Modernisation et masculinisation du réseau semencier. Le cas de la filière haricot à Idjwi, en RD Congo
Résumés
L’agriculture, comme de nombreux métiers, est une activité genrée. En RD Congo, l’agriculture productive est généralement l’apanage des hommes et l’agriculture vivrière, celle des femmes. La sélection et la conservation des semences fait l’objet de cette même répartition. Ainsi, les femmes sélectionnent, sèment, récoltent, et conservent des semences des cultures vivrières. Toutefois, face à de nombreux chocs contextuels, de plus en plus de paysannes ne sont plus en mesure de conserver leurs semences d’une saison à une autre. Elles se dirigent alors vers des acteurs extérieurs pour s’en procurer. Certains de ceux-ci produisent des semences selon la règlementation semencière congolaise. Celle-ci se fonde sur des normes internationales, héritées de la colonisation et des sciences modernes. Or, la logique de cette réglementation est productiviste, ce qui favorise le développement d’un secteur semencier porté par le genre masculin. Et sa dynamique exogène ignore les savoirs ancestraux des paysans, et plus spécifiquement, des paysannes.
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Mots-clés :
législation semencière, formalisation des réseaux semenciers, masculinisation des réseaux semenciers, agriculture paysanne, RD CongoKeywords:
Seed legislation, Formalisation of seed networks, Masculinization of seed networks, Small-scale agriculture, DR CongoPlan
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Introduction
- 1 FIDA, Rapport sur la pauvreté rurale 2011 : nouvelles réalités, nouveaux défis : de nouvelles chanc (...)
- 2 L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2021 (FAO, 2021), https://doi.or (...)
- 3 FAO, Union Européenne, Cirad, « Profil des systèmes alimentaires – République Démocratique du Congo (...)
1Bien que l’agriculture nourrisse l’humanité, 80% des personnes sous-alimentées dans le monde sont des personnes issues du monde agricole et vivant en milieu rural1. L’insécurité alimentaire est un phénomène en hausse depuis 2015, accéléré par la pandémie mondiale ces dernières années. En effet, en 2020, entre 720 à 811 millions de personnes ont souffert de la faim, dont plus d’un tiers de ces personnes vivent en Afrique2. Parmi ces pays, la RD Congo est le pays ayant le nombre le plus important de personnes en insécurité alimentaire aigüe au monde. Alors que l’agriculture paysanne occupe 70% de la population congolaise active3.
- 4 Principalement, la FAO, la Banque Mondiale et l’IFAD.
- 5 Alice Jandrain, « Politique semencière de la RDC : politique importée, des bailleurs pour l’impléme (...)
- 6 GRAIN, La Révolution verte en Afrique. Les enjeux et les pièges, Cotonou, Ruisseaux d’Afrique, 2008
- 7 Jandrain, Ibid.,
2Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, pour faire face au problème de la faim dans le monde, les institutions internationales4 investissent dans l’agriculture5. Leur politique est de moderniser et de professionnaliser l’agriculture des pays en situation d’insécurité alimentaire. Ce modèle agricole implique l’augmentation de la productivité agricole à travers le recourt à de nouveaux intrants et techniques agricoles issues de la recherche scientifique moderne. De ce modèle a émergé la politique de la « révolution verte »6 : une agriculture industrielle, qui valorise l’exploitation à grande échelle, la standardisation des cultures et des semences. Des conventions et des traités internationaux, ainsi que des législations et des réglementations nationales7, soutiennent la transformation des réseaux semenciers en ce sens.
- 8 Laurent Delcourt, Un système alimentaire à transformer, Alternatives Sud, 2021/4, 2021, https://www (...)
- 9 Robert Chambers, Arnold Pacey, et Lori Ann Thrupp, Les paysans d’abord. Les innovations des agricul (...)
- 10 Emily Oakley et Janet Henshall Momsen, « Les liens entre genre, agrobiodiversité et gestion des sem (...)
3Mais de par ses conséquences, la modernisation de l’agriculture a rapidement été critiquée. Organisations de la société civile, ainsi que scientifiques, alertent les autorités politiques sur la destruction des écosystèmes et de l’agrobiodiversité engendrée par ce modèle agricole8. Il lui est également reproché d’ignorer et de dévaloriser les savoirs paysans au profit de l’approche scientifique9. Ainsi que de passer sous silence la place des femmes dans l’agriculture malgré leur rôle crucial dans le travail agricole10. Ce qui a pour conséquence de marginaliser davantage les paysans, et plus particulièrement, les paysannes.
4Malgré les nombreux projets et investissements dont fait l’objet la RD Congo pour moderniser son agriculture et son secteur semencier, leurs effets sociopolitiques restent largement sous-étudiés. Cet article cherche à combler l’absence de littérature sur la modernisation du secteur semencier congolais, et plus particulièrement, ses effets sur la répartition genrée des tâches du secteur semencier. Le cas d’étude de la filière semencière du haricot sur le territoire insulaire d’Idjwi révèle que la modernisation du secteur semencier implique sa formalisation et a pour conséquence une masculinisation du réseau semencier. La première partie de cet article porte sur la modernisation du secteur semencier congolais, et ses dispositifs, c’est-à-dire, la régulation formelle. La seconde partie expose la manière dont le secteur semencier formel s’implémente en milieu rural à partir de l’étude de cas d’Idjwi. Celle-ci débute par la description du réseau semencier insulaire. Ensuite, les différentes pressions auquel celui-ci est soumis sont détaillées, ainsi que les stratégies des paysans face à ces chocs. Enfin, les effets de la formalisation du secteur semencier sur le réseau semencier insulaire sont analysés.
Matériel et méthodologie de recherche
- 11 Cette étude de cas fait partie intégrante de la recherche doctorale d’Alice Jandrain à l’UCLouvain, (...)
- 12 FAO, UE, Cirad, op.cit
- 13 Euphraim Ziribanchi, « Présentation succincte du contexte et défis de l’île d’Idjwi », Bugarula (Id (...)
5Cet article se base sur le cas d’étude de la filière haricot sur le territoire insulaire d’Idjwi, situé dans la province du Sud Kivu, à l’est de la RD Congo11. Celui-ci constitue un lieu intéressant pour étudier la transformation des réseaux semenciers à plusieurs égards. Le premier est l’insularité du territoire. La frontière naturelle que forme le lac permet d’identifier facilement les entrées et les sorties des semences, ainsi que les protagonistes qui les véhiculent. Deuxièmement, le territoire d’Idjwi est un lieu marqué par l’absence de groupes armés, contrairement aux territoires voisins. La sécurité relative qui y règne a permis la rencontre des paysans et la collecte des données. Ce territoire vit les conséquences socioéconomiques des conflits historiques régionaux, telles que le manque d’infrastructures publiques, l’absence d’un système juridique étatique impartial et la concentration des populations dans les zones les plus sécurisées12. Troisièmement, cette région est fortement marquée par le changement climatique (perturbations saisonnières, sécheresses, fortes pluies et grêles). Ces aléas climatiques ont des conséquences sur les cultures agricoles, et in fine, sur la sélection et la conservation des semences13. Ce territoire est donc intéressant pour étudier la transformation des normes semencières dans des zones où les populations sont vulnérabilisées et fragilisées de par le contexte d’instabilité politique couplé au changement climatique.
- 14 Stéphane Beaud et Florence Weber, Guide de l’enquête de terrain : produire et analyser des données (...)
- 15 Jacques Charmes, « Les origines du concept de secteur informel et la récente définition de l’emploi (...)
- 16 Jacques Charmes et Philippe Adair, « L’inconstant caméléon, ou comment appréhender l’informel », Mo (...)
6Cette recherche s’inscrit dans le champ large des sciences sociales. Les données de nature qualitative ont été collectées selon une méthodologie inductive14 lors des derniers trimestres des années 2017, 2018 et 2019. Les principaux acteurs des réseaux semenciers formel et informel ont été identifiés puis rencontrés. La définition des termes « formel » et « informel » est soumise à de large débat depuis leur apparition. Ces concepts sont ici entendus de la manière suivante : le secteur formel correspond à ce qui est sous le contrôle de l’État. Tandis que les secteurs informels désignent les réseaux et milieux qui ne se soumettent pas à une régulation étatique. Ainsi, l’existence du secteur informel dépend de « la capacité (ou l’incapacité) de l’État à faire appliquer les lois et règlements qu’il édicte »15. Toutefois, « la non-conformité avec les réglementations officielles ne signifie cependant pas que ces activités sont illégales »16.
7Ainsi, le matériel de recherche est composé d’entretiens individuels semi-dirigés menés avec différents acteurs du réseau semencier (ONG, centres de recherches agronomiques, organisations locales de développement, autorités religieuses, autorités étatiques). Cet échantillon est composé de 62 personnes, dont 3 femmes et 59 hommes. À cela s’ajoute 3 entretiens réalisés en groupe de 2 à 4 personnes sur le territoire d’Idjwi, 69 entretiens individuels semi-dirigés ont été menés avec des paysans, dont 54 avec des femmes et 15 avec des hommes ; et 7 entretiens en groupe mixtes de 5 à 15 personnes ont été réalisées avec des organisations paysannes. Sur les marchés insulaires, un échantillon de 10 personnes vendant des haricots ont été interrogées, composé de 9 femmes paysannes et d’un homme.
8Des entretiens individuels ont d’abord été réalisés avec des membres d’organisations paysannes (OP) soutenues par des organisations locales de développement (OLD). Des entretiens de groupes ont ensuite été menés avec des OP, afin de comparer les données récoltées individuellement et en groupe. Puis, des paysans ont été rencontrés individuellement de manière aléatoire, sans passer par une OLD. Après une connaissance plus approfondie du terrain de recherche, des entretiens en groupe d’OP non soutenues par des OLD ont également été possible, à nouveau dans l’objectif de comparer les résultats obtenus. Cette méthode avait pour ambition de confronter les entretiens, sous les variables groupe/individu et OP indépendante/soutenue par une OLD.
9Tous les entretiens ont été anonymisés, comme convenu avec les participants à l’enquête. Leur consentement pour leur participation à l’étude a été faite de manière orale. Et ce pour plusieurs raisons. La première est que la majeure partie des personnes participantes sont illettrées. De plus, même auprès des personnes alphabétisées, il aurait été inadéquat de leur demander de signer un formulaire de consentement éclairé, de par la méfiance envers les contrats écrits et la valorisation de la parole et de la relation avant celle du contrat écrit. L’échantillon des acteurs intermédiaires est composé d’une large majorité d’hommes, au contraire de l’échantillon des paysans, qui est constitué en grande partie de femmes. Différents documents et observations issus de l’enquête viennent compléter les informations produites par les entretiens.
10Les limites de cette étude sont le manque d’exhaustivité des variétés de haricot cultivées par les paysans, ainsi que la quantité de semences utilisée de chacune de ces variétés par ceux-ci. En effet, obtenir ces données présente de nombreuses difficultés. Théoriquement, la circulation des semences de haricot peut être retracée depuis les laboratoires jusqu’aux champs, voire jusque l’assiette. Dans la pratique, cela est très complexe. En effet, lorsqu’une nouvelle variété est créée, les développeurs lui donnent un nom scientifique, qui prend généralement la forme de combinaison de quelques lettres et chiffres, tel que « HM 21 ». Mais lorsque celles-ci sont diffusées auprès des paysans, les variétés sont rebaptisées par ceux-ci. Ainsi, elles peuvent être désignées par plusieurs noms différents. Par exemple, la variété « HM 21 » a été renommée « fille et mère » à un endroit, et « CPR » à un autre. Ensuite, une fois les nouvelles variétés diffusées auprès des paysans, celles-ci se mêlent aux autres variétés, et il devient difficile d’identifier parmi toutes les variétés des paysans celles qui sont originellement issues d’un laboratoire et leur génération, et celles qui ont été hybridées par les paysans avec d’autres variétés. La collecte de ce type de données nécessite une méthodologie de recherche qui n’appartient pas aux sciences sociales.
Modernisation des réseaux semenciers congolais
- 17 Michel Cépède et Gerard Weill, L’agriculture, Paris, PUF, 1965, 526 p.
- 18 Claude Roosens, Les relations internationales de 1815 à nos jours, 2e éd., vol. 1, Louvain-La-Neuve (...)
- 19 Convention internationale phylloxérique, adoptée le 3 novembre 1881 lors de la Conférence de Berne, (...)
- 20 Convention phytosanitaire pour l’Afrique au sud du Sahara, adoptée à Londres le 29 juillet 1954, en (...)
- 21 Convention internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV), adoptée à Paris en 19 (...)
- 22 La certification permet de contrôler la qualité de la semence, de donner la garantie d’un pourcenta (...)
- 23 La Distinction signifie que cette variété est unique et qu’il n’en existe pas une identique qui por (...)
- 24 Christophe Bonneuil et Frédéric Thomas, op. cit., p. 21.
- 25 Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, op. c (...)
11L’histoire de la régulation et de la modernisation du secteur semencier congolais commence avec la colonisation belge. À cette époque, les gouvernants européens élaborent des règles sur la circulation des semences17. Avec l’apparition des États-Nations couplé à l’émergence des sciences modernes18, ceux-ci développent des conventions phytosanitaires afin de lutter contre la propagation de maladies végétales19. Lors de la colonisation, ceux-ci transposent ces dispositifs dans leurs colonies. Un exemple est la Convention phytosanitaire pour l’Afrique au sud du Sahara de 195420. Les indépendances africaines n’engendrent aucune rupture avec les dispositifs mis en place par les États coloniaux. Au contraire, les pays nouvellement indépendants adhèrent aux organisations internationales aux origines européennes ainsi qu’à leurs accords, telle que la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) de 196121. Ils prennent la machine en marche en adoptant des normes et des mesures qui visent à moderniser le secteur semencier. Parmi ces dispositifs se trouvent le certificat phytosanitaire22, le catalogue national des plantes et variétés, le certificat d’obtention végétale, et le test « Distinction, Homogénéité, Stabilité »23 réglementant l’obtention variétale24. Ces régulations concernent les semences considérées comme ressources agricoles et alimentaires. Également nommées « ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture », celles-ci font d’ailleurs l’objet d’un traité international porté par la FAO en 200125. L’État congolais y a adhéré le 5 juin 2003.
- 26 « Loi portant accès aux ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture et au parta (...)
12Cette hégémonie des normes internationales sur les populations paysannes est toutefois remise en question par certains pays africains, tel que le Burkina Faso. En effet, en 2019, celui-ci fait passer une loi sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture. Dans ce texte, ce pays occupe une position nouvelle en affirmant que l’État a pour rôle de veiller à la préservation des ressources phytogénétiques traditionnelles en tant que patrimoine national notamment dans la perspective de conservation de la diversité biologique et de la protection des intérêts des populations locales. Et que les avantages tirés de l’exploitation des ressources phytogénétiques traditionnelles doivent bénéficier aux populations locales utilisatrices et gardiennes séculaires de ces ressources26.
- 27 Département de l’Agriculture et du Développement Rural République du Zaïre, « Arrêté Départemental (...)
- 28 Département de l’Agriculture et du Développement Rural République du Zaïre, « Arrêté Départemental (...)
- 29 Arrêté Départemental No. 003 portant sur la création et l’organisation d’un service national des se (...)
13Ainsi, la régulation du secteur semencier congolais est impulsée par la communauté internationale, héritée de la colonisation. Un premier exemple post-colonial est la mise en place du Bureau national semencier en 1984, impulsé par un projet de la Banque Mondiale27, qui devient le Service national des semences (Senasem) en 1990, suite à un projet de la FAO28. Ce service est chargé de contrôler et de certifier les semences commercialisées. Les semences éligibles à la certification doivent appartenir aux variétés inscrites au Catalogue national des Espèces et Variétés ou sur une liste officielle. Celles-ci doivent également être issues de variétés améliorées29. Ces termes désignent une variété développée par la recherche en laboratoire répondant aux critères de « Distinction, Homogénéité, Stabilité », multipliée en culture pure, c’est-à-dire, en monoculture isolée d’autres cultures.
- 30 Règlement Technique de la Production du contrôle et de la Certification des Semences des Principale (...)
- 31 Frans Van Hoof, Changer l’agriculture congolaise en faveur des familles paysannes. Des dynamiques p (...)
- 32 Loi n°11/022 portant sur les principes fondamentaux relatifs à l’Agriculture, adoptée par l'Assembl (...)
14Un Règlement Technique, datant de 2012, reprend l’ensemble des normes à suivre afin de faire certifier ses semences. Celui-ci a été élaboré et diffusé avec le soutien technique et financier de la FAO, Enabel (agence belge de développement), la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, le Fond international de développement30. À ce jour, seul ce Règlement régule le secteur semencier congolais. Car bien qu’une loi semencière soit en projet depuis 2005, avec l’appui de la FAO, celle-ci n’a toujours pas été adoptée par le Parlement31. Toutefois, la loi agricole de 2011, vient partiellement combler ce manque car plusieurs de ces articles portent sur le secteur semencier32. Tout d’abord, l’État congolais s’y déclare souverain des ressources naturelles et des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (article 4). Il se rend également responsable « d’assurer la couverture totale des besoins nationaux en intrants agricoles de qualité » (article 28). Ce qui, d’après les définitions données dans la loi, comprend les semences. Il s’engage également à élaborer un catalogue national des semences (article 29), et à mettre en œuvre « un système national et des structures de promotion, de production, de commercialisation, d’homologation et de contrôle des intrants agricoles avant leur utilisation » (article 30). Ce système est actuellement connu sous le nom de Senasem. Enfin, cette loi reconnait l’usage du certificat phytosanitaire, conformément au modèle établit par l’UPOV.
- 33 Adopté lors la Conférence de l’Union africaine de 2003, à Maputo [Union africaine, 2003, Assembly/A (...)
15L’élaboration de la régulation du secteur semencier est marquée par l’absence d’investissement de l’État congolais. Et ce, malgré que la RD Congo se soit engagée au niveau du continent africain à consacrer au moins 10 % de son budget national à l’agriculture, par l’adoption du Programme détaillé de développement de l’agriculture en Afrique, i.e. les « Accords de Maputo »33. Cette coquille vide que représente l’État congolais, permet aux institutions et aux organisations internationales de développement d’importer leurs politiques de modernisation. Pour le secteur semencier, cela se traduit par l’injonction au recours aux semences de variétés dites améliorées de manière hégémonique. Ce dispositif appartient au modèle de l’agriculture productiviste, et fait partie du package de la modernisation agricole.
- 34 Règlement Technique de la Production du contrôle et de la Certification des Semences des Principale (...)
16Bien que les termes variétés améliorées n’apparaissent pas tels quels dans la loi agricole, ceux-ci le sont dans le Règlement semencier, ainsi que l’arrêté de création du Senasem. Les semences issues de ces variétés y sont présentées comme les seules de qualité, et donc comme les seules pouvant être certifiées34. Ceci implique que toutes les semences n’appartenant pas aux variétés dites améliorées ne sont pas reconnues comme des semences fiables et de qualité. Celles-ci sont d’ailleurs décrites dans le Règlement comme « tout-venant ». Un terme qui dévalorise ces variétés, opposés à ceux de « variété améliorée » issu de culture « pure », qui les gratifient. Ainsi, toutes les semences dites paysannes, locales, du territoire et rustiques sont balayées d’un coup de main des circuits semenciers approuvés par l’État et ses bailleurs de fonds. En conséquence, ce sont également toutes les connaissances paysannes, transmises à chaque nouvelle génération qui sont ignorées par l’État et ses bailleurs de fonds.
Un secteur formel masculin
17Le Senasem, service de l’État chargé de contrôler et certifier la production des semences destinées au marché, constitue la pierre angulaire du secteur semencier formel. Celui-ci contrôle et certifie les semences produites par la recherche, tel que l’Institut National d’études et de recherches agronomiques, ainsi que les centres de recherches agronomiques internationaux installés en RD Congo. Une fois les semences issues de variétés dites améliorées développées par la recherche, celles-ci sont diffusées auprès de multiplicateurs semenciers. Les entretiens révèlent que ceux-ci peuvent être des personnes privées, mais sont majoritairement des ONG et des OLD. Tous ces acteurs s’alignent au Règlement technique semencier congolais et font donc partie du secteur semencier formel.
- 35 Unité de Lutte contre la Pauvreté PNUD, « Province du Sud Kivu. Profil Résumé. Pauvreté et conditio (...)
- 36 PNUD, op. cit., p. 11.
18Les entretiens menés avec les agents de ces organisations et services de l’État révèlent la présence majoritaire d’hommes dans ce secteur. Comme exposé dans la section méthodologique, chercheurs, agents du Senasem, d’ONG et OLD sont majoritairement des hommes. Les enquêtes réalisées dans la province du Sud Kivu montrent que cette tendance s’étend dans l’ensemble des secteurs formels et s’appuie sur un déséquilibre de scolarisation. En effet, tout d’abord, le taux d’alphabétisation des femmes (36,2%) est plus faible que celui des hommes (48,2%). Ensuite, la scolarisation des hommes (7,1 années) est plus longue que celle des femmes (5,7 années)35. Cette différence se répercute ensuite sur le secteur de l’emploi. Car les femmes sont quasiment absentes du secteur public et privé formel. En effet, 4% des hommes occupent des emplois de cadres contre seulement 0,1% des femmes. Ainsi, seulement 2,4% des femmes de la province sont salariées alors que ces proportions montent à 18,4% pour les hommes36.
Les pratiques semencières insulaires
- 37 Ziribanchi, op. cit.
- 38 « Répartition de la population par zone de santé pour l’année 2018 », Inspection provinciale de la (...)
- 39 Programme des Nations Unies pour le Développement. « Province du Sud Kivu. Profil Résumé. Pauvreté (...)
- 40 Programme des Nations Unies pour le Développement, Atlas socio-économique des territoires du Sud-Ki (...)
- 41 Ziribanchi, op. cit.
19Un des lieux de diffusion des semences issues de variétés dites améliorées est le territoire insulaire d’Idjwi. Situé au milieu du lac Kivu, l’île d’Idjwi est entourée, à l’ouest, de la RD Congo et à l’est, du Rwanda. Son climat est tropical, avec des températures moyennes annuelles qui varient entre 11°C et 25°C. Le relief est majoritairement accidenté par la présence de massifs montagneux et de collines, entaillés de vallées profondes aux pentes abruptes. Plus grande île lacustre du pays, sa superficie est de 310 km2 37. En 2018, le nombre d’habitants est estimé à 310 893. Sa densité moyenne est d’environ 1002 habitants/km2 38, alors que celle du Sud Kivu est de 60 habitants/km2 et de24 habitants/km2 en RD Congo39. Le territoire, majoritairement peuplé par le groupe ethnique des Bahavu, parle le Kihavu. La majorité de la population vit d’une agriculture familiale de subsistance dont les revenus sont faibles40, à tel point que 82% de la population d’Idjwi vit avec moins de 1$ US par jour41.
Un secteur semencier féminin
- 42 Voir, entre autres, Oakley et Henshall Momsen, « Les liens entre genre, agrobiodiversité et gestion (...)
20La principale activité de la population insulaire est donc l’agriculture, pratiquée à petite échelle par les ménages. Les enquêtes de terrain ont révélé que les différentes tâches agricoles étaient réparties au sein de la famille, entre autres, en fonction du genre. Un phénomène déjà largement documenté par les études de genre42.
- 43 Benelli, Natalie, Christine Delphy, Jules Falquet, Christelle Hamel, Ellen Hertz, et Patricia Roux, (...)
- 44 Nicole-Claude Mathieu, « Remarques sur la personne, le sexe et le genre », Gradhiva : revue d’histo (...)
- 45 Candace West et Don H. Zimmerman, « Doing Gender », Gender & Society, n°1, 1987/2, 1987, p. 127.
- 46 L’étude des critères biologiques utilisés pour déterminer le sexe des personnes, tels que les chrom (...)
- 47 Anne Fausto-Sterling, Les Cinq Sexes. Pourquoi mâle et femelle ne sont pas suffisants, Lausanne, Pa (...)
- 48 Olivia Gazalé, Le mythe de la virilité : un piège pour les deux sexes, Paris, Robert Laffont, 2017, (...)
- 49 Sébastien Chauvin, Alexandre Jaunait, et Laure Bereni, éd., Introduction aux études sur le genre, 2 (...)
- 50 Breny Mendoza, « La question de la colonialité du genre », Les cahiers du CEDREF, no 23, 1 septembr (...)
- 51 Voir, entre autres, Du grain à moudre : Genre, développement rural et alimentation, Genève, Graduat (...)
21Concept apparu dans les années 60 dans le milieu académique43, le genre montre, au sens de représenter, le sexe des personnes44. Dans la majorité des sociétés contemporaines, le sexe est binaire (femelle ou mâle), tout comme le genre (femme ou homme). L’attribution d’un sexe ou d’un autre se base sur des critères biologiques qui les séparent45. Cette binarité sexuelle est remise en question par les travaux portant sur les personnes intersexe46. Ceux-ci mettent en lumière que le partage entre deux sexes, femelle et mâle, est une opération principalement sociale47. Au-delà de son aspect descriptif, le genre constitue surtout le fondement d’un ordre sociopolitique, qui semble naturel de par ses fondements biologiques48. Ainsi, Bereni et al. mettent en évidence quatre dimensions analytiques centrales du concept de genre : le genre est une construction sociale, un processus relationnel, un rapport de pouvoir et est imbriqué dans d’autres rapports de pouvoir49. Bien que l’usage du concept de genre dans l’analyse des sociétés africaines ait été remis en question par plusieurs auteurs50, celui-ci a largement démontré sa pertinence51. Il en est de même pour notre cas d’étude, comme nous le verrons ci-dessous.
- 52 Hélène Boutreau et Marc J Cohen, « Inégalités de Genre et Insécurité Alimentaire », Oxfam, 2019, 60 (...)
- 53 Anne C. Bellows, Antonio Onorati, et Bernhard Walter, « Conserver les semences entre les mains des (...)
- 54 Ibid.
- 55 Van Hoof, op.cit., p. 100.
22La littérature sur le genre renseigne que les cultures de rente sont généralement pratiquées par des hommes, les cultures vivrières par des femmes52. En Afrique et en Amérique latine, ce seraient également majoritairement des femmes qui s’occupent de la cueillette des plantes sauvages, des potagers familiaux, des activités d’herboristerie et la domestication des plantes53. Ces activités le plus souvent féminines, sont reconnues pour leur rôle nourricier, crucial pour la reproduction de la société54. Ceci est également le cas en RD Congo, où « Les femmes paysannes congolaises assurent la production agricole vivrière et la transforment pour lui donner une valeur ajoutée. Toutes les enquêtes le confirment. Ce sont elles qui font vivre la société congolaise »55.
- 56 Chambers, Pacey, et Thrupp, op. cit., p. 91.
- 57 Bellows, Onorati, et Walter, op. cit., p. 22.
- 58 Niyonkuru, op. cit., p. 61.
23La répartition genrée des tâches agricoles touche également le secteur semencier. Selon Chambers et al., dans de nombreuses communautés, les femmes sont en charge des cultures vivrières. « Ce sont donc souvent elles qui maîtrisent la sélection et l’entreposage des semences et qui les séparent des graines destinées à l’alimentation »56. Dans un de ces rapports, l’Observatoire du Droit à l’alimentation et à la nutrition, décrit les femmes comme « gardiennes des semences et des savoirs s’y rapportant »57. Niyonkuru partage l’importance de la conservation des semences par les femmes, en soulignant que les traditions séculaires des peuples de l’Afrique des Grands Lacs « considéraient qu’une femme qui ne conserve pas de semences devait être répudiée »58.
- 59 Alice Jandrain, Rapport de terrain, Louvain-la-Neuve, janvier 2019.
24Les enquêtes réalisées dans le cadre de cette recherche doctorale entre 2017 et 2019 sur le territoire d’Idjwi vont dans le sens de cette littérature. En effet, les entretiens révèlent que les personnes en charge de la culture du haricot, principale culture vivrière du territoire, faisant partie de l’alimentation de base des populations, sont exclusivement des femmes. Celles-ci sélectionnent et conservent également les semences de haricot. Coutumièrement, les semences de haricot sont transmises de mère en fille, lorsque la jeune fille quitte le foyer pour se marier. Une paysanne rencontrée en 2019 était très fière de montrer son champ de haricot, dont la variété est gardée dans la famille depuis de nombreuses générations. Le rôle des femmes dans la conservation des semences se reflète même dans le nom d’une variété nommée Mukemwema, signifiant « une bonne femme » en Kihavu, c’est-à-dire, une femme capable de garder la maison et la semence59.
- 60 Le battage des haricots est une méthode pour écosser les haricots. Lors de cette opération, les har (...)
- 61 Paola Tabet, La construction sociale de l’inégalité des sexes. Des outils et des corps., Paris, L’H (...)
- 62 Alice Jandrain, Rapport de terrain, Louvain-la-Neuve, janvier 2019.
25Bien que la culture du haricot soit l’apanage des femmes, des hommes sont sollicités lors de certaines étapes, telles que le travail de défrichage de la forêt et lors de la récolte et du battage des haricots60. Et cela, car la première activité implique l’utilisation de la machette, généralement réservée aux hommes, comme l’ont souligné plusieurs témoignages de paysannes. Et la seconde consiste à frapper des sacs de haricots avec des bâtons. Il apparaît que de manière générale, les outils nécessitant de frapper sont réservés aux hommes. Cette observation va dans le sens des recherches de Tabet, selon lesquelles les hommes se réservent les outils semblables aux armes de guerre61. Ensuite, bien que ce soient majoritairement des femmes qui s’occupent de la culture et de la récolte des haricots, ainsi que de la conservation des semences, il arrive que des hommes s’en mêlent. Effectivement, face aux besoins monétaires, plusieurs femmes ont témoigné que leur mari avait vendu leur récolte ou les avait poussés à le faire, ne laissant rien pour la semence. Cette situation a été étayée par des prêtres, témoignant de la récurrence de ce phénomène, ajoutant qu’il arrivait souvent que des hommes partent avec l’argent des récoltes, abandonnant femmes et enfants. Une vendeuse de haricot a également expliqué qu’elle n’achetait uniquement qu’à des femmes pour éviter de participer à ce phénomène62.
- 63 Monique Wittig, La pensée straight, Paris, Amsterdam, 2007, 119 p.
- 64 Pierre Bonte, Michel Izard (éds), Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris, PUF, 1 (...)
- 65 Roland Pfefferkorn, Genre et rapports sociaux de sexe, 2e éd., « Arguments et mouvements », Lausann (...)
26La littérature révèle que la répartition genrée des tâches agricoles et semencières s’inscrit dans un ordre social plus large, celui de l’hétéropatriarcat. Le concept d’hétéropatriarcat se fonde, d’une part, sur le concept de patriarcat, d’autre part sur l’hétérosexualité comme système politique63. Un premier courant de pensée définit le patriarcat comme « une forme d’organisation sociale et juridique fondée sur la détention de l’autorité par les hommes, à l’exclusion explicite des femmes »64. Un second décrit le patriarcat comme un système de domination et d’oppression fondé sur l’opposition hiérarchique entre le genre masculin et féminin65.
- 66 Bazilashe J. Belgamire et Birusha A. Rusimbuka, Langue et culture en Afrique, le cas des Bahavu du (...)
27Les résultats des recherches de terrain vont dans le même sens que cette littérature. En effet, dans la société havu, deux sexes et deux genres sont reconnus, femme et homme. Il est attendu d’un homme et d’une femme de former un couple. L’hétérosexualité est donc la norme, à l’exception des religieux et des religieuses. De plus, un couple est uniquement reconnu comme légitime s’il s’engage dans l’institution du mariage, auparavant coutumier, et depuis la colonisation, également religieux et civil. Il est attendu des jeunes mariés la procréation d’enfants, symbolisant la perpétuation de la famille, du clan et de l’ethnie. Le mariage implique la virilocation, c’est-à-dire, que la jeune mariée quitte le foyer parental pour vivre chez son époux. En échange, la famille (le père) du futur marié offre une dot à la famille (au père) de la future mariée. L’homme occupe une place spéciale dans le couple et dans la famille. En se mariant et en devenant un père, il devient le chef de la famille. Il la gouverne et la représente66.
- 67 Alice Jandrain, Rapport de terrain, Louvain-la-Neuve, janvier 2019.
28La société havu est donc organisée selon un système familial patrilinéaire (i.e. chaque ménage est doté d’un chef, le père de famille, et en cas de décès, le fils aîné). Ce système de gouvernance se retrouve à toute les échelles de la structuration de la société. En effet, les Bahavu sont gouvernés coutumièrement par un roi, le Mwami, toujours un homme. Le titre s’héritant de père en fils. Les gardiens de la coutume, les bajinji, assistant le roi dans ses fonctions, sont également des hommes. Leur rôle s’hérite également de père en fils. Il en va de même pour les chefs de villages et les chefs de famille. Toutefois, aujourd’hui, une exception existe. En effet, une femme a été nommée cheffe de village sur le territoire d’Idjwi. Malgré cela, la présence presque hégémonique des hommes aux postes de gouvernance se retrouve également dans l’administration du territoire. Bien que quelques femmes se trouvent à des postes administratifs, leur présence est minoritaire et celles-ci sont toujours subordonnées à un chef masculin67.
Les différents chocs
29Traditionnellement, les semences de haricot sont sélectionnées par les paysannes suite à leurs récoltes. Celles-ci sont ensuite conservées dans les ménages pour les semis de la saison suivante. Toutefois, de nombreuses paysannes ont témoigné ne plus être en mesure de conserver leurs semences d’une saison à une autre car leurs récoltes sont trop maigres. Les nombreux entretiens ont permis d’identifier les principaux facteurs qui influencent les cultures et conservations des semences.
- 68 PNUD, op. cit.
- 69 Joël Baraka, « De la marchandisation des droits fonciers vers la redéfinition des dynamiques territ (...)
- 70 Ziribanchi, op. cit.
- 71 Alice Jandrain, Synthèse issue des entretiens de l’enquête de 2019, Louvain-la-Neuve, Janvier 2020.
30Le facteur le plus important est l’insécurité régionale. En effet, des conflits armés ont eu lieu successivement à l’est de la RD depuis le génocide rwandais de 1994. Celui-ci a été suivi de plusieurs guerres (1996-1997 et 1998-2002). Ensuite, des groupes armés locaux se sont constitués et leur présence persiste jusqu’à ce jour. Cette situation a occasionné des millions de morts, des mouvements massifs des populations, et paupérisé la population68. Bien que ces conflits armés aient épargné le territoire d’Idjwi, de par sa population insulaire, l’île en subit les conséquences, telles que l’accueil de réfugiés et son isolement économique. Ainsi, la population insulaire a connu une forte augmentation démographique de par les vagues migratoires. Celle-ci a engendré une forte pression foncière, phénomène accentué par le confinement de la population sur un tiers de l’île, du fait de la privatisation d’une grande partie de l’île par un acteur privé et par l’Église catholique69. Ainsi, la taille moyenne d’une exploitation agricole familiale varie aujourd’hui entre 10 et 20 ares70. Or, traditionnellement, la jachère était pratiquée afin d’assurer la fertilité du sol. Mais la récente rareté foncière empêche cette pratique, induisant des conséquences en cascades : déboisement de l’île, disparition d’une partie de la faune et de la flore, changement du microclimat, surexploitation des sols, réduction de la fertilité et érosion des sols. La combinaison de ces facteurs entraîne de maigres productions agricoles. Ainsi, les paysannes doivent choisir entre manger leurs récoltes ou conserver la semence. Lorsque les semences sont gardées dans le ménage, les graines sont généralement mangées ou vendue lors d’un besoin financier. Ce qui entraine un manque de semence au moment des semis, ainsi que la perte des variétés locales71.
- 72 FAO et al., « L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2018. Renforcer la (...)
- 73 Alice Jandrain, Synthèse issue des entretiens de l’enquête de 2019, Louvain-la-Neuve, Janvier 2020.
31À ces bouleversements, s’ajoute le changement climatique responsable de catastrophes climatiques extrêmes ayant doublées depuis 199072. Ont été rapportées par les populations locales des changements saisonniers, des chaleurs excessives, des épisodes de sécheresses, des inondations et des tempêtes qui ont pour conséquence la destruction des champs. Or, lorsque les cultures sont détruites, les paysannes se retrouvent sans récolte et sans semence. Car, les paysannes ont tendance à semer toutes leurs semences en début de saison73.
- 74 Alice Jandrain, Rapport de la recherche de terrain septembre-octobre 2018, Louvain-la-Neuve, Janvie (...)
32Ainsi, les différents facteurs contextuels cités ci-dessous sont désignés comme responsables de la réduction de la quantité et de qualité des récoltes. Pour les paysannes, cela a des conséquences négatives sur leur capacité à conserver leurs semences et leurs variétés d’une saison à une autre. Ainsi, au début des nouvelles saisons culturales, et plus particulièrement, celle du mois de septembre, suite à la longue saison sèche, les paysannes éprouvent des difficultés à accéder aux semences de haricot74.
Les stratégies de résiliences
- 75 C’est-à-dire qu’elles n’ont pas de soutien technique, financier ou autre venant de l’extérieur.
33Face au besoin et au manque de semences en début de saisons culturales, les paysannes déploient différentes stratégies pour accéder aux semences de haricot. La première est de se diriger vers des proches, voisins et familiers, qui ont suffisamment produit. Certaines se dirigent également vers les religieux et religieuses. La seconde est l’achat de graines de haricots sur le marché afin de les utiliser comme semences. La troisième est le regroupement en organisations paysannes indépendantes75 afin de conserver leurs semences de haricots, en dehors de leur ménage, chez le trésorier de l’association, telle une banque semencière. Certaines de ces organisations sont dotées d’un système de solidarité qui implique que lors de calamités ou maladies, si certains membres n’ont pas su contribuer, ils peuvent malgré cela, recevoir des semences du stock, grâce aux plus gros producteurs qui cotisent davantage. La dernière stratégie est d’adhérer à une organisation paysanne soutenue par une OLD, diffusant des semences issues de variétés dites améliorées. En effet, comme explicité précédemment, les centres de recherche agronomique collaborent avec des ONG et des OLD pour disséminer leurs semences dites améliorées auprès des paysans. Les OLD les diffusent auprès des organisations paysannes sous la forme d’un crédit rotatif. C’est-à-dire que chaque membre reçoit une certaine quantité de semences de la part de l’OLD avant le semis. Après la récolte, chacun rend à l’OLD, soit la même quantité de semence reçue, soit 1,5 de la quantité. Le remboursement dépend du contrat passé entre l’OLD et le centre de recherche. Lorsque la quantité rendue est égale à la quantité donnée, cela signifie que l’OLD a acheté des semences. Lorsque celle-ci est de 1,5, cela implique que l’OLD a reçu ces semences en crédit de la part du centre de recherche et doit les lui rendre. Les OLD collaborent également avec les prêtres et les pasteurs des Églises, ainsi que les enseignants des écoles d’agriculture pour diffuser les semences dites améliorées, toujours sous forme de crédit rotatif.
34Un des agents de l’organisation explique le choix de ce système de distribution :
35« La première raison est de mettre du sérieux dans le travail. Quand tu sais que tu as reçu la semence, mais que tu dois la restituer, tu ne vas pas la mettre dans une casserole, tu vas semer dans les champs. (…) La deuxième, ce n’est pas possible d’acheter des semences tout le temps. Alors les semences qui sont restituées nous les utilisons pour vulgariser à des nouveaux ménages. » (Agronome du CPR, 2018).
- 76 Chambers, Pacey, et Thrupp, op. cit., p. 24.
36Ainsi, les haricots restitués à l’OLD permettent de constituer un stock de semences pour la saison prochaine et de conserver la variété. L’organisation joue donc un rôle de banque semencière auprès de laquelle les paysans peuvent s’approvisionner. À la suite des entretiens menés avec les paysannes, il apparaît que celles-ci ne différencient pas les variétés dites améliorées des autres variétés, désignées comme « tout-venant » par le Senasem. Si la variété amenée par les centres de recherche convient aux paysannes, celles-ci les incluent dans leur propre banque semencière. Un phénomène déjà bien documenté par Chambers et al.76. Ainsi, les variétés dites améliorées s’hybrident aux variétés paysannes.
37Les motifs explicités des protagonistes du réseau formel semencier, tels que les chercheurs et les agronomes, à développer des semences dites améliorées sont de répondre aux enjeux de rendement, phytosanitaires, climatiques et nutritionnels des paysans. Ce processus de développement comprend des champs d’essais et des ateliers de sélection participative des nouvelles variétés. En effet, deux centres de recherche collaborent avec une OLD sur le territoire d’Idjwi pour y tester leurs nouvelles variétés. Celle-ci fait alors appel aux membres des organisations paysannes qu’elle soutient pour qu’ils observent les essais de ces variétés et désignent celles qu’ils préfèrent. Cette inclusion des paysans reste subordonnée au processus de sélection variétal issue des normes internationales. Elle est donc davantage symbolique qu’effective. La sélection variétale formelle reste inscrite dans une dynamique de subordination d’un groupe sur un autre. D’ailleurs cette subordination implique, non-seulement le groupe des hommes sur celui des femmes, mais aussi la subordination de la classe paysanne vis-à-vis de la classe des scientifiques.
Formalisation et masculinisation du réseau semencier
38Sur le territoire d’Idjwi, les activités agricoles et semencières sont sujettes à des normes de genre. Les femmes paysannes sont responsables de l’alimentation du ménage, mais aussi des cultures vivrières, ainsi que de la sélection et de la conservation de leurs semences. Ces pratiques agricoles sont catégorisées « informelles » car elles existent en dehors de toute régulation étatique, sans pour autant que celles-ci ne soient illégales. Suite à une cumulation de chocs, de nombreuses paysannes rencontrent des difficultés à conserver leurs semences d’une saison à une autre. Elles recourent alors à des structures de solidarités locales, telles que l’organisation paysanne ou l’Église afin de se procurer des semences. Or, nombreuses d’entre elles sont fournies en semences dites améliorées par des OLD. Ce type de semences est produit et diffusé conformément au Règlement semencier congolais implémenté par le Senasem. Ces semences sont donc issues du secteur semencier formel.
39Or, la majorité des personnes travaillant dans le secteur semencier formel sont des hommes. Ainsi, la sélection des semences du secteur formel est réalisée majoritairement par des hommes. Tandis que la sélection des semences du secteur informel est réalisée majoritairement par des femmes. La formalisation du secteur semencier implique donc un déplacement de la sélection et de la conservation des semences des champs vers les centres de recherches, mais aussi des mains des paysannes vers celles des chercheurs. Elle aboutit à un changement de lieu, mais aussi de genre.
- 77 Pfefferkorn, op. cit.; Danièle Combes et M Haicault, « Production et reproduction, rapports sociaux (...)
- 78 Carole Pateman et al., Le contrat sexuel, Paris, La Découverte, 2010, 332 p.
40Ce phénomène est le produit du système social hétéropatriarcal. Celui-ci se caractérise par une différenciation des rôles de genre féminin et masculin, ainsi que la subordination du groupe féminin vis-à-vis du groupe masculin. En effet, le groupe féminin est essentiellement assigné à un rôle reproductif. C’est-à-dire que les femmes sont généralement socialisées à prendre soin de leur foyer et de ses membres. La dimension reproductive et de soin implique la prise en charge de l’alimentation de la famille. En milieu rural, celle-ci comprend les cultures vivrières, telle que celle du haricot, et leur transformation. Le groupe masculin, quant à lui, joue généralement un rôle productif dans la famille et dans la société. C’est-à-dire, qu’il est coutumièrement attendu des hommes d’amener un revenu à leur foyer et de créer des richesses77. À ce rôle productif est couplé celui de figure d’autorité et de représentant de la famille auprès de la société. Cette position attribuée aux hommes a pour conséquence que ces derniers aient une scolarisation plus longue, occupent davantage des postes dans les sphères publiques, les secteurs formels, ainsi que dans les milieux de gouvernance. Tandis que les femmes, ayant un rôle de gouverné et de subordonné, se retrouvent plus dans les sphères privées et informelles78.
- 79 PNUD, op. cit.
41Ce changement de genre dans le secteur semencier découle de sa formalisation et son entrée dans le secteur public doté de postes salariés à haut niveau de scolarisation79. Mais il est également issu de la politique de régulation du secteur semencier congolais. En effet, celle-ci est orientée par une politique internationale de modernisation de l’agriculture. Elle vise une augmentation de la production agricole, afin de résorber l’insécurité alimentaire et la pauvreté des populations rurales. Sa finalité productiviste a pour conséquence de valoriser une agriculture majoritairement incarnée par des hommes, le rôle productif étant coutumièrement attribué aux hommes. Ceci constitue donc un autre facteur qui engendre un secteur semencier formel incarné majoritairement par des hommes.
- 80 Van Hoof, op. cit., p. 105.
- 81 Anne C. Bellows, Antonio Onorati, et Bernhard Walter, op. cit., p. 14.
- 82 Van Hoof, op. cit., p. 103.
42De nombreux enjeux sous-tendent la formalisation du secteur semencier. Le premier est la participation aux lieux de décision, d’élaboration et d’implémentation des politiques semencières. Or, jusqu’à présent, les personnes qui utilisent, et dont leur survie dépend de l’accès aux semences, les paysannes, sont exclues de ces lieux. Le second se situe au niveau de la production des savoirs et des connaissances. La formalisation du secteur semencier se base sur une politique de modernisation de l’agriculture. Ainsi, les savoirs et les connaissances paysannes sont délibérément ignorées des politiques et des scientifiques80. Ce phénomène d’invisibilisation des paysannes et de leurs savoirs participe à leur marginalisation et leur subordination81 auprès de la classe politique et scientifique, qui est largement masculine. Alors que les femmes paysannes constituent déjà un groupe de personnes parmi les plus vulnérables82.
- 83 Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, entrée en (...)
- 84 Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatifs aux droits des femmes(...)
43La formalisation du secteur semencier a donc de nombreuses limites. Basée sur une logique productiviste de modernisation, elle favorise le pouvoir économique, politique et social des hommes. Car elle s’implémente dans une société fondée sur l’hétéro-patriarcat. Car, la dimension de travail productif et reproductif n’est jamais abordée dans les politiques de développement agricole. Ainsi, bien que l’État congolais ait la responsabilité de tenir « compte des problèmes particuliers qui se posent aux femmes rurales et du rôle important que ces femmes jouent dans la survie économique de leurs familles, notamment par leur travail dans les secteurs non monétaires de l’économie »83 et se soit engagé à adopter et mettre en œuvre « des mesures législatives et autres mesures visant à garantir aux femmes l’égalité des chances en matière d’emploi, d’avancement dans la carrière et d’accès à d’autres activités économiques »84, ces engagements restent lettres mortes. Or, si l’État congolais veut tendre vers cette égalité des chances, cela pourrait passer par la reconnaissance des savoirs paysans, et plus particulièrement ceux des femmes, de les valoriser, de les faire circuler pour les visibiliser, ainsi que de soutenir financièrement les initiatives de sélection, de production et de diffusion des semences paysannes.
Notes
1 FIDA, Rapport sur la pauvreté rurale 2011 : nouvelles réalités, nouveaux défis : de nouvelles chances pour la prochaine génération. Rome, FIDA, 2011.
2 L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2021 (FAO, 2021), https://doi.org/10.4060/cb4474fr.
3 FAO, Union Européenne, Cirad, « Profil des systèmes alimentaires – République Démocratique du Congo. Activer la transformation durable et inclusive de nos systèmes alimentaires », Rome, Bruxelles et Montpellier, France, 2022, p. 5.
4 Principalement, la FAO, la Banque Mondiale et l’IFAD.
5 Alice Jandrain, « Politique semencière de la RDC : politique importée, des bailleurs pour l’implémenter », in Conjonctures de l’Afrique centrale, 2020/95, 2020, p. 213‑38.
6 GRAIN, La Révolution verte en Afrique. Les enjeux et les pièges, Cotonou, Ruisseaux d’Afrique, 2008.
7 Jandrain, Ibid.,
8 Laurent Delcourt, Un système alimentaire à transformer, Alternatives Sud, 2021/4, 2021, https://www.cetri.be/Un-systeme-alimentaire-a, consulté le 7 janvier 2022.
9 Robert Chambers, Arnold Pacey, et Lori Ann Thrupp, Les paysans d’abord. Les innovations des agriculteurs et la recherche agronomique, Economie et développement, Paris, Karthala, 1994 ; Deogratias Niyonkuru, Pour la dignité paysanne. Expériences et témoignages d’Afrique, réflexions, pistes méthodologiques, Bruxelles, GRIP, 2017, p. 19.
10 Emily Oakley et Janet Henshall Momsen, « Les liens entre genre, agrobiodiversité et gestion des semences », p. 233‑62, dans Genre et savoirs. Pratiques et innovations rurales au Sud., À travers champs, Marseille, IRD Editions, 2014.
11 Cette étude de cas fait partie intégrante de la recherche doctorale d’Alice Jandrain à l’UCLouvain, dont la problématique de recherche est : « L’accès aux semences sous influences politiques. Le cas de la filière haricot sur le territoire d’Idjwi, à l’Est de la RD Congo » (sous la direction de An Ansoms).
12 FAO, UE, Cirad, op.cit
13 Euphraim Ziribanchi, « Présentation succincte du contexte et défis de l’île d’Idjwi », Bugarula (Idjwi, Sud Kivu, RD Congo), Centre de Promotion Rural d’Idjwi, 2019, 9 p.
14 Stéphane Beaud et Florence Weber, Guide de l’enquête de terrain : produire et analyser des données ethnographiques, 4ème édition, Paris, La Découverte, 2015, p. 29.
15 Jacques Charmes, « Les origines du concept de secteur informel et la récente définition de l’emploi informel », World Bank, 2002, p. 5.
16 Jacques Charmes et Philippe Adair, « L’inconstant caméléon, ou comment appréhender l’informel », Mondes en développement , 2014/166, 2014, p. 9, https://doi.org/10.3917/med.166.0007.
17 Michel Cépède et Gerard Weill, L’agriculture, Paris, PUF, 1965, 526 p.
18 Claude Roosens, Les relations internationales de 1815 à nos jours, 2e éd., vol. 1, Louvain-La-Neuve, Académia-Bruylant, 2001, 316 p.
19 Convention internationale phylloxérique, adoptée le 3 novembre 1881 lors de la Conférence de Berne, entrée en vigueur le 14 mai 1882 et abrogée le 29 janvier 1954.
20 Convention phytosanitaire pour l’Afrique au sud du Sahara, adoptée à Londres le 29 juillet 1954, entrée en vigueur le 15 juin 1956, qui sera ensuite abrogée par les États durant la décolonisation.
21 Convention internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV), adoptée à Paris en 1961, révisée en 1972, 1978 et 1991. La version UPOV 1991 a été adoptée le 19 mars 1991. Elle est entrée en vigueur le 24 avril 1998. Au 7 juin 2017, il y avait 74 États membres.
22 La certification permet de contrôler la qualité de la semence, de donner la garantie d’un pourcentage élevé de germination, d’identifier la variété et de permettre sa traçabilité.
23 La Distinction signifie que cette variété est unique et qu’il n’en existe pas une identique qui porte un autre nom. L’homogénéité indique que tous les plants sont identiques au sein de la collectivité. La stabilité implique que les plants sont identiques entre les différentes générations.
24 Christophe Bonneuil et Frédéric Thomas, op. cit., p. 21.
25 Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, op. cit.
26 « Loi portant accès aux ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture et au partage des avantages résultant de leur utilisation », Pub. L. No. 020-2019/AN, Journal officiel du Burkina Faso (2019).
27 Département de l’Agriculture et du Développement Rural République du Zaïre, « Arrêté Départemental portant sur la création et l’organisation du Bureau national semencier », Pub. L. No. 00003/BCE/AGRIDRAI/84, 3 (1984).
28 Département de l’Agriculture et du Développement Rural République du Zaïre, « Arrêté Départemental portant sur la création et l’organisation d’un service national des semences », Pub. L. No. 003, 5 (1990).
29 Arrêté Départemental No. 003 portant sur la création et l’organisation d’un service national des semences, datant du 3 juin 1990, par le responsable du Département de l'Agriculture et du Développement Rural (République du Zaïre).
30 Règlement Technique de la Production du contrôle et de la Certification des Semences des Principales Cultures Vivrières et Maraîchères République Démocratique du Congo, CTB, 2012.
31 Frans Van Hoof, Changer l’agriculture congolaise en faveur des familles paysannes. Des dynamiques paysannes dans les différentes provinces de la RDC. Middelbeers (Pays-Bas), Alliance Agricongo, 2011, p. 109.
32 Loi n°11/022 portant sur les principes fondamentaux relatifs à l’Agriculture, adoptée par l'Assemblée nationale et le Sénat, promulguée par le président de la République à Kinshasa (République Démocratique du Congo) le 24 décembre 2011.
33 Adopté lors la Conférence de l’Union africaine de 2003, à Maputo [Union africaine, 2003, Assembly/AU/Decl. 7 (II)]. Voir “Nations Unies. Commission Economique pour l'Afrique (2017-11). Le Protocole de Maputo et les améliorations dans le secteur rural : atteindre la cible du Protocole de Maputo relative aux dépenses agricoles. Note d’orientation de la CEA. No. ECA/18/006, 5 p. Addis Abeba. © NU.CEA.
34 Règlement Technique de la Production du contrôle et de la Certification des Semences des Principales Cultures Vivrières et Maraîchères République Démocratique du Congo, op. cit.cit.
35 Unité de Lutte contre la Pauvreté PNUD, « Province du Sud Kivu. Profil Résumé. Pauvreté et conditions de vie des ménages. », Bukavu (République Démocratique du Congo),Programme des Nations Unies pour le Développement, mars 2009, p. 11.
36 PNUD, op. cit., p. 11.
37 Ziribanchi, op. cit.
38 « Répartition de la population par zone de santé pour l’année 2018 », Inspection provinciale de la santé du Sud- Kivu, 2018.
39 Programme des Nations Unies pour le Développement. « Province du Sud Kivu. Profil Résumé. Pauvreté et conditions de vie des ménages » Bukavu (République Démocratique du Congo), Unité de la lutte contre la pauvreté, PNUD, mars 2009.
40 Programme des Nations Unies pour le Développement, Atlas socio-économique des territoires du Sud-Kivu, Bukavu (République Démocratique du Congo), Unité de la lutte contre la pauvreté, PNUD, octobre 2010.
41 Ziribanchi, op. cit.
42 Voir, entre autres, Oakley et Henshall Momsen, « Les liens entre genre, agrobiodiversité et gestion des semences ».
43 Benelli, Natalie, Christine Delphy, Jules Falquet, Christelle Hamel, Ellen Hertz, et Patricia Roux, « Les approches postcoloniales : apports pour un féminisme antiraciste ». Nouvelles Questions Féministes, n°25, 2006/3, p. 4.
44 Nicole-Claude Mathieu, « Remarques sur la personne, le sexe et le genre », Gradhiva : revue d’histoire et d’archives de l’anthropologie, Anthropologie des sexes, no 23, 1998, p. 15.
45 Candace West et Don H. Zimmerman, « Doing Gender », Gender & Society, n°1, 1987/2, 1987, p. 127.
46 L’étude des critères biologiques utilisés pour déterminer le sexe des personnes, tels que les chromosomes, les hormones, le cerveau et le squelette, formerait, non pas deux catégories, mais un minimum de cinq.
47 Anne Fausto-Sterling, Les Cinq Sexes. Pourquoi mâle et femelle ne sont pas suffisants, Lausanne, Payot, 2018, 96 p.
48 Olivia Gazalé, Le mythe de la virilité : un piège pour les deux sexes, Paris, Robert Laffont, 2017, 418 p.
49 Sébastien Chauvin, Alexandre Jaunait, et Laure Bereni, éd., Introduction aux études sur le genre, 2e éd., Bruxelles, De Boeck supérieur, 2012, p. 7.
50 Breny Mendoza, « La question de la colonialité du genre », Les cahiers du CEDREF, no 23, 1 septembre 2019, p. 90‑116 ; Désiré Manicom, « Review : The Invention of Women: Making African Sense of Western Gender Discourses », Agenda 16, no 50, 2011, pp. 134‑35.
51 Voir, entre autres, Du grain à moudre : Genre, développement rural et alimentation, Genève, Graduate Institute Publications, 2017; « Les paysannes ignorées. Petite production paysanne, changements agraires et inégalités de genre », in Genre, changements agraires et alimentation, Cahiers genre et développement 8, Genève, Graduate Institute Publications, 2012; Jeanne Bisilliat et Christine Verschuur, éd., Genre et économie : un premier éclairage, Cahiers genre et développement 2, Paris, L’Harmattan, 2001.
52 Hélène Boutreau et Marc J Cohen, « Inégalités de Genre et Insécurité Alimentaire », Oxfam, 2019, 60 p.
53 Anne C. Bellows, Antonio Onorati, et Bernhard Walter, « Conserver les semences entre les mains des peuples », LokayDRUCK (Allemagne), Observatoire du Droit à l’alimentation et à la nutrition, n°22, 2016.
54 Ibid.
55 Van Hoof, op.cit., p. 100.
56 Chambers, Pacey, et Thrupp, op. cit., p. 91.
57 Bellows, Onorati, et Walter, op. cit., p. 22.
58 Niyonkuru, op. cit., p. 61.
59 Alice Jandrain, Rapport de terrain, Louvain-la-Neuve, janvier 2019.
60 Le battage des haricots est une méthode pour écosser les haricots. Lors de cette opération, les haricots dans leur gousse séchée sont placés dans des sacs. Et les hommes frappent avec des bâtons de bois dessus. Ce qui casse les gousses et fais sortir les grains de celles-ci.
61 Paola Tabet, La construction sociale de l’inégalité des sexes. Des outils et des corps., Paris, L’Harmattan, 1998, p.206.
62 Alice Jandrain, Rapport de terrain, Louvain-la-Neuve, janvier 2019.
63 Monique Wittig, La pensée straight, Paris, Amsterdam, 2007, 119 p.
64 Pierre Bonte, Michel Izard (éds), Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris, PUF, 1991, 755 p.
65 Roland Pfefferkorn, Genre et rapports sociaux de sexe, 2e éd., « Arguments et mouvements », Lausanne, Syllepse, 2016, 122 p. ; Eunice M. Lipinge et Debie LeBeau, Beyond Inequalities. Women in Namibia., Windhoek (Namibia), University of Namibia, 2005, 80 p.
66 Bazilashe J. Belgamire et Birusha A. Rusimbuka, Langue et culture en Afrique, le cas des Bahavu du Zaïre : mélanges à la mémoire d’Aramanzi Birusha A. (1943-1987), Kinshasa, Noraf, 1991, p. 66.
67 Alice Jandrain, Rapport de terrain, Louvain-la-Neuve, janvier 2019.
68 PNUD, op. cit.
69 Joël Baraka, « De la marchandisation des droits fonciers vers la redéfinition des dynamiques territoriales à Idjwi », Mémoire de Master en sciences économiques, sociales, politiques et de communication, Louvain-La-Neuve, UCLouvain, 2017, 145 p.
70 Ziribanchi, op. cit.
71 Alice Jandrain, Synthèse issue des entretiens de l’enquête de 2019, Louvain-la-Neuve, Janvier 2020.
72 FAO et al., « L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2018. Renforcer la résilience face aux changements climatiques pour la sécurité alimentaire et la nutrition », Rome, FAO, 2018, p. 41.
73 Alice Jandrain, Synthèse issue des entretiens de l’enquête de 2019, Louvain-la-Neuve, Janvier 2020.
74 Alice Jandrain, Rapport de la recherche de terrain septembre-octobre 2018, Louvain-la-Neuve, Janvier 2019.
75 C’est-à-dire qu’elles n’ont pas de soutien technique, financier ou autre venant de l’extérieur.
76 Chambers, Pacey, et Thrupp, op. cit., p. 24.
77 Pfefferkorn, op. cit.; Danièle Combes et M Haicault, « Production et reproduction, rapports sociaux de sexes et de classes » in Le sexe du travail: structures familiales et système productif, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1984, pp. 155-174.
78 Carole Pateman et al., Le contrat sexuel, Paris, La Découverte, 2010, 332 p.
79 PNUD, op. cit.
80 Van Hoof, op. cit., p. 105.
81 Anne C. Bellows, Antonio Onorati, et Bernhard Walter, op. cit., p. 14.
82 Van Hoof, op. cit., p. 103.
83 Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, entrée en vigueur le 3 septembre 1981, n°0.108, ratifiée par la RD Congo le 17 octobre 1986, p.14, disponible en ligne : <https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/cedaw.aspx>.
84 Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatifs aux droits des femmes, entré en vigueur le 25 novembre 2005, ratifiée par la RD Congo le 9 juin 2008, p.13.
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Référence électronique
Alice Jandrain et Christine Frison, « Modernisation et masculinisation du réseau semencier. Le cas de la filière haricot à Idjwi, en RD Congo », Droit et cultures [En ligne], 84 | 2022-2, mis en ligne le 12 juillet 2023, consulté le 27 septembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/droitcultures/8621 ; DOI : https://doi.org/10.4000/droitcultures.8621
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