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Dossier : Les nouvelles normativités transformatrices des systèmes semenciers

Gestion communautaire des semences et responsabilité collective envers l’agrobiodiversité. De la nécessaire reconnaissance des incommuns 

Community-based Seed Management and Collective Responsibility for Agrobiodiversity. The need for Recognition of Uncommons
Frédérique Jankowski et Adeline Barnaud

Résumés

Cet article observe dans quelle mesure la (re)définition de responsabilités collectives associées aux cases de semences communautaires peut participer d’une redéfinition des relations aux semences et de leurs statuts. L’analyse s’appuie sur des entretiens et un dispositif collaboratif et réflexif menés au Sénégal avec des chercheurs, des acteurs du développement et des organisations paysannes. Dans une perspective relationnelle, la notion de responsabilité permet de saisir les liens qui engagent les humains entre eux et les humains aux semences du point de vue de ces différents acteurs. La pluralité des principes de responsabilité observée laisse apparaitre certains incommuns constitutifs des cases de semences communautaires. Nous soulignons l’importance de la prise en compte de ces incommuns à la fois pour répondre aux enjeux de justice visés par ces dispositifs et pour explorer collectivement de nouveaux modes de préservation de la diversité cultivée autant que de la pluralité des relations à celle-ci.

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Notes de l’auteur

Remerciements

Les auteurs remercient chaleureusement les acteurs de la compagnie de théâtre forum Kaddu Yaraax dont la grande implication a contribué à la qualité des débats. Nous remercions également les organisateurs des foires aux semences paysannes, comme l’ASPSP (Association Sénégalaise de Semences Paysannes), qui ont permis d'impliquer une grande diversité d'acteurs dans les forums. Nous tenons à remercier tous les participants aux différentes représentations théâtrales qui ont permis une analyse collective des pratiques de recherche collaborative dans le domaine des ressources phytogénétiques. Ce travail a bénéficié de l'appui du West Africa Agricultural Productivity Program (WAAPP/PPAAO 2A) au travers du projet Fonio (CERA58ID06 SE), des projets CERAO (ANR-13-AGRO-0002), CoEx (ANR-10-LABX-001-01) et d’une aide du Labex AGRO 2011- LABX-002, projet SeedAttah n°2001-002, intégré à l’I-Site Muse coordonnée par Agropolis Fondation.

Texte intégral

Introduction

  • 1 Marck Schapiro, Seeds of Resistance. The Fight to Save our Food Supply, New York, Skyhorse Publishi (...)
  • 2 Bhuwon Ratna Sthapit, “Emerging Theory and Practice; Community Seed Banks, Seed System Resilience a (...)
  • 3 Anna Porcura Ferrer et al., “Do community seed banks contribute to the social-ecological resilience (...)
  • 4 Shree Maharjan et Keshav Maharjan, “Roles and contributions of community seed banks in climate adap (...)
  • 5 Ronnie Vernooy et al., Community Seed Banks: Origins, Evolution and Prospects, Oxford, Routledge, 2 (...)
  • 6 Xin SONG et al., Community Seed Banks in China: Achievements, Challenges and Prospects. Front. Sust (...)

1Depuis une vingtaine d’années, la formalisation de dispositifs de conservation in situ est encouragée par une diversité d’acteurs – généticiens, sélectionneurs, organisations paysannes, organisations internationales, ONG environnementales – pour répondre à des objectifs spécifiques de conservation et/ou de création de variétés adaptées aux contextes locaux. Pour certains de ces acteurs, cette formalisation s’impose surtout du fait du déclin de l’agrobiodiversité. Pour d’autres, cet enjeu s’associe à celui de la concentration du pouvoir dans l’industrie semencière, de la nécessité de «  libérer les semences  »1. Dans ce contexte, les cases de semences communautaires (CSC) sont apparues comme un moyen d’aborder à la fois la conservation de la diversité et les questions de justice sociale : (1) en soutenant la gestion collective de l’agrobiodiversité par les communautés2  ; (2) en renforçant les capacités techniques et organisationnelles des paysans3 et (3) en améliorant l’adaptation des semences aux climats locaux4. Ces initiatives sont présentées comme s’appuyant sur les pratiques traditionnelles des agriculteurs en matière de sélection, de conservation et d’échange de semences5. Dans certains cas, les cases de semences communautaires peuvent être le lieu de collaboration entre des instituts de recherche et des paysans ; dans le cadre, notamment, de projets de sélection participative6.

  • 7 Johannes Wirz et al., Seed as a commons. Breeding as a source for real economy, law and culture, Sw (...)
  • 8 Stefanie Sievers-Glotzbach et al., “Diverse Seeds – Shared Practices: Conceptualizing Seed Commons” (...)
  • 9 Elionor Ostrom, Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Actions. Cambri (...)
  • 10 Marie Schloen, Sélim Louafi et Tom Dedeurwaerdere, “Access and benefit-sharing for genetic resource (...)
  • 11 Fred Rattunde et al., « Transforming a traditional commons-based seed system through collaborative (...)

2Ces initiatives sont appréhendées par certains auteurs au travers du concept de Seed Commons7. Émergeant d’une diversité de contextes institutionnels, agroécologiques et socioculturels, Sievers-Glotzbach et al.8 décrivent les seeds commons comme étant multiformes, hybrides et complexes. Contrairement aux natural commons9, la mise en péril des semences ne relève pas de la surutilisation, mais d’un sous-approvisionnement10. De plus, la complexité des seeds commons réside dans le fait que leur gouvernance se conçoit à différentes échelles, du local au mondial, impliquant un emboitement d’acteurs, de règles et de ressources. Néanmoins, ces auteurs reconnaissent quatre caractéristiques fondamentales aux seeds commons : (i) la responsabilité collective ; (ii) la protection contre l’enclosure privée ; (iii) la gestion collective et polycentrique des semences ; et (iv) le partage des connaissances relatives à la sélection et à la gestion des semences. Alors que la notion de responsabilité collective est présentée comme un pilier des seed commons, elle n’est que très peu définie dans la littérature s’y rapportant ; renvoyant à une notion juridique à l’échelle internationale (au travers du TIRPAA de la FAO et du protocole de Nagoya de la Convention sur la Diversité biologique), elle est avancée de manière implicite comme un principe moral à l’échelle locale. Elle est généralement rapprochée (voire déduite) de dynamiques de gouvernance des ressources phytogénétiques. Dans cette perspective, les cases de semences communautaires sont décrites comme des espaces permettant de redéfinir les responsabilités de chacun pour servir des objectifs communs intégrant le maintien les variétés traditionnelles utiles aux communautés villageoises et dans certains cas, le développement de nouvelles variétés11.

  • 12 Frédéric Thomas et al., « Variétés végétales et races animales. De l’accès libre à l’appropriation, (...)
  • 13 Fabien Girard, « Semences et agrobiodiversité : pour une lecture ontologique des bio-communs locaux (...)

3Les cases de semences communautaires sont présentées comme des modes de gouvernance s’appuyant sur les pratiques traditionnelles des agriculteurs. Or, comme le souligne Thomas et al.12, les systèmes traditionnels de circulation des semences ne visent pas de manière intentionnelle la conservation de la biodiversité. Aussi, pour Girard13 : « Même si la tendance est à faire des communautés locales et autochtones et agriculteurs les intendants de la biodiversité… il serait risqué d’aller plus loin en préconisant la mise en place d’institutions destinées à mieux coordonner l’action collective dans une finalité de conservation et d’usage de la diversité cultivée ». Pour l’auteur, il est risqué de remettre en cause les institutions et leur fluidité qui assurent d’abord l’identité de la communauté et donne son statut ontologique à la semence. Il souligne que dans le cadre d’institutionnalisation de mise en commun des semences, la manière dont les subjectivités et la valeur de la ressource se trouvent transformées n’est pas considérée.

  • 14 C’est en référence aux travaux de Mary Douglas sur les « système d’accountability », que Deborah Pu (...)
  • 15 Nous n’ambitionnons donc pas ici de contribuer conceptuellement à la littérature en anthropologie s (...)

4Cet article propose ainsi d’observer dans quelle mesure la (re)définition de responsabilités collectives associées aux cases de semences communautaires participe aussi d’une redéfinition des relations aux semences et de leurs valeurs. Pour ce faire, nous adoptons une perspective relationnelle de la notion de responsabilité en considérant celle-ci en tant que lien informant sur la structuration de communautés : la place des acteurs au sein de celle-ci, mais aussi celle des non-humains. En d’autres termes, la notion de responsabilité est considérée ici comme « point d’attache par lequel les individus, faisant confiance à leurs propres fictions, définissent les termes d’un monde commun garant de leur équilibre et survie »14. Dans ce cadre, il s’agit d’observer l’organisation de ces termes (en tant que composantes du monde commun) au travers des justifications à agir en commun avancées par les différents acteurs impliqués. Une telle acception nous permet de réintroduire dans une approche par les seed commons la dimension ontologique15.

  • 16 Ainsi que nous le développons par la suite, Blaser et de la Cadena (2017) proposent une conceptuali (...)

5Dans un premier temps, nous revenons sur un dispositif collaboratif et réflexif et des entretiens menés au Sénégal avec des chercheurs, des acteurs du développement et des organisations paysannes. Nous décrivons la manière dont ces acteurs justifient la mise en place de cases de semences communautaires. Dans une seconde partie, nous observerons dans quelle mesure la mise en place de cases de semences communautaires s’appuie sur un régime de responsabilité envers l’agrobiodiversité commun à la diversité des acteurs. En conclusion, la pluralité des régimes de responsabilités observée, sous-tendue par une pluralité de relations et de statuts accordés aux semences, rend visible certains incommuns16 constitutifs des cases de semences communautaires. Nous soulignons l’importance de la prise en compte de ces incommuns pour répondre aux enjeux de justice visés par ces dispositifs et pour explorer collectivement de nouveaux modes de préservation de la diversité cultivée autant que de la pluralité des relations à celle-ci.

Des cases de semences communautaires au Sénégal pour répondre aux enjeux locaux et globaux de la conservation de la diversité cultivée

6La nécessité des cases de semences communautaires a été avancée par une diversité d’acteurs dans le cadre d’un dispositif collaboratif et réflexif visant la définition de pratiques collaboratives justes et équitables pour la gestion de la biodiversité cultivée. Dans cette partie, nous présentons le dispositif d’enquête puis les justifications avancées par les acteurs au sujet de la mise en place de cases de semences communautaires.

Une enquête collective pour définir des principes justes et équitables de gestion de l’agrobiodiversité

  • 17 La mobilisation de formes collaboratives de théâtre est issue de l’art-based ethnographie et des sc (...)
  • 18 Augusto Boal, Theatre of the oppressed, New York, NY, Theatre Communications Group, 1985.
  • 19 John Dewey, Logic: The Theory of Inquiry. New York, NY, Henry Holt and Company, 1938. Dewey en prop (...)

7Dans le cadre de recherches collaboratives impliquant des chercheurs français et ouest-africains, des organisations paysannes, des acteurs de la société civile, des représentants de l’État et des gestionnaires de banques de gènes, des questions éthiques ont émergé sur la manière dont la recherche pouvait réellement prendre en compte à la fois les contraintes institutionnelles et les intérêts et objectifs des différentes parties prenantes. Pour répondre à cet enjeu, nous avons développé un dispositif collaboratif au travers de la mise en scène théâtralisée17 de situations de recherche coopératives considérées comme problématiques par les différentes parties prenantes. La forme participative de théâtre que nous avons choisi est celle du théâtre forum18 qui a été pensée spécifiquement pour discuter des situations d’oppression, conscientes ou non, entre une diversité d’acteurs. Une performance de théâtre forum se caractérise par quatre étapes : (i) La création d’une pièce représentant des tensions entre différents personnages ; (ii) La représentation de la pièce devant un public concerné ; (iii) Un modérateur invite les spectateurs à partager leurs interprétations de la pièce et des actes des différents personnages et ; (iv) Les « spect-acteurs » viennent alors remplacer des personnages pour tester des solutions possibles et en discuter collectivement. Ces différentes étapes offrent ainsi le cadre d’une véritable enquête collective19.

  • 20 Cette captation vidéo permet de restituer aux lecteurs la pièce en tant que modalité d’écriture col (...)

8Un script de pièce a été élaboré à partir des expériences collaboratives d’un petit groupe de chercheurs relevant de différentes disciplines et nationalités. Ce script a ensuite été scénarisé par la troupe de théâtre forum Kaddu Yaraax. La pièce ainsi créée est composée de cinq tableaux et met en scène différents personnages humains et non-humains : un chercheur brésilien accueilli dans un laboratoire sénégalais, une banque de gène, des ressources phytogénétiques/semences, un chercheur sénégalais et des agriculteurs. Nous invitons le lecteur à visionner la pièce à ce lien20 : https://www.youtube.com/​watch?v=tpsj9JZvimI. La pièce a été soumise aux jugements d’une diversité d’arène. En 2016, elle a été représentée lors d’un atelier réunissant chercheurs, sélectionneurs, directeurs de banque de gènes, représentants étatiques, organisations paysannes et des ONG de huit pays d’Afrique de l’Ouest. Elle a également été jouée en 2017 dans le cadre de deux foires nationales et internationales des semences paysannes d’Afrique de l’Ouest. En 2018, cette pièce a fait l’objet de deux représentations : l’une au cours du premier festival Alimenterre de Dakar et la seconde sur un campus de recherche international à Dakar. Les publics pouvaient ainsi être composés d’une diversité d’acteurs et de nationalités ou réunir un type d’acteur spécifique.

  • 21 Pour plus de détails sur cette démarche et les principales propositions issues de ces rencontres, n (...)

9À l’issue des représentations, les spectateurs étaient invités à partager leurs interprétations de la pièce et à explorer collectivement des pistes permettant de rendre plus justes les situations représentées. Toutes les représentations et débats associés ont été filmés et retranscrits. Des spectateurs ont également été interviewés afin de recueillir leurs impressions sur cette expérience d’analyse collective et discuter de manière plus approfondie de certaines propositions21.

Les cases de semences comme dispositifs de responsabilisation et de justice sociale

10Dans le cadre des forums qui ont suivi les représentations de la pièce, la nécessité de restructurer les modalités locales de conservation des semences via la mise en place de cases de semences communautaires a été avancée tant par des chercheurs que des représentants d’associations de semences paysannes et des membres de la société civile. Ces cases permettraient de maintenir les semences dans un milieu optimal et constitueraient une réserve de semences pour la communauté en cas de mauvaises saisons culturales. Ces cases sont ainsi présentées comme des lieux-ressources permettant à tout paysan ayant perdu des variétés de s’en procurer.  

11Pour les différents acteurs, les cases de semences communautaires sont aussi présentées comme un moyen pour les agriculteurs de revendiquer leurs droits dans la définition des modes de partage des semences avec des acteurs extérieurs aux communautés comme les chercheurs. Dans le cadre des forums, un acteur d’ONG s’adresse ainsi à l’un des paysans figurés dans la pièce :

« On doit vous organiser en communautés pour que vous ayez des banques de gènes communautaires… comme ça lorsqu’un chercheur arrive pour prendre leur matériel, ils ont d’abord des banques de communauté, ça veut dire que dans ces banques ils peuvent puiser pour donner aux chercheurs et ils signent un partenariat avec le chercheur » (Un agent d’ONG à un agriculteur).

12Les cases de semences communautaires sont définies comme des lieux intermédiaires permettant de formaliser les échanges entre les paysans et d’autres acteurs dans le respect de leurs droits concernant la création et la gestion de leurs semences. Les acteurs institutionnels présents aux forums, comme les chercheurs, y voient également un moyen simplifié de formalisation des échanges avec les paysans dans le cadre de projets de recherche. L’existence d’une case de semences communautaires, gérée selon des règles établies par un comité local de gestion, constituerait un interlocuteur privilégié des chercheurs pour accéder à la diversité cultivée à l’échelle d’une communauté villageoise.

  • 22 Sarah Paule Dalle & Susan Walsh, “USC Canada’s experience in supporting community seed banks in Afr (...)

13Dans le cadre de cette enquête collective réalisée entre 2016 et 2018, les cases de semences communautaires ont donc été présentées comme des dispositifs nécessaires pour répondre à l’enjeu d’une conservation durable, équitable et juste de la diversité cultivée. Cela rejoint les objectifs affichés par des projets visant la mise en place de cases de semences communautaires au Sénégal. Dès les années 2000, l’ONG USC Canada soutient la création de deux « banques de semences communautaires » associées à des jardins collectifs, dans la région de Podor, au nord du pays. Ces banques s’inscrivent plus largement dans un programme mondial de l’ONG, axé sur la promotion de la sécurité et de la souveraineté alimentaires par l’utilisation durable de la biodiversité agricole22. Ces banques sont présentées par l’organisation comme des incubateurs de la résilience communautaire et des lieux de rencontre entre scientifiques et agriculteurs pour expérimenter de nouvelles variétés capables de répondre aux aléas du changement climatique.

14Une autre association est aujourd’hui très active dans la mise en place de « cases de semences paysannes » au Sénégal. Depuis 2013, l’Association Sénégalaise de Producteurs de Semences Paysannes avec l’appui technique de différentes ONG développe des cases de semences paysannes dans le centre et le sud du pays. On peut compter aujourd’hui pas moins de huit cases construites avec le soutien de l’association. L’objectif de ces cases est de promouvoir les semences paysannes et de réduire la dépendance des agriculteurs aux semences et intrants commerciaux. Cette approche s’inscrit dans le cadre de la revendication d’une autonomie semencière pour les paysans et de la lutte pour un modèle d’agriculture durable. Ces cases se veulent être des sites privilégiés de partage et de production de connaissances, mais aussi de responsabilisation des agriculteurs vis-à-vis de leur patrimoine semencier garant de leur autonomie face à l’industrie semencière. En collaboration avec des chercheurs de différentes disciplines, l’association s’active aujourd’hui à la définition de règles de fonctionnement et de modes de gouvernance qui puissent véritablement répondre aux enjeux visés par ces dispositifs.

  • 23 David J. Deyoung & Mywish K. Maredia, “Determinants of Sustainability of Community Seed Banks in Ni (...)

15Ces deux types de dispositifs partagent plusieurs caractéristiques ; ils sont issus de modèles inspirés de dynamiques exogènes portées initialement par des ONG occidentales et visent à fédérer et responsabiliser les communautés villageoises autour des enjeux de conservation des semences. On constate également dans les deux cas que l’appropriation et la pérennisation des cases de semences communautaires demeurent problématiques. Plusieurs travaux23 ont identifié des facteurs contraignant la mise en œuvre et la durabilité de ces structures comme les relations de pouvoir et les rapports de genre au sein des communautés ou encore la politique de valorisation des savoirs autochtones au travers de ces dispositifs. Cependant, il est intéressant de souligner qu’aucune de ces études n’a considéré la manière dont la pluralité des relations liant les paysans à leurs semences de par le monde, pouvait entrer en tension avec celles imposées, de fait, par ces espaces communautaires et expliquer aussi le faible taux de réussite de telles initiatives.

Un principe commun de responsabilité envers l’agrobiodiversité ?

16Dans les forums, les participants étaient invités à expliciter les critères leur permettant d’évaluer les actes des personnages représentés dans la pièce. Il est apparu un rôle essentiel de deux actants dans l’évaluation de ces comportements : les ressources génétiques au cœur du travail des chercheurs et les semences au cœur de celui des agriculteurs. Ces entités introduisent différents registres de responsabilité, rendant visibles différents liens entre humains et entre humains et non-humains, que nous exposons ci-dessous.

Ressources phytogénétiques et responsabilité pour autrui

17Dans le discours des chercheurs, la notion de responsabilité vis-à-vis de l’agrobiodiversité est évoquée tant pour justifier leurs actes que pour juger ceux des autres personnages de la pièce.

18Les scientifiques justifient leurs actions au regard des grands enjeux environnementaux et de la perte de la diversité cultivée. Ainsi que l’explicite un chercheur représenté dans la pièce, son travail a pour objectif de « sauvegarder la biodiversité agricole et de développer les écosystèmes ». Plusieurs chercheurs présents aux forums insistent sur l’importance de « faire comprendre (aux paysans) que certaines variétés sont en train de disparaître ». Leurs recherches sont présentées comme une réponse à ce phénomène. L’agrobiodiversité considérée comme vulnérable face aux variabilités climatiques futures, l’objectif est de la conserver au mieux, mais également de la rendre plus résiliente. Cela implique des actions d’améliorations variétales pour qu’elles puissent s’adapter aux conditions de demain.

« Nous on est des chercheurs, on fait la recherche avec les semences ce qu’on va prendre chez vous est quelque chose qu’on va aller utiliser dans les laboratoires et essayer de trouver des variétés meilleures pour permettre demain de pouvoir avoir du mieux  ».

19Il s’agit d’assurer une continuité dans l’accès aux ressources et à la diversité des variétés pour les paysans. La fragilité de la biodiversité cultivée n’est pas sans lien avec celle des paysans. La création de nouvelles variétés est justifiée par la nécessité d’aider les paysans face aux contraintes environnementales :

« Actuellement vous voyez des changements climatiques, il y a des insectes donc nous on fait une recherche pour essayer d’aider les paysans en créant de nouvelles variétés adaptées à cet environnement ».

20Le chercheur se positionne ainsi comme responsable de l’agriculteur, dans un rapport d’aide et une posture de sachant. Dans plusieurs remplacements de personnages, les chercheurs justifient leurs recherches par le fait d’acquérir les connaissances qui leur permettront d’indiquer aux agriculteurs la manière la plus adaptée d’agir.

21Assurer l’accès des variétés aux paysans c’est aussi répondre à des enjeux de sécurité alimentaire à l’échelle de la société. Sur ce point, les chercheurs interpellent aussi la responsabilité des agriculteurs :

« Je vous ai appelés chers parents pour parler avec vous de vos variétés parce que c’est vous qui êtes à la base de la sécurité alimentaire de notre pays, c’est à cause de vous que nous mangeons, si nous restons au bureau pour travailler si on rentre on doit manger, mais si vous ne cultivez pas on ne va pas manger, il faut aussi que la recherche puisse avancer, c’est grâce à vous parce que c’est vous qui conservez les variétés ».

  • 24 Margaret Gilbert. « La responsabilité collective et ses implications », Revue française de science (...)

22De cette manière, ce chercheur présente l’enjeu de sécurité alimentaire de la nation comme un commun pour lequel il est nécessaire de s’unir et de coopérer. Il souligne le lien d’interdépendance entre les chercheurs et les agriculteurs. Les chercheurs appellent ainsi à une responsabilité collective en tant que co-engagement24 des humains par rapport à la conservation des ressources phytogénétiques ; un co-engagement s’appuyant, notamment, sur ce qui les unit et les oblige en tant que membres d’une même nation.

  • 25 Hans Jonas, Le principe responsabilité, trad.fr. Éditions du Cerf, 1990 (1979)
  • 26 Michel Metayer, « Vers une pragmatique de la responsabilité morale », Lien social et Politiques 46, (...)

23Au travers des justifications énoncées par les chercheurs, nous retrouvons les différents éléments du principe de responsabilité pour autrui défini par Hans Jonas25. L’éthique de la responsabilité de Jonas se préoccupe à la fois des hommes et de la « nature » en insistant sur la vulnérabilité de celle-ci, sur sa dépendance à notre égard, sur notre engagement à répondre du vivant. Il évoque vis-à-vis de cette vulnérabilité un devoir de soin du même ordre que celui qui lie des parents à leurs enfants. Pour l’auteur, la responsabilité à l’égard de l’humanité à venir est un principe. Son motif central consiste à loger dans la vulnérabilité et la fragilité des êtres un appel à l’aide ou à la bienveillance auquel tout sujet humain se doit de répondre. Le principe de responsabilité pour autrui n’est ainsi pas pensé uniquement à partir des actes, mais aussi du « pouvoir-faire » de chaque individu. Il avance, en plus de la responsabilité rétrospective pour ce qui a été fait, une responsabilité prospective « pour ce qui est à faire »26. Jonas privilégie les concepts de continuité, de totalité et d’avenir. Au travers de la conservation de la diversité cultivée, de l’attention portée à la fragilité à la fois de l’agrobiodiversité et des hommes et de l’engagement pour parer aux incertitudes de demain, nous retrouvons les trois concepts chers à Jonas. En interpellant la responsabilité des agriculteurs vis-à-vis de la nation et en se positionnant, dans le même temps, comme responsable de la capacité d’adaptation des agriculteurs, les chercheurs définissent des liens de dépendance qui s’inscrivent dans une forme de vulnérabilité partagée face aux enjeux associés au maintien de la diversité cultivée.

Semences et responsabilité relationnelle

24La manière dont les personnages de la pièce prennent soin de la semence est un critère mobilisé par l’ensemble des types d’acteurs pour évaluer leur comportement. Mais comme nous allons le voir, la nature des liens engageant les humains entre eux et les humains aux semences du point de vue des agriculteurs sont différents de celui que nous venons de décrire pour les chercheurs et acteurs du développement.

  • 27 Nous décrivons ailleurs de manière détaillée les principes moraux énoncés lors des forums (Jankowsk (...)

25Au travers de l’analyse des discours, nous constatons que le principe de responsabilité liant les agriculteurs aux semences est intimement associé à celui portant sur le respect des valeurs sociales partagées. Dans les forums, les actes des personnages sont considérés au regard de valeurs morales telles que la loyauté envers la tradition, l’honnêteté, la confiance, etc.27. Ces valeurs sont également sollicitées dans le cadre des interactions engageant les agriculteurs à leurs semences. La forte valeur sociale de la semence et la manière dont elle s’inscrit dans les relations entre paysans est soulignée à plusieurs reprises :

« tu vas voir un véritable paysan tu lui demandes de la semence il te la donne, c’est ça l’acte normal parce que la transmission de la semence entre paysans c’est apparenté au don, mais ce n’est pas une marchandise, et donc il a joué son rôle en tant que paysan si tu viens me voir et que tu as besoin de la semence moi je donne » (Agriculteur de Thiès).

  • 28 Christian Leclerc et Geo Coppens d’Eeckenbrugge, “Social Organization of Crop Genetic Diversity. Th (...)
  • 29 Sandra Delaunay et al., « La culture du coton ne bouleverse pas les échanges traditionnels de semen (...)
  • 30 Hugo R. Perales et al., “Maize diversity and ethnolinguistic diversity in Chiapas, Mexico”, PNAS 10 (...)

26Cet agriculteur souligne ainsi que la semence se doit de circuler entre les agriculteurs. Les recherches portant sur les réseaux de circulation des semences décrivent des échanges enchâssés au sein d’un large système de prestations socialement déterminées par des valeurs et des normes locales28. Parmi les différentes modalités pour acquérir des semences, le don et le troc constituent les principaux modes de distribution de semences au sein des réseaux paysans29. Comme le souligne la littérature, le choix du partenaire d’échange et la notion de confiance associée sont primordiaux dans l’accès aux semences30. Les réseaux de circulation des semences s’apparentent ainsi à des réseaux sociaux qui participent de la conservation des variétés locales selon des valeurs sociales partagées telles que la confiance, la discrétion, la compassion, etc.

27Cette relation étroite entre principe de responsabilité vis-à-vis de la semence et respect des valeurs sociales s’explique par le fait que la semence se trouve au cœur de ces échanges non pas simplement en tant qu’objet mais en tant qu’actrice. Dans les propos des agriculteurs, la semence apparaît comme une entité de l’interaction auxquelles les valeurs sociales s’appliquent :

« La semence est considérée par nous comme une matière vivante … elle fait partie de notre société, de notre vie, de notre quotidien, elle fait partie intégrante de notre tradition, c’est elle qui nous permet de vivre » (Responsable d’association de semences paysannes).

28La référence à la tradition lie le présent, non pas au futur comme précédemment avec le principe de responsabilité pour autrui, mais au passé. La référence au futur existe chez les agriculteurs. Ces derniers évaluent aussi les actes des personnages au vu de leur efficacité à maintenir les semences dans le temps. Mais cette évaluation porte aussi sur la manière dont les actes des personnages peuvent maintenir ce qui est considéré comme « un patrimoine héréditaire et historique ». Prendre soin de la semence, c’est respecter les générations passées qui l’ont transmise. Pour certains agriculteurs, le non-respect de pratiques culturales transmises par les anciens expliquerait les mauvaises récoltes et la perte de semences.

  • 31 Tronto & Fischer, 1990 in Christine Larrere, « Vunérabilité et responsabilité : un autre Jonas ? », (...)

29Dans le discours des agriculteurs, il semble ainsi difficile de distinguer clairement un principe de responsabilité vis-à-vis d’autrui d’un principe de responsabilité vis-à-vis de la semence. Le principe auquel se réfèrent les agriculteurs relève d’une responsabilité élargie ; se rapportant de manière simultanée à autrui et à la semence dans une définition mutuelle. S’il s’agit d’une responsabilité relationnelle, elle s’apparente moins à celle définie par Jonas qu’à celle décrite par les théories du care. L’agriculteur prend soin de la semence et, en retour, la semence prend soin du réseau social de l’agriculteur. De même, c’est en prenant soin de son réseau social que l’agriculteur prend soin de la semence. Dans ce cas, le soin porté à la semence peut être « considéré comme une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre “monde”, de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nous-mêmes et notre environnement, tous éléments que nous cherchons à relier en un réseau complexe, en soutien à la vie »31. Dans un tel cadre, les agriculteurs ne prennent pas volontairement des responsabilités, mais celles-ci s’imposent à eux au travers des réseaux relationnels dont ils font partie.

30Ce lien intime entre le soin porté à la semence, autrement dit son maintien, et les valeurs sociales s’expriment également au travers de causes énoncées par les agriculteurs comme étant responsables de leur perte. Plusieurs d’entre eux avancent ainsi que les variétés locales sont mises en péril par le fait qu’elles s’inscrivent aujourd’hui dans des relations qui suivent d’autres principes et valeurs que celles de la communauté villageoise :

« À mon avis, les semences sont à laisser entre les mains des paysans. Ce qui cause la perte des semences, c’est qu’elles passent des mains des paysans vers d’autres mains. Voilà ce qui met en péril les semences ».

31La perte des semences dans les mains d’étrangers est associée à la perte des valeurs portées par le réseau paysan comme la solidarité.

« On a vécu dès la petite enfance avec une semence que nos pères avaient héritée de leurs pères. Mais face aux circonstances de la vie, on l’a cédée à des étrangers dont on est au final devenus dépendants ».

32Les agriculteurs perçoivent ainsi un changement de nature du lien entre les acteurs du réseau : de la solidarité à la dépendance. Au cours de l’un des forums, un agriculteur fait ainsi référence à un poème pour interpeller un personnage représentant un paysan : « Toi qui cultives, choisis ta propre semence de confiance ». Ce vers souligne la manière dont la confiance peut qualifier autant la nature du lien entre les hommes que la semence elle-même.

  • 32 Catherine Larrere, « Vunérabilité et responsabilité : un autre Jonas ? », Alter [En ligne], 22, | 2 (...)
  • 33 Sandra Laugier, « Care, environnement et éthique globale », Cahiers du Genre 59 (2), 2015, p. 127-1 (...)

33Comme le mentionne Larrère32, l’une des principales différences entre les deux principes de responsabilité décrits ci-dessus est que dans la perspective de Jonas, la multiplicité des liens qui se nouent entre humains et entre les vivants n’est pas prise en compte. Ce qui est fondamentalement différent de l’inscription de la responsabilité du care au cœur de cette multiplicité. Ainsi, dans le principe de Jonas, nous retrouvons malgré tout, en partant des enjeux globaux, une conception hyperbolique de la responsabilité. Les humains sont en charge de la vie sur terre. Cela s’inscrit, de manière plus ou moins consciente, dans une position de surplomb d’une bienveillance condescendante qui s’appliquerait à des êtres démunis, vulnérables ou dépendants. Dans les éthiques du care, la responsabilité est conçue dans une perspective pragmatique. Les humains et les semences sont dans un rapport mutuel de soin. Dans le principe de responsabilité pour autrui, les responsabilités sont identifiées en surplomb, essentiellement par les chercheurs. Or, c’est une tout autre posture dans laquelle s’inscrit le care ; comme le remarque Sandra Laugier33 «  s’il y a une articulation possible entre care et environnement, ce sera de façon pragmatique et non métaphysique, dans la reconnaissance ordinaire de nos dépendances et de nos responsabilités ».

Les cases de semences communautaires peuvent-elles intégrer des régimes incommuns de responsabilité ?

34Ainsi, la semence est définie par les paysans comme partie prenante des relations entre les villageois et non pas uniquement comme un objet de transaction. Le régime de responsabilité qui lie les agriculteurs à leurs semences s’exprime au travers de valeurs, dans l’expression d’obligations, de redistribution et de soin mutuel. Comme nous l’avons illustré avec la notion de confiance, les valeurs qui qualifient le lien entre les humains participent de la qualification de la semence. Aussi, dans quelle mesure la mise en commons des semences à l’échelle locale peut-elle permettre le respect de ces valeurs et des modalités relationnelles qui lient les paysans entre eux et à leurs semences ? La mise en place d’un dispositif de conservation communautaire des semences implique, de fait, une redéfinition des liens sociaux et moraux engagés dans la circulation des semences. En plaçant au cœur de ces dispositifs, la responsabilité des humains à l’égard de la conservation des semences en tant qu’entités vulnérables, un glissement s’opère d’une conception relationnelle des humains à la semence au sein de la communauté à une conception contractuelle des humains entre eux et à la semence. D’une relation de soin mutuel, le paysan se retrouve dans une posture d’aidant plus proche de celle que s’attribue le chercheur vis-à-vis de la diversité génétique cultivée et du principe de responsabilité pour autrui sous-jacent.

  • 34 Amiria Salmond, “Uncommon Things”, Anthropologica, Vol. 59/ 2, 2017, p. 251-2667
  • 35 Casper Bruun Jensen, “Mekong Scales: Domains, Test Sites, and the Uncommons”, Anthropologica Vol. 5 (...)
  • 36 Mario Blaser and Marisol De La Cadena, « The Uncommons: An Introduction », Anthropologica, Vol. 59/ (...)
  • 37 Eduardo Viveiros De Castro, “Perspectival Anthropology and the Method of Controlled Equivocation. T (...)

35L’idée de la mise en commun appelle une exploration de ce qu’implique le fait de rendre les entités communes34. Plusieurs travaux décrivent la manière dont les incommuns sont constitutifs des communs, d’autant plus lorsqu’ils impliquent une diversité d’acteurs35. Le terme d’incommuns est proposé par Blaser et de la Cadena36 à partir de l’analyse de conflits concernant l’étendue de plusieurs communs menacés d’extractivisme. Les auteurs sont frappés par la convergence conceptuelle paradoxale entre, d’une part, les arguments des gouvernements extractivistes en faveur de l’enclosure des communs au nom du bien commun supérieur et, d’autre part, ceux des groupes de justice sociale et environnementale en faveur de la défense des communs. Blaser et de la Cadena observent que « cette convergence s’appuie sur la présumée continuité ontologique sous-jacente entre les humains et sur la discontinuité ontologique entre les humains et les non-humains, des hypothèses qui permettent une relation objectivant les non-humains en tant que ressources (naturelles), dont la distribution, l’accès et l’utilisation peuvent se transformer en points de discorde entre des sujets humains. » (2017 : 195). Or, leurs interlocuteurs indigènes associaient la mise en commun à la défense d’intérêts collectifs, mais aussi à un sens du devoir envers divers éléments de leur milieu de vie comme les forêts, les animaux, etc. Ainsi, les auteurs décrivent la manière dont des assemblages hétérogènes de vie qui n’utilisent pas nécessairement la division entre les humains et les non-humains sont à la fois contraints par cette distinction et continuent à exister au-delà de celle-ci. Le maintien d’incommuns au sein de mises en commun serait rendu possible au travers d’équivocations37. Celles-ci sont produites lorsque différents interlocuteurs ne se rendent pas compte qu’ils utilisent un même terme pour définir des réalités différentes. C’est ainsi la présence d’un ensemble de pratiques homonymiques aux référents distincts qui permettrait le maintien de communs.

  • 38 Margaret J. Wiener, “Things in (Un)Common: Two Reflections”, Anthropologica, Vol. 59/ 2, 2017, p. 2 (...)

36Les incommuns seraient non seulement constitutifs, mais aussi productifs pour le maintien des communs. Wiener38, par exemple, décrit la manière dont les équivocations permettent à des pratiques divergentes de se côtoyer avec un minimum d’interruption mutuelle. Cependant, si les champs d’équivocations jouent un rôle important dans la réussite des communs, ils sont dans la plupart des cas asymétriques. La mise en commun se fait au prix de la subordination d’un ensemble de pratiques à l’autre par le biais du « same-ing », c’est-à-dire qu’une équivalence est considérée là où une divergence est en réalité à l’œuvre. La conséquence est que les pratiques dominantes peuvent finalement fonctionner comme si les pratiques subordonnées n’étaient pas pertinentes pour la constitution du bien commun. Pour Blaser et de la Cadena, la reconnaissance de ces incommuns apparait ainsi comme une condition sine qua non à l’enjeu démocratique et de justice visée par les processus de mise en commun.

  • 39 Armelle Maze et al., “Commoning the seeds: alternative models of collective action and open innovat (...)

37L’un des principaux enjeux associés aux cases de semences communautaires est la reconnaissance et la valorisation des connaissances et des savoir-faire des paysans. La littérature sur les seeds commons souligne l’importance de considérer dans la mise en commun des semences la pluralité des systèmes de connaissances qui y sont associés et les dynamiques de co-construction de nouvelles connaissances39. Or, au vu de la diversité des statuts et des relations associées aux semences, l’enjeu semble moins être la reconnaissance d’une diversité de connaissances au sujet d’une entité qui serait partagée, la semence, que la reconnaissance de sa pluralité ontologique.

En conclusion : Les cases de semences communautaires comme espaces interstitiels d’exploration collective

  • 40 Laurent Thevenot, « En Commun, en Différend. Politiques Comparées dans L’apprentissage de la Vie En (...)
  • 41 Atsuro Morita, “In between the Cosmos and "Thousand-Cubed Great Thousands Worlds: Composition of Un (...)
  • 42 Casper Bruun Jensen, “Mekong Scales: Domains, Test Sites, and the Uncommons”, Anthropologica Vol. 5 (...)

38Avancer que les cases de semences communautaires reposent sur des incommuns ne les délégitime pas de fait. Elles peuvent constituer un espace riche d’exploration collective pour co-définir une « grammaire du commun »40 au sujet de l’agrobiodiversité. Ces espaces de rencontres entre plusieurs mondes sont aussi des espaces d’émergence de divergences productives. Atsuro Morita41 parle d’interstitial space pour qualifier des espaces à l’interface « entre plusieurs pratiques liées à la connaissance et à la gestion du monde ». Les cases de semences communautaires pourraient s’apparenter à de tels espaces lorsqu’elles portent l’ambition de répondre aux enjeux à la fois locaux et globaux liés à la conservation de l’agrobiodiversité. Pour reprendre les termes de Jensen42, cette mise en commun des semences peut être pensée comme relevant de plusieurs domaines ou projets : un projet de conservation de l’agrobiodiversité, un projet sur l’autonomie semencière des paysans, un projet de valorisation et de reconnaissance des savoir-faire et systèmes de valeurs des paysans, etc. Ainsi, au travers d’une case de semences communautaires plusieurs domaines cohabitent, tissent des relations qui peuvent en retour les transformer mutuellement.

  • 43 Les pratiques des paysans visent, avant toute chose, la reproduction des semences pour assurer la c (...)

39Les multiples fonctions des cases de semences communautaires sont généralement mises en avant pour souligner leur portée et pertinence sans jamais être interrogées dans leurs divergences et le rapport parfois conflictuel qu’elles entretiennent (lieu de conservation de la diversité cultivée vs lieu de reconnaissance des savoir-faire des paysans43). Il nous semblerait intéressant de considérer la manière dont la rencontre de différents domaines au travers des cases de semences communautaires permet à chacun d’entre eux de se transformer : la manière dont les systèmes de valeurs des paysans se trouvent affectés par un tel dispositif, mais également la manière dont celui-ci doit être ajusté au vu des pratiques effectives et des systèmes de valeurs que les paysans d’une communauté associent aux semences.

  • 44 Judith Farquhar et al., “A Place at the End of a Road: A Yin-Yang Geography”, Anthropologica, Vol. (...)
  • 45 Peter Linebaugh, The Magna Carta Manifesto: Liberties and Commons for All. Oakland, University of C (...)
  • 46 Johannes Euler, “Conceptualizing the Commons: Moving Beyond the Goods-Based Definition by Introduci (...)
  • 47 David Bollier and Silke Helfrich (dir.), The Wealth of the Commons: A World Beyond Market and State(...)

40Par ailleurs, Farquhar, Lai et Kramer44 démontrent l’importance de ne pas conceptualiser les incommuns comme l’expression de différences fossilisées préexistantes, mais plutôt comme un processus permanent et changeant de divergences liées à un ensemble de pratiques et d’usages. C’est en ce sens que le concept de commonalisation45 nous apparait intéressant. Moins dans le fait qu’il permette de considérer les systèmes de connaissances, la fonction sociale ou encore les modes de gouvernance associée à la mise en commun des semences46 que dans sa dimension créatrice ; celle d’un nouveau monde à travers l’expérience d’une rencontre entre plusieurs domaines. La commonalisation ne doit pas être rapportée ici à une communauté essentialisée et homogène – qui serait la communauté villageoise garante de la case de semences – mais à la rencontre de plusieurs communautés hétérogènes et perméables correspondant à la pluralité des acteurs impliqués. Ce processus est ainsi profondément « pluriverse »47, en ce que les participants, malgré leurs grandes différences – notamment épistémiques et ontologiques – se retrouvent pour collaborer. 

41Il nous semble que dans une telle perspective – réflexive, relationnelle et créatrice – les cases de semences communautaires peuvent constituer des espaces d’exploration collective de nouveaux modes de préservation de la diversité cultivée autant que de la pluralité des relations à celle-ci.

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Notes

1 Marck Schapiro, Seeds of Resistance. The Fight to Save our Food Supply, New York, Skyhorse Publishing, 2018.

2 Bhuwon Ratna Sthapit, “Emerging Theory and Practice; Community Seed Banks, Seed System Resilience and Food Security.” In Community Seed Banks in Nepal: The Past, Present, and Future, edited by P. Shrestha, R. Vernooy, and P. Chaudhary, Pokhara, LI-BIRD, 2013, p.16-40.

3 Anna Porcura Ferrer et al., “Do community seed banks contribute to the social-ecological resilience of communities? A case-study from western Guatemala”, International Journal of Agricultural Sustainability 18(3), 2020, p. 232-249.

4 Shree Maharjan et Keshav Maharjan, “Roles and contributions of community seed banks in climate adaptation in Nepal”, Development in Practice 28 (2), 2018, p. 292-302; Ronnie Vernooy et al., “The roles of community seed banks in climate change adaption”, Development in Practice 27/3, 2017, p. 316-327

5 Ronnie Vernooy et al., Community Seed Banks: Origins, Evolution and Prospects, Oxford, Routledge, 2015.

6 Xin SONG et al., Community Seed Banks in China: Achievements, Challenges and Prospects. Front. Sustain. Food Syst. 5, 2021, p. 630- 400.

7 Johannes Wirz et al., Seed as a commons. Breeding as a source for real economy, law and culture, Switzerland, Goetheanum and Fund for Crop Development, 2017; Fabien Girard et Christine Frison, The Commons, Plant Breeding and Agricultural. Research Challenges for food security, agrobiodiversity and law, Oxon, Routledge, 2018; Hendrik Wolter et Stefanie Sievers-Glotzbach, “Bridging traditional and new commons: The case of fruit breeding”, International Journal of the Commons 13(1), 2019, p. 303-328.

8 Stefanie Sievers-Glotzbach et al., “Diverse Seeds – Shared Practices: Conceptualizing Seed Commons”, International Journal of the Commons 14(1), 2020, p. 418–438

9 Elionor Ostrom, Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Actions. Cambridge, Cambridge University Press, 1990; Understanding Institutional Diversity, Princeton University Press, 2005

10 Marie Schloen, Sélim Louafi et Tom Dedeurwaerdere, “Access and benefit-sharing for genetic resources for food and agriculture – current use and exchange practices, commonalities, differences and user community need- Report from a multi-stakeholder expert dialogue”, Commission on genetic resources for food and agriculture, 2011; Michael Halewood, “What kind of goods are plant genetic resources for food and agriculture? Towards the identification and development of a new global commons.”, International Journal of the Commons 7/2, 2013, p. 278-312

11 Fred Rattunde et al., « Transforming a traditional commons-based seed system through collaborative 60 networks of farmer seed-cooperatives and public breeding programs: The case of sorghum in Mali”, Agriculture and Human Values 38, 2021, p. 561-578

12 Frédéric Thomas et al., « Variétés végétales et races animales. De l’accès libre à l’appropriation, et à la (re)mobilisation des communs », Études rurales 202/2, 2018, p. 98-119.

13 Fabien Girard, « Semences et agrobiodiversité : pour une lecture ontologique des bio-communs locaux », Développement durable et territoires [En ligne], 10/1, Avril 2019, URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/13339

14 C’est en référence aux travaux de Mary Douglas sur les « système d’accountability », que Deborah Puccio-Den avance cette définition de la responsabilité ; Deborah Puccio-Den, « De la responsabilité », L’Homme [En ligne], 223-224 | 2017, mis en ligne le 01 novembre 2017, consulté le 07 janvier 2021.

15 Nous n’ambitionnons donc pas ici de contribuer conceptuellement à la littérature en anthropologie sur la notion de responsabilité. Notre souhait est de contribuer à la littérature interdisciplinaire sur les seed commons et plus généralement aux approches par les communs humains et non-humains (Aubert et Botta, 2021).

16 Ainsi que nous le développons par la suite, Blaser et de la Cadena (2017) proposent une conceptualisation du termes « incommuns » comme relevant d’ensembles de pratiques homonymiques aux référents distincts qui permettent le maintien de communs.

17 La mobilisation de formes collaboratives de théâtre est issue de l’art-based ethnographie et des sciences participatives. Ces démarches reposent sur l’analyse d’auto-représentations, c’est-à-dire de représentations de la réalité créées par les acteurs concernés. La première grande distinction avec les méthodes qualitatives classiques est que la mobilisation de tels dispositifs d’enquêtes répond à un double enjeu : cognitif et transformationnel. Voir, par exemple, Diane Conrad, “Exploring risky youth experiences: popular theatre as a participatory, performative research method”, International Journal of Qualitative Methods 3 (1), 2004, p. 12–25; Maria Heras and J. David Tabara, “Let’s play transformations! Performative methods for sustainability”, Sustainability Science 9, 2014, p. 379-398; pour une comparaison avec d’autres méthodes d’enquêtes voir : Estelle Fourat et Frédérique Jankowski, « Les ateliers-théâtre comme méthode d’enquête participative et sensible », In: Bricas N., Lepiller O., Figuier M. eds., Méthodes d'Investigation de l'Alimentation et des Mangeurs. Quae editions.

18 Augusto Boal, Theatre of the oppressed, New York, NY, Theatre Communications Group, 1985.

19 John Dewey, Logic: The Theory of Inquiry. New York, NY, Henry Holt and Company, 1938. Dewey en propose une déclinaison en cinq étapes : 1) la perception du problème ; 2) sa détermination (sa construction) ; 3) la suggestion de solutions possibles ; 4) l’examen raisonné des suggestions et de leurs conséquences ; 5) le test des hypothèses.

20 Cette captation vidéo permet de restituer aux lecteurs la pièce en tant que modalité d’écriture collective des situations identifiées comme relevant d’enjeux éthiques et à partir desquelles les analyses collectives ont été menées au fil des sessions de théâtre forum. Par ailleurs, une description synthétique de chacune des scènes ne nous semble pas pouvoir rendre plus explicite les enjeux portés par la pièce, que le visionnage de celle-ci.

21 Pour plus de détails sur cette démarche et les principales propositions issues de ces rencontres, notamment ce que recouvrent les notions de justice et d’équité pour chacun des types d’acteurs : Frédérique Jankowski et al. “From texts to enacting practices: defining fair and equitable research principles for plant genetic resources in West Africa”, Agriculture and Human Values 37/4, 2020, p. 1083-1094

22 Sarah Paule Dalle & Susan Walsh, “USC Canada’s experience in supporting community seed banks in Africa, Asia and the Americas” in Ronnie Vernooy et al., Community Seed Banks: Origins, Evolution and Prospects, Oxford, Routledge, 2015

23 David J. Deyoung & Mywish K. Maredia, “Determinants of Sustainability of Community Seed Banks in Nicaragua: A Duration Analysis Approach”, Annual Meeting of Agricultural and Applied Economics Association, July 31-August 2, Boston, Massachusetts, 2016 ; Hanson Nyantakyi-Frimpong, “Visualizing politics: A feminist political ecology and participatory GIS approach to understanding smallholder farming, climate change vulnerability, and seed bank failures in Northern Ghana”, Geoforum 105, 2019, p. 109-121

24 Margaret Gilbert. « La responsabilité collective et ses implications », Revue française de science politique 58, 2008, p. 899-913

25 Hans Jonas, Le principe responsabilité, trad.fr. Éditions du Cerf, 1990 (1979)

26 Michel Metayer, « Vers une pragmatique de la responsabilité morale », Lien social et Politiques 46, 2001, p.19-30

27 Nous décrivons ailleurs de manière détaillée les principes moraux énoncés lors des forums (Jankowski et al., 2020)

28 Christian Leclerc et Geo Coppens d’Eeckenbrugge, “Social Organization of Crop Genetic Diversity. The G× E× S Interaction Model”, Diversity 4, 2011, p. 1-32.

29 Sandra Delaunay et al., « La culture du coton ne bouleverse pas les échanges traditionnels de semences de sorgho », Cahier Agriculture 17(2), 2008, p. 189-194; Lone B. Badstue et al., “Examining the Role of Collective Action in an Informal Seed System”, Human Ecology 34/2, 2006, p. 249-273

30 Hugo R. Perales et al., “Maize diversity and ethnolinguistic diversity in Chiapas, Mexico”, PNAS 102 (3), 2005, p. 949-954.

31 Tronto & Fischer, 1990 in Christine Larrere, « Vunérabilité et responsabilité : un autre Jonas ? », Alter [En ligne], 22, | 2014, mis en ligne le 01 décembre 2017, consulté le 16 décembre 2017. URL: http://journals.openedition.org/alter/3044

32 Catherine Larrere, « Vunérabilité et responsabilité : un autre Jonas ? », Alter [En ligne], 22, | 2014, mis en ligne le 01 décembre 2017, consulté le 16 décembre 2017. URL: http://journals.openedition.org/alter/3044

33 Sandra Laugier, « Care, environnement et éthique globale », Cahiers du Genre 59 (2), 2015, p. 127-152

34 Amiria Salmond, “Uncommon Things”, Anthropologica, Vol. 59/ 2, 2017, p. 251-2667

35 Casper Bruun Jensen, “Mekong Scales: Domains, Test Sites, and the Uncommons”, Anthropologica Vol. 59/2, 2017, p. 204-215; Judith Farquhar et al., “A Place at the End of a Road: A Yin-Yang Geography”, Anthropologica, Vol. 59/ 2, 2017, p. 216-227

36 Mario Blaser and Marisol De La Cadena, « The Uncommons: An Introduction », Anthropologica, Vol. 59/ 2, 2017, p 185-193

37 Eduardo Viveiros De Castro, “Perspectival Anthropology and the Method of Controlled Equivocation. Tipitı”, Journal of the Society for the Anthropology of Lowland South America 2/1, 2004, p. 3-22

38 Margaret J. Wiener, “Things in (Un)Common: Two Reflections”, Anthropologica, Vol. 59/ 2, 2017, p. 239-250

39 Armelle Maze et al., “Commoning the seeds: alternative models of collective action and open innovation within French peasant seed groups for recreating local knowledge commons”, Agriculture and Human Values 38, 2021, p. 541–559; Stefanie Sievers-Glotzbach et al., “Beyond the material: Knowledge aspects in seed communing”, Agriculture and Human Values 38, 2021, p. 509-524

40 Laurent Thevenot, « En Commun, en Différend. Politiques Comparées dans L’apprentissage de la Vie Ensemble en Foyer Étudiant », Revue d’études comparatives Est-Ouest 48/3-4, 2017, p. 45-93

41 Atsuro Morita, “In between the Cosmos and "Thousand-Cubed Great Thousands Worlds: Composition of Uncommon Worlds by Alexander von Humboldt and King Mongkut”, Anthropologica, Vol. 59/ 2, 2017, p. 228-238

42 Casper Bruun Jensen, “Mekong Scales: Domains, Test Sites, and the Uncommons”, Anthropologica Vol. 59/2, 2017, p. 204-215

43 Les pratiques des paysans visent, avant toute chose, la reproduction des semences pour assurer la continuité de leur utilisation d'une année à l'autre. En ce sens, la conservation des semences relève davantage d’un sous-produit de leur utilisation que d’un objectif en soi.

44 Judith Farquhar et al., “A Place at the End of a Road: A Yin-Yang Geography”, Anthropologica, Vol. 59/ 2, 2017, p. 216-227

45 Peter Linebaugh, The Magna Carta Manifesto: Liberties and Commons for All. Oakland, University of California Press, 2008

46 Johannes Euler, “Conceptualizing the Commons: Moving Beyond the Goods-Based Definition by Introducing the Social Practices of Commoning as Vital Determinant”, Ecological Economics 143, 2018, p. 10–168

47 David Bollier and Silke Helfrich (dir.), The Wealth of the Commons: A World Beyond Market and State. Amherst, Levellers Press, 2014

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Pour citer cet article

Référence électronique

Frédérique Jankowski et Adeline Barnaud, « Gestion communautaire des semences et responsabilité collective envers l’agrobiodiversité. De la nécessaire reconnaissance des incommuns  »Droit et cultures [En ligne], 84 | 2022-2, mis en ligne le 12 juillet 2023, consulté le 27 septembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/droitcultures/8683 ; DOI : https://doi.org/10.4000/droitcultures.8683

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Auteurs

Frédérique Jankowski

Frédérique Jankowski est titulaire d'un doctorat en anthropologie sociale de l’EHESS (Paris). Elle est chercheuse au CIRAD, au sein de l’UMR SENS (Savoirs, Environnement, Sociétés) qui appréhende dans une perspective interdisciplinaire la dimension sociétale des dynamiques environnementales actuelles. Les travaux de Frédérique Jankowski portent sur les dimensions socio-cognitives, politiques et affectives de la gestion multi-acteurs des ressources renouvelables et des territoires. Elle s'intéresse notamment aux dispositifs mis en œuvre pour soutenir la gestion concertée des ressources et à leurs effets. Depuis plusieurs années, elle développe des approches performatives conçues à la fois comme des méthodes d’enquête des dynamiques socio-cognitives et politiques, et comme des dispositifs opérationnels d’analyse et de concertation collective.

Adeline Barnaud

Adeline Barnaud est directrice de recherche à l’IRD au sein de l’UMR DIADE (Diversité, Adaptation et développement des plantes). Ses travaux à l’interface de la génétique des populations, de l’ethnoécologie et de l’agronomie cherchent à mieux comprendre comment les facteurs biologiques, sociaux et environnementaux façonnent la diversité génétique des plantes cultivées. Ces questions s’inscrivent dans l’évolution actuelle du statut des ressources génétiques (Nagoya, DSI) et visent à définir des modalités de gestion et de partage justes et durables de cette biodiversité.

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