- 1 Après avoir siégé comme membres dans un précédent mandat. L’une d’entre nous a encore été membre du (...)
- 2 Par convention et par souci de concision, nous utilisons dans cet écrit le masculin pluriel pour dé (...)
- 3 Nous ne mentionnons pas systématiquement ici les nombreux et riches travaux portant sur les questio (...)
1En 2012, Baron et Rinaudo publiaient dans La revue française de pédagogie un article consacré aux « qualifiés de la section des Sciences de l’éducation du CNU de 2000 à 2009 ». Comme ces auteurs, tous deux membres de la 70e section du CNU (Conseil national des universités), nous avons nous-mêmes été membres du bureau de cette instance (l’un comme président, l’autre comme seconde vice-présidente1) pendant un mandat de quatre sessions de 2012 à 2015 et entendons dans le présent article poursuivre à nouveaux frais leur travail, et celui de leurs prédécesseurs, afin de contribuer à notre tour à « éclairer ce que sont les sciences de l’éducation » à partir d’une étude des productions doctorales et du devenir des docteurs2 « qualifiés » pour cette période. Parmi les prédécesseurs ayant abordé l’identité de la discipline sous l’angle particulier de la production doctorale3, le pionnier a indéniablement été Beillerot (1993, 1998), maître de conférences puis professeur à l’Université Paris X, qui s’est intéressé aux thèses soutenues en Sciences de l’éducation (instituées dans l’Université française avec cet intitulé et cette orthographe en 1967) d’abord pour une première période de vingt ans (entre 1969 et 1989) puis pour une durée de quatre ans, de 1990 à 1994. Parmi les travaux, inscrits dans la continuité de ceux de Beillerot et assurant la jonction avec les années 2000, mentionnons notamment les analyses de Marchat (1998), Leclercq (2008) et Feyfant (2005), de Macarie Florea, Rodriguez et Serbanescu-Lestrade (2010), chacune menée avec ses objectifs, sa méthodologie propre et mobilisant à cet effet des données spécifiques.
- 4 Cf. Amendement au projet de loi ESR présenté par M. Gattolin, Mmes Bouchoux, Blandin, Benbassa et l (...)
- 5 Les sections sont composées de 24 ou 36 membres titulaires. Entre 2012 et 2015, la 70e section comp (...)
- 6 Sur la base de listes syndicales ou, pour l’une d’entre elles, non syndicale, mais toutes développa (...)
2La procédure de qualification par le CNU est une exception française, souvent décriée, et même contestée dans son existence par certains politiques4 qui se déclarent partisans de recrutements directs par les établissements, à la manière américaine, au nom d’une vision concurrentielle, et tendanciellement – sinon ouvertement – privatisée de l’Université. Pour notre part, tout en ayant conscience que le système français de recrutement dans le supérieur n’est pas parfait et pourrait être amélioré, nous avons la conviction que le regard d’un groupe composé de collègues partageant une culture disciplinaire commune5, pour les deux tiers élus par l’ensemble de la communauté des enseignants-chercheurs6, pour un tiers nommés par le ministère, groupe renouvelable – et en grande partie effectivement renouvelé – tous les quatre ans, constitue une garantie démocratique et un gage de réduction de l’arbitraire dans les choix. Nous rappellerons plus loin en quoi consiste la procédure de qualification et sur quels critères elle a reposé en 70e section entre 2012 et 2015. Les « qualifiés » étant dès lors éligibles à des postes de maîtres de conférences, et constituant le vivier destiné à alimenter la vie scientifique de la discipline, l’examen de leurs productions doctorales initiales renseigne sur l’évolution des contours pris, au fil du temps, par une discipline reconnue comme structurellement plurielle et dessine une partie de son avenir proche.
3Les interrogations qui ont guidé la présente étude sur la base des informations que nous avons pu recueillir au cours de notre mandat peuvent être regroupées sous trois grandes questions :
-
quelle est la part des sciences de l’éducation proprement dites dans les qualifications opérées par la 70e section et quelles autres principales disciplines de soutenance apparaissent-elles ?
-
de quelles thématiques intradisciplinaires identifiables les productions doctorales propres aux sciences de l’éducation relèvent-elles ?
-
comment se présente la répartition territoriale des qualifiés de sciences de l’éducation et des autres disciplines de soutenance ? Repère-t-on des places dominantes ?
- 7 Suite à la loi 84-52 du 26 janvier 1984 dite « loi Savary », voir l’arrêté du 5 juillet 1984 relati (...)
- 8 Cf. supra note 2.
4Sur la période qui commence par l’institutionnalisation officielle des sciences de l’éducation à la fin de la décennie 1960 (Rogers et Laot, 2015), les données relatives aux thèses deviennent vraiment comparables avec celles d’aujourd’hui à partir de la deuxième moitié des années 1980 lorsque doctorat de troisième cycle et doctorat d’État sont supprimés au bénéfice d’un doctorat dès lors déclaré « unique », censé être plus approfondi que le premier nommé, mais moins mobilisateur sur une longue durée que le second7. Entre 1990 et 1994, sont ainsi recensées par Beillerot et Demori (1998) 373 thèses soutenues en sciences de l’éducation relevant du nouveau régime, soit une moyenne de 74 par an (mais avec d’importantes variations internes distinguant nettement 1991 et 1994 au bénéfice de cette dernière date). Ces thèses étaient soutenues sur le territoire dans 25 universités et au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), quatre universités (Paris 5, Paris 8, Strasbourg 2, Lyon 2) détenant alors à elles seules plus de 50 % de la production doctorale avec 198 doctorats uniques. Selon le recensement opéré par la cellule de Veille scientifique de l’Institut national de recherche pédagogique (INRP) et analysé par Annie Feyfant (2005), 1 065 thèses ont été soutenues en 70e section entre 1997 et 2005, soit une moyenne de 118 soutenances annuelles (avec là aussi des variations, l’étiage en dessous de la moyenne se situant en 2002, 2004, 2005), moyenne globalement en hausse par rapport à la période précédente. Ces chiffres se voient tendanciellement confirmés par Macarie Florea, Rodriguez et Serbanescu-Lestrade (2010) qui – relevant aussi la baisse de 2004 et notant une augmentation en 2007 – repèrent 646 thèses en sciences de l’éducation entre 2003 et 2008, pour une moyenne de 108 par an, et considèrent « la production des thèses en sciences de l’éducation comme stable ». Les auteures notent que, si la moyenne annuelle la plus importante de ces soutenances a toujours eu lieu dans une université de la région parisienne (11), la direction de thèses en 70e section concerne désormais 35 universités – ce qui nous permet, en rapport au chiffre précédent daté de 1994, de constater un élargissement notable du vivier de directeurs8 sur l’ensemble du territoire (cela pouvant être dû à l’effet de long terme constitué par l’appel à des professeurs de sciences de l’éducation nommés dans les Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) au cours des années 1990 et 2000).
5Dans une autre veine, Baron et Rinaudo (2012) qui centrent leur analyse sur le processus de qualification, constatent un nombre important de candidats se présentant au CNU de la 70e section, venus de disciplines autres. Ils repèrent 444 qualifiés ayant soutenu une thèse spécifiquement en sciences de l’éducation et représentant près de 50 % du total des qualifiés entre 2000 et 2009 (« proportion de qualifiés par discipline »). Si nous nous référons au nombre total de qualifiés (936), correspondant à un taux moyen annuel de qualification de 36 % pour un total de candidatures de 2 816, nous pouvons calculer que 1 830 personnes n’ont pas été qualifiées.
- 9 N.B. : les dénominations et les découpages universitaires ont pu changer depuis.
6L’analyse effectuée par les mêmes auteurs leur permet d’identifier les principaux foyers universitaires de production de qualifiés (par ordre décroissant, Paris 5, Toulouse 2, Paris-Ouest-Nanterre, Provence-Aix-Marseille 1, Paris 8, Bordeaux-Segalen, Lumière Lyon 2)9 correspondant aux universités abritant des départements de sciences de l’éducation, sièges des soutenances. Ils soulignent l’importance conservée par l’ensemble des établissements de la région parisienne, très loin devant, en cumul des thèses soutenues au cours de la période étudiée. Pour la totalité des qualifiés (toutes disciplines confondues), les femmes sont majoritaires à 56 %, ce qui confirme l’enquête par questionnaire menée auprès des doctorants en sciences de l’éducation publiée par Leclercq en 2008 (58 % de femmes), renversant la tendance observée jadis par Beillerot (1993) (55, 3 % d’hommes pour le début des années 1990). L’âge moyen des qualifiés se situe à 41 ans, sachant qu’un peu plus de la moitié (54 %) sont qualifiés dans l’année qui suit leur soutenance, 23 % l’étant dans les deux ans. Enfin, sur les 936 qualifiés (provenant à 50 % des sciences de l’éducation), Baron et Rinaudo (2012) ont pu déterminer que 47 % d’entre eux (n = 440) sont devenus enseignants-chercheurs.
- 10 À la période considérée (2012-2015), la majorité des universités délivraient encore trois types de (...)
- 11 AERES : Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, créée en 2006. Devenue (...)
7En plus des dispositions obligatoires édictées par le ministère, communes à toutes les sections pour la constitution conforme du dossier de qualification à la fonction de maître de conférences, la 70e section prodigue, à partir de cette base, ses propres exigences, conseils et recommandations adressés aux candidats, actualisés chaque année sur son site. Au titre des exigences, l’obtention d’une thèse récente doit être accompagnée d’au moins un article publié (ou attesté) dans une revue scientifique à comité de lecture. L’évaluation de la thèse, telle que reflétée par la mention décernée10 et surtout par le rapport de soutenance, joue un rôle essentiel dans l’appréciation du dossier ; si elle n’exclut pas la lecture d’au moins certaines parties du mémoire de doctorat qui doit être joint, il ne saurait être question, pour les deux membres du CNU désignés pour instruire l’examen du dossier, de se substituer au jury de collègues qui s’est déjà prononcé (mais de s’intéresser au contenu scientifique de l’écrit). Quant aux publications (généralement articles, à ce stade de la carrière d’un chercheur), la qualité de la revue d’accueil – validée dans une liste établie conjointement par la section CNU et le comité AERES correspondant11, révisée et élargie annuellement – tient une place importante sans dispenser non plus les évaluateurs de la lecture des textes fournis.
- 12 Modalités et critères d’appréciation des dossiers de qualification de la 70e section du Conseil nat (...)
- 13 Cf. supra note 12.
8Dans le langage vernaculaire de la section, on parle de « badges » requis pour envisager de passer le cap de la qualification, étant entendu que celui-ci ne procède pas d’un déclenchement automatique qui pourrait être géré par un quelconque logiciel, mais relève de la décision d’un groupe humain divers (pouvant donc recéler des différences de sensibilité internes mais fondamentalement attentif à un équilibre entre ce qui a pu être appelé « seuil » et « configuration »). Cela renvoie à l’idée qu’il y a une base indispensable quantitativement appréciée (un seuil en deçà duquel la qualification n’est pas envisageable, mais à partir duquel elle est probable à la condition d’une inscription claire dans la culture des sciences de l’éducation) en relation avec la configuration d’ensemble du dossier qui fait l’objet d’une approche qualitative. Cette dialectique entre le quantitatif minimal et le qualitatif se traduit par une formulation telle que : les critères communs d’appréciation d’un dossier « orientent l’avis [des rapporteurs], tout en étant interprétés de manière souple au regard de l’ensemble du dossier, car selon les cas, tel ou tel critère peut venir compenser ou rééquilibrer tel autre, permettant une évaluation à la fois précise et souple »12. Dans l’analyse de la configuration d’un dossier, sont notamment pris en compte les aspects concernant la socialisation dans le milieu, l’implication dans des revues et manifestations qui relèvent des sciences de l’éducation, les efforts accomplis dans le sens de la communication des travaux scientifiques à des publics élargis, la dimension internationale, etc. L’absence de validation des deux premiers aspects qui viennent d’être mentionnés peut expliquer que certains dossiers scientifiquement de qualité, en provenance d’autres disciplines (chaque année, c’est le cas d’environ 50 % des dossiers présentés en 70e section), n’ont pas été retenus, notamment entre 2012 et 2015, dans la mesure où ils sont apparus comme des dossiers de demande de qualification opportuniste, susceptibles d’instrumentaliser la discipline sollicitée, donc sans véritable intérêt intellectuel pour celle-ci. Ainsi, « deux malentendus constituent régulièrement un obstacle à la qualification : lorsque le dossier place les Sciences de l’éducation en tant que “secteur professionnel” dans le domaine de la pédagogie ou de l’intervention sociale ; lorsqu’il les place en tant que “champ de recherche” support des travaux des autres disciplines en matière d’éducation et de formation »13.
9Pour chaque campagne de qualification aux fonctions de maître de conférences, le bureau composé de quatre membres (président, vice-président, second vice-président, assesseur) dispose d’un fichier généré par le site ministériel « Galaxie-Conseil national des universités » à partir des déclarations de candidatures comprenant notamment noms et prénoms, date de naissance, sexe, titre de la thèse, date et lieu de soutenance.
10Lors du déroulement de chaque session (généralement sur cinq jours pour la session Maîtres de conférences [MCF]), la seconde vice-présidente a effectué en séance une prise de notes à partir des présentations faites par les rapporteurs de chaque dossier recevable : discipline de soutenance, objet de recherche de la thèse, laboratoire d’appartenance, enseignements, publications et participations scientifiques, éventuels autres éléments. Une colonne « résultats de qualification » est ajoutée : qualifié, non qualifié.
11À chaque campagne, des statistiques globales à partir du nombre de dossiers recevables sont réalisées pour les candidats qualifiés et ceux non qualifiés en tenant compte des variables : sexe, âge et discipline de soutenance.
12Pour étudier les productions doctorales 2012-2015 en lien avec notre questionnement, par campagne de qualification, une base de données a été constituée de huit « champs informatiques » (ou entrées) : nom et prénom du candidat, sexe, date de naissance, qualifié / non qualifié, discipline de soutenance, thématique de rapprochement disciplinaire, objet de recherche, date et lieu de soutenance, renseignements importés soit du fichier « site ministériel » soit du fichier « notes prises en session ».
- 14 Pour chaque regroupement, les données sont extraites par des requêtes SQL (Langage informatique per (...)
13Le traitement non nominatif de ces données par campagne de qualification a donné lieu à des « regroupements »14, distinguant le nombre de qualifiés et le nombre de non qualifiés :
-
regroupement 1 : disciplines de soutenance et place des sciences de l’éducation proprement dites ;
-
regroupement 2 : thématiques de recherche à l’intérieur des sciences de l’éducation ;
-
regroupement 3 : pour les qualifiés issus de sciences de l’éducation et d’autres disciplines : lieux de soutenance.
14Enfin, dans le cadre de cet article, une dernière approche (dont la méthode sera précisée) a consisté à envisager le devenir des docteurs qualifiés qui ont obtenu un poste d’enseignant-chercheur titulaire à l’université.
- 15 Le lecteur se reportera aux tableaux en annexes pour prendre connaissance des données annuelles.
15Au cours de la période 2012-2015, 1440 dossiers ont été adressés à la section et 1109 ont été déclarés recevables au vu de leur conformité aux exigences administratives officielles15. Le calcul des qualifications se faisant relativement au nombre de dossiers recevables, le nombre total de qualifiés de la période s’élève à 443, soit une moyenne de 40,2 % de taux de qualification. (cf. Annexe 1).
16La tendance à la féminisation des candidatures MCF observée précédemment se confirme : toutes disciplines confondues, le pourcentage de dossiers examinés émanant de femmes est de 60, 9 % ; sur le total des candidats qualifiés, ce pourcentage est de 56,9 % ; enfin, sur les seuls qualifiés issus des sciences de l’éducation, il atteint 55,6 % (cf. Annexe 2).
17En termes d’âge (cf. Annexe 3), pour l’ensemble des candidatures traitées, l’âge moyen est de 41,7, les candidates femmes étant légèrement plus jeunes (40,8) ; il en va tendanciellement de même pour l’ensemble des candidats qualifiés. Quant aux qualifiés strictement issus des sciences de l’éducation, les femmes sont aussi un peu plus jeunes en moyenne (42,7) que les hommes (43,7), la différence étant particulièrement marquée en 2012. Cet âge moyen de qualification se situant au début de la quarantaine (pour les femmes comme pour les hommes), base pour un recrutement éventuel en qualité de MCF, témoigne sans surprise qu’en 70e section, en matière d’études doctorales, nous avons beaucoup affaire à des reprises d’études de personnes ayant déjà eu une expérience professionnelle (notamment personnels du ministère de l’Éducation, quoique pas seulement), par différence avec d’autres disciplines particulièrement en sciences dites exactes où soutenances de thèse, qualifications et recrutements ont lieu plus jeunes.
- 16 C’est-à-dire entre la fourchette basse des 108 calculées par Macarie Florea, Rodriguez et Serbanesc (...)
18Entre 2012 et 2015, selon notre regroupement 1 (cf. Annexe 4), la prépondérance des dossiers directement issus des sciences de l’éducation, a eu tendance à s’amplifier parmi l’ensemble des qualifiés (259 sur un ensemble de 443), soit 58,4 %. Cette politique de qualification valorise les dossiers clairement inscrits dans le domaine des sciences de l’éducation sans toutefois qu’elle conduise à se priver de candidatures extérieures quand celles-ci font la preuve de rapprochements réels avec les manifestations scientifiques et les revues caractéristiques de la 70e section. Sur cette période de quatre années, 464 dossiers recevables émanent des sciences de l’éducation stricto sensu (cf. Annexe 1). C’est cet ensemble de qualifiés et non qualifiés qui permet de se faire une idée approximative de la moyenne de production annuelle de thèses dans cette discipline, sous la réserve que cet ensemble inclut les demandes successivement effectuées (lorsque le dossier, n’ayant pas été qualifié une première fois, est présenté à nouveau parfois plusieurs années de suite) ainsi que les demandes de requalification (lorsque, après une première qualification valable quatre ans non suivie de recrutement, le candidat veut à nouveau pouvoir postuler pour les campagnes de postes MCF). En l’occurrence, la moyenne annuelle de dossiers soumis au CNU sur les quatre ans considérés étant de 116, la moyenne réelle des thèses soutenues se situe, compte tenu des remarques précédentes, à un peu plus de 100 thèses en sciences de l’éducation soutenues annuellement16.
19Pour les candidats qualifiés n’ayant pas soutenu leur doctorat en sciences de l’éducation, plusieurs disciplines extérieures s’imposent, parmi lesquelles avec parfois des variations annuelles sensibles et par ordre décroissant : sociologie (42 qualifiés, 9,48 %) ; psychologie (32, 7,22 %) ; STAPS (22, 4,96 %) ; sciences du langage (17, 3,84 %). Les autres disciplines identifiables à partir desquelles des dossiers ont été acheminés vers la section CNU des sciences de l’éducation sont : philosophie, histoire, langues et littérature, sciences politiques, sciences de l’information et de la communication, didactique des disciplines, linguistique, sciences économiques et de gestion, anthropologie, sciences cognitives et neurosciences, et d’autres de façon plus exceptionnelle comme arts, musicologie, physique, biologie (toutes correspondant à d’autres sections CNU). Rappelons que réglementairement, rien n’interdit à des docteurs ayant soutenu en sciences de l’éducation de soumettre, dans un mouvement inverse, leur dossier pour une qualification à une autre section du CNU.
20Un aspect important eu égard à notre angle de vue concerne la répartition des champs intradisciplinaires et des objets privilégiés dans les dossiers présentés à partir d’une appartenance aux sciences de l’éducation, que ces dossiers aient été qualifiés ou non. Cette approche, permise par notre regroupement 2 (cf. Annexe 5), renseigne en effet sur l’orientation des productions doctorales en 70e section entre 2012 et 2015 et leur tendance au cours des années qui ont précédé (la majeure part des dossiers se constituant sur la base de thèses nouvellement soutenues).
21La catégorisation retenue dans cette partie de l’analyse s’appuie sur la liste des champs et des domaines disciplinaires, reconnus en 70e section, auxquels des problématiques éducationnelles sont appliquées, soit par affectation explicite ou implicite de l’expression « de l’éducation », soit par l’emploi de substantifs référant en eux-mêmes à l’éducation (par exemple, pédagogie, didactique) :
Tableau 1.
Thématiques disciplinaires
|
Q
|
NQ
|
Totaux
|
% des 259 Q SE
|
Sociologie
|
57
|
41
|
98
|
22 %
|
Didactique des disciplines
|
57
|
40
|
97
|
22 %
|
Formation (adultes, professionnelle, enseignants, paramédicaux, expérientielle, formateurs)
|
39
|
33
|
72
|
15 %
|
Didactique professionnelle
|
19
|
18
|
37
|
7,33 %
|
Psychologie
|
17
|
11
|
28
|
6,56 %
|
TICE
|
12
|
9
|
21
|
4,63 %
|
Pédagogie
|
11
|
13
|
24
|
4,24 %
|
Histoire
|
10
|
1
|
11
|
3,86 %
|
Philosophie
|
9
|
11
|
20
|
3,47 %
|
Éducation à la santé
|
6
|
5
|
11
|
2,31 %
|
Anthropologie
|
4
|
2
|
6
|
1,54 %
|
Économie
|
3
|
2
|
5
|
1,15 %
|
Éducation thérapeutique
|
3
|
1
|
4
|
1,15 %
|
Enseignement
|
2
|
4
|
6
|
0,77 %
|
Psychanalyse et Approche clinique
|
2
|
1
|
3
|
0,77 %
|
Sciences du langage
|
2
|
3
|
5
|
0,77 %
|
STAPS
|
2
|
1
|
3
|
0,77 %
|
Développement durable
|
1
|
1
|
2
|
0,38 %
|
Éducation artistique Arts
|
1
|
1
|
2
|
0,38 %
|
Éducation comparée
|
1
|
4
|
5
|
0,38 %
|
Éducation familiale
|
1
|
2
|
3
|
0,38 %
|
22Si des variations annuelles sont repérables, il n’en reste pas moins que sur les 464 dossiers sciences de l’éducation traités, les principales thématiques disciplinaires se constituent autour d’un premier bloc (par ordre décroissant) : sociologie (98), didactiques des disciplines (97) et thématique de la formation (72). Puis, un bloc secondaire est constitué de thématiques disciplinaires comprenant entre 37 et 11 dossiers : didactique professionnelle (37), psychologie (28), TICE (21), pédagogie (24), philosophie (20), éducation à la santé (11). Ces deux blocs constituent un indicateur des orientations épistémiques des thèses soutenues sur la période en sciences de l’éducation. Signalons qu’il serait intéressant d’approfondir l’analyse avec les données relatives aux titres et aux objets de recherche.
23Par ailleurs, une focalisation plus particulière sur les seuls qualifiés permet de se faire une idée d’évolutions possibles de la discipline dans la mesure où un certain nombre de ceux-ci sera recruté sur des postes de MCF, dans une proportion qu’il est impossible d’anticiper (le nombre et le profil des postes proposés par les universités ne pouvant être connus avant leur publication). Il se dégage ainsi 57 qualifiés pour sociologie, 57 pour didactiques des disciplines et 39 pour « formation ». Comment prospecter ces évolutions à partir de l’adéquation entre les profils des postes et les principales thématiques disciplinaires des qualifiés ?
- 17 Le lecteur trouvera en annexe 7 la répartition concernant les 184 qualifiés provenant d’autres disc (...)
24Le regroupement 3 (cf. Annexe 6) de nos données permet d’accéder à une vision de la manière dont se sont répartis sur les territoires les qualifiés en 70e section, et de procéder à des comparaisons avec les périodes précédentes. Nous nous concentrons ici sur les qualifiés MCF directement issus d’un département universitaire préparant à un doctorat « sciences de l’éducation »17 :
Tableau 2.
Sciences de l’éducation 259 Q
|
Lieux de soutenance
|
Nb thèses
|
|
AIX MARSEILLE
|
24
|
|
AMIENS
|
3
|
|
BORDEAUX
|
10
|
|
BOURGOGNE
|
7
|
|
BREST
|
2
|
|
CAEN
|
6
|
|
CERGY PONTOISE
|
2
|
|
CLERMONT-FERRAND
|
6
|
|
GRENOBLE
|
6
|
|
LA RÉUNION
|
1
|
|
LILLE 3
|
8
|
|
LIMOGES
|
1
|
|
LORRAINE
|
6
|
|
LYON
|
16
|
|
MONTPELLIER
|
6
|
|
MULHOUSE
|
1
|
|
NANTES
|
9
|
|
PARIS 1
|
2
|
|
PARIS 10
|
20
|
|
PARIS 12
|
1
|
|
PARIS 13
|
8
|
|
PARIS 5
|
15
|
|
PARIS 7
|
1
|
|
PARIS 8
|
22
|
|
PARIS CNAM
|
4
|
|
PARIS Institut d’études politiques de Paris
|
1
|
|
PARIS Saclay ENS
|
4
|
|
REIMS
|
3
|
|
RENNES
|
9
|
|
ROUEN
|
7
|
|
SAINT-ÉTIENNE
|
3
|
|
STRASBOURG
|
7
|
|
TOULOUSE
|
21
|
|
TOURS
|
2
|
Hors France
|
BELGIQUE
|
BRUXELLES
|
1
|
|
LIÈGE
|
1
|
|
LOUVAIN
|
1
|
|
MONS
|
4
|
SUISSE
|
FRIBOURG
|
1
|
|
GENÈVE
|
2
|
|
LAUSANNE
|
2
|
ROYAUME-UNI
|
LONDRES
|
1
|
ITALIE
|
TURIN
|
1
|
RUSSIE
|
MOSCOU
|
1
|
- 18 Il faut prendre en compte le fait que les statistiques antérieures sont muettes sur les universités (...)
25Le nombre de foyers universitaires nationaux produisant des thèses en sciences de l’éducation apparaît stable : 34 (pour 35 repérés à la période antérieure 2003-2008 par Maceria Florea, Rodriguez et Serbanescu-Lestrade, 2010). La nouveauté tient à la présence dans cette statistique d’universités étrangères, principalement francophones (7 qualifiés venant de Belgique avec prééminence de Mons-en-Hainaut, 4 qualifiés, et 5 qualifiés étant en provenance de Suisse), mais aussi non francophones (Londres, Turin et Moscou comptant chacune un qualifié). Le total de centres de production de thèses en sciences de l’éducation s’élève donc pour 2012-2015 à 44, les 10 universités étrangères impliquées témoignant autant l’intérêt manifesté par les docteurs étrangers pour une carrière dans l’enseignement supérieur français qu’une ouverture accrue du CNU de la 70e section à ces candidatures extérieures18.
- 19 Lyon + Grenoble = 22. L’Auvergne ne faisait pas encore partie du regroupement régional.
- 20 Le Languedoc-Roussillon (Montpellier) étant distinct.
26Concernant la France, se produit une redistribution par rapport aux données précédentes élaborées et commentées par Baron et Rinaudo (2012). Par ordre décroissant : Aix-Marseille avec 24 thèses ayant donné lieu à qualification, devant Paris 8 (22), Toulouse (21), Paris-Ouest-Nanterre-La Défense (20), Lumière Lyon 2 (16) et Paris-Descartes (15). Le principal foyer reste néanmoins constitué par l’Ile-de-France rassemblant 81 qualifiés (Cergy-Pontoise inclus), soit presque un tiers de l’ensemble, devant Provence, Rhône-Alpes19 et Midi-Pyrénées20. Cela est conforme au plus grand nombre d’universités et d’établissements d’enseignement supérieur rassemblés et à la plus forte concentration d’étudiants sur un même territoire régional.
- 21 N.B. : pendant le mandat 2012-2015, ce document (permettant une analyse des recrutements des qualif (...)
27L’étude du devenir des docteurs « qualifiés » pour la période 2012-2015 se fonde sur l’extraction des noms des candidats qualifiés de chacune des campagnes à partir d’un fichier Excel et sur la comparaison avec le corps des MCF du fichier des enseignants-chercheurs sciences de l’éducation élaboré par le ministère en 2018 et mis à disposition du bureau CNU (au cours du mandat suivant, 2016-2019)21. Notre analyse se préoccupe ici d’abord des MCF qualifiés issus des sciences de l’éducation, puis des qualifiés issus des autres disciplines, dans la mesure où les deux catégories contribueront à façonner l’évolution des contours de la discipline dans les années à venir. Parmi les 259 docteurs issus des sciences de l’éducation « qualifiés » pour cette période, 65 ont été recrutés précisément en sciences de l’éducation :
Tableau 3
Régions
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Institutions
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Nb SE qualifiés recrutés
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Totaux
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Sud-Est
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Aix-Marseille Clermont-Ferrand Lyon 1 Lyon 2 Montpellier Nice Saint-Étienne
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3 1 2 1 3 1 2
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13
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Sud-Ouest
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Albi Bordeaux Limoges Toulouse
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1 2 1 3
|
7
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Nord-Est
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Dijon Lorraine Reims
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2 2 2
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6
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Nord
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Amiens Lille
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1 6
|
7
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Ouest
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Brest Caen Nantes Rennes Rouen
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1 4 2 2 3
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13
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Centre
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Orléans Poitiers Tours
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1 1 1
|
3
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Paris et région Parisienne
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Cergy-Pontoise Paris CNAM Paris 5 Paris 8 Paris 10 Paris 13 Suresnes
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3 1 1 3 2 1 2
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13
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Outre-Mer
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La Réunion
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2
|
2
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28Par ailleurs, pour les 184 candidatures qualifiées issues d’autres disciplines de soutenance (cf. Annexe 8), 20 docteurs qualifiés ont été recrutés sur des postes sciences de l’éducation dont 9 docteurs en sociologie, 3 en psychologie, et 2 en STAPS correspondant à trois des disciplines extérieures qui s’imposent particulièrement, comme cela a été montré ci-dessus.
- 22 Les autres sections CNU ayant sans doute des pratiques similaires, qu’il faudrait pouvoir analyser.
29La « qualification » ayant pour fin essentielle, sinon unique, de donner la possibilité de postuler un poste universitaire, 25 % du groupe des qualifiés directement issus des sciences de l’éducation (n = 259) ont donc obtenu un poste de maître de conférences dans cette discipline au cours des années qui ont suivi, tandis que, par rapport au groupe des qualifiés issus d’autres disciplines et sections CNU (n = 184), c’est le cas de seulement 10,8 % d’entre eux. Si l’on prend pour référence le total des qualifiés de la période 2012-2015 (n = 443), le ratio est très nettement à l’avantage des candidats ayant validé leur doctorat en sciences de l’éducation, ce qui est somme toute logique (la culture scientifique propre au champ constitué par la discipline correspondant à la section CNU étant un des éléments forts de repérage des candidatures sur la base de critères précis sans esprit de fermeture a priori22) : 13,7 % des docteurs sciences de l’éducation qualifiés en 70e section ont trouvé un poste dans cette discipline, alors que 4,5 % des candidats possédant un doctorat d’une autre discipline ont été dans ce cas.
30Comme toute approche fondée sur un certain nombre de questions initiales et une méthodologie appropriée présidant à la production de données statistiques, la nôtre apporte, pour la période 2012-2015, ses éclairages (permettant des comparaisons utiles avec les études qui l’ont précédée) et comporte ses parts d’ombre. En vue des travaux qui suivront, relativement à l’analyse des productions doctorales proprement dites et pour les périodes ultérieures, il faudrait pouvoir répondre finement à certaines autres interrogations, parmi lesquelles : est-il envisageable à partir des titres et des résumés de déterminer les objets de recherches des thèses en sciences de l’éducation et de repérer ainsi des évolutions significatives ? Est-il possible de dégager les motifs de non-qualification (évaluation de la thèse, manque d’articles à comité de lecture, place de la socialisation en sciences de l’éducation, autres motifs) ? Comment évolue la présence de docteurs d’universités étrangères, est-elle en augmentation, avec quelle diversité géographique ?
31Sur le fond et dans un débat d’ordre plus général, il peut être reproché à l’action du CNU d’incarner la « science normale », au sens de Thomas Kuhn (1972). Pour autant, et considérant que les « révolutions scientifiques » dues à des esprits particulièrement originaux sont tout de même très exceptionnelles, il nous semble qu’un collectif national pluriel, constitué de 24 membres et bientôt de 36, s’il ne saurait être à l’abri d’erreurs, reste mieux à même de se prononcer sans parti pris d’école théorique ou méthodologique étroit sur la qualité scientifique de dossiers doctoraux (soumis d’abord en vue de la qualification et non du recrutement), qu’une procédure qui serait d’emblée purement locale, donc plus soumise à des intérêts eux-mêmes resserrés.