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Dossier : Le corps en droit.

Le corps des femmes : la place des filles-mères dans la « pyramide normative » chrétienne. Approche juridique et anthropologique des filles-mères dans la France médiévale (xiie-xve siècles)

Women’s Bodies: the Place of Unmarried Mothers in the Christian «Normative pyramid». A Legal and Anthropological Approach to Girl Mothers in Medieval France (12th-15th Centuries)
Marjorie Coulas

Résumés

Les mères célibataires, autrefois appelées filles-mères, ont toujours tenu une place singulière dans la représentation féminine chrétienne. Depuis l’avènement du christianisme, les femmes se voient attribuer une place dans la société, en fonction de l’usage qu’elles font de leur corps : la vierge, la mère et la prostituée. La vierge est au sommet de la pyramide, encensée pour le contrôle qu’elle exerce sur son corps et sa vie, dévoués tous deux au Christ. La mère, rôle naturel de la femme, se place en seconde position de cette pyramide normative. Sa fonction, qui lui vient de la Genèse (1.28) « Croissez et multipliez-vous et remplissez la Terre », est encadrée par les lois canoniques. La prostituée, enfin, forme la base de cette pyramide. Mais si les Pères de l’Église considèrent la prostitution comme une abomination, les canonistes et la société, notamment celle du Moyen-Âge, voit en la prostituée une nécessité sociale. La prostituée est protégée, voire comprise. La fille-mère ne correspond à aucun de ces standards. Ce n’est ni Ève, la tentatrice, ni Marie, la vierge-mère. Si elle est mère, elle ne l’est pas selon les règles canoniques. Peu importe la raison qui l’a amenée à se retrouver mère, elle est nécessairement fautive. Sa faute : avoir succombé à la tentation suprême, l’appel du corps. La question est donc de savoir quelle place lui accorde les canonistes et les moralistes du Moyen-Âge dans la pyramide normative chrétienne.

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Texte intégral

1L’objet de cet article est d’évoquer la place des femmes dans la société, en lien avec la fonction qu’elles donnent à ce corps, et au travers de celle-ci, traiter de la sexualité. C’est parce qu’elles font un usage précis de leur corps que les femmes peuvent entrer dans une catégorie précise, déterminée par la société et l’Église chrétienne. Ici, il faut donc entendre le corps comme moyen d’établir une catégorie sinon « juridique », au moins « sociétale ».

  • 1 Pamela Russel, » Forme et imagination : l’image féminine dans l’Europe paléolithique », Paléo, n°5, (...)
  • 2 Jean-Paul Demoule, « Premières statuettes féminines », Encyclœpedia Universalis, [en ligne].
  • 3 Aujourd’hui également, la représentation de ces Vénus paléolithiques pose problème, en témoigne la (...)

2Au cours du temps, le corps de la femme a drainé mystères et questionnements divers. Les premières manifestations de ces interrogations peuvent se comprendre à travers les fameuses « Vénus paléolithiques », comme la Vénus de Lespugue en France ou la Vénus de Willendorf en Autriche. Ces statuettes, datées de quelque vingt mille ans avant notre ère, représentent le corps de la femme. Sur la question de leur représentation réelle (femme ou mère), l’archéologie actuelle reste sans réponse certaine1. Mais leur existence dans de nombreux pays européens (France, Italie, Angleterre, Allemagne, Russie…)2 prouve que le corps féminin est depuis longtemps source d’intérêt et de débat3.

3Le rôle de la femme, dans la plupart des sociétés occidentales christianisées, se résume à une mission majeure : la génération. Cette attribution, c’est-à-dire engendrer les générations futures et faire de la société, quelle qu’elle soit, la plus forte, la plus brillante possible, est fondamentale pour le développement de cette société. Mais parce que, justement, cette mission est capitale, la génération ne peut se faire sans règles, sans loi et ainsi, sans interdit. En conséquence, le corps de la femme, parce que c’est sur elle que repose la lourde charge de faire prospérer la société, est étroitement surveillé, contrôlé et encadré.

  • 4 Jean Gaudemet, Les sources du droit canonique, viiiexxe siècle, Repères canoniques, Sources occi (...)

4Dans cet exposé succinct de la matière, nous examinerons la période du Bas Moyen-Âge, et plus précisément celle qui s’étend du xiie au xve siècle, dans le royaume de France. Cette période, prolixe en matière législative, qu’elle soit canonique ou séculière, permet de comprendre les mécanismes juridiques entourant le corps de la femme médiévale. L’historien Jean Gaudemet parle même « d’âge d’or de l’universalisme occidental »4 pour évoquer cette période féconde sur le plan du droit.

  • 5 Augustin Fliche, La réforme grégorienne, Tome 1, Genève, 1978, p. 59. Également par le même auteur, (...)

5Les changements sociétaux concourent à ce renouveau médiéval. La Réforme grégorienne (débutée au xie siècle), notamment, voit l’exaltation de la chasteté des clercs5. La lutte contre certaines pratiques ecclésiastiques jugées contraire au modèle recherché par l’Église, comme la simonie ou le nicolaïsme, entraine une modification profonde des mœurs à l’aube du xiie siècle.

  • 6 Jacques Le goff et Nicolas Truong, Une histoire du corps au Moyen-Âge, Éditions Liana Levi, 2008, p (...)
  • 7 Jacques Le goff et Nicolas Truong, ibid.

6Le xiie siècle est également une période marquée par la redécouverte du corps par les chrétiens. Le christianisme se retrouve « tourmenté par la question du corps, à la fois glorifié et réprimé, exalté et refoulé »6, selon la formule de Jacques Le Goff et Nicolas Truong7. La Réforme grégorienne, qui a pour but de réorganiser la chrétienté, permet d’encadrer la vie des clercs et des laïcs, notamment en ce qui concerne leur sexualité et leur corps. Les premiers doivent suivre un célibat strict, les seconds doivent user de ce corps de façon salutaire et salvatrice.

  • 8 Aristote, Génération d’Animaux, I, 728 a. Aristote analyse les femmes comme des hommes auxquels il (...)
  • 9 Christina Cerami, « Le plaisir des femmes selon Aristote », Philosophie Antique [En ligne], 16 | 20 (...)
  • 10 Caroline Darricau-Lugat, « Regards sur la profession médicale en France médiévale (XIIe– XVe) », Ca (...)

7À cette époque, le corps de la femme devient un point essentiel. Il se place au centre des considérations théologiques, moralistes, juridiques, voire savantes. Les mystères de la procréation se lèvent peu à peu, et les hommes prennent conscience du caractère primordial du rôle de la femme dans la génération. Jusqu’au xiie siècle, ce sont les travaux d’Aristote qui font loi. Le savant du ive siècle avant notre ère considère que le sperme masculin est le seul responsable de la création d’un nouvel être humain, la femme n’étant que son réceptacle8. Avec la réception en Occident du Canon d’Ibn Sina, médecin perse qui se fera connaitre sous le nom latin d’Avicenne, ou encore du traité médical Colliget d’Averroès9, la science médicale du Bas Moyen-Orient entre dans les universités européennes10. Les corps des hommes et des femmes sont observés avec un autre regard. Le mécanisme de la reproduction connait un intérêt certain. Ainsi, il devient vital aux yeux des penseurs du Bas Moyen-Âge d’encadrer et de structurer l’utilisation du corps de ces femmes, devenu actrices principales de la génération, et non plus un simple instrument chargé de former l’enfant à partir de la semence masculine.

8Parce qu’il s’agit du xiie siècle, la théologie vient simultanément se greffer aux quelques progrès scientifiques. Il faut ainsi expliquer, suivant les Écritures, le rôle de la femme dans la procréation. Les considérations scientifiques n’ont que peu de valeur si elles ne sont pas appuyées par les Saints Écrits.

  • 11 Hervé legrand, « Les femmes sont-elles à l’image de Dieu de la même manière que les hommes ? Sondag (...)
  • 12 Ibid : « C’est Adam en effet qui fut formé le premier. Ève ensuite. Ce n’est pas Adam qui fut sédui (...)
  • 13 Guy Bechtel, Les quatre femmes de Dieu, p. 10 et s. : aux premiers siècles de notre ère, il n’exist (...)

9Dans les écrits fondateurs de la théologie chrétienne11, la femme est majoritairement une pécheresse. Ève est la responsable de tous les maux des hommes car elle a tenté Adam avec la pomme et a ainsi provoqué la chute du couple du Jardin d’Éden12. C’est par elle que le genre humain est marqué de la faute originelle. Durant les premiers siècles de notre ère, le genre féminin est mis à l’écart. Dans la sphère publique, les femmes sont tout juste tolérées. Le rôle naturel des femmes, l’enfantement, ne représente pas une justification nécessaire à leur prise en compte, à leur importance dans la société. L’Apocalypse est imminente et la survie de l’espèce humaine n’est pas la priorité ; seul compte le Salut de l’âme dans l’Au-delà13.

10Les théologiens et moralistes du Bas Moyen-Âge s’emploient donc à combler le vide laissé par les Pères quelques siècles auparavant. Dès lors, les femmes sont implicitement divisées en trois catégories, en fonction de ce qu’elles font de leur corps. Ainsi, se trouvent les vierges, les mères et les prostituées. Les vierges donnent leur corps, voire même leur vie, au Christ. Les mères, mariées selon les lois canoniques, donnent naissance aux futurs chrétiens. Les prostituées, vendent leur corps pour survivre. En dehors de cette « classification », point de salut !

  • 14 Précision étymologique : le terme de fille-mère apparait au xviiie siècle, celui de mère célibatair (...)

11Mais ce classement hiérarchique ne permet pas d’inclure une petite minorité de femmes, notamment, les « filles-mères »14. Où se placent-elles dans cet espace, déjà restreint ? Quelle place ont-elles dans cette société, quels sont leurs droits ? En d’autres termes, quelle place octroie la loi à ces femmes du fait de l’usage qu’elles font de leur corps ?

  • 15 Georges Duby, Les trois ordres ou l’imaginaire du féodalisme, Paris, Gallimard, 1978, 428 pages : « (...)

12Le droit s’attache à séparer les hommes des femmes, mais également les femmes entre elles. Si le droit distingue les hommes en fonction de ce qu’ils font (les fameux trois ordres : bellatores, oratores, laboratores15), les femmes sont, quant à elles, distinguées en fonction de ce qu’elles sont à travers des critères liés à leurs corps.

  • 16 Georges Duby et Michelle Perrot, sous la direction de Christiane Klapisch-Zuber, Histoire des femme (...)

13Cette hiérarchie qui existe entre les femmes n’est pas une hiérarchie officielle. Elle se déduit des diverses sources qui ont été composées au cours du Bas Moyen-Âge16

L’établissement d’une hiérarchie pyramidale

14Pour les moralistes, les théologiens, les canonistes du Moyen-Âge, la femme est, par essence, un être faible. Mais toutes les femmes ne sont pas sur un pied d’égalité. Avant même de parler de la question des filles-mères, il est nécessaire de présenter cette « pyramide normative » dans laquelle s’inscrivent les femmes. Pour saisir la dimension problématique de la place des filles-mères au sein de la société, il est nécessaire au préalable de comprendre comment cette société du Bas Moyen-Âge conçoit les trois « états » possibles d’une femme : vierge, mère et prostituée. De nombreux ouvrages ont été rédigés sur ces trois typologies, il ne s’agit ici que d’un résumé permettant d’appréhender la place de la fille-mère.

L’image idéale de la vierge

  • 17 Sylvie Joye, « Couples chastes à la fin de l’Antiquité et au Haut Moyen-Âge », Médiévales 65, 2013, (...)
  • 18 1er Épître aux Corinthiens, chapitre 7 : « Qui se marie fait bien, qui ne se marie pas fait mieux » (...)
  • 19 Philippe-Henri Menoud, « Mariage et célibat selon Saint Paul », Revue de théologie philosophique, 1 (...)

15La vierge se trouve au sommet de cette pyramide. Souvent religieuse mais parfois mariée17, elle contrôle son corps et sa vie, qu’elle dévoue à Dieu. L’archétype de la vierge est évidemment Marie, la mère du Christ. Au Moyen-Âge, ce sont les écrits de Saint Paul qui viennent fixer les cadres de la virginité, notamment dans son Épître aux Corinthiens18 où la continence volontaire est vue comme le meilleur des états. Les règles formulées par l’apôtre trouvent un écho au Bas Moyen-Âge19.

  • 20 Marc-André Moreau, « La femme tel un diamant marial : idéal féminin, spiritualité et médecine dans (...)
  • 21 Jacques Voisenet, « Figure de la virginité ou image de la paillardise : la sexualité du clerc au Mo (...)

16L’ascétisme des premiers siècles est porté aux nus un millénaire plus tard20. L’état de virginité représente l’idéal que toutes les femmes doivent atteindre. La chasteté et surtout la virginité sont des moyens d’élever spirituellement la femme, d’obtenir le salut de l’âme. Déjà, Isidore de Séville écrivait « seuls ceux qui persévèrent dans la chasteté et les vierges seront élevés par Dieu au rang des anges »21.

  • 22 À travers, notamment, le Speculum Virginum (ou Miroir des Vierges), œuvre attribuée à Conrad de Hir (...)
  • 23 Didier Lett, « Connaître charnellement une femme contre sa volonté et avec violence. Viols des femm (...)
  • 24 Sur la question du viol à l’époque du Moyen-Âge classique, voir Annick Porteau-Bitker, « La justice (...)
  • 25 Didier Lett, « Connaître charnellement une femme contre sa volonté et avec violence… », op. cit., c (...)
  • 26 Ibid.

17Les auteurs, qu’ils soient légistes, théologiens ou moralistes, mettent la virginité en haut de la pyramide. Les droits accordés aux vierges sont conséquents, elles sont protégées, écoutées22. Leur corps, notamment, doit rester hors d’atteinte et ceux qui vont à l’encontre de ces lois sont fortement condamnés : « L’amende ne varie donc nullement en fonction du statut du violeur mais de celui de la violée. L’ordre des peines est ajusté à l’ordre matrimonial, au statut social et à la renommée de la victime »23. A titre d’exemple, le viol24 d’une vierge est punissable de la peine de mort25, car le violeur, par son action, a corrompu le corps et l’âme de la vierge, « ouvrant à jamais la voie du péché »26.

La valorisation de la mère de famille

  • 27 Augustin, Le bonheur conjugal, Préface de François Dupuigrenet Desroussilles, traduit du latin par (...)

18Une femme devient mère au regard de la société du xiie siècle si elle respecte les règles canoniques, fixées notamment dès le ve siècle par Saint Augustin27. La doctrine de Saint-Augustin, bien que vieille de mille ans par rapport à la période concernée ici, reste la base sur laquelle se fondent les canonistes et moralistes du Bas Moyen-Âge. La redécouverte de ses œuvres permet au clergé de construire une continuité entre les écrits des premiers siècles et ceux du xiie siècle.

  • 28 Jean-Louis Flandrin, L’Église et la contraception, Imago, 2006, p. 35-36.
  • 29 Philippe Ariès, « Le mariage indissoluble », Communications, 1982 (35), Sexualités occidentales. Co (...)

19Une femme ne peut devenir mère qu’au sein d’un mariage légalement constitué. Le mariage est encadré par trois fonctions, appelées les trois biens du mariage : proles, fides, sacramentum (proles entendu ici comme procréation mais également comme éducation chrétienne des enfants, génération corporelle et spirituelle des nouveaux membres de l’Église, fides signifiant la fidélité qui doit unir les deux époux, mettant ici l’accent sur le renoncement aux rapports extra-conjugaux et sacramentum signifiant le sacrement divin donnant à ce mariage un caractère indissoluble)28. Sur ce dernier point, il faut cependant attendre le concile de Latran IV en 1215 pour que l’indissolubilité du mariage soit reconnue officiellement 29.

  • 30 Genèse, 1:28.
  • 31 Jacques Le goff et Nicolas Truong, Une histoire du corps au Moyen-Âge, op. cit., p. 49.
  • 32 Jens N. Faaborg, Les enfants dans la littérature française au Moyen-Âge, Études Romanes 39, 1997, p (...)
  • 33 Jean-Pierre Poly, Le chemin des amours barbares, Perrin, 2003, p. 27.

20La mère prend une place importante dans la société du Bas Moyen-Âge. C’est le rôle naturel de la femme que d’enfanter. Le corps de la femme devient l’instrument de l’injonction de la Genèse « Croissez et multipliez-vous et remplissez la Terre »30. Mais seuls les couples légitimement liés ont l’autorisation de procréer ; c’est ce que l’Église nomme « copulation juste »31. C’est au sein de l’institution matrimoniale que doit se faire la procréation. Raymond Lulle, théologien espagnol du xiiie siècle, explique à son fils que le « mariage, fuiz, est assemblement corporel et espirituel ordené por avoir enfanz qui soint serviteurs de Dieu et qui recoivent de Dieu grace et beneïcon »32. Le mariage fait que la femme accède à la condition légale de mère33.

La nécessaire acceptation de la prostituée

  • 34 Jean-Gabriel Mancini, Prostitution et Proxénétisme, 1962, Presses Universitaires de France, collect (...)

21La prostituée, enfin, est, d’après le Code Justinien, « la femme qui se donne publiquement pour de l’argent et non pour le plaisir »34. La prostituée, ou femme galante, constitue la base de cette pyramide. La prostituée est la femme qui se sert de son corps pour gagner sa vie.

22Contre toute attente, compte tenu des règles canoniques encadrant l’utilisation du corps, l’Église du xiie siècle a, à l’encontre des femmes mondaines, une vision sinon tolérante, au moins protectrice.

  • 35 Saint Augustin, La Cité de Dieu, cité par Jacques Rossiaud, Amours vénales, la prostitution en Occi (...)
  • 36 Jacques Rossiaud, ibid., p. 37.

23Déjà, aux premiers siècles de notre ère, Saint Augustin leur reconnait une utilité : « La femme publique est dans la société ce que la sentine est à la barque et le cloaque au palais. Retranche le cloaque et tout le palais sera infecté35». Il reconnait que leur fonction est naturelle et permet de protéger les femmes honorables et les jeunes filles du désir des hommes. Au xiie siècle, cette perception de la fonction des prostituées, les meretrices publicae, prend un nouvel essor avec la réorganisation sociétale qu’opère l’Église. Cette dernière « traque le péché, bien moins dans le vagabondage sexuel qu’au sein de l’union légitime36 ».

  • 37 Idem, p. 39.
  • 38 Ibid.
  • 39 Jacques Le Goff et Nicolas Truong, Une histoire de corps au Moyen-Âge, op. cit., p. 64.

24Ainsi, Saint Thomas d’Aquin juge que « c’est la condition de la prostituée qui est honteuse, non ce qu’elle gagne »37. Leurs aumônes sont, en effet, acceptées par l’Église38. La prostituée est ainsi vue comme une réalité sociale et une réponse à un besoin sociétal. Ainsi, « reléguées, mais également régulatrices de la société, les prostituées vivent dans leur corps les tensions de la société médiévale »39.

  • 40 Ordonnances des rois de France de la troisième race, recueillies par de Laurière, Paris, Imprimerie (...)

25La brève interdiction opérée par Saint Louis et son ordonnance de 1254, répétée en 125640, n’a pas été reprise par ses successeurs et la mise au ban des prostituées s’est éteinte avec son règne. Dans chaque ville, il n’est pas rare de trouver un prostibulum ou « maison des fillettes ».

La place de la mère célibataire au sein de cette pyramide

26Une fois cette pyramide élaborée, vient la question de la fille-mère et de sa place au sein de la société. Elle n’entre dans aucune des trois catégories évoquées précédemment. Ce n’est plus une vierge, car elle a succombé au péché de la chair. Ce n’est pas non plus une mère, car elle n’est pas liée à un homme par le sacrement du mariage. Ce n’est pas, enfin, une prostituée, car elle n’a pas vendu son corps pour de l’argent.

27Parce qu’elle n’entre dans aucune des trois cases, elle est écartée de la société. Sa position sociétale, comme pour ses congénères, est dictée par l’usage qu’elle fait de son corps.

28Le principal écueil rencontré pour traiter de la place de la fille-mère dans la société est le manque de source, le manque de règles explicitement édictées en cette période du Bas-Moyen-Âge. En effet, la mère sans mari, celle qui a enfanté alors que cela lui était interdit, n’est citée nulle part en tant que telle dans les règles canoniques. Il n’existe pas de cadre défini pour traiter du cas de la mère célibataire. Le traitement qui lui est réservé n’est visible qu’à travers la question de son enfant, le bâtard, l’enfant illégitime, l’enfant sans père. Cette invisibilisation se traduit également à travers l’absence de tout terme juridique spécifiquement créé pour la nommer.

La culpabilité de fille-mère

  • 41 Sur la sexualité au Moyen-Âge, voir l’article « Sexualité » dans Jacques Le Goff et Jean-Claude Sch (...)

29Si la place de la mère célibataire dans la société est difficile à évaluer, c’est parce que cette situation est un paradoxe ; elle se trouve à la frontière de deux zones : la sexualité hors-mariage et la maternité41. La fille-mère est le témoin, l’exemple-type, de ce que le christianisme veut interdire depuis son origine : la maternité dissociée de la sexualité, l’utilisation du corps hors du champ autorisé par les canons et les règles ecclésiastiques. La question qui se pose alors est de comprendre comment la femme peut être mère si elle n’est pas mariée, alors que seule la maternité dans le mariage est autorisée.

Le corps coupable

  • 42 La doctrine traditionnelle du mariage énoncée par saint Thomas dans Supplément de la Somme Théologi (...)
  • 43 Yvonne Knibiehler, « Grossesse et sexualité. Regards sur le passé », Spirale 2003/2 (n°26), p. 19-2 (...)
  • 44 Louis Amiable, « De la condition des enfants illégitimes dans l’ancien droit français », Revue hist (...)

30Le mariage est, depuis les débuts du christianisme, une sorte de permission accordée aux hommes et aux femmes pour remédier à la concupiscence42. C’est ce qui est tolérable et toléré face au principe idéal de virginité. La règle, édictée par les moralistes, les théologiens et les canonistes veut que « Hors mariage, tout rapport sexuel est coupable »43. Comme le rappelle Grégoire IX, dans sa collection de décrétales, toute union charnelle en dehors du mariage est prohibée44.

  • 45 Ainsi, comme le dit Claude Grimmer dans son ouvrage La femme et le bâtard, Presses de la Renaissanc (...)

31La mère sans mari est donc coupable d’avoir succombé à l’appel du corps, et plus encore à la tentation de la chair. De par son attitude, la mère sans mari expose publiquement, à la vue et au su de tous, une autre utilisation du corps que celle prévue par les textes canoniques45.

32La fille-mère devient, malgré elle, l’incarnation de la fornicatrice. Elle est celle qui n’a pas pu s’empêcher de céder à l’appel du corps, à la luxure, au stupre. Peu importe les raisons, les causes à l’origine de sa situation de fille-mère, comme par exemple un viol, ou l’impossibilité matériel d’épouser le père de son enfant, la maternité hors du mariage est le témoin de la fornication, l’aveu de la faiblesse du corps, et, surtout, de la faiblesse féminine.

  • 46 Le droit canonique contient, tout au long de son histoire, de nombreuses dispositions relatives à l (...)

33La sexualité en dehors du mariage est illégitime. Les manuels des confesseurs, les pénitentiels, les canons conciliaires, les bulles pontificales et les décrets recèlent de dispositions condamnant la sexualité en dehors de la norme46, pour ne pas dire anormale. La maternité illégitime suit donc logiquement le même chemin, car elle est liée au plaisir et non à la recherche de la procréation.

  • 47 Laure Verdon, « La course des amants adultères », Rives nord-méditerranéennes, 31, 2008, p. 57-72.
  • 48 Jacques Le Goff et Nicolas Truong, Une histoire de corps au Moyen-Âge, op. cit, p. 50-51 . Hugues d (...)

34Le péché de chair, ou fornication, devient l’argument prédominant pour condamner la fille-mère47. La mère sans mari est en contradiction flagrante avec la morale chrétienne de la société médiévale, à savoir la sexualité, la maternité en dehors du mariage légitimement contracté. Pour certains théologiens, tel Hugues de Saint-Victor, cela va même plus loin. Il explique, en effet, que la sexualité conjugale relève de la fornication48 ; alors, que dire de la sexualité hors-mariage ?

35Ici, le corps devient coupable, devient le lieu de l’acte peccamineux.

Une maternité liée au sexe, une maternité peccamineuse

36La sexualité n’est tolérée qu’au sein du mariage, avec comme but premier, la procréation.

  • 49 J. T. Noonan, Contraception et mariage, évolution ou contradiction dans la pensée chrétienne ?, Cer (...)
  • 50 Carla Casagrande et Silvana Vecchio, Histoire des péchés capitaux au Moyen-Âge, Aubier, 2003, p. 26 (...)

37Aux origines du christianisme, cette sexualité, même lorsqu’elle est utilisée pour la procréation au sein du mariage, reste mauvaise. Pour certains Pères de l’Église49, elle est forcément entachée du péché originel, transmis par Ève aux hommes lors de la chute du Paradis50. Tout acte sexuel est peccamineux.

  • 51 Jean-Louis Flandrin, L’Église et la contraception, Imago, 2006, p. 62.

38Saint Jérôme explique même que « l’adultère est aussi l’amoureux trop ardent de sa femme »51.

  • 52 Maurice Daumas, « La sexualité dans les traités sur le mariage en France, xvie- xviie siècles », Re (...)
  • 53 Sur l’influence des stoïciens sur la morale chrétienne des Pères, voir par exemple Jean-Paul Broude (...)

39Le xiie siècle connait un changement dans l’appréciation de la sexualité. À condition qu’il soit exercé dans le mariage et dans le but de la génération, le plaisir n’est plus perçu comme nécessairement néfaste pour le salut, notamment celui de la femme. Le xiie siècle voit une certaine réhabilitation du plaisir au sein du couple légalement formé. Par la suite, Thomas d’Aquin notamment rejoint cette philosophie52. La morale stoïcienne des premiers siècles, qui continue d’être appliquée, se retrouve légèrement amoindrie53.

  • 54 Carla Casagrande et Silvana Vecchio, Histoire des péchés capitaux au Moyen-Âge, op. cit.

40La mère célibataire, dans ce cadre, est d’autant plus coupable qu’elle aurait pu, dans la sécurité d’un mariage légal, lier le plaisir charnel à la maternité, alors qu’ici, ce sont la luxure, la concupiscence qui viennent expliquer son état. Son corps porte la marque du péché. On retrouve dans ce contexte la dualité noblesse de l’âme/impureté du corps, dualité expliquée notamment par les théologiens du début du christianisme, dont Saint Augustin est l’un des fers de lance54. La fille-mère est donc concupiscente parce qu’elle est l’image de la priorité donnée aux sens et au plaisir, et non pas à l’élévation spirituelle par la sexualité légitime.

41Également, la fille-mère, par le péché de chair qu’elle a commis, avec l’enfant illégitime qu’elle porte et met au monde, remet en cause, non seulement l’institution du mariage, mais également la société et ses fondements. La famille devient alors le témoin de la stabilité de l’État. Une mère sans père est forcément néfaste pour la société médiévale qui repose sur un très fort patriarcat.

42De ce fait, le droit au mariage de la mère célibataire se voit restreint. En l’occurrence, s’il n’est pas interdit, l’accès au mariage est rendu plus ardu et l’espoir d’un « beau mariage » est quasiment inexistant.

43Au regard de la sanction canonique, la fille-mère est assimilée à la fornicatrice : « Fuyez la fornication : quelque péché que l’homme commette, il est hors du corps, mais le fornicateur pèche contre son propre corps. Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous, et que vous avez de Dieu ? Et vous n’êtes pas à vous-mêmes ; car vous avez été achetés à prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps » (1 Corinthiens 6, 18-20).

  • 55 Décret de Gratien, Partie II, Cause XXXIII, Question 2, Canon 11.
  • 56 Laurent Kondratuk, « Les délits et les peines dans le droit canonique du xvie siècle ». Revue de dr (...)

44La mère sans mari encourt une peine qui peut varier de trois ans de pénitence à l’excommunication. Au milieu du xiie siècle, le Décret de Gratien fixe la peine à sept ans de pénitence55, sachant que le prononcé de la peine est laissé à l’appréciation du juge56.

  • 57 Cité par Alexandre micha, Étude sur le Merlin de Robert de Boron, Roman du xiiie siècle, Droz, 2000 (...)

45Parfois, la justice laïque pouvait se substituer à la justice ecclésiastique. Ainsi, Le Livre de Jostice et de Plet raconte que les coupables de fornication « doivent estre chastiees atrampeement de poine de cors »57.

Conclusion

  • 58 Yvonne Knielbher et Catherine Fouquet, Histoire des mères, Montalba, 1977, p. 123.
  • 59 Claude Grimmer, La femme et le bâtard, Presses de la renaissance, 1983, p. 148.
  • 60 Henri Suhamy, Guillaume le Conquérant, Ellipses, 2008, p. 62. Il est intéressant de noter que la mè (...)

46Cette vision de la mère célibataire se dessine à la lecture des textes théologiques et canoniques. Mais à côté de cette approche théorique, la pratique et la vie quotidienne semblent apporter quelques nuances. En effet, il faut noter une certaine mansuétude à l’égard de la fille-mère de la part des autorités religieuses et de la société en général. Bien entendu, nous ne disposons d’aucune source statistique pour mesurer l’ampleur du phénomène des grossesses illégitimes et analyser l’impact de celles-ci vues à l’intérieur de la société. Les textes législatifs traitent le plus souvent des habitudes de la noblesse et de la royauté, la vie des femmes de plus basse condition restant obscure. Nous pouvons, malgré tout, à l’aune de certains témoignages58, constater une certaine forme d’indulgence envers ces mères sans mari. C’est le cas, par exemple, de l’enfant issu de l’union illégitime d’une femme et du seigneur local. L’enfant bâtard est alors élevé et entretenu par les soins du seigneur et sa mère bénéficie d’un niveau de vie correct59. Cas certes rare, le bâtard peut même devenir une figure emblématique de l’histoire européenne, si nous prenons le cas de Guillaume le Conquérant60.

  • 61 Sur ce sujet, voir l’article de Catherine Blons-Pierre, « Le statut de la mère célibataire dans la (...)

47La littérature médiévale fait également montre d’une certaine forme d’intérêt pour ces femmes hors de la norme. Quelques contes narrent les histoires fantastiques de ces femmes, devenues mères sans être épouses61. Si elles restent en dehors de la société, elles vivent des épopées extra-ordinaires.

48Bien que la fille-mère soit considérée comme l’incarnation de la pécheresse, la société médiévale lui concède donc une certaine bienveillance. Mais cette accommodation de la société va s’inverser à partir du xvie siècle.

  • 62 Sur l’appropriation par le pouvoir royal de l’organisation de la famille, il faut citer la Grande D (...)
  • 63 Parmi de nombreux exemples du changement d’attitude de la société et de l’Église, on peut citer le (...)

49À la suite à la Contre-Réforme, la société se réorganise totalement et l’Église perd le monopole législatif et judiciaire qu’elle détenait en matière de sexualité, de procréation et d’organisation de la vie des fidèles de manière générale62. Le roi, désireux d’asseoir son pouvoir, accapare les droits et devoirs régissant la vie intime de ses sujets. Dès lors, la vision de la mère célibataire, et par voie de conséquence, de son enfant, connaît un changement radical63. À la tolérance se substitue une franche hostilité de la part de la société dans son ensemble.

50L’état de mère célibataire engage la famille entière de celle-ci. La honte qui accompagne la faute charnelle touche aussi bien sa personne et son enfant que ses parents et ses collatéraux. La faute du corps se répercute sur tout son clan et contribue, ainsi, à l’exclusion de la mère sans mari de la société.

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Bibliographie

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Notes

1 Pamela Russel, » Forme et imagination : l’image féminine dans l’Europe paléolithique », Paléo, n°5, décembre 1993, p. 375-388.

2 Jean-Paul Demoule, « Premières statuettes féminines », Encyclœpedia Universalis, [en ligne].

3 Aujourd’hui également, la représentation de ces Vénus paléolithiques pose problème, en témoigne la censure des représentations par les réseaux sociaux, notamment le site Facebook. Voir à ce sujet l’article du Monde du 1er mars 2018, [en ligne].

4 Jean Gaudemet, Les sources du droit canonique, viiiexxe siècle, Repères canoniques, Sources occidentales, Paris, Cerf, 1993, p. 43.

5 Augustin Fliche, La réforme grégorienne, Tome 1, Genève, 1978, p. 59. Également par le même auteur, « La Réforme grégorienne », Revue d’Histoire de l’Église de France, tome 12, n°55, 1926, p. 145-167.

6 Jacques Le goff et Nicolas Truong, Une histoire du corps au Moyen-Âge, Éditions Liana Levi, 2008, p. 34.

7 Jacques Le goff et Nicolas Truong, ibid.

8 Aristote, Génération d’Animaux, I, 728 a. Aristote analyse les femmes comme des hommes auxquels il manque un élément vital, le sperme, réputé contenir le futur être humain dans son ensemble. Ainsi, les hommes sont les pourvoyeurs de l’âme et du corps, les femmes ne servent qu’à alimenter ce sperme pour assurer son développement.

9 Christina Cerami, « Le plaisir des femmes selon Aristote », Philosophie Antique [En ligne], 16 | 2016.

10 Caroline Darricau-Lugat, « Regards sur la profession médicale en France médiévale (XIIe– XVe) », Cahiers de recherches médiévales [En ligne], 6 | 1999.

11 Hervé legrand, « Les femmes sont-elles à l’image de Dieu de la même manière que les hommes ? Sondages dans les énoncés de quelques pères grecs », Nouvelle revue théologique, tome 128, n°2, 2006, p. 214-239. Dans cet article, l’auteur revient sur la hiérarchie qui existe, dans la Bible, entre Adam et Ève pour expliquer la hiérarchie entre hommes et femmes sur Terre. Adam est créé avant Ève, ce qui fait dire à Saint Paul : « L’homme est l’image de la gloire de Dieu. Mais la femme est la gloire de l’homme. Car ce n’est pas l’homme qui a été tiré de la femme, mais la femme de l’homme. Et l’homme n’a pas été créé pour la femme mais la femme pour l’homme » (1 Co 11,7-9).

12 Ibid : « C’est Adam en effet qui fut formé le premier. Ève ensuite. Ce n’est pas Adam qui fut séduit, mais c’est la femme qui séduite, tomba dans la transgression » (1 Tm 3,12-13).

13 Guy Bechtel, Les quatre femmes de Dieu, p. 10 et s. : aux premiers siècles de notre ère, il n’existe pas un dessein populationniste de la part de l’Église, une volonté de multiplier les naissances qui se développera à partir du xiie siècle. De nombreux théologiens et Pères de l’Église partagent cette idée que le Royaume de Dieu est proche, notamment chez Basile (329-379), Grégoire de Nysse (335-394) et Saint Jérôme (347-420). Les lois romaines telles que la Lex Julia (adoptée en l’an 18 avant notre ère) et la Lex Papia Poppaea (adoptée en l’an 9 de notre ère), lois « destinées à enrayer la décadence morale de la société romaine et à accroître les naissances » (François de Fontette, « Rome », Les grandes dates du droit, collection « Que sais-je ? », Presses Universitaires de France, p. 24), lois encourageant le mariage et la procréation, sont également attaquées.

14 Précision étymologique : le terme de fille-mère apparait au xviiie siècle, celui de mère célibataire au xxe siècle. Ces termes n’étant pas connus des auteurs et canonistes du Bas Moyen-Âge, il sera donc employé ici un anachronisme nécessaire, car aucun mot ne venait désigner spécifiquement ces mères sans mari, ces mères d’enfant naturel (les deux termes étant synonymes, ils seront utilisés simultanément pour désigner une même situation). Le fait de ne pas les désigner par un terme spécifique ajoute à cette invisibilisation et au problème soulevé par cet exposé. Le silence des sources sur cette situation ne fait que renforcer le caractère invisible des mères sans mari.

15 Georges Duby, Les trois ordres ou l’imaginaire du féodalisme, Paris, Gallimard, 1978, 428 pages : « Les uns sont dédiés particulièrement au service de Dieu ; les autres à conserver l’Estat par les armes ; les autres à le nourrir et le maintenir par les exercices de la paix. Ce sont nos trois ordres ou estats généraux de France, le Clergé, la Noblesse et le Tiers-Estat » (p. 11).

16 Georges Duby et Michelle Perrot, sous la direction de Christiane Klapisch-Zuber, Histoire des femmes, 2 Le Moyen-Âge, Plon, 1990, p. 87.

17 Sylvie Joye, « Couples chastes à la fin de l’Antiquité et au Haut Moyen-Âge », Médiévales 65, 2013, p. 47-63.

18 1er Épître aux Corinthiens, chapitre 7 : « Qui se marie fait bien, qui ne se marie pas fait mieux ».

19 Philippe-Henri Menoud, « Mariage et célibat selon Saint Paul », Revue de théologie philosophique, 1951, p. 21-34. Cependant, dans cet article, l’auteur fait remarquer les limites du célibat voulu par Saint Paul : « la vie solitaire est un « charisme » et non une vocation commune ».

20 Marc-André Moreau, « La femme tel un diamant marial : idéal féminin, spiritualité et médecine dans le Livre de la vertu du sacrement de mariage de Philippe de Mézières », Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA [En ligne], 21.2 | 2017.

21 Jacques Voisenet, « Figure de la virginité ou image de la paillardise : la sexualité du clerc au Moyen-Âge », Le clerc au Moyen-Âge, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 1995, p. 569-578. Sur la réception des écrits d’Isidore de Séville au xiie siècle, voir Jacques Elfassi et Bernard Ribémont, « La réception d’Isidore de Séville durant le Moyen Âge tardif (XIIe-XVe s.) », Cahiers de recherches médiévales, 16 | 2008, p. 1-5.

22 À travers, notamment, le Speculum Virginum (ou Miroir des Vierges), œuvre attribuée à Conrad de Hirsau, datant de la seconde moitié du xiie siècle, et destinée aux religieuses cisterciennes.

23 Didier Lett, « Connaître charnellement une femme contre sa volonté et avec violence. Viols des femmes et honneur des hommes dans les statuts communaux des Marches au XIVe siècle », Un Moyen Âge pour aujourd’hui. Mélanges offerts à Claude Gauvard, Paris, Presses Universitaires de France, 2010, p. 449-461.

24 Sur la question du viol à l’époque du Moyen-Âge classique, voir Annick Porteau-Bitker, « La justice laïque et le viol au Moyen-Âge », Revue historique de droit français et étranger, 1988, 66 (4), p. 491-526.

25 Didier Lett, « Connaître charnellement une femme contre sa volonté et avec violence… », op. cit., citant Claude Gauvard, « De grace especial » Crime, état et société en France à la fin du Moyen-Âge, volume II, publications de la Sorbonne, 1991, p. 816.

26 Ibid.

27 Augustin, Le bonheur conjugal, Préface de François Dupuigrenet Desroussilles, traduit du latin par Jean Hamon, Rivages poche, Petite bibliothèque, 2001, 119 pages.

28 Jean-Louis Flandrin, L’Église et la contraception, Imago, 2006, p. 35-36.

29 Philippe Ariès, « Le mariage indissoluble », Communications, 1982 (35), Sexualités occidentales. Contribution à l'histoire et à la sociologie de la sexualité, p. 123-137

30 Genèse, 1:28.

31 Jacques Le goff et Nicolas Truong, Une histoire du corps au Moyen-Âge, op. cit., p. 49.

32 Jens N. Faaborg, Les enfants dans la littérature française au Moyen-Âge, Études Romanes 39, 1997, p. 57.

33 Jean-Pierre Poly, Le chemin des amours barbares, Perrin, 2003, p. 27.

34 Jean-Gabriel Mancini, Prostitution et Proxénétisme, 1962, Presses Universitaires de France, collection « Que sais-je ? », p. 16.

35 Saint Augustin, La Cité de Dieu, cité par Jacques Rossiaud, Amours vénales, la prostitution en Occident xiie-xvie siècle, Aubier, 2010, p. 40.

36 Jacques Rossiaud, ibid., p. 37.

37 Idem, p. 39.

38 Ibid.

39 Jacques Le Goff et Nicolas Truong, Une histoire de corps au Moyen-Âge, op. cit., p. 64.

40 Ordonnances des rois de France de la troisième race, recueillies par de Laurière, Paris, Imprimeries royales, 1723, p. 74 et 77.

41 Sur la sexualité au Moyen-Âge, voir l’article « Sexualité » dans Jacques Le Goff et Jean-Claude Schmitt, Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Fayard, 2014, p. 1067-1084.

42 La doctrine traditionnelle du mariage énoncée par saint Thomas dans Supplément de la Somme Théologique (question 41, a. 1) est reprise dans le canon 1013 du Code de Droit Canonique de 1917, qui indique que « la fin première du mariage est la procréation et l’éducation des enfants ; la fin secondaire est l’aide mutuelle et le remède à la concupiscence ».

43 Yvonne Knibiehler, « Grossesse et sexualité. Regards sur le passé », Spirale 2003/2 (n°26), p. 19-27. Ici, p. 21.

44 Louis Amiable, « De la condition des enfants illégitimes dans l’ancien droit français », Revue historique de droit français et étranger, 1964 (10), p. 369-370, repris par Amandine Duvillet, Du péché à l’ordre civil, les unions hors mariage au regard du droit (XVIe-XXe siècle), thèse d’histoire du droit. Université de Bourgogne, 2011, p. 8.

45 Ainsi, comme le dit Claude Grimmer dans son ouvrage La femme et le bâtard, Presses de la Renaissance, 1983, p. 25, reprenant les écrits de Louis de Saint-Simon : « Le fils légitime est l’enfant du sacrement. Le bâtard est celui du crime ».

46 Le droit canonique contient, tout au long de son histoire, de nombreuses dispositions relatives à la fornication. On peut citer, par exemple, le Concile d’Ancyre (314), qui condamne les coupables de fornication à dix ans de pénitence (canon 25), ou le Concile d’Aubsbourg (1548) qui réserve la peine au doyen (canon 9). Voir Dictionnaire universel et complet des conciles tant généraux que particuliers, des principaux synodes diocésains et des autres assemblées ecclésiastiques les plus remarquables, deux tomes, publiés par l’Abbé Migne, 1848.

47 Laure Verdon, « La course des amants adultères », Rives nord-méditerranéennes, 31, 2008, p. 57-72.

48 Jacques Le Goff et Nicolas Truong, Une histoire de corps au Moyen-Âge, op. cit, p. 50-51 . Hugues de Saint-Victor considérait que l’on ne pouvait pas faire d’enfant sans déplaire à Dieu. L’acte sexuel, même pour la procréation, revêtait un caractère peccamineux.

49 J. T. Noonan, Contraception et mariage, évolution ou contradiction dans la pensée chrétienne ?, Cerf, 1969, p. 172-177. Dans cet ouvrage, l’auteur dresse une liste de la pensée des Pères de l’Église sur la sexualité aux premiers siècles du christianisme.

50 Carla Casagrande et Silvana Vecchio, Histoire des péchés capitaux au Moyen-Âge, Aubier, 2003, p. 263 et s.

51 Jean-Louis Flandrin, L’Église et la contraception, Imago, 2006, p. 62.

52 Maurice Daumas, « La sexualité dans les traités sur le mariage en France, xvie- xviie siècles », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2004/1 (n°51-1), p. 7-35.

53 Sur l’influence des stoïciens sur la morale chrétienne des Pères, voir par exemple Jean-Paul Broudehoux, Mariage et famille chez Clément d’Alexandrie, Beauchesne, 1970, p. 124. 

54 Carla Casagrande et Silvana Vecchio, Histoire des péchés capitaux au Moyen-Âge, op. cit.

55 Décret de Gratien, Partie II, Cause XXXIII, Question 2, Canon 11.

56 Laurent Kondratuk, « Les délits et les peines dans le droit canonique du xvie siècle ». Revue de droit canonique, Institut de droit canonique 2006, Le droit pénal et l’Église, 56 (1-2), p. 79-96, ici p. 90, citant Lancellotti, Instit., IV, cap. De adulteriis et aliis coniunctionibus illicitis, § Pœna simplicis...: « Demum si quis cum muliere soluta et impudica simpliciter fornicatus fuerit, tam pœnitentiæ modus, quam etiam alia pœna in judicis potissimum reponetur arbitrio, qui ex qualitatibus variis minorem, vel majorem pœnam statuet ».

57 Cité par Alexandre micha, Étude sur le Merlin de Robert de Boron, Roman du xiiie siècle, Droz, 2000, p. 115.

58 Yvonne Knielbher et Catherine Fouquet, Histoire des mères, Montalba, 1977, p. 123.

59 Claude Grimmer, La femme et le bâtard, Presses de la renaissance, 1983, p. 148.

60 Henri Suhamy, Guillaume le Conquérant, Ellipses, 2008, p. 62. Il est intéressant de noter que la mère de Guillaume le Conquérant, la fille-mère de cette histoire, Arlette, est très peu représentée dans la légende du Duc de Normandie. Seul est mis en avant le bâtard à l’incroyable destin et ses nobles aïeux.

61 Sur ce sujet, voir l’article de Catherine Blons-Pierre, « Le statut de la mère célibataire dans la littérature médiévale », La mère au Moyen-Âge : actes du colloque du Centre d’Etudes Médiévales et Dialectales de Lille 3, Université Charles-de-Gaulle-Lille 3, 1997, p. 35-47.

62 Sur l’appropriation par le pouvoir royal de l’organisation de la famille, il faut citer la Grande Déclaration de Saint Germain de novembre 1639, faite par Louis XIII : « le mariage est le séminaire des états, la source et l’origine de la société civile, le fondement des familles qui composent la république ».

63 Parmi de nombreux exemples du changement d’attitude de la société et de l’Église, on peut citer le refus, par les prêtres catholiques, de baptiser les enfants nés d’unions illégitimes. Sur ce sujet, voir l’article de Vincent Gourdon et Isabelle Robin, « Le baptême des illégitimes, xvie-xviie siècle », Bâtards et bâtardises dans l’Europe médiévale et moderne, Presses Universitaires de Rennes, 2016, p. 225-241.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Marjorie Coulas, « Le corps des femmes : la place des filles-mères dans la « pyramide normative » chrétienne. Approche juridique et anthropologique des filles-mères dans la France médiévale (xiie-xve siècles) »Droit et cultures [En ligne], 82 | 2021/2, mis en ligne le 30 août 2022, consulté le 29 mars 2023. URL : http://journals.openedition.org/droitcultures/7455 ; DOI : https://doi.org/10.4000/droitcultures.7455

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Auteur

Marjorie Coulas

Marjorie Coulas, docteure en Histoire du droit de l’Université Paris Nanterre, a soutenu une thèse intitulée Les refus de la maternité : influences réciproques du droit séculier et du droit canonique en matière de contraception, d’avortement et sur la condition juridique de la fille-mère en France, du xiie au xixe siècle. Depuis le début de l’année 2022, elle est chercheur associé au sein du Centre d’Histoire et d’Anthropologie du Droit de l’Université Paris Nanterre. Ses recherches portent principalement sur le droit des femmes, et notamment sur les législations entourant les droits reproducteurs.

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