1Olivier Aïm est Maître de Conférences en Sciences de l’information et de la communication au CELSA (Sorbonne Université). Il est l’auteur, avec Anneliese Depoux, Docteure en Sciences de l’information et de la communication et chercheuse associée au laboratoire de recherche du CELSA, de l’article publié en 2015 qui a servi de point de départ à la rubrique « Débat-discussion » de Distances et médiations des savoirs (DMS) durant l’année 2024 (Aïm et Depoux, 2015). Nous l’avons rencontré pour évoquer avec lui les différentes contributions proposées dans les numéros 45 à 47 de DMS et revenir sur les grands thèmes abordés dans l’article de 2015, à la lumière de la problématique actuelle de l’évolution du cours magistral et de la notion de magistralité.
Claire Peltier : En 2015, vous avez publié un article intitulé « D’une magistralité l’autre : remédiation de l’éthos professionnel dans un dispositif de type MOOC ». Cet article faisait partie d’un numéro thématique de Distances et médiations des savoirs (DMS) intitulé « Le cours magistral a-t-il un avenir ? ». Par le hasard des choses, c’est dans ce numéro que la rubrique « Débat-discussion » était lancée par Daniel Peraya. Près de dix ans plus tard, la rubrique change de mains et de formule en proposant un débat-discussion établi sur la base d’un article précédemment publié dans DMS. C’est votre article, publié en 2015, que j’ai choisi de soumettre comme point de départ aux contributeurs et contributrices sollicités pour participer au débat de l’année 2024.
Comme je l’expose dans le texte de présentation du débat (DMS, no 45), ce n’est pas tant sur la thématique des MOOC que je souhaitais revenir avec les auteurs invités que sur celle du cours magistral qui est actuellement au cœur de nombreux questionnements, notamment en lien avec les besoins de flexibilité exprimés par les étudiants à l’issue de la pandémie de Covid et l’adoption plus large des enregistrements de cours comme moyen de substitution pour suivre les cours magistraux présentiels (Peltier, 2023).
Votre article de 2015 m’a semblé fort intéressant, car il aborde la question du cours magistral sous un angle communicationnel, mais aussi pédagogique. Or, comme je le rappelle dans le texte de présentation en évoquant une formule de Geneviève Jacquinot (2007), le « pacte d’alliance » entre les sciences de l’éducation et les sciences de l’information et de la communication peine parfois à se concrétiser. Votre texte, à l’articulation des deux disciplines, me semblait être l’occasion idéale pour favoriser cette rencontre.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais brièvement évoquer les différentes contributions qui ont été proposées dans les numéros de cette année 2024 (DMS, nos 45, 46 et 47). Il y a été question de l’évolution historique du cours magistral et des formes de magistralité et notamment de la « dissociation » entre cours magistral et amphithéâtre, puisque celui-ci peut aujourd’hui se dérouler dans d’autres lieux que dans cet espace historique (A. Duguet, DMS, no 45) , mais aussi de l’évolution de l’enseignement supérieur marqué par la concurrence entre universités, l’augmentation de la population étudiante et par les réductions budgétaires qui donnent au cours magistral un avantage certain sur les autres formes d’enseignement (B. Mocquet, DMS, no 46). Dans le dernier numéro, M. Romainville (DMS, no47) a d’ailleurs souligné le caractère de « rentabilité » du cours magistral comme étant l’une des raisons de sa persistance malgré des discours dominants plutôt critiques à l’égard d’une forme d’enseignement et d’apprentissage considérée comme peu innovante, voire dépassée.
Votre analyse des MOOC comme dispositif d’énonciation particulier s’articule autour de trois perspectives : une perspective médiologique, une perspective foucaldienne ou sociopolitique et une perspective pragmatique ou relationnelle. Nous allons y revenir. La contribution d’O. Perlot (DMS, no47) me semble pouvoir s’inscrire dans la première d’entre elles avec sa proposition de « détournement » de l’amphithéâtre malgré ses caractéristiques d’« espace panoptique » (Billouet, 2007). Quant à la contribution de D. Paquelin (DMS, no 45) et sa proposition d’aborder le cours magistral sous l’angle d’une : « approche attentionnelle de la magistralité comme une pratique pédagogique de co-engagement », elle me semble faire écho, en partie, à la perspective pragmatique que vous évoquez dans votre texte en faisant appel à la notion de « contrat de communication ». Enfin, la contribution de C. Pélissier (DMS, no 46) revisite, d’une certaine manière, la verticalité de la posture enseignante, en évoquant diverses postures et l’intérêt de sortir d’une vision dichotomique de celles-ci (verticales/horizontales, etc.).
Cet entretien vient donc clore le débat-discussion de 2024. J’ai souhaité vous donner la parole pour entendre votre point de vue sur la notion de magistralité aujourd’hui dans l’enseignement supérieur, ses caractéristiques à la lumière du cadre d’analyse que vous avez mobilisé dans votre article de 2015 et son évolution possible.
Ma première série de questions porte sur l’enseignement supérieur et son contexte actuel post-pandémie. Des études récentes (par exemple Shlomo et Rosenberg-Kima, 2024) soulignent la préférence des étudiants pour des formes d’enseignement et d’apprentissage plus flexibles, associant des modalités présentielles classiques (cours en classe), ainsi que des modalités synchrones (visio-conférence) et asynchrone (cours enregistré). Ces besoins exprimés révèlent à la fois l’intérêt des étudiants pour une plus grande diversité de formats, mais aussi pour un meilleur contrôle de leurs apprentissages en termes de temps, d’espace, mais aussi de rythme. Quel regard portez-vous sur ces besoins qui ne sont sans doute pas nouveaux, mais qui aujourd’hui s’expriment de manière plus affirmée à la faveur des expériences vécues durant la pandémie ?
Olivier Aïm : Avant de répondre à votre question, je voudrais souligner que j’ai beaucoup apprécié la lecture des textes et que je vous rejoins sur deux points essentiels. Le premier c’est que les SIC et les SED, comme on les appelait il y a quelques années, ont tout intérêt à se réunir pour des raisons que nous aurons l’occasion d’évoquer par la suite. Le second a trait à ce que j’avais proposé d’appeler, avec Anneliese Depoux, le « dispositif de magistralité ». Je trouve que c’est une question passionnante et, je vous rejoins à ce sujet, qui n’est finalement pas si traitée que cela en réalité.
La question que vous posez articule une question ancienne qui est celle de la magistralité comme dispositif. Elle est ancienne, mais pas tant que cela au fond et les textes que vous avez publiés nous rappellent qu’en fait le cours magistral naît avec l’augmentation finalement assez récente du nombre d’étudiants. Donc cela articule une question ancienne, la magistralité, et un contexte massif dans la traîne duquel nous sommes encore inscrits. Je pense en effet que, d’une certaine manière, nous ne sommes pas sortis de la crise sanitaire et de ses effets. Cela permet de mettre en perspective, à mon avis, le cours magistral – ou la question de la magistralité – sous deux différents angles. D’abord, je rappellerai, pour faire écho au contexte dans lequel a été écrit cet article, que l’évolution du dispositif de magistralité s’inscrit dans une logique de crises. C’est pour cela que nous avions pensé à Foucault et à sa définition du dispositif. Alors évidemment, il y a la crise récente du Covid, mais au moment où nous avons écrit cet article, il y avait d’autres crises, d’autres enjeux, d’autres questionnements. Tout d’abord, il y avait toujours cette question de l’augmentation du nombre d’étudiants, de la massification, et puis ce que j’appellerais la crise du numérique. Quand nous avons écrit cet article, nous vivions un moment que je désigne, en référence aux théories des médias, comme relevant des paniques médiatiques typiques c’est-à-dire un discours général qui annonce la fin de quelque chose et la naissance d’autre chose. Je me souviens que nous étions dans un tel moment. Il y avait des titres dans la presse qui annonçaient la fin du cours magistral et, en même temps, nous annonçaient l’avènement d’une nouvelle forme, celle du MOOC, qui allait tout régler. Cela montre bien comment fonctionnent les paniques médiatiques avec un versant dysphorique – ou dystopique pourquoi pas –, la fin du cours magistral, et un versant euphorique, l’engouement pour le MOOC. Dans ce contexte, on disait aussi : c’en est fini des capacités de concentration et d’attention des étudiants. Mais en même temps, on attribuait à cette situation un versant positif, c’est-à-dire qu’on nous disait qu’effectivement on avait la solution, que les cours à distance massifs allaient remplacer les cours magistraux. On passait d’un modèle à l’autre, d’où l’intérêt de croiser, comme vous le disiez, des approches communicationnelles, sociologiques, anthropologiques et pédagogiques.
Sous un autre angle, cette question permet de mettre en perspective les enseignements de la crise du Covid. Ce que je veux dire par là c’est que, d’un côté, on voit bien comment le discours de la magistralité s’inscrit dans une histoire de crises ; et la dernière en date, massive, c’est celle du Covid. Mais on peut dire aussi que l’on a tout intérêt à considérer cette question de la magistralité liée à la crise du Covid en fonction d’autres espaces qui sont liés aussi à la co-présence des individus. C’est ce que Jean Davallon appelait les « archéo-médias », c’est-à-dire ces espaces médiatiques où l’on a besoin d’une présence. Et là tout a été rejoué puisque la présence physique n’était plus possible. C’est pour cela que le cas de la magistralité est intéressant dans le contexte de la crise sanitaire et doit aussi être mis en perspective avec les enjeux du travail, des lieux de travail – le fameux télétravail –, mais je pense aussi à des lieux culturels : le musée ou pourquoi pas la salle de cinéma. En tout cas, ce que je dirais pour répondre à cette première question, c’est que l’on s’est rendu compte que le tout numérique, le « solutionnisme technologique », n’est pas la panacée, de même que les MOOC n’ont pas réglé le problème du cours magistral. Et la demande de flexibilité des étudiants que vous évoquez, je la vois aussi dans les deux sens. Il y a une demande d’un plus grand contrôle. J’aime bien cette notion dans le sens de reprise de pouvoir.
CP : Dans le sens positif, d’ailleurs. Le souhait de pouvoir être autonome et d’être agent de son propre apprentissage.
OA : Voilà. Les enjeux classiques d’agentivité, d’empowerment, etc. Et en même temps, ce qui m’a frappé c’est le désarroi dans lequel nos étudiants se sont retrouvés dès lors qu’ils n’étaient qu’en situation distancielle, comme on dit. Pour ma part, comme certainement vous-même et tous nos collègues, j’ai aussi beaucoup vécu ce désir de retourner en cours.
CP : N’y aurait-il pas ici une sorte de paradoxe avec, à la fois, une recherche de flexibilité afin de pouvoir composer avec ses propres besoins, y compris ceux d’être à distance, et de pouvoir s’organiser seul et, en même temps, ce besoin viscéral d’être ensemble ?
OA : Tout à fait. Mais plutôt qu’un paradoxe, je parlerais plutôt d’une dialectique ou d’une diversité. Quand vous évoquez la flexibilité, je me dis que l’erreur dans les paniques médiatiques, dans la théorie sauvage des médias, c’est d’annoncer la fin du cours magistral et l’avènement des MOOC. On est toujours dans une vision binaire. En fait, ce que l’on voit en théorie des médias – et selon moi le cas du dispositif de magistralité le montre particulièrement – c’est qu’il n’y a jamais substitution, mais multiplication des formats, des offres et des logiques d’accès au contenu. Mais en même temps, je pense qu’il y a des désirs différents et qui ne se remplacent pas l’un et l’autre. En fait, ils s’ajoutent l’un à l’autre.
CP : Ce que vous dites là me fait penser à un très beau chapitre de Pierre Mœglin dans l’un de ses ouvrages intitulé « Outils et médias éducatifs ». Dans ce chapitre, il montre que, dans une salle de classe, coexistent, un peu comme des strates géologiques, des dispositifs médiatiques de différentes époques. J’ai été marquée par la description de ce panorama, de cet environnement, qui est composé de dispositifs de nature et d’époques différentes qui coexistent et qui n’ont pas été remplacés les uns par les autres.
OA : Tout à fait. Vous parlez de Pierre Mœglin et de panorama. Pour ma part, j’ai eu la chance de travailler avec l’un de ses collègues, Yves Jeanneret, qui lui parlait de panoplie.
CP : La panoplie de l’enseignement et de l’apprentissage… Je retiens la formule. Quand vous évoquez la panique médiatique et les discours un peu alarmistes, cela renvoie à ce que l’on entend aujourd’hui à propos de la généralisation des dispositifs d’intelligence artificielle. On dit que cela va révolutionner les façons d’apprendre et remettre l’enseignement en question d’une certaine manière. Qu’en pensez-vous ?
OA : Je pense qu’on rejoue toujours les mêmes paniques avec des mots différents. C’est ce que je dis souvent aux étudiants : souvenez-vous de la panique d’il y a cinq ans. Pour moi, la panique c’est à la fois la peur et l’annonce un peu eschatologique d’un nouveau monde dans lequel on bascule. Cela va dans les deux sens. Quand on nous annonçait, il y a cinq ans, qu’on basculait dans le métavers, il y a eu cette panique, cet engouement, cet emballement. C’est aussi ça la panique : notre monde va changer. Finalement, il faut raison garder. Le métavers, on ne le voit pas. Actuellement il y a une panique autour de l’IA de la même manière et on a maintenant une petite expérience de tous ces engouements. Le MOOC était une panique. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien eu. Il y a eu des choses, on en reparlera tout à l’heure. Mais on n’a pas basculé dans un autre monde.
CP : En effet. Mais alors quelle pression tout cela peut-il exercer sur la forme universitaire telle qu’on l’a connue jusqu’à présent et sur ce que vous avez appelé le « contrat de communication » qui est à l’œuvre dans le cours magistral ?
OA : Pour répondre à cette question, je reprendrais la piste de cette demande de flexibilité qui est, selon moi, à considérer dans le sens, non pas d’un remplacement, d’une substitution, mais d’une diversité, d’une pluralité de relations pédagogiques possibles. Et donc, je dirais qu’il n’y a pas un contrat de communication – ce serait une erreur de considérer cela ainsi – mais plutôt plusieurs contrats de communication ou même un contrat de communication composite, d’ailleurs très différent d’un lieu à un autre. Quand vous me dites que dans certaines universités les étudiants sont en attente d’un enregistrement systématique des cours, moi je ne vis pas cela dans mon école et dans mon université. Et pour faire le lien avec les contributions que vous avez collectées dans le cadre de cette rubrique, on observe, selon les contextes, des postures, des rôles, des formats, des attitudes et des formes d’attention diversifiées. De mon point de vue, l’erreur, comme toujours, c’est de considérer que l’on bascule d’un modèle à un autre, d’un contrat à un autre. Au contraire, il y une pluralité de contrats qui se mettent en œuvre. Cette demande de flexibilité renvoie à des attentes diversifiées de la part des étudiants et de la part de l’enseignant aussi.
CP : L’une des grandes difficultés, c’est l’incompréhension que cela peut générer parce d’un côté il y a une demande, une attente, et de l’autre côté une perception de cette demande et de cette attente qui ne se rencontrent pas. C’est pour cela que je trouve que la notion de contrat est importante parce qu’elle nécessite un accord ou, en tout cas une compréhension mutuelle, ce qui n’est pas toujours le cas.
OA : Tout à fait. Et cela montre bien en quoi les cadres sont importants.
CP : Dans votre article de 2015, vous vous demandiez : « dans quelle mesure la parole enseignante effectivement produite et diffusée dans un dispositif séculaire qui s’appelle un “amphithéâtre” lors de cours eux-mêmes décrits comme “magistraux”, appartient à un modèle de transmission et de relation voué à se redéfinir » (§ 4). Quelle est votre position aujourd’hui sur cette question à la lumière de ce que les enseignants et les étudiants ont vécu durant la pandémie ?
OA : Redéfinir, cela renvoie vraiment à l’angle théorique et analytique que j’avais choisi avec A. Depoux pour cet article qui est celui de la remédiation qui, pour moi, est un concept très opératoire parce qu’il permet vraiment de décrire les évolutions en termes de médiations et justement de résister à cet effet de panique et de montrer que l’on est face à des effets dynamiques de redéfinition des choses plutôt qu’à une substitution.
CP : Pouvez-vous expliquer en quelques mots ce concept de remédiation pour notre lectorat qui n’en serait peut-être pas familier ?
- 1 Avec un jeu de mots très heuristique puisque la « remédiation » est à la fois le processus de répar (...)
OA : C’est un concept que je trouve très fort et très simple et qui dit qu’en fait un média ne meurt pas, mais qu’il se remédie, qu’il se réinvente1. C’est-à-dire qu’il y a reconfiguration médiatique lorsque l’on est face à un besoin de remédier à un obstacle, à un problème, en l’occurrence une crise comme celle du Covid. Et dans cette logique de remédiation à quelque chose, il y a une remédiation des outils, des médias, des supports, etc. Ce qui permet de ne pas dire, par exemple, que la télévision est morte, mais qu’elle ne cesse d’être reconfigurée par de nouveaux supports, de nouveaux enjeux, de nouveaux dispositifs. Donc, de ce point de vue-là, je pense que, sur les questions de format et de dispositif de médiation et d’enseignement, ce concept est très fort. Et ce que nous voulions dire au fond dans notre article, et qui me semble rester encore d’actualité, c’est que la magistralité est un dispositif, au sens foucaldien, mais aussi au sens médiatique, d’un cadre relationnel qui se redéfinit à la mesure de ses appropriations et de ses contestations aussi. C’est une mise en concurrence. Au moment où nous avons écrit cet article, la concurrence était triplement numérique. C’est-à-dire que, premièrement, on opposait le modèle du cours magistral avec un modèle sur le web qui était celui, triomphant, de la participation, de l’interactivité, etc. Et donc on était dans des logiques de renversement. Il y avait aussi tout ce modèle de la classe inversée, de l’amphithéâtre inversé, etc. La remédiation c’est aussi l’idée d’un aiguillon. Le modèle classique est aiguillonné par un nouveau modèle médiatique qui vient le taquiner.
CP : C’est une forme d’hybridation en fait ?
OA : Voilà, tout à fait. Et puis il y avait un deuxième modèle de concurrence qui, à mon avis, reste le même – et c’était ça qu’on essayait aussi de montrer dans l’article – qui était le modèle du spectacle audiovisuel. Ce que l’on voyait dans les MOOC, c’était une volonté d’encourager des formats de visualisation, de mise en spectacle, de construction de contenus qui appartenaient aux médias en ligne ; mais aussi avec une concurrence qui était inattendue et qui continue à l’être, c’est-à-dire une concurrence avec des prises de parole beaucoup plus vernaculaires qui sont celles des youtubeurs, des vulgarisateurs, des chaînes TikTok, etc. C’est une deuxième forme de concurrence qui, justement, mettait au cœur la question de l’éthos, c’est-à-dire de la parole. C’était le grand discours des années 2013-2014 de dire qu’une parole verticale d’autorité était vécue comme arrogante et qu’il fallait trouver des formes un peu moins magistrales et imaginer des formes relationnelles un peu plus relâchées.
CP : Dans votre article, vous parliez d’ailleurs de magistralité adoucie.
OA : Exactement. Ce n’est pas un hasard parce que c’est le terme employé par Foucault quand il évoque les logiques d’adoucissement des peines dans « Surveiller et punir ». Et on n’est d’ailleurs pas loin de ce que dit, par exemple, Didier Paquelin (DMS, no 45) du renouvellement de l’attitude autour de l’attention et de l’empathie.
Mais pour terminer sur la question des concurrences, je voudrais mentionner la troisième d’entre elles qui s’est exprimée durant la crise sanitaire lorsque nous étions face à une impossibilité de la présence. Dans ce cas, nous avons pu constater les vertus de la remédiation au sens de : trouver une solution pour faire cours quand même. Mais ce que je dirais aussi, c’est que cette idée que le tout numérique serait LA solution unique a elle-même été nuancée très largement du fait même de la réaction des étudiants autour de cette opposition entre présentiel et distanciel, sur laquelle on pourrait revenir. C’est d’ailleurs très intéressant en termes de remédiation, de réinvention, de redéfinition, parce qu’en fait le distanciel c’est vraiment une remédiation de la présence par le numérique, mais le présentiel, c’est presque une remédiation de la présence après le distanciel. Ce sont des notions qui disent bien que l’on est dans des reconfigurations les unes au regard des autres.
CP : Pour en revenir aux MOOC, plus de dix ans après leur irruption dans le paysage académique, l’engouement autour de ces dispositifs semble quelque peu retombé. Êtes-vous d’accord avec ce constat ? À quoi l’attribuez-vous ?
OA : Je partage votre très largement votre constat. Je pense que nous sommes dans une retombée de l’enthousiasme, dans un retour à un principe de réalité et à la fin de cet emballement que j’appelle aussi « panique » autour des MOOC. D’ailleurs le MOOC a très vite essayé de se remédier lui-même dans d’autres formes. Je pense aux SPOC ou à d’autres formes qui ont vite montré qu’elles ne pouvaient être la solution à tout. Même ces formes-là se sont un petit peu émoussées malgré une euphorie relationnelle liée à un émerveillement technologique autour de ces nouvelles formules considérées comme de nouvelles prophéties. Et là, je rejoins tout à fait ce que vous disiez tout à l’heure sur l’IA, mais je pense aussi au métavers ou aux serious games qui étaient vraiment présentés comme la solution. Outre les différents contextes institutionnels, il y a plein de questions politiques qui affleurent dans les contributions que vous avez collectées. Mais je dirais qu’il y a aussi une importante dimension économique. Je me souviens très bien que le MOOC apparaissait comme une solution au moment où l’on disait que les universités devaient trouver leurs ressources propres. Il y avait là un nouveau modèle économique et une sorte d’euphorie à cet égard. On a vraiment cru qu’on allait vendre des MOOC à foison.
CP : C’est peut-être ce qui explique en partie aussi le maintien du cours magistral. C’est en tout cas ce que dit Marc Romainville dans sa contribution (DMS, no 47) : le cours magistral est un format qui permet de conjuguer les contraintes budgétaires, économiques, la massification, etc.
OA : Tout à fait. Mais j’ajoute, et je l’ai entendu, que le MOOC sous-tendait aussi l’idée qu’on allait gagner de l’argent. Il y avait donc une dimension supplémentaire. Je pense qu’il y avait vraiment cet espoir-là aussi du côté des universités au moment où, en tout cas en France, on nous demandait de trouver nous-mêmes des sources de financement. Et puis il y avait un troisième aspect qui touchait à la question de la certification et de la diplomation. Les MOOC étaient porteurs d’une dimension potentiellement professionnalisante très forte pour nos publics et la question de savoir si l’université allait labelliser les MOOC, comment elle allait les labelliser, etc. aussi été posée. Mais je pense que, de manière générale, ce que l’on a observé rejoint le fonctionnement médiatique que j’évoquais tout à l’heure c’est-à-dire un grand emballement puis le retour au principe de réalité.
CP : Le fameux cycle d’enchantement et de désenchantement de Cuban.
OA : Exactement.
CP : D’après vous, qu’en reste-t-il aujourd’hui et en quoi les MOOC ont-ils contribué au renouvellement de la magistralité ?
OA : L’effet direct des MOOC sur le cours magistral est, à mon avis, assez faible. Nous ne sommes pas dans un modèle mécanique, mais, de mon point de vue, le MOOC a accompagné et peut-être soutenu une double demande relationnelle et donc pédagogique : cette question de l’interactivité, mais aussi du contrôle, de l’empowerment, que vous évoquiez tout à l’heure. Et puis il a accompagné, je pense, l’idée des pratiques qui existaient avant : celles de la visualisation, de la mise en forme des présentations. Cette question est d’ailleurs abordée dans certaines des contributions au débat.
On voit s’esquisser ici les termes d’un autre questionnement passionnant sur la pratique de la magistralité contemporaine : celui de la place des PowerPoint et de l’ensemble des supports visuels de présentation. Et là encore, je l’entends de nos étudiants, on observe une forme de lassitude de cette formule. En fait, je crois que ce qui est compliqué avec la relation d’enseignement – et le MOOC a peut-être contribué à faire croire à cela – c’est que nous ne sommes pas dans des formules, nous ne sommes pas dans des instrumentations uniformes qui peuvent régler le problème. Il y a quelque chose qui se joue toujours dans cette dialectique entre ce qui est écrit, préparé et puis la performance de l’enseignant, son oralisation. Cela amène à se poser les questions suivantes : qu’est-ce que l’on peut montrer ? Jusqu’où on peut montrer des choses ? D’une certaine manière, ces questions apparaissent en filigrane de certaines des contributions autour de cette notion d’attention partagée. À cet égard, il est extrêmement intéressant de constater que montrer quelque chose, un film par exemple, amène au partage d’un moment d’attention collective en cours magistral.
J’ajouterai un dernier point si vous me le permettez, parce que cette discussion m’a vraiment permis d’y réfléchir. Je pense à quelque chose qui s’est installé, en tout cas à la Sorbonne, et qui, à mon avis, a aussi un lien avec les MOOC. Il s’agit des plateformes d’apprentissage en ligne de type Moodle. Je pense qu’il y a quand même quelque chose qui se met en place et il y a une grande demande des étudiants. Dans mon expérience, il est très rare que lors d’un cours en amphi je ne sois pas interpellé par des étudiants qui me disent : est-ce que l’on peut retrouver des éléments sur le Moodle ? Ils sont également friands de contenus supplémentaires, comme des bonus qui constituent à la fois des repères et des compléments pédagogiques sous la forme de documents, d’annexes, de plans, etc.
Je pense que nous sommes ici au cœur de la remédiation, quand une forme permet quand même d’installer d’autres formes complémentaires, même s’il ne s’agit pas d’un effet direct. Les plateformes de type Moodle sont un des éléments que le MOOC peut aussi revendiquer en partie comme un héritage. Et cela m’amène à un dernier point qui pourrait constituer un autre horizon de réflexion autour du cours magistral. En fait, ce qui est mis en question c’est la linéarité du cours et peut-être moins sa verticalité. Et le MOOC mettait à mal ce principe de linéarité en proposant des formes délinéarisées de mise à disposition des contenus. D’une certaine manière, cela renvoie à ce que l’on constate dans l’industrie audiovisuelle où l’on voit que maintenant la télévision est aussi linéaire que ce que l’on va retrouver en replay, que ce l’on va retrouver sur les plateformes, etc. Et je pense qu’en fait l’une des questions autour de la magistralité serait aussi celle-ci : quelle est la part de contenus délinéarisés sur lesquels les étudiants ont une plus grande agency [agentivité, ndlr] par rapport à la linéarité qui reste un besoin, me semble-t-il, une nécessité pédagogique qui est celle du cours, du cursus, du flux de la parole, de l’enseignant en salle ou en amphithéâtre ?
CP : Mais cela veut peut-être dire aussi que, d’une certaine manière, l’émergence des MOOC a permis une certaine reconfiguration des rôles. En offrant une marge de liberté à l’apprenant – l’esprit initial des MOOC c’était vraiment : « Quand je veux, où je veux » – le MOOC a favorisé une plus grande appropriation du rôle d’apprenant qui s’exprime notamment par le souhait d’accéder à des ressources complémentaires, etc. C’est peut-être ce que l’on peut retenir aussi de la généralisation des MOOC, même si l’on en parle moins aujourd’hui ?
OA : Tout à fait. En réfléchissant à partir des textes que vous avez collectés, c’est un peu ce que je me disais. Je pense en effet qu’il y a quelque chose de cet ordre-là, et qui a permis de redéfinir une partie des rôles.
CP : Dans le même ordre d’idées, dans votre article vous convoquiez la notion de « dispositif de magistralité » pour désigner un : « moment de l’histoire didactique dominée par une parole fortement verticalisée et disciplinante, proférée au sein d’espaces quadrillés qui se sont appelés et continuent de s’appeler des “amphis”, des salles de cours ou des salles de conférences. » (§6). Quelles réflexions vous inspire la proposition faite par Olivier Perlot d’une forme de « braconnage » de l’espace amphithéâtre qui bouscule les règles historiquement et, d’une certaine manière, moralement établies pour répondre aux rôles assignés à chacun dans le dispositif de magistralité ?
OA : Là je dirais que nous étions dans la perspective la plus foucaldienne, pour ne pas dire panoptique, de la réflexion, parce qu’en fait ce que l’on vit dans le cours d’amphithéâtre on pourrait le retrouver dans la totalité de la société. C’est ce que Foucault appelait « l’économie de la visibilité » dans « Surveiller et punir », c’est-à-dire : qui peut voir ? Qui a le droit de voir ? Qui voit sans être vu ? Et effectivement, j’ai été sensible à cette description dans l’un des textes qui parlait des écrans face auquel se retrouve l’enseignant. De fait, il y a eu un braconnage qui s’est instauré à partir du moment où les apprenants ont été équipés d’une autonomie, d’une agency, matérialisée par leurs terminaux, par leurs écrans d’ordinateur qui forment un barrage, une contre-visibilité (Aïm, 2020). Donc, de fait, la verticalité ou la linéarité, ou en tout cas le surplomb de la chaire est remis en question. Parce que la chaire c’est le modèle imaginaire de l’amphithéâtre. C’est le surplomb et la verticalité.
CP : Le surplomb et la verticalité, mais en contrebas…
OA : Oui, tout à fait. C’est pour cela que c’est un lieu absolument passionnant, mais qui a quand même, de fait, été braconné directement au sens de Certeau qui réagit au panoptisme. La théorie du braconnage vient discuter le panoptisme et la stratégie face à la tactique. Je me souviens que les étudiants en 2011, 2012, 2013 arrivaient avec leurs téléphones, qui étaient des appareils connectés. De fait, symboliquement, mais pas uniquement, la parole de l’enseignant était vérifiable au moment même où elle était proférée. Je me souviens de ce moment, de cette autre panique, où mes collègues et moi-même nous nous disions : attention, on ne peut plus dire n’importe quoi. Évidemment, les étudiants ont toujours été capables de mettre à distance la parole.
CP : C’est ce qu’on leur demande de faire d’ailleurs.
OA : C’est ce qu’on leur demande de faire, mais là ils étaient équipés dans ce travail de mise à distance et je me souviens très bien de collègues qui disaient : je ne vais plus faire des cours qui soient juste des cours qu’on peut trouver sur Internet. Je ne vais surtout pas faire des copier-coller de contenus directement présents tels quels sur le web. Je ne vais pas faire des cours qui soient vérifiables d’une certaine manière ou contestables directement. Donc ça, je pense que c’est l’un des éléments qui a énormément modifié la relation magistrale et je pense qu’effectivement on a eu un braconnage de fait. Donc est-ce qu’il faut contrer ce braconnage ? Je pense que de toute façon on ne peut pas lutter contre un certain nombre de formes et d’effets qui s’imposent par la présence des outils médiatiques personnels en cours. Je pense que tout l’enjeu c’est effectivement de les prendre en considération, de voir comment on fait avec, sur le plan de l’attention, de l’empathie, presque du soin, du care.
CP : Dans le fond, cela veut dire que l’enjeu majeur face à tous ces bouleversements, c’est vraiment comment on initie et comment on maintient la relation pédagogique ? La relation, c’est ça l’enjeu central, mais qui est très complexe à mettre en œuvre.
OA : Tout à fait. C’est pour cela que la notion de contrat nous plaisait bien et qu’elle continue, à mon avis, à être opérante. Elle pose la question fondamentale du contrat diversifié à établir avec les étudiants en fonction de ces différentes concurrences, de ces effets de braconnage et des volontés de partager le contrôle. Elle permet aussi d’interroger ces moments où quand même il y a un besoin de présence, un besoin de linéarité, je ne vais pas parler de verticalité. Vous voyez, on parle beaucoup d’attention, d’empathie, voire de soin. Je suis tout à fait d’accord avec ça. Et cela m’a rappelé cette formule un peu romantique de Gilles Deleuze qui disait que par la parole magistrale, le professeur est celui qui arrive à réconcilier l’étudiant avec sa solitude. C’est un programme un petit peu romantique, mais il y a aussi ce soin-là, c’est-à-dire, quand même de parler à moment.
CP : Cela veut dire qu’il y a peut-être aussi une rythmique à trouver entre les différentes sphères sociales dans lesquelles on évolue, les différentes pratiques, les différents braconnages, etc. Il y a sans doute quelque chose là, qui est de l’ordre d’une partition musicale pour faire en sorte que cela fonctionne ?
OA : C’est vrai qu’il y a quelque chose à trouver de cet ordre-là.
CP : Je voulais aussi vous entendre sur un élément qui m’intéresse actuellement : celui d’une appropriation beaucoup plus massive qu’auparavant des enregistrements de cours. Ce qui me semblait intéressant dans ces dispositifs médiatiques c’est qu’ils présentent des spécificités relationnelles qui ne sont pas celles des MOOC, car ils n’impliquent pas les différents acteurs de la même façon. Par exemple, dans les captations de cours, il est assez rare que l’enseignant s’adresse aux apprenants qui ne sont pas présents physiquement dans la salle. Cela pourrait-il générer ce que j’ai appelé un « clivage symbolique » entre ceux qui sont présents sur place et ceux qui écoutent ou réécoutent le cours dans un autre espace et/ou dans une autre temporalité ?
OA : Je suis tout à fait d’accord avec vous. C’est pour cela, qu’on le veuille ou non, on rejoint toujours cette question de la parole c’est-à-dire de la part symbolique de la relation. Je suis tout à fait d’accord avec l’idée du clivage symbolique. Ce qui reste quand même la force d’un cours en général et du cours magistral qui est quand même son incarnation, c’est la possibilité d’une rencontre, d’une présence, et d’un événement de la transmission. Alors c’est peut-être encore un peu romantique, mais si nous imaginons un contenu dit plutôt que lu au moment même de sa profération, celui-ci n’aura pas le même effet symbolique, le même effet médiatique. Et donc cette idée de clivage symbolique, je la trouve juste. En tout cas, ce qui est sûr c’est que ce n’est pas le même contrat de communication. Ce n’est pas la même attitude, ce n’est pas la même relation. J’ai été très sensible aussi à l’un de vos auteurs qui a cité Hartmut Rosa en évoquant la notion de résonance. On est aussi dans quelque chose qui est de l’ordre de l’écoute, de la musique, de la parole, et donc du symbolique. Donc, je dirais qu’effectivement, on est sur un autre plan lorsque l’on écoute à distance. C’est autre chose. On revit en fait et on rejoint finalement cette logique de délinéarisation que j’évoquais tout à l’heure. Alors évidemment, on a des cas bien connus ; je pense encore à Foucault dont on peut réécouter les cours donnés au Collège de France, et on imagine la différence d’avoir été présent à ces cours. Mais pour revenir à cette question de symbolique, on se souvient tous très bien que dans le distanciel on s’est retrouvés à faire cours – et l’un de vos auteurs le dit aussi – derrière une constellation de vidéos fermées. Enfin, moi je l’ai vécu vraiment cet effet de l’écran noir sur Zoom. Pour jouer encore avec les mots, je me disais que ce l’on a vécu là était peut-être une autre forme d’absentéisme que l’on pourrait appeler l’« absentiel ». On était là en distanciel, mais ce distanciel a vite basculé dans un absentiel. Et nous avons été bien contents de retrouver le présentiel, justement comme remédiation aux limites que l’on avait trouvées à ces logiques de substitution.
CP : Cela dit, le présentiel ne garantit pas la rencontre, et ça je pense que c’est important de le souligner à l’heure où l’on dit : les étudiants ne viennent plus en cours, il faut les faire revenir. Je pense qu’il faut plutôt travailler la relation pédagogique parce que la rencontre peut avoir lieu tout aussi bien en présence qu’à distance, en synchrone ou en asynchrone. Donc je pense que c’est cet aspect-là, en tout cas de mon point de vue, qu’il faut travailler.
OA : Absolument. Et peut-être que le point commun finalement qui est si fort entre les sciences de l’information et de la communication et les sciences de l’éducation c’est cette notion de relation. Et peut-être qu’on a des choses à se dire sur cette notion-là, sans doute avec la psychologie aussi. D’une certaine façon je déplore que notre discipline s’éloigne des enjeux de relation, justement parce qu’elle est un petit peu envoûtée, comme dirait Yves Citton, par les logiques techniques, instrumentales.
CP : Comme une forme de technocentrisme ? Cela me fait penser qu’au même titre que, vous le disiez tout à l’heure, il ne faut pas opposer présence et distance, il ne me semble pas pertinent d’opposer technocentrisme et anthropocentrisme et qu’il conviendrait, au contraire, d’essayer de trouver un juste milieu entre les deux, une troisième voie en quelque sorte.
OA : Exactement. Et c’est cela, je pense, qui peut constituer un point de convergence entre nos disciplines.
CP : Cela m’amène à vous poser ma dernière série de questions sur les conditions de la réalisation de ce « pacte d’alliance » entre les sciences de l’information et de la communication et les sciences de l’éducation dont parlait Geneviève Jacquinot. Quel regard portez-vous sur la rencontre entre ces deux disciplines, sur leurs points communs ? Ce croisement est-il nécessaire ? Est-il pertinent ? La rencontre s’est-elle vraiment réalisée et, sinon, que manque-t-il aujourd’hui pour la rendre possible ?
OA : La revue « Distances et médiations des savoirs » incarne, à mon avis, le seul espace où cette rencontre a lieu, ce qui me semble vraiment fondamental. Vous parliez de Pierre Mœglin, je vous parlais d’Yves Jeanneret… Cette rencontre était sans doute plus forte il y a quelques années qu’elle ne l’est aujourd’hui. Mais à mon avis il y a quelque chose à faire autour de cette question de la relation, de la transmission, mais aussi de la médiation.
CP : La médiation est une notion qui est encore très polysémique et qui demanderait effectivement à être discutée entre nos deux disciplines.
OA : Oui, mais cela ne me fait pas peur de reprendre des notions qui ont déjà été travaillées, puis de les réinvestir. Nous avons en commun les notions de médiation et de dispositif qui sont des notions polysémiques. Je me souviens du numéro 25 de la revue « Hermès » sur la notion de dispositif où vous aviez près de la moitié des articles qui portaient sur les évolutions de la relation pédagogique. Nous avons des concepts très forts en commun et je pense que nous avons tout intérêt à reprendre cette discussion parce que le cas du cours magistral, pour moi, c’est vraiment un cas médiatique. On peut vraiment l’analyser comme un média avec tous les enjeux symboliques et techniques.
CP : Cela ouvre en tout cas de belles perspectives de réflexions et de collaborations dans nos deux disciplines. Il me reste à vous remercier au nom de DMS d’avoir accepté de conclure le débat-discussion de cette année avec cet échange si riche qui, j’en suis sûre, suscitera un grand intérêt au sein de nos communautés respectives et permettra d’initier un nouveau dialogue.
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