• 1 Dietrich Sahrhage and Johannes Lundbeck, A history of fishing, Springer Science & Business Media, S (...)
• 2 Raquel Goni, «Ecosystem effects of marine fisheries: an overview», Ocean & Coastal Management, Vol. (...)
• 3 Martin A. Hall, Dayton L. Alverson, Kaija L. Metuzals, «By-Catch: Problems and Solutions», Marine P (...)
• 4 Étienne Rouby et al., «Estimating Bycatch From Non-representative Samples (II): A Case Study of Pai (...)
• 5 Ayaka Amaha Öztürk, «Bycatch: A Serious Threat for Cetaceans in Europe», in OceanCare, Under Pressu (...)
• 6 Agathe Euzen, Françoise Gaill, Denis Lacroix, Philippe Cury, L’océan à découvert, CNRS éditions (...)
• 7 Émilie Gaillard, « L'entrée dans l'ère du droit des générations futures », Les cahiers de la justic (...)

1Si l’homme pratique l’activité de pêche depuis des temps ancestraux1, la transition de cette dernière vers une activité industrielle durant les XIX^e et XX^e siècles en fait l’une des principales menaces pour la biodiversité marine aujourd’hui. Les diverses disciplines des sciences de la nature nous révèlent des impacts directs de la pêche, tels que la surpêche et les captures accidentelles d’espèces non ciblées, mais également des impacts indirects sur les autres espèces et sur les habitats marins2. Parmi les effets directs, les captures accidentelles retiennent notre attention pour cette étude. Ces dernières représentent « la partie de la capture qui est rejetée en mer, morte (ou blessée à un point tel que la mort en résulte) »3. En outre, les captures accidentelles sont l’une des principales causes de mortalité en mer pour les espèces de petits cétacés, comme les dauphins et les marsouins, mais aussi pour les oiseaux marins4. En effet, les oiseaux marins sont des espèces vulnérables, car, tout comme les cétacés5, ils ont des taux de reproduction faibles, impliquant que les populations peuvent décliner dès que le taux de survie des adultes diminue de quelques pourcents6. Ce déclin peut par exemple questionner, indirectement et sur le long terme, le droit des générations futures7.

• 8 Isabel Garcia-Baron et al., «Which are the main threats affecting the marine megafauna in the Bay o (...)
• 9 Hélène Peltier et al., État des connaissances sur les captures accidentelles de dauphins communs da (...)
• 10 Nicolas Benvegnu, Hélène Desfontaines et Sarah Ghaffari, « Controverses maritimes. Connaissances et (...)
• 11 Yvon Morizur et Loic Antoine, « De l'interaction entre la pêche et les mammifères marins », Académi (...)
• 12 Anatole Danto et al., « Conserver ou exploiter une ressource naturelle vivante. Le cas épineux du p (...)
• 13 Anatole Danto, Cosma Cazé, Justine Réveillas, Camille Mazé, «Bycatch of marine mammals and seabirds (...)
• 14 Collectage ethnographique réalisé dans le cadre du projet TEMERAIR auprès de marins-pêcheurs en act (...)
• 15 Charles Stépanoff, L’animal et la mort : chasses, modernité et crise du sauvage, Paris, La Découver (...)

2Dans le Golfe de Gascogne, territoire concerné par la présente étude, de nombreuses espèces d’oiseaux marins et de mammifères marins à haute valeur de conservation8 sont présentes et sont aujourd’hui victimes de captures accidentelles9. La communauté scientifique (en particulier l’Observatoire Pelagis, unité de la Rochelle Université et du CNRS, co-financée par les ministères en charge de la mer et de l’environnement) observe depuis quelques années une multiplication d’échouages multiples de petits cétacés sur les côtes. Les examens des carcasses révèlent que leur mort est causée par des engins de pêche. Une véritable controverse10 s’est ainsi engagée sur ce sujet, mêlant sciences, sociétés et politiques, et qui revient sur le devant de la scène médiatique à intervalles réguliers11, notamment lors d’échouages massifs, ou d’échouages d’animaux scarifiés et marqués. Cette controverse oppose certains sous-groupes d’acteurs : associations de conservation de la nature, pêcheurs professionnels maritimes, scientifiques, autorités de régulation des usages en mer et parfois même de “simples” citoyens. Le principal point d’achoppement est l’incompréhension entre les deux premières communautés, incompréhension qui tourne autour d’une incapacité à quantifier et qualifier de manière similaire et durable les captures accidentelles. D’un point de vue historique, le développement de la pêche au large, notamment grâce à la vapeur et certaines évolutions technologiques, a permis l’expansion de la pêche aux arts traînants, qui ont un impact plus élevé en termes de capture accidentelle que les arts dormants. Les captures accidentelles ont donc ainsi toujours suivi l’augmentation de la pression de pêche par arts traînants. Cependant, il est possible d’observer des mutations techniques très importantes sur ce type de métier à la fin du XX^e et au début du XXI^e siècle : développement des sennes, danoises par exemple, extension des chaluts, extension kilométrique des filets maillants, etc. Ces évolutions sont concomitantes à une évolution majeure de la perception de ces captures par la société depuis les années 1980, et le développement de la controverse sur les chasses aux mammifères marins, et notamment aux blanchons12. Très peu médiatisées par le passé, en dehors de quelques échouages exceptionnels13, ces captures accidentelles étaient surtout une source d’apports de viande au bénéfice des communautés côtières, de nombreux témoignages en attestent14. Les changements de représentations vis-à-vis de ces captures ont donc muté de manière tout à fait contemporaine. Ils s’inscrivent notamment, dans des symboliques et perceptions renouvelées à l’égard des mammifères marins, et, plus largement, des activités de chasse ou de prédation15. Tout cela conduisant à l’accentuation de cette controverse.

• 16 Article 3 alinéa 1 mesure d du TFUE
• 17 Article 4 alinéa 1 mesure d du TFUE
• 18 Dont le fondement juridique est fourni par l'article 192 du TFUE.
• 19 Ilja Pavone, «Is Banning Enough? The Intricacy Inherent to Marine Mammal Conservation». German Law (...)
• 20 Règlement (CEE) n° 345/92 DU CONSEIL du 27 janvier 1992 portant onzième modification du règlement ( (...)
• 21 Alice Lapijover, Révéler la dimension socio-politique des interactions entre pêcheries et petits cé (...)
• 22 L’ONG Sea Shepherd notamment mène des actions en mer, filmant les chaluts qui capturent des dauphin (...)
• 23 Le Conseil International pour l’Exploration de la Mer (CIEM) recommande notamment ces fermetures en (...)

3Différentes réglementations ont été mises en place pour limiter l’impact de la pêche sur les cétacés et, dans une moindre mesure, sur les oiseaux marins. Les réglementations sont mises en place à différentes échelles, mais il faut souligner la prévalence de l’échelle européenne. En effet, le Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) assigne à l’Union Européenne la compétence exclusive sur la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche (PCP)16 et la compétence partagée pour la pêche17. La Commission Européenne exerce cette compétence stratégique pour mettre en place une stratégie de protection relativement ambitieuse pour les cétacés et les oiseaux marins, notamment avec la directive « Oiseaux », la directive « Habitats »18, et la Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin19. À partir de 2002, la Commission Européenne « interdit à tout bateau de détenir à bord ou d’exercer des activités de pêche avec un ou plusieurs filets maillants dérivants dont la longueur individuelle ou cumulée est supérieure à 2,5 kilomètres »20. Outre la réglementation de cette technique de pêche, le droit intervient également pour mettre en place des programmes de surveillance, d’observation et d’évaluation des captures accidentelles. Ainsi, au niveau européen, le Règlement (CE) n°812/2004 du 26 avril 2004 établit « des mesures visant à réduire le volume des captures accidentelles de cétacés par des navires de pêche », en particulier en demandant aux États membres de mettre en place des programmes de surveillance des captures accidentelles de cétacés grâce à la présence d’observateurs à bord des navires et par l’obligation de mettre en œuvre des dispositifs de dissuasion acoustique sur les navires. Pour appliquer ce règlement, la France instaure le réseau d’observation des captures en mer, nommé Obsmer et mené en étroite collaboration entre les observateurs, les pêcheurs professionnels volontaires et leurs représentants, l’IFREMER et l’administration. Néanmoins, la principale limite apparaît dans le terme “volontaire”, puisque les pêcheurs et capitaines de navires sont en droit de refuser d’embarquer des observateurs. À la suite d’un important pic d’échouages au début de l’année 2017, l’Observatoire Pelagis, dans un communiqué de presse scientifique, relaie cette information et alerte sur ce phénomène préoccupant. En réaction, sur demande de la ministre Ségolène Royal, le ministère en charge de la mer instaure un groupe de travail interministériel sur les captures accidentelles de petits cétacés en Atlantique21. C’est en partie grâce à l’instauration de ce groupe de travail, que la thématique des captures accidentelles commence à être mise en lumière, notamment avec les ONG qui se saisissent de cette dernière et dénoncent les pratiques des pêcheurs22. En droit français, des mesures sont instaurées, en particulier à travers l’arrêté du 1er juillet 2011 modifié par celui du 6 septembre 2018. En vertu de son article 4, tout spécimen de mammifères marin capturé accidentellement dans un engin de pêche doit faire l’objet d’une déclaration par les capitaines de navires de pêche. Enfin, avec l’arrêté du 26 décembre 2019, modifié par celui du 27 novembre 2020, les chaluts pélagiques sont tenus de s’équiper de pingers (répulsifs acoustiques pour éloigner les cétacés) toute l’année. Malgré ces mesures réglementaires, les captures accidentelles sont toujours importantes dans le Golfe de Gascogne et la France se place dans une position de refus de toute mesure plus contraignante, telle que la mise en place de fermetures spatio-temporelles - pourtant préconisées par la communauté scientifique23 - préférant poursuivre sur la voie de l’acquisition de connaissances.

• 24 Megha Kapoor, «Ecological Solidarity: A Philosophical Analysis through Societal-Environmental Diale (...)
• 25 Maylis Desrousseaux and Alexandra Langlais, « Introduction to the concept of ecological solidarity (...)
• 26 Marie Bonnin and Philippe Fotso, «Ecological solidarity and marine spatial planning: a creative lin (...)
• 27 Alma Heckenroth et al, «Thinking the ecological solidarity through trace metal and metalloid pollut (...)
• 28 Justine Réveillas, « La solidarité écologique appliquée au système océanique : quelles perspectives (...)
• 29 Voir à ce sujet le Hors-Série n°37 (déc. 2022) de la revue VertigO : “Solidarité écologique : quell (...)
• 30 Raphaël Mathevet, La solidarité écologique, ce lien qui nous oblige, Arles, Actes Sud, 2012, p. 74.

4L’impact limité des mesures législatives mises en place jusqu’alors pour réduire les captures accidentelles dans le Golfe de Gascogne nous mène à rechercher d’autres pistes de réflexions juridiques. C’est en ce sens que nous souhaitons partir d’un concept en particulier, celui de solidarité écologique, pour appréhender sa transformation en principe de droit et ainsi analyser sa pertinence dans la résolution du conflit lié aux captures accidentelles. ​​La solidarité est un concept ancien, présent en anthropologie, en économie, en sociologie, en politique, mais aussi en droit. Malgré ce caractère historique, il n’est que peu mobilisé en lien avec les thématiques écologiques, et ne fait ainsi l’objet que de parcimonieuses publications24. D’autant plus que sa sociogenèse s’inspire majoritairement du concept juridique français de “solidarité”25. La solidarité écologique demeure peu appliquée aux questions maritimes, même si quelques articles ont pu la mobiliser, notamment en lien avec les questionnements émergents autour de la planification spatiale en mer26, des transferts de contaminants et polluants entre terre et mer27 ou de l’épineuse problématique des espaces marins situés au-delà des juridictions nationales28. Toutefois, le traitement doctrinal de la solidarité écologique commence à prendre de l’ampleur, en particulier avec la récente publication d’un numéro spécial, dédié à l’exploration des potentialités de ce concept tout en mobilisant les sciences juridiques et politiques29. De manière générale, la solidarité peut être perçue comme « le sentiment de responsabilité et de dépendance réciproque au sein d’un groupe de personnes, lesquelles se trouvent obligées les unes par rapport aux autres »30.

• 31 Raphaël Mathevet, John Thompson, Olivia Delanoë et al., « La solidarité écologique : un nouveau con (...)
• 32 Dorota Probucka, «On the Concept of Ecological Solidarity. What Connects Animal Rights with the Rig (...)
• 33 Nadia Belaïdi, « Identité et perspectives d’un ordre public écologique », Droit et Cultures. Revue (...)
• 34 Raphaël Mathevet, François Bousquet, Résilience & Environnement. Penser les changements socio-écolo (...)
• 35 Éloi Laurent et Philippe Pochet, Towards a social-ecological transition. Solidarity in the age of e (...)
• 36 Raphaël Mathevet, La solidarité écologique, ce lien qui nous oblige, op cit.
• 37 Anny Rousso, « Le principe de solidarité écologique ou l’irruption de la science dans le droit », R (...)
• 38 Cristian Moyano-Fernández, «Building Ecological Solidarity: Rewilding Practices as an Example», Phi (...)
• 39 Valérie Deldrève, « La fabrique des inégalités environnementales en France », Revue de l'OFCE, vol. (...)
• 40 Nadia Belaïdi, « Théorie du droit et front écologique : apport à la (re) définition de la justice e (...)

5Le concept de solidarité écologique désigne « l’étroite interdépendance des êtres vivants, entre eux et avec les milieux naturels ou aménagés de deux espaces géographiques contigus ou non »31. Il traduit par-delà des liens de connexion entre êtres vivants non-humains et êtres humains32, de manière « transnationale et transtemporelle »33. Cette solidarité écologique se décline alors en une solidarité écologique « de fait », soit l’ensemble des interdépendances écologiques entre différents espaces géographiques, et une solidarité écologique « d’action », qui consiste à entrer dans le « vivre ensemble » et à reconnaître cette solidarité écologique qui existe de fait34, à même d’accompagner certaines transitions nécessaires35. Cette théorisation de la solidarité écologique par la communauté scientifique et, en particulier par les travaux de Raphaël Mathevet36, permet de définir clairement le concept. Ce dernier était déjà présent en droit français avec la réforme des parcs nationaux et la loi du 14 avril 2006, sans toutefois être défini par le législateur à ce moment-là. Dans ce cas concret, ce concept implique un dépassement de l’approche sectorielle qui prévaut jusqu’alors dans l’instauration des parcs naturels nationaux français, puisqu’il s’agit désormais de relier la zone centrale du parc à la zone périphérique servant de zone tampon. L’objectif est de retrouver une cohérence entre le parc national et les territoires environnants, en permettant une solidarité entre le cœur du parc et l’aire d’adhésion par le biais d’un projet de territoire37. Au-delà des textes normatifs, ce concept de solidarité écologique est également mobilisé pour analyser de manière critique et diachronique certaines pratiques de conservation de la nature, comme celles liées aux ré-ensauvagement par exemple38, et qui peuvent être inspirantes dans le présent cas. Enfin, la solidarité s’oppose logiquement à la présence, et à la perpétuation d’inégalités39, en l’occurrence ici de différents ordres : social, mais aussi environnemental, nécessitant indirectement des besoins de justices40.

• 41 Projet TEMERAIR : De la tragédie des communs à leur gestion durable. Analyse et transformation de l (...)

6La présente analyse s’inscrit dans le cadre du projet de recherche pluridisciplinaire TEMERAIR41, financé par le ministère chargé de la recherche et La Rochelle Université, consistant en l’analyse de la controverse autour des captures accidentelles de mammifères et d’oiseaux marins issues de la pêche professionnelle en Gascogne. Le collectif de chercheurs allie l’expertise de plusieurs disciplines : droit de l’environnement, science politique, sciences de la soutenabilité, anthropologie maritime, géographie littorale. Le but de la démarche ici exposée est d’analyser la transformation du concept de solidarité écologique en un principe du droit français, voire même de réfléchir à une transformation du principe lui-même pour résoudre la problématique des captures accidentelles dans le Golfe de Gascogne. Ce vaste espace maritime constitue notre terrain d’étude, au sein duquel opèrent divers acteurs de la pêche, qui tiennent des discours différents sur le débat lié aux captures accidentelles. Ces différents discours sont également étudiés afin de vérifier s’il est possible de réconcilier ces acteurs grâce à l’utilisation du principe de solidarité écologique. Il convient alors de se demander comment parvenir à une pêche dans le Golfe de Gascogne qui soit solidaire des écosystèmes marins ? Pour répondre à cette question, il s’agira dans un premier temps de partir du concept de solidarité écologique pour étudier sa transformation en principe de droit français, tout en analysant la façon dont la problématique des captures accidentelles dans le Golfe de Gascogne peut s’insérer dans cette évolution. Dans un second temps, il sera question d’appliquer concrètement le principe de solidarité écologique aux captures accidentelles de mammifères et d’oiseaux marins afin d’analyser les leviers et blocages pour la résolution du conflit.

• 42 Justine Réveillas, « La solidarité écologique appliquée au système océanique : quelles perspectives (...)

7Pour analyser la problématique des captures accidentelles sous l’angle de la solidarité écologique, il importe d’en saisir la notion vis-à-vis du milieu marin et plus précisément dans le Golfe de Gascogne. Si les sciences nous démontrent aujourd’hui que le milieu marin, pris dans son ensemble, constitue un véritable modèle de solidarité écologique dit “de fait”, cette dernière n’est pour autant pas encore complétée par une solidarité écologique “d’action” dans les eaux nationales, à partir du moment où le principe de solidarité écologique du droit français connaît une application limitée42.

• 43 Gilles Boeuf, Océan, biodiversité et climat, in OCÉAN ET CLIMAT, Fiches scientifiques, 2019, p. 59.
• 44 Jeremy Kiska, Kelly Macloed, Olivier Van Canneyt, Dylan Walker & Vincent Ridoux, «Distribution, enc (...)
• 45 Celle-ci désigne, au sens large du terme, la multiplicité des liaisons pouvant s’établir et se main (...)
• 46 Dan Laffoley, John M. Baxter, Diva J. Amon, et al., «Evolving the narrative for protecting a rapidl (...)
• 47 Voir :https://sitesweb-tmp35.dsi.sorbonne-universite.fr/sites/default/files/media/2022-01/Couvet_so (...)

8L’océan recouvre 70,8 % de la surface de la Terre43. Cette vaste étendue de près de 225 000 km² est très diversifiée en termes de bathymétrie, d’océanographie et d’hydrographie44 et présente des caractéristiques de continuité et de connectivité des écosystèmes45. En effet, l’océan est connecté à des mers bordières, au grand large, et à un ensemble de fleuves côtiers ou de plus grande envergure (interface terre-mer). Ces considérations scientifiques impliquent qu’il est important de comprendre et d’appréhender l’océan au singulier, dans le sens « d’un immense ensemble interconnecté et hétérogène »46. Pour cette étude, nous étudions la région du Golfe de Gascogne, située entre la côte sud de la Bretagne, la côte ouest de la France et la côte nord de l’Espagne. Ses frontières occidentales, vers la pleine mer, sont plus floues, et peuvent différer selon la littérature, les représentations, et, surtout, les différentes acceptions du droit de la mer, à l’échelle internationale, et des droits nationaux français et espagnols. Cette connectivité à des socio-écosystèmes contigus, connexes, permet in fine de définir ce Golfe de Gascogne par ce qu’il ne recouvre pas en termes d’emprises territoriales. Si ses marges demeurent floues, son cœur, quant à lui, est facile à définir et demeure réellement appréhendé, quelles qu’en soient ses frontières, en tant que système socio-écologique plein et entier. En s’appuyant sur la définition décryptée d’un système socio-écologique proposée par Denis Couvet47, reprenant les écrits d’Elinor Ostrom, le Golfe de Gascogne, en tant que système, peut être synthétisé selon quatre sous-systèmes principaux, en interactions permanentes, aussi bien dans le temps que dans l’espace. Ces quatre sous-systèmes sont :

• 48 Occidentales et contemporaines en l'occurrence.
• 49 René-Yves Creston, « Quelques aspects du droit maritime traditionnel non écrit », Congresso interna (...)
• 50 Cette revue y a par exemple consacré un dossier sur la Russie, en 2005 : Chantal Kourilsky-Augeven (...)
• 51 Natalia Novikova, « Vivre au rythme du renne : règles coutumières et règles étatiques », Droit et C (...)
• 52 Nathalie Hervé-Fournereau et Sophie Thériault, Les peuples autochtones et les intégrations régional (...)
• 53 Marie Cornu et Jérôme Fromageau, Genèse du droit de l'environnement : Fondements et enjeux internat (...)
• 54 Raphaël Mathevet, La solidarité écologique, ce lien qui nous oblige, op cit., p. 78-79.
• 55 Raphaël Mathevet, François Bousquet, Résilience & Environnement. Penser les changements socio-écolo (...)
• 56 Idem.
• 57 Ibid., p. 105.

9Les trois derniers sous-systèmes, économique et socio-anthropologique d’un côté et politique de l’autre, interagissent pour organiser la gestion du socio-écosystème selon différentes modalités, qui ne se recroisent pas forcément. Ainsi, les normes étatiques, parfois aux origines supranationales (onusiennes ou communautaires), ne sont pas les seules présentes. Elles coexistent avec tout un tissu, un substrat, de pratiques diverses, historiques pour certaines, et parfois qualifiées de coutumières. Pour illustration, nous pouvons citer la découpe des longes de dauphin, que les pêcheurs bolincheurs consomment en steak sur le bord durant la marée. Ainsi, il est important de partir du principe de l’existence de différents droits, confinant à la présence au sein du système socio-écologique d’un véritable pluralisme juridique. Face aux normes étatiques48, que nous évoquons notamment ci-après au sujet de l’intégration de la solidarité écologique au droit positif en France, une approche holistique en anthropologie juridique ne peut pas être passée sous silence au sujet de ce système socio-écologique marin. Ce dernier comprend en effet en son sein tout un faisceau de droits locaux et/ou coutumiers, reconnus ou non, légitimés ou non, mais bien portés par certaines communautés, le revendiquant, ou non, d’ailleurs. Certains d’entre eux sont en recomposition, et n’ont pas une forte historicité localement, car faisant appel à d’autres formats de normes encore méconnus régionalement. Ces droits pluriels, hétérogènes, évitent souvent le dualisme Nature/Culture. Cette catégorie de droits est souvent ignorée, par un mode d’existence et de transmission lié à l’oralité, voire reniée, par l’action publique, alors même que traditionnellement, les communautés maritimes sont détentrices de ce type de droits49. Cette existence conduit à des cohabitations, totalement enchevêtrées, entre différents droits, tant dans l’espace que dans le temps, abordées essentiellement dans certaines théories de l’anthropologie juridique50. La recherche internationale s’est intéressée à ce pluralisme juridique en matière d’exploitation des ressources naturelles, notamment concernant les pratiques usagères51, et les droits des communautés autochtones52, et à l’apport de ce pluralisme à la genèse du droit de l’environnement à l’échelle globale53. Certaines pratiques de pêche artisanale en Gascogne, soutenues par plusieurs collectifs, ont ainsi convoqué, sans la nommer ainsi toutefois, une solidarité écologique au sein du Golfe, détaillant dans leurs discours et analyses les interrelations en présence, entre Nature et Culture. Le propos qui suit s’intéresse à la potentielle application du principe de solidarité écologique appuyée par le droit, donc à une solidarité écologique d’action. Pour comprendre le passage d’une solidarité écologique de fait à une solidarité écologique d’action, il importe de souligner que la première se limite au fait de solidarité. Comme le précise Raphaël Mathevet, « depuis les temps anciens, la loi de la dépendance réciproque entre les êtres vivants ainsi qu’entre les êtres vivants et leur milieu est une loi universelle reconnue. L’homme n’échappe pas à cette loi, il est uni au reste du monde, dépendant de lui »54. Ainsi, la solidarité écologique de fait se résume à l’ensemble des interdépendances écologiques entre différents espaces géographiques55. Toutefois, pour gérer ces interdépendances, en particulier les tensions sociales qu’elles peuvent générer, des règles de droit sont instaurées à différents niveaux de gouvernance (que ce soit à l’échelle locale, nationale, européenne, ou internationale). C’est à ce moment-là que la solidarité devient une forme de lien social, caractérisé par une réciprocité latente ou une interdépendance explicite56. C’est cette transformation qui définit la solidarité écologique d’action. Cette dernière peut alors prendre trois formes selon Raphaël Mathevet et François Bousquet57 :

• 58 Il représente l’ensemble des éléments constituant le milieu marin, leur fonctionnement et plus impo (...)
• 59 Raphaël Mathevet, La solidarité écologique, ce lien qui nous oblige, op cit., p. 106.
• 60 Raphaël Mathevet, John Thompson, Olivia Delanoë et al., « La solidarité écologique : un nouveau con (...)
• 61 Jesse Bazzul, «Solidarity with nonhumans as an ontological struggle», Educational Philosophy and Th (...)
• 62 Bruno Latour, Politiques de la nature : comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La (...)
• 63 Raphaël Mathevet, La solidarité écologique, ce lien qui nous oblige, op cit., p. 58-59.

10En prenant de la hauteur, si l’on prend l’exemple du système océan58, l’affirmation selon laquelle les « êtres vivants [entendus comme les humains et les non-humains] sont solidaires, imbriqués dans des interactions et interdépendances écologiques et biogéochimiques »59 s’applique parfaitement. Ce dernier est alors une manifestation du concept de solidarité écologique et en constitue un véritable modèle, soulignant une « communauté de destin entre l’homme, la société et son environnement »60. Aujourd’hui, grâce aux progrès de la science et aux avancées de la recherche scientifique, cette solidarité écologique de fait, ces interdépendances entre l’humain et le non-humain au sein du milieu marin, nous sont révélées et constituent un « aspect fondamental de notre co-existence symbiotique » avec les non-humains61. Il est important de souligner que ces interdépendances ont souvent été portées par les cosmogonies et cosmologies des communautés côtières, qui n’ont pas attendu les avancées scientifiques pour les ressentir, les décrire et les respecter62. Cependant, grâce à nos connaissances scientifiques, il est aujourd’hui possible d’affirmer que l’humain est solidaire de ce milieu, et, surtout, que sa survie est liée à un océan en bonne santé. Par conséquent, comme l’affirme Raphaël Mathevet, c’est en comprenant nos interactions avec ce qui nous entoure, en pensant la biosphère qui nous porte, selon lui, et les écosystèmes marins en l’espèce, que nous pouvons penser la solidarité écologique, « comprendre pourquoi nous en avons besoin et finalement, comment redevenir solidaires »63. Toutefois, l’engagement vers la solidarité écologique passe essentiellement par la reconnaissance des interdépendances, celle-ci pouvant notamment se heurter à la faible prise de conscience de l’importance du rôle de l’océan dans les processus écologiques indispensables à la vie sur Terre. Ces interdépendances sont également parfois mobilisées au sein de socio-écosystèmes de plus petite taille (un fleuve, une montagne, un marais par exemple), mais cela est encore relativement peu, voire pas du tout convoqué par des ONG ou des communautés locales au sujet du Golfe de Gascogne, malgré la préexistence des cosmologies susmentionnées. Ces interdépendances peuvent toutefois être localement évoquées lors de mobilisations collectives portant sur des projets locaux à régionaux d’infrastructures ou d’aménagements (port de plaisance, champs EMR), ou, à l’inverse, à l’échelle océanique.

• 64 Raphaël Mathevet, John D. Thompson, Carl Folke, Francis Stuart Chapin III, «Protected areas and the (...)
• 65 Fabian Blanchard, Effets de la pêche et du réchauffement climatique sur la coexistence spatiale des (...)
• 66 Jérôme Paillet, Pressions physiques et impacts associés. Juin 2012, p. 3.
• 67 https://www.cetaces.org/cetaces/dauphins-marsouins-golfe-gascogne/ (Consulté le 10 septembre 2022).
• 68 James J. Waggitt et al., « Distribution maps of cetacean and seabird populations in the North‐East (...)
• 69 Hélène Peltier et al., «In the Wrong Place at the Wrong Time: Identifying Spatiotemporal Co-occurre (...)
• 70 Ibid., p. 14.
• 71 Idem.
• 72 Isabel Garcia-Baron et al., «Which are the main threats affecting the marine megafauna in the Bay o (...)
• 73 Alice Lapijover, Révéler la dimension socio-politique des interactions entre pêcheries et petits cé (...)
• 74 Idem., p. 48.

11En partant du postulat que la solidarité écologique reposerait sur un triptyque d’interdépendances, à la fois écologiques, socio-écologiques et socio-politiques64, avec un système de rétroactions entre les quatre sous-systèmes du socio-écosystème, il est possible d’opérer une transposition avec le Golfe de Gascogne, puisque ces rétroactions se vérifient dans cet espace. Tout d’abord, les interdépendances écologiques se manifestent par le phénomène de dynamique des processus écologiques et des espèces présentes dans cet espace. D’un point de vue écologique, le Golfe de Gascogne abrite une diversité biologique foisonnante, du fait de son emplacement stratégique pour les espèces, constituant une zone de mélange de la faune tempérée classique avec d’autres espèces boréales, subtropicales et tropicales65. Il représente notamment une voie de migration majeure pour les poissons grands migrateurs et les oiseaux marins et côtiers66 et abrite de nombreuses espèces de cétacés67. Ces deux types d’espèces, les cétacés et les oiseaux de mer sont considérés comme des « prédateurs au sommet » (en fin de chaîne trophique), avec un rôle écologique important, en termes de transport de nutriments ou de régulation des niveaux trophiques68. Ensuite, les interdépendances socio-écologiques sont également présentes, en particulier par le biais des activités de pêche pratiquées dans le Golfe de Gascogne, en tant qu’usage direct du système socio-écologique. En effet, le Golfe de Gascogne est une zone importante pour l’industrie de la pêche et l’effort de pêche y est intense, entraînant de ce fait un nombre important de captures accidentelles de mammifères et d’oiseaux marins dans ce secteur69. De surcroît, des interactions entre les engins de pêche et les espèces sont identifiées dans cette zone. Une étude révèle qu’une grande diversité de navires opère dans le Golfe de Gascogne et plusieurs pêcheries ont été identifiées comme ayant pêché activement dans la zone de mortalité des événements de capture accidentelle : des chalutiers pélagiques français, des senneurs français et danois, des chalutiers de fond espagnols, des fileyeurs - filets maillants et trémails - français et des fileyeurs espagnols70. Ces engins de pêche sont alors reconnus comme des « coupables potentiels » d’événements de captures accidentelles entre 2010 et 201971. De manière plus précise, les filets maillants et les chaluts sont des engins de pêche où la plupart des captures accidentelles de cétacés sont comptabilisées, alors que les palangres représentent une menace plus grande pour les oiseaux de mer72. La solidarité écologique de fait se vérifie également au regard du Golfe de Gascogne, qui est une sous-région marine, fortement anthropisée, ayant permis l’essor de nombreuses activités socio-économiques73, autrement dit, le développement de nombreuses pratiques. De nombreuses activités socio-professionnelles sont liées à cette région74, parmi lesquelles des activités maritimes telles que le transport maritime, la pêche professionnelle ou la production d’énergie ; des activités littorales avec les ports, le tourisme, l’aquaculture ou la pêche de loisir. Mais il y a également les activités terrestres, tournées vers la mer ou non, qui impactent tout autant le milieu marin, comme c’est le cas de l’agriculture et de l’industrie avec ses rejets de contaminants. La solidarité écologique de fait se retrouve parfaitement dans cette multitude de pratiques qui entrent en interaction entre elles, mais aussi avec le milieu marin. Ceci, dans la mesure où elles exercent toutes des pressions sur les écosystèmes marins et de manière cumulative.

• 75 Pour une analyse détaillée du principe de solidarité écologique en droit français, voir la thèse de (...)
• 76 Yann Laurans, Anouk Ferté-Devin, Renaud Lapeyre, Matthieu Wemaëre, La nouvelle loi pour la biodiver (...)
• 77 Idem.

15La loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages marque une grande avancée en transformant le concept de solidarité écologique en un véritable principe du droit de l’environnement75. Ce principe est alors inséré à l’article L 110-1 II du Code de l’environnement et défini comme suit : « Le principe de solidarité écologique, qui appelle à prendre en compte, dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable sur l’environnement des territoires concernés, les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés ». Avec ce principe, il s’agit de créer – juridiquement – un lien moral entre les humains et les non-humains, supposant alors que dans un espace considéré, les acteurs impliqués soient solidaires avec les écosystèmes, les milieux, voire les paysages de cet espace76. L’idée sous-jacente du principe de solidarité écologique est de parvenir à harmoniser les rapports entre les êtres humains et les activités humaines de manière générale parmi les autres êtres vivants. De plus, à la lumière de la définition du concept de solidarité écologique donnée par Raphaël Mathevet, le principe suppose une prise en compte de l’interdépendance des actions et des constructions humaines entre deux territoires77. En appliquant cela à la problématique des captures accidentelles de mammifères et d’oiseaux marins dans le Golfe de Gascogne, le principe de solidarité écologique implique alors de considérer les conséquences des captures accidentelles dans le Golfe de Gascogne pour la conservation de la biodiversité marine dans les espaces marins environnants, mais également des mutations potentielles de l’activité de pêche, à terre, par exemple.

• 78 Marthe Lucas, « Réflexions sur la portée du principe de solidarité écologique », Revue juridique de (...)
• 79 Ibid., p. 719-721.

16Néanmoins, tel qu’il est défini dans le code de l’environnement, le principe de solidarité écologique ne peut pas être utilisé à des fins de réduction des captures accidentelles dans le Golfe de Gascogne. Lors de sa phase de rédaction, les parlementaires ont souhaité limiter la portée du principe, à tel point qu’aujourd’hui, aucune décision de justice ou législation ne s’est fondée sur le principe de solidarité écologique78. Au moins deux limites principales sont avancées par la doctrine juridique79 : la première tient à l’obligation de mise en œuvre du principe, qui, ne visant que les décisions publiques, exclut de ce fait celles des personnes privées, limitant considérablement la portée du principe. La deuxième limite, liée à la première, est que seules les « décisions publiques ayant une incidence notable sur l’environnement » sont incluses dans la portée du principe. Le choix de l’adjectif « notable » laisse une grande marge d’interprétation au juge et peut laisser craindre que de nombreuses décisions publiques se servent de cet adjectif comme d’un motif d’exonération.

• 80 L’hiver étant considéré comme la principale saison des échouages de mammifères marins notamment. Vo (...)
• 81 En février 2021, l’ancienne ministre de la Mer, Annick Girardin, présentait 7 engagements de l’État (...)
• 82 Sarah Lelong, « La mise en place d’aires marines protégées et leurs incidences conflictuelles dans (...)
• 83 Finalités du plan de gestion, p. 38. https://parc-marin-gironde-pertuis.fr/documentation/plan-de-ge (...)
• 84 Ces interactions sont prises en compte, sur le papier, par l’établissement de différentes règles co (...)
• 85 Marthe Lucas, « Réflexions sur la portée du principe de solidarité écologique », op cit., p. 720.

17Dans le cadre des captures accidentelles, pour que le principe de solidarité écologique soit appliqué, il est donc nécessaire que soit en cause « une décision publique ayant une incidence notable sur l’environnement des territoires concernés », soit sur le Golfe de Gascogne. Par conséquent, peu de décisions entrent alors dans le champ d’application du principe ici. L’une d’entre elles, pouvant mener à l’application du principe de solidarité écologique, serait l’instauration de fermetures spatio-temporelles dans le Golfe de Gascogne sur certains mois de l’année, en l’occurrence ici, les mois d’hiver80. Seulement, cette décision n’est pas celle préconisée par l’État français, qui souhaite privilégier l’acquisition de connaissances complémentaires et des mesures d’ordre techniques et technologiques, à l’image de la mise en place de répulsifs acoustiques sur les navires81. Une autre décision publique qui entrerait dans le champ d’application du principe pourrait être celle de la création d’un parc naturel marin dans un espace stratégique pour les mammifères marins par exemple, dans lequel l’activité de pêche serait limitée82. Pour l’instant, le Golfe de Gascogne compte deux parcs naturels marins : un dans l’Estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis, créé en avril 2015, avec un plan de gestion adopté en 2018 et un parc naturel marin du Bassin d’Arcachon créé en 2014 avec un plan de gestion approuvé en 2017. Certains projets de parcs ont été abandonnés plus au nord, face à la mobilisation, notamment, des pêcheurs. Dans le plan de gestion du premier parc (Gironde-Pertuis), l’idée du principe de solidarité est présente dans ses finalités, dans la mesure où il prône « une pêche diversifiée, exploitant une ressource à forte valeur ajoutée, en interaction avec les espèces et habitats marins »83. Pour autant, la possibilité d’invoquer ou d’appliquer le principe de solidarité écologique pour réduire les captures accidentelles de mammifères et d’oiseaux marins dans le Golfe de Gascogne reste limitée. En ce sens, dans la formulation du principe, « les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels » ne devraient pas seulement être prises en compte dans toute prise de décision publique, mais également dans tout usage ou pratique du milieu marin. Ainsi, la pratique de l’activité de pêche en elle-même devrait prendre en compte ces interactions84. Notons toutefois, qu’une troisième limite apparaît ici, avec l’utilisation du terme « prise en compte », comme forme de contrainte relativement faible, laissant un large pouvoir discrétionnaire aux personnes publiques85.

• 86 Cosma Cazé, Camille Mazé, Anatole Danto et al., «Co-designing marine science beyond good intentions (...)

19En vue de réduire, voire de résoudre le conflit lié aux captures accidentelles de mammifères et d’oiseaux marins dans le Golfe de Gascogne, l’utilisation du concept de solidarité écologique, transformé en principe du droit, mérite d’être étudiée. Dans cette partie, il s’agit d’analyser la manière dont nous pouvons rendre le principe de solidarité écologique opérationnel, autrement dit, pour passer à une solidarité écologique d’action dans le domaine de la pêche dans le Golfe de Gascogne, au-delà des bonnes intentions86 affichées par les différents acteurs de la controverse. Cette analyse nous permet également d’étudier les différents discours propres à chaque acteur de la pêche et d’identifier par ce biais les blocages et résistances qu’il reste à surmonter pour tendre vers une pêche solidaire et soutenable.

• 87 Il s’agit de travaux réalisés sous la coordination d’Agnès Michelot lors de la journée d’études sur (...)
• 88 Agnès Michelot, « Pour un principe de solidarité écologique ? De la critique à la proposition, du d (...)

20Pour repenser la gestion des captures accidentelles, il est possible de s’appuyer sur des travaux de la doctrine juridique en matière de principe de solidarité écologique. Ainsi, considérant la définition du principe comme trop restrictive, un groupe de travail pluridisciplinaire est créé en 2020 pour mener des réflexions prospectives87. Dans une perspective de transformation vers la soutenabilité, le groupe de travail décide de proposer une nouvelle définition du principe de solidarité écologique à vocation universelle : « Le principe de solidarité écologique est un principe selon lequel les interdépendances des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels et artificialisés (quel que soit leur degré d’artificialisation) sont reconnues et guident toute action, pratique et décision »88. Cette définition nous semble déjà convenir davantage à la problématique de cette étude, dans la mesure où il ne s’agit plus simplement de « prendre en compte » des interactions, mais il serait désormais question de reconnaître les « interdépendances et d’être guidé par ces dernières dans toute pratique », en l’occurrence, ici, la pêche dans le Golfe de Gascogne par exemple. Cette obligation de reconnaissance est la clé pour passer d’une solidarité écologique de fait à une solidarité écologique d’action.

• 89 Justine Réveillas, La protection du milieu marin au-delà des juridictions nationales, op cit.

21Cependant, la pratique de la pêche impactant le milieu marin, il est possible d’aller encore plus loin dans la transformation de la définition. C’est ce que nous avons proposé dans certains de nos travaux précédents, où nous décidons d’apporter quelques modifications mineures à la proposition de définition ci-dessus, afin de renforcer sa pertinence en matière de protection du milieu marin. En conséquence, nous proposons la définition suivante : « le principe de solidarité écologique est un principe selon lequel les interdépendances des écosystèmes océaniques et des êtres vivants sont reconnues et guident toute action, usage et décision »89.

• 90 Voir : https://www.maia-network.org/accueil (Consulté le 12 septembre 2022).
• 91 Nous entendons ici la doctrine comme l’ensemble des opinions émises sur le droit et plus largement (...)
• 92 Simon Jolivet, « Le principe de solidarité écologique : une avancée pour le droit de la biodiversit (...)
• 93 Marthe Lucas, « Réflexions sur la portée du principe de solidarité écologique », op cit., p. 719-72 (...)
• 94 Jacques Chevalier, « Doctrine juridique et science juridique », Droit et société, 50-2002, p. 105.

23En ce sens, le réseau d’aires marines protégées (AMP) piloté par la Délégation de façade maritime Atlantique de l’Office français pour la biodiversité (OFB)90 pourrait se fonder explicitement sur le principe de solidarité écologique. Ce réseau cherche à mettre en place des projets d’amélioration des connaissances scientifiques à l’échelle de la façade, et à relier les différents gestionnaires autour de projets ou événements ponctuels ou plus pérennes, dans une perspective largement interdisciplinaire. En inscrivant le principe de solidarité écologique dans les plans de gestion des aires marines protégées par exemple, les gestionnaires d’AMP instaurent une obligation institutionnelle, selon laquelle les différentes parties prenantes doivent mettre en place et/ou participer à des procédés de concertation et de collaboration par exemple. Cependant, la question de l’application potentielle du principe de solidarité écologique au droit de la biodiversité n’a été abordée que très tardivement par la doctrine91. Cela peut paraître surprenant lorsque nous savons que la solidarité écologique, en tant que concept, émerge en droit des aires protégées en 200692. Cela pourrait s’expliquer par l’ambiguïté de la définition du principe de solidarité écologique telle qu’elle est inscrite à l’article L.110-1 du Code de l’environnement. Avec une portée aussi restreinte93 et une définition imprécise, il est possible d’imaginer les réticences à appliquer un tel principe en droit de la biodiversité et plus précisément à intégrer ce dernier dans le droit des aires marines protégées. Il est regrettable de constater cette prise en compte tardive du principe de solidarité écologique par la doctrine juridique, dans la mesure où cette dernière joue un rôle majeur dans l’élaboration et le développement du droit de l’environnement notamment. La doctrine est d’ailleurs reconnue comme « partie prenante au processus de production du droit »94. Ainsi, cette reconnaissance tardive ne fait que retarder le processus de circulation des idées, de diffusion, qui peut aboutir à l’inscription de cette idée dans le corpus normatif, tel que le Code de l’environnement par exemple.

• 95 Anatole Danto, EvolAM : Évolution contemporaine des Affaires maritimes. La réorganisation de l'Admi (...)
• 96 Julie Furiga, Mathieu Rateau, Anatole Danto & Camille Mazé, Planification de l'Espace Maritime fran (...)
• 97 Camille Mazé, Anatole Danto, Chloé Faure, & Clara Zeltner, « Pour une sociologie politique de ‘la g (...)
• 98 Julie Furiga, Mathieu Rateau, Anatole Danto & Camille Mazé, « Simplification des Documents stratégi (...)
• 99 Jon Marco-Church, Ecoregionalism: Analyzing Regional Environmental Agreements and Processes, Londre (...)

24Aussi, l’application du principe de solidarité écologique est limitée par l’absence de prise en compte du Golfe de Gascogne comme une seule et unique entité territoriale, avec une action publique spécifiquement dédiée. Les récents (re)-découpages administratifs régaliens95, en « façades maritimes » ont coupé en deux le Golfe, entre deux Directions inter-régionales de la mer (DIRM) (Nord-Atlantique Manche-Ouest et Sud-Atlantique). À l’inverse, l’OFB organise son action publique maritime à l’échelle d’une « façade Atlantique » allant de la frontière espagnole à la Baie du Mont-Saint-Michel, revêtant ainsi les mêmes limites que la zone de compétence du Préfet maritime de l’Atlantique, représentant de l’État pour les affaires civiles en mer sur cette même zone, et cotutelle des DIRM96. Cette action publique a-territorialisée (avec des territoires très vastes, désincarnés), ou à l’inverse, hyper-territorialisée ne permet pas une efficience sur les sujets d’interactions biodiversité marine-pêcheries, malgré les injonctions contemporaines en la matière97. Cela se traduit par des blocages permanents en termes de Planification spatiale en mer par exemple98. Ce qui conduit à la perpétuation d’un gouvernement des usages et ressources faisant fi d’une approche par les écorégions99, ou biorégions.

• 100 Raphaël Mathevet, John Thompson, et Marie Bonnin, « La solidarité écologique : prémices d'une pensé (...)
• 101 Idem.
• 102 Bernard Drobenko, « Environnement : le défi solidaire », in Mélange en l’honneur de Michel Prieur, (...)
• 103 Astrid Von Kotze, «Ecological solidarity and popular education», Sisyphus—Journal of Education, vol (...)

25L’inscription du principe de solidarité écologique dans le droit positif ne permet pas de trouver directement des solutions de réduction des captures accidentelles. C’est un principe qui, placé en tête du Code de l’environnement, permettrait aux acteurs de reconnaître les interdépendances du milieu marin lorsqu’ils s’apprêtent à pratiquer leur activité de pêche, à consommer du poisson, ou encore à mettre en place des mesures de gestion, et d’adapter leurs pratiques en fonction de ces interdépendances. Il importe alors de considérer le fait que les décisions devraient être prises au niveau d’organisation où celles-ci génèrent leurs conséquences100, ici au niveau des professionnels qui s’apprêtent à partir en mer pour pêcher, mais aussi au niveau de l’État et de ses services qui instaurent en partie les règles de gestion de la pêche. En retour, cela implique d’informer ces acteurs et de les responsabiliser en les associant à la gestion du milieu marin par exemple, dont l’avenir dépend de leur comportement101. Pour ce faire, une solution pourrait résider dans l’éducation et dans la formation à la solidarité écologique pour les différentes parties prenantes. Le principe 8 de la Charte de l’environnement, selon lequel « l’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte », constitue un pilier de la solidarité102 et devrait servir de fondement à cette idée d’opérationnalisation du principe de solidarité écologique. En matière de formation pour les pêcheurs, dans les lycées maritimes ou en BTS, les étudiants se voient délivrer à la fois des enseignements généraux, mais aussi des enseignements plus techniques, tels que des cours de biologie-écologie-production ou encore de santé et d’environnement. Il existe donc une volonté de sensibiliser les futurs professionnels de la pêche à la protection du milieu marin, par le biais de leur formation, mais cette dernière pourrait être renforcée pour devenir un pilier fondamental des programmes éducatifs. Il est également essentiel d’impliquer les pêcheurs déjà formés, grâce à des actions de formation continue, mais également d’éducation populaire, mobilisables dans les théories de la solidarité écologique103. Les services de l’État pourraient ainsi organiser des journées de dialogue et d’échange pour les professionnels, qu’ils soient des petits pêcheurs artisans ou des pêcheurs industriels, durant lesquelles des chercheurs viendraient leur présenter le fonctionnement du socio-écosystème du Golfe de Gascogne, l’importance de prendre en compte les interdépendances écologiques et socio-écologiques. De surcroît, la présence d’ONG serait également la bienvenue, afin de tenter d’apaiser les tensions et réticences qu’il peut y avoir entre les pêcheurs et ces dernières. L’objectif avec cette idée de formation renforcée serait de parvenir à instaurer ou à réinstaurer le dialogue entre les différents acteurs, dans un climat apaisé et surtout dans un but commun, celui de réduire les captures accidentelles dans le Golfe de Gascogne.

• 104 Milo Villain, « Voix multiples dans la défense écologiste et citoyenne des océans : Convergences d' (...)
• 105 Raphaël Mathevet, John D. Thompson, Carl Folke, Francis Stuart Chapin III, «Protected areas and the (...)

27La problématique des captures accidentelles de mammifères et d’oiseaux marins dans le golfe de Gascogne mobilise aujourd’hui de nombreux acteurs, aux positions différentes voire antagonistes, menant à des difficultés d’entente pour la résolution du conflit. En effet, la gestion des captures accidentelles implique aujourd’hui différents acteurs au niveau national, qu’il s’agisse des instituts de recherche, de l’État et de ses services déconcentrés, des pêcheurs et représentants de la profession ou encore des associations de protection de l’environnement littoral ou marin104. La présence de divers acteurs issus de différentes disciplines est à la fois une force et une faiblesse dans la mise en œuvre du principe de solidarité écologique. C’est tout d’abord une force dans la mesure où cela permet une approche interdisciplinaire indispensable pour apprécier la façon dont les processus sociaux et écologiques interagissent les uns avec les autres105. En revanche, cela devient une faiblesse lorsqu’il s’agit de coopérer et de se concerter sur la problématique afin de trouver une solution pour réduire les captures accidentelles de manière consensuelle. L’une des arènes privilégiées pour cet échange est le groupe de travail national créé en 2017 sous la houlette de la Direction des pêches maritimes et de l’aquaculture du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Cette multitude d’acteurs aux points de vue divergents rend difficile l’atteinte d’une position commune. Dans les faits, si l’objectif de réduire les captures accidentelles est partagé par tous les acteurs, les moyens d’y parvenir, en revanche, ne font pas l’unanimité.

• 106 Lecture corroborée par différents entretiens ethnographiques que nous avons conduits, par des obser (...)
• 107 Plusieurs articles de presse évoquent des faits de harcèlement ou de menace envers les pêcheurs, vo (...)

28Les acteurs directement concernés et impliqués, les professionnels de la pêche, se montrent réticents à l’introduction de mesures trop restrictives, et notamment en matière de fermetures spatio-temporelles. Ils considèrent tout d’abord avoir déjà largement transformé leurs pratiques, grâce à des efforts visant différents sujets connexes ou directement liés aux captures accidentelles106. Ils se sont notamment engagés dans les déclarations de captures accidentelles, dans l’acceptation d’observateurs embarqués, mais aussi dans des mutations techniques : installation de pingers par exemple. Ils évoquent également leur participation active à de nombreux projets de recherche dédiés à l’évaluation des captures ou à des essais pour les diminuer voire les éviter. Enfin, ils convoquent fréquemment la vindicte dont ils se disent victimes de la part de certaines ONG comme élément inhérent à la controverse. Ces tensions ne leur permettent pas d’envisager une partie des mutations socio-techniques sereinement, face à un harcèlement de la part de certains navires d’organisations conservationnistes, allant jusqu’à menacer la sauvegarde de la vie humaine en mer, ou la viabilité économique de leur entreprise de pêche107.

• 108 TA de Paris, Association Sea Shepherd France, 2 juillet 2020, n° 1901535/4-2.
• 109 Ibid., § 21.
• 110 Ibid., § 29.
• 111 CE, Décision n° 450592 du 27 mars 2021.

29Les associations de protection de l’environnement sont en effet très présentes et actives face à la problématique des captures accidentelles. En particulier, elles utilisent la voie de la justice pour faire entendre leurs positions et pour demander des mesures plus strictes à l’État. Pour illustration, en janvier 2019, l’association Sea Shepherd décide de saisir le tribunal administratif (TA) de Paris afin qu’il reconnaisse le manquement de l’État français à la protection des mammifères marins108. Dans son arrêt du 2 juillet 2020, le tribunal reconnaît que le retard pris par les autorités françaises pour adopter des actions concrètes constitue « une carence de l’État dans le respect de ses obligations découlant du droit de l’Union européenne, en particulier son obligation de protection des cétacés et de contrôle des activités de pêcherie »109. Cependant, le tribunal a rejeté la demande de l’association visant à « interdire la pêche dans la zone Natura 2000 située dans le Golfe de Gascogne, notamment sur le plateau de Rochebonne »110, considérant que les mesures récemment prises par l’État, en application du nouveau règlement européen du 20 juin 2019, sont de nature à atténuer les effets de la faute. Si la décision de la juridiction française reconnaît la responsabilité de l’État dans le manque de protection des mammifères marins et donc indirectement dans la problématique des captures accidentelles, elle n’apporte aucune réponse quant aux mesures de gestion à mettre en œuvre pour les limiter. Ainsi, face à l’inaction de la France pour réduire les captures accidentelles, Sea Shepherd a décidé de faire appel devant la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’État (CE). L’association a alors demandé au juge de suspendre la pêche dans le Golfe de Gascogne de janvier à mars et de mi-juillet à mi-août, et de renforcer les mesures de contrôle afin de réduire les captures. La justice administrative s’est alors montrée prudente dans cette affaire, dans la mesure où le Conseil d’État, dans une décision rendue le 27 mars 2021111, a rejeté la demande de l’association Sea Shepherd, se déclarant incompétent car il ne pouvait prendre que des mesures provisoires, d’urgence et donc temporaires.

• 112 CE, Décision n° 450592 du 27 mars 2021.
• 113 Idem.

30Le principal point de blocage, aujourd’hui, réside dans la stratégie de l’État pour réduire les captures accidentelles. La prise de décision politique peut paraître parfois erratique, voire absente. Les très nombreuses réformes et réorganisations de l’administration dans les champs de la mer, de la biodiversité et de la pêche ne facilite pas la continuité de l’action publique, qui repose alors essentiellement sur les Directions générales ministérielles, et moins sur les ministres et/ou secrétaires d’état, face aux changements récurrents d’occupants des ministères, et de réorganisation des attributions et des compétences. Le fil conducteur de la controverse semble consister à soutenir l’acquisition de connaissances de plus en plus fines et détaillées. Et cela avant d’envisager de pouvoir mettre en place des mesures fortes, tout en veillant à ne pas trop froisser le secteur de la pêche et ses représentants, par ailleurs très critiques vis-à-vis de l’État concernant la gestion de certains dossiers qui se juxtaposent : travaux des premiers parcs éoliens off-shore, mesures sur le bar européen, arrêts techniques, Brexit et plan de sortie de flotte induit, etc. Les projets de recherche sur les captures accidentelles s’enchaînent donc, sans laisser la place à des mesures de gestion efficaces face à la situation dans le Golfe de Gascogne. Et laissent à penser qu’il s’agit d’une stratégie politique pour “gagner du temps”. Pourtant, le droit de l’environnement prévoit que l’incertitude scientifique sur les conséquences précises d’une activité ou d’une action ne doit pas servir de prétexte aux autorités pour différer l’adoption de mesures de protection de l’environnement, selon le principe de précaution (article L 110-1 du code de l’environnement). Récemment, l’association France Nature Environnement a explicitement demandé au Conseil d’État « de suspendre l’exécution de la décision du ministre de la mer rejetant implicitement sa demande d’adoption de mesures visant à réduire les captures accidentelles de dauphins communs dans le Golfe de Gascogne »112. Parmi ses arguments, la décision attaquée « méconnaît le principe de précaution et le principe de prévention, garantis par la Charte de l’environnement et l’article L. 110-1 du code de l’environnement, dès lors qu’il est établi qu’il existe une corrélation entre les captures et les activités de pêche et qu’il existe une double carence de l’État dans la connaissance de l’atteinte aux espèces [...] »113.

• 114 Raphaël Mathevet, François Bousquet, Résilience & Environnement. Penser les changements socio-écolo (...)
• 115 Raphaël Mathevet, John Thompson, Olivia Delanoë et al., « La solidarité écologique : un nouveau con (...)

32Le principe de solidarité écologique et l’idée qu’il véhicule, soit l’adoption de politiques de gestion en matière de pêche, qui soient à la fois responsables et respectueuses de ses membres humains et non-humains114 pourraient être une solution juridique adaptée. Pour autant, l’application du principe de solidarité écologique et son opérationnalisation dans le domaine de l’activité de pêche n’est pas une solution miracle, qui suffit à elle seule pour résoudre le conflit lié aux captures accidentelles de mammifères et d’oiseaux marins. La mobilisation des différents acteurs impliqués dans cette problématique nécessite de maintenir une volonté constante de participation à la résolution du conflit, de leur permettre d’échanger, de se concerter et de trouver ensemble des compromis. Malgré tout, grâce à la solidarité écologique, il serait possible d’effectuer « un travail de reconnexion entre des processus écologiques, des pratiques, des référentiels culturels et des politiques publiques »115, soit en l’espèce, une reconnexion entre les interactions entre espèces du golfe de Gascogne et leur évolution, la pratique de la pêche dans cet espace, et les politiques de protection de l’environnement et de gestion de la pêche en particulier.