Négocier l’asile diplomatique : les ambassades face au coup d’État du 11 septembre 1973 au Chili
Résumés
À la suite du coup d’État du 11 septembre 1973 contre le gouvernement d’Unité populaire du président socialiste Allende, des centaines de Chiliens et de Latino-Américains fuirent la répression de la junte en cherchant refuge dans les ambassades de Santiago du Chili. Du côté des ambassadeurs européens, en interaction constante avec des partenaires institutionnels ou non, internationaux ou non, et dans un contexte de guerre froide mêlant logiques nationales et internationales, la plupart se retrouvèrent à devoir négocier l’asile diplomatique aussi bien auprès de la junte que de leurs propres gouvernements – dans un complexe processus d’adaptation au jour le jour.
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- 1 L’article a été rédigé lors d’un séjour comme chercheuse invitée au sein du Berliner Kolleg Kalter (...)
- 2 Chris Marker, L’ambassade, 1973, 20 minutes, Super 8 mm. Colette Godard, « Le Super 8 au Ranelagh (...)
- 3 Il serait dommage de dévoiler ici le plan final pour qui ne connaît pas encore le film. Voir notam (...)
1En décembre 1973,1 L’ambassade de Chris Marker2 sortait en France. Le film s’ouvrait sur un court texte, faisant office de générique : « Un film super 8 mm trouvé dans une AMBASSADE. » Puis une voix off prévenait le spectateur : « Ceci n’est pas un film. Ce sont des notes prises au jour le jour », alors que les plans suivants montraient des hommes et des femmes arriver dans un appartement bourgeois, « des militants de gauche pour la plupart », des « réfugiés politiques », accueillis après « un coup d’État » dans la résidence de l’ambassadeur et de sa femme. Rien de plus n’était dit sur le contexte précis. On y discutait politique, on y mangeait, dormait – une semaine d’attente dans une plus ou moins grande promiscuité –, puis « les premiers sauf-conduits [arrivaient] » et c’était le départ, vers l’exil. Si le plan final ancrait clairement le récit dans la fiction3, il était tout aussi évident pour les spectateurs de l’époque que le cinéaste parlait du coup d’État qui s’était déroulé trois mois plus tôt, le 11 septembre 1973, au Chili.
- 4 Pour une présentation de la mise en place de la dictature chilienne, voir par exemple Carlos Hunee (...)
- 5 Sur les échos internationaux du 11 septembre 1973, voir Olivier Compagnon, Caroline Moine, « Pour (...)
- 6 Fernando Camacho Padilla, « Los asilados de las embajadas de Europa Occidental en Chile tras el go (...)
- 7 Pierre-Marie Dupuy, « La position française en matière d’asile diplomatique », Annuaire français d (...)
2Le renversement par les forces armées du gouvernement d’Unité populaire (UP) sous la présidence du socialiste Salvador Allende avait été d’une grande violence4. La répression féroce qui s’abattit aussitôt sur toutes celles et ceux considérés comme des « marxistes » et des « ennemis du peuple chilien » fut condamnée par une large partie de l’opinion publique5. Le sort des opposants fut au cœur d’une vague de solidarité internationale, en grande partie menée par les partis politiques de gauche, communistes ou non, mais qui dépassa ces seuls milieux militants. En atteste le rôle joué par les ambassadeurs et leurs collaboratrices et collaborateurs dans ce contexte de crise humanitaire et politique aiguë dans laquelle le Chili se trouva plongé6. De fait, près de 5 000 personnes cherchèrent refuge dans les ambassades à Santiago après le coup d’État, au nom de l’asile diplomatique7. Toutefois, toutes les ambassades ne réagirent pas de la même manière, ouvrant plus ou moins tardivement et plus ou moins longtemps leurs portes, et accueillant un nombre très varié de personnes.
- 8 Les recherches ont été menées dans les archives des ministères des Affaires étrangères de la RFA e (...)
- 9 Laurence Badel et Stanislas Jeannesson, « Introduction. Une histoire globale de la diplomatie ? », (...)
- 10 Johannes Paulmann, « Diplomatie », in Jost Dülffer, Wilfried Loth (dir.), Dimensionen internationa (...)
3Cette contribution souhaiterait proposer précisément une réflexion sur le processus de négociation de l’asile diplomatique au cœur même de la crise et mobilisant toute une série d’acteurs, issus ou non du milieu diplomatique, amenés parfois de manière surprenante à travailler ensemble8. Cette approche, distincte d’une approche juridique du fait diplomatique, permet de souligner la complexité du processus décisionnel dans un contexte de crise, qui dépend de multiples facteurs, on le sait – et essentiellement de la réaction de quelques personnes qui doivent, au jour le jour, interpréter, appliquer les directives, reçues parfois avec grand retard9. Comment, dans le domaine des pratiques diplomatiques, contraintes politiques, sociales et géographiques locales doivent-elles composer avec des enjeux nationaux et internationaux10 ?
4Or la situation en septembre 1973 était particulièrement complexe, car il se trouvait au Chili des milliers de réfugiés politiques latino-américains, arrivés sous l’Unité populaire pour fuir les régimes autoritaires ou dictatoriaux de leurs pays. Négocier leur sort était une chose, aider les opposants chiliens en était une autre. Il convient donc de commencer par rappeler cet état de fait mais également la diversité des institutions nationales et internationales très vite mobilisées pour venir en aide à ces différentes personnes. Au sein de ce dispositif mis en place dans l’urgence, les ambassadeurs et les ambassades jouèrent un rôle crucial, en suivant des logiques et des politiques distinctes au fil des mois. Le cas particulier de l’ambassade ouest-allemande permet, dans un troisième et dernier temps, de souligner ce que ce moment de crise révèle également de la spécificité du moment chilien en matière d’asile diplomatique, inscrit dans les divisions de la guerre froide dont Santiago fut l’un des lieux de confrontations mais aussi de négociations.
Entre défense du droit des réfugiés et risque d’ingérence
5Ce qui rendit la situation spécialement compliquée dans les jours qui suivirent le coup d’État fut la présence sur le sol chilien de nombreux réfugiés politiques latino-américains. Ce furent eux qui firent l’objet des premières mobilisations internationales. Pour la junte, le statut des exilés latino-américains présents sur le territoire ne pouvait bien entendu être le même que celui des opposants chiliens, et l’aide apportée aux réfugiés étrangers ne pouvait avoir la même signification que celle apportée à des Chiliens. Un glissement dut donc s’opérer dans l’aide offerte et l’accueil qui leur fut réservé.
- 11 Telles étaient les données officielles du HCR. Voir Helmut Frenz, … und ich weiche nicht zurück, G (...)
6Le Chili de l’Unité populaire avait représenté un refuge pour des milliers d’hommes et de femmes fuyant les régimes dictatoriaux et autoritaires des pays voisins et proches des partis, syndicats et mouvements politiques de gauche. Ils étaient encore au moins 12 000 en septembre 1973, après avoir été plus de 20 000 sous l’Unité populaire, avant tout brésiliens (fuyant la dictature en place depuis 1964), boliviens (opposants au régime du colonel Hugo Banzer de 1971 à 1978) et uruguayens (à la suite du coup d’État de juillet 1973), mais aussi argentins, etc. Certains avaient un statut légal de réfugiés politiques, d’autres non11. Or ce furent eux les premiers visés par l’aide internationale qui, selon la Convention de Genève sur les réfugiés de 1951, qui avait été signée par le Chili, pouvait intervenir sans qu’il y ait ingérence dans la politique intérieure d’un pays. De fait, la junte se montra même dans un premier temps très favorable à cette intervention extérieure qui lui permettait de se débarrasser rapidement de ces militants de gauche.
- 12 Prepared statement of Helmut Frenz, Amnesty International of Germany, and Former President of the (...)
- 13 Caroline Moine « Christliche Solidarität mit Chile. Helmut Frenz und der transnationale Einsatz fü (...)
- 14 Voir Michal Zourek, Checoslovaquia y el Cono Sur 1945-1989. Relaciones políticas, económicas y cul (...)
- 15 Autoriza Funcionamiento de CONAR, Decreto n° 308, Santiago, 3 octobre 1973, COE, HRROLA, boîte 429 (...)
- 16 Lettre de Helmut Frenz à Ohle Dahlén, Santiago, 17 décembre 1973, COE, HRROLA, boîte 429.07.29.
7L’une des premières et principales institutions à agir fut le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU (UNHCR). Oldřich Haselman, son représentant pour l’Amérique latine, dont le bureau était situé à Buenos Aires, se rendit à Santiago dès que les lignes aériennes furent rouvertes. Le couvre-feu fut en effet imposé dès le 11 septembre après-midi et les vols internationaux interrompus pendant plusieurs jours. Oldřich Haselman retrouva au Chili un pasteur ouest-allemand, Helmut Frenz12. Ce dernier était arrivé en 1965 au Chili pour officier en province, au sein de la communauté germano-chilienne13. Élu évêque de l’Église luthérienne au Chili en 1970, il était devenu très actif et reconnu durant le gouvernement d’Unité populaire pour son travail social et notamment en faveur des réfugiés politiques latino-américains. Il avait coordonné et participé à toute une série d’actions : soupes populaires, ateliers de formation et aide à l’emploi, etc. C’était dans ce cadre que les deux hommes avaient déjà travaillé ensemble. Si Frenz était surnommé, pour son engagement social, le pasteur rouge par une large partie de la communauté germano-chilienne, plutôt conservatrice, Oldřich Haselman pouvait en revanche difficilement être taxé de tendances procommunistes : sa famille avait fui la République populaire de Tchécoslovaquie pour s’installer en France, dont il avait désormais acquis la nationalité14. Quand l’UNHCR initia et finança la création d’un Comité œcuménique, consacré à l’aide aux réfugiés politiques (CONAR), ce fut Helmut Frenz qui en prit la direction. Le CONAR fut immédiatement reconnu par le régime : le décret officiel fut signé par le ministère de l’Intérieur de la junte le 3 octobre 197315. Sa mission était de repérer les réfugiés latino-américains, afin de les informer des procédures à suivre pour pouvoir quitter au plus vite le pays. La junte lui laissait jusqu’à la fin de l’année pour finir son travail : mi-décembre, le CONAR avait réussi à trouver des pays d’accueil pour environ 2 300 réfugiés politiques latino-américains sur les 4 000 qui s’étaient manifestés auprès de lui, il en restait donc 1 700 pour lesquels une solution devait encore être fournie – alors que les pays socialistes se montraient très réticents à accueillir ces militants d’extrême gauche, à l’exception de Cuba16. L’UNHCR se chargeait ensuite de leur trouver un pays d’accueil, en coopération avec les ambassades, la Croix-Rouge internationale et le CIME.
- 17 Antoine Pécoud, « De la “gestion” au contrôle des migrations ? Discours et pratiques de l’Organisa (...)
- 18 Thomas C. Wright, Rody Oñate, Flight from Chile: Voices of Exile, Albuquerque, University of New M (...)
- 19 Ewen MacAskill, Jonathan Franklin, « Latin America’s Schindler: A forgotten hero of the 20th centu (...)
- 20 CIME, Special program for the resetlement of persons from Chile directly or via other countries of (...)
8Une autre institution intervint en effet très vite dans ce dispositif, le Comité intergouvernemental pour les migrations européennes. Créé en 1951, le CIME avait pour mission de répondre aux déplacements massifs de populations en Europe à la suite de la Seconde Guerre mondiale17. Il devait contrôler ces migrations, afin d’éviter toute propagation du communisme sur le vieux continent. Sous la houlette principalement des gouvernements d’Europe de l’Ouest et des États-Unis, le CIME, au cœur de la guerre froide, s’attela à faire venir nombre de ces déplacés en Amérique latine : la Bolivie, le Brésil et le Chili en étaient membres. Le CIME demeura hors des instances de l’ONU jusqu’en 2016 et son rôle au Chili est souvent tenu en retrait – à tort. À la tête du bureau chilien du CIME se trouvait en septembre 1973 Roberto Kozak, un Argentin entré en 1968 au CIME et travaillant à Santiago depuis mai 197218. Or ce dernier se montra très actif pour aider les réfugiés politiques latino-américains à quitter le Chili de la junte, puis les Chiliens opposés au nouveau gouvernement, et sans doute sans que le siège à Genève soit toujours au courant de ses actions19. Il commença par sympathiser avec des ministres et d’autres représentants de la junte – notamment à l’occasion de réceptions –, afin d’obtenir des informations sur les lieux de détention ou une signature pour la libération de prisonniers. Il put ainsi aider au départ de milliers de personnes en leur trouvant ensuite un pays d’accueil et donc un visa20.
- 21 COPACHI, Nota al balance del 28/02/1974 sobre el financiamiento, COE, HRROLA, boîte 429.07.30, che (...)
9Si la junte encouragea ces différentes interventions étrangères et nationales concernant le sort des réfugiés politiques latino-américains, la donne ne fut pas la même pour les Chiliennes et Chiliens qu’elle considérait comme « ennemis de la nation ». De fait, il apparut très vite essentiel d’aider également les ressortissants chiliens à quitter le pays pour éviter leur arrestation, leur disparition et leur mort. Ce nouvel enjeu s’avéra bien délicat. Différentes institutions observatrices de la répression au Chili contribuèrent à la création d’un deuxième comité, le Comité pour la paix (Comite pro Paz). Officiellement fondé par un décret du 9 octobre 1973 signé par le cardinal Raul Silva Enriquez, archevêque de Santiago du Chili, ce nouveau comité était aussi œcuménique, et coprésidé par le pasteur Helmut Frenz et l’évêque auxiliaire Fernando Ariztia. Le Conseil œcuménique des Églises (ou World Council of Churches) à Genève initia très tôt sa création, à l’origine sous le nom de Comité pour les droits de l’homme, et fut son principal financeur21. Selon ses fondateurs, les bons contacts initiés au sein du CONAR avec la junte devaient bénéficier au travail de ce deuxième comité.
10Cependant, en réaction à l’élargissement très net du périmètre d’action du Comité pour la paix par rapport au CONAR, mais aussi aux actions très engagées de l’ambassadeur suédois contre sa politique, la junte durcit le ton et posa le 4 décembre un ultimatum : il ne serait remis aux ambassades non latino-américaines des sauf-conduits pour des départs du Chili qu’aux personnes arrivées dans leurs murs jusqu’au 10 décembre 1973. Cela créa une tension supplémentaire – alors que des milliers de personnes attendaient encore dans les centres du CONAR ou dans les ambassades, certaines pleines à craquer. De fait, les bureaux et les résidences des représentations diplomatiques, encore ouvertes, à Santiago du Chili devinrent le principal refuge pour fuir la répression politique, en espérant pouvoir bénéficier de l’asile diplomatique.
La précarité de l’asile diplomatique
11Les missions diplomatiques qui restèrent ouvertes après le coup d’État durent dans l’urgence trouver des solutions à une situation de crise politique et humanitaire aiguë. Or cela se fit dans un cadre juridique flou, exigeant de chaque acteur d’adapter ses pratiques, au rythme des décisions politiques prises aux niveaux local et international.
- 22 Pierre et Françoise de Menthon, El asilo contra la opresión, Santiago, Editorial del Museo de la M (...)
- 23 Thomas Fischer, « La Suisse et la représentation des intérêts américains à Cuba dans les années 19 (...)
- 24 Helmut Frenz, … und ich weiche nicht zurück, op. cit., p. 205-206.
12Lorsque le coup d’État survint, la plupart des ambassadeurs, notamment européens, étaient absents, se trouvant encore en vacances. Puis ils revinrent, comme Pierre de Menthon le 21 septembre, avec le premier avion de Paris pour Santiago22 – mais pas tous : les pays de l’Est et les pays communistes, à l’exception notable de la Chine et de la Roumanie, décidèrent en effet de couper les relations diplomatiques avec le Chili de la junte. Dès lors, les intérêts de ces États furent représentés par d’autres ambassades, comme cela se produit régulièrement. Il suffit d’évoquer les nombreux mandats exécutés par la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale – et d’ailleurs l’exemple le plus proche des événements chiliens fut celui de l’ambassade suisse à Cuba qui devint en 1961 la puissance protectrice des intérêts américains sur l’île et le resta jusqu’en 197723. Le paysage diplomatique de Santiago se modifia de fait sensiblement dans les heures qui suivirent le coup d’État. Moscou et Prague choisirent l’Inde pour représenter leurs intérêts, la RDA la Finlande, Cuba la Suède, la Pologne la Suisse, etc.24. Les ambassadeurs encore en mission durent ainsi représenter parfois deux États face non seulement à la junte, mais également aux organisations internationales et aux demandes de plus en plus nombreuses d’hommes et de femmes cherchant un refuge.
- 25 Elodie Giraudier, « Échos du coup d’État dans les réseaux démocrates-chrétiens européens », Monde( (...)
13Pour les ambassades, il s’agissait en premier lieu de s’occuper de leurs ressortissants, détenus, arrêtés ou disparus ; mais aussi des réfugiés latino-américains ; sans oublier les Chiliens fuyant la répression. Or la situation légale était bien entendue très différente entre ces trois cas. Se posa ainsi pour chaque diplomate la question de l’asile diplomatique. Pour les pays latino-américains, la pratique de l’asile diplomatique était en 1973 – et demeure – une pratique courante et reconnue par des conventions régionales. Les ambassades latino-américaines, à commencer par celle du Mexique, furent donc les premières à accueillir entre leurs murs les demandeurs d’asile. L’ambassade du Venezuela donna notamment asile à Jacques Chonchol, ancien ministre de l’Agriculture de Salvador Allende, qui put quitter le Chili en juin 1974, après neuf mois d’attente25. Pour les représentations diplomatiques des autres pays, la situation était nettement moins claire.
- 26 Pierre-Marie Dupuy, « La position française… », art. cit.
- 27 Françoise et Pierre de Menthon, El asilo…, op. cit., p. 82.
- 28 Voir le texte de la convention en ligne : http://www.oas.org/en/sla/dil/inter_american_treaties_A- (...)
- 29 Klaus Wilhelm Platz, Eine mittelmäßige Karriere. 36 Jahre im Auswärtigen Dienst, Norderstedt, Book (...)
14En matière de droit, deux sortes d’asile peuvent être accordés26. L’asile territorial est une attribution normale qu’un État détient en vertu de sa souveraineté. L’asile diplomatique au sein d’une ambassade ou d’un consulat est, lui, considéré comme une exception, liée à des périodes d’instabilité politique. Ce droit d’asile est perçu comme une ingérence illicite dans les affaires intérieures de l’État accréditant ou comme un acte inamical. L’attribution de l’asile diplomatique est vue comme un usage relevant de l’humanitaire, non comme une règle de droit. Pierre de Menthon, l’ambassadeur de France à Santiago, rapporte ainsi dans ses mémoires la mission que lui donna oralement le président Pompidou : faire tout son possible… sur le plan humanitaire27. De fait, la Convention de Caracas, signée en 1954, n’institua pas un droit : quand l’asile diplomatique est accordé, il s’agit d’une décision purement discrétionnaire, qui relève de la souveraineté de l’État28. Rappelons que même la convention diplomatique de 1961 de Vienne ne reconnaît pas le droit d’asile diplomatique29.
- 30 Citons notamment Loïc Hennekine et Jean-Noël de Lacoste, premier et deuxième conseillers.
- 31 Klaus Platz, Eine mittelmäßige Karriere…, op. cit., p. 52-53
- 32 Reginald Secondé resta en poste de 1973 à 1976, jusqu’à la décision de Londres de retirer son amba (...)
- 33 Mitarbeitergruppe der DDR bei der Botschaft der Republik Finnland in Chile, Presseinformation Chil (...)
- 34 Dans les premières semaines, la nonciature avait même un policier chilien qui contrôlait l’entrée (...)
- 35 Pierre et Françoise de Menthon, El asilo…, op. cit., p. 129.
15Les membres des ambassades européennes ne surent donc comment réagir face à cet afflux de personnes et de demandes d’asile dès les premiers jours qui suivirent le 11 septembre. Cette incertitude fut d’autant plus grande que les ambassadeurs étaient généralement absents et qu’aucune consigne ne venait des ministères de tutelle, faute notamment de communication dans les premières heures puis de décision officielle claire ensuite. Le coup d’État eut lieu un mardi et il fallut attendre le jeudi pour pouvoir se rendre dans les bureaux des ambassades, une fois le couvre-feu partiellement levé en journée. Les positions et la rapidité des décisions varièrent ensuite d’un pays à l’autre. La Suède fut la première à ouvrir ses portes, suivie des Pays-Bas, de la France et de la RFA. Selon Klaus Platz, alors consul de la RFA à Santiago, l’ambassadeur français Pierre de Menthon, soutenu par ses collaborateurs sur place30, fut motivé par la tradition libérale de son pays mais aussi par une conviction religieuse très profonde31. Les Britanniques, eux, refusèrent d’accueillir le moindre réfugié dans leur ambassade tant que le gouvernement conservateur fut au pouvoir. La victoire du Labour en mars 1974 changea la donne et en août 1974, l’ambassadeur Reginald Secondé32 avait recueilli 15 réfugiés33. Le chef de mission autrichien ne se montra pas plus ouvert, soit par erreur de jugement, soit par conviction, selon le consul allemand. Le chancelier social-démocrate Bruno Kreisky le convoqua cependant à Vienne et le remplaça par un jeune chargé d’affaires qui ouvrit alors grand les portes de l’ambassade. Parmi les autres représentations diplomatiques européennes encore ouvertes, l’Espagne, l’Irlande, l’Italie, la Norvège et la Suisse accueillirent des réfugiés – la RDA aussi, via la Finlande. De même, la nonciature accepta, tardivement, d’héberger des demandeurs d’asile34. Le Canada finit également par accorder l’asile diplomatique à 50 ou 60 personnes, la veille de l’ultimatum de la junte fixé au 10 décembre 197335.
- 36 Vermerk über ein Gespräch des Leiters der abt. Nordeuropa, Gen. Nier, mit Tötterman, dem Staatssek (...)
- 37 En mars 1974, l’ambassadeur ouest-allemand évoquait ainsi une réunion avec les Pays-Bas, la France (...)
- 38 En témoignent les carnets de Françoise de Menthon, rapportant les échanges entendus lors des récep (...)
- 39 Nous n’avons pas encore réussi à trouver l’information concernant la période qui suivit immédiatem (...)
16Derrière ce rapide survol, qui souligne le poids des enjeux nationaux très distincts, se dessine une interaction complexe entre ambassades mais aussi entre elles et la junte. Les ambassadeurs tentèrent en effet de travailler en grande partie en accord les uns avec les autres. Le 28 septembre 1973, les ambassades de Finlande, de Suède, indienne et mexicaine déposèrent ensemble auprès du gouvernement une demande de garanties pour la sécurité des Chiliens se trouvant déjà dans leurs murs36. Les Européens de l’Ouest notamment mirent en commun leurs informations et leur expérience. Des réunions eurent lieu pour s’informer les uns les autres de la situation dans le pays et au sein de chaque ambassade37. Les réceptions et autres événements informels servirent également de moments d’échanges, entre elles et avec le gouvernement, en faveur des victimes de la répression38. L’enjeu était en outre de pouvoir représenter une position à peu près commune vis-à-vis de la junte39.
- 40 Françoise et Pierre de Menthon, El asilo…, op. cit., p. 113.
- 41 Klaus Platz, Erfahrungsbericht, Santiago, 23 avril 1975, PA AA, NL LN, dossier 17.
17De fait, toute une organisation dut être mise en place pour accueillir ces personnes et obtenir leur départ à l’étranger dans un pays sûr. Différentes étapes étaient nécessaires avant que les personnes puissent être accueillies au sein de l’ambassade – qu’il s’agisse des bureaux ou de la résidence de l’ambassadeur. Les demandeurs d’asile diplomatique devaient déjà entrer dans l’ambassade. Quand ils n’arrivèrent pas cachés dans le coffre d’une voiture, la plupart sautèrent par-dessus les murs et les grilles, en essayant d’échapper à la vigilance des policiers ou soldats chiliens chargés de surveiller ces ambassades. Si les ambassadeurs cherchèrent à maîtriser le flux des arrivées, donnant en amont leur accord pour la venue de telles ou telles personnes, cela n’empêcha pas des incursions non négociées. Ainsi, à l’arrivée inopinée d’un homme ayant sauté par-dessus le mur de la résidence, et qui s’avéra être l’ami de personnes déjà réfugiées chez eux, l’épouse de l’ambassadeur de France écrivit dans ses carnets que pour elle et son mari, non prévenus, cela leur semblait être un « abus de confiance40 ». Une note verbale des ambassades adressée au ministre de l’Intérieur annonçait ensuite l’arrivée de nouveaux réfugiés et une demande de sauf-conduit était déposée pour que ces personnes puissent quitter le Chili. L’arrivée de réfugiés se poursuivit cependant au-delà de l’ultimatum du 10 décembre 1973. Il fallut alors trouver d’autres moyens de les faire sortir du pays. Une solution fut de demander des sauf-conduits comme s’il s’agissait de personnes réfugiées dans des ambassades latino-américaines, non concernées, quant à elles, par l’ultimatum. Pour cela, il était tactiquement important de maintenir de bons contacts avec les collaborateurs de ces mêmes ambassades41.
- 42 Ibid., p. 131.
18Les documents donnant, côté chilien, l’accord pour le départ et, du côté du futur pays d’exil, pour l’accueil pouvaient mettre du temps à arriver, prolongeant d’autant le séjour au sein de l’ambassade. Les locaux durent être aménagés en conséquence, afin de dégager de la place pour installer des matelas et organiser la vie quotidienne de ces dizaines de personnes. L’ambassadeur et sa famille ne disposaient souvent plus que de leur chambre à coucher comme espace privé. La tension pouvait être forte dans un tel huis clos. Le conseiller de l’ambassade du Venezuela fut ainsi pris en otage par les réfugiés en décembre 1973 pour faire pression sur les négociations avec Caracas et obtenir plus rapidement les précieux papiers42. Le sauf-conduit enfin obtenu, le visa entre les mains, les futurs exilés pouvaient alors se mettre en route pour l’aéroport. Tout pouvant encore arriver – et certains furent arrêtés juste au moment de l’ultime contrôle –, ils étaient souvent accompagnés jusqu’au pied de la passerelle par des diplomates et collaborateurs de l’ambassade dans laquelle ils avaient trouvé refuge.
19Le travail et la vie quotidienne des ambassades se virent ainsi profondément bouleversés par l’accueil dans leurs locaux de ces hommes, femmes et enfants. L’étude de cas de la manière dont l’ambassade de la RFA a réagi à cette situation de crise permet de mieux comprendre le complexe processus de négociation qui conduisit à l’application de l’asile diplomatique par une ambassade européenne et les conséquences que cette décision eut sur les collaborateurs comme sur le fonctionnement de l’ambassade au jour le jour.
Ambassades et ambassadeurs dans la crise : le cas ouest-allemand
- 43 Klaus Platz, Eine mittelmässige Karriere…, op. cit., p. 33.
20Durant les mois qui suivirent le coup d’État, le petit monde des ambassades se trouva mis à rude épreuve. Il leur fallut adopter leurs pratiques à un contexte très tendu et peu lisible, mais aussi travailler avec des partenaires plus ou moins familiers. Le jeune conseiller de la RFA Klaus Platz se rendit ainsi compte qu’il ne lui fallait plus seulement observer de manière neutre et quasi scientifique la politique chilienne, mais agir soudain de manière très concrète et prendre parti43. Or ces changements non seulement ne furent pas vécus de la même manière par les différents membres de l’ambassade – et de vives tensions se firent sentir au fil des jours –, mais à cela s’ajoutèrent des pressions de diverses natures exercées depuis l’extérieur, au Chili et en Europe.
- 44 Outre Fernando Camacho Padilla, « Los asilados de las embajadas… », art. cit., voir Pascale Bonnef (...)
- 45 Le cinéaste Nanni Moretti a rappelé cet épisode dans son documentaire Santiago, Italia (Italie, 20 (...)
- 46 Pierre et Françoise de Menthon, El asilo…, op. cit.
- 47 La documentariste Carmen Castillo a retracé cette histoire dans Chili 1973, une ambassade face au (...)
- 48 Klaus Platz, Eine mittelmässige Karriere…, op. cit., p. 21 ; Helmut Frenz, … ich weiche nicht zurü (...)
- 49 Un exemple parmi d’autres : « Befremden in Chile über Bonn », Stuttgarter Zeitung, 3 mai 1973.
- 50 Actes personnels de K. Lüdde-Neurath, Bonn, 11 février 1950, PA AA, P14, 53.020.
- 51 Voir les cartes postales et lettres de remerciements envoyées à Lüdde-Neurath par d’anciens réfugi (...)
21Parmi les ambassades européennes qui accueillirent des réfugiés politiques dans les mois qui suivirent le coup d’État, nous aurions pu étudier d’autres cas que celui de la RFA. L’engagement spectaculaire de l’ambassadeur suédois Harald Edelstam, qui a permis de sauver directement plus de 500 personnes jusqu’à son rappel à Stockholm début décembre 1973, est bien connu, et a été souligné et décrit ailleurs44. L’Italie, dont la résidence disposait d’un grand terrain difficile à contrôler, accueillit dans son ambassade plus de 700 réfugiés politiques45. L’ambassadeur de France et son épouse, Pierre et Françoise de Menthon, ont témoigné de la densité de ces longs mois durant lesquels ils accueillirent plus de 150 personnes, dont 40 enfants46 : la France aida à partir près de 1 000 hommes et femmes entre septembre 1973 et janvier 197447. Le cas ouest-allemand est cependant particulièrement intéressant pour souligner la complexité d’un processus de négociation se jouant aussi bien à l’échelle locale qu’internationale. Il a en outre donné lieu à des interprétations assez divergentes. Pour certains, comme l’ancien consul de la RFA à Santiago ou le pasteur Helmut Frenz, Kurt Lüdde-Neurath était un homme peu courageux, se méfiant de tout et n’osant prendre aucune décision sur le terrain sans avoir l’aval de Bonn48. Il existait de plus une méfiance vis-à-vis de la carrière de l’ambassadeur, dont la nomination en mai à Santiago avait déjà inquiété certains49. En effet, né en 1911, Lüdde-Neurath, était entré au NDSAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei) en 1939 et avait dirigé une section d’assaut des SA avant de travailler comme jeune diplomate à l’ambassade d’Allemagne au Japon pendant la guerre50. Ce passé laissa planer le doute sur ses convictions personnelles à l’égard de la junte. Pour d’autres, comme d’anciens réfugiés recueillis dans la résidence ouest-allemande ou des Allemands qui étaient à l’époque engagés dans la résistance à la junte, il fit au contraire preuve de clairvoyance et de courage51. De fait, il est frappant de voir combien chacun au sein de l’ambassade travailla de manière non conventionnelle.
22L’ambassade de la RFA ne put rouvrir ses portes que le vendredi 14 septembre. Tous apprirent alors que le gouvernement social-démocrate de Willy Brandt avait fermement condamné le putsch. Jusque-là seuls des appels téléphoniques locaux avaient été possibles. En l’absence de l’ambassadeur, lui aussi encore en vacances en Europe, et alors que le chargé d’affaires Gerhard Mikesch, malade, était peu présent, l’équipe se sentit démunie. Restait notamment le jeune consul Klaus Platz, en poste depuis mars 1972. Or très vite arrivèrent dans les bureaux de l’ambassade des Chiliens et non-Chiliens demandant l’asile diplomatique. La réponse qui leur fut donnée par le consul et ses collaborateurs fut négative : l’asile diplomatique n’existait pas pour leur pays, mieux valait chercher refuge dans une ambassade latino-américaine. Rapidement en effet circula l’information selon laquelle les ambassades du Mexique et de Colombie acceptaient de les accueillir. Il était en outre relativement facile de sauter par-dessus leur enceinte, qui longeait un terrain de golf. Mais très vite, ces ambassades furent pleines à craquer et très étroitement surveillées depuis la rue par la police et l’armée chiliennes.
- 52 Klaus Platz, Eine mittelmässige Karriere…, op. cit., p. 36.
- 53 Il s’agissait de la Néerlandaise Annie Went et du révérend suisse Theo Tschuy qui restèrent au Chi (...)
23L’ambassadeur Lüdde-Neurath, comme ses collègues, finit par revenir à Santiago une semaine après le coup d’État, dès que les vols reprirent entre le Chili et l’Europe. À partir du 18 septembre, tous les différents acteurs au cœur des négociations à venir se trouvèrent ainsi en présence. Les ambassadeurs d’Europe de l’Ouest se réunirent et furent d’accord pour ne pas reconnaître l’asile diplomatique52. Ce même jour arriva à Santiago la délégation du Conseil œcuménique des Églises, et qui suivit de près ce qui se déroulait en Amérique latine, encourageant et finançant au contraire l’aide immédiate aux victimes de la répression, y compris chiliennes53. Oldřich Haselman, on l’a vu, arriva également à ce moment de Buenos Aires, pouvant dès lors initier au nom de l’ONU des négociations avec la junte.
- 54 Voir la correspondance entre l’ambassade de Santiago et Bonn, PA-AA, AV Neues Amt, 32 998, chemise (...)
- 55 Klaus Platz, Eine mittelmässige Karriere…, op. cit., p. 54.
- 56 Helmut Frenz, … und ich weiche nicht zurück, op. cit., p. 192
24Dans ces premiers moments de tâtonnements, environ 20 personnes, de nationalité allemande, furent hébergées dans la résidence de la RFA. Mais devant le nombre croissant de demandes d’asile venant de Chiliens et de Latino-Américains, la tension montait au sein de l’équipe de l’ambassade. Le 4 octobre, Bonn maintint sa réserve en informant que, en accord avec les autres pays de la CEE, l’asile ne pouvait être accordé qu’en cas de risque de mort immédiate. Neuf jours plus tard, Lüdde-Neurath pria Bonn de prendre position et d’accepter de donner l’asile diplomatique, en vain54. Ainsi, alors même que la junte avait reconnu la création du CONAR et acceptait d’accorder des sauf-conduits aux réfugiés dans les ambassades, ce furent les gouvernements européens qui tardèrent à reconnaître l’asile diplomatique. Sur place, la plupart des collaborateurs de l’ambassadeur s’impatientaient face à une telle indécision, convaincus qu’il fallait ouvrir les portes de l’ambassade55. Le pasteur Helmut Frenz, désireux de trouver un refuge plus sûr pour les hommes et les femmes qu’il cachait dans son église et chez lui, butait également sur la non-action de l’ambassadeur, qui lui répondait que tous les demandeurs d’asile étaient des « tupamaros » qu’il était exclu d’accueillir : Lüdde-Neurath évoquait ici les guérilleros uruguayens qu’il avait connus du temps de son poste à Montevideo, juste avant son arrivée à Santiago – et qui avaient enlevé l’ambassadeur britannique56.
- 57 Klaus Platz, Eine mittelmäßige Karriere…, op. cit., p. 37.
- 58 Télex crypté de Hans-Herrmann Marré (Referat 301/Lateinamerika) à l’ambassade de Santiago, Bonn, 1 (...)
- 59 En janvier 1974, Charles Harper, du COE, résumait ainsi la situation : « [Bonn] avait accueilli de (...)
- 60 Interventionen von Privatleuten aus der BRD (jan-märz 1974), PA AA, AV Neues Amt, 380609.
25Finalement, après six semaines d’attente, les premiers « asilados » firent cependant leur entrée dans les locaux de la représentation diplomatique ouest-allemande. Les raisons et le moment exact de ce changement de politique restent incertains. Selon Klaus Platz, il paraît évident que la décision fut transmise de manière informelle par téléphone, et non par écrit, à l’ambassadeur. Il s’agissait en effet d’agir de manière non officielle, afin de rester dans une « zone grise », et aucun des membres de l’ambassade ne parlait à l’extérieur des personnes accueillies dans leurs locaux comme de demandeurs d’asile57. Le feu vert envoyé par Bonn à Santiago du Chili fut obtenu à la suite d’une série de pressions plus ou moins formelles. Le 18 octobre 1973, le ministère des Affaires étrangères écrivait ainsi à l’ambassadeur pour l’alerter sur le poids de l’opinion publique et des questions pressantes des députés : il devenait urgent de pouvoir fournir des informations concernant le nombre de réfugiés, leur nationalité58. Certains députés, comme le social-démocrate Hans Matthöfer, ou les médias contribuèrent de fait à mobiliser l’opinion publique en faveur d’une aide immédiate et de l’asile diplomatique59. Le monde intellectuel et académique s’engagea également activement et très concrètement pour faire pression sur Bonn afin d’ouvrir ses portes aux demandeurs d’asile. Les universités envoyèrent notamment des invitations adressées à des collègues en danger au Chili ou venant d’autres pays latino-américains afin de faciliter l’attribution d’un visa60.
26S’ouvrit pour l’ensemble de l’équipe une période très délicate où il fallut gérer au jour le jour, et dans un environnement hostile, l’arrivée de dizaines de personnes, leur hébergement, leur prise en charge et, si possible, leur départ vers la RFA ou un autre pays d’exil. Le premier enjeu fut de contrôler les arrivées dans l’ambassade, qui pouvaient se faire de deux manières. Il existait, d’une part, les bureaux consulaires, situés au 7e étage d’un immeuble en centre-ville. [Ill. 1] Il fallait cependant prendre un ascenseur pour les atteindre et l’entrée était gardée par des policiers en faction : l’entrée sans accord d’un membre du consulat y était impossible. D’autre part, la résidence de l’ambassadeur, où il vivait avec sa famille et qui était réservée pour les réceptions officielles, se trouvait, elle, dans le quartier résidentiel de Las Condes à l’est de la ville, où habitait également Pinochet. La résidence était entourée, côté jardin, d’une grille et, à l’arrière, d’un mur d’enceinte. [Ill. 2] Ce fut donc avant tout en sautant par-dessus la grille ou le mur de la résidence que des dizaines d’hommes et de femmes cherchèrent refuge dans l’ambassade.
Ill. 1 : Anciens locaux administratifs de l’ambassade de la RFA, dans le centre-ville de Santiago (© C. Moine)
Ill. 2 : La résidence de l’ambassadeur de la RFA dans le quartier résidentiel de Las Condes à Santiago (© C. Moine)
- 61 Liste des collaborateurs de l’ambassade, n.d. (sans doute fin 1974), PA AA, NL LN, dossier 17 ; Kl (...)
- 62 Helmut Frenz, … und ich weiche nicht zurück…, op. cit., p. 199.
- 63 Klaus Platz, Erfahrungsbericht, Santiago, 23 avril 1975, PA AA, NL LN, dossier 17.
- 64 Entretien téléphonique de l’auteure avec Dieter Maier, 18 février 2017.
27Les demandeurs d’asile diplomatique arrivèrent sans être toujours annoncés et par différents réseaux jusque dans les locaux de l’ambassade. Le premier réseau était celui formé par les diplomates eux-mêmes. Le conseiller aux questions sociales, Walter Nocker, en poste à Santiago depuis mars 1972, avait gardé de nombreux contacts avec des syndicalistes chiliens de l’UP ; Raban von Mentzingen, le conseiller presse et communication en poste depuis début juillet 1973, était marié à une Chilienne qui connaissait également de nombreux membres ou proches de l’UP. Par ailleurs, le colonel Franz Loyo, attaché à la Défense depuis mars 1969 déjà, bénéficiait de bonnes relations avec la junte, ce qui put aussi être utile61. Un deuxième réseau était celui du pasteur allemand Helmut Frenz : tout à la fois à la tête du CONAR et du Comité pour la paix, il amena nombre d’hommes et de femmes à l’ambassade62. Un troisième réseau était bien entendu celui des organisations internationales, comme le HCR, le CIME et la Croix-Rouge. Des cas individuels furent également signalés par un quatrième ensemble de relais en RFA : le gouvernement de Bonn, des partis politiques, des universités, des syndicats63… Un cinquième réseau joua un rôle très important, autour de la section ouest-allemande d’Amnesty International. Dieter Maier, en charge depuis Francfort-sur-le-Main des actions Chili, centralisa ainsi des listes de noms de personnes à localiser ou libérer afin de les conduire à l’ambassade64. Amnesty, comme beaucoup d’ONG, eut une fonction centrale de coordination.
- 65 Caroline Moine, « Denouncing or supporting the Chilean dictatorship in West Germany? Local associa (...)
- 66 Entretien de l’auteure avec Sibylle Riedmiller, Santiago, 9 décembre 2017.
28Le choix des personnes accueillies dans l’ambassade et pouvant bénéficier de l’asile diplomatique se fit donc en interaction avec une série d’acteurs, institutionnels ou non, qui travaillèrent eux-mêmes ensemble. L’ambassadeur joua un rôle certain mais changeant et en partie officieux au sein de ce dispositif. Son consul lui reprocha d’ailleurs un goût du secret jugé peu adapté à la situation. De fait, il se trouve que Kurt Lüdde-Neurath ne fit pas que rester passif face à la situation. Outre ses demandes répétées auprès de Bonn de faire connaître une décision claire concernant l’application ou non de l’asile diplomatique, il chercha également à obtenir des informations fiables concernant les personnes désireuses de se réfugier dans son ambassade. Il rencontra ainsi régulièrement, lors de ses promenades avec ses deux chiens, de jeunes Allemands membres de la « nouvelle gauche » et actifs opposants à la junte. Les « Cuatros Alemanes » étaient liés au Comité de solidarité avec le Chili de Berlin-Ouest, lui-même très proche de la section ouest-allemande d’Amnesty65. Sigrun et Dieter Paas, depuis février 1973 au Chili, Rolf Rosenbrock et Sibylle Riedmiller, arrivés juste après le coup d’État, étaient officiellement de jeunes chercheurs en mission à l’université catholique de Santiago ou à l’Unesco. Ils menaient cependant une double vie, informant Berlin-Ouest et Francfort de la situation sous la dictature et aidant les militants de l’UP à trouver refuge dans une ambassade, de l’Ouest ou de l’Est, comme celle de la Finlande/RDA, ou à quitter le pays clandestinement. Sibylle Riedmiller se souvient ainsi avoir informé l’ambassadeur que telles ou telles personnes étaient en quête d’asile, et elle devait l’assurer qu’il ne s’agissait en rien de « terroristes » prônant l’action violente dans leur combat politique66.
- 67 Comme le Bade-Wurtemberg, dirigé par un ancien nazi. Niels Seibert, Vergessene Proteste, Münster, (...)
- 68 Klaus Platz, Erfahrungsbericht, Santiago, 23 avril 1975, PA AA, NL LN, dossier 17. Il est cependan (...)
- 69 Lettre de Lüdde-Neurath à un proche, 14 avril 1974, PA AA, NL LN, dossier 15.
29La crainte de faire venir en RFA des « terroristes » était de fait largement partagée dans les milieux conservateurs à Bonn. Certaines régions, dirigées par la CDU/CSU, refusèrent même de respecter leur quota de réfugiés politiques chiliens, décidé au niveau fédéral67. Outre l’anticommunisme profond régnant en RFA, le contexte national ouest-allemand de la période, avec les attentats de la Fraction armée rouge, explique en grande partie cette politique de filtrage très stricte. Ainsi, en novembre 1973, une commission fut envoyée à Santiago pour soutenir les collaborateurs de l’ambassade dans leur travail administratif. Or l’un de ses membres venait du ministère de l’Intérieur et sa mission fut de réaliser des entretiens avec les candidats à l’asile afin de s’assurer que leur positionnement politique ne représentait aucun danger pour la démocratie de Bonn. L’accueil ne fut donc pas automatique mais répondit à des critères, en grande partie politiques68. Il est d’autant plus frappant de voir combien la position de l’ambassadeur au sujet des demandeurs d’asile chiliens évolua au fil des semaines, au contact des personnes accueillies. Ainsi, il écrivit en avril 1974 à un ami : « Les Chiliens que nous avons hébergés et que nous n’avons pas pu choisir sont, à mon avis, loin d’être aussi mauvais que beaucoup des étrangers non chiliens, révolutionnaires professionnels, qui ont été vendus bon marché par l’UNHCR à tous les pays69. »
- 70 Sur la période allant de fin octobre au 10 décembre 1973. Klaus Platz, Erfahrungsbericht, Santiago (...)
- 71 Télex crypté de Lüdde-Neurath au ministère des Affaires étrangères à Bonn, Santiago, 19 novembre 1 (...)
- 72 Helmut Frenz, … ich weiche nicht zurück, op. cit., p. 197.
- 73 Heinrich Jaenecke (journaliste), Thomas Höpker (photographe), « Jetzt herrscht die nackte Gewalt » (...)
30On le voit, le processus décisionnel qui conduisit à accepter des hommes et des femmes, de nationalité chilienne ou d’autres pays latino-américains, suivit diverses voies et subit plusieurs filtres. Au final, l’ambassade ouest-allemande accueillit jusqu’à plus de 150 personnes en même temps – une centaine dans la résidence et une cinquantaine dans les bureaux70. L’ambassadeur, qui s’installa un temps à l’hôtel pour tenter de regagner un peu de vie privée71, demanda à Bonn de louer une maison pour y installer les « asilados » – invoquant l’exemple de la Suisse qui avait ainsi logé 200 personnes72. L’image de l’ambassadeur s’améliora dans une partie de la presse : un reportage dans le magazine Stern de mars 1974 le présenta comme l’hôte généreux des réfugiés politiques73. [Ill. 3]
Ill. 3 : Lüdde-Neurath et sa femme (debout à gauche) posent avec des réfugiés dans la résidence de l’ambassadeur (Stern, 21 mars 1974, © Thomas Höpker)
- 74 Klaus Platz, Erfahrungsbericht, Santiago, 23 avril 1975, PA AA, NL LN, dossier 17. Pour comparaiso (...)
- 75 Voir notamment Patrice Poutrus, Umkämpftes Asyl. Vom Nachrkriegsdeutschland zur Gegenwart, Berlin, (...)
31Ce fut le 8 juillet 1974 que les derniers réfugiés partirent de l’ambassade de la RFA74. Jusqu’à l’été 1974, ils furent 750 à pouvoir quitter le Chili pour la RFA – qui fut pour certains une étape vers d’autres destinations d’exil, y compris à l’Est. En tout, ils furent 2000 Chiliens à être accueillis sous la dictature en Allemagne de l’Ouest. Cela représenta une étape importante dans l’évolution de la politique d’asile de Bonn vers un certain universalisme : il fallait aider les victimes de dictatures, quelle que soit la couleur politique du régime incriminé75. Auparavant, l’accueil avait été avant tout réservé aux Européens fuyant les régimes communistes de l’Est (Hongrie en 1956, Tchécoslovaquie en 1968). On l’a constaté, les débats furent vifs au sujet du Chili, mais l’acceptation de ces réfugiés témoigne bel et bien de l’évolution en profondeur de la société ouest-allemande et de ses dirigeants, vers une nouvelle culture politique, moins dominée par l’anticommunisme des deux décennies précédentes.
- 76 Ulrich Kohls/Allgemeine Deutsche Nachrichtendienst der DDR, « Zur innenpolitischen Situation in Ch (...)
- 77 Le Comité pour le retour des exilés parlait en 1982 de 37 292 réfugiés politiques.
32À l’été 1974, les ambassadeurs n’en eurent pas fini avec les négociations entre Santiago et leur pays. Il fallut discuter du sort des prisonniers politiques par exemple, qui furent en partie libérés sous la pression internationale. En octobre 1974, 107 Chiliens étaient encore réfugiés à l’ambassade d’Italie76. Mais au final, selon l’UNHCR, de 20 000 à 40 000 exilés politiques purent partir du Chili77. Or des milliers partirent via les ambassades, européennes ou non, qui les accueillirent au nom de l’asile diplomatique.
33Le moment chilien étudié ici durant les premiers mois de la dictature est ainsi exemplaire à différents titres. Il témoigne premièrement, en termes d’asile diplomatique, de l’influence du modèle latino-américain sur le modèle européen – et non l’inverse. Ce fut la reconnaissance par les ambassades latino-américaines de cet asile qui conduisit la junte à accorder à l’ensemble des ambassades encore ouvertes à Santiago la possibilité de demander des sauf-conduits pour les personnes ayant trouvé refuge dans leurs murs. Et les États européens décidèrent alors seulement d’ouvrir leurs portes.
34Il est aussi important, deuxièmement, de nuancer l’idée d’un accueil systématique des opposants chiliens et latino-américains à la dictature. Les États européens mirent du temps avant de les accueillir et n’acceptèrent pas tout le monde, posant des critères plus ou moins stricts, qui amenèrent à prolonger le séjour des demandeurs d’asile dans les ambassades à Santiago. Le contexte de guerre froide eut des effets complexes. Ainsi, la peur du communisme à l’Ouest, mais aussi la peur des militants d’extrême gauche à l’Est constituèrent des freins en Europe à la politique de l’accueil d’une partie des réfugiés politiques latino-américains et chiliens – au-delà des appels officiels à la solidarité internationale de certains États à l’Est. Les informations venant du terrain comme les témoignages concernant les crimes commis par la junte eurent parfois pour effet de faire bouger les lignes idéologiques des uns et des autres.
35Troisièmement, dans le choix des personnes pouvant bénéficier de l’asile diplomatique intervint de manière plus ou moins formelle une grande diversité d’acteurs, institutionnels ou non, mais également diplomatiques ou non, dont des ONG et associations, comme Amnesty ou le Comité pour la paix. Ces dernières eurent ainsi un rôle central de coordination au cœur de la circulation des informations, essentielles pour identifier telle ou telle personne en danger et devant être mise à l’abri de la répression de la junte.
- 78 « Les personnes évacuées de l’ambassade de France à Phnom Penh sont attendues à la frontière thaïl (...)
36Enfin, pour les membres des ambassades, il fallut donc négocier tout à la fois avec leur gouvernement et avec les autorités locales. Or le cas chilien montre comment la dictature chilienne a joué dans un premier temps l’ouverture et que sans son accord l’asile diplomatique dans les ambassades non latino-américaines n’aurait pu s’appliquer. Comme le rappelait Dupuy en 1976 : « Cette précarité de l’asile diplomatique au regard du droit trouve un écho naturel dans la fragilité relative de son efficacité matérielle. » L’auteur avait en tête non seulement les cas très récents chilien mais également cambodgien. De fait, à Phnom Penh, après l’entrée des Khmers rouges dans la ville, le vice-consul français avait certes obtenu le 18 avril d’un conseil de la ville que l’ambassade soit considérée comme « territoire international de sécurité78 ». Les Khmers rouges entrèrent cependant le 21 avril 1975 dans l’ambassade de France et exigèrent que leur soient remis les 850 Cambodgiens et Cambodgiennes qui s’y étaient réfugiés – ce qui fut fait. Le cas chilien n’en paraît que plus remarquable, comme un moment de négociations en effet d’une grande fragilité, entre logiques locales et internationales.
Notes
1 L’article a été rédigé lors d’un séjour comme chercheuse invitée au sein du Berliner Kolleg Kalter Krieg am Institut für Zeitgeschichte München – Berlin, financé par une bourse du DAAD.
2 Chris Marker, L’ambassade, 1973, 20 minutes, Super 8 mm. Colette Godard, « Le Super 8 au Ranelagh », Le Monde, 26 décembre 1973.
3 Il serait dommage de dévoiler ici le plan final pour qui ne connaît pas encore le film. Voir notamment l’analyse de L’ambassade dans Carolina Amaral de Aguiar, « Chris Marker et l’Amérique latine : cinéma militant et circulation des idées politiques », Cinémas d’Amérique latine, 2013, n° 21, p. 4-16, p. 12-14.
4 Pour une présentation de la mise en place de la dictature chilienne, voir par exemple Carlos Huneeus, El régimen de Pinochet, Santiago, éd. Sudamericana, 2000.
5 Sur les échos internationaux du 11 septembre 1973, voir Olivier Compagnon, Caroline Moine, « Pour une histoire globale du 11 septembre 1973 », Monde(s). Histoire, espaces, relations, 2015, n° 8, p. 9-26.
6 Fernando Camacho Padilla, « Los asilados de las embajadas de Europa Occidental en Chile tras el golpe militar y sus consecuencias diplomáticas: El caso de Suecia », Revista Europea de Estudios Latinoamericanos y del Caribe/European Review of Latin American and Caribbean Studies, 2006, n° 81, p. 21-41.
7 Pierre-Marie Dupuy, « La position française en matière d’asile diplomatique », Annuaire français de droit international, vol. 22, 1976, p. 743-755, p. 747-748.
8 Les recherches ont été menées dans les archives des ministères des Affaires étrangères de la RFA et de la RDA (Politisches Archiv des Auswärtigen Amtes [PA AA]), dont notamment le fonds privé du diplomate Lüdde-Neurath (NL LN), ambassadeur de la RFA au Chili de 1973 à 1976 ; les archives du Centre de recherche et de documentation sur le Chili et l’Amérique latine de Berlin (FDCL) ; les archives du Human Rights Resources Office for Latin America du Conseil œcuménique des Églises à Genève (COE/HRROLA) ; les archives de l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam (IISH). Les mémoires publiées d’anciens ambassadeurs et membres d’ambassades en poste au Chili durant la période étudiée ici, et des entretiens réalisés à Santiago du Chili et Berlin depuis 2017 ont également servi de sources.
9 Laurence Badel et Stanislas Jeannesson, « Introduction. Une histoire globale de la diplomatie ? », Monde(s), 5, 2014, n° 1, p. 6-26.
10 Johannes Paulmann, « Diplomatie », in Jost Dülffer, Wilfried Loth (dir.), Dimensionen internationaler Geschichte, Munich, Oldenbourg, p. 47-64 ; Ursula Lehmkuhl, « Entscheidungsprozesse in der internationalen Geschichte. Möglichkeiten und Grenzen einer kulturwissenschaftlichen Fundierung außenpolitischer Entscheidungsmodelle », in Jürgen Osterhammel, Wilfried Loth (dir.), Internationale Geschichte. Themen, Ergebnisse, Aussichten, Munich, R. Oldenbourg Verlag, 2000, p. 187-207.
11 Telles étaient les données officielles du HCR. Voir Helmut Frenz, … und ich weiche nicht zurück, Gustav-Adolf-Werk, 2010, p. 161.
12 Prepared statement of Helmut Frenz, Amnesty International of Germany, and Former President of the Chilean Council for Peace, Human Rights and the Phenomenon of Disappearances: Hearings Before the Subcommittee on International Organizations of the Committee on Foreign Affairs, House of Representatives, 96th Congress, First Session, 20-25/09, 18/10/1979, Washington, US Government Printing Office, 1980, p. 177-188, p. 177-178.
13 Caroline Moine « Christliche Solidarität mit Chile. Helmut Frenz und der transnationale Einsatz für Menschenrechte nach 1973 », in Frank Bösch, Caroline Moine, Stefanie Senger (dir.), Internationale Solidarität. Globales Engagement in der Bundesrepublik und DDR, Göttingen, Wallstein, 2018, p. 93-121.
14 Voir Michal Zourek, Checoslovaquia y el Cono Sur 1945-1989. Relaciones políticas, económicas y culturales durante la Guerra Fría, Prague, Charles University, 2014, p. 171.
15 Autoriza Funcionamiento de CONAR, Decreto n° 308, Santiago, 3 octobre 1973, COE, HRROLA, boîte 429.07.29.
16 Lettre de Helmut Frenz à Ohle Dahlén, Santiago, 17 décembre 1973, COE, HRROLA, boîte 429.07.29.
17 Antoine Pécoud, « De la “gestion” au contrôle des migrations ? Discours et pratiques de l’Organisation internationale pour les migrations », Critique internationale, 2017, n° 76, p. 81-99, p. 84-85.
18 Thomas C. Wright, Rody Oñate, Flight from Chile: Voices of Exile, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1998, p. 42.
19 Ewen MacAskill, Jonathan Franklin, « Latin America’s Schindler: A forgotten hero of the 20th century », The Guardian, 14 décembre 2016.
20 CIME, Special program for the resetlement of persons from Chile directly or via other countries of Latin America, 24 avril 1975, PA AA, B 33, 101784, chemise « Humanitäre Hilfe, 1975-1976 ».
21 COPACHI, Nota al balance del 28/02/1974 sobre el financiamiento, COE, HRROLA, boîte 429.07.30, chemise « Committee for Peace (COPACHI), Early formation and first programs 1973-1974 ».
22 Pierre et Françoise de Menthon, El asilo contra la opresión, Santiago, Editorial del Museo de la Memoria y los Derechos Humanos, 2013, p. 68 (traduction en espagnol de l’ouvrage de P. de Menthon, Je témoigne. Québec, 1967. Chili, 1973, avec les carnets de Françoise de Menthon, Paris, Éditions du Cerf, 1979).
23 Thomas Fischer, « La Suisse et la représentation des intérêts américains à Cuba dans les années 1961-1977 », Relations internationales, 2010, n° 44, p. 73-86.
24 Helmut Frenz, … und ich weiche nicht zurück, op. cit., p. 205-206.
25 Elodie Giraudier, « Échos du coup d’État dans les réseaux démocrates-chrétiens européens », Monde(s). Histoire, espaces, relations, 2015, nº 8, p. 65-82, p. 77.
26 Pierre-Marie Dupuy, « La position française… », art. cit.
27 Françoise et Pierre de Menthon, El asilo…, op. cit., p. 82.
28 Voir le texte de la convention en ligne : http://www.oas.org/en/sla/dil/inter_american_treaties_A-46_diplomatic_asylum.asp
29 Klaus Wilhelm Platz, Eine mittelmäßige Karriere. 36 Jahre im Auswärtigen Dienst, Norderstedt, Books on Demand, 2006, p. 37.
30 Citons notamment Loïc Hennekine et Jean-Noël de Lacoste, premier et deuxième conseillers.
31 Klaus Platz, Eine mittelmäßige Karriere…, op. cit., p. 52-53
32 Reginald Secondé resta en poste de 1973 à 1976, jusqu’à la décision de Londres de retirer son ambassadeur à la suite de l’arrestation et du cas de torture de Sheila Cassidy, citoyenne britannique.
33 Mitarbeitergruppe der DDR bei der Botschaft der Republik Finnland in Chile, Presseinformation Chile, 11-23 août 1974, PA-AA M1 3343, p. 54.
34 Dans les premières semaines, la nonciature avait même un policier chilien qui contrôlait l’entrée de l’intérieur. Voir Helmut Frenz, … und ich weiche nicht zurück, op. cit., p. 191.
35 Pierre et Françoise de Menthon, El asilo…, op. cit., p. 129.
36 Vermerk über ein Gespräch des Leiters der abt. Nordeuropa, Gen. Nier, mit Tötterman, dem Staatssekretär im finnischen Außenministerium, am 28/9/1973, PA AA, M1 3342, p. 34-35.
37 En mars 1974, l’ambassadeur ouest-allemand évoquait ainsi une réunion avec les Pays-Bas, la France et la Grande-Bretagne. Note de K. Lüdde-Neurath, 13 mars 1974, PA AA, NL Lüdde-Neurath, dossier 12.
38 En témoignent les carnets de Françoise de Menthon, rapportant les échanges entendus lors des réceptions.
39 Nous n’avons pas encore réussi à trouver l’information concernant la période qui suivit immédiatement le coup d’État, mais en 1977 c’était la Belgique qui représentait les neuf pays de la CEE. Voir la lettre du ministre des Affaires étrangères de la RFA, Hans-Dietrich Genscher, au Comité de solidarité anti-impérialiste de la RFA, 14 août 1977, IISH, Collection Antiimperialistisches Solidaritätskomitee (Frankfurt am Main), boîte 10.
40 Françoise et Pierre de Menthon, El asilo…, op. cit., p. 113.
41 Klaus Platz, Erfahrungsbericht, Santiago, 23 avril 1975, PA AA, NL LN, dossier 17.
42 Ibid., p. 131.
43 Klaus Platz, Eine mittelmässige Karriere…, op. cit., p. 33.
44 Outre Fernando Camacho Padilla, « Los asilados de las embajadas… », art. cit., voir Pascale Bonnefoy, « Bending the rules: An ambassador’s quest to save lives », in Marcia Esperza, Carla De Ycaza (eds.), Remembering the Rescuers of Victims of Human Rights Crimes in Latin America, Lanham, Lexington Books, 2017, p. 25-56 ; Germán Perotti, Jan Sandquist, Harald Edelstam: Héroe del humanismo, defensor de la vida, Santiago, LOM, 2013. Notons également la mini-série télévisée de Mika Kurvinen, Invisible Heroes (Finlande-Chili, 2019, 282 minutes), une fiction rendant hommage à l’action et à l’engagement de Harald Edelstam et du jeune diplomate finlandais Tapani Brotherus.
45 Le cinéaste Nanni Moretti a rappelé cet épisode dans son documentaire Santiago, Italia (Italie, 2018, 1 h 20). Voir aussi Helmut Frenz, … ich weiche nicht zurück, op. cit., p. 197.
46 Pierre et Françoise de Menthon, El asilo…, op. cit.
47 La documentariste Carmen Castillo a retracé cette histoire dans Chili 1973, une ambassade face au coup d’État (France, 2019, 52 minutes).
48 Klaus Platz, Eine mittelmässige Karriere…, op. cit., p. 21 ; Helmut Frenz, … ich weiche nicht zurück, op. cit, p. 191-192.
49 Un exemple parmi d’autres : « Befremden in Chile über Bonn », Stuttgarter Zeitung, 3 mai 1973.
50 Actes personnels de K. Lüdde-Neurath, Bonn, 11 février 1950, PA AA, P14, 53.020.
51 Voir les cartes postales et lettres de remerciements envoyées à Lüdde-Neurath par d’anciens réfugiés dans la résidence et désormais exilés en RFA : PA AA, NL LN, dossier 15 ; entretien de l’auteure avec Sibylle Riedmiller, Santiago, 9 décembre 2017.
52 Klaus Platz, Eine mittelmässige Karriere…, op. cit., p. 36.
53 Il s’agissait de la Néerlandaise Annie Went et du révérend suisse Theo Tschuy qui restèrent au Chili du 18 septembre au 4 octobre 1973 : « Early missions to Chile, 1973-1974 », COE, HRROLA, boîte 429.01.05.
54 Voir la correspondance entre l’ambassade de Santiago et Bonn, PA-AA, AV Neues Amt, 32 998, chemise « Diplomatisches Asyl (1973-1981) ».
55 Klaus Platz, Eine mittelmässige Karriere…, op. cit., p. 54.
56 Helmut Frenz, … und ich weiche nicht zurück, op. cit., p. 192
57 Klaus Platz, Eine mittelmäßige Karriere…, op. cit., p. 37.
58 Télex crypté de Hans-Herrmann Marré (Referat 301/Lateinamerika) à l’ambassade de Santiago, Bonn, 18 octobre 1973, PA AA, B AV Neues Amt, 32998.
59 En janvier 1974, Charles Harper, du COE, résumait ainsi la situation : « [Bonn] avait accueilli des demandeurs d’asile, sous la pression de sa propre population, notamment d’Amnesty International et de certains groupes religieux, et d’une bonne partie de la presse ». Lettre à John Sinclair, Genève, 6 janvier 1974, COE, HRROLA, boîte 429.01.05.
60 Interventionen von Privatleuten aus der BRD (jan-märz 1974), PA AA, AV Neues Amt, 380609.
61 Liste des collaborateurs de l’ambassade, n.d. (sans doute fin 1974), PA AA, NL LN, dossier 17 ; Klaus Platz, op. cit., p. 38.
62 Helmut Frenz, … und ich weiche nicht zurück…, op. cit., p. 199.
63 Klaus Platz, Erfahrungsbericht, Santiago, 23 avril 1975, PA AA, NL LN, dossier 17.
64 Entretien téléphonique de l’auteure avec Dieter Maier, 18 février 2017.
65 Caroline Moine, « Denouncing or supporting the Chilean dictatorship in West Germany? Local associations of solidarity and their transnational networks since the 1970s », Global Society, 2019, n° 33, p. 332-347.
66 Entretien de l’auteure avec Sibylle Riedmiller, Santiago, 9 décembre 2017.
67 Comme le Bade-Wurtemberg, dirigé par un ancien nazi. Niels Seibert, Vergessene Proteste, Münster, Unrast, 2008, p. 172.
68 Klaus Platz, Erfahrungsbericht, Santiago, 23 avril 1975, PA AA, NL LN, dossier 17. Il est cependant difficile de mesurer avec exactitude la part de refus par rapport aux demandes acceptées.
69 Lettre de Lüdde-Neurath à un proche, 14 avril 1974, PA AA, NL LN, dossier 15.
70 Sur la période allant de fin octobre au 10 décembre 1973. Klaus Platz, Erfahrungsbericht, Santiago, 23 avril 1975, PA AA, NL LN, dossier 17.
71 Télex crypté de Lüdde-Neurath au ministère des Affaires étrangères à Bonn, Santiago, 19 novembre 1973, PA AA, AV Neues Amt, 32998.
72 Helmut Frenz, … ich weiche nicht zurück, op. cit., p. 197.
73 Heinrich Jaenecke (journaliste), Thomas Höpker (photographe), « Jetzt herrscht die nackte Gewalt », Stern, 21 mars 1974. Archives FDCL, classeur « Chile. Solidarität : Flüchtlinge/Antisolidarität/Lage in Chile 74 ». Je remercie Anja Berkes (MPI für Bildungsforschung, Berlin) pour son aide dans l’obtention des droits auprès du photographe.
74 Klaus Platz, Erfahrungsbericht, Santiago, 23 avril 1975, PA AA, NL LN, dossier 17. Pour comparaison, les treize derniers réfugiés encore accueillis dans la résidence de l’ambassadeur français Pierre de Menthon rejoignirent le 20 janvier 1974 les autres réfugiés qui résidaient dans les bureaux du consulat, Pierre de Menthon, El asilo…, op. cit., p. 145
75 Voir notamment Patrice Poutrus, Umkämpftes Asyl. Vom Nachrkriegsdeutschland zur Gegenwart, Berlin, Ch. Links, 2019.
76 Ulrich Kohls/Allgemeine Deutsche Nachrichtendienst der DDR, « Zur innenpolitischen Situation in Chile », 21 octobre 1974, p. 87, PA-AA, M 1 C 3343.
77 Le Comité pour le retour des exilés parlait en 1982 de 37 292 réfugiés politiques.
78 « Les personnes évacuées de l’ambassade de France à Phnom Penh sont attendues à la frontière thaïlandaise », Le Monde, 2 mai 1975 ; Jean-Jacques Cazaux, Claude Juvénal, « La vie à l’ambassade de France et l’évacuation de Phnom Penh », Le Monde, 9 mai 1975 ; voir aussi le documentaire radiophonique d’Alain Lewkowicz, Huis clos à Phnom Penh, réalisé par Séverine Cassar (France Culture, 19 janvier 2016, 53 minutes).
Haut de pageTable des illustrations
Titre | Ill. 1 : Anciens locaux administratifs de l’ambassade de la RFA, dans le centre-ville de Santiago (© C. Moine) |
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URL | http://journals.openedition.org/diasporas/docannexe/image/5668/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 591k |
Titre | Ill. 2 : La résidence de l’ambassadeur de la RFA dans le quartier résidentiel de Las Condes à Santiago (© C. Moine) |
URL | http://journals.openedition.org/diasporas/docannexe/image/5668/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 147k |
Titre | Ill. 3 : Lüdde-Neurath et sa femme (debout à gauche) posent avec des réfugiés dans la résidence de l’ambassadeur (Stern, 21 mars 1974, © Thomas Höpker) |
URL | http://journals.openedition.org/diasporas/docannexe/image/5668/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 484k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Caroline Moine, « Négocier l’asile diplomatique : les ambassades face au coup d’État du 11 septembre 1973 au Chili », Diasporas [En ligne], 36 | 2020, mis en ligne le 25 mars 2022, consulté le 17 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/diasporas/5668 ; DOI : https://doi.org/10.4000/diasporas.5668
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