Navigation – Plan du site

AccueilNumérosVol. 15, n°3Quand transition énergétique rime...La modernisation écologique en ac...

Quand transition énergétique rime avec innovation technologique — Ouvrir la boîte noire de la modernisation écologique

La modernisation écologique en action : les promesses à l’aune de leurs contradictions internes

Ecological modernization in action: promises in light of their internal contradictions
Brice Auvet, Xavier Arnauld de Sartre, Lise Desvallées, Selin Le Visage et Sébastien Chailleux
Édité par Rhoda Fofack-Garcia

Résumés

Cet article introductif du numéro spécial Modernisation écologique part du constat qu’en matière de transition, ce sont le plus souvent des projets relevant de la modernisation écologique qui se mettent en œuvre – ce qui justifie que ces projets soient étudiés en tant que tels. Une analyse de ce que renferme l’idée de modernisation écologique renvoie celle-ci au statut de promesse, qui s’inscrit dans un rapport de continuité rupture par rapport à la modernité. Les articles réunis dans ce numéro sont lus à l’aune de cette promesse. Ces projets révèlent les tensions internes de la modernisation écologique, et montrent que si celle-ci est constamment renégociée et hybridée, si elle souffre d’importantes limites (et critiques) internes, ces projets semblent rassemblés par leur capacité à renforcer des acteurs les plus puissants autour de compromis et d’alignements a minima générant des écarts forts à la promesse et in fine aux objectifs de transition énergétique.

Haut de page

Texte intégral

Rhoda Fofack-Garcia a participé, au titre du comité de rédaction de la revue DDT, à la coordination du numéro spécial. Elle n’est cependant pas autrice de l’introduction du numéro.

1Au terme de la cop 21 (2015), l’Accord de Paris sur le climat a été obtenu en définissant un objectif (en l’occurrence, la limitation du changement climatique à 2, voire 1,5 °C) sans fixer les chemins pour l’atteindre ni les modalités de gouvernance. Chaque pays dessine ainsi sa propre voie, disposant pour cela d’un panel de solutions autant technologiques que politiques. Des scénarios mettent en récit des modèles socio-énergétiques articulant différentes magnitudes de changements de pratiques, d’économies d’énergie et d’innovations technologiques. Ils donnent à voir différentes voies qui peuvent être empruntées pour atteindre ces objectifs. Les exercices de scénarisation proposent des trajectoires suffisamment distinctes pour laisser une marge de choix aux acteurs et donner lieu à des débats sur la voie qu’une entité, souvent un pays, va choisir pour tenir son objectif.

2Chacun de ces exercices de scénarisation comporte des trajectoires de transitions énergétiques fondées sur la modernisation écologique : ils privilégient l’innovation technologique, en ciblant principalement la production et la consommation d’énergie. Les changements de comportement viennent ici épouser ces innovations dans un but d’optimisation. Dans cette perspective, la décarbonation repose fortement sur l’électrification soutenant une double croissance économique et énergétique et maintenant une consommation de masse. Cette trajectoire s’appuie sur un renouveau moderne en prenant en compte les enjeux environnementaux. Il s’inscrit dans le courant de pensée scientifique de la modernisation écologique (Mol et al., 2009) qui en a défini les contours épistémologiques.

3Malgré la possibilité de scénarisations alternatives expérimentant d’autres modèles de société et l’absence de consensus scientifique sur ce choix de transition, force est de constater que de nombreuses mises en œuvre de la transition énergétique relèvent de la voie de la modernisation écologique. De fait, et ce n’est pas un hasard, cette dynamique est celle qui remet le moins en cause les cadres politiques, économiques et sociotechniques qui structurent la production et la consommation d’énergie. Au cœur de cette pensée, les technologies vertes perpétuent le modèle d’une innovation issue des sciences exactes, avec une mise en œuvre par projet comme forme de l’action publique (issu notamment du New Public Management). De manière synthétique, cette modalité de gouvernance repose sur une délégation des responsabilités vers le local avec une gestion plus adaptative et moins planificatrice par des projets. Elle mobilise un système d’acteurs moins hiérarchique associant acteurs privés et publics (Pinson, 2009).

4Ce numéro spécial vise à étudier et documenter cette modernisation écologique en action pour comprendre ce qu’elle fait concrètement. Nous proposons d’ouvrir la boîte noire et les pratiques du modernisme écologique pour la transition énergétique afin d’analyser la modernisation écologique en train de se faire en privilégiant une approche à la fois compréhensive et critique, qui appréhende ensemble ses dimensions technique, sociale et politique. Technique, parce qu’elle constitue souvent la légitimité première de ces innovations : quelles sont les trajectoires technologiques de ces projets ? Quelles incertitudes les caractérisent  ? À quelle manière de formuler le problème répondent-elles ? Sociale, parce que ces questions supposent d’explorer la diversité des acteurs impliqués et concernés par ces projets : comment ont-elles été conçues, puis territorialisées ? Quels sont les effets et les risques qui accompagnent ces technologies, et sont-ils présentés, suivis, gérés  ? Enfin, une attention particulière est portée à la dimension politique de ces innovations : qui porte les projets et les technologies qui les accompagnent et à l’inverse, qui les critique ? Qui sont les perdants et les gagnants du déploiement technologique ?

5Pour offrir une analyse nourrie d’empirisme, ce numéro spécial privilégie les études entrant dans le fonctionnement des projets, leurs contradictions internes, leurs hésitations, les oppositions qu’ils suscitent. La multiplication de projets qui relèvent préférentiellement du modernisme écologique nous amène à souhaiter analyser ces projets non seulement pour eux-mêmes, mais aussi par rapport à l’univers idéologique qui leur donne sens – l’objectif étant tout à la fois de révéler les points communs à ces projets, leur cohérence et leurs incohérences.

6Afin de mettre en perspective ces articles, nous proposons, dans une première partie, de revenir sur les fondements de la modernisation écologique et de notre approche. Cette analyse montrera que la promesse est le fondement de la modernisation écologique : c’est la réalisation de cette promesse, notamment lors de la phase de territorialisation des projets technologiques, que nous interrogerons dans la seconde section de cette introduction.

1. Appréhender la modernisation écologique en action

1.1. La modernisation écologique : dépasser la critique épistémologique d’un objet académique et politique

7Parler de modernisation écologique fait tout à la fois référence à une pensée académique critiquée et à un projet politique et idéologique de modernisation se concrétisant. Épistémologiquement, ces objets se sont co-produits et se coproduisent suscitant une critique essentiellement théorique.

8La modernisation écologique s’inscrit dans un projet politique porté par une coalition d’acteurs, notamment du monde académique d’Europe du Nord. C’est une réponse aux limites à la croissance mises en avant par le Club de Rome qui tente un compromis réformiste entre économie (capitaliste) et écologie. En ce sens, la modernisation écologique est un projet cheminant aux côtés des notions de développement durable et ensuite de transition. Mol, Sonnenfeld et Spaargaren éditent en 2009 un ouvrage collectif regroupant les travaux fondateurs sur la notion de modernisation écologique (Mol et al., 2009 : 707). Avec cet ouvrage, les auteurs structurent un champ de recherche émergeant depuis la fin des années 1990. Cette synthèse à la fois théorique et empirique sur la notion forme l’ancrage d’un courant, avec ses auteurs, ses manuels, ses publications clefs, son histoire et son futur. En ce sens, ces trois auteurs/éditeurs forment le cœur d’une communauté épistémique regroupant des académiques, des décideurs politiques, des organismes internationaux gouvernementaux ou non, des entreprises, des think tanks et lobbies qui utilisent et alimentent ce concept (Haas, 1992). C’est d’ailleurs à raison que ces premiers se félicitent, dans la conclusion de leur ouvrage, d’avoir « formulé une nouvelle perspective qui s’est aujourd’hui imposée aux décideurs politiques » (Mol et al., 2009 : 707). Les postulats de ce projet politique écomoderne s’articulent en cinq points :

Les postulats suivants sont les plus importants d’une perspective de modernisation écologique cohérente. Une perspective de modernisation écologique part de l’hypothèse que si les problèmes environnementaux les plus difficiles de ce siècle et du siècle prochain ont été (ou seront) causés par la modernisation et l’industrialisation, leurs solutions doivent nécessairement passer par plus – et non moins – de modernisation et de superindustrialisation. En d’autres termes, l’hypothèse est que non seulement le capitalisme est suffisamment souple sur le plan institutionnel pour permettre d’aller dans le sens d’un capitalisme durable, mais que son impératif de concurrence entre les capitaux peut – sous certaines conditions – être exploité pour réaliser des éco-efficacités en matière de prévention de la pollution dans le processus de production et, en fin de compte, dans les processus de consommation également. Ainsi, deuxièmement, la théorie sociale doit reconnaître et théoriser directement le rôle que l’éco-efficacité et la rationalisation capitaliste peuvent jouer dans la réforme environnementale (tout en reconnaissant leurs limites et la mesure dans laquelle elles peuvent ou doivent être induites par l’État). Troisièmement, la modernisation écologique est en quelque sorte une réponse critique – voire une critique décisive – à l’environnementalisme radical (ou à la contre-modernité). Quatrièmement, une perspective de modernisation écologique considère l’environnement comme un espace de décision de plus en plus autonome, que ce soit en puissance ou en pratique. Cinquièmement, et c’est peut-être le point le plus fondamental, les processus de modernisation écologique sont le reflet d’environnements politiques rendus possibles par la restructuration (ou la modernisation) de l’État  (Mol and Jänicke, 2009 : 128).

9Autrement dit, la modernisation écologique repose sur une croyance inébranlée dans le progrès technique et scientifique, un recours privilégié aux marchés économiques et un rôle de coordinateur attribué à l’État, devenu moins hiérarchique et plus intégré dans une gouvernance multiniveaux.

  • 1 Le Global Scenario Group a été créé en 1995 par deux instituts, l’américain Tellus Institute et le (...)

10La modernisation écologique s’affiche également comme horizon politique du désirable et comme la voie « naturelle » de développement des économies occidentales. La prospective est un élément crucial pour comprendre comment la modernisation écologique s’est diffusée dans les échelles internationales, faisant le lien entre les différents membres de la communauté épistémique. Comme nous l’avons indiqué en introduction, les prospectives engagées pour identifier des voies de prise en charge des problèmes environnementaux comportent toutes un ou plusieurs scénarios se rattachant à la modernisation. Un des premiers travaux de prospective, élaboré par le Global scenario group (gsp) en 19971, a proposé une « taxonomie du futur » qui inclut trois grandes voies : une voie qui trouve des solutions dans la continuité de l’existant (Conventional Worlds), une voie d’effondrement (Barbarisation) et une voie de changement fondamental des valeurs et institutions (Great Transitions) (Gallopin et al., 1997). Les mondes conventionnels sont ainsi définis : « Les mondes conventionnels sont régis par les forces dominantes de la mondialisation : l’interdépendance économique se renforce, les valeurs dominantes se répandent et les régions en développement convergent progressivement vers les modèles de production et de consommation des pays riches ». Une sous-voie appelée Market force décline la modernisation écologique en ces termes : « des forces du marché, où de puissants acteurs mondiaux défendent la priorité des marchés libres et de l’expansion économique, en s’appuyant fortement sur l’innovation technologique pour réconcilier la croissance avec les limites. Le problème de la résolution du stress social et environnemental résultant de la croissance démographique et économique mondiale repose en grande partie sur la foi dans la logique d’autocorrection des marchés concurrentiels ». Cette voie conciliant environnement, innovation, croissance et marché apparaît ensuite comme une constante des travaux de prospective académique. Les instances intergouvernementales (Millennium Ecosystem Assessment, mea-2005 ou Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, giec-2007) ou nationales (Ademe, 2021), inscriront une large partie de leur scénarisation dans la modernisation écologique. L’ampleur actuelle des discours et projets de transition trouvant leur justification dans la modernisation écologique se comprend en ceci que cette voie est en fait celle de moindre résistance. Économiquement, alors que le libéralisme triomphe dans les années 1990, les auteurs du rapport du Global scenario group n’ont pas de peine à décrire une voie du marché d’un capitalisme capable de s’adapter aux enjeux environnementaux. Politiquement, des politiques inspirées de la vision technologique et libérale s’imposent plus facilement que celles des voies de transitions plus radicales identifiées par le gsp ou le mea (Aykut et al., 2017, 2020, Fressoz, 2024). Techniquement, les travaux sur les chemins de dépendance montrent bien que la modernisation écologique s’accommode de l’inertie matérielle des systèmes sociotechniques. In fine, la modernisation écologique occupe bel et bien une position hégémonique dans les instances internationales et dans la mise en œuvre des politiques publiques des pays les plus riches. Ceci explique sans doute que dans les travaux du giec, il n’y ait pas de scénarios de décroissance ou de transition radicale (Cointe and Pottier, 2023).

11La modernisation écologique fait l’objet de débats critiques qui visent ses fondements épistémologiques entre projet politique et fondements académiques. De nombreuses voix critiques ont attaqué les fondements mêmes de la modernisation écologique, dont les porteurs de la théorie font eux-mêmes la synthèse dans la réédition de leur ouvrage : « Dans le monde entier, les spécialistes de la modernisation écologique ont été critiqués pour leurs erreurs théoriques, leur naïveté politique, leurs erreurs empiriques, leur manque d’intérêt pour les questions liées à la consommation et aux inégalités sociales, leur “colonisation par le système économique et culturel” (Jamison, 2001 : 4) et même leur “optimisme technologique inébranlable” (Hannigan, 2006 : 26) » (Mol et al., 2009 : 713). Ces critiques sont loin de s’éteindre à mesure que la modernisation écologique s’impose comme voie unique. Trois grands types de critiques s’affrontent. La première porte sur le principe même de la modernisation écologique : la modernisation s’étant toujours faite, historiquement, par l’accumulation, une modernisation écologique consisterait à accumuler plus encore. Elle n’infléchirait pas la trajectoire de développement, ne faisant que l’approfondir notamment par le biais d’effets rebonds liés à l’efficacité énergétique et/ou à l’ouverture de nouveaux marchés (Fressoz, 2024). La seconde ligne critique porte sur les bases matérielles de cette modernisation. Dans la ligne du rapport Meadows (Meadows and Randers, 1972), et à la lumière des récents travaux sur la disponibilité en matériaux et plus largement les limites de la planète (Rockström et al., 2009), on peut en effet très sérieusement s’interroger sur la disponibilité des bases matérielles à la modernisation écologiques et les risques accrus de franchissement de limites qu’elle fait courir. Le troisième type de critique porte sur les injustices que cette voie de modernisation ne manquerait pas de prolonger : tout indique que la modernisation écologique aboutit à maintenir les asymétries de pouvoir et les inégalités existantes (Dauda, 2019), surtout si elle s’insère dans une dynamique de verrouillages technologiques qui profite avant tout aux acteurs sectoriels dominants. Plus généralement, on peut s’interroger sur l’effectivité de la modernisation écologique pour la transition énergétique au vu de l’augmentation constante d’émissions de gaz à effets de serre.

12Ces critiques étant déjà amplement étudiées et discutées, ce numéro spécial souhaite s’engager sur une quatrième voie. La modernité écologique a ainsi largement dépassé le stade de concept théorique et politique à la vue des projets concrets portés au nom de la transition énergétique. Comme nous l’avons indiqué en introduction, ce que nous entendons faire, c’est plutôt prendre au sérieux la modernisation écologique pour la regarder « en train de se faire », pour comprendre comment certains acteurs parviennent à construire de la continuité. Pour cela, nous articulons un cadre d’analyse de la promesse technoscientifique avec une approche de political ecology qui s’intéresse à la fois aux rapports de pouvoir qui rendent possible l’hégémonie des projets modernistes, et à la manière dont ils se transforment lorsqu’ils atterrissent dans des territoires et des sociétés qui leur imposent des compromis et des hybridations.

1.2. La modernisation écologique : un prolongement jamais moderne ni écologique ?

13La modernisation écologique interroge les continuités et les décalages qu’elle apporte par rapport aux modernités antérieures. Latour définit la modernité comme un projet politique visant l’objectivité (la manière d’accéder au monde [ses objets et outils] qui permet de fabriquer des savoirs), l’efficacité (la mise en œuvre et l’exercice de la modernité), la rentabilité (l’économie de la modernité), le formalisme (manière d’écrire et de procéder entre les acteurs) (Latour, 1994). Le projet moderne est né des Lumières et se propose d’articuler abondance et liberté (Charbonnier, 2020). C’est à travers le projet moderne que la dichotomie Nature/Culture se développe. En séparant d’un côté les lois de la Nature déterminée par des savoirs experts objectifs et formels, et d’un autre côté les lois humaines, autonomes de la Nature et orientées vers l’efficacité et la rentabilité, les sociétés modernes s’engagent dans deux siècles de refus de reconnaître les limites physiques planétaires. À la modernité politique du xviiie siècle qui défend d’abord la liberté et l’autonomie politique du sujet succède une modernité économique au xixe siècle qui repose avant tout sur l’abondance. Cette modernité s’est imposée depuis la seconde moitié du xixe siècle comme une technocratie ancrée dans les sciences exactes, ayant entraîné une concentration de la décision et des choix politiques dans les sphères des ingénieurs, techniciens ou scientifiques. La modernité repose alors à la fois sur une légitimité rationnelle-légale et sur une légitimité par les outputs qui valorise l’efficacité des décisions. Pour la période 1945-1990 (Pessis et al., 2013), on pense à la filière nucléaire (Topçu, 2013) à la gestion de l’eau (Swyngedouw, 2004) ou au corps des Mines en France comme acteurs cibles de la critique.

14Mais dans le même temps, ce discours moderne reposant sur l’avènement et l’hégémonie des sciences et des techniques est traversé de contradictions internes, de compromis et d’hybridations. En effet, comme le fait remarquer Charbonnier (2020), l’industrialisation est initialement associée à un idéal de liberté politique afin d’être acceptable au plus grand nombre compte tenu des dégâts gigantesques qu’elle génère. Le prix de l’abondance est excessif et il ne devient justifiable qu’au nom d’une promesse de liberté et d’égalité politique et sociale. Promesse trahie qui est à l’origine du mouvement ouvrier et de la construction de l’État providence. En effet, la modernité « n’a jamais été conforme à elle-même », et constamment négociée et hybridée (Latour, 1994). Non seulement les promesses de la modernité n’avaient pas été tenues, mais ses principes, selon Latour, n’ont jamais été respectés. Rentabilité et efficacité ne fonctionnent qu’au profit d’une poignée d’acteurs économiques tandis que le formalisme et l’objectivité participent d’une dépolitisation des choix collectifs. Le courant sts a depuis longtemps montré comment la production de connaissances et le développement de technologies étaient des processus hautement sociaux et politiques déterminés par le contexte temporel et spatial des acteurs et non par un quelconque accès privilégié à une vérité surplombante. La modernité est remplie d’êtres hybrides qui ne sont ni totalement « naturels » ni totalement « culturels », mais une combinaison des deux. Pour Latour, c’est en reconnaissant le caractère dual des entités qui peuplent le monde moderne que l’on sera en mesure de réviser son fonctionnement.

15Il ne faut donc pas s’attendre à ce que la modernité écologique en action soit pleinement moderne et écologique ni une rupture ou continuité nette avec les modernités passées. Il nous semble ici important de documenter ce que celle-ci produit comme « hybrides » donnant à voir quelle écologie, selon quelle objectivité/efficacité/rentabilité/formalisme, elle met en œuvre. L’idée est ici de mesurer les écarts entre la théorisation politico-académique et les arrangements nécessaires des projets. Les articles de ce numéro spécial permettent de suivre ces continuités et ces ruptures donnant à voir une modernité écologique qui agit au prix de compromis.

1.3. Mettre en œuvre la modernisation écologique : un régime de la promesse technoscientifique

16La promesse technoscientifique (Joly, 2013) accorde ainsi le contexte spécifique des politiques publiques ou des projets avec les technologies donnant à voir concrètement une réalisation possible de la modernité écologique. Elle implémente et justifie ainsi les projets dans un double mouvement d’ancrage territorial et de projection dans le futur. La promesse est ainsi la première face visible de la modernité écologique en action, mais également son premier étalon pour en mesurer ses effets. La promesse technoscientifique s’inscrit discursivement dans une vision linéaire de l’innovation que l’on retrouve dans l’approche de la Multilevel Governance de Geels : l’innovation doit être protégée dans une « niche technologique » qui est généralement dérogatoire au régime général, avant de tenter son intégration dans un « régime sociotechnique » plus large (Geels, 2005). Nous nous intéressons ici à cette intégration première face visible de la modernité écologique en action.

17Dans une démarche analytique appliquée à la modernité écologique, trois caractéristiques de ce régime de justification par la promesse technoscientifique nous semblent importantes. La première est celle de leur légitimité au regard des changements globaux. Les promesses construisent ainsi leur légitimité dans un travail discursif qui lie problème à résoudre et solution. La promesse d’une réponse à un problème est d’autant plus légitime que le problème est présenté comme urgent et que la promesse est forte. Dans ce travail rhétorique de problématisation, les promoteurs des technologies ont un rôle central de cadrage des enjeux pour montrer l’alignement de leur solution. Dans le cas de la transition énergétique, l’urgence de l’atténuation du changement climatique comme la diversité des technologies proposées pour y répondre (diversité soulignée par les articles de ce numéro) sont des outils rhétoriques puissants de légitimation. Cette légitimité est co-produite dans un réseau étendu d’acteurs. En intégrant des acteurs ou des organisations dont l’image publique ou le charisme politique portent, ces réseaux renforcent l’adhésion collective à la problématisation. Différentes formes de légitimités peuvent ainsi s’agréger dans des processus rhétoriques et des alliances d’acteurs : traditionnelle, charismatique, rationnelle légale (Weber, 1916), scientifique ou procédurale (Schmidt, 2013). Ce numéro documente ainsi les similarités des problématisations et des coalitions d’acteurs légitimant les promesses, mais également les écarts entre celles-ci donnant à voir des conceptions variées des enjeux climatiques au sein de la modernisation écologique.

18La deuxième caractéristique porte sur la crédibilité de la promesse, c’est-à-dire dans sa capacité à aligner des acteurs et des dispositifs autour d’une technologie et d’un projet. La capacité des porteurs à mobiliser des réalisations antérieures, des capitaux financiers, économiques, politiques et symboliques est ici essentielle pour convaincre généralement des acteurs politiques de soutenir leur démarche d’innovation. Plus largement, l’alignement des cadres interprétatifs est une dynamique centrale pour la réussite d’une action collective reposant sur la congruence et la complémentarité des cadres individuels (Snow et al., 1986). Cette notion d’alignement (et les désalignements qu’elle permet de mettre en lumière) est une constante des articles de ce numéro qui observent des technologies en train de se déployer. Elle questionne en particulier le récit et la reproduction d’un modèle opposant les porteurs de projets, champions d’une technologie, et un public systématiquement perçu par ces derniers comme étant en proie à des craintes irrationnelles et qu’il s’agirait de rassurer. Cette approche permet une approche plus fine du positionnement des acteurs que celle de la littérature sur l’acceptabilité des transitions énergétiques qui tendent de manière croissante à articuler la focale des publics avec celle, en amont, de la conception des projets (Batel, 2018). Ce numéro spécial témoigne ainsi de dynamiques constantes d’alignement et de désalignement qui obligent à adapter les projets et la promesse.

19Troisièmement, la promesse technoscientifique demeure une sélection et une réduction/simplification des enjeux qui invisibilisent d’autres enjeux notamment en ignorant les inégalités sociales ou certains rapports de force. Ce faisant, elle est vulnérable face à l’émergence d’autres changements technoscientifiques ou de propositions alternatives qu’elle tend à exclure. En termes de négociation climatique, Aykut et Dahan ont appelé le « schisme de réalité » cette ignorance des enjeux géopolitiques, des inégalités sociales ou des capacités de l’État à appliquer ses décisions (Aykut and Dahan, 2014). Concernant une promesse légitime et crédible, des registres de justification alternative et des savoirs locaux peuvent tout à la fois être exclus ou contester efficacement les projets. Ceci peut prendre la forme de controverses sociotechniques aboutissant à un espace polarisé, où l’on ne peut plus être que « pour » ou « contre », un diagnostic particulièrement pertinent lorsqu’il est appliqué aux controverses autour des énergies renouvelables. Ce numéro spécial nous invite donc à penser ce qui est laissé en dehors de la promesse : les ignorances induites jouant un rôle essentiel dans la mise en œuvre des projets et in fine de la modernisation écologique.

20Avec la notion de promesse, nous souhaitons mesurer la succession d’écarts et de compromis entre la problématisation et les réalisations concrètes de la modernisation écologique. Si ces compromis sont nécessaires à la mise en œuvre, nous devons faire l’effort de les rapporter au cadre de la modernisation écologique. Ce qui intéresse ce numéro spécial est la promesse de l’atténuation du changement climatique : un objectif si colossal qu’il ne serait rendu possible que par l’avènement complet du projet de la modernisation écologique. Chaque promesse technologique, observée pour elle-même, n’a d’impacts que sur une portion du problème, la modernisation écologique s’accommodant tout à fait de l’inertie des trajectoires sociotechniques plus larges. En explorant de manière systématique les promesses et les dispositifs déployés dans ce numéro, nous souhaitons mettre en lumière d’éventuelles constances dans la problématisation/légitimation, les alignements/désalignements et les ignorances induites générant des compromis s’éloignant systématiquement ou non des objectifs de la modernisation écologique. En questionnant la modernisation écologique par sa mise en œuvre, il s’agit de voir si ces compromis sont à même de répondre à la crise écologique et dans notre cas énergétique qui la justifie. Nous souhaitons ici également pointer qui sont généralement les gagnants et les perdants de ce processus.

2. Analyser les promesses de l’éco-modernisme et ses rapports de force

21Dans ce numéro spécial, nous souhaitons analyser collectivement la construction et la mise en œuvre de la modernisation écologique. Dans les articles de ce numéro, les objets propres à une modernisation écologique en action sont étudiés au prisme des outils de la géographie, de la sociologie et de l’histoire des sciences et des techniques. L’idée est ici d’ouvrir la boîte noire de ces projets, de documenter finement les fondements techniques de la promesse et les enjeux matériels de ce qui peut être décrit comme de l’innovation ou du techno-solutionnisme. Nous questionnons ainsi la place de ce qui relève de la technique et de ce qui relève du politique, du social, du juste, de l’acceptable, dans ces projets éco-modernistes.

22Ce numéro spécial a été construit avec l’objectif de rassembler des travaux documentant concrètement la mise en œuvre de la transition énergétique par la modernisation écologique. L’appel réalisé pour une revue francophone a résulté dans 21 propositions d’articles ; nous en avons d’abord retenu seize qui correspondaient à l’appel. Quatorze ont fait l’objet d’une évaluation en double aveugle, aboutissant aux dix articles publiés dans ce numéro. Huit de ces articles portent sur des cas français, un sur les États-Unis d’Amérique et un sur l’Allemagne. Cette focale ne saurait ainsi donner à voir la diversité géographique des mises en œuvre visées. Cependant, les contributions empiriques nous semblent pertinentes pour saisir les transformations ayant cours dans ce que McCarthy appelle le « premier monde », celui qui a connu une révolution moderne/industrielle au xxe siècle, ce qui a été nommé les pays développés ou les Nords, ou ce qui dans une lecture culturaliste est nommé l’Occident. C’est donc par rapport à cette histoire et ce contexte sociotechnique, matériel, politique et culturel que nous interrogeons la modernité écologique.

23Sur les neuf articles, huit analysent des propositions technologiques : trois articles portent sur l’électricité solaire (R. Carrausse sur l’agrivoltaïsme, F. M. Le Tourneau, L. Balaresque et G. Carvalho Bezerra sur le solaire aux États-Unis, A. Coblence et P. Nessi sur le photovoltaïsme en situation de communauté d’énergie), deux articles portent sur la méthanisation (l’un de P. Jutteau, l’autre d’A. Bouzin), un sur le stockage géologique de co2 (G. Marchand et S. Chailleux), un sur la propulsion à voile (S. Roche) et un sur des propositions territorialisées sur l’estuaire de la Loire (A. Duval). Les deux autres articles portent sur les contestations de dispositifs techniques de la modernisation écologique, l’une venant d’un conservatisme situé à droite sur l’échiquier politique (B. Auvet, S. Chailleux et L. Desvallées) et l’autre de mouvements sociaux écologistes contestant l’exploitation des énergies fossiles (L. Troilo et X. Arnauld de Sartre).

24Les articles retenus donnent une idée de ce qui est considéré, par les chercheurs, comme relevant de la modernisation écologique : ce statut n’étonnera pas concernant certaines technologies (le stockage géologique de co2, le photovoltaïsme intensif, certaines formes de méthanisation) ; pour d’autres technologies, ce n’est pas tant la nature de la technologie qui la range dans la modernisation écologique, mais la manière dont elle est in fine portée et mise en œuvre : les difficultés rencontrées par le déploiement du photovoltaïque en communauté d’énergie en sont l’illustration, de même que la plupart des propositions de propulsion vélique. Les contestations, elles, renseignent non pas tant sur les critiques du projet de modernisation écologique, déjà analysées par ailleurs (Aykut and Castro-Larrañaga, 2017 ; Fressoz, 2024), que sur les contradictions internes et les difficultés de passer à la modernisation écologique. Les contestations émanent à la fois de ceux qui souhaitent accélérer la sortie du fossile – et du monde moderne tout court – que de ceux qui souhaitent y rester.

25Les articles de ce numéro nous permettent de saisir comment les promesses se territorialisent, quelles sont leurs fragilités internes et quels sont les rapports de force qu’elles soutiennent. Pierre Benoit Joly, dans son article séminal sur l’économie de la promesse, montre que l’alignement des acteurs autour de la promesse technologique est essentiel à son succès. Cette assertion se vérifie dans le cadre de la territorialisation de la modernisation écologique : en effet, celle-ci doit s’aligner depuis la promesse technologique à l’atterrissage territorial. Or, la modernisation écologique résiste mal à sa mise à l’épreuve territoriale – c’est ce que mettent particulièrement en évidence une partie des articles présentés ici. D’autres montrent que cela est d’autant plus le cas que la modernisation écologique est un récit empli de contradictions internes. Enfin, en dépit de ces contradictions et de promesses non tenues pour l’atténuation du changement climatique, la modernisation écologique permet surtout de reproduire, de façon très nette, les rapports de force déjà bien établis grâce au prisme moderniste, qui vise surtout à concilier progrès technique et croissance économique.

2.1. La territorialisation comme révélateur des écarts à la promesse

26Certains articles montrent que même lorsque les technologies vertes pourraient théoriquement se rapprocher des objectifs fondamentaux de la transition énergétique, leur atterrissage territorial compromet cette réalisation. C’est ce que montre le débat sur la décentralisation de l’énergie qu’abordent quatre articles de ce numéro. Nombre de discours sur les énergies renouvelables disent que celles-ci doivent permettre une décentralisation des réseaux énergétiques (Rifkin, 2011). Mais les filières portant les innovations les inscrivent dans la continuité des systèmes sociotechniques existants, renforçant in fine la centralisation du réseau.

27Ce débat est très bien posé dans l’article de P. Jutteau. Cet article explore les implications de la méthanisation pour l’activité agricole au regard de sa promesse de fournir une énergie secondaire destinée à réguler la production électrique renouvelable intermittente. En étudiant les trajectoires de plus de 70 exploitations allemandes, il introduit l’idée d’une diversité de trajectoires de modernisation écologique, « faible » lorsqu’elles maintiennent les institutions et les systèmes de la modernité existants, dont le projet productiviste, « forte » lorsqu’elle est associée à des réformes écologiques plus profondes impliquant des dynamiques de sobriété, de décentralisation et de multifonctionnalité des exploitations. Il montre ainsi le rôle déterminant des politiques fédérales dans les dynamiques d’intensification, parfois avec un fort ancrage dans les projets de transition énergétiques locaux, mais aussi l’émergence de petites unités de production en rupture face au productivisme agricole. Ce sont ces unités qui portent la promesse d’une décentralisation du réseau, promesse que l’on peine à voir se réaliser.

28On retrouve ce désalignement des promesses lors de la mise en œuvre des projets dans l’article de A. Coblence et P. Nessi. Les autrices interrogent le photovoltaïque urbain en France au regard de la promesse portée par l’État : faire territoire et viser une autonomie énergétique en s’appuyant sur le dispositif des communautés énergétiques. Il existe une diversité des modèles de projets photovoltaïques urbains, qu’ils reposent sur des tarifs de rachat ou sur une consommation locale motivée par les économies de factures. Ces dispositifs ambitionnent de recalibrer les comportements de consommation. Mais ce recalibrage n’a pas lieu, la promesse n’est pas tenue du fait du maintien de la dépendance historique au régime public centralisé : cet article montre clairement un décalage entre la structure nationale du réseau et ses caractéristiques locales. Il y a désalignement entre le projet urbain et les professionnels de l’urbanisme et au final, dans le processus, c’est la dimension « autoconsommation » du projet qui est effacée.

29L’article proposé par F. M. Le Tourneau, L. Balaresque et G. Carvalho Bezerra montre comment, au-delà d’une ambitieuse, mais récente, politique de décarbonation du mix électrique de l’entreprise Tucson Electric Power à laquelle la municipalité délègue le service public d’électricité, la forme spatiale et organisationnelle du déploiement photovoltaïque est encore floue. Les options de centralisation reposant sur de grandes fermes, comme celles d’une production décentralisée dans les zones résidentielles, sont encore en suspens. Si chacune fait face à des contraintes techniques, environnementales et sociales spécifiques, elles pointent toutefois vers une trajectoire de modernisation écologique faible, où l’impératif d’une consommation intensive est maintenu.

30L’article d’A. Bouzin souligne une transformation du cadrage même des politiques portant le développement de la méthanisation en France. Si elle était d’abord supposée répondre à des objectifs agro-environnementaux et économiques, les attentes de l’État se sont ensuite resserrées sur la production d’énergie face aux enjeux climatiques, attentes couplées d’exigences de rentabilité. Les coûts d’investissement rendent difficile l’implication des mondes agricoles, mais facilitent l’intégration dans la filière des industriels de l’énergie. Les tensions se cristallisent ainsi à la fois sur la technique elle-même et ce qu’elle permet (injection ou cogénération) et sur le modèle économique et sociotechnique (production dans des unités agricoles ou dans de grandes unités industrielles centralisées).

31Ainsi, la mise en œuvre de projets d’énergies renouvelables, qui s’accompagne d’un discours de décentralisation de l’énergie et de meilleure maîtrise de sa consommation, se heurte aux réalités des territoires et à la structuration des réseaux.

2.2. Désalignements et contradictions internes

32Le désalignement de la promesse au moment de la territorialisation des projets « innovants » est d’autant plus visible que la modernisation écologique est marquée par de nombreuses contradictions internes, que ce soit après avoir intégré les critiques qui lui sont faites en termes environnementaux et démocratiques ou au stade même des propositions technologiques formulées.

33L’article de R. Carrausse sur l’agrivoltaïsme est emblématique des tentatives successives d’intégration de la critique. En réponse aux difficultés du développement du photovoltaïque au sol et face aux critiques de « l’énergisation du foncier agricole », l’agrivoltaïsme fait une nouvelle promesse de modernisation écologique : l’ombre projetée au sol par les panneaux photovoltaïques doit permettre une amélioration des conditions agronomiques et apporter un gain de production. La technologie s’est donc (re)développée sur cette promesse. La mise à l’épreuve territoriale révèle que, si la promesse est peut-être valable sur des parcelles expérimentales, les conditions de laboratoire si chères à la modernité ne sont pas réunies dans la réalité. Dès lors, il est nécessaire d’hybrider encore la proposition dans les discours comme dans sa matérialité, de l’adapter aux conditions du milieu et des productions agricoles, pour qu’elle puisse se mettre en œuvre.

34Dans d’autres cas, ce n’est pas à une hybridation des promesses que l’on assiste, mais à des écarts plus nets à la promesse lorsque les dispositifs ne paraissent pas en mesure de remplir les fonctions pour lesquels ils ont été développés.

35C’est le cas, en premier lieu, des technologies de captage et de stockage géologique de dioxyde de carbone (csc), étudiées par G. Marchand et S. Chailleux. La promesse faite de décarbonation s’inscrit pleinement dans la modernité écologique puisqu’elle ne nécessite pas de transformation de l’appareil productif et des comportements. Pourtant, son déploiement échoue parce que, finalement, personne ne semble y croire pour le moment. L’avis rendu par l’Ademe en juillet 2020 montre que la solution n’arrive pas à prouver son efficacité : si les acteurs industriels pétroliers et gaziers la considèrent comme un instrument central de la transition énergétique, elle paraît marginale au regard du changement climatique pour le gouvernement français, surtout à l’aune des investissements colossaux qu’il est nécessaire de faire pour en permettre le déploiement. Cette fragilité dans le manque de soutien politique est renforcée par une fragilité en termes de crédibilité scientifique, du fait d’un désalignement des acteurs de la coalition csc autour d’incertitudes sur la technique même.

36Le développement de la voile est dans le même registre : confrontée à la nécessité de se décarboner, la marine marchande promeut des solutions à voile, mais les solutions sont tellement peu stabilisées que le débat est, au final, très désincarné. Si la proposition du transport vélique est aujourd’hui réveillée par la crise environnementale, l’article de S. Roche sur le transport maritime à voile montre comment elle a été mise de côté et a déjà manqué de s’imposer dans le passé. Si le transport vélique fait l’objet de promesse avec diversité d’acteurs et de technologies possibles, celle-ci ne dépasse ainsi pas le stade de l’intégration dans les réseaux d’acteurs existants du transport maritime. Au-delà d’une rupture technologique radicale, le manque d’alignement de la diversité de mondes technologiques impliqués dans les transferts d’innovation (skippers, mais aussi acteurs de l’aéronautique, l’automobile, le numérique ou l’intelligence artificielle) souligne que le retour du transport vélique impliquerait des changements de pratiques sociales importantes, un ralentissement des déplacements impliquant une approche régionalisée des échanges, dynamiques incompatibles avec une modernisation écologique qui cherche à préserver le statu quo du système économique.

37L’article d’A. Duval examine quant à lui les enjeux territoriaux de gouvernance de la transition écologique de l’estuaire de la Loire, en prenant pour focale l’institution du Grand port maritime de Nantes Saint-Nazaire. Elle étudie ces enjeux de gouvernance dans deux domaines notamment : la prise de décision au sujet de la préservation des espaces naturels dont le port, en tant que propriétaire foncier, est garant, et le déploiement de l’éolien en mer auquel il contribue largement. Cet article montre la sous-représentation des collectivités locales et de leurs élus dans cette gouvernance, et ce à travers une série de « rendez-vous manqués » dans l’élaboration de plans d’aménagement.

38Ces articles nous montrent les successions de désalignements souvent importants, voire fondamentaux, parmi les acteurs incontournables des projets éco-modernistes portés au nom de la transition énergétique. En interne, les porteurs ou les soutiens ne sont pas d’accord sur le potentiel du projet, sur la manière dont il doit se déployer, voire sur son principe même. Ces désalignements ancrés dans des tensions internes ne relèvent pas d’oppositions radicales, mais elles induisent autant de compromis rognant sur la promesse, voire mettant à l’arrêt sa mise en œuvre.

2.3. Un rapport de force des acteurs existants

39Enfin, il nous apparaît que les promesses technoscientifiques ignorent dans leur récit les rapports de force et les inégalités des enjeux socio-techniques et territoriaux qu’elles proposent de transformer. Cette ignorance est un enjeu stratégique pour produire des compromis territoriaux, cependant elle contribue à reproduire très directement les rapports de force existants. Au-delà des arrangements discursifs qui prétendent montrer des évolutions, les désalignements et alignements remettent peu en cause, voire confortent des acteurs ayant bénéficié de la modernité précédente. La modernisation écologique du début du xxie siècle semble continuer dans le sillon des modernités précédentes malgré les objectifs forts de réduction des dégradations environnementales.

40Le csc est dans cette situation : une des principales critiques qui est émise contre cet assemblage technologique est que le secteur qui est seul capable de transporter et stocker le co2 est le secteur pétro-gazier, qui justement est celui qui a fourni à la modernité les énergies dont la combustion a généré le changement climatique.

41Mais c’est aussi le cas dans l’agro-industrie. P. Jutteau montre, au travers de la typologie des trajectoires de développement de la méthanisation dans les exploitations agricoles allemandes, qu’il y a une possibilité de se construire en alternative, voire en rupture, au modèle dominant. Mais le système correspondant à une intensification des systèmes de production agricole et d’énergie se développe majoritairement du fait qu’il bénéficie de politiques qui le soutiennent non pas tant parce qu’elles choisissent de le faire, mais parce qu’elles s’inscrivent dans une certaine inertie par rapport au système que la biométhanisation prétend quitter. A. Bouzin va dans le même sens dans le cas français : il montre que la méthanisation alternative reste minoritaire, et qu’elle est le plus souvent reprise par les autres unités de production – notamment du fait d’exigences en termes d’industrialisation et de rentabilité de la politique nationale.

42Cette continuité des acteurs de la modernisation écologique avec ceux des modernités précédentes est une manière d’expliquer les contestations qui sont analysées dans deux articles. L’article de B. Auvet, S. Chailleux et L. Desvallées examine les contestations face à trois projets promus en France au nom de la transition énergétique : le développement de l’éolien marin, un parc photovoltaïque en Gironde, et un projet de gazoduc dans la Crau. Les oppositions mobilisent des discours sur l’attachement aux paysages et aux pratiques locales, mais leur étude révèle aussi comment la mise en œuvre de la modernisation écologique se heurte à des héritages et d’un rapport déjà existant à la modernité en termes de modes de vie, qu’il est difficile de remettre en question. Le constat est fait à la fois d’un soutien au système énergétique existant, mais aussi de redéfinition des enjeux environnementaux qui sont considérés ou non légitimes lors de la territorialisation de la modernisation écologique. Finalement, les oppositions manifestent le fait que les populations riveraines ont l’impression de devoir accepter des pertes au détriment d’acteurs qui, eux, restent gagnants.

43L’article de L. Troïlo et X. Arnauld de Sartre montre enfin la construction de contre-discours face au paradoxe norvégien quant à la transition écologique. La Norvège a montré dans la communauté internationale son rôle pionnier pour exiger des améliorations environnementales. Toutefois, elle garde un rôle actif dans l’expansion de ses industries fossiles. Cela motive les opposants à dénoncer les discours de modernisation écologique tenus par l’État norvégien comme contradictoires avec le maintien d’une exploitation pétrolière qui devrait, selon eux, être terminée. L’article analyse ainsi, à l’aune de la campagne électorale de 2021, comment le mouvement social environnemental, avec l’émergence de nouveaux acteurs associatifs, s’organise pour rendre visible cette question et en faire un objet de débat national. Le résultat est décevant en ce qui concerne la perpétuation des politiques d’exploitations d’énergies fossiles, bien qu’on assiste à une démocratisation de ces débats nécessitant une explicitation des positions des partis politiques sur cette question.

Conclusion

44Les articles de ce numéro spécial éclairent la modernisation écologique à la lumière de sa cohérence avec la modernité passée. Elle permet d’interroger sa dimension écologique et son affichage de nouvelle modernité, mais surtout sa capacité à tenir les promesses technoscientifiques qui lui donnent corps pour atténuer le changement climatique.

45Au fond, les projets de modernisation écologique apparaissent surtout comme des projets d’approfondissement de la modernité : les promesses de rupture qu’ils contiennent ne se réalisent pas, mais elles permettent par contre de renforcer les rapports de force inégalitaires. Le paysage de la modernisation écologique est éclaté avec d’un côté, des acteurs dominants capables de construire de la continuité, de capter projets et financements, et de l’autre côté, des acteurs alternatifs qui n’y parviennent pas. Le cadrage technologique s’impose d’autant plus facilement qu’il fait écho à des croyances déjà largement ancrées chez les décideurs politiques, mais aussi dans de larges segments de la population, et qu’il ne modifie pas un ordre des choses déjà bien implanté. Dans ce paysage, les modernisations alternatives semblent rester marginales – tout au plus se juxtaposent-elles à l’existant.

46Les écarts à la promesse initiale, que l’on constate dans l’ensemble des articles, ne paraissent pas remettre en cause la possibilité de la modernisation écologique de se réaliser. Des compromis permettent à certains projets d’émerger. Les seules limites que l’on perçoit, et qui empêchent effectivement les projets de se développer, ce sont les contradictions internes et les désalignements profonds entre les acteurs incontournables des projets. La logique moderniste voudrait qu’une solution ne marchant pas, une autre prenne sa place. Mais l’histoire des technologies présentes dans ce numéro tend à montrer que cela conduit à reformuler la promesse sans questionner l’échec. Ce qui apparaît clairement en creux de tous les articles, ce sont les difficultés à adresser les choix technologiques qui orientent dès l’origine les dynamiques de modernisation…

47Au terme de ces réflexions, la crainte est que l’échec de projets de transition, même technologique, n’amène à considérer qu’aucune transition n’est possible, et que la seule solution est d’admettre que le réchauffement climatique annoncée est inéluctable ou d’attendre une révolution. La nécessité de construire un nouveau cadrage apparaît alors cruciale. Ces cadrages existent, et les grandes familles de scénarios évoquées au début de cet article y renvoient. Mais en l’état actuel, un numéro spécial sur les scénarios socio-écologiques, ou sur les scénarios politiques de transition, aurait peu de chances de faire apparaître d’autres conclusions que celles que nous adressons ici. Les tensions internes, les écarts à la promesse, y sont sans doute au moins aussi forts que dans la modernisation écologique. La différence fondamentale sera, si l’on reprend les grandes familles de critiques adressées à la modernisation écologique évoquées en début de cet article, que les critiques sur la cohérence interne du projet, ses fondements matériels et ses apports à la justice devraient être différentes. Mais en termes de voie à construire, de projets à mettre en place, beaucoup reste, là aussi, à faire.

Haut de page

Bibliographie

Ademe, 2021, Transition 2050 – Choisir maintenant, agir pour le climat, Ademe, Collection Horizon, Rapport, 687 p.

Aykut S., Castro-Larrañaga M., 2017, The end of fossil fuels? Understanding the partial climatisation of energy policy, in Foyer J. (Ed.), Globalising the Climate: co21 and the Climatisation of Global Debates, Routledge, London.

Aykut S., Dahan A., 2014, Gouverner le climat ? 20 ans de négociations internationales, Les Presses de Sciences Po, Paris.

Batel S., 2018, « A critical discussion of research on the social acceptance of renewable energy generation and associated infrastructures and an agenda for the future », Journal of Environmental Policy & Planning, vol. 20, n° 3, p. 356-369.

Charbonnier P., 2020, Abondance et liberté. Une histoire environnementale des idées politiques, La Découverte, Paris.

Conte B., Pottier A., 2023, « Understanding why degrowth is absent from mitigation scenarios », Revue de la régulation, n° 35, https://doi.org/10.4000/regulation.23034.

Dauda M., 2019, « Ecological Modernization Theory and Sustainable Development Dilemmas : Who benefits from technological innovation ? », The African Review, vol. 46, n° 1,p. 68-83.

Fressoz J.-B., 2024, Sans Transition. Une nouvelle histoire de l’énergie, Seuil, Paris.

Gallopin G. C., Hammond A., Raskin P., Swart R., 1997, Branch Points: Global Scenarios and Human Choice, Stockholm Environment Institute, 54 p., https://greattransition.org/archives/other/Branch%20Points.pdf.

Geels F. W., 2005, Technological Transitions and System Innovations, Edward Elgar, Cheltenham (uk) and Northampton (ma, usa).

Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, 2007, Climate change 2007, Cambridge university press, Cambridge.

Haas P. M., 1992, « Introduction: Epistemic Communities and International Policy Coordination », International Organization, vol. 46, n° 1, p. 1-35.

Hannigan J., 2006, Environmental Sociology: A Social Constructionist Perspective, Routledge, London/New York.

Jamison A., 2001, « Environmentalism in an Entrepreneurial Age: Reflections on the Greening of Industry Network », Journal of Environmental Policy and Planning, vol. 3, n° 1, p. 1-13.

Joly P.-B., 2013, « Chapitre 8. À propos de l’Économie des promesses techno-scientifiques, in La Recherche et l’Innovation en France, Odile Jacob, p. 231-255.

Latour B., 1994, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, L’Armillaire, La Découverte, Paris.

Meadows D. H., Randers J., 1972, The Limits to Growth: A Report to The Club of Rome, Universe Books. ed., New-York.

Millennium Ecosystem Assessment, 2005, Ecosystems and human well-being: scenarios, Island Press, Washington D.C.

Mol A. P. J., Jänicke M., 2009, « Fundations of ecological modernisation theory », in Mol A. P. J., Sonnenfeld D. A., Spaargaren G. (Eds.), The Ecological Modernisation Reader: Environmental Reform in Theory and Practice, Routledge, London/New York, p. 17–27.

Mol A. P. J., Sonnenfeld D. A., Spaargaren G., 2009, The ecological modernisation reader: environmental reform in theory and practice, Routledge, London/New York.

Pessis C., Topçu S., Bonneuil C., 2013, Une autre histoire des « Trente Glorieuses » : modernisation, contestations et pollutions dans la France d’après-guerre, Cahiers libres, La Découverte, Paris.

Rifkin J., 2011, La troisième révolution industrielle. Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde, Les liens qui libèrent, Paris.

Rockström J., Steffen W., Noone K., Persson Å., Chapin F. S., Lambin E. F., Lenton T. M., Scheffer M., Folke C., Schellnhuber H. J., Nykvist B., de Wit C. A., Hughes T., van der Leeuw S., Rodhe H., Sörlin S., Snyder P. K., Costanza R., Svedin U., Falkenmark M., Karlberg L., Corell R. W., Fabry V .J., Hansen J., Walker B., Liverman D., Richardson K., Crutzen P., Foley J. A., 2009, « A safe operating space for humanity », Nature, n° 461, p. 472–475.

Schmidt V., 2013, « Democracy and Legitimacy in the European Union Revisited: Input, Output and "Throughput" », Political Studies, vo. 61, n° 1, https://www.researchgate.net/profile/Vivien-Schmidt-2/publication/228687199_Democracy_and_Legitimacy_in_the_European_Union_Revisited_Input_Output_and_'Throughput'/links/5bb4cf8192851ca9ed37760c/Democracy-and-Legitimacy-in-the-European-Union-Revisited-Input-Output-and-Throughput.pdf?_tp=eyJjb250ZXh0Ijp7ImZpcnN0UGFnZSI6InB1YmxpY2F0aW9uIiwicGFnZSI6InB1YmxpY2F0aW9uIn19.

Snow D., Rochford B., Worden S., Benford R., 1986, « Frame alignment processes, micromobilization and movement participation », American Sociological Review, vol. 51, n° 4, p. 464-481.

Swyngedouw E., 2004, Social Power and the Urbanization of Water: Flows of Power, Oxford University Press.

Topçu S., 2013, « Technosciences, pouvoirs et résistances : une approche par la gouvernementalité », Revue d’histoire moderne & contemporaine, n° 60-4/4 bis, p. 76-96, https://doi.org/10.3917/rhmc.604.0076.

Weber M., 1971 (1916), Économie et société, Plon, Paris.

Haut de page

Notes

1 Le Global Scenario Group a été créé en 1995 par deux instituts, l’américain Tellus Institute et le Suédois Stockholm Environment Institute, pour élaborer des scénarios de développement mondial au xxie siècle, dans la suite de la Commission Brundtland.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Brice Auvet, Xavier Arnauld de Sartre, Lise Desvallées, Selin Le Visage et Sébastien Chailleux, « La modernisation écologique en action : les promesses à l’aune de leurs contradictions internes »Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 15, n°3 | Décembre 2024, mis en ligne le 20 décembre 2024, consulté le 13 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/25044 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13cqj

Haut de page

Auteurs

Brice Auvet

Brice Auvet est géographe au laboratoire TREE au sein du CNRS. Il travaille sur les débats autour de technologies portées au nom de la transition énergétique au sein de la chaire Reasons. Ancrés en Science and Technology Studies et en political ecology, ses travaux visent à mettre en lumière l’épistémologie civique de la modernisation climatique.
Laboratoire Transitions énergétiques et environnementales (UMR TREE 6031), université de Pau et des Pays de l’Adour/E2S UPPA, CNRS.
brice.auvet@univ-pau.fr
n° Orcid : 0000-0003-3521-6736

Articles du même auteur

Xavier Arnauld de Sartre

Xavier Arnauld de Sartre est directeur de recherche au CNRS, rattaché au Laboratoire TREE de l’UPPA et a reçu la médaille de de bronze du CNRS en 2008. Ses recherches portent sur la recomposition des spatialités face aux changements globaux et aux relations entre populations et projets de transition. Il a dirigé et codirigé plusieurs unités de recherche (UMR SET, Passages et TREE) et est aujourd’hui titulaire la chaire industrielle ANR.
xavier.arnauld@univ-pau.fr
n° Orcid : 0000-0002-2805-0064

Lise Desvallées

Lise Desvallées est géographe, rattachée au laboratoire TREE à l’université de Pau. Elle travaille sur les interactions entre inégalités sociales et consommation énergétique domestique dans un contexte de transition énergétique, avec une approche de political ecology. Depuis 2021, elle est titulaire d’une chaire junior E2S/UPPA portant sur les vulnérabilités énergétiques liées au transport et au logement, avec un cas d’étude dans le sud-ouest aquitain.
Laboratoire Transitions énergétiques et environnementales (UMR TREE 6031), université de Pau et des Pays de l’Adour/E2S UPPA, CNRS
lise.desvallees@univ-pau.fr
n° Orcid : 0000-0001-7756-1250

Articles du même auteur

Selin Le Visage

Selin Le Visage est maîtresse de conférences en géographie (Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, UMR LADYSS). Ses recherches sur l’eau et l’agriculture (Turquie, France) s’ancrent dans une géographie sociale et politique de l’environnement et dans la political ecology. Elles portent sur des projets d’aménagement dans les espaces ruraux : négociations et pratiques locales, appropriation individuelle ou collective des infrastructures, façonnage de règles ou arrangements discrets pour l’utilisation, la distribution et la gestion des ressources.
Laboratoire Dynamiques Sociales et Recomposition des Espaces (UMR LADYSS), université Paris 8 Vincennes Saint-Denis
selin.le-visage@univ-paris8.fr
idHAL : selin-le-visage
n° Orcid : 0000-0002-5765-9688

Sébastien Chailleux

Sébastien Chailleux est politiste, maître de conférences à Sciences Po Bordeaux et chercheur au Centre Émile Durkheim. Il travaille sur la transition énergétique et les industries du sous-sol en France, notamment les mines et le stockage géologique de carbone. Il est également directeur du master Gouvernance de la transition écologique et directeur scientifique de la chaire TRENT (Transitions énergétiques territoriales).
Centre Émile Durkheim, Sciences Po Bordeaux
s.chailleux@sciencespobordeaux.fr
n° Orcid : 0000-0003-4664-3741

Articles du même auteur

Haut de page

Éditeur scientifique

Rhoda Fofack-Garcia

Rhoda Fofack-Garcia est chercheure en sociologie à France Énergies Marines, l’institut de recherche dédiée aux énergies marines renouvelables. Ses recherches portent sur la transition énergétique par l’éolien en mer en France et en Europe, par le prisme des rapports environnement-techniques-sociétés pour analyser les perceptions des impacts des projets éoliens en mer sur les socio-écosystèmes, ainsi que les mécanismes d’action publique aux échelles d’implémentation de ces projets et de planification de l’espace maritime. Elle est également co-responsable de la rubriques « Points de vue » de la revue DDT.
France Énergies Marines
rhoda.fofack.garcia@france-energies-marines.org
n° Orcid : 0000-0002-2882-0399

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search