Dans le cadre du projet de DMS en collaboration avec des revues internationales portant sur l’enseignement à distance, il m’a été offert la responsabilité de comprendre et de commenter trois articles scientifiques proposés par trois des revues participant au projet, l’Asian Journal of Distance education (AJDE)1, The International Review of Research in Open and Distributed Learning (IRRODL)2 et Distances et médiations des savoirs (DMS)3.
1Le premier article, de Fred Rovai (2002), « Building Sense of Community at a Distance » publié dans la revue IRRODL concerne la question de la persévérance des étudiants dans les formations à distance comparativement aux formations en présentiel. Selon l’auteur, si l’étudiant peut avoir certaines responsabilités dans la construction de son parcours de formation et dans son suivi jusqu’à sa complétion, il y va aussi de la responsabilité des concepteurs de développer chez l’étudiant, en activant différents « leviers », un sentiment d’appartenance à sa formation afin qu’il ne l’abandonne pas, et d’accroître ainsi ses chances de réussir. Sept finalités peuvent alors être considérées pour réguler la qualité des relations au sein de l’activité enseignante : « transactional distance, social presence, social equality, small group activities, group facilitation, teaching style and learning stage, and community size » (Rovai, 2002, p. 12).
2L’article écrit en 2002 soulève plusieurs questions qui nous semblent d’actualité en 2018 dans la mesure où l’enjeu des apprentissages tout au long de la vie est de plus en plus marqué et que les modalités de formation se diversifient en incluant de plus en plus souvent une part hybridée par le biais de cours à distance.
3Les Mooc font partie de ces formats hétérogènes de formation. Certains de ces dispositifs d’enseignement ont un nombre d’inscrits très élevé, et l’on attend une grande auto-determination de la part des participants afin qu’ils puissent poursuivre leurs propres buts d’apprentissages par eux-mêmes. Par contraste, certains Mooc sont plus circonscrits, à la fois dans les objectifs, dans leurs effectifs et leurs structurations.
4La thèse de Matthieu Cisel (2016) « Utilisations des MOOC : éléments de typologie » peut être perçue comme un indicateur de l’actualité de la question relative à l’attrition et à la rétention en formation, enjeux majeurs pour les institutions.
5Les nombreux articles sur l’enseignement hybride montrent que les questions qu’il provoque évoluent et se diversifient. Mohib (2018), par exemple, questionne la construction de l’autorégulation de l’apprenant qui suit un Mooc dont l’une des stratégies de contrôle de l’activité déployée impose une contrainte temporelle forte en structurant les évaluations de façon hebdomadaire - ce que de nombreux Mooc proposent. Cet élément stratégique peut être considéré comme l’une des caractéristiques de la distance transactionnelle entre le formateur et l’apprenant.
6Une fois parvenu avec succès au terme d’une formation en contexte de Mooc, de nouvelles questions relatives aux diplômes ou certifications à obtenir par les étudiants émergent. Le dossier sur le thème « Certifications et badges en formation à distance, quelles réalités ? » coordonné par Glikman dans le varia de DMS (20/2017) fait largement état de ces enjeux.
7Le deuxième article, de Fred Lockwood (2003), “A Ladder of Publication : Scaffolding for emergent authors” publié par l’AJDE concerne les modalités d’accompagnement à la publication, et questionne aussi bien les dimensions financières, structurelles, pédagogiques et didactiques des processus d’écriture mis en œuvre par les chercheurs, que les opportunités et les soutiens des institutions, les possibilités d’hébergement de conférences, de séminaires ou colloques. L’article examine l’échelle des difficultés à surmonter progressivement au cours d’une carrière et les différentes aides disponibles ou à créer pour parvenir au haut de cette échelle.
8Le choix de cet article est particulièrement d’actualité.
9L’un des exemples qui illustrera notre propos concerne le projet Adjectif.net4 dont l’acronyme signifie « Accompagnement Décentralisé pour les JEunes Chercheur-e-s en Technologies Informatisées dans un cadre Francophone ». Ce projet se situe à l’interface de communautés variées (praticiens, décideurs, chercheurs, notamment) et au carrefour de plusieurs disciplines, deux des principes voulus par les membres du projet.
10Issus des besoins de la recherche en éducation et porté par quelques chercheurs, Adjectif.net, soutenu par le laboratoire Education, Discours et Apprentissages de l’Université Paris Descartes5, vise à devenir une revue reconnue par le Conseil national des universités (CNU)6 en France qui fait autorité pour le classement et la reconnaissance de la qualité des revues.
11Deux tensions majeures, que nous avons analysées (Zablot, Beauné et Voulgre, 2018), justifient la nécessité d’un accompagnement des jeunes chercheurs dans leur activité d’écriture à des fins de publication.
12La première est l’absence de directives nationales dans les textes officiels, y compris dans le dernier arrêté du 25 mai 2016, pour le développement de formations à l’intention des doctorants au sein de certaines écoles doctorales en France et relatives aux méthodologies de publications, alors que « la publication dans des revues reconnues est un enjeu de plus en plus important pour l’obtention de la qualification ».
13La deuxième tension, fondamentale, qui amène à tenter de fournir des aides pour que les jeunes chercheurs écrivent leurs premiers articles tout en bénéficiant d’un regard bienveillant de la communauté, relève du constat selon lequel les retours d’expertises aux auteurs sont souvent relativement synthétiques et ne permettent pas aux novices d’identifier comment améliorer leurs productions.
14Notre travail au sein du projet ressemble sur certains points à ce qui est préconisé dans l’article de Lockwood, à savoir, proposer une échelle d’écrits de plus en plus complexes aux jeunes chercheurs. L’activité proposée aux étudiants au sein du projet Adjectif.net, est plurielle et tente de répondre à des disponibilités et des besoins hétérogènes gradués, de façon à pouvoir, en premier lieu, s’initier à la veille scientifique et d’envisager l’écriture de brèves soit informationnelles, soit problématisées -et alors signées- puis à l’écriture de synthèses de mémoires, de rapports de recherche ou de thèses. Ces synthèses sont les prémices de l’article scientifique, avant-dernière marche de notre échelle avant celle qui permet d’écrire seul pour le portail Adjectif.net et dans d’autres revues et celle enfin de s’initier à l’accompagnement d’auteurs, en binôme d’abord, avec des chercheurs plus expérimentés, puis seul (Zablot, Baron, Beauné et Voulgre, 2017).
15Le troisième article, de Jacques Béziat (2012), « Formateur en ligne : vers un modèle d’action » est issus de la revue DMS. Il permet de revisiter les champs d’actions et de compétences nécessaires à un tuteur de formation à distance pour entretenir avec les étudiants des rôles social, disciplinaire et structurant. Sa recherche explore ce que les étudiants attendent de l’accompagnement, du dispositif de formation et du formateur. Elle examine notamment les manques présupposés des étudiants à distance dans un univers où la culture en présentiel est prégnante. Dix ans après Rovai, cette question de la qualité relationnelle est toujours à l’ordre du jour.
16Les articles relatifs à l’activité professionnelle des tuteurs sont nombreux. Une simple recherche avec le mot clé « tuteur » dans les revues d’Openedition7 montre qu’en 2012 il y avait 333 articles concernés et qu’en 2017 il y en avait 948.
- 8 Site de l’Université Paris Descartes, Informations sur les abonnements de la Bibliothèque Universit (...)
17Ces trois articles ont le grand intérêt de mettre en relief l’évolution des questionnements scientifiques. Ceux-ci doivent toutefois être compris en fonction des environnements technologiques en jeu à l’époque des recherches menées par leurs auteurs. Soyons alors particulièrement attentifs à ces signes de micro changements, apprécions l’authenticité des certains passages de ces textes, nous rappelant par exemple la croissance des revues en lignes. Manchester Metropolitan University, UK, était abonnée à 7°000 revues en ligne en 2003 (Lockwood, 2003, p. 9) ; et à titre de comparaison, l’Université Paris Descartes, FR, en compte 70°000 à son portefeuille en 20188. Notons les débuts des formations en ligne à partir de « systèmes de distribution électronique avancés » (Rovai, 2002, p. 1), les premiers accès aux logiciels de messageries électroniques, l’évolution du débit de l’accès à Internet (Béziat, 2012, p. 3) ; éléments qui témoignent de distances parcourues.
As part of the collaborative project of Distance and Mediation of Knowledge (DMK)9 with international journals on distance education, I was offered the responsibility to explore and comment on three research articles.
18The first article, by Fred Rovai (2002), « Building Sense of Community at a Distance » published in (IRRODL)10 concerns the issue of perseverance of students in distance education compared to those in the classroom. According to the author, if the student can have certain responsibilities in the construction of his training course and his follow-up to its end, it is also the responsibility of the designers to help increase the chances of the student following the training by activating levers to improve his or her feeling of belonging to a course and thus have a better chance of succeeding. Seven factors can then be considered to regulate the quality of relationships within the teaching activity : « transactional distance, social presence, social equality, small group activities, group facilitation, teaching style and learning stage, and community size » (Rovai, 2002, p. 12).
19The article written in 2002 raises a number of questions that seem to us to be new in 2018, as the issue of lifelong learning is becoming increasingly important and the training methods are diversifying by including additional hybridized elements via the implementation of distant courses.
20Mooc offer many different kinds of courses. Some of them have a very high number of registered students, and a great deal of self-determination is expected from participants who have to pursue and achieve their own learning goals. In contrast, some Mooc are more circumscribed, both in objectives, in their numbers of students, in their structures.
- 11 Traduction libre "Uses of MOOC : elements of typology"
21Matthieu Cisel’s thesis (2016) « Utilisations des MOOC: éléments de typologie »11 can be seen as an indicator of current events, with the issues of attrition and retention in training as major challenges for institutions.
22The many articles on hybrid courses show how that issue evolves in many diversified ways. Mohib (2018), for example, offers to explore the construction of the self-regulation of the learner who attends a Mooc whose strategy for controlling the activity under way imposes a strong temporal constraint by structuring weekly evaluations, something that many Mooc offer. This strategic element can be considered as one of the characteristics of the “transactional distance” between the trainer and the learner.
23Getting to complete one’s training in the context of a Mooc finally steers to new questions related to the diplomas or the certifications awarded to the students. The thematic issue of DMS on « Certifications and badges in distance education, what realities ? » coordinated by Glikman (20/2017) largely reflects these concerns.
24The second article, by Fred Lockwood (2003), « A Ladder of Publication : Scaffolding for Emerging Authors » published by the Asian Journal of Distance Education (AsianJDE)12 is about the ways researchers are supported in their efforts for being published. It examines the financial, structural, pedagogical and didactic dimensions of the writing process, the opportunities and supports from the institutions, the possibilities of hosting conferences, seminars or colloquia. The article examines and grades the difficulties to be progressively overcome during an academic career and the various aids available or to be devised to achieve this.
25It was particularly relevant to select this article today.
26One of the examples we will describe to illustrate our point of view is the Adjectif.net project whose acronym stands for « Decentralized Support for Young Researchers in Computerized Technologies in a Francophone Setting ». The project is positioned as an interface between various communities (practitioners including policymakers, researchers), and at the intersections of various disciplines, two of the principles promoted by project members.
27Born from the needs of educational research and supported by a few researchers, the « Paris Descartes University’s Education, Speech and Apprenticeship Laboratory », Adjectif.net is aiming at becoming a journal recognized by the Conseil national des universités (CNU) in France, the authority for the ranking and recognition of the quality of journals.
- 13 Traduction libre "publishing in recognized journals increases considerably the likelihood of gettin (...)
28The activity of accompanying young researchers is justified in particular when considering two major tensions that we analyzed, related to the publications of young researchers (Zablot, Beaune and Voulgre, 2018). The first tension is the absence of national guidelines in the official texts, including the last decree of 25 May 2016, to organize courses for doctoral students in some doctoral schools in France on the methodologies of publications, while « la publication dans des revues reconnues est un enjeu de plus en plus important pour l’obtention de la qualification »13. The second fundamental tension lies with the observation that while trying to provide help for young researchers when they write their first articles and benefiting from a benevolent view of the community, the returns of expertise to the authors are often relatively synthetic and they do not allow novices to identify how to improve their productions.
29Our work within the project seems similar in some respects to Lockwood’s proposition, with a more complex scale of writings for young researchers. The activity proposed to the students within the Adjective.net project, is multi-faceted and attempts to respond to availability and heterogeneous graduated needs for learning how to process the scientific watch, so as to master the writing of informational or problematized brief -and then signed them- then to synthesize briefs, or research reports or theses. These syntheses are a closer step towards writing scientific articles, the one step before last on our scale before that which makes it possible to write on your own for Adjectif.net and other journals and finally to learn about the accompaniment of authors, first in pairs with more experienced researchers, then by oneself (Zablot, Baron, Beaune and Voulgre, 2017.
30The third article, by Jacques Béziat (2012), « Formateur en ligne : vers un modèle d’action »14 comes from DMS. It enables one to revisit the fields of action and skills necessary for a distance teaching tutor to maintain social, disciplinary and structuring roles with students. Beziat’s research explores what students expect from the support, the training environment and the trainer. In particular, it questions the presupposed shortcomings of distance students in a world where face-to-face culture is pregnant. Ten years after Rovai, this issue of relational quality is again under investigation.
31Articles relating to the professional activity of tutors are numerous. A simple search with the keyword « tutor » in Openedition journals15 shows that in 2012 there were 333 articles concerned and that in 2017 there were 948.
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32Thus, these three articles help us to better understand the evolution of scientific questions that are, however, to be considered in socio-technological contexts that evolve as well as shown in these writings. Let us be especially attentive to these signs of micro changes, appreciate the authenticity of some passages in these texts, for example the one drawing our attention to the growth of online journals. Manchester Metropolitan University, UK, subscribed to 7°000 online journals in 2003 (Lockwood, 2003, p. 9) ; and as a comparison, Paris Descartes University, FR, has 70°000 in its portfolio in 201816. Or note the beginnings of online training from « advanced electronic delivery systems » (Rovai, 2002, p. 1), the first access to electronic messaging software, the evolution of Internet access speed (Béziat, 2012, p. 3) ; elements that reflect the distances traveled over those fifteen years.
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