut-jet, cépées, plantations ornementales, potagères et adventices
Crédits © Friche and Cheap, juillet 2014
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/24235/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Figure 9. Découpage en parcelles et dispositifs auto-construits de protection des espaces jardinés par les habitants-jardiniers
Crédits © Friche and Cheap, janvier 2015
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/24235/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 1,1M
Titre Figure 10. Localisation de la rue-jardin Kléber et des rues Montfaucon, Ambroise et Guépin
Légende À l’intérieur du périmètre du pnrqad (en rouge) ; végétalisées par l’association Yakafaucon (en bleu)
Crédits Source : à partir de Google Maps@ Ramos, 2021
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/24235/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 2,2M
Titre Figure 11. Vue des dispositifs de végétalisation de la rue Montfaucon par l’association Yakafaucon
Crédits © Sophie Vialettes, 2018
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/24235/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 217k
Titre Figure 12. Scène d’arrosage et extension du jardin de frontage sur la « placette », le tronçon piéton de la rue-jardin Kléber
Crédits © Ramos, septembre 2019
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/24235/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 589k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Aurélien Ramos, « Faire jardiner la rue pour en faire un jardin ? Le projet de la rue Kléber à Bordeaux à l’épreuve des pratiques et des représentations habitantes (2011-2016) »Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 15, n°1 | Juin 2024, mis en ligne le 30 juin 2024, consulté le 17 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/24235 ; DOI : https://doi.org/10.4000/120cq

Haut de page

Auteur

Aurélien Ramos

Aurélien Ramos est paysagiste et docteur en aménagement et urbanisme. Il est maître de conférences en aménagement et urbanisme à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Ses travaux de recherche portent sur les pratiques urbaines ordinaires qui façonnent les espaces publics tels que le jardinage, le jeu, mais aussi les activités d’entretien, de maintenance et de ménagement. Il interroge l’évolution de leurs représentations et de leur prise en charge dans le cadre des politiques publiques de la transition écologique.
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Géographie-Cités
aurelien.ramos@univ-paris1.fr
n° Orcid : 0000-0002-4765-8761

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search