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Quand transition énergétique rime avec innovation technologique — Ouvrir la boîte noire de la modernisation écologique

Faire perdurer ou bifurquer : en quoi le transport maritime à voile redevient-il moderne ?

Protract or branch off: why is sailing transport becoming modern again?
Sylvain Roche

Résumés

Défini traditionnellement comme une industrie nivelée par le bas socialement et environnementalement, le transport maritime est aujourd’hui contraint à faire sa mue. Du fait de l’adoption de normes d’émissions de plus en plus contraignantes, des changements radicaux dans les technologies des moteurs et des carburants sont indispensables. Parmi le panel des solutions proposées figure l’exploitation du potentiel énergétique du vent pour propulser les navires. S’appuyant sur une démarche de forecasting transdisciplinaire, à la croisée des sciences sociales et des sciences de l’ingénieur, cet article exploratoire vise à mieux comprendre le phénomène actuel de (re)modernisation écologique du transport vélique, à travers ses aspects historiques et matériels, jusqu’à ses dimensions sociétales et symboliques.

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Texte intégral

L’auteur remercie Yves Parlier (ceo de Beyond The Sea), Guillaume Le Grand (ceo de Towt), Jean Zanuttini (ceo de Neoline), Nicolas Abiven (responsable du projet Solid Sail aux Chantiers de l’Atlantique), Marie Peigné-Michel (responsable de communication à Airseas), Stefan Gallard (directeur marketing à Grain de Sail), Fabrice Jolivet (ceo de Maloric), François Frey (président du programme Esprit de Velox), Guillaume Roche (cofondateur de la Blue Schooner Company), Éric Defert (cofondateur de Blue Observer), Philippe Cauneau (ingénieur Transport à l’Ademe), Louise Chopinet (directrice générale de WindCoop), Anne Le Page (directrice de la Touline), Lise Detrimont (déléguée générale de l’association WindShip) et Pierre Karleskind (député au Parlement européen) pour leur temps et la qualité des entretiens accordés.

  • 1 L'Organisation maritime internationale (omi) vise à réduire de 50 % les émissions de co2 du transp (...)
  • 2 Le sociologue Michel Grossetti envisage les bifurcations comme des changements structurels, durabl (...)
  • 3 La théorie schumpétérienne considère que les crises économiques entraînent des « tempêtes de destr (...)
  • 4 Nous appelons « crise des 3e » la crise systémique qui couple les enjeux économiques, énergétiques (...)
  • 5 « La Gazette de sociétés et des techniques », « Innovation right-tech : vers la fin du « tout-tech (...)

1La mobilité s’est déployée grâce à l’exploitation des énergies fossiles et plus particulièrement du pétrole. Elle est associée depuis la machine à vapeur de James Watt à la modernité technologique au point d’en être le principal symbole (Guigueno et Flonneau, 2009). Les modes de transport se distinguent en fonction de leurs performances différenciées. Si les critères classiques restent la vitesse, la capacité, la fréquence, le coût énergétique et le niveau d’investissement, d’autres critères sont apparus ces dernières décennies du fait des nouveaux impératifs écologiques (pollution, empreinte carbone, etc.). Le secteur des transports figure dans son ensemble comme l’un des principaux secteurs imputés dans le changement climatique et constitue à ce titre un levier majeur pour changer la donne en matière d’incidence climatique (Coldefy, 2022 ; Libourel et al., 2022). Si les transports routier et aérien s’inscrit dans le domaine du visible (déplacement quotidien et démocratisation du low-cost aérien), le transport maritime reste quant à lui éloigné du regard de ceux qui ne vivent pas au plus près des ports. Un paradoxe pour un secteur qui représente 80 % en valeur des échanges mondiaux de marchandises (près de 54 000 navires de commerce participent au jeu de la mondialisation) et qui sera responsable, selon les projections, de 17 % des émissions mondiales de co2 en 2050 (contre 3 % aujourd’hui) en l’absence de cadre réglementaire contraignant1. Sans action concertée, les émissions du transport maritime pourraient augmenter de 50 à 250 % d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 2008. Tout comme le secteur de l’automobile ou de l’aérien, de multiples innovations sont aujourd’hui envisagées, annoncées ou déjà mises en œuvre dans le transport maritime, pour répondre à ce qui apparaît comme l’une des plus grandes bifurcations2 de son histoire (Anderson et Bows, 2012 ; Monios et Wilmsmeier, 2020). Pour autant, le défi de la décarbonation du transport maritime ne peut se limiter à une approche purement techno-centrée. Le transport maritime étant la projection de la mondialisation et de notre modèle de consommation, il relève avant tout d’une problématique sociotechnique, adressant un défi en termes de politiques publiques, d’investissements économiques et de pratiques sociales. De nombreuses publications récentes en histoire de l’énergie (Malm, 2017 ; Mathis et Massard-Guilbaud, 2019 ; Jarrige et Vrignon, 2020 ; Marrec, 2022 ; Fressoz, 2024) soulignent que les phases de mutation liées à l’émergence de nouvelles énergies se heurtent généralement à des impasses et à de nombreux verrous aux origines diverses. Le potentiel de nouvellement des techniques et des connaissances qui lui sont associées s’accompagne de nouvelles attentes sociales. Avec la résurgence de la propulsion vélique, ce n’est pas seulement notre lecture linéaire classique du processus d’innovation qui est questionnée à l’heure du changement climatique (Edgerton, 2006 ; Shove, 2012), mais aussi notre rapport au progrès technique et à notre imaginaire dans un monde désormais écologiquement contraint (Bihouix, 2019). S’inscrivant dans leurs travaux précurseurs sur « l’innovation par retrait » (2012), Frédéric Goulet et Dominique Vinck nous invitent dans un ouvrage récent (2022) à moderniser « les nouveaux horizons de l’innovation » sous le prisme du faire sans et du faire avec moins. Les promoteurs du transport vélique chercheraient donc à (re)moderniser une filière technologique « endormie » dans ce qui apparaît comme un nouveau cycle favorable (hype cycle). Les périodes de crise étant propices aux réflexions sur les secteurs porteurs pour l’économie3, comment repenser le rôle du transport maritime à l’heure de la crise systémique des 3E4? Comment définir une « technologie juste » (right-tech)5 dans le secteur du transport de marchandises répondant aux impératifs de sobriété, de résilience et de souveraineté énergétique ?

1. La « mise en sommeil » du transport maritime à la voile

2Le remplacement du cargo à voile par le moteur thermique ne s’est pas opéré avec l’évidence et la rapidité qu’on lui prête. Le recours à un mix énergétique associant le vent et la vapeur s’inscrit dans des trajectoires historiques territorialisées plus complexes (Vidal et Balasubramanian, 2017). Il n’y a pas eu de basculement rapide ni de révolution technique brutale (Masson, 1982).

1.1. La voile, un objet technique des « vrais marins »

3Jusqu’au milieu du xixe siècle, les « marmites flottantes » attirent la méfiance du public et le dédain des « vrais marins » de la voile. Si les premières compagnies de steamers utilisant le charbon ont vu le jour dès les années 1830, la marine à voile a gardé longtemps sa prédominance en raison des contraintes logistiques qu’imposait le transport d’importantes quantités de charbon. Le moteur à voile est resté plus rapide, plus performant et plus rentable, jusqu’à la fin du xixe siècle sans grandes difficultés. En 1846, le député Alphonse de Lamartine déclare : « Comme si le feu n’était pas mille fois plus cher que le vent, que Dieu donne gratis, gratis à toutes les voiles et à tous les mats. »

4Les voiliers atteignent l’apogée de leur technicité à partir de 1880, notamment grâce aux nouvelles techniques métallurgiques (le procédé Bessemer est breveté en 1855, rendant la fabrication de l’acier peu coûteuse). Ces « machines romantiques » ont su faire preuve d’innovation (Lenhof, 2007) pour répondre aux exigences portées par la démocratisation du moteur thermique, à l’image du mythique voilier France II lancé en 1911 (Bernadat, 2019). Un mouvement de rééquipement de la flotte marchande française de voiliers de charge s’opère même entre 1890 et 1900. Pour les pondéreux de faible valorisation, plus la destination était lointaine, plus les grands voiliers restaient compétitifs. La part du trafic à vapeur dans le commerce maritime mondial est donc loin d’avoir supplanté celle du trafic à la voile à la fin du xixsiècle (Ducruet et Marnot, 2016).

1.2. La puissance de la « machine à vapeur » marinisée

5Néanmoins, en devenant un objet technique total à l’origine de nombreux « macro-systèmes techniques » (Gras, 1997), la machine à vapeur a transplanté ses référentiels de puissance et d’émancipation à d’autres secteurs. Le modèle carbono-centré du chemin de fer se duplique dans le transport maritime, le charbon devenant la « véritable pierre philosophale » de la modernité à la fin des années 1860 (Jarrige et Vrignon, 2020). En colonisant les imaginaires populaires, avec son univers visuel et sonore, le train à vapeur devient le modèle à suivre, « le symbole des progrès à attendre de la technique » (Jarrige, 2016). Dans cette « révolution des transports », l’arrivée de la vapeur redessine les routes commerciales, les aménagements portuaires, avec la domination des steamers (Marnot, 2012). De Turner à Manet, le bateau à vapeur est rendu sublime dans les arts picturaux tout comme dans la littérature d’anticipation. Aller toujours plus loin, plus vite, et surtout moins cher (Blancheton, 2008). La puissance de la vapeur disponible au Royaume-Uni et aux États-Unis fait plus que quintupler entre 1850 et 1875 (Hobsbawm, 2010). À la veille de la Première Guerre mondiale, le paquebot transatlantique le plus rapide du monde, le rms Mauretania, dépasse les 25 nœuds. Du milieu du xixe siècle à 1914, le tonnage des bateaux à vapeur est multiplié par 22 (Venayre, 2016). Dans une vision saint-simonienne, le bateau thermique est considéré comme porteur de valeurs d’affranchissement transcontinental des « temporalités naturelles » (Malm, 2017) du bon vouloir de dame nature. Le naufrage du 7 mats Thomas W. Lawson en 1907 causa l’une des premières marées noires de l’histoire, et marqua profondément l’époque (Hall, 2006). La non-sécurisation de ces « cargos à voile du passé » devient alors un puissant argument pour les décrédibiliser aux yeux du public. Parallèlement, la démocratisation des techniques modernes de mesure du temps (horloges et montres) façonne et artificialise l’organisation des activités humaines (Landes, 2000). Pour l’historien américain Lewis Mumford (1934), l’horloge devient « une pièce de machinerie dont le “produit” est les secondes et les minutes ». Dès lors, l’avantage de la régularité et la ponctualité des cargos à vapeur l’emporte sur les désagréments de leurs fumées salissantes.

1.3. Pétrolisation et massification au cœur de la « Grande accélération »

  • 6 Équivalent 20 pieds.
  • 7 Notons ici que des navires à turbovoiles ont été construits dès les années 1920 en Europe par l’ar (...)
  • 8 Le prix du baril de pétrole atteint un minimum de 10 dollars en 1986.

6À l’aube de la Première Guerre mondiale, les moteurs Diesel prennent le pas sur les machines à vapeur. Les navires sont à présent plus rapides, plus maniables, et nécessitent beaucoup moins d’hommes. Cette transition s’opère parallèlement au triomphe de l’impérialisme (Roberts et Westad, 2018), à la rivalité entre grandes puissances coloniales et à la course aux armements (la vapeur s’est définitivement imposée dans les escadres des marines militaires). Dans cet avènement du « capital fossile » (Malm, 2017), la voile connaît un discrédit pour le transport de marchandises la rendant invisible. La « grande accélération » (McNeill et Engelke, 2016) de la seconde moitié du xxe siècle, alliance entre le tout-pétrole pas cher (Auzanneau, 2015) et la super-conteneurisation (Levinson, 2011) est marquée par l’explosion d’un capitalisme mondialisé et dérégulé (Bonneuil, 2017), entraînant une exponentielle production de masse. Dans cet « âge d’or du capitalisme », le transport maritime devient un instrument d’une mégamachine globale, forme d’organisation techno-politique caractérisée par une expansion constante et illimitée de la production et du remplacement. Pour le géographe Paul Tourret (2022 : 26), le conteneur devient « l’outil de la société de consommation mondialisée où les objets sont produits dans des zones à faible coût de fabrication et initialement achetés surtout par des consommateurs occidentaux ». En 1966, la flotte constituée de tankers représente déjà 40 % du tonnage mondial (Juhel, 2011). La fermeture du canal de Suez accélère la course au gigantisme. La capacité de transport des super-conteneurs est multipliée par plus de 20 en 40 ans, de 1 000 evp6 à la fin des années 1960 à plus de 20 000 aujourd’hui (Frémont, 2019). Cette logique tendancielle à la massification entraîne une baisse continue du prix du transport, ce dernier pesant souvent moins de 1,5 à 2 % du prix de revient des marchandises (Monot et Paris, 2018). Parallèlement, l’océan est pleinement mis à contribution pour transporter le pétrole et le gaz naturel entre pays producteurs et pays consommateurs. Le gaz naturel traverse pour la première fois l’Atlantique de la Louisiane à Londres en 1957. Le transport du pétrole et de ses dérivés correspond aujourd’hui à 30 % du total du transport maritime (unctad, 2018). Les années 1970 sont néanmoins aussi marquées par des tentatives de relance de la propulsion vélique. La crise de l’énergie, qui aboutit au quadruplement des prix du pétrole, fait soudain prendre conscience de la nécessité de développer des modes de transport plus économes. En 1980, le commandant Cousteau et son équipe construisent l’Alcyone, navire prototype équipé de deux turbovoiles métalliques creuses en rotation inspirées de l’effet physique Magnus7. Au même moment, les armateurs japonais conçoivent de nouveaux navires marchands assistés par voile et rénovent des anciens. Marginalisées, ces expériences ne résistent pas au contre-choc pétrolier de 1986 et ne se diffusent pas8.

2. Le transport vélique réveillé par la crise écologique

7La chronologie contemporaine de l’innovation est bouleversée par la crise environnementale. La consolidation d’un « paradigme vert » permet l’intensification de l’innovation dans le secteur des greentech, tout en encourageant la redécouverte de solutions oubliées mises en sommeil par le contre-choc pétrolier des années 1980 (Carles et al., 2018). Les filières énergétiques traditionnelles sont remises en question, d’autres trajectoires (souvent anciennes) sont réactivées. Ce nouveau contexte socio-économique permet au transport vélique de se réinventer, le moteur à combustion classique étant condamné à moyen et long terme par les engagements climatiques internationaux.

2.1. Une « rétro-tech » à redécouvrir

  • 9 Le magazine britannique The Observer organise en 1960 ce qui est considérée comme la première cour (...)
  • 10 Le prix actuel du carburant pêche tient compte d’une remise prise en charge par l’État.
  • 11 La start-up girondine Maloric travaille aujourd’hui sur l’élaboration d’une voile de kitesurf pouv (...)

8Le pétrole pas cher a entraîné une scission entre les bateaux de commerce – où la voile s’est éteinte – et le sport de loisir et la course au large9 – où elle s’est améliorée par des innovations successives. « Survivance technique », la voile a perduré dans la niche du nautisme, du patrimoine culturel et du prestige mémoriel. Définissant la propulsion vélique comme une « rétro-tech », elle s’inscrit dans une double démarche : une démarche d’optimisation du patrimoine technologique existant (rétrofit) et une démarche de transplantation technologique (cross-sector opportunitities) entre des secteurs industriels. L’innovation cherche ainsi à corriger les verrous et handicaps antérieurs de la marine marchande à la voile, tout en répondant aux impératifs du moment. On rejoint ici la thèse de l’historien des techniques David Edgerton (2006) pour qui les innovations les plus radicales ne sont pas nécessairement les plus récentes ou les plus hight-tech, mais celles qui ont la capacité de se réinventer, de se réinterpréter, en fonction des contextes temporels et des particularismes territoriaux. La voile offre en effet des avantages qui répondent aux défis actuels : l’énergie est abondante, décarbonée, et convient parfaitement pour le transport de marchandises lourdes sur des secteurs aux vents dominants établis. La révolution des outils numériques météorologiques (routage météorologique statistique et télédétection) permet de suivre les meilleures trajectoires possibles et de prendre les meilleures décisions de navigation. Aujourd’hui soumis à la contrainte environnementale et aux nouvelles exigences citoyennes (Breton, 2020), le secteur de la croisière cherche lui aussi à profiter des atouts du moteur à vent pour se présenter comme plus vertueux. Rappelons ici que les navires représentent 60 % des émissions des ports, suivis par le transport terrestre (30 %) et le terminal (10 %). Fortement affecté par la fluctuation des prix du carburant (le prix du carburant pêche est passé de 0,497 € à 0,822 € en France métropolitaine entre mars 2021 et décembre 2022) et marqué par une flotte vieillissante (un bateau qui est vieux consomme plus et nécessite plus d’entretien)10, le secteur de la pêche artisanale voit aussi dans le transport vélique un moyen d’amortir les dépenses d’activités et d’améliorer sa rentabilité11.

Figure 1. Maquette du Silenseas

Figure 1. Maquette du Silenseas

Paquebot à voiles de 200 m de long équipé de 3 Solid Sail de 1 200 m2 chacune, actuellement en développement aux Chantiers de l’Atlantique. Ce concept de navire hybride propulsé à voiles intégrera également des moteurs à bicarburation pour permettre au navire de respecter son planning de croisière. Une réduction théorique de 50 % des émissions de gaz à effet de serre est attendue.

Crédit photo : Sylvain Roche

2.2. Une filière entre plusieurs mondes technologiques

  • 12 Ces start-up peuvent aussi être soutenues par de grands groupes industriels.
  • 13 La plupart des bateaux sont aujourd’hui fabriqués en composite issu d’une pétrochimie énergivore. (...)

9L’écosystème français du transport vélique est porté par des professionnels engagés, que ce soient des figures emblématiques de la course à la voile (Yves Parlier, Jean Le Cam, Michel Desjoyaux, François Gabart, etc.) ou de petits armateurs et start-up innovantes qui peuvent prendre des risques12. On distingue aujourd’hui cinq principales familles de technologies (Windship, 2022). Les technologies sont différentes car les usages qu’elles ciblent sont multiples. La résurgence de la propulsion vélique ne repose pas sur des critères de standardisation (à l’image du cargo à moteur thermique classique), mais sur une diversité technologique marquée par l’hétérogénéité des besoins et des acteurs promotionnels (microcosme où cohabitent des marins, des skippers, des ingénieurs issus de l’aéronautique, de l’aérospatiale, de l’automobile, etc.). Le transport est en effet marqué depuis le début du siècle dernier par des transferts technologiques entre le maritime et l’aéronautique (transport par voile et par avion exploitent le même phénomène physique, l’action d’un fluide sur une surface) (Weckerle, 2020). Ceci est particulièrement vrai dans le secteur de la plaisance et des sports nautiques (Brisson et Battrick, 2003). La dimension symbolique des matériaux carbone issus de l’industrie aéronautique joue un rôle notable dans la requalification du transport vélique. Pour réhabiliter une technologie du passé, on l’assoit dans des innovations qui matérialisent le futur. Prenant au mot la célèbre citation de Léonard De Vinci « La simplicité est la sophistication suprême », les projets véliques veulent tout d’abord répondre au concept kiss (Keep it simple, stupid) en s’appuyant sur des technologies matures et éprouvées issues du secteur aéronautique et des sports nautiques. Quant aux innovations et procédés les plus hight-tech, ils répondent en plus au concept idiot-proof, l’objectif étant qu’ils soient rendus facilement accessibles à tous les utilisateurs. Selon les concepteurs, il suffirait en effet d’appuyer sur un simple interrupteur pour lancer ou replier une aile automatisée. On comprend dès lors l’importance des apports du numérique et de l’intelligence artificielle dans cette modernisation de la propulsion vélique. Enfin, en s’inscrivant dans une démarche d’économie circulaire, les ingénieurs cherchent à s’appuyer sur de nouveaux matériaux biosourcés afin d’améliorer le cycle de vie des navires, leur réparabilité et leur bilan carbone (écoconception)13.

Figure 2. À La Teste-de-Buch en Gironde

Figure 2. À La Teste-de-Buch en Gironde

Le système de traction par kyte développé par le navigateur Yves Parlier et son équipe pourra bientôt équiper les porte-conteneurs. Une économie de carburant de l’ordre de 20 % pour la marine marchande est avancée.

Crédit photo : Beyond the Sea

2.3. Quelles énergies pour le transport maritime du futur ?

  • 14 Selon Carbone 4, « l’empreinte carbone du gnl est 2,5 fois plus élevée que celle du gaz acheminé p (...)

10Quel est le meilleur choix, en termes d’efficacité, de maturité, de rendement, de rentabilité économique et de critères écologiques, pour le futur du transport maritime ? Quelle(s) technologie(s) se présente(nt) dès maintenant comme énergie anti-crise(s) ? Les technologies énergétiques étant insérées dans des situations de compétition s’observant généralement en début de cycle de vie d’une industrie ou dans des phases de transition (Clastres, 2014), une cartographie synthétique des différentes solutions proposées semble bienvenue. Il n’existe pas aujourd’hui de technologies capables de répondre à l’ensemble de ces critères, toutes les solutions étant limitées par d’importantes contraintes physiques, écologiques ou géopolitiques. Répondre à l’enjeu de la décarbonation du maritime, c’est s’inscrire dans une double chronologie. Tout d’ une chronologie à très court terme (2023-2030/35), qui verrait la démocratisation du gaz naturel liquéfié (gnl) d’origine fossile et des biocarburants (les importations de gnl en Europe ont augmenté de 60 % en 2022 par rapport à 2021). Sauf rupture technologique, du fait de leurs importantes contraintes environnementales (l’effet des fuites a une incidence importante sur l’empreinte écologique du gnl14) et géostratégiques, des conflits d’usage dans leur production (les biocarburants de première génération présentent des risques de conflit sur l’usage des sols avec l’alimentation), ces énergies ne peuvent être considérées que comme des énergies temporaires de transition « faute d’avoir mieux à ce stade », sous peine qu’elles nous mettent dans une nouvelle forme de « dépendance au sentier » (path dependency) d’ici 10 à 15 ans, en nous verrouillant pour des décennies dans ces choix techniques (technological lock-in). Puis une chronologie du moyen et long terme (2030/35-2050) qui verrait le déploiement à grande échelle de nouveaux carburants de synthèse, à l’image des bioénergies de deuxième génération, et de l’hydrogène et de ses dérivés (électro-carburants). L’hydrogène est un vecteur énergétique émergeant auquel toutes les formes de mobilité tentent aujourd’hui de s’adapter. Bien que prometteurs pour décarboner l’industrie et les transports lourds (Bouacida et Berghmans, 2022), les cargos à hydrogène auront néanmoins un véritable sens, à condition que soient résolus d’importants blocages techno-économiques (nécessitant des procédés de fabrication optimisés et des réductions radicales de coûts), de conditionnement (le risque de boil-off pour l’hydrogène liquéfié) et que l’hydrogène soit produit par hydrolyse à partir de sources d’électricité renouvelable ou nucléaire (hydrogène vert). Or, à ce jour, l’hydrogène est issu à 95 % de la transformation d’énergies fossiles, ce qui en fait l’un des vecteurs énergétiques à l’empreinte carbone la plus élevée. L’avenir des cargos à hydrogène liquide dépend donc de notre capacité, d’une part à développer rapidement et dans une démarche territorialisée les énergies renouvelables aujourd’hui devenues compétitives face aux énergies fossiles, et d’autre part, à amorcer dès maintenant le déploiement des infrastructures portuaires de conservation, de transport et de distribution (Matthé et al., 2022).

Figure 3. Le cargo à voile imaginé par l’entreprise nantaise Neoline

Figure 3. Le cargo à voile imaginé par l’entreprise nantaise Neoline

Un navire de marchandises à mats rabattables de 136 m de long, pouvant transporter jusqu’à 5 000 tonnes et permettant d’économiser entre 80 % et 90 % de la consommation de fuel. Une quinzaine de clients ont déjà signé avec Neoline pour emprunter une ligne qui reliera Saint-Nazaire à Baltimore (États-Unis), en passant par Saint-Pierre-et-Miquelon et Halifax (Canada) à partir de l’été 2025.

Crédit photo : Neoline

3. Un changement de pratiques sociales

11Il n’existe donc pas à ce jour de source d’énergie présentant la même densité énergétique volumique que le pétrole (le nucléaire mis à part). Faute de rupture technologique radicale à prévoir dans les prochaines années, la transition énergétique du transport maritime ne peut s’appuyer sur des discours techno-solutionnistes et leurs promesses théoriques (Joly, 2013). Pour ne pas se limiter à un simple artefact technique, la modernisation écologique de cette « rétro-tech » doit aussi se penser comme une « territoire-tech » (une technologie offrant une plus-value aux territoires) et une « demos-tech » (une technologie appropriée s’inscrivant dans une démarche collaborative).

3.1. Le choix d’un nouveau régime de vitesse

  • 15 D'après l'ocde, diviser par deux la vitesse des bateaux permettrait par ailleurs de consommer quat (...)
  • 16 Notons néanmoins que ces navires à voile comporteront un moteur diesel nécessaire pour des questio (...)
  • 17 Long de 80 mètres, le futur voilier-cargo de l’entreprise towt aura à titre d’exemple une capacité (...)
  • 18 Cette mutualisation inter-technologique est évoquée lors des réunions des industriels et des équip (...)

12Ces nouveaux navires à voiles intégrales jouent d’abord sur la sobriété énergétique. Si la vitesse a structuré plus de deux siècles d’histoire des sciences et techniques (Studeny, 1995) en devenant « un critère d’évaluation des décideurs et un objectif des concepteurs » (Passalacqua, 2012) dans un monde de plus en plus mondialisé, l’argument de la vitesse comme critère d’efficacité du transport maritime marchand est aujourd’hui remis en question par l’argument environnemental et économique du slow steaming (Cariou et al., 2019). En citant Tom Dubois et al. (2021 : 14), « La révolution de la vitesse est donc, au départ, le fruit de l’augmentation phénoménale de la vitesse de déplacement grâce à l’énergie fossile et à l’invention des véhicules qu’elle propulse, et dans les dernières décennies, celui de la baisse relative du prix de l’énergie ». Or, de nombreuses publications récentes montrent qu’un changement rapide de paradigme dans notre rapport culturel et matériel à la mobilité et à la vitesse est nécessaire (la vitesse du navire est celle choisie par les clients, et donc par les consommateurs) pour atteindre l’objectif international de neutralité carbone à l’horizon 2050 (Auverlot et al., 2022). Les gains de vitesse associés à l’idée de progrès sont questionnés (Crozet, 2018). Dans une économie où l’hypervitesse reste la norme dominante, cette décélération15 se présente comme une modernisation contracyclique face aux dérives managériales et environnementales des gafa (essor de l’e-commerce et des projets Hyperloop/SpaceX) aujourd’hui de plus en plus critiquées (Sadin, 2016 ; Montulet et Mincke, 2019). Mobilité douce, la voile permet de diminuer l’impact en termes de bruit sous-marin qui est préjudiciable pour bon nombre d’animaux, proposant ainsi un nouveau rapport au vivant et à la biodiversité. Une vitesse diminuée à 75 % de la vitesse de conception réduirait de 40 % la pollution sonore sous-marine (Nelissen, 2022). La modernisation de la propulsion vélique s’inscrit dans une double dynamique combinatoire et dans une double chronologie : une dynamique de valorisation de l’existant (par des kites ou ailes motrices comme système de moteur auxiliaire) pour alléger la facture et répondre immédiatement à l’urgence climatique. Ce processus de rétrofitage semble le plus simple à appliquer car il s’agit « d’empiler » une innovation incrémentale sur un macro-système technique hégémonique (celui du transport fossile). Puis, en parallèle, dans une approche plus radicale, une dynamique de construction de nouveaux cargos à voile (à partir de 2023-2024) s’appuyant majoritairement sur la force du vent16. De taille intermédiaire (de 80 à 200 m environ17), ces cargos à voile (qui eux-mêmes pourront être optimisés par des kites18) permettront d’ouvrir de nouvelles lignes secondaires, de couvrir certains axes de trafics en dehors des grandes routes internationales, jusqu’ici mal desservis par les grands porte-conteneurs privilégiant quelques ports centralisés et hubs de transbordement.

3.2. S’inscrire dans une nouvelle approche régionalisée des échanges

  • 19 Pour Libourel et al. (2022), ce processus de remobilisation de l’échelle macro-régionale doit nota (...)
  • 20 La « logistique urbaine » peut se définir comme « toute prestation de service contribuant à gérer (...)
  • 21 D’après l’Ademe, le transport fluvial émettrait deux à quatre fois moins de co2 que le transport r (...)

13Au moment où « l’échelle macro-régionale est de plus en plus remobilisée » (Libourel et al., 2022 : 89) en proposant une approche différenciée du transport maritime19, les cargos à voile projettent de redonner de l’attractivité à des territoires jusqu’ici délaissés par le shipping traditionnel. Complémentaire du transport interocéanique, s’exerçant le long des côtes d’un continent ou entre îles, le transport maritime de courte distance (short sea shipping) semble une opportunité pour relier et (re)dynamiser des territoires situés en dehors des échanges de ces grands hubs internationaux (Serry et Lévêque, 2016 ; Dumano et al., 2020). Dans ces « vrais voiliers du futur », la force du vent (le moteur) est la propulsion principale et les énergies complémentaires (y compris fossiles) sont là pour satisfaire les besoins énergétiques de la vie à bord, hors traction. Dans cette recherche d’une « économie de la proximité » et de la valorisation des circuits courts, l’Association nantaise d’écoconception fluviomaritime (Anef), cherche à revaloriser le cabotage, moyen de transport régionalisé qui a longtemps permis à de nombreux secteurs économiques de prospérer, mais qui a disparu dans les années 1980, supplanté par le transport routier. En citant Jean-Claude Raspiengeas (2022 : 13), « comme pour les trains avec les petites lignes désaffectées, qui pourtant ramifiaient le pays, le transport fluvial a subi l’équivalent du tout-tgv. Priorité aux grands gabarits, et tant pis pour les petits ». Avec l’extension des zones à faible émission (zfe), interdisant de plus en plus l’accès des poids lourds aux centres urbains, une fenêtre d’opportunité peut s’ouvrir pour le transport à voile. Dans cette nouvelle « logistique urbaine20 », un des enjeux est donc d’allonger autant que possible le segment fluvio-maritime dans le transport, passer autant que possible du transport routier au transport fluvial, le bateau restant l’un des moyens de transport les moins polluants21. Cela passe par un ré-éclatement du transport dans des navires plus petits permettant d’irriguer un territoire de manière beaucoup plus variée. Comme le souligne une note du Commissariat général au développement durable, « plus la distance parcourue est importante plus le coût marginal unitaire est faible car la pollution est maximale à proximité des côtes ». Dans cette logique, les cargos à voile de taille moyenne se veulent être des technologies bas carbone appropriées adaptées aux caractéristiques géographiques et aux besoins économiques des territoires (appropriate technology). Pour l’Anef, cette résurgence doit passer notamment par la mise en place d’un réseau coopératif gérant le cabotage côtier à la voile le long de l’Arc Atlantique (l’association œuvre pour l’ouverture d’une ligne avec escales entre Brest et Bayonne). Adopté en septembre 2021 par le Parlement européen, le rapport « Vers un transport par voies navigables intérieures pérenne en Europe », fixe un cap en faveur de la navigation intérieure dans la politique européenne des transports, en recommandant des mesures efficaces pour soutenir la multimodalité sur le continent.

3.3. Une réappropriation sociale du transport maritime

  • 22 Ces critiques se portent essentiellement sur la course au large. Voir à ce titre « Ce sport ne res (...)
  • 23 Le réseau Sortir du nucléaire parle de « réhumanisation du secteur des transports maritimes » pour (...)

14Bien que critiqué aujourd’hui par la jeune génération pour ses dérives écologiques22, le monde de la voile reste porteur de valeurs éthiques pour réimaginer l’entreprise et le commerce du xxie siècle, telles que le respect, la responsabilité, le défi technique et humain, le travail en équipe et la cohésion de groupe23. Le philosophe Ivan Illich parlait en 1973 d’« outil convivial » pour définir une technique permettant une vie sociale autonome et économe en ressource basée sur l’autonomie, la pluralité, la sobriété et le bien-être. En ne souhaitant pas limiter l’enjeu écologique à la question de la neutralité carbone, en se revendiquant des valeurs du champ de l’économie sociale et solidaire (Le Labo de l’ess, 2021), en faisant preuve d’innovations financières et d’intelligence collaborative (financement participatif, valorisation de l’investissement à impact social), en prônant une relocalisation des échanges au plus près des consommateurs tout en leur offrant la possibilité de suivre le chemin des produits achetés grâce à des labels écoresponsables (consom’action), certains projets promeuvent une réappropriation collective du commerce maritime par des logiques d’appropriation des choix techniques « par en bas ».

Figure 4.Montée en coopérative d’intérêt collectif (Scic)

Figure 4.Montée en coopérative d’intérêt collectif (Scic)

En mai 2022, la jeune compagnie bretonne Windcoop compte désormais 900 sociétaires. Une levée de fonds a été lancée sur la plateforme de financement participatif Lita.co avec un objectif de 6 millions d’euros à réunir en parts sociales, à partir de 100 euros par entreprise ou personne physique. Elle vise une première ligne Marseille-Madagascar en 2025, via le canal de Suez. Le cargo à voile de Windcoop transportera une centaine de conteneurs à la vitesse de 8 nœuds. La voile produira 60 % de la propulsion du navire.

Crédit photo : Windcoop

  • 24 Voir à ce titre le Complément d'enquête « Cargos : business en eaux troubles » diffusé sur France  (...)

15L’innovation étant plus que jamais une affaire de société dans l’anthropocène, les cargos à voile se veulent ainsi une réponse technologique adaptée à ce projet politico-économique de démondialisation (« heureuse » ou subie), pensée et ordonnée par une nouvelle organisation territorialisée du commerce et des relations financières internationales (Vuillemey, 2022). En dessinant trois scénarios prospectifs pour le transport maritime et les ports à l’horizon 2040, Antoine Frémont (2021) soulignait que le transport maritime agissait « comme le révélateur d’un système mondialisé sous tension », système qui désormais « comporterait plus de risques que de bénéfices ». La rupture se voudrait donc totale avec le paradigme maritimo-énergétique encore dominant aujourd’hui, fondé sur l’hégémonie de quelques gigantesques entreprises multinationales opaques dorénavant ouvertement critiquées dans les médias24. Le vent, étant gratuit, non monnayable et non taxable, il porte en lui un changement systémique dans notre modèle politico-économique construit sur le modèle des énergies fossiles. N’étant pas impactée par la variabilité des coûts de l’énergie (un atout dans un monde où l’inflation du coût des matières premières pourrait être désormais la norme), la propulsion vélique participe à la définition d’une nouvelle géopolitique mondiale du shipping en redéfinissant le triptyque « ressource/énergie/transport » sous le prisme de l’Accord de Paris. Le vent est effectivement une ressource énergétique sécurisée et totalement décarbonée qui permet de se projeter à long terme. Dans un moment d’incertitudes sociales et écologiques où les « technologies du futur » sont mises en concurrence, les institutions portent une responsabilité dans l’orientation des aides publiques et des investissements privés. L’exemple de la voiture électrique nous montre que les pouvoirs publics ont joué un rôle central dans l’émergence de cette filière (Bonnaure, 2018). Toujours embourbée dans le sentier du moteur thermique, l’issue de la compétition technologique entre les « énergies du futur » dépend fondamentalement des premiers choix réalisés, de ces investissements initiaux qui vont définir (et potentiellement bloquer) pour plusieurs décennies notre capacité à répondre aux défis de la modernisation écologique et citoyenne.

4. Écrire un nouveau récit pour le transport vélique

16Même si la propulsion vélique semble aujourd’hui gagner une crédibilité nouvelle en France, elle n’en reste pas moins confrontée à une forte résistance au changement (du fait de l’inertie des grands systèmes techniques en place, des freins cognitifs et du conservatisme du monde maritime), l’obligeant à exercer un important travail politique auprès des décideurs et des chargeurs afin que le transport par voile soit désormais reconnu (processus de légitimation) et mis à disposition à grande échelle (processus de pérennisation).

4.1. Changer d’imaginaire technique pour s’émanciper du Choix du feu

  • 25 Nous parlons d’imaginaire maritimo-énergétique pour définir cette double transition, à la fois éne (...)

17L’imaginaire technique est une composante centrale du développement des techniques (Flichy, 2003). Le mystère, le merveilleux et l’imaginaire technique ont joué un rôle crucial dans la démocratisation de l’énergie électrique (Salmon, 2018), avec toutes les dérives que nous pouvons aujourd’hui connaître (Dubey et Gras, 2021). En prenant l’exemple de l’énergie électronucléaire, Yves Bouvier (2018) rappelait que les relations entre énergies sont fondées sur les marchés, les entreprises, les technologies mais aussi les imaginaires, qu’ils soient politiques ou sociotechniques. Tout comme les éoliennes (avec toutes les controverses qu’elles peuvent engendrer), la « résurgence des mâts » des navires est un symbole paysager fort qui redonne un visuel à la fois au monde maritime (les marins étant les grands invisibles de la mondialisation), au transport, ainsi qu’à la production d’énergie. Or, la transition énergétique ne peut se limiter à une simple transition technologique (le passage d’une énergie carbonée à une énergie « propre »), étant aussi une transition paysagère, territoriale et citoyenne. La visibilité et la simplicité (relative) du moteur à vent (la voile) se confrontent ici à l’invisibilité et à la complexité des produits de synthèse. Outil pédagogique et démystificateur, c’est désormais un imaginaire maritimo-énergétique25 d’efficience à réactiver et à incarner (à l’opposé de l’imaginaire de puissance du moteur thermique héritée du xixe siècle) pour lutter contre les discours simplistes et anachroniques (« La voile est un retour en arrière ! » ; « C’est un retour à la bougie ! ») qui régissent et fabriquent les normes sociales. Nicolas Celnik et Fabien Benoît (2022) nous invitent ainsi à « décoloniser notre imaginaire » en bâtissant des récits alternatifs et souhaitables capables de nous mettre collectivement en action. Fabian Scheidler (2020) nous propose quant à lui de « désenchainer l’imaginaire pour sortir de la mégamachine ». Sortir de la logique du Choix du feu (Gras, 2007) oblige donc à modifier nos imaginaires techniques dominants, ce que le sociologue Frédérick Lemarchand (2021) appelle les « imaginaires sociaux énergétiques », pour tendre désormais vers des mobilités plus frugales, résilientes et conviviales. Le processus de (re)adhésion au transport maritime par voile passera ainsi par notre capacité à repenser nos systèmes représentationnels, à changer nos points de vue et nos fictions instituantes autour de la question suivante : « Qu’est-ce qu’être moderne au xxie siècle ? »

Figure 5. Déchargement de la goélette Avontuur (1920) au port de Bordeaux le 7 février 2022

Figure 5. Déchargement de la goélette Avontuur (1920) au port de Bordeaux le 7 février 2022

Parti de Saint-Marta (Colombie) le 8 décembre 2021, le navire embarquait une trentaine de tonnes de café. Distributeur de café vert auprès des torréfacteurs, l’entreprise gironde Belco a noué un partenariat avec la compagnie maritime Towt (propriétaire de l’Avontuur) pour multiplier les voyages dans les prochaines années. Sur son site, cette société bretonne évoque cinq routes maritimes ouvertes pour 400 tonnes de produits livrés et 185 tonnes de co2 économisées. Un voilier-cargo moderne de 81 m et pouvant transporter 1 100 tonnes de marchandises est attendu pour fin 2023/début 2024. Towt a décidé de lever des fonds auprès des citoyens sur Lita.co pour participer au financement de ses deux premiers voiliers.

Crédit photo : Sylvain Roche

Figure 6. Déchargement de la goélette Avontuur (1920) au port de Bordeaux le 7 février 2022

Figure 6. Déchargement de la goélette Avontuur (1920) au port de Bordeaux le 7 février 2022

Parti de Saint-Marta (Colombie) le 8 décembre 2021, le navire embarquait une trentaine de tonnes de café. Distributeur de café vert auprès des torréfacteurs, l’entreprise gironde Belco a noué un partenariat avec la compagnie maritime Towt (propriétaire de l’Avontuur) pour multiplier les voyages dans les prochaines années. Sur son site, cette société bretonne évoque cinq routes maritimes ouvertes pour 400 tonnes de produits livrés et 185 tonnes de co2 économisées. Un voilier-cargo moderne de 81 m et pouvant transporter 1 100 tonnes de marchandises est attendu pour fin 2023/début 2024. Towt a décidé de lever des fonds auprès des citoyens sur Lita.co pour participer au financement de ses deux premiers voiliers.

Crédit photo : Sylvain Roche

4.2. Faire de la sobriété la norme

  • 26 Pour rappel, il reste moins de sept ans pour atteindre le premier palier fixé par l'Organisation m (...)

18La propulsion vélique pour le transport maritime n’est pas une rupture technologique, mais la réappropriation et la modernisation d’une technologie abandonnée. Le storytelling du transport maritime se réinvente. En ne se limitant pas à une question strictement technique, la trajectoire de la propulsion éolienne est aujourd’hui repolitisée sous le prisme environnemental et de la démondialisation. Dans son ouvrage Carbon Democracy, Le pouvoir politique à l’ère du pétrole (2017), Timothy Mitchell souligne que l’économie du xxe siècle a été fondée sur l’existence de réserves d’énergie abondante et bon marché. Ce système économique carboné ultra-mondialisé dans ses formes extrêmes s’épuise et tend aujourd’hui à reprendre un chemin technique délaissé. Rappelons ici que les combustibles fossiles (et leurs dérivés) représentent à eux seuls 40 % des cargaisons maritimes et que plus de 99 % de la flotte mondiale de fret (de plus de 5 000 tonnes) dépend toujours des combustibles fossiles pour la propulsion. Travailler sur la décarbonation du maritime oblige donc à une approche systémique, en travaillant à la fois sur la motorisation des navires (la technique) mais aussi sur les biens transités (les usages). Cette transition maritimo-énergétique ne consiste pas seulement à basculer vers des technologies bas carbone mais aussi une diminution massive de notre consommation d’énergie (sobriété). La décarbonation de la flotte maritime mondiale, qui comprend les ports terrestres et les infrastructures de carburant, coûtera environ 1,9 billion de dollars sur 20 ou 30 ans. Au rythme actuel, il faudrait attendre 2033 pour renouveler la moitié des pétroliers et des porte-conteneurs, 2037 pour renouveler pour la moitié des cargos et 2040 pour renouveler la moitié des vraquiers, chimiquiers, gaziers et ferries. Sachant que la durée de vie d’un navire de commerce est de 25 ans en moyenne, les bateaux en chantier aujourd’hui sont ceux qui devront réduire drastiquement les émissions du secteur maritime dans le futur. La plupart des nouveaux navires construits dans les années 2030 devront être zéro émission26. Dans un rapport de 2020 intitulé Catalysing the fourth propulsion revolution, l’International chamber of shipping (ics) soulignait que la décarbonation du transport maritime « représente un iceberg financier pour l’industrie, car la pression pour réguler les émissions évolue actuellement plus vite que la capacité du secteur à suivre le rythme ». Un article scientifique récent (Franz et al., 2022) indiquait que pour s’inscrire dans l’accord de Paris, le transport maritime devait s’appuyer dès maintenant (1) sur un prix du carbone de 300 euros/tco2eq (2) sur des économies de consommation supérieures à 50 % de la consommation future requise (3) d’une croissance annuelle de 50 % des électrolyseurs liée notamment à la production d’hydrogène vert. Au moment où la crise environnementale s’aggrave, réduire la dépendance énergétique est devenu critique pour garantir une rentabilité économique du transport maritime et une transformation rapide des sociétés (Unep, 2022). La sobriété doit donc être au cœur plus que jamais des stratégies énergétiques nationales, invitant à se concentrer sur des mesures rapides et efficaces pour réduire les consommations (réduction de la vitesse et du poids des navires).

4.3. La structuration d’une coalition arc-en-ciel du transport vélique

  • 27 Citons les exemples du Centre industriel lié aux nouvelles propulsions pour la Carene à Saint-Naza (...)
  • 28 Un premier appel d’offres a été lancé par l’association début février 2022 pour deux liaisons hebd (...)
  • 29 Pierre Karleskind est ingénieur-docteur en sciences de la mer. Catherine Chabaud est une navigatri (...)
  • 30 Cette réglementation s’appliquera à tout navire arrivant ou partant d’un port européen.

19La théorie latourienne nous rappelle que « l’innovation ne sort pas d’un empyrée de la rationalité pure, et que les réussites scientifiques ou techniques semblent être surtout affaire d’enrôlement, de dispositifs d’intéressement permettant de s’allier le plus grand nombre d’acteurs ». (Cérézuelle, 2021 : 313). Des technologies aussi innovantes que celles portées par le transport vélique nécessitent une coalition suffisamment forte pour qu’elles puissent apparaître comme commercialement viables, en bénéficiant d’une crédibilité suffisante auprès des décideurs pour résister aux critiques et à la rivalité des autres technologies. Les acteurs promotionnels, présentant comme allant de pair des technologies qui n’ont pourtant pas le même agenda et la même sociologie politique, ont trouvé un intérêt commun d’être ralliés pour se légitimer et avancer ensemble (effet de masse). En France, la stratégie de lobbying s’exerce à la fois sur le plan national (l’association WindShip créée en 2019 regroupe une trentaine d’équipementiers et d’armateurs présents sur toute la chaîne de valeur), mais aussi à l’échelle locale. La mobilisation via des relais régionaux doit permettre de renforcer la crédibilité de la filière vélique sur le plan national et renforcer les écosystèmes territoriaux27. Ce travail de lobbying, légitimé par la pression écologique (politiques de rse et communication environnementale), a d’ailleurs poussé 20 entreprises, dont les multinationales Michelin et Nestlé Waters, à rejoindre l’Association des chargeurs pour un transport maritime décarboné créée par France Supply Chain et l’Association des utilisateurs de transport de Fret (autf)28. Cette coalition s’est ancrée en 2021 lors de l’organisation d’un premier événement national, le Wind For Goods, à Saint-Nazaire, dans une stratégie de communication événementielle (Boistel, 2005). Sachant que « l’échelon européen prime dans les décisions législatives et réglementaires prises dans le domaine maritime » (Quiec, 2016 : 111), les acteurs du vélique sont soutenus à Bruxelles par l’International Windship Association et l’ong Transport & Environment. Sur le plan politique, les eurodéputés français Pierre Karleskind et Catherine Chabaud29 sont mentionnés comme des relais importants au sein des institutions bruxelloises. Adopté par le Parlement européen le 19 octobre 2022, le rapport Fueleu maritime appelle le secteur maritime à réduire ses émissions de ges des navires de 2 % à partir de 2025, 20 % à partir de 2035 et 80 % à partir de 2050 par rapport au niveau de 202030. À partir de 2027, les émissions de co2 des cargos devront être intégrées dans le marché carbone européen.

Figure 7. Afin de sensibiliser les députés européens à la propulsion des navires par le vent, une exposition a été présentée du 17 au 20 octobre 2022 au Parlement européen à Strasbourg

Figure 7. Afin de sensibiliser les députés européens à la propulsion des navires par le vent, une exposition a été présentée du 17 au 20 octobre 2022 au Parlement européen à Strasbourg

Conclusion

  • 31 Propos de Hoesung Lee, président du giec.
  • 32 Propos de Julian Allwood, chercheur en ingénierie à l'université de Cambridge et coauteur du 5e ra (...)
  • 33 Notons ici que trois projets véliques ont été lauréats de l’ami 2022 du Corimer (Conseil d’orienta (...)

20« Regroupement parapluie », la filière vélique apparaît comme une coalition artificielle entre des univers techniques différents. Ce n’est pas un système unifié mais composé de deux systèmes imbriqués (système du transport à voile et système du transport par kyte) où chaque filière (qui elle-même donne naissance à des sous-filières techniques) a des caractéristiques propres. Le retour des bateaux à voile pose la question des changements sociétaux que nous sommes prêts à accepter dans le secteur du shipping (Foulquier, 2019). Il propose une nouvelle priorisation des contraintes qui définissent le transport de marchandises actuel : la nature des produits, l’impact environnemental, la sécurité (respect du timing et limitation des aléas) et le coût. Si effectivement les technologies numériques se diffusent à une vitesse extrêmement rapide, il en va différemment des grands systèmes techniques qui se caractérisent par une grande résistance au changement (Rehmatulla et al., 2017). En citant l’économiste Jean Haëntjens (2020 : 45), « l’inertie des systèmes techniques ne repose pas seulement sur les infrastructures et les machines, mais aussi, et avant tout, sur les modes de pensée partagés par les acteurs dominant ces systèmes : administrations, entreprises majeures, lobbies et syndicats ». Dans un monde qui se trouve désormais « à la croisée des chemins31 », «  la technologie ne résoudra pas le changement climatique parce qu’elle ne peut pas être déployée à l’échelle suffisante dans les temps32 », le moteur éolien se présente dès maintenant comme une utopie mobilisatrice, une utopie rationnelle (Metzger, 2001), qui ne peut être pensée indépendamment d’un changement culturel, social, de politiques publiques et de gouvernance. Et si la propulsion vélique n’a aujourd’hui pas (encore) la prétention de vouloir concurrencer le transport maritime fossile, il revient aux pouvoirs publics et aux consommateurs de soutenir dès maintenant son déploiement à grande échelle en levant les verrouillages sociotechniques tant cognitifs que financiers33.

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Bibliographie

Ouvrages et articles

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Notes

1 L'Organisation maritime internationale (omi) vise à réduire de 50 % les émissions de co2 du transport maritime en 2050 par rapport à 2018.

2 Le sociologue Michel Grossetti envisage les bifurcations comme des changements structurels, durables, au croisement de l'imprévisible et de l'irréversible. Voir à ce titre l’ouvrage de Michel Grossetti, Marc Bessin et Claire Bidart, Bifurcations. Les sciences sociales face aux ruptures et à l’événement, La Découverte, 2010.

3 La théorie schumpétérienne considère que les crises économiques entraînent des « tempêtes de destruction créatrice » permettant à de nouvelles innovations de relancer la croissance et l’emploi. Voir à ce titre l’ouvrage de Philippe Aghion, Céline Antonin et Simon Bunel, Le pouvoir de la destruction créatrice, Odile Jacob, 2020.

4 Nous appelons « crise des 3e » la crise systémique qui couple les enjeux économiques, énergétiques et environnementaux.

5 « La Gazette de sociétés et des techniques », « Innovation right-tech : vers la fin du « tout-technologique », Publication des Annales des Mines avec le concours du conseil général de l’Économie, n° 100, janvier 2019.

6 Équivalent 20 pieds.

7 Notons ici que des navires à turbovoiles ont été construits dès les années 1920 en Europe par l’architecte finlandais Sigurd Savonius et l'ingénieur aéronautique allemand Anton Flettner.

8 Le prix du baril de pétrole atteint un minimum de 10 dollars en 1986.

9 Le magazine britannique The Observer organise en 1960 ce qui est considérée comme la première course transatlantique en solitaire : la Transat anglaise.

10 Le prix actuel du carburant pêche tient compte d’une remise prise en charge par l’État.

11 La start-up girondine Maloric travaille aujourd’hui sur l’élaboration d’une voile de kitesurf pouvant réduire de 20 % la consommation de carburant de chalutiers.

12 Ces start-up peuvent aussi être soutenues par de grands groupes industriels.

13 La plupart des bateaux sont aujourd’hui fabriqués en composite issu d’une pétrochimie énergivore. Bien qu’encore limitées à une phase de R&D, des expérimentations à la marge ont eu lieu ces derniers mois dans le secteur de la course au large, constituant un premier pas dans la modernisation (mis à l’eau en mai 2022, le catamaran We Explore du skipper Roland Jourdain a été conçu à 50 % en fibre de lin).

14 Selon Carbone 4, « l’empreinte carbone du gnl est 2,5 fois plus élevée que celle du gaz acheminé par gazoduc ».

15 D'après l'ocde, diviser par deux la vitesse des bateaux permettrait par ailleurs de consommer quatre ou cinq fois moins d’énergie.

16 Notons néanmoins que ces navires à voile comporteront un moteur diesel nécessaire pour des questions de sécurité.

17 Long de 80 mètres, le futur voilier-cargo de l’entreprise towt aura à titre d’exemple une capacité d’emport fret de 1 100 tonnes de vrac et 235 barriques de vins et spiritueux.

18 Cette mutualisation inter-technologique est évoquée lors des réunions des industriels et des équipementiers.

19 Pour Libourel et al. (2022), ce processus de remobilisation de l’échelle macro-régionale doit notamment pouvoir « répondre à l’intensification des échanges intra-zone de libre-échange, mais aussi de créer des solidarités et des projets communs, incarnation des principes porteurs de l’intégration régionale ».

20 La « logistique urbaine » peut se définir comme « toute prestation de service contribuant à gérer efficacement les mouvements de marchandises dans les villes et apporter des réponses innovantes à la demande (des entreprises, des particuliers) dans le respect de conditions sociales et environnementales de bon niveau » (Libourel et al., 2022 : 123).

21 D’après l’Ademe, le transport fluvial émettrait deux à quatre fois moins de co2 que le transport routier sur une distance comparable.

22 Ces critiques se portent essentiellement sur la course au large. Voir à ce titre « Ce sport ne respecte rien » : Stan Thuret, le skipper qui a quitté la compétition », Reporterre, 05 juillet 2023.

23 Le réseau Sortir du nucléaire parle de « réhumanisation du secteur des transports maritimes » pour qualifier la voile.

24 Voir à ce titre le Complément d'enquête « Cargos : business en eaux troubles » diffusé sur France 2 le jeudi 07 avri  2022 ou encore l’émission « Sur le front : cargos géants, comment voyagent nos achats ? » diffusé sur France 2 le 16 janvier 2023.

25 Nous parlons d’imaginaire maritimo-énergétique pour définir cette double transition, à la fois énergétique (une représentation paysagère de la société bas carbone) et maritime (une représentation paysagère de la nouvelle économie durable de la mer).

26 Pour rappel, il reste moins de sept ans pour atteindre le premier palier fixé par l'Organisation maritime internationale (omi), à savoir la réduction de 40 % les émission de gaz à effet de serre d’ici 2030.

27 Citons les exemples du Centre industriel lié aux nouvelles propulsions pour la Carene à Saint-Nazaire ou encore la Bretagne avec l’animation d’une filière vélique régionale.

28 Un premier appel d’offres a été lancé par l’association début février 2022 pour deux liaisons hebdomadaires transatlantiques entre l’Europe et l’Amérique du Nord opérées dès 2024 par des porte-containers majoritairement propulsés à la force du vent.

29 Pierre Karleskind est ingénieur-docteur en sciences de la mer. Catherine Chabaud est une navigatrice française.

30 Cette réglementation s’appliquera à tout navire arrivant ou partant d’un port européen.

31 Propos de Hoesung Lee, président du giec.

32 Propos de Julian Allwood, chercheur en ingénierie à l'université de Cambridge et coauteur du 5e rapport du giec.

33 Notons ici que trois projets véliques ont été lauréats de l’ami 2022 du Corimer (Conseil d’orientation pour la recherche et l’innovation des industriels de la mer). L’Ademe a consacré 14 millions d’euros d’aide à des projets innovants relevant du vélique.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Maquette du Silenseas
Légende Paquebot à voiles de 200 m de long équipé de 3 Solid Sail de 1 200 m2 chacune, actuellement en développement aux Chantiers de l’Atlantique. Ce concept de navire hybride propulsé à voiles intégrera également des moteurs à bicarburation pour permettre au navire de respecter son planning de croisière. Une réduction théorique de 50 % des émissions de gaz à effet de serre est attendue.
Crédits Crédit photo : Sylvain Roche
URL http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/25077/img-1.jpg
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Titre Figure 2. À La Teste-de-Buch en Gironde
Légende Le système de traction par kyte développé par le navigateur Yves Parlier et son équipe pourra bientôt équiper les porte-conteneurs. Une économie de carburant de l’ordre de 20 % pour la marine marchande est avancée.
Crédits Crédit photo : Beyond the Sea
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Titre Figure 3. Le cargo à voile imaginé par l’entreprise nantaise Neoline
Légende Un navire de marchandises à mats rabattables de 136 m de long, pouvant transporter jusqu’à 5 000 tonnes et permettant d’économiser entre 80 % et 90 % de la consommation de fuel. Une quinzaine de clients ont déjà signé avec Neoline pour emprunter une ligne qui reliera Saint-Nazaire à Baltimore (États-Unis), en passant par Saint-Pierre-et-Miquelon et Halifax (Canada) à partir de l’été 2025.
Crédits Crédit photo : Neoline
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Titre Figure 4.Montée en coopérative d’intérêt collectif (Scic)
Légende En mai 2022, la jeune compagnie bretonne Windcoop compte désormais 900 sociétaires. Une levée de fonds a été lancée sur la plateforme de financement participatif Lita.co avec un objectif de 6 millions d’euros à réunir en parts sociales, à partir de 100 euros par entreprise ou personne physique. Elle vise une première ligne Marseille-Madagascar en 2025, via le canal de Suez. Le cargo à voile de Windcoop transportera une centaine de conteneurs à la vitesse de 8 nœuds. La voile produira 60 % de la propulsion du navire.
Crédits Crédit photo : Windcoop
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Titre Figure 5. Déchargement de la goélette Avontuur (1920) au port de Bordeaux le 7 février 2022
Légende Parti de Saint-Marta (Colombie) le 8 décembre 2021, le navire embarquait une trentaine de tonnes de café. Distributeur de café vert auprès des torréfacteurs, l’entreprise gironde Belco a noué un partenariat avec la compagnie maritime Towt (propriétaire de l’Avontuur) pour multiplier les voyages dans les prochaines années. Sur son site, cette société bretonne évoque cinq routes maritimes ouvertes pour 400 tonnes de produits livrés et 185 tonnes de co2 économisées. Un voilier-cargo moderne de 81 m et pouvant transporter 1 100 tonnes de marchandises est attendu pour fin 2023/début 2024. Towt a décidé de lever des fonds auprès des citoyens sur Lita.co pour participer au financement de ses deux premiers voiliers.
Crédits Crédit photo : Sylvain Roche
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Titre Figure 6. Déchargement de la goélette Avontuur (1920) au port de Bordeaux le 7 février 2022
Légende Parti de Saint-Marta (Colombie) le 8 décembre 2021, le navire embarquait une trentaine de tonnes de café. Distributeur de café vert auprès des torréfacteurs, l’entreprise gironde Belco a noué un partenariat avec la compagnie maritime Towt (propriétaire de l’Avontuur) pour multiplier les voyages dans les prochaines années. Sur son site, cette société bretonne évoque cinq routes maritimes ouvertes pour 400 tonnes de produits livrés et 185 tonnes de co2 économisées. Un voilier-cargo moderne de 81 m et pouvant transporter 1 100 tonnes de marchandises est attendu pour fin 2023/début 2024. Towt a décidé de lever des fonds auprès des citoyens sur Lita.co pour participer au financement de ses deux premiers voiliers.
Crédits Crédit photo : Sylvain Roche
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Titre Figure 7. Afin de sensibiliser les députés européens à la propulsion des navires par le vent, une exposition a été présentée du 17 au 20 octobre 2022 au Parlement européen à Strasbourg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Sylvain Roche, « Faire perdurer ou bifurquer : en quoi le transport maritime à voile redevient-il moderne ? »Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 15, n°3 | Décembre 2024, mis en ligne le 20 décembre 2024, consulté le 13 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/25077 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13cqk

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Auteur

Sylvain Roche

Sylvain Roche est ingénieur de recherche à la chaire « Transitions énergétiques territoriales » (TRENT) et enseignant-chercheur associé à Sciences Po Bordeaux. Docteur en sciences économiques de l’université de Bordeaux, il concentre ses travaux sur le développement des énergies marines renouvelables et sur la décarbonation du secteur maritime et des espaces industrialo-portuaires.
s.roche@sciencespobordeaux.fr

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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