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Dossier : Les nouvelles normativités transformatrices des systèmes semenciers

Présentation. Les systèmes semenciers au prisme de l’évolution des normes

Christine Raimond, Morgane Leclercq et Sélim Louafi

Texte intégral

Introduction

1« Le droit a tout changé ! ». Cette citation extraite d’un entretien avec un habitant de la périphérie de Yaoundé en janvier 2023 se rapportait à l’histoire d’un arbre auquel les villageois étaient attachés et qui fournissait plusieurs services (écorces, fruits, ombrage, lieu de discussion) qu’aucun ne pouvait refuser à quiconque, ni même la personne qui avait installé sa maison à côté et l’avait peut-être même planté. L’achat de la parcelle par un citadin a transféré de jure la propriété de l’arbre à cette personne qui désormais, en vertu des règles du droit positif camerounais, peut en disposer à sa guise et même le couper s’il le veut, sans qu’aucun dans le village ne puisse s’y opposer. Au-delà de la nostalgie émanant de la citation ci-dessus, celle-ci soulève plusieurs questions :

2Le passage d’un monde ancien, rural, communautaire, où les règles sociales lient les humains les uns aux autres et régissent les modes d’accès et les usages des ressources naturelles considérées comme biens communs à un monde moderne, urbain, où les règles de droit positif s’imposent, souvent sans considération des savoirs, pratiques et usages locaux ;

3Le changement de la nature et du statut de l’arbre, considéré auparavant comme un « habitant du territoire » ayant éventuellement connu le passage de plusieurs générations d’humains, qui est désormais appréhendé comme un objet possédé par le propriétaire de la parcelle, marquant de ce fait la rupture entre nature et culture caractéristique du droit positif moderne ;

4Les enjeux de la reconnaissance d’un pluralisme juridique, c’est-à-dire de la coexistence d’une pluralité d’ordres, de cadres ou de systèmes juridiques distincts qui établissent ou non entre eux des rapports de droit ; un droit qui n’est plus seulement défini en lien avec l’État, mais aussi en lien avec les normes sociales locales.

  • 1 Eric Garine, Adeline Barnaud, Christine Raimond, «Growing a shared landscape: Plants and humans ove (...)

5Ces questions rejoignent celles plus générales des relations des humains au vivant et de la façon dont le droit peut les appréhender. Se posent-elles de manière similaire pour des arbres, dont la durée de vie peut recouvrir celle de plusieurs générations d’humains, et pour des plantes cultivées dont la reproduction dépend des pratiques annuelles de sélection par les humains1 ? Comment les nouvelles normes imposées par les législations nationales et le droit international modifient-elles les relations entre les humains et les semences et permettent-elles de mieux intégrer, par rapport aux normes du foncier évoquées ci-dessus, les normes sociales locales qui régissent leur production sur le temps long et dont dépend la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations ?

6Les semences de plantes cultivées coévoluent avec les sociétés qui en prennent soin, les reproduisent et les cultivent dans leurs champs. Chaque année, c’est une nouvelle génération de graines qui se développe et qui va produire les individus de la génération suivante, au sein de laquelle seront sélectionnées, ou pas, les semences de l’année d’après. Leur évolution est non seulement dépendante de leur propre système reproductif, mais aussi des choix réalisés par les agricultrices et agriculteurs de les conserver en tant que semence, de les écarter ou d’en choisir de nouvelles, venant éventuellement de loin, pour réensemencer leurs champs. Pour comprendre cette évolution, il faut donc considérer trois processus concomitants : (1) les générations de plusieurs espèces consécutives sur le temps long et la capacité évolutive propre à leur biologie (reproduction) et aux facteurs environnementaux ; (2) l’action des processus de sélection humaine, qui répondent à des usages et des pratiques propres aux sociétés qui les cultivent ; et (3) les innovations liées aux changements de la demande alimentaire (quantités et diversité des produits), des conditions de production (climat, fertilité des sols, disponibilité en eau) et des politiques agricoles (modèles de production agricole, soutien aux filières, production semencière) dans des contextes socio-politiques contrastés.

7Pour réguler les systèmes semenciers et augmenter les productions agricoles, de la sélection de nouvelles variétés à leur diffusion auprès des agriculteurs et agricultrices, c’est tout un ensemble d’acteurs et d’activités que les politiques et le droit doivent appréhender aux échelles locale, nationale, régionale et internationale. À propos des semences, qui constituent le socle de la production agricole et donc de la sécurité alimentaire mondiale, l’enjeu est considérable. Il impose que l’on s’intéresse aux normes qui ont assuré l’alimentation des populations humaines sur le temps long, mais aussi à celles plus récentes, créées dans le cadre de l’intensification agricole pour nourrir une population croissante, mais de moins en moins nombreuse à consacrer du temps pour produire sa nourriture, notamment dans les pays les plus développés.

Appréhender les normes dans les systèmes semenciers

8Les systèmes semenciers sont définis comme l’ensemble des activités combinées des acteurs utilisant le matériel végétal et les connaissances pour fournir les semences aux agricultrices et agriculteurs2. Ils embrassent toutes les fonctions et les normes qui régissent la production, les échanges et la conservation des semences, même s’ils ne font pas l’objet d’une institution différenciée. Ils existent depuis le début de la domestication des plantes et ont longtemps reposé sur la sélection massale, qui consiste à sélectionner les semences au champ pour les conserver et les utiliser l’année suivante. Les pratiques d’autoproduction des semences et les réseaux d’échanges au sein des sociétés sont aujourd’hui bien documentés dans des contextes culturels variés3. Ces études montrent que les échanges et le partage de semences au sein des réseaux d’alliance, de parenté et de voisinage, ainsi que les déplacements sur des distances plus lointaines, expliquent la diffusion des plantes cultivées à partir des foyers de domestication et à différentes échelles. Elles soulignent toute la richesse de l’analyse des savoirs et pratiques localisés, mais aussi des normes locales de sélection, d’échanges, de conservation, d’usages et de valeur rapportées aux semences. Elles analysent également le fonctionnement de systèmes semenciers où les fonctions de la sélection variétale, de la production semencière et de la production agricole sont assurées par les mêmes acteurs sur le temps long4.

  • 5 Thierry de Raymond, « La question des semences, point de vue » in Chantal Blanc-Parmard et André Le (...)
  • 6 Christophe Bonneuil, Jean-Baptiste Fressos, L’événement Anthropocène, Paris, Ed. Seuil, 2013, 320 p
  • 7 Christine Raimond, Laurent Ouedraogo, Camille Noûs, Eric Garine, « L’agrobiodiversité sous les trop (...)

9En raison des changements de modèles agricoles, de l’avancée des connaissances et des techniques, des fluctuations du marché et des pressions politiques diverses face aux variations environnementales et aux pressions anthropiques, les systèmes semenciers ont connu une évolution significative au cours des dernières décennies. S’il est difficile de retracer rapidement les conséquences de ces changements sur l’ensemble des normes régissant les systèmes semenciers et sur le devenir des agricultures5, la lecture sociale de l’Anthropocène6 permet de mettre en évidence les enjeux de la gouvernance des systèmes semenciers, notamment dans les pays où s’est imposée l’agriculture intensive et la mise en place de filières commerciales internationales de produits agricoles. Avec une perte de pouvoir de sélection sur les plantes pour les agricultrices et agriculteurs qui les cultivent7, c’est aussi tout un ensemble de nouvelles normes qui se sont imposées, tant dans le domaine de la qualité des semences (liées à leur taux de germination et leur capacité à répondre aux intrants pour augmenter les rendements), de leur diffusion et des conditions de commercialisation (obligation d’une inscription dans le catalogue officiel des semences, certification, échange marchand) que des valeurs qui leur sont associées (attachement, patrimoine, propriété intellectuelle). Par le biais du développement du droit international, des législations nationales et des politiques publiques, les rapports entre sociétés et environnement se sont profondément modifiés, souvent dans un rapport dominant/dominé, ce qui pose à la fois des enjeux de conservation de l’agrobiodiversité mais aussi ceux de l’adaptation face aux défis liés aux changements globaux.

  • 8 Juliana Santellini, Agrobiodiversity and the law : regulating genetic resources, food security and (...)
  • 9 Hélène Tordjman, « La construction d’une marchandise : le cas des semences », Annales, Histoire, Sc (...)

10Aux échelles internationale et nationale, les textes qui régissent les systèmes semenciers tendent à favoriser les stratégies d’accès aux marchés des compagnies semencières tandis qu’elles limitent l’échange de semences entre paysans8 et favorisent l’homogénéisation des variétés par la sélection variétale moderne9. En réaction, les droits des agriculteurs à disposer d’un accès aux terres, à l’eau et aux semences ont été progressivement revendiqués au sein de la société civile, à partir des années 1980. Les enjeux sont de contrebalancer les prérogatives accordées aux sélectionneurs et obtenteurs professionnels en vertu des droits de propriété intellectuelle sur les variétés végétales, de reconnaitre les contributions des agriculteurs à la conservation et à l’utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (RPGAA) et d’affirmer leurs droits aux pratiques semencières. Leurs droits de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre des semences ont été reconnus officiellement dans le cadre de l’Engagement international sur les ressources phytogénétiques adopté en 1983, puis formellement dans le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA), entré en vigueur en 2004. Ils manquent cependant d’effectivité et omettent l’enjeu primordial de l’accès à de nouvelles semences dans le contexte des changements climatiques, notamment.

  • 10 Louwaars et Manicad, «Seed systems resilience – An Overview», op. cit.

11Les mouvements sociaux réclamant plus de justice pour les systèmes semenciers continuent d’être actifs et en 2018, les revendications de la société civile conduisent à l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales qui reconnaît, dans son article 19, le droit aux semences en incluant le droit à la protection des savoirs traditionnels relatifs aux ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, le droit de participer équitablement au partage des avantages découlant de leur utilisation, le droit de participer à la prise de décisions sur les questions touchant leur préservation et leur utilisation durable et le droit de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre des semences de ferme ou du matériel de multiplication. Cet historique conduit toutefois au constat que le droit international économique a contribué à établir une dichotomie entre un « système semencier formel » et un « système semencier informel ». Alors que s’observe de facto une coexistence, au sein des systèmes semenciers, d’une grande diversité de sources d’approvisionnement, de variétés cultivées, de statuts et d’origines des semences et de valeurs qui leur sont associées, une transition portée par le droit vers des systèmes semenciers plus durables, résilients et équitables est devenue urgente10.

  • 11 Tamara Wattnem, «Seed laws, certification and standardization: outlawing informal seed systems in t (...)

12Du point de vue de la recherche sur les droits des paysans vis-à-vis de leurs semences, les travaux ont beaucoup porté sur les conséquences d’une privatisation du matériel génétique et des droits de propriété intellectuelle en termes de dépossession des agriculteurs de leurs variétés. Les nouvelles normes imposées par les lois et réglementations organisent des processus de certification des semences et des critères de qualité pour la commercialisation et les échanges de semences. Elles jouent aussi un rôle majeur sur certaines pratiques indispensables au fonctionnement des systèmes semenciers anciens, devenant de fait une menace supplémentaire pour l’agrobiodiversité avec des conséquences directes sur les moyens de subsistance des agriculteurs11.

  • 12 Mauricio R. Bellon, David Hodson, Jon Hellin, «Assessing the vulnerability of traditional maize see (...)
  • 13 Delphine Renard, David Tilman, «Cultivate biodiversity to harvest food security and sustainability» (...)
  • 14 Sur l’adaptation environnementale, voir par exemple : Paul Gepts, «The contribution of genetic and (...)
  • 15 Conny M. Almekinders, Niels P. Louwaars, «The importance of the farmers’seed systems in a functiona (...)
  • 16 Yiegezu A. Yigezu, Zewdie Bishaw, Abdoul-Azziz Niane, et al. «Institutional and farm-level challeng (...)
  • 17 Stephen Brush, «In situ conservation of Landraces in Centers of Crops Diversity», Crop Science, n° (...)
  • 18 Sélim Louafi, Didier Bazile, Jean-Louis Noyer, «Conserving and Cultivating Agricultural Genetic Div (...)

13De nombreuses recherches portent désormais sur les liens entre modèle d’agriculture intensive, sélection variétale et érosion de la diversité cultivée12, sur la souveraineté semencière et ses liens avec la sécurité alimentaire13 ainsi que sur les menaces que font peser les grands facteurs de changement de l’agriculture (climat, sols, politiques agricoles et sécuritaires, accaparements fonciers, habitudes alimentaires) sur la disponibilité et l’accessibilité en semences et leur adaptation environnementale14. Tous ces travaux montrent la complexité de l’objet d’étude et de ses nombreuses facettes. Ils révèlent aussi la difficulté à dépasser les divisions binaires, entre formel/informel15, bonne (et donc mauvaise ?) semence16, conservation in situ/ex situ17, qui structurent encore les débats18. Relever ces verrous impose une alliance disciplinaire large pour :

    • 19 Devra Jarvis, Toby Hodgkin, Anthony H.D. Brown, Jon Tuxill, Isabel Lopez Noriega, Melinda Smale, Bh (...)

    Observer, décrire, analyser la diversité cultivée : un travail de biologistes et de généticiens qui doit être confronté à celui des anthropologues et des géographes sur les classifications vernaculaires et l’histoire des plantes cultivées dans les territoires19 ;

    • 20 Christine Raimond, Thierry Robert, Eric Garine (Eds.), « Frontières des hommes, frontières des plan (...)

    Suivre les dynamiques de la diversité cultivée dans le temps pour comprendre un objet éminemment hybride en raison de la grande fluidité entre variétés paysannes, locales, issues de la recherche scientifique, brevetées ; entre semences paysannes, locales, autochtones, certifiées ; et la coexistence entre sources d’approvisionnement reposant sur les relations interpersonnelles et marchandes auprès de vendeurs agréés ou non. La description de la diversité cultivée selon différentes ontologies, différentes langues et cultures, dans différents lieux et échelles de temps impose de réfléchir aux échelles d’observation, aux critères de description et à la méthodologie des inventaires20, mais aussi aux conditions de la conservation et de la conduite des analyses qui imposent des données et du matériel nombreux pour lesquels se posent les questions d’accessibilité et de propriété ;

  • Enfin, analyser les relations entre la diversité cultivée et les différents acteurs qui interagissent pour la gérer, liens qui reposent sur des normes sociales définissant les valeurs de l’agrobiodiversité et les fonctions qui lui sont attribuées dans l’agrosystème, mais aussi les responsabilités de chacun vis-à-vis de sa production et de sa conservation.

  • 21 Sélim Louafi, Mathieu Thomas, Frédérique Jankowski et al. «Community of practice in crop diversity (...)

14Ces questions posées à la recherche imposent aussi de repositionner son rôle par rapport au droit, notamment pour documenter la diversité et les interrelations des normes et des ordres, cadres ou systèmes juridiques affectant les systèmes semenciers afin, d’une part, d’identifier des mécanismes juridiques permettant d’accroitre la prise en compte des réalités paysannes et de mettre en œuvre les droits des agriculteurs et, d’autre part, de prendre en compte toute la diversité des stratégies de gestion de la diversité cultivée. Ces objectifs imposent d’intégrer tous les acteurs, dans une démarche collaborative, pour mieux comprendre les dynamiques et les enjeux et pour encourager des réformes juridiques en cohérence avec les normativités locales sur lesquelles reposent la sécurité semencière sur le long terme. Les recherches récentes s’orientent notamment vers le concept de communauté de pratique21 en tant qu’expérience sociale et d’apprentissage collectif pour relever les défis cognitifs et politiques liés au travail sur les données.

Circuits, lieux et acteurs contemporains de la production semencière

15Depuis l’adoption des premiers textes internationaux sur les semences et les variétés végétales, plusieurs États ont reconnu les droits des agriculteurs. Toutefois, ces droits nécessitent d’être adaptés aux contextes locaux présents sur le territoire national. C’est un défi, car les réalités locales sont très diverses et fonction des sociétés, des savoirs et pratiques et de leur intégration à la mondialisation. Adoptant la posture du pluralisme juridique, ce dossier propose d’analyser les conditions de la prise en compte des normativités locales au sein des cadres juridiques nationaux et internationaux sur les semences, ainsi que la manière dont les normes observées aux différentes échelles transforment et sont transformées par les systèmes semenciers. Il s’intéresse aux phénomènes de collaboration, de résistance, de juxtaposition ou d’hybridation conduisant à de nouvelles normativités touchant l’ensemble des processus liés à la production, l’utilisation et la conservation des semences.

  • 22 ANR-10-LABX-001-01 financé dans le cadre du programme « Investissements d’avenir » de l’Agence nati (...)

16C’est à partir du projet transdisciplinaire et collaboratif sur la « Gouvernance adaptative de la coexistence des systèmes de gestion de la diversité » (CoEx, 2017-2021)22 que ces réflexions se sont structurées et finalement élargies à d’autres recherches en cours. Le projet CoEx avait pour objectif, d’une part, de comprendre le fossé entre les réglementations et lois sur les semences et les ressources génétiques vis-à-vis de la diversité des pratiques culturales et d’utilisation des semences en Afrique de l’Ouest (Sénégal, Burkina Faso, Mali, Niger) ; et, d’autre part, de proposer des mécanismes de gouvernance prenant mieux en compte la diversité de ces pratiques et modes de gestion des cultures. Une alliance disciplinaire large a ainsi été rassemblée, de l’anthropologie, l’ethno-écologie, l’agronomie, la génétique, le droit, la géographie, l’économie aux mathématiques, au sein d’un consortium inter-institutionnel (Cirad, IRD, Inrae, CNRS) intégrant les organisations paysannes impliquées dans la production semencière des pays identifiés (ASPSP, AMSP, FUGPN-MOORIBEN, AOPP, RSP). Ce consortium a permis de penser ensemble les questions et les méthodologies de recherche en vue d’une meilleure appropriation du projet par les différents acteurs à l’échelle locale. Il a rendu possible la description d’une diversité de politiques, de mécanismes institutionnels et de perceptions liées aux semences aux différentes échelles d’analyse, mais aussi la diversité des sources d’approvisionnement utilisées par les agriculteurs et agricultrices, résultats qui nourrissent la réflexion institutionnelle sur le renouvellement des liens entre institutions de recherche et organisations paysannes, notamment pour la gestion ex situ de la diversité cultivée.

  • 23 Fabien Girard, Christine Frison (eds.), The Commons, Plant Breeding and Agricultural Research Chall (...)

17Quatre articles retenus dans ce dossier sont issus de ce projet et couvrent la diversité des regards possibles sur les changements contemporains des systèmes semenciers. À l’échelle locale et dans le cadre de politiques agricoles promouvant les semences certifiées de variétés sélectionnées par la recherche agronomique, l’article de Cobelli et al. analyse, dans quatre villages du Sénégal, les conditions de la coexistence de variétés locales et issues de la recherche adoptées depuis plus ou moins longtemps, ainsi que celle d’une grande diversité de sources d’approvisionnement relevant de relations inter-personnelles (parentèle, voisinage, amitiés), marchandes ou institutionnelles (soutien de filière agricole, dons de projet). Avec l’article de Pémou et al. qui porte sur une filière agricole particulière (la riziculture au Burkina Faso), les auteurs montrent que la coexistence s’observe à toutes les échelles, du ménage, au village, de la petite région à la nation, et que les systèmes semenciers sont bien multiples, poreux et interdépendants en fonction des ressources institutionnelles et économiques disponibles. En se plaçant à l’échelle de deux pays d’Afrique de l’Ouest, Leclercq et Louafi analysent les enjeux de la coexistence des normes locales avec les lois semencières du Sénégal et du Burkina Faso largement inspirées des modèles internationaux et proposent des pistes pour une meilleure reconnaissance des droits des agriculteurs et des communautés locales à accéder à la diversité cultivée. Dans la mouvance de réflexions qui ont commencé à être menées par ailleurs sur la définition des semences comme un bien commun23, ils proposent aussi de considérer l’interdépendance dans le droit entre sujet et objet. Jankowski et Barnaud, sur le Sénégal, s’intéressent à une innovation institutionnelle communautaire, au travers des cases de semences, en adoptant une approche collaborative et réflexive entre chercheurs, acteurs du développement et organisations paysannes visant à mieux appréhender les relations aux semences, leur statut auprès d’une diversité d’acteurs, mais aussi les responsabilités vis-à-vis de l’agrobiodiversité et de la conservation. Elles définissent ainsi les incommuns où cohabitent plusieurs domaines et projets et se tissent de nouvelles relations qui peuvent les transformer en retour et être vecteurs de nouvelles normes et valeurs.

  • 24 Panel «Circulating seeds, the new places and links of varietal diffusion» coordonné par Christine R (...)

18Ces quatre articles, avec une autre contribution du programme CoEx sur les conditions d’introduction et de diffusion des semences certifiées de variétés issues de la recherche au sein des systèmes semenciers paysans au Burkina Faso, ont été présentés et discutés dans le cadre d’un panel24 lors du colloque de l’Association pour l’anthropologie du changement social et du développement à Lomé en 2021. Cet événement a été l’occasion d’élargir le corpus de recherches à un cas d’étude original en République du Congo, sur une île où l’analyse de la diffusion de nouvelles variétés de haricots dans le cadre de l’intensification agricole conduit les autrices à observer les effets genrés de ces transformations, à la fois dans le domaine de la production agricole (non prise en compte des choix des femmes jusqu’alors garantes de la production de ces semences de culture vivrière) mais aussi dans toute la filière moderne de production et de diffusion des semences. La contribution de Jandrain et Frison approfondit, par une approche en sciences sociales sur un autre terrain africain où les politiques semencières sont peu documentées, l’invisibilisation des femmes dans les politiques semencières qui est également évoquée dans les contributions de Pémou et al. ainsi que Leclercq et Louafi.

  • 25 Sélim Louafi, Mathieu Thomas, Frédérique Jankowski et al., «Community of practice in crop diversity (...)

19Trois contributions complémentaires ont été sollicitées pour joindre à ce dossier les résultats des recherches récentes sur les systèmes semenciers. Trois nouvelles pistes sont ainsi explorées. Changeant d’échelle d’analyse, Ignacchiti et al. explorent les enjeux de la transposition des droits des agriculteurs dans le droit national, enjeux soulevés dans l’ensemble des contributions du numéro sans être directement appréhendés car ils imposent une analyse dédiée pour identifier et lever les verrous conceptuels et juridiques inhérents. Coudurier et al. analysent une innovation récente pour un dispositif particulier de conservation de la diversité cultivée au travers des protocoles bioculturels communautaires, alternative aux dispositifs de conservation in situ abordés au travers des cases de semences (Jankowski et Barnaud) ou de la reconnaissance des normes locales et des imbrications d’échelles de gouvernance (Leclercq et Louafi). Enfin, parallèlement aux expérimentations de science participative et collaborative entreprises sur les terrains ouest-africains (théâtre forum sur la recherche variétale, Jankowski et Barnaud, ce volume ; consortium CoEx25), Limberry et Graddy-Lovelace proposent un retour d’expérience sur un autre dispositif de recherche collaborative, mené en Amérique du Sud, qui permet d’approfondir les méthodologies à mettre en œuvre pour mener une recherche transdisciplinaire intégrant tous les acteurs des systèmes semenciers et précisant les conditions de la production des données sur l’agrobiodiversité et les conditions de leur utilisation.

Sources de droit et qualité des semences

  • 26 Morgane Leclercq, « Le droit relatif à la sécurité semencière. Contribution à l’étude de l’internor (...)

20Ce dossier couvre les dynamiques contemporaines de transformation des normes liées aux différentes composantes des systèmes semenciers, de l’échelle locale des ménages et des territoires de production agricole à l’échelle internationale, et tout au long du processus de circulation des semences, de leur acquisition selon diverses sources d’approvisionnement jusqu’aux enjeux de conservation et de partage de la diversité cultivée. Pour se faire, il rassemble un panel large de disciplines, principalement constitué d’anthropologues (anthropologie sociale, anthropologie du droit) et de juristes (droit, droit de l’environnement, droit relatif à la sécurité alimentaire, histoire du droit), mais aussi de géographes, d’écologues, d’agronomes et de généticiens. Sans être exhaustif, il identifie les sources de droit, les catégories de semences et les acteurs impliqués dans la gestion de la diversité cultivée. La figure 1 en propose une représentation, selon l’approche de pluralisme juridique défendue dans sa thèse de doctorat par Morgane Leclercq26 (voir Figure 1 ci-dessous).

21La littérature scientifique et la littérature grise (qui rassemble les documents diffusés en dehors des circuits commerciaux de l’édition et de la diffusion en marge du contrôle bibliographique) emploient un nombre varié de qualificatifs pour les semences et variétés, avec des catégories plus ou moins bien définies et souvent fluctuantes. Difficile en effet de distinguer clairement une variété locale, « paysanne », « améliorée », issue de la recherche ou d’en reconstituer les histoires aux échelles locale, nationale, régionale et internationale. De même, les qualitatifs de semences, « paysannes », « locales », « de ferme », « certifiées » sont utilisées couramment par différents types d’acteurs qui ne leur donnent pas la même acception. Pour parer à ces indéfinitions, le juriste et l’anthropologue du droit sont amenés à distinguer, dans les cadres législatifs et réglementaires, les catégories de semences reconnues en droit positif et celles qui sont reléguées au rang de « grains », alors même que certains acteurs reconnaissent en elles des intrants agricoles de qualité. Ils sont, de plus, conduits à discerner les grandes catégories d’acteurs (agriculteurs et agricultrices, communautés autochtones et locales, professionnels de la filière semencière) qui identifient les types de semences qu’ils maitrisent, en opposition à toutes les autres qu’ils définissent plus ou moins précisément. La figure 1 distingue ainsi les catégories de semences reconnues en droit positif et celles qui restent encore en marge du développement de ce droit.

22Parmi les catégories de semences reconnues en droit positif, les semences certifiées sont celles qui sont produites à l’issue d’un itinéraire technique rigoureusement appliqué par les producteurs semenciers et authentifiées conformément à un protocole de certification. Celui-ci garantit notamment leur parenté par rapport à des variétés de lignée pure, homologuées dans un catalogue officiel national, reproductibles à l’identique avec un rendement prédit. De plus, sont reconnues en droit positif des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (RPGAA) et des variétés dont l’utilité, pour les prospecteurs, les sélectionneurs et les obtenteurs, est plus particulièrement soulignée, à défaut des services qu’elles offrent en commun aux agricultrices et agriculteurs. Quoi que visant le même objet biologique, les termes renvoient aux réalités de la prospection et de la sélection végétale par des sélectionneurs et aux réalités de l’obtention de droits de propriété par des obtenteurs, plus qu’aux réalités agricoles locales. 

23Tandis que les semences certifiées, les RPGAA et les variétés bénéficient de dispositions juridiques qui facilitent leur production, leur circulation, le contrôle de leur qualité ou leur lien d’appartenance avec des acteurs privés définis, les semences de ferme, les semences autochtones et locales et les semences paysannes sont encadrées par des régimes juridiques ou normatifs beaucoup plus souples.

  • 27 Paul Richards décrivait, il y a déjà longtemps, la ‘créolisation’ de ces variétés modernes intégrée (...)

24Les « semences de ferme » rassemblent toutes les semences utilisées par les agriculteurs et agricultrices qui ne sont pas des semences certifiées selon le processus décrit ci-dessus. Ces semences peuvent être issues de variétés homologuées, donc de lots de semences certifiées obtenus anciennement et reproduits au champ, qui ont évolué en interaction avec les autres variétés présentes dans les terroirs (flux de gènes) et l’environnement (adaptation)27. Parmi les catégories de semences non (ou rarement) reconnues en droit positif, les « semences autochtones et locales » sont attachées aux communautés qui en assurent la reproduction et le partage selon leurs propres règles normatives, pour des variétés sélectionnées au cours du temps. Ces variétés sont dites « population », très hétérogènes et les plus diversifiées au niveau génétique, issues de la sélection massale sur le temps long, très adaptées aux conditions environnementales variables. Les semences « paysannes », terme souvent confondu avec semences « locales », sont quant à elles revendiquées par les organisations paysannes, qui sont des collectifs d’agriculteurs prenant diverses formes à l’échelle locale (associations formelles et informelles, groupements formels et informels, coopératives avec conseil d’administration et coopératives simplifiées), dont les membres contribuent, par leurs pratiques, au renouvellement annuel de la diversité cultivée.

25La coexistence entre ces différents types de semences est très importante dans les territoires où se côtoient les différentes catégories d’acteurs, elles-mêmes très poreuses (un agriculteur peut être membre d’une organisation paysanne et relever d’une communauté autochtone, éventuellement être reconnu comme producteur semencier), qui s’approvisionnent auprès d’une diversité de sources de semences.

  • 28 Voir note 24.

Figure 1 – La diversité cultivée du point de vue du droit et de ses utilisateurs (ontologie) Source : Leclercq, 202228

Figure 1 – La diversité cultivée du point de vue du droit et de ses utilisateurs (ontologie) Source : Leclercq, 202228

Catégories reconnues dans les traités en droit international.
Catégories non reconnues dans les traités en droit international.

26S’il est difficile de rendre compte de la porosité entre les grands types d’acteurs et de semences, que ce soit par le schéma ou le discours, cette catégorisation permet déjà de préciser les définitions et les liens entre sources de droit et circulation des semences. Au demeurant, ce dossier permet de couvrir les avancées des recherches selon chacune des entrées identifiées :

  • les enjeux de la reconnaissance de la sélection, la production et la conservation de la diversité cultivée par des communautés autochtones et locales sont abordés par Coudurier et al. ; Leclercq et Louafi ; et Jakowski et Barnaud ;

  • des analyses centrées sur les normes mobilisées par les agricultrices et agriculteurs s’agissant des semences de ferme, qui constituent la grande majorité des semences autoproduites dans les exploitations agricoles, sont menées par Cobelli et al. ; Coudurier et al. ; et Leclercq et Louafi. De plus, leur prise en compte par le droit positif est questionnée, notamment par Ignacchiti et al. ;

  • l’importance des organisations paysannes dans la production de semences a fait l’objet d’une réflexion sur les nouvelles modalités de collaboration entre les organisations paysannes et les chercheurs dans le cadre du projet CoEx29. Dans ce dossier, Pémou et al., et dans une moindre mesure Cobelli et al., montrent le poids normatif de l’appartenance à une organisation paysanne et ses répercussions sur les systèmes de culture et l’accès aux intrants, dont les semences. De manière complémentaire, Jankowski et Barnaud interroge le rôle des collectifs d’agriculteurs par rapport aux cases de semences ;

  • La question des semences certifiées et de leur coexistence avec d’autres types de semences est abordée par Leclercq et Louafi, à travers une étude du rôle et du statut des producteurs semenciers au sein de deux villages ouest-africains situés au Burkina Faso et au Sénégal ; Jandrain et Frison ; Pémou et al. ; et Cobelli et al. (par rapport aux sources d’approvisionnement) étudient notamment les transformations induites par la structuration des filières de production de semences certifiées.

  • Ignacchiti et al. abordent directement la question des droits des obtenteurs sur les variétés végétales, en lien avec la question de la conservation et de l’utilisation durable des RPGAA et celles des droits des agriculteurs. Leur contribution souligne l’enjeu pour les États de créer des lois ou des règlements favorisant un équilibre entre les régimes juridiques.

27La coexistence des différents types de semences et la grande fluidité entre ces catégories sont largement démontrées au travers des contributions de ce dossier. Celles-ci retracent des enquêtes récentes portant sur la circulation de semences à l’échelle locale (le village, la petite région) et illustrent des processus d’adoption d’innovations variétales au sein de réseaux sociaux. Des situations de blocage ou, au contraire, des situations dans lesquels différents groupes sociaux collaborent pour accéder et/ou diffuser des semences sont présentées. Enfin, une attention particulière est portée sur les phénomènes d’hybridation des notions culturelles affectant les normes de la circulation des semences et les rôles des acteurs des systèmes semenciers, notamment en Afrique subsaharienne. Ces nouvelles normativités transformatives sont éclairées par une analyse des droits des agriculteurs aux semences dans le système international des droits de propriété intellectuelle et mises en regard des engagements éthiques qui incitent les cultivateurs à entretenir l’agrobiodiversité.

28Rassembler ces textes au sein d’un même dossier permet d’en montrer la complémentarité, du point de vue des échelles, des acteurs et des normes considérées dans les systèmes semenciers. Ils approfondissent les réflexions selon cinq axes que nous choisissons de présenter ici :

  • Les changements observés dans les pratiques : la coexistence comme nouvelle normalité

  • L’approche genre appliquée à l’analyse de l’évolution des systèmes semenciers

  • Pour une approche bioculturelle, au-delà de la séparation nature/culture

  • La considération des semences comme ressource, commun ou incommun

  • Le rôle et la responsabilité de la science

Évolution des pratiques, la coexistence comme nouvelle normalité

29La circulation croissante de matériel végétal dit « innovant » se couple en Afrique subsaharienne à un phénomène de « normalisation ». Depuis la création de l’Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV) en effet, des itinéraires de production stricts, hérités du modèle européen, sont adoptés et promus par les États africains ; l’objectif étant que le marché soit alimenté en semences certifiées selon le processus précisés ci-dessus. Selon les termes des cadres réglementaires ouest-africains, ces semences certifiées sont les seules à pouvoir être considérées comme étant des semences « de qualité ». Dans certains milieux intellectuels et de pratique pourtant, les semences certifiées font l’objet de vives résistances. Elles sont accusées d’être dangereuses pour l’autonomie des paysans et la sauvegarde de la biodiversité. De plus, le manque d’égards pour des semences non certifiées, mais utilisées chaque année par les agriculteurs et les agricultrices, est critiqué. L’appréciation ou la dépréciation des semences certifiées se justifie-elle par une circulation inefficace de ces semences et des savoirs associés dans certains milieux ?

  • 30 Leslie Lipper, C. Leigh Anderson, Timithy J. Dalton (eds), Seed Trade in Rural Markets. Implication (...)

30Les semences peuvent avoir été sélectionnées à partir de matériaux sauvages ou de variétés cultivées traditionnellement de génération en génération dans une localité. Elles peuvent aussi être issues de variétés développées par la recherche. La sélection, la transformation et la diffusion des semences dépendent finalement de stratégies individuelles ou collectives très diversifiées, ainsi que de nombreux acteurs dont les contacts tendent à se multiplier au gré de la globalisation. C’est ce que montre l’article de Cobelli et al. à partir des stratégies d’approvisionnement en semences par les ménages ruraux, qui met en évidence non seulement l’importance de l’autoproduction des semences, variables en fonction des filières agricole, mais aussi l’importance des marché locaux, souvent sous-estimés dans les études sur les dynamiques de l’agrobiodiversité30, et la coexistence des réseaux d’échanges locaux, étatiques, ou encore privés. En replaçant les analyses dans leur contexte historique, Cobelli et al. montrent, avec Pémou et al., qu’il n’existe pas en Afrique subsaharienne un système semencier unique mais plusieurs, qui cohabitent et évoluent en fonction des filières, des acteurs et des opportunités et des contraintes bio-climatiques, socio-économiques et politiques, sans que l’un s’impose en remplacement de tous les autres. Si des risques et enjeux sont identifiés en termes de conservation de l’agrobiodiversité, de vulnérabilités de certains acteurs ou de propriété intellectuelle (Ignacchiti et al. ; Coudurier et al.), ces nouvelles recherches plaident pour reconnaître la coexistence comme nouvelle normalité en Afrique subsaharienne en matière de gestion de la diversité cultivée, entre variétés plus ou moins anciennes, issues de la sélection paysanne ou de la recherche et diffusées selon différents réseaux. Elles identifient également les nouvelles formes de coopération, telles que les alliances tacites entre consommateurs urbains et producteurs ruraux sur des variétés anciennes en voie de disparition (Pémou et al.), ou les rapports de pouvoir affectant les relations entre les différents protagonistes des systèmes semenciers (Leclercq et Louafi).

Genre et évolution des systèmes semenciers

  • 31 Jean Wencélius, Mathieu Thomas, Pierre Barbillon, Éric Garine, «Interhousehold variability and its (...)

31Quelle que soit l’aire culturelle considérée, le rôle des femmes dans la gestion de la diversité cultivée est souvent souligné, que ce soit pour les cultures vivrières de base, les oléagineux et protéagineux ou les plantes légumières destinées à la consommation familiale ou au marché. En effet, elles sont souvent en position de prendre les décisions sur la préparation des parcelles, de faire les choix variétaux et la sélection massale au champ, et elles ont souvent une connaissance fine de la diversité des variétés disponibles dans leur environnement. Ce sont souvent elles aussi, en Afrique subsaharienne notamment, qui portent sur le marché des semences de légumineuses et plantes potagères qu’elles vendent en petites quantités. Les dispositifs d’enquête cependant, qui adoptent généralement l’échelle du ménage pour comprendre les stratégies et complémentarités de l’ensemble des membres qui le compose, prévoient rarement de les interroger en plus du chef de famille, qui est le plus souvent un homme. La démonstration a pourtant été faite de l’importance d’une enquête auprès de toutes les personnes qui prennent des décisions sur les semences au risque d’avoir une vision biaisée de la réalité31. Négligeant ainsi des stratégies portant sur de petites quantités, mais pas toujours, le point de vue des femmes est rarement rapporté ni pris en compte dans les politiques semencières.

32Leclercq et Louafi ainsi que Jandrain et Frison (ce volume) démontrent même une invisibilisation des femmes dans les cadres législatifs et les dispositifs de formalisation des secteurs semenciers qui, en optant pour un modèle productiviste, reposent principalement sur des acteurs masculins, souvent urbains, qui ont leur propre système de valeurs et priorités. En organisant la professionnalisation des filières agricoles et les débouchés commerciaux pour les récoltes, les politiques agricoles favorisent les hommes dans la production agricole au détriment des femmes, qui souvent prennent en charge les productions agricoles pour une utilisation domestique. Le transfert de cultures féminines aux agriculteurs masculins est démontré pour la riziculture au Burkina Faso (Pémou et al.), où la rentabilisation des coûts de l’aménagement des bas-fonds se fait dans le cadre très normé de la culture intensive, imposant un encadrement et un itinéraire technique très stricts fondés sur l’utilisation de semences certifiées, avec intrants fertilisants et pesticides, pour une vente des productions de riz transformé, décortiqués et étuvés, pour le marché local et urbain. Cet impensé de l’approche genrée, dans les politiques agricoles et cadres réglementaires et législatifs relatifs aux semences, se fait au détriment d’une catégorie d’actrices largement sous-représentées alors qu’elles sont responsables d’une grande part de la production agricole dans les pays du Sud. Tel est l’un des nombreux décalages identifiés entre les pratiques culturales et utilisations des semences, d’une part, et les réglementations et les lois semencières nationales, d’autre part.

Pour une approche bioculturelle au-delà de la distinction nature/culture

  • 32 Morgane Leclercq, « Le droit relatif à la sécurité semencière. Contribution à l’étude de l’internor (...)

33Dans les cadres réglementaires, les semences sont presque toujours définies en termes biologiques, qui renvoient à sa capacité reproductive. Lorsqu’elle est certifiée, la semence devient de surcroit un bien susceptible de commerce. Le plus souvent, aucune référence n’est faite en droit positif au contexte écologique, social ou culturel dans lequel la semence s’insère. Elle n’est pas définie en relation avec la variété, l’espèce, le milieu ou l’agrosystème dont elle fait partie, ni selon les relations qu’elle entretient avec la société. Pourtant, la diversité cultivée est autant aux prises avec des dynamiques sociales qu’avec des dynamiques écologiques ; les semences délivrent un flux de services, elles ne sont pas seulement des objets biologiques ou marchands. Au-delà des services alimentaires et nutritionnelles, les services fournis relèvent aussi du rituel, de la santé et du maintien de la biodiversité. Ils ne peuvent pas être séparés des services rendus par d’autres composantes du monde vivant. Ainsi, sept « facettes » (ou dimensions) des semences peuvent être identifiées en fonction de leurs usages et perceptions32.

34Dans leur dimension matérielle, les semences sont des structures botaniques destinées à la reproduction d’une espèce végétale agricole. Cette définition, que l’on retrouve dans plusieurs instruments juridiques, pourrait être enrichie pour accorder la place qui revient aux humains et au milieu dans le processus de reproduction : les semences se reproduisent en fonction de leur utilisation par l’homme et de leur environnement. Elles ont une valeur économique, pour les producteurs semenciers, les distributeurs semenciers ou les agricultrices et agriculteurs ; ce sont des biens qui s’échangent sur les marchés locaux, nationaux, régionaux et internationaux.

35La sélection des semences est orientée vers des variétés qui présentent des caractéristiques nutritionnelles recherchées, plus ou moins riches en macronutriments, en vitamines, en minéraux et en antioxydants. La dimension sanitaire renvoie à la santé des semences et aux risques qu’elles font courir aux agriculteurs et aux végétaux lorsque cette dernière est mauvaise ; elle est régulièrement contrôlée par les usagers des semences, notamment dans le cas des échanges transfrontaliers.

  • 33 Décision n°391 - Régime commun concernant l’accès aux ressources génétiques, 2 juillet 1996, en lig (...)
  • 34 Katherine Gilson-Graham, Jenny Cameron, Stephen Healy, «Commoning as a postcapitalist politics» in (...)

36Entendues dans leur facette informationnelle, les semences sont des artefacts renfermant des informations génotypiques et phénotypiques, ainsi que des connaissances et des idées relatives à leur processus de sélection, de multiplication, de culture et d’usages de la plante à maturité. Cette dimension est illustrée, par exemple, dans les instruments juridiques à l’échelle régionale de la Communauté andine qui, de façon tout à fait novatrice en droit, ont souligné dès 1996 que les ressources phytogénétiques ne peuvent pas être entendues exclusivement comme des ressources biologiques33, puisque des éléments intangibles s’y rattachent. Ainsi, les semences ne répondent pas à une logique de rareté34. Partagées et utilisées, leur disponibilité augmente et la productivité évolue.

  • 35 Arnaud Buchs et al, « Communs (im)matériels : enjeux épistémologiques, institutionnels et politique (...)

37Selon une approche bioculturelle, les semences sont des biens qui peuvent être préférés et/ou sacrés, ou des éléments d’un patrimoine (im)matériel35. Les agricultrices et les agriculteurs sélectionnent les semences intéressantes à cultiver, parce que les plus résistantes, les plus productives, les plus nutritives et celles qui se transforment et se conservent le mieux. Les choix se font également en fonction de critères esthétiques, religieux, agronomiques, culinaires et poétiques. Partant, ces choix ont une dimension collective.

38Enfin, la facette animée des semences renvoie à leur « agentivité », c’est-à-dire à leur capacité de « faire faire », d’une part, et à la reconnaissance, par l’homme, de leur nature vivante et de leur aptitude à entrer en symbiose avec le milieu, d’autre part. Cette facette est encore une fois caractérisée par la non-rivalité, dans la mesure où chaque personne peut développer une sensibilité pour les sujets comme pour les objets.

39Leclercq et Louafi, Coudurier et al., Jankowski et Barnaud explorent dans ce dossier différentes voies pour reconnaître ces facettes dans les cadres législatifs et réglementaires relatifs aux semences, mais aussi pour décentrer l’humain du discours tout en valorisant la diversité de ses relations avec les plantes. Les initiatives se multiplient pour proposer de nouveaux modèles de conservation de l’agrobiodiversité reposant sur des approches bioculturelles, mais les deux principes sur lesquels elles reposent, l’intention conservatrice des agriculteurs et l’action collective des agriculteurs à l’intérieur des réseaux semenciers traditionnels, sont rarement questionnés (Coudurier et al., ce volume).

Dépasser la vision ressource et réfléchir en termes de commun/incommun

  • 36 Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, 2 nov (...)

40Depuis le début de l’agriculture, les semences circulent et sont partagées entre les agricultrices et les agriculteurs pour leur valeur productive aux regards d’utilisation actuelles et futures. Ils contribuent ainsi aux objectifs de conservation et de mise en valeur de la diversité cultivée définis par les Etats. La reconnaissance en 2001 de « l’énorme contribution que les communautés locales et autochtones ainsi que les agriculteurs de toutes les régions du monde […] ont apportée et continueront d’apporter à la conservation et à la mise en valeur des ressources phytogénétiques qui constituent la base de la production alimentaire et agricole dans le monde entier », dans le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA)36 est analysé par Ignacchiti et al. dans ce volume.

41Cependant, les semences sont rarement caractérisées selon les relations que les agricultrices et agriculteurs, ainsi que leurs communautés, entretiennent avec elles. Ce sont pourtant ces relations qui caractérisent le mieux les catégories de semences mobilisées à l’échelle locale. Ainsi, les semences peuvent aussi être appréhendées par le degré d’attachement et de dépendance qui sont entretenues avec elles, et par des liens de soin réciproques. Elles renvoient en ce sens à un système de statuts et de valeurs associés, qui est souvent écarté des analyses et du champ d’application des cadres législatifs et réglementaires, alors qu’il est au cœur des enjeux éthiques de la gestion de la diversité cultivée (Jankowski et Barnaud, ce volume). Au-delà de la vision ressourciste généralement adoptée, les semences ne sont pas simplement des objets marchands : elles sont vivantes, sociales, culturelles, esthétiques, religieuses.

  • 37 Fabien Girard, Christine Frison (eds.), The Commons, Plant Breeding and Agricultural Research Chall (...)

42Si les recherches transdisciplinaires appellent à une meilleure considération juridique de ces diverses relations entre les agriculteurs et agricultrices et leurs semences, elles réfléchissent également à considérer la diversité cultivée en terme de commun, et donc de gouvernance reposant sur des règles d’accès ainsi que les usages par type d’acteurs, mais aussi en terme de « post-commun » précisant l’interdiction à exclure des acteurs de l’accès aux semences37 et même d’ « incommun » pour répondre aux enjeux de justice visés par les nouveaux instruments institutionnels de conservation in situ. C’est ce que proposent Jankowski et Barnaud dans leur article, qui interrogent les responsabilités collectives vis-à-vis de la conservation de la diversité cultivée, ainsi que la redéfinition des relations aux semences et aux valeurs dans le cadre des cases de semences au Sénégal.

43Par ailleurs, Leclercq et Louafi soulignent qu’il ne s’agit plus de comprendre qui est propriétaire des semences ou des variétés (les agricultrices et agriculteurs, les communautés, l’État-Nation, les obtenteurs, les producteurs ou les distributeurs de semences) mais d’analyser la manière dont les uns et les autres se partagent, plus ou moins volontairement, et de manière plus ou moins stable, les droits d’un faisceau. Aux termes de l’analyse, ils reconnaissent des régimes de propriété qui se chevauchent dans le même espace géographique et en relation avec les mêmes espèces, variétés et types de semences. Pour ne plus opposer droits de propriété privé et droits collectifs, ils proposent de penser une communauté responsable qui inclut, notamment, les acteurs locaux, et de considérer les conditions de circulation et d’accessibilité des semences avec les droits qu’ont chacun des acteurs d’accéder, de prélever, de gérer, d’exclure et d’aliéner celles-ci, dans une perspective de développement durable et de conservation des ressources phytogénétiques.

Rôle et responsabilité de la science

44La gestion de la diversité cultivée est par nature un effort collectif, dont les parties prenantes vont des communautés autochtones et locales aux responsables des banques de gènes, des chercheurs aux décideurs politiques, mais aussi à tous ceux qui conservent, cultivent, gardent, échangent, vendent, et aiment les semences et les aliments qui en dérivent (Limeberry & Graddy-Lovelace, ce volume). Pour autant, la recherche sur la diversité cultivée a eu tendance à se focaliser uniquement sur certains acteurs et sur une certaine forme de conception de cette diversité, essentiellement liée aux dimensions génétiques au service d’une certaine forme de modèle de production agricole. Ces choix ont eu des conséquences fortes sur les cadres de gouvernance de la diversité cultivée en valorisant certaines formes de conservation, d’échanges et valorisation, renforçant par là-même la dichotomie formelle/informelle qui structure le discours politique sur le sujet. En se focalisant sur la seule dimension biologique des semences et en négligeant pendant longtemps les déterminants sociaux, culturels et politiques (au sens de la diversité des règles qui structurent les échanges de la diversité culturelles), les recherches sur l’intensification de l’agriculture ont conduit à invisibiliser des pans entiers d’acteurs et pratiques pourtant essentiels dans un contexte d’érosion de la diversité cultivée et de diversification des stratégies d’adaptation aux changements climatiques.

45Dans ce contexte, renouer avec un pluralisme épistémique dans la mise en savoir des objets et des problèmes liés à la diversité cultivée est une tâche essentielle pour la recherche publique afin de jouer pleinement sa responsabilité pour dépasser les clivages politiques qui empêchent très souvent de mettre en place des cadres réellement collaboratifs entre acteurs concernés.

46La tâche est néanmoins ardue tant les liens de confiance ont été rompus avec certains acteurs qui n’attendent plus rien de la recherche et ont cultivé une méfiance envers elle au cours du temps. Dans le sillage du projet CoEx qui a servi de base à la préparation de ce dossier, les contributions de Jankowski et Barnaud ou de Limeberry et Graddy-Lovelace offrent des tentatives d’élaboration de nouvelles méthodes susceptibles de faire évoluer les postures de part et d’autre et d’envisager des cadres réellement collaboratifs entre acteurs aux capacités, objectifs et statuts parfois très hétérogènes, pour jeter les bases pour une gouvernance de la diversité cultivée « émancipatrices » (Limeberry & Graddy-Lovelace, ce volume).

Effervescence d’un champ de recherche interdisciplinaire sur les relations au vivant

47La complexité d’appréhension des modes de gestion de la diversité cultivée impose l’ambition du travail transdisciplinaire à mener pour décloisonner les approches scientifiques et intégrer les points de vue d’une grande diversité d’acteurs, pour suivre les dynamiques liées aux changements globaux (changement climatique, urbanisation, pression sur les ressources naturelles, mondialisation) et liées aux transformations politiques et sociales impactant la sécurité alimentaire et la durabilité des agrosystèmes. Avec la prise de conscience croissante de la responsabilité d’une partie de l’humanité dans le changement climatique portée par le discours sur l’Anthropocène, un changement épistémique est en cours, notamment pour tout ce qui concerne les terres, les eaux et le vivant. En se posant les questions ontologiques sur la définition du sujet juridique, c’est l’ensemble des relations des humains au monde naturel qui est appréhendé et réévalué par une diversité d’acteurs, usagers, militants, gestionnaires, universitaires. La question des responsabilités et des conséquences des actions humaines sur leur environnement implique de tenir compte non seulement des relations entre humains, mais aussi entre humains et non humains, et entre non humains également. Concernant les semences et la diversité des plantes cultivées, ces trois types de relations sont indissociables et orientent les recherches en cours.

48Les recherches inter et transdisciplinaires sur les semences s’orientent actuellement selon trois grandes directions.

  • 38 «Access to crop diversity and small farms’resilience to climate variability in African drylands» (A (...)

49L’analyse du fonctionnement des systèmes semenciers dans différentes situations dans le monde continue d’être un champ porteur pour penser l’adaptation face aux changements et aux crises, mais aussi face aux menaces qui pèsent sur les agricultrices et agriculteurs les plus vulnérables. Les conditions de la résilience des agricultures familiales africaines sont aussi au cœur des interrogations. Elles attirent notamment l’attention sur l’intérêt des analyses en réseau pour une meilleure appréhension des relations des agriculteurs et agricultrices aux semences, ainsi que des stratégies d’approvisionnement en semences selon les fonctions et usages des cultures dans l’agrosystème et en fonction de la structure des réseaux sociaux qui soutiennent le maintien de l’agrobiodiversité38.

50Les recherches méthodologiques apparaissent indispensables pour analyser les évolutions de l’agrobiodiversité et sont entreprises à différentes échelles, en réseau interdisciplinaire large (sciences humaines et sociales, sciences de la vie et de la terre, mathématiques) pour intégrer les données qualitatives et quantitatives nécessaires à la description, l’analyse mais aussi à la modélisation pour envisager la généricité des cas étudiés39. L’une des pistes explorées est la contribution de l’analyse des réseaux sociaux pour comprendre les mécanismes qui minent la durabilité et la capacité d’adaptation des agroécosystèmes, et pour identifier les leviers qui peuvent être mobilisés pour la transition, à différents niveaux40. Dans une autre perspective, toujours du point de vue méthodologique, la recherche transdisciplinaire explore les différentes options pour penser une meilleure équité, notamment au travers la mise en place d’observatoires ou de living labs, comme le projet d’observatoire de l’agrobiodiversité pensé à partir des résultats du projet CoEx pour l’Afrique de l’Ouest41.

  • 42 «Biocultural Community Protocols: Biocultural Heritage, Justice and Legal Pluralism», financé par l (...)
  • 43 «Community seed banks for social justice and conservation of biodiversity? Networks of actors and d (...)
  • 44 SeedValues, financé par l’ERC Starting Grant pour 5 ans à partir de 2022.

51La justice sociale et les enjeux de la conservation de la biodiversité, souvent argumentés vis-à-vis des enjeux de l’urgence climatique et de la vulnérabilité des agriculteurs et agricultrices les plus pauvres, font l’objet d’un renouvellement des questionnements de recherche. Dans le domaine juridique, les collectifs académiques cherchent à identifier, avec les acteurs de la gouvernance de la biodiversité, la manière dont le droit coutumier, les ontologies non occidentales et le concept « d’intendance de la nature » peut mener à une conception renouvelée du droit respectueuse des droits des agriculteurs et des communautés autochtones et locales42. Les définitions de l’attachement des humains aux semences et de l’agentivité des semences43, dépassant le clivage entre études économiques et éthique sur la valeur44, mobilisent diverses alliances disciplinaires et méthodologies innovantes à partir de l’anthropologie. Car c’est en éclairant la diversité des relations, des normes et des valeurs rapportées aux semences que se construisent les discours politiques pour une diversité d’acteurs au service des droits des agriculteurs et agricultrices à accéder aux semences plus largement, des droits à l’autodétermination et de la souveraineté alimentaire et semencière.

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Notes

1 Eric Garine, Adeline Barnaud, Christine Raimond, «Growing a shared landscape: Plants and humans over generations among the Duupa farmers of North Cameroon» in Charles Stépanoff and Jean-Denis Vigne (eds.) Hybrid Communities. Biosocial Approaches to Domestication and Other Trans-species Relationships, Oxon, Routledge Studies in Anthropology, 2019, p. 165-178.

2 Niels P. Louwaars, Gigi Manicad, «Seed systems resilience – An Overview», Seeds, n°1(4), 2022, p. 340-356.

3 Shawn McGuire, Louise Sperling, «Seed systems smallholder farmers use», Food security, vol. 8-1, 2016, p. 179-195 ; Niels P. Louwaars, Gigi Manicad, «Seed systems resilience – An Overview», op. cit.

4 Glenn Davis Stone, Dominic Glover, «Disembedding grain: Golden Rice, the Green Revolution, and heirloom seeds in the Philippines», Agriculture and Human Values, n° 34 (1), 2017, p. 87-102.

5 Thierry de Raymond, « La question des semences, point de vue » in Chantal Blanc-Parmard et André Lericollais (eds), A travers champs. Agronomes et Géographes, Paris, Orstom Ed, 1985, p. 57-99.

6 Christophe Bonneuil, Jean-Baptiste Fressos, L’événement Anthropocène, Paris, Ed. Seuil, 2013, 320 p.

7 Christine Raimond, Laurent Ouedraogo, Camille Noûs, Eric Garine, « L’agrobiodiversité sous les tropiques, débats et controverses en marge du concept d’Anthropocène ? », Belgeo, 3, 2020, mis en ligne le 20 octobre 2020, consulté le 28 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/belgeo/42927 

8 Juliana Santellini, Agrobiodiversity and the law : regulating genetic resources, food security and cultural diversity, Oxon, Earthscan, 2012 ; Danièle Clavel, « Afrique : une politique semencière sous influence », Natures Sciences Sociétés, n° 2, 2016, p. 168‑172 ; Jean-Louis Chaléard, « Paysans », Dictionnaire de l’Athropocène, Paris, CNRS Editions, 2020, p. 634-636.

9 Hélène Tordjman, « La construction d’une marchandise : le cas des semences », Annales, Histoire, Sciences sociales, n°6, 2008, p. 1341‑1368.

10 Louwaars et Manicad, «Seed systems resilience – An Overview», op. cit.

11 Tamara Wattnem, «Seed laws, certification and standardization: outlawing informal seed systems in the Global South», The Journal of Peasant Studies, 2016, p. 830-867.

12 Mauricio R. Bellon, David Hodson, Jon Hellin, «Assessing the vulnerability of traditional maize seed systems in Mexico to climate change», Proceedings of the National Academy of Sciences, n°108-33, 2011, p. 13432-13437.

13 Delphine Renard, David Tilman, «Cultivate biodiversity to harvest food security and sustainability», Current Biology, 2021, p. 31-9, DOI: https://doi.org/10.1016/j.cub.2021.06.082

14 Sur l’adaptation environnementale, voir par exemple : Paul Gepts, «The contribution of genetic and genomic aproaches to plant domestication studies», Current Opinion in Plant Biology, n°18, 2014, p. 51-59 ; Faye Adama et al, «Genomic footprint of selection in early and late flowering pearl millet landraces», Frontiers in Plant Sciences, 2022, DOI: 10.3389/fpls.2022.880631. ; Jon Hellin, Mauricio R. Bellon & Sarah J. Hearne, «Maize Landraces and Adaptation to Climate Change in Mexico», Journal of Crop Improvement, n° 28-4, 2014, p.484-50.

15 Conny M. Almekinders, Niels P. Louwaars, «The importance of the farmers’seed systems in a functional national seed sector», Journal of New Seeds, n°4, 2002, p. 15-33 ; Shawn McGuire, Louise Sperling, «Seed systems smallholder farmers use», Food security, vol. 8-1, 2016, p. 179-195.

16 Yiegezu A. Yigezu, Zewdie Bishaw, Abdoul-Azziz Niane, et al. «Institutional and farm-level challenges limiting the diffusion of new varieties from public and CGIAR centers: The case of wheat in Morocco», Food Security, n°13, 2021, p. 1359–1377, https://doi.org/10.1007/s12571-021-01191-7.

17 Stephen Brush, «In situ conservation of Landraces in Centers of Crops Diversity», Crop Science, n° 35-2, 1995, p. 346-354.

18 Sélim Louafi, Didier Bazile, Jean-Louis Noyer, «Conserving and Cultivating Agricultural Genetic Diversity: Transcending Established Divides» in Étienne Hainzelin (dir.), Cultivating Biodiversity to Transform Agriculture, Dordrecht, Springer Netherlands, 2013, p. 181‑220 ; Oliver T. Coomes, Shawn J. McGuire, Eric Garine, Sophie Caillon, Doyle McKey, Elise Demeulenaere et al. «Farmer seed networks make a limited contribution to agriculture? Four common misconceptions», Food Policy, n° 56, 2015, p. 41-50.

19 Devra Jarvis, Toby Hodgkin, Anthony H.D. Brown, Jon Tuxill, Isabel Lopez Noriega, Melinda Smale, Bhuwon Ratna Sthapit, Crop Genetic Diversity in the Field and on the Farm; Principles and Applications in Research Practices, New Haven, NY, Yale University Press, 2016.

20 Christine Raimond, Thierry Robert, Eric Garine (Eds.), « Frontières des hommes, frontières des plantes cultivées », Les cahiers d’outre-mer, 2014, n°265 et 266.

21 Sélim Louafi, Mathieu Thomas, Frédérique Jankowski et al. «Community of practice in crop diversity management: from data to collaborative governance» in Towards responsible plant data linkage: data challenges for agricultural research and development. 2023, Springer Link. DOI :  10.1007/978-3-031-13276-6_14

22 ANR-10-LABX-001-01 financé dans le cadre du programme « Investissements d’avenir » de l’Agence nationale de la recherche et coordonné par Agropolis Fondation. Voir le site : https://www.agropolis-fondation.fr/CoEX consulté le 28.06.2023.

23 Fabien Girard, Christine Frison (eds.), The Commons, Plant Breeding and Agricultural Research Challenges for Food Security and Agrobiodiversity, London, Routledge, 2018.

24 Panel «Circulating seeds, the new places and links of varietal diffusion» coordonné par Christine Raimond, Morgane Leclerq & Laurent Tewende Ouedraogo.

25 Sélim Louafi, Mathieu Thomas, Frédérique Jankowski et al., «Community of practice in crop diversity management: from data to collaborative governance», in Towards responsible plant data linkage: data challenges for agricultural research and development. 2023, Springer Link. DOI :  10.1007/978-3-031-13276-6_14

26 Morgane Leclercq, « Le droit relatif à la sécurité semencière. Contribution à l’étude de l’internormativité au Sahel », thèse de doctorat soutenue à l’Université Laval le 12 décembre 2022. La thèse était supervisée par Geneviève Parent, Professeure titulaire de la Chaire de recherche en droit sur la diversité et la sécurité alimentaires (Chaire DDSA) à l’Université Laval, et Estelle Brosset, Professeure à la faculté de droit de l’Université Aix-Marseille. Elle a été cofinancée par le projet CoEx et la Chaire en droit sur la diversité et la sécurité alimentaires de l’Université de Laval au Québec, Canada.

27 Paul Richards décrivait, il y a déjà longtemps, la ‘créolisation’ de ces variétés modernes intégrées aux portefeuilles paysans ; Paul Richards, Agrarian creolization: The ethnobiology, history, culture and politics of West African Rice, London, Routledge, 1996.

28 Voir note 24.

29  https://projetcoex.sciencesconf.org/data/pages/Manuel_projets_collaboratifs_CoEx_1.pdf ; Christian Leclerc, Abdoul-Aziz Saïdou, Alexandre Guichardaz, « Afrique de l’Ouest : les paysans se mobilisent pour a biodiversité agricole », The conversation, 2021, https://theconversation.com/afrique-de-louest-les-paysans-se-mobilisent-pour-la-biodiversite-agricole-160515, consulté le 28.06.2023.

30 Leslie Lipper, C. Leigh Anderson, Timithy J. Dalton (eds), Seed Trade in Rural Markets. Implications for Crop Diversity and Agricultural Development, London, Routledge, 2010.

31 Jean Wencélius, Mathieu Thomas, Pierre Barbillon, Éric Garine, «Interhousehold variability and its effects on seed circulation networks. A case study from northern Cameroon», Ecology and Society, vol. 21, n° 1, 2016, https://www.jstor.org/stable/26270346, consulté le 28.06.2023.

32 Morgane Leclercq, « Le droit relatif à la sécurité semencière. Contribution à l’étude de l’internormativité au Sahel », thèse de doctorat soutenue à l’Université Laval le 12 décembre 2022. Voir notamment l’affiche de bandes dessinées intitulé « Les facettes des semences » illustrée par Guillaume Demers et réalisée dans le cadre de la thèse : https://projetcoex.sciencesconf.org/data/pages/facettes_texte_3_.pdf

33 Décision n°391 - Régime commun concernant l’accès aux ressources génétiques, 2 juillet 1996, en ligne : https://wipolex-res.wipo.int/edocs/lexdocs/laws/fr/can/can011fr.pdf.

34 Katherine Gilson-Graham, Jenny Cameron, Stephen Healy, «Commoning as a postcapitalist politics» in Ash Amon & Philip Howell, Releasing the Commons: Rethinking the futures of commons, London, Routledge, 2016, p. 198. Arnaud Buchs et al, « Communs (im)matériels : enjeux épistémologiques, institutionnels et politiques » Développement durable et territoires, vol. 11, n°2, 2020, http://journals.openedition.org/developpementdurable/13701 (consulté le 28 juin 2023) ; Eric Garine, Anne Luxereau, Jean Wencélius, Chloé Violon, Thierry Robert, Adeline Barnaud, Sophie Caillon, Christine Raimond, « De qui les variétés traditionnelles de plantes cultivées pourraient-elles être le patrimoine ? Réflexions depuis le Bassin du Lac Tchad » in Dominique Juhé-Beaulaton, Marie-Christine Cormier-Salem, Pascale de Robert, Bernard Roussel (eds.), Effervescence patrimoniale au Sud. Enjeux, questions, limites, Paris, IRD Editions, Latitudes 23, 2013, p. 379-409.

35 Arnaud Buchs et al, « Communs (im)matériels : enjeux épistémologiques, institutionnels et politiques » Développement durable et territoires, vol. 11, n°2, 2020, http://journals.openedition.org/developpementdurable/13701 (consulté le 28 juin 2023) ; Eric Garine, Anne Luxereau, Jean Wencélius, Chloé Violon, Thierry Robert, Adeline Barnaud, Sophie Caillon, Christine Raimond, « De qui les variétés traditionnelles de plantes cultivées pourraient-elles être le patrimoine ? Réflexions depuis le Bassin du Lac Tchad » in Dominique Juhé-Beaulaton, Marie-Christine Cormier-Salem, Pascale de Robert, Bernard Roussel (eds.), Effervescence patrimoniale au Sud. Enjeux, questions, limites, Paris, IRD Editions, Latitudes 23, 2013, p. 379-409.

36 Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, 2 novembre 2001, 2400 R.T.N.U 303 (n°43345), art. 9.1

37 Fabien Girard, Christine Frison (eds.), The Commons, Plant Breeding and Agricultural Research Challenges for Food Security and Agrobiodiversity, London, Routledge, 2018.

38 «Access to crop diversity and small farms’resilience to climate variability in African drylands» (ARISER) financé par l’ERC Starting Grant pour 5 ans à partir de 2022.

39 Le Groupement de Recherche (GDR CNRS) ReSoDiv, créé en 2018, a pour objectif de fédérer une communauté interdisciplinaire regroupant sciences humaines et sociales, mathématiques et sciences de la vie autour d’une thématique transversale : l’étude des réseaux de circulation d’objets biologiques (plantes et animaux), et des savoirs et savoir-faire qui leurs sont associés, dans les agricultures des pays des Nords et des Suds.

40 Vanesse Labeyrie, Christine Raimond, Sarah Ouadah (Eds), «Social networks: insights for the transition towards resilient agriculture», Special Issue, Agricultural system, 2023.

41 https://projetcoex.sciencesconf.org/data/pages/Brochures_Observatoire.pdf

42 «Biocultural Community Protocols: Biocultural Heritage, Justice and Legal Pluralism», financé par l’ANR entre 2018-2021.

43 «Community seed banks for social justice and conservation of biodiversity? Networks of actors and dynamics of seed attachment» (SeedAttach), finance par l’ANR entre 2020 et 2024.

44 SeedValues, financé par l’ERC Starting Grant pour 5 ans à partir de 2022.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 – La diversité cultivée du point de vue du droit et de ses utilisateurs (ontologie) Source : Leclercq, 202228
Légende Catégories reconnues dans les traités en droit international.Catégories non reconnues dans les traités en droit international.
URL http://journals.openedition.org/droitcultures/docannexe/image/8323/img-1.png
Fichier image/png, 101k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Christine Raimond, Morgane Leclercq et Sélim Louafi, « Présentation. Les systèmes semenciers au prisme de l’évolution des normes  »Droit et cultures [En ligne], 84 | 2022-2, mis en ligne le 12 juillet 2023, consulté le 10 décembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/droitcultures/8323

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Auteurs

Christine Raimond

Christine Raimond est directrice de recherche au CNRS, au sein de l’UMR Prodig à Aubervilliers (France). Elle s’intéresse à partir de la géographie humaine (approches territoriales, agriculture, biodiversité, paysages) aux dynamiques de diversité biologique domestiquée (plantes et animaux) dans le cadre de dispositifs de recherche interdisciplinaires. Elle a notamment travaillé sur les dynamiques de l’agrobiodiversité dans le bassin du lac Tchad (programme Plantadiv, 2008-12), puis dirigé le GDR ReSoDiv (CNRS-Inee) pendant 5 ans (2018-22) impliquant 50 chercheurs (CNRS, IRD, Inrae et Cirad) entre sciences humaines, sciences de la vie et sciences mathématiques. Ayant l’objectif de définir une approche méthodologique pour analyser les modalités de circulation des objets biologiques domestiqués (végétaux, animaux), ce GDR privilégie une approche comparatiste de terrains de recherche contrastés pour dégager la généricité des systèmes étudiés. Sa participation au programme CoEx sur les systèmes semenciers lui a permis d’élargir le panel disciplinaire au droit, qui aboutit à la production de ce numéro spécial sur les évolutions des normes liées aux semences.

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Morgane Leclercq

Morgane Leclercq est professionnelle de recherche à la Chaire de recherche en droit sur la diversité et la sécurité alimentaires (Chaire DDSA) et à l’Institut sur la Nutrition et les Aliments Fonctionnels (INAF) de l’Université Laval. Elle est diplômée des programmes de Doctorat en droit de l’Université Laval et de l’Université Aix-Marseille (LL.D.), de la Maîtrise en droit de l’environnement, développement durable et sécurité alimentaire de l’Université Laval (LL.M.), d’un Master en droit de l’environnement des Universités Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Paris 2 Panthéon-Assas (M.) et d’une licence d’ethnologie de l’Université de Strasbourg (L.). De 2016 à 2020, elle a participé à un projet multidisciplinaire et collaboratif portant sur les systèmes de gestion de la diversité cultivée en Afrique de l’Ouest (CoEx), porté par Sélim Louafi et Mathieu Thomas. Elle a collaboré dans ce cadre avec des organisations paysannes du Mali, du Niger, du Burkina Faso et du Sénégal. Elle a travaillé entre janvier 2018 et juin 2019 dans l’unité de recherche AGAP du Centre international de recherche agronomique pour le développement (CIRAD). Ses recherches portent sur les enjeux juridiques, sociaux, environnementaux et managériaux entourant l’accès à l’alimentation, et plus largement sur la diversité et la sécurité alimentaires.

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Sélim Louafi

Sélim Louafi est directeur adjoint pour la recherche et la stratégie au Cirad. Il a travaillé plus de 10 ans en tant que chercheur en sciences sociales dans l’unité de recherche AGAP, spécialiste de l’amélioration génétique et de l’adaptation des plantes tropicales et méditerranéennes. Il s’intéresse principalement à l’interface entre science et politique dans le domaine des sciences de la vie, et plus particulièrement de la biodiversité agricole. Il a coordonné de 2016 à 2020 un projet multidisciplinaire et multi-acteurs sur les systèmes de gestion de la diversité cultivée en Afrique de l’Ouest (CoEx). Il a occupé le poste de Senior Officer (2007-09) au Secrétariat du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) où il était notamment en charge de la mise en œuvre du Système multilatéral d’accès et de partage des avantages. Il a été membre du Comité économique, éthique et social du Haut Conseil des biotechnologies (2015-2020). Il a participé au panel international de la première évaluation externe de la Plateforme internationale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Il travaille régulièrement en appui à la FAO sur les sujets d’accès et partage des avantages ou sur les questions de biodiversité agricole et sécurité alimentaire globale.

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