Introduction

1Au Québec, l’éducation préscolaire marque, pour les enfants, le début de la vie à l’école (MELS, 2006). Parmi les services éducatifs disponibles pour les enfants de 5 ans, notons les classes maternelles 5 ans à temps plein dont le prérequis unique consiste à avoir 5 ans le 30 septembre (MELS, 2006). Bien que la fréquentation d’une classe de maternelle ne soit pas obligatoire, 98 % des enfants de 5 ans admissibles y sont inscrits à temps plein (MÉESR, 2015). Le programme d’éducation préscolaire québécois s’inscrit dans une approche par compétences où l’enfant est placé au cœur de ses apprentissages et de son développement (MELS, 2006). Cette approche privilégiée à la maternelle ne se veut ainsi pas « scolarisante » (Morin, 2007), et ce, même si l’éducation préscolaire jette les bases de la scolarité future de l’enfant. Le jeu et l’activité spontanée, contextes privilégiés d’apprentissage, doivent donc occuper une place de choix dans la classe pour favoriser le développement global et harmonieux de l’enfant.

2Dans le contexte actuel des recherches menées en éducation, l’apprentissage de l’enfant est vu comme étant directement tributaire de rapports sociaux dans la mesure où il résulte de la transformation des activités interpersonnelles en activités intrapersonnelles, via le processus d’intériorisation (Brossard, 2004). Dans cette perspective, on reconnait le rôle puissant de la médiation effectuée par le langage dans le développement de la pensée chez l’enfant (Nelson, 1996). En contribuant à l’apprentissage du langage et de la communication, l’adulte aide l’enfant à apprendre et à se développer en lui permettant d’établir un rapport socialement médiatisé à la réalité qui l’entoure. Dans le cadre de leur revue des quarante dernières années, Howe & Abedin (2013) rapportent que le dialogue en classe peut être envisagé de différentes façons et que, s’il est fréquent et bien exploité, il permet d’entrainer des bénéfices pour l’enfant. En classe de maternelle, c’est par la mise en œuvre de dialogues diversifiés, au travers de contextes éducatifs adaptés aux enfants de 5 ans (p.ex. causeries, lectures interactives d’albums, jeux symboliques, etc.) (CSÉ, 2012 ; Doyon & Fisher, 2010) que le programme d’éducation préscolaire québécois vise à soutenir le développement global de l’enfant (MELS, 2006).

3Selon Vygotski (1997), les interactions sociales s’avèrent une condition fondamentale de l’apprentissage et du développement de l’enfant. Notamment en classe de maternelle, les interactions sociales adulte-enfant et enfant-enfant agissent tel un catalyseur des apprentissages de ce dernier. Reconnaissant l’importance de la qualité des interactions en classe, Pianta, LaParo & Hamre (2008) ont créé l’outil d’observation Classroom Assessment Scoring System (CLASS) qui met l’accent sur la façon dont l’adulte intervient auprès de l’enfant. Récemment, une méta-analyse réalisée par Sabol, Soliday Hong, Pianta & Burchinal (2013) a montré que la qualité des interactions, telle que mesurée en classe de maternelle à l’aide du CLASS, s’avère un important prédicteur de la réussite éducative de l’enfant.

4Dans le contexte québécois, la réussite éducative propose une vision beaucoup plus large de celle associée à la réussite scolaire. En effet, la réussite scolaire repose habituellement sur l’atteinte d’une note de passage, d’un niveau supérieur ou sur le passage au cycle suivant (Lenoir, 2009). La réussite éducative, quant à elle, outrepasse cette idée de frontière scolaire pour intégrer tant la réussite personnelle que professionnelle (Larose et al., 2013). Ainsi, il faudra retenir qu’en classe maternelle, la réussite éducative renvoie principalement à l’intériorisation de compétences qui permettront à l’enfant d’apprendre à apprendre, de s’intégrer à sa classe, d’interagir avec les autres, de complexifier ses activités, d’exercer son jugement bref, d’être outillé pour apprendre et se développer à l’école primaire, mais aussi tout au long de sa vie (Duval & Bouchard, 2013).

5Bien que les bénéfices du dialogue en classe soient reconnus, il apparait malheureusement que, au quotidien de la classe, les monologues des enseignants sont beaucoup plus prédominants que le dialogue (Nystrand, Gamoran, Zeiser & Long, 2003), et ce, même à la maternelle (Doyon & Fisher, 2010). Il convient donc de développer chez les enseignants une compréhension plus riche des interactions dialogiques et de leurs bénéfices pour qu’elles soient davantage exploitées en classe (Hennessy et al., 2016). De surcroît, le contenu des programmes de formation initiale au Québec comporte très peu de cours spécifiques axés sur l’éducation préscolaire (6 à 9 crédits, sur un total de près de 120 crédits) et un stage en maternelle n’est obligatoire que dans le meilleur des cas (April, Larouche & Boudreau, 2015). Promouvoir le recours au dialogue adulte-enfant et enfant-enfant en classe en contexte de formation continue apparait donc essentiel pour augmenter la qualité du contexte éducatif offert, et ainsi favoriser l’adaptation et la réussite éducative des jeunes enfants. Cette recherche souhaite contribuer à cet effort en évaluant l’effet d’une formation continue auprès d’enseignantes dont le but était de favoriser le dialogue dans les activités quotidiennes de la classe maternelle.

6Le texte compte quatre grandes sections : le cadre théorique incluant les définitions et précisions concernant les concepts-clés de la recherche ; la méthode privilégiée pour la réalisation de l’expérimentation ; les procédures d’analyse utilisées, les résultats et leur interprétation ; et enfin la conclusion qui ouvre vers les axes de recherches futures induits par les résultats.

Cadre théorique

Le dialogue et le développement de l’enfant

7Cette recherche prend appui sur des constats théoriques et empiriques qui tirent leur source de la perspective historico-culturelle (Vygotski, 1997) et accordent un rôle central à l’adulte et au langage. L’un des principes fondamentaux de cette perspective est que le développement de l’enfant ne procède pas de l’individuel vers le social, mais bien du social vers l’individuel. Ainsi, le développement de la pensée chez l’enfant ne résulte pas simplement de la maturation ou d’un instinct naturel, mais se produit grâce à un processus d’échange et de communication avec l’adulte (Bodrova & Leong, 2011, 2012). Pour guider l’enfant dans ses apprentissages et son développement, l’adulte expert devra rendre accessibles les outils culturels et cognitifs, par le biais du langage. Ce soutien apporté par l’adulte prend tout son sens dans le dialogue. S’intéresser au dialogue signifie donc poser un regard sur les échanges langagiers entre enseignants-élèves et, dans une moindre mesure, autour des échanges entre pairs (Howe & Abedin, 2013). Ce dialogue supporte non seulement une communication, mais est considéré comme une activité partagée rendant possible la construction conjointe de significations (Howe & Abedin, 2013 ; Makdissi, Boisclair & Sirois, 2010 ; Nelson, 1996). Dès lors, le langage, porte d’entrée au dialogue, représente non seulement un outil culturel ou de communication, mais surtout un outil de médiation entre l’objet à construire et le sujet réfléchissant (Vygotski, 1997), et ce, dès la petite enfance (Moro & Rodriguez, 2008). Hennessy et al. (2016) rapportent aujourd’hui que les travaux issus de cette perspective historico-culturelle démontrent de plus en plus la valeur éducative du dialogue entre pairs et du dialogue enseignant-enfant en contexte de classe. En somme, ces études attestent que les interactions sociales et dialogiques occupent une fonction primordiale dans l’apprentissage et le développement de l’enfant (Vygotski, 1997).

8En plus d’encourager les échanges dialogiques qui mèneront l’enfant à apprendre et à développer sa pensée, la perspective historico-culturelle propose un nouveau regard sur l’éducation (Brossard, 2004 ; Schneuwly, 2008). Les écrits vygotskiens indiquent que l’enseignement idéal se centre non pas sur les compétences déjà acquises par l’enfant, mais sur celles qui ne sont pas encore maitrisées. La zone proximale de développement (ZPD), le lieu d’apprentissage idéal, est l’espace abstrait entre la zone des possibles et la zone de rupture où l’enfant peut réaliser une tâche seulement avec de l’aide (Bodrova & Leong, 2011, 2012). Après avoir situé l’enfant dans sa ZPD, l’adulte peut lui apporter un soutien adapté grâce à l’étayage (Bruner, 1991). Concept caractéristique de l’approche historico-culturelle, l’étayage repose sur le langage et l’interaction sociale. C’est une aide adaptée aux besoins de l’enfant engagé dans une tâche, qui lui permet de fonctionner aux limites mêmes de sa compétence, pour éventuellement progresser au-delà de ses capacités de départ et atteindre un nouveau niveau d’autonomie (Bruner, 1991). En questionnant l’enfant, l’adulte tente de le comprendre, tout en lui permettant d’organiser sa pensée. Dans un avis récent, le Conseil supérieur de l’éducation (CSÉ) (2012) souligne l’importance de l’étayage pour soutenir le plein potentiel de l’enfant à l’âge préscolaire. L’interaction adulte-enfant y est présentée comme une composante clé du soutien au développement global des enfants (CSÉ, 2012), tout comme le rapportent plusieurs chercheurs (p.ex. : Curby, Rimm-Kaufman & Ponitz, 2009 ; Pianta, LaParo et al., 2008 ; Sabol et al., 2013).

La place des interactions dialogiques pour la qualité éducative au préscolaire

9Les recherches sur la qualité éducative indiquent qu’elle se rapporte à deux éléments distincts : la qualité structurelle et la qualité des processus (Bigras et al., 2010 ; Dowsett, Huston, Imes & Gennetian, 2008). La dimension structurelle de la qualité éducative renvoie à des éléments qui sont susceptibles d’influencer le comportement de l’enseignant à l’égard des enfants, tel que l’aménagement spatiotemporel, le ratio adulte-enfant, la taille des groupes, et le niveau de formation de l’enseignante (NICHD Early Child Care Research Network, 2002). Pour sa part, la qualité des processus correspond à l’expérience vécue en milieu éducatif, et elle comprend les aspects plus relationnels du milieu (Gevers, Deynoot-Schaub & Ricksen-Walraven, 2005), tels que les interactions enseignante-enfant. Selon Pianta, LaParo et al. (2008), la qualité des processus exerce l’influence la plus directe sur l’apprentissage et le développement des enfants.

10La méta-analyse menée par Sabol et al. (2013) a permis d’inventorier les outils de mesure de la qualité des milieux éducatifs (p.ex. : l’outil ECERS, le CLASS, etc.). Les données de cette étude montrent que la qualité des interactions, comprise dans la qualité des processus et mesurée à l’aide de l’instrument CLASS, s’avère le plus fort prédicteur de la réussite éducative de l’enfant âgé en moyenne de 4,6 ans. Ainsi, les chercheurs mettent de plus en plus l’accent sur la qualité des interactions en classe comme étant la composante-clé de la qualité du milieu éducatif (p.ex.. Booren, Downer & Vitiello, 2012 ; Duval, 2015 ; Thijs, Koomen, Roorda & ten Hagen, 2011).

Formation des enseignantes de maternelle au dialogue dans la classe afin de favoriser l’adaptation et la réussite éducative des enfants

11En contexte éducatif au préscolaire, grâce aux expériences de communication, de négociation du sens, avec un adulte sensible à sa ZPD, l’enfant progresse, tant sur le plan du langage que de la pensée (Doyon & Fisher, 2010). Ainsi, l’enfant qui fréquente un milieu éducatif valorisant le langage et sa nature dialogique intériorisera des outils culturels et cognitifs favorisant son adaptation et sa réussite éducative puisqu’il parviendra à être plus attentif, à organiser ses connaissances, et surtout à mieux penser (Bodrova & Leong, 2011 ; Nelson, 1996).

12Reconnaissant ainsi l’importance du langage et du dialogue comme pierre d’assise du développement de l’enfant, il s’avère primordial d’identifier et de mettre en place des moyens pour en faire une compétence à développer chez les enseignantes et valoriser son utilisation en contexte éducatif (Doyon & Ficher, 2010). La formation initiale, mais aussi et surtout la formation continue destinée aux enseignantes en exercice apparaissent comme des lieux propices à permettre une telle réflexion sur les pratiques éducatives.

13Les bénéfices du dialogue n’étant pas exclusifs à l’enfant, l’interaction dialogique peut aussi devenir un outil de formation. En effet, la mise en place de lieux d’échanges entre enseignantes et autres acteurs de l’éducation (i.e. conseillers pédagogiques, chercheurs, etc.) conduit à des réflexions pédagogiques susceptibles d’entrainer d’éventuels changements de pratiques (Lafortune, Deaudelin, Doudin & Martin, 2001). Dans le cadre de ce projet, une formation est proposée aux enseignantes de maternelle en exercice sur le dialogue, et ce, par le dialogue. Cette formation constitue une intervention éducative telle que précisée par Lenoir (2009), qui la définit comme « l’ensemble des actes et des discours singuliers et complexes, finalisés, motivés et légitimés, tenus par une personne mandatée intervenant dans une perspective de formation […] en vue de poursuivre les objectifs éducatifs socialement déterminés » (p. 14). L’intervention éducative sous forme de formation continue telle qu’envisagée dans ce projet s’inscrit donc dans un processus interactif et intentionnel et a pour finalité l’avènement de changements durables dans les façons de réfléchir au dialogue dans la classe maternelle et de mettre en place des contextes éducatifs pour le valoriser.

14De surcroit, porter un regard sur l’impact de cette intervention éducative représente un certain défi, surtout s’il s’agit d’évaluer des changements de pratiques auprès d’un petit nombre de sujets. Dans le cadre de la présente recherche, après avoir mis en place une formation continue portant sur le dialogue destinée à des enseignantes, l’objectif consistait à évaluer les effets de cette formation sur la qualité des interactions en classe maternelle au moyen du CLASS.

Méthode

Échantillon

15Six classes de maternelle impliquant chacune une enseignante titulaire permanente et des enfants de 5 ans (moyenne = 17 enfants par classe) ont participé au projet de recherche collaborative décrit dans cet article. Dans le cadre de leur engagement dans le volet recherche, les enseignantes ont accepté d’être observées dans leur classe. Elles cumulent en moyenne 15 années d’expérience d’enseignement (5 à 27 ans), dont environ 11 ans à l’éducation préscolaire (entre 5 et 17 ans). Toutes détiennent un baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire, et ont participé à de nombreuses activités de perfectionnement, créditées et non créditées. Enfin, elles se sont toutes portées volontaires pour participer à l’étude, suite à une démarche préalable de sondage visant à établir les besoins de formation auprès de 57 enseignantes de la Commission scolaire des Découvreurs de la région de Québec (Canada). Au total, 25 enseignantes (44 %) ont répondu au sondage et ont identifié des besoins de formation continue dans les domaines suivants : le dialogue entre l’adulte et les enfants ainsi qu’entre les enfants (notamment dans le cadre de la causerie qui est une activité prescrite en maternelle au Québec) ; le développement langagier et l’émergence de l’écrit ; et, le développement affectif et sociocognitif en lien avec la résolution des problèmes interpersonnels dans la classe.

Procédure

Intervention

16En congruence avec les prémisses du dialogue, les chercheurs et les acteurs du milieu préscolaire se sont engagés dans un processus réflexif de coélaboration de contextes éducatifs misant sur le dialogue en classe, afin de favoriser l’apprentissage et le développement global, l’adaptation et la réussite éducative des enfants. Suite à une analyse de besoins, des activités de formation continue (n = 9 x 6 heures) ont été conçues pour constituer la formation destinée aux six enseignantes des classes ciblées. Elles se sont échelonnées entre les mois de décembre 2012 et juin 2013, et se sont déroulées dans les locaux de la commission scolaire, durant les heures de classe. Chacune des rencontres a été l’occasion d’aborder un thème permettant de réfléchir au dialogue en classe, comme outil pour créer un contexte éducatif fertile à soutenir : le développement langagier, l’émergence de l’écrit, le développement affectif et sociocognitif et le soutien au jeu symbolique de l’enfant. Bien que le jeu symbolique ne ressorte pas parmi les priorités de formation, il demeure un contexte éducatif fertile au développement global de l’enfant (Bodrova & Leong, 2012 ; Landry, Pagé & Bouchard, 2015). Il a donc été retenu dans le cadre des activités de formation puisque, lorsque l’enseignante soutient l’enfant dans ses jeux symboliques, elle peut favoriser toutes les sphères de son développement, incluant celles identifiées dans les besoins de formation.

17L’animation a été assurée par au moins un des chercheurs de l’équipe, jumelé à une représentante du milieu scolaire (conseillère pédagogique au préscolaire). L’organisation structurelle des activités de formation a été la même durant tout le processus de mise en œuvre des neuf activités. De façon à soutenir la réflexion des enseignantes quant à leurs pratiques éducatives, différents moyens ont été utilisés : des présentations magistrales incluant des moments d’interactions dialogiques sous forme de discussion, des exercices de réflexion et des extraits vidéo. D’abord, le contenu de la rencontre (p.ex., le développement langagier) ainsi que son importance pour le dialogue en classe étaient présentés et suivis d’une discussion avec les enseignantes. Ces dernières pouvaient soulever des questions, des expériences vécues en classes, des difficultés, des stratégies, mais aussi échanger sur les activités expérimentées en lien avec le thème de la semaine précédente. Ensuite, la démonstration de façons de faire pour mettre en œuvre les objectifs de la rencontre était faite par les chercheurs avec le soutien d’une représentante du milieu scolaire. Puis, du matériel était remis aux enseignantes pour les outiller dans la préparation d’activités en classe (p.ex., aide-mémoire, suggestion de livres à utiliser, etc.). Enfin, du temps était consacré à la planification d’activités éducatives, en lien avec la thématique du jour, à expérimenter dans leur classe avant la prochaine rencontre. À la fin de chaque formation, un retour sur les notions discutées était fait.

Le Classroom Assessment Scoring System (CLASS) – instrument d’observation

18Les six classes ont été observées à deux reprises, à l’aide de l’outil CLASS, avant (T1) et après (T2) la participation des enseignantes aux activités de formation (durée = 120 minutes/classe x 2). Définis en tenant compte des études qui ont été réalisées de manière théorique (Hamre & Pianta, 2007) et empirique (Hamre, Pianta, Mashburn & Downer, 2007), trois grands domaines composent le CLASS : 1) le soutien émotionnel, 2) l’organisation de la classe, et 3) le soutien à l’apprentissage, comme l’illustre la figure 1. Ces trois domaines sont constitués de dix dimensions, desquelles sont dégagées des sous-dimensions. À titre d’exemple, le soutien émotionnel se rapporte aux comportements de l’enseignante qui aide l’enfant à développer des relations positives avec les pairs, à développer un intérêt envers l’apprentissage, et à se sentir confortable dans la classe. Le climat positif constitue une dimension du domaine soutien émotionnel, et à celle-ci se rattachent les sous-dimensions relations, affect positif, communication positive, et respect. L’organisation de la classe renvoie principalement à la manière dont l’enseignante gère la classe en aidant les enfants à contrôler leurs comportements, à profiter des activités offertes, ainsi qu’à maintenir leur intérêt (Pianta, Laparo et al., 2008). Le soutien à l’apprentissage, qui réfère notamment aux stratégies cognitives qui sont mises en place dans la classe, permet de soutenir le développement cognitif et langagier de l’enfant (Pianta, LaParo et al., 2008). Une telle observation de la qualité des interactions en classe constitue un outil fiable et valide, afin de mesurer la qualité du milieu éducatif et les effets engendrés sur l’enfant (Sabol & Pianta, 2014).

Figure 1. Les domaines, dimensions et sous-dimensions de l’outil CLASS (Duval, 2015).

19Préalablement aux deux phases d’observation, trois chercheurs membres de l’équipe de recherche ont obtenu la certification requise par Teachstone3. Chacune des observations a été menée dans les classes des enseignantes, à un moment qui leur convenait et sans changer le cours de leur routine. Pour ce faire, quatre cycles de 20 minutes d’observation étaient suivis par dix minutes de cotation, pendant lesquelles des scores de qualité ont été attribués à chacune des dimensions qui composent le CLASS (voir figure 1). Une échelle de type Likert en sept points a été utilisée afin de mesurer la qualité des interactions selon trois niveaux : faible (1 et 2), moyen (3 à 5) et élevé (6 et 7). Les concepteurs de l’outil (Pianta, LaParo et al., 2008) ont rapporté une cohérence interne acceptable pour chacun des domaines du CLASS, variant entre.76 et.89. Dans cette étude, la cohérence interne (alpha de Cronbach) est également acceptable pour tous les domaines : α = .83 pour le soutien émotionnel α = .97 pour l’organisation de la classe et α = .82 pour le soutien à l’apprentissage.

Plan d’analyse

20La méthode robuste et fiable d’analyse quantitative de cas unique, développée par Crawford & Garthwaite (2007) en neuropsychologie, permet de déduire des inférences à propos d’un score individuel, en comparant celui-ci au score d’un groupe contrôle ; ce groupe pouvant être plus ou moins grand. Ainsi, l’analyse permet notamment d’inférer si un score individuel est significativement différent de celui d’un groupe contrôle.

21Les auteurs ont mis à l’épreuve la méthode, même lorsqu’il y a violation sévère de la normalité, par exemple, lorsque la distribution est dissymétrique. Ils ont démontré que, malgré ces conditions extrêmes, il n’y a pas une inflation dramatique des erreurs de Type I (Crawford et al., 2006).

22Les programmes informatiques (singlims.exe et singlims_ES.exe) développés par Crawford, Garthwaite & Porter (2010) produisent les indices suivants : l’estimé de l’effet (Zcc), pour la différence entre le cas et le groupe contrôle, accompagné par son degré de confiance à 95 % ; la valeur t associée, selon le test de Crawford & Howell (1998) ; et finalement, l’estimé et le degré de confiance à 95 %, pour l’anormalité du score du cas. Ce dernier résultat, surtout utilisé en neuropsychologie clinique pour inférer un déficit du cas, ne sera pas rapporté dans la présente étude.

23Dans le cadre de cette recherche, en l’absence d’hypothèse d’écart unidirectionnel du cas par rapport au groupe contrôle (moins ou plus élevé), l’étude utilisera pour établir une différence significative les résultats du test t bilatéral, indice qui s’avère par ailleurs plus sévère. Les résultats utilisés par les auteurs du CLASS (Pianta, LaParo et al., 2008) pour valider l’outil d’observation en classes de maternelle (Kindergarten, n = 730) seront utilisés comme groupe contrôle dans l’étude de cas des six classes. Ainsi, les résultats des analyses de cas observées au T1 et au T2 sur les dimensions du CLASS seront présentés en lien avec les scores moyens pour chacune des huit dimensions de l’échantillon CLASS américain disponibles (n = 730).

24Un changement significatif positif entre le T1 et le T2 sera postulé pour chacune des dimensions lorsque :

1. Le score de la classe au T1 est égal ou plus bas que le score de l’échantillon contrôle américain (n = 730) et plus élevé au T2.

2. Dans le cas où les scores aux T1 et T2 sont plus élevés que le score du groupe contrôle, l’augmentation de la taille de l’effet sera considérée.

25Un changement significatif négatif entre le T1 et le T2 sera postulé pour chacune des dimensions lorsque :

1. Le score de la classe au T1 est plus élevé que le score de l’échantillon contrôle américain (n = 730), mais plus bas ou égal au T2.

2. Dans le cas où les scores aux T1 et T2 sont plus élevés que le score du groupe contrôle, la diminution de la taille de l’effet sera considérée.

Résultats

26Le Tableau 1 présente les données descriptives (moyenne et écart-type) de l’échantillon américain (n = 730) pour les huit dimensions pour lesquelles des résultats sont disponibles et les scores individuels des six classes québécoises au T1 et au T2.

Tableau 1. Moyennes et écarts-types du groupe contrôle (É-U.) et cotes individuelles des 6 classes observées (Québec)

	Cotes individuelles, pour les 8 dimensions du CLASS, à deux moments d’observation (6 mois d’écart)
	Groupe contrôle USA (n=730)	Classe 1		Classe 2		Classe 3		Classe 4			Classe 5			Classe 6
		T1	T2	T1	T2	T1	T2	T1	T2		T1	T2		T1	T2
Dimensions du CLASS	M (É.T.)	Cote (1-7)	Cote (1-7)	Cote (1-7)	Cote (1-7)	Cote (1-7)	Cote (1-7)	Cote (1-7)	Cote (1-7)		Cote (1-7)	Cote (1-7)		Cote (1-7)	Cote (1-7)
Climat positif	5,14 (,74)	5,25	6,00	6,25	5,00	6,00	6,00	6,00	6,00	5,50		5,75	6,00			6,00
Climat négatif	1,55 (,65)	2,25	2,50	4,00	2,50	2,25	2,00	2,00	2,75	2,25		2,75	2,00			2,00
Sensibilité enseignante	4,64 (,86)	5,25	4,50	5,50	4,50	6,00	5,75	6,00	5,25	5,00		5,00	6,00			5,75
Gestion comportements	5,18 (,79)	4,25	4,50	5,00	4,50	5,25	5,25	5,25	3,75	4,50		5,25	5,75			5,75
Productivité	4,67 (,73)	5,50	4,75	5,50	4,75	5,00	5,50	6,00	4,75	4,50		5,25	5,75			5,25
Modalité apprentissages	4,11 (,84)	4,50	4,00	5,00	3,75	5,25	4,25	3,75	4,50	4,25		4,75	5,00			4,75
Développement concepts	2,11 (,74)	3,75	4,25	3,50	2,75	3,50	4,25	2,75	3,75	2,75		4,75	3,50			4,25
Qualité rétroaction	1,84 (,64)	4,50	3,75	4,50	3,00	5,00	5,25	3,50	4,75	4,00		4,00	4,50			5,00

27Le Tableau 2 présente, pour les six classes participant à la présente étude, et pour chacune des dimensions, les résultats des différences significatives des tests t au T1 et au T2 entre le score des enseignantes et le groupe contrôle américain. De plus, la taille de l’effet (augmente ou diminue) est indiquée seulement dans les instances où les résultats sont significatifs aux deux temps.

Tableau 2. Différences significatives entre le T1 et le T2 par classe et par dimension

Classes observées		Dimensions significatives	T1 Test t		T2		Taille de l’effet
1	Développement Concepts			2,22*	2,89**	Augmente
1	Qualité Rétroaction			4,15***	2,89***	Diminue
2	Climat Négatif			3,77***	1,46
2	Développement Concepts			1,88 t	0,86
2	Qualité Rétroaction			4,16***	1,81 t	Diminue
3	Développement Concepts			1,88 t	2,89**	Augmente
3	Qualité Rétroaction			4,93***	5,32***	Augmente
4	Climat Négatif			0,69	1,84 t
4	Productivité			1,82 t	0,11
4	Développement Concept			0,86	2,20*
4	Qualité Rétroaction			2,59**	4,54***	Augmente
5	Climat Négatif			1,08	1,84 t
5	Développement Concept			0,86	3,56***
5	Qualité Rétroaction			3,37***	3,37***	Égalité
6	Développement Concept			1,88 t	2,89**	Augmente
6	Qualité Rétroaction			4,15***	4,93***	Augmente

t (tendance) < .10 ; * = p < .05 ; ** = p < .01 ; *** = p < .001

28Au T1, les analyses de cas révèlent d’abord certaines observations pour les dimensions suivantes :

1. Développement de concept : quatre des six classes ont un score plus élevé que le groupe contrôle américain ;

2. Qualité de la rétroaction : les six classes ont un score plus élevé que le groupe contrôle américain ;

3. Climat négatif : une classe a un score plus élevé que le groupe contrôle américain ;

4. Productivité : une classe a un score plus élevé que le groupe contrôle américain.

29Par ailleurs, entre le T1 et le T2, un regard transversal des résultats significatifs des analyses de cas impliquant au moins trois des six classes (50 %) étudiées permet de constater des différences pour trois dimensions :

1. Développement de concept : cinq classes ont vu leurs scores augmenter, alors que l’une d’elles a vu son score diminuer ;

2. Qualité de la rétroaction : quatre classes ont vu leurs scores augmenter, les scores d’une classe sont demeurés identiques, alors qu’une classe a vu son score diminuer ;

3. Climat négatif : deux classes ont vu leurs scores augmenter, alors que l’une d’elles a vu son score diminuer.

Discussion

30L’objectif de cette recherche consistait à mettre en place une formation continue afin d’accompagner des enseignantes de maternelle 5 ans à l’utilisation du dialogue dans la classe pour soutenir l’apprentissage et le développement global du jeune enfant, son adaptation et sa réussite éducative. L’impact de cette formation a été évalué au moyen du CLASS.

31D’abord, les scores des enseignantes de l’échantillon québécois au T1, comparés à ceux de l’échantillon américain, révèlent des différences pour quatre des huit dimensions de l’outil CLASS. D’une part, les scores pour les dimensions développement de concept et qualité de la rétroaction s’avèrent plus élevés pour la majorité des classes de l’échantillon québécois. Ainsi, bien que le soutien à l’apprentissage soit le domaine ayant le score le plus bas dans l’échantillon américain (Pianta, LaParo et al., 2008), ce n’est pas le cas dans les classes de la présente étude. Cette dissemblance résulte possiblement d’une variation du profil des enseignantes entre les deux échantillons. Les six enseignantes de l’échantillon québécois présentent un profil d’enseignantes motivées et soucieuses de leur formation continue, comme en témoigne leur engagement volontaire dans le présent projet. Par conséquent, on peut présumer le souci qu’elles ont d’emblée à vouloir soutenir l’apprentissage des enfants de leur classe par leurs interventions au quotidien, et l’intérêt qu’elles ont à chercher à mettre en place des contextes d’enseignement-apprentissage stimulants. Le contexte de la recherche peut également constituer un facteur explicatif. En effet, les conditions favorables de mise en œuvre de la recherche (échantillon de volontaires, dégagements prévus pour les activités de formation) ont probablement facilité l’investissement des enseignantes dans les interventions proposées, voire les ont incitées à faire preuve d’une plus grande ouverture à réfléchir à leurs pratiques éducatives. D’autre part, deux classes de l’échantillon québécois obtiennent un score plus élevé que l’échantillon américain pour deux autres dimensions : l’une pour le climat négatif et l’autre pour la productivité. Ces différences sont toutefois moins marquées et relèvent peut-être davantage de différences de profils au sein des classes de notre échantillon ou du contexte d’observation dont il sera question plus loin.

32Au-delà du score des enseignantes de l’échantillon québécois au T1, les résultats de la présente étude suggèrent que l’intervention a eu un impact sur deux des trois dimensions du soutien à l’apprentissage. Ainsi, à l’instar d’autres projets misant sur la formation continue d’enseignantes à l’aide du CLASS (p.ex. : Domitrovich, Moore & Greenberg, 2012), les enseignantes de cette étude présentent, à la fin de la formation continue, un profil caractérisé par l’augmentation de leurs scores pour les dimensions développement de concept (5 sur 6) et qualité de la rétroaction (4 sur 6). Ces performances laissent croire que les réflexions collectives réalisées à propos de l’importance du dialogue dans la classe ont pu contribuer à la mise en place, chez ces enseignantes, de situations d’interactions dialogiques en classe favorables à davantage de rétroactions et de discussions autour de ces dimensions. Aussi, ces résultats sont en lien avec les interventions mises en place pour le projet My Teaching Partner (MTP) qui offraient deux types de support aux enseignantes participantes. Pour le premier groupe, bénéficiant d’un faible support, des outils de formation en ligne incluant des extraits vidéo de pratiques exemplaires étaient offerts. Pour le second groupe, celui ayant un support plus important, on ajoutait aux extraits vidéo un consultant disponible pour une année. Les participants de ce deuxième groupe devaient également se filmer pour ensuite recevoir une rétroaction du consultant, incluant des questions visant à encourager des réflexions sur leurs pratiques, dans l’optique d’améliorer la qualité des interactions dans leurs classes respectives (Pianta, Mashburn, et al., 2008). Des analyses au moyen du CLASS démontrent que les enseignantes du projet MTP, ayant reçu une rétroaction sur leurs pratiques, ainsi que des questions suscitant des réflexions professionnelles, obtiennent comme l’échantillon de la présente recherche, des scores plus élevés aux dimensions développement de concept et qualité de la rétroaction (Domitrovich et al., 2012). Ainsi, tout comme pour la présente étude, l’accompagnement d’enseignantes par le dialogue pour le dialogue semble soutenir la mise en place de contextes laissant une place au dialogue et rendant possible des interactions dialogiques, à la base de la qualité d’un milieu éducatif.

33Dans le cas de cette étude, la formation proposée voulait soutenir le développement professionnel des enseignantes par le dialogue, tout en étant ancrée dans leur quotidien. La formation continue avait aussi pour but, indirectement, de préciser leurs connaissances sur les processus du développement socioémotionnel impliqués dans l’enseignement, l’apprentissage et la vie en groupe. Ces éléments demeurent encore trop souvent incompris (Resnick, 1994 ; Rogoff, 1990) et peu considérés en milieu éducatif. Pourtant, dans une perspective où l’éducation a pour finalité l’appropriation par l’enfant des règles sociales et des outils culturels et cognitifs de son environnement, les enseignantes apparaissent comme les principaux acteurs ou agents de médiation dans l’apprentissage et le développement du jeune enfant (Vygotski, 1997). Selon cette perspective, il relève de la pratique de l’enseignante d’offrir aux enfants des contextes diversifiés d’appropriation culturelle qui favorisent l’intériorisation des savoirs de l’expérience du monde par l’enfant (Bruner, 2008), en instaurant dans la classe une « communauté d’apprenants », où le dialogue adulte-enfant et enfant-enfant occupe une place importante (Bruner, 2008 ; Howe & Abedin, 2013 ; Nelson, 1996). Ce sont justement ces éléments que le contexte de formation mis en place dans cette étude visait à créer.

34En plus des changements significatifs entre le T1 et le T2 chez la majorité des classes de l’échantillon québécois, une variation de profil s’observe entre les six enseignantes. Elle peut s’expliquer par la sensibilité de l’outil aux contextes d’observation. Les activités prévues par l’enseignante au moment de l’observation peuvent avoir influencé le score obtenu pour les dimensions du CLASS. Par exemple, soucieuses de nous présenter des activités qu’elles avaient développées et intégrées dans leur pratique, elles ont souvent favorisé des activités dirigées, privilégiant ainsi davantage les monologues de l’enseignante plutôt que le dialogue, lors des moments d’observation. De même, durant l’accueil du matin et la routine y étant associée, l’enseignante gère la présentation du calendrier et la causerie, tout en veillant au bon déroulement entre les transitions (arrivée des enfants, sac à dos, tours de parole lors de la causerie, inscription aux ateliers, etc.). Lors de ces activités, l’enseignante assure une présence auprès du groupe entier (activité en grand groupe), ce qui ne lui permet pas d’interagir avec les enfants de manière plus individualisée. Ainsi, elle dirige davantage les actions des enfants lors des activités en grand groupe, en comparaison avec celles vécues en petits groupes, telles que durant le temps de jeu libre qui suit souvent la collation du matin. Il est donc plausible de penser que le niveau de qualité des interactions aurait été différent si une plus grande variété de contextes avait été observée dans les classes.

35Par ailleurs, la cristallisation potentielle des pratiques éducatives enseignantes doit être envisagée pour expliquer l’absence de changement dans les domaines soutien émotionnel et organisation de la classe. Une cristallisation des pratiques éducatives de l’enseignante pourrait faire obstacle à des changements significatifs dans son quotidien en classe, bien que le contexte de formation continue soit propice au développement professionnel (Lafortune et al., 2001).

36Aussi, la durée de la formation peut avoir eu une incidence sur les changements observés, ou non. Sur les cinq mois qu’a duré la formation, il n’a pas été possible d’offrir un accompagnement directement en classe et peu de rétroactions ont pu être fournies aux participantes. Normand & Derouet (2011) soutiennent que « la formation des enseignants doit s’opérer selon un processus continu et cyclique, parce que les enseignants ont besoin de deux à trois ans pour intégrer de nouvelles approches dans leurs pratiques pédagogiques » (p. 15). La formation proposée dans le cadre de cette étude n’était probablement pas suffisamment étalée dans le temps pour assurer des transformations de pratiques profondes sur l’ensemble des dimensions étudiées/évaluées par le CLASS, d’autant plus que les pratiques initiales étaient déjà, pour certaines dimensions, cohérentes avec certains des principes présentés, comme le révèle leurs scores au temps 1 (développement de concept et qualité de la rétroaction).

37On peut néanmoins penser que l’activité de formation continue proposée dans le cadre de cette étude a pu avoir un effet positif sur les changements de pratique des participantes, liés à des dimensions précises étudiées. En effet, elle tenait compte de certains facteurs reconnus comme favorables : (1) la formule proposée considérait l’expérience des enseignantes et suscitait une analyse réflexive sur leurs pratiques à partir de situations concrètes (2) elle permettait l’interaction entre collègues et privilégiait la confrontation de points de vue sous forme de discussion, et (3) la formule proposait la coélaboration de projets qui étaient ensuite immédiatement mis à l’épreuve en classe (Lafortune, et al., 2001). De plus, les fondements théoriques des objets d’étude étaient exposés aux participantes et des démonstrations étaient aussi faites par les animateurs, avant leur mise en pratique en milieu scolaire (Joyce & Shower, 2002).

38En somme, les résultats de la présente étude viennent appuyer plusieurs auteurs qui soulignent l’importance du dialogue et des interactions sociales en classe pour l’intériorisation des apprentissages par l’enfant, notamment en lien avec le développement langagier et l’émergence de l’écrit (Doyon & Ficher, 2010), le développement affectif et sociocognitif (Landry, 2014) ainsi que par certains contextes éducatifs tel que le jeu symbolique (Bodrova & Leong, 2011, 2012). Le but de cette étude laisse sous-entendre l’importance d’augmenter la qualité du contexte éducatif par la formation au dialogue pour y contribuer, et offre comme piste originale le recours au CLASS pour y parvenir.

39Cependant, les résultats observés soulèvent encore des interrogations sur le plan scientifique. Est-ce qu’une formation incluant des activités sur l’année entière, voire deux à trois années, aurait des effets différents ? Les effets observés dans le cadre de cette étude se maintiennent-ils dans le temps ? Outre l’impact sur les pratiques éducatives, quelles sont les répercussions réelles sur le développement de l’enfant ? Les futures recherches auraient donc intérêt à observer les enseignantes sur une année entière, en plus d’inclure un groupe témoin. Des prises de mesure plus espacées dans le temps permettraient de vérifier si les changements de pratiques éducatives perdurent dans le temps. De plus, l’ajout d’outils qualitatifs permettrait de dégager des pistes de réflexion à partir des expériences individuelles des enseignantes et ainsi d’étudier plus en profondeur, ou à tout le moins, de nuancer davantage les changements dans leurs pratiques.

40Enfin, l’ajout de mesures développementales préciserait les impacts de ces pratiques éducatives sur le développement de l’enfant.

Conclusion

41Les questions et recommandations soulevées dans la discussion expriment bien les limites qui demeurent quant aux connaissances fondamentales sur les changements de pratiques éducatives, notamment celles misant sur les interactions sociales et le dialogue en classe de maternelle 5 ans.

42Néanmoins, les effets présentés dans cet article permettent de considérer la formation continue au dialogue comme une piste d’intervention à retenir pour favoriser le développement global et harmonieux de l’enfant d’âge préscolaire. Conjointement avec le présent effort, de telles entreprises scientifiques sont encouragées puisqu’elles pourraient servir de base pour mieux outiller les enseignantes, ou futurs enseignantes, à recourir au dialogue en classe et ainsi contribuer à la réussite éducative des enfants dès leur entrée à l’école.