1Malgré une actualité assurément dense, nous nous sommes réjouis de la possibilité de contribuer aux échanges sur « les stratégies numériques de quelques institutions d’enseignement supérieur au prisme de la distance » (Peraya et Fiévez, 2022), et de prendre du recul sur les chantiers entrepris depuis plus de deux ans. Durant cette période, l’université de Rennes 1 (UR1) a conjointement élaboré son schéma directeur du numérique (SDN) et participé à l’Appel à manifestation d’intérêt (AMI) « Démonstrateurs numériques dans l’enseignement supérieur » (DemoES, 4e programme d’investissements d’avenir PIA4 France 2030), en tant que porteur d’un consortium réunissant l’université Rennes 2, l’INSA de Rennes, et les entreprises partenaires Artefacto1 et Klaxoon2. À la suite de l’annonce des lauréats en octobre 2021, nous avons lancé officiellement le projet AIR (Augmenter les interactions à Rennes) en février 2022. Le portage du projet est assuré au niveau de l’UR1 par un binôme issu de sa gouvernance : Olivier Wong, vice-président en charge du numérique et enseignant à l’IUT de Rennes (département GMP) et Carole Nocéra-Picand, vice-présidente en charge de la transformation pédagogique et de la pédagogie numérique et directrice du service universitaire de pédagogie et des Technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (Suptice) de l’UR1.
2Notre participation au présent échange s’appuie sur notre vécu et nos réflexions personnelles, qui n’ont pas fait l’objet d’une validation par les instances de l’UR1, et n’engagent que les auteurs.
3Structurée en trois parties, notre contribution débute par un éclairage sur la genèse du SDN au sein de l’UR1 dans un contexte pandémique contraint. La deuxième partie est consacrée à l’étude comparative de la structuration du projet AIR par rapport aux différentes dimensions citées dans l’analyse comparative. La dernière partie permet d’amorcer la réflexion sur quelques enjeux et perspectives dans le domaine du numérique.
- 3 Personnels BIATSS : personnels non enseignants de l’enseignement supérieur (bibliothécaires, ingéni (...)
4À la faveur d’un mandat renouvelé en septembre 2020, notre président David Alis a réaffirmé l’importance pour l’UR1 de formaliser et mettre en œuvre un SDN dès que possible. Forts de ce soutien politique, nous avons entrepris de réactualiser les travaux entrepris par le précédent vice-président en charge du numérique, Didier Demigny, qui avaient été suspendus en raison de la pandémie de la Covid-19. Malgré les contraintes du calendrier et du contexte sanitaire, nous avons souhaité mettre en œuvre une démarche de conception aussi progressive et participative que possible : plusieurs entretiens et ateliers ont été menés durant le premier semestre 2021 auprès d’un panel d’acteurs de l’établissement. L’objectif était d’affirmer ou d’infléchir les grandes orientations de l’établissement dans le domaine du numérique en s’appuyant non seulement sur la vision portée au sein de la gouvernance de l’établissement, mais aussi sur les expériences vécues et les aspirations des différents acteurs sollicités dans le panel : étudiants, personnels BIATSS3, enseignants, enseignants-chercheurs et chercheurs. Des enquêtes thématiques ouvertes à toute la communauté durant cette période nous ont permis de préciser les orientations ou les besoins relatifs au numérique, alimentant ainsi les plans d’action à court terme et la construction du SDN à long terme. L’organisation d’un « barcamp » numérique en synchrone présentiel et distanciel en juin 2021 a été l’occasion d’ouvrir la réflexion à tous les acteurs de l’établissement : à cette occasion, chacun a pu proposer en amont des problématiques à débattre, sélectionnées collectivement en début de journée et approfondies aux cours d’ateliers de travail thématiques. Les productions et contributions ont ainsi permis de compléter et de préciser certaines actions au sein du SDN. La période de pandémie n’était toutefois pas propice à une large participation de la communauté et nous avons géré d’autres compromis lors de la construction de notre stratégie numérique : il nous a fallu répondre à des urgences du quotidien dans un contexte de forte incertitude, tout en prenant des décisions qui n’obèrent pas les perspectives des années à venir. Ces compromis se sont traduits par plusieurs scenarii de mise en œuvre du SDN sur la durée du contrat d’établissement, dont les estimations de budgets et de charge de travail ont été présentées dans les instances de l’établissement jusqu’à la validation du SDN en conseil d’administration en novembre 2021.
5Le découpage en six programmes thématiques est issu des travaux collectifs et pensé en cohérence avec la stratégie et les missions de l’établissement :
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Moderniser le fonctionnement et le pilotage de l’établissement ;
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Soutenir l’offre de formation et la transformation pédagogique ;
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Soutenir les activités de recherche ;
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Transformer l’établissement en “sustainable and smart university” ;
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Optimiser le système d’information ;
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Soutenir l’innovation et accompagner les acteurs au développement du numérique.
6Nous avons clairement perçu l’influence de notre vécu de la pandémie au cours de la construction du SDN : à titre d’exemple, 65 % des actions au sein des programmes 2, 4 et 6 représentent une forte évolution voire une nouveauté par rapport à la vision initiale de 2019.
7Lors cette période de construction et formalisation du SDN, nous nous sommes mobilisés en parallèle à partir de mars 2020 pour répondre l’appel à manifestation d’intérêt « Démonstrateurs numériques dans l’enseignement supérieur » (DemoES) avec des établissements et entreprises partenaires du site rennais (UR2, INSA Rennes, Artefacto, Klaxoon). Afin de consolider une vision partagée malgré les délais de réponse contraints, nous nous sommes appuyés sur le réseau des entreprises partenaires de la Fondation Rennes 1 et nous avons capitalisé sur la précieuse expérience de collaboration acquise durant plusieurs projets antérieurs structurants (DUNE DESIR4, NCU Cursus Ide@l5, alliance européenne EDUC6, différentes EUR). Concernant spécifiquement la contribution de l’UR1, la construction concomitante du SDN et la réflexion collective autour de DemoES nous ont permis d’identifier des scenarii d’accélération pour certaines actions du SDN : nous avions prévu de reprioriser ou d’amplifier la portée de ces actions, mais sans assujettir leur existence à l’obtention du financement DemoES.
8La dimension interhumaine telle qu’elle est affirmée par Éric Bruillard et Mehdi Khaneboubi, nous paraît cruciale :
la pédagogie n’est pas une affaire d’innovation, mais une question interhumaine consistant à mener une formation de manière à faciliter l’engagement et la réussite des apprenants afin qu’ils acquièrent les connaissances (ou savoirs) et les compétences visées, voire d’autres non initialement prévues ou des dispositions et des manières d’être (Bruillard et Khaneboubi, 2022).
9Cependant, selon une optique pragmatique, le projet AIR vise à positionner l’innovation pédagogique et la transformation numérique, non pas en tant que finalité première mais bien au service de l’apprentissage des étudiants et en soutien aux interactions humaines. Nous rejoignons ainsi la position de l’université de Louvain que citent Peraya et Fiévez :
les usages proposés du numérique sont réfléchis pour soutenir et améliorer nos formations et non pour remplacer les interactions et l’expérience du présentiel (Peraya et Fiévez, 2022).
10Tout en recherchant synergie et fluidité au niveau des interactions sur l’ensemble de l’expérience apprenante, durant et autour des activités de formation, en lien avec l’offre de nos campus, physique ou dématérialisée.
11Cette notion d’interaction, au cœur du projet AIR, a été particulièrement difficile à appréhender pour nos activités d’enseignement, d’apprentissage à distance et de télétravail. Éclairés par les travaux engagés dans le domaine de la formation des adultes par Bourgeois et Nizet (2015) ainsi que Schmidt et Livet (2014), nous avons compris que nos enjeux se situaient au niveau de l’interaction. Ainsi, les actions du projet AIR sont réparties sur trois axes thématiques relatifs à différentes formes d’interaction : l’exploration du « lieu » des interactions qu’est le concept de campus augmenté (AIR-CA), le développement de pédagogies interactives (AIR-PI) et l’optimisation des interactions grâce à un écosystème de soutien (AIR-ES).
12Différents établissements et partenaires du consortium sont réunis au sein du projet dans une démarche de codéveloppement, ouverte à la coopération avec des entreprises Edtech (entreprises du domaine Education technology) comme demandé dans le cadrage de l’AMI : même s’il s’est avéré difficile d’inscrire les collaborations directement au niveau du consortium, nous avons étudié différentes approches de marchés publics permettant de travailler avec ces entreprises dans le cadre du projet AIR. Poursuivant la dynamique de construction du site, nous avons sollicité plusieurs établissements du site rennais hors consortium afin de les inviter à devenir des établissements compagnons : l’ANR ayant demandé à l’ensemble des lauréats de définir de tels observateurs privilégiés ayant accès aux évolutions et aux réalisations du projet, il nous a semblé naturel de proposer une telle collaboration compte tenu du contexte rennais. L’objectif est de favoriser l’implication et les relations de proximité propices aux échanges et à un futur essaimage.
13Les paragraphes suivants détaillent les différents axes du projet tout en les inscrivant dans la stratégie et les acquis de notre établissement ou du site.
14Les quatre années du projet DUNE-DESIR (2017-2021) nous ont permis de travailler collectivement sur les transformations pédagogiques et numériques universitaires. Une cinquantaine de projets innovants ont ainsi été soutenus institutionnellement et ont permis à leurs acteurs d’expérimenter et de prendre du recul sur la place du numérique dans les pratiques pédagogiques. En offrant un environnement sécurisant aux communautés pédagogiques et aux initiatives individuelles d’enseignants, nous avons pu mesurer l’engagement et la capacité d’innovation des acteurs au service de la réussite des étudiants et de la qualité de leurs apprentissages. La valorisation des initiatives s’est faite au cours de différents temps de rencontre institués par le projet et via des communications scientifiques telles que l’ouvrage « Transformations pédagogique et numérique dans l’enseignement supérieur : quatre années pour changer les pratiques » (Collectif Desir et al. 2022) : cette reconnaissance institutionnelle a certainement conforté les acteurs et les porteurs de projet dans une démarche d’essaimage, les poussant à s’investir dans d’autres projets structurants du site (NCU Cursus Ide@l, EUR, alliances européennes, … et DemoES).
15Au-delà de l’expérimentation initiale, certains projets ont donné lieu à des transformations pérennes au sein des formations : par exemple, la production de ressources numériques utilisées en soutien des séances de travaux pratiques a non seulement perduré et essaimé entre plusieurs formations, mais elle a aussi permis aux enseignants qui les ont produites de développer une forme d’expertise pédagogique et critique sur ce type d’approche. Aptes à questionner la pertinence d’un support vidéo (objectifs, contenu, durée, mise en œuvre technique…) en enseignement asynchrone et déjà identifiés institutionnellement, ces acteurs ont naturellement été sollicités en tant que référents de proximité par leurs pairs au moment du premier confinement. Leur action s’est avérée complémentaire à l’offre du Suptice qui a su bâtir des propositions adaptées en un temps record durant le premier confinement : 150 sessions de formation dispensées pour environ 2 000 participants (sur les 3 471 personnels que compte l’UR1), mise en place de guides pédagogiques et d’un espace de ressources partagées, prêt de matériel informatique ou audiovisuel, support à la captation d’enseignement synchrone ou asynchrone, mise en place d’un marché audiovisuel d’équipements de nos amphis, assistance renforcée face à la sollicitation quintuplée en trois mois par rapport au volume de tickets annuel moyen !
16Ayant déjà intégré les problématiques liées à l’hybridation grâce aux projets accompagnés dans DUNE-DESIR, le Suptice a su faire évoluer son offre de services très rapidement, tout en anticipant l’ancrage des pratiques à venir.
17Le soutien à l’innovation pédagogique vise à s’inspirer des caractéristiques citées précédemment : environnement sécurisant, formation et accompagnement pédagogique, valorisation et développement professionnel… qui sont autant de facteurs-clés favorisant l’essaimage et l’ancrage des transformations pédagogiques, et que nous avons souhaité favoriser au sein de l’axe 2 « pédagogies interactives » du projet AIR (AIR-PI). Les actions de cet axe s’inscrivent en soutien de la stratégie de formation de l’établissement qui est tournée :
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d’une part, vers le déploiement de l’approche par compétences qui nécessite une véritable réorganisation de la formation, que nous préparons dans la section suivante, et telle que la présentent Poumay et al. dans « Organiser la formation à partir des compétences : Un pari gagnant pour l’apprentissage dans le supérieur » (Poumay et al., 2017) ;
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d’autre part, vers le développement de formations plus modulaires, mettant en avant l’apprentissage « par le faire », et qui vise à permettre une diversité des approches et modalités pédagogiques (présentiel, distanciel, hybride, alternance ou non) et de délivrance des diplômes (par exemple validation des acquis de l’expérience) permettant de gagner en flexibilité.
18L’objectif de l’axe AIR-PI est d’augmenter les interactions en formation et d’optimiser les apprentissages avec des degrés d’interactivité variables, en recourant à différentes solutions numériques aptes à être employées suivant différentes modalités pédagogiques : simulateurs de type jeux sérieux, à l’aide du consortium Ikigai dont UR1 est membre ; solutions collaboratives telles que celle de notre partenaire Klaxoon ; technologies immersives (réalité virtuelle, réalité augmentée, réalité mixte) développées par notre partenaire Artefacto et dans la continuité de travaux antérieurs, en termes technologiques et en termes de compréhension des processus d’apprentissage de tels outils numériques, de plusieurs équipes de recherche de l’Institut National des Sciences Appliquées de Rennes (INSA Rennes), de l’Institut de Recherche en Informatique et Systèmes Aléatoires (IRISA), du Laboratoire Traitement du Signal et de l’Image (LTSI) et du Laboratoire de Psychologie : Cognition, Comportement, Communication (LP3C). Nous n’envisageons pas un déploiement massif de l’ensemble de ces solutions possibles dans toutes les formations : elles sont avant tout pensées pour compléter et améliorer nos activités pédagogiques actuelles, en offrant plus de possibilités aux équipes pédagogiques et être à même de les conseiller judicieusement dans leurs choix en termes de bénéfices et limites. Il ne s’agit donc pas ici de soutenir une mutualisation massive des ressources produites, mais plutôt, comme le suggèrent Bruillard et Khaneboubi, identifier des communautés pédagogiques locales et ainsi soutenir des équipes dans des processus d’adaptation, de localisation mais aussi de reconception de ressources (voir Hache 2018, pour des manuels scolaires), favoriser un travail plus « communautaire », en lien avec des associations d’enseignants et d’enseignants-chercheurs. (Bruillard et Khaneboubi, 2022).
19Mais nous nous préoccupons ici particulièrement de l’échelle locale et de la proximité des acteurs dans une vision de « circuit court » visant à favoriser l’engagement des enseignants et la pérennité de l’usage des ressources.
20Pour ce faire, sur l’ensemble des solutions, le projet vise à développer une expertise au sein du Suptice en termes d’accompagnement à la conception et à l’évaluation de dispositifs pédagogiques, et dans une perspective de capitalisation méthodologique et d’essaimage en termes de conseil à l’issue du projet.
21Les orientations stratégiques nationales et celles de l’UR1 tendent à modifier l’organisation des missions de formation (flexibilité, individualisation, enseignement par la pratique, évaluation continue, dispositifs de recrutement, dématérialisation…). Pour adresser ces évolutions majeures, l’établissement a engagé un projet interne « Construire la fonction soutien à la formation de demain » dans une démarche participative programmée sur trois ans depuis mars 2021. L’axe « Écosystème de soutien » AIR-ES s’inscrit en renfort de ce vaste projet en ciblant plus spécifiquement le volet pédagogique et en visant à améliorer l’expérience apprenante. Différentes enquêtes internes menées en 2020 et 2021 ont permis de constater l’écart qui se creuse entre les enseignants ayant adopté de nouveaux outils pour repenser et transformer leurs pratiques pédagogiques, comme celles décrites dans l’ouvrage « Pédagogie active dans l’enseignement supérieur. Description de pratiques et repères théoriques » (De Clercq et al., 2022) et ceux ayant investi dans le numérique uniquement dans le contexte dégradé de la crise sanitaire et sur des modes essentiellement transmissifs.
22Parmi les problématiques rencontrées par les enseignants dans l’organisation des enseignements en distanciel et en comodal figurent des questions matérielles (informatique ou audiovisuel) ou d’infrastructures réseau qui ont été adressées par des investissements importants. En proposant des accompagnements pédagogiques individuels, nous avons pu traiter de nombreuses interrogations concernant les « bonnes pratiques » pédagogiques, notamment en termes d’évaluation. Restait toutefois une question prégnante et récurrente relative au temps disponible pour la préparation pédagogique, et de façon sous-jacente la question de l’environnement capacitant fragilisé par une répartition inadéquate des rôles et activités. Via l’axe AIR-ES, plusieurs leviers ont été pensés en complémentarité et au plus près des acteurs et parties prenantes afin de favoriser l’acceptabilité et l’appropriation des transformations pédagogique et numérique :
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Soutien de proximité – portail de services. Pour repenser l’assistance aux utilisateurs et renforcer le soutien de proximité, par exemple en recourant à de nouveaux profils de type « assistant technopédagogique » placés directement en composante avec un management fonctionnel en réseau opéré par la directrice adjointe du Suptice ;
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Qui fait quoi. Ce levier vise à définir l’organisation cible pour un réseau de soutien qualifié, disponible et visible dans les composantes. Pour ce faire, nous avons recruté des profils dont la variété de compétences et d’activités constitue un panel d’intervention plus large qu’anticipé. Nous procédons en parallèle à une analyse de l’activité des acteurs, aussi bien au niveau des fonctions de soutien occupées par les BIATSS qu’au niveau des enseignants et responsables de formation ;
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Réseau de pairs. En soutien des communautés pédagogiques existantes, dont le rôle moteur de proximité a été démontré, ce levier vise à consolider et coordonner ces communautés en réseau étendu, tout en formalisant une reconnaissance institutionnelle ;
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Dispositifs ressources humaines. Afin de permettre aux acteurs de dégager du temps pour la transformation pédagogique et reconnaître leur investissement, plusieurs dispositifs complémentaires aux actions déjà en place dans les autres projets structurants sont prévus : congés pour projets pédagogiques plus flexibles, décharges, primes, carrières, promotion, valorisation, postes ;
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Engagement et valorisation des étudiants. Ce levier en cours de réflexion vise à reconnaître et soutenir l’action des étudiants qui s’investissent dans la coconstruction de leur formation ou qui contribuent à fluidifier l’expérience apprenante au sein de leur formation.
23Notre établissement s’était déjà engagé dans la voie de la mise à distance de ses activités avant la pandémie : expérimentation du télétravail pour les personnels, développement d’une portion de nos formations à distance, utilisation de campus numériques, mise en place de processus dématérialisés… Sont autant de témoignages de l’intérêt des acteurs pour le numérique comme source d’opportunités aptes à lever certaines barrières temporelles ou géographiques inhérentes au territoire breton et à la multiplicité des sites de l’UR1. Or la mise à distance totale et forcée par la pandémie est venue perturber notre vision choisie et sélective des solutions numériques. Nous avons collectivement expérimenté des situations de rupture sur le plan des équipements (matériel, réseau internet) comme des outils (multiplicité des outils, maîtrise hétérogène).
24En réponse aux questions posées par Peraya et Fiévez (Peraya et Fiévez, 2022) sur la place de la formation à distance dans les plans de stratégie numérique post-Covid-19, nous n’avons pas revu de manière radicale nos objectifs de formation à distance mais nous avons surtout porté notre attention sur les interactions comme facteur essentiel d’efficacité pour l’ensemble de nos activités pour les personnels et pour les étudiants.
25L’axe « campus augmenté » (AIR-CA) vise à proposer une expérience de plus grande continuité pour l’utilisateur. Contrairement aux anciens mondes virtuels ou aux divers concepts de « métavers » émergents qui visent souvent à supplanter le monde réel, AIR-CA vise à offrir des opportunités d’interaction qui ne seraient pas possibles physiquement, en raison de la dispersion géographique ou de la disponibilité synchrone des acteurs. L’objectif est d’augmenter les possibilités offertes par nos campus physiques et non de les remplacer : en ayant accès à un espace commun numérique, véritable point d’entrée central vers l’ensemble de nos activités (formation, services, et échanges moins formels) nous souhaitons passer de façon transparente d’un échange entre étudiants à une demande auprès d’un service de l’établissement, et ce jusqu’au démarrage de l’activité de formation, tout en prenant en compte les différentes dimensions de la présence à distance (Jézégou, 2022). À ce titre, le réalisme visuel de l’environnement numérique est moins important que sa fluidité et sa facilité d’usage, qui se traduit par une facilité à échanger à l’écrit et une bonne gestion des échanges audio en priorité : nous privilégions ainsi une approche volontairement low-tech qui serait compatible avec la majorité des appareils existants (ordinateurs ou téléphones portables). Certains métavers prévoient une utilisation exclusive par de coûteux casques immersifs qui nous semblent plus adaptés à une utilisation ciblée pour certaines activités pédagogiques très précises. Nous souhaitons au contraire que la solution AIR-CA soit définie au meilleur compromis possible, apte à servir la majorité des besoins d’interaction, tout en étant la moins impactante du point de vue de l’environnement et de l’utilisateur en termes d’équipement et de la maîtrise associée. Une telle approche s’appuie sur des expériences vécues dans de tels environnements virtuels, expérimentés par des collègues de l’UR2 (LIDILE) qui portent un projet de centre de langues virtuel au sein de l’axe AIR-CA. L’approche tout d’abord séduisante dans un univers 3D très immersif s’est avérée coûteuse à maintenir et à produire par des concepteurs non spécialistes de la modélisation 3D, voire parfois difficile à utiliser sur une grande variété de matériels informatiques. Lors de la pandémie, d’autres mondes virtuels ont été testés à l’occasion de regroupements pédagogiques à distance, comme gather.town ou workadventu.re, et présentent actuellement des pistes de travail intéressantes en phase avec les objectifs fonctionnels des porteurs et les objectifs stratégiques de l’axe AIR-CA.
26Les transformations pédagogiques et numériques à l’œuvre dans l’enseignement supérieur ont ceci de fascinant qu’elles contribuent à trouver une issue favorable à des crises majeures de notre époque, nous offrant une certaine contrôlabilité face à l’incertitude et nous permettant d’assurer la continuité de nos activités. Le contexte énergétique actuel nous amène à repenser les priorités et orientations adoptées ces derniers mois car la crise qui se profile fait l’objet de nombreux débats au sein de la communauté universitaire. Au sein de notre établissement, l’ensemble des personnels est invité à proposer des idées permettant d’affronter les futurs périls financiers, environnementaux, énergétiques à différentes échelles. Les solutions restent encore à définir mais, dès les premières contributions, le numérique est d’ores et déjà convoqué dans les échanges : recours accru au télétravail, mise à distance des enseignements, hybridation ciblée, réduction des échanges numériques… sont autant de pistes qui suscitent des débats et qu’il apparaît nécessaire de quantifier selon différents indicateurs avant d’arbitrer pour un déploiement à l’échelle de l’établissement. Nous avons en commun certaines préoccupations de l’université de Moncton liées à la distribution géographique (quoique de moindre ampleur), pour laquelle (Michelot, 2022) : « La FAD (formation à distance) constitue donc une solution réaliste à la baisse rapide de gaz à effets de serre, d’autant plus important pour une université où la question des distances se pose (…). Il conviendra en revanche d’être vigilant afin de maintenir un équilibre qui s’annonce fragile, car le distanciel peut sembler une solution rapide pour les administrateurs·trices confronté·es aux défis du financement, au risque de faire passer l’enseignement au second plan (Valentine, 2002) : la motivation du distanciel ne saurait être managériale. »
27Une évaluation des risques et opportunités pourrait intégrer non seulement les impacts financiers et environnementaux, mais aussi identifier les impacts en termes de besoins de formation et d’accompagnement des acteurs afin de pérenniser et capitaliser les actions entreprises. La formation continue et de l’amélioration des pratiques professionnelles des enseignants et des enseignants-chercheurs a beaucoup bénéficié des offres proposées par les services universitaires de soutien à la pédagogie depuis une dizaine d’années. À titre d’exemple, notre établissement a récemment développé un programme de formation spécifique destiné aux responsables de formation (https://piloter-ma-formation.univ-rennes1.fr/), identifiés comme des relais stratégiques de la politique de formation. Il nous reste à consolider le soutien de proximité permettant aux équipes pédagogiques de s’épanouir tout en choisissant judicieusement de tirer parti des opportunités qu’offre le numérique.