Navigation – Plan du site

AccueilNuméros10Comptes rendusJerome Carroll, Steve Giles, Kare...

Comptes rendus

Jerome Carroll, Steve Giles, Karen Jürs-Munby (dir.), Postdramatic Theatre and the Political. International Perspectives on Contemporary Performance

Clare Finburgh
p. 165-166
Référence(s) :

Jerome Carroll, Steve Giles, Karen Jürs-Munby (dir.), Postdramatic Theatre and the Political. International Perspectives on Contemporary Performance, Londres, Methuen, 2013.

Texte intégral

1Le retour du populisme européen ; la crise économique ; les désastres annoncés provoqués par le réchauffement climatique ; le « Printemps arabe » et les tentatives violentes de l’étouffer dans l’œuf… Cette publication affirme que le besoin d’un théâtre politique est plus urgent que jamais. Dans leur introduction, Jerome Carroll, Steve Giles et Karen Jürs-Munby reviennent avec précision sur le concept de « théâtre postdramatique », l’un des concepts les plus employés et débattus dans les études du théâtre depuis la publication en 1999 du livre de Hans-Thies Lehmann. Pour ce dernier, le théâtre postdramatique se caractérise par le rejet des principes aristotéliciens d’une représentation dramatisée du monde, organisée à travers un texte, des logiques causales et cohérentes, et des personnages compris à travers leur psychologie. De fait, le théâtre ainsi désigné par Lehmann aborde rarement de manière frontale des questions socio-politiques comme la misère ou les conflits géopolitiques. Est-il pour autant neutre politiquement et idéologiquement ? Le renouveau formel des formes dramatiques actuelles est-il lié à un désengagement politique ? Ainsi les auteurs de ce volume se demandent « quelles sont [les] nouvelles formes et nouvelles stratégies du théâtre postdramatique, et comment peut-on les considérer comme politiques ? » (p. 3), question que les contributeurs reprennent dans une série d’essais rigoureux et détaillés, y compris Lehmann dans un essai sur le politique dans la tragédie contemporaine.

2Les auteurs, qui contestent parfois la conception lehmannienne du postdramatique, se réfèrent aux théoriciens de la politique de l’esthétique, notamment Adorno, Benjamin ou Rancière. Alors un certain nombre de constantes émergent de ces essais : que le sens indéterminé – l’une des caractéristiques propres au théâtre postdramatique – sollicite la participation active de chaque spectateur, qui est amené à construire son propre sens ; que cette indétermination reflète peut-être le fait que le politique est un processus continu, et que toute représentation réaliste du politique trahit les complexités de notre (nos ?) réalité(s) et masque des positions idéologiques implicites ; que la perturbation de la forme et de l’usage des signes ébranle ce que Lehmann appelle la « supériorité massive » – la force envahissante des structures dominantes à travers lesquelles notre monde est habituellement présenté, notamment les médias ; que ce théâtre met en scène un « moment social » caractérisé par des processus collaboratifs et collectifs qui vont finalement donner lieu au spectacle ; qu’en fin de compte, le spectateur reçoit ces spectacles de manière sensorielle et affective autant qu’intellectuelle.

3La majorité des essais du livre représentent des études sur un artiste ou sur une compagnie en particulier, l’ensemble couvrant une large variété de pratiques qui va de l’adaptation de classiques aux nouvelles écritures dramatiques, du théâtre documentaire à la chorégraphie, de la performance au re-enactment par des amateurs ou des personnes en capacité réduite. Ce n’est peut-être pas un hasard si le livre s’intéresse particulièrement au pays originaire de Lehmann, l’Allemagne, mais les études présentent également des artistes du Royaume-Uni, d’Australie, de Hongrie et d’Autriche. La France, à mon sens le pays de naissance du théâtre postdramatique (l’introduction en fait remonter les origines à Dada, aux surréalistes et à Artaud), brille par son absence. Néanmoins, il s’agit d’une parution importante : comme les meilleures contributions à un champ d’études spécifique, celle-ci développe une approche singulière, analysant en détail l’aspect politique du postdramatique, en même temps qu’elle permet aux non-initiés d’historiciser le concept de postdramatique et de réfléchir à sa pertinence politique aujourd’hui.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Clare Finburgh, « Jerome Carroll, Steve Giles, Karen Jürs-Munby (dir.), Postdramatic Theatre and the Political. International Perspectives on Contemporary Performance »Double jeu, 10 | 2013, 165-166.

Référence électronique

Clare Finburgh, « Jerome Carroll, Steve Giles, Karen Jürs-Munby (dir.), Postdramatic Theatre and the Political. International Perspectives on Contemporary Performance »Double jeu [En ligne], 10 | 2013, mis en ligne le 10 juillet 2018, consulté le 17 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/doublejeu/623 ; DOI : https://doi.org/10.4000/doublejeu.623

Haut de page

Auteur

Clare Finburgh

University of Essex

Maître de conférences en théâtre moderne à l’université d’Essex, Angleterre. Son domaine de recherche porte sur les théâtres moderne et contemporain britannique, français et francophone. Sur le théâtre français, elle a coédité Contemporary French Theatre and Performance (Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2011). Elle a coédité également un recueil d’essais sur le théâtre et la politique de Jean Genet, Jean Genet : Perfomance and Politics (Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2006) et coécrit un livre sur la mise en scène du même auteur (New York, Routledge, 2010). Elle prépare actuellement une monographie sur le spectaculaire dans la répresentation de la guerre et du terrorisme dans le théâtre britannique depuis 2001.

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search