1La source d’Ain Asserdoune se situe précisément à 1,4 km au sud de la ville de Béni Mellal, dans la région Béni Mellal-Khenifra (figure 1). Le massif karstique de l’Atlas de Béni Mellal, qui s’étage entre 500 m et 2 400 m d’altitude, alimente plusieurs sources dont la plus importante est celle d’Ain Asserdoune (Bouchaou et al, 1997). Son alimentation se fait par l’infiltration des eaux de pluie et de fonte des neiges à travers les fissures et les formes karstiques qui se sont développées sur les surfaces calcaires au cœur des anticlinaux (dolines, lapiés et avens) qui entourent son bassin d’alimentation et dont les principaux sont le jbel Tacemmit (2 248 m) et le jbel Ghnim (2 422 m) (figure 2). « Ain Asserdoune » est une source karstique avec un débit maximal qui atteint 2000 litres/s dans les périodes de hautes eaux. Elle se caractérise par une forte turbidité lors des premières pluies intenses de l’automne. Cette turbidité naturelle est aggravée par des facteurs anthropiques (déforestation et érosion des sols en amont), signe d’une perturbation du géosystème karstique de l’Atlas de Béni Mellal (El Khalki et Hafid, 2002).
Situation : centre du Maroc, au pied du Haut-Atlas, sur la commune de Béni Mellal.
Type de site : exogène
Protection : domaine public, aucune protection réglementaire
Particularité : source karstique au débit moyen de 1 460 l/s (débit maximal : 2 000 l/s).
Coordonnées : 32°19’33.1"N 6°20’11.9"O.
2L’évaluation de la dimension scientifique, socioculturelle, économique et géotouristique du géomorphosite « Ain Asserdoune » est basée sur une méthode d’inventaire et d’évaluation adaptée au contexte marocain (Ait Omar et al, 2019).
Figure 1. Vue générale du géomorphosite d’Ain Asserdoune
Photo Ait Omar, avril 2020.
Figure 2. Coupe hydrogéologique montrant les conditions d’émergence d’Ain Asserdoune, Béni Mellal (d’après El Khalki et Hafid, 2002).
3La source d’Ain Asserdoune possède une valeur scientifique importante. Elle est rare de par l’importance de son débit (jusqu’à 2000 l/s) unique dans la région. Elle est très représentative de la géomorphologie karstique de l’Atlas de Béni Mellal. Son intérêt paléogéographique est réel, reflété par son système travertineux qui témoigne de conditions climatiques et sédimentologiques différentes par le passé. En effet, durant le Quaternaire, les eaux sortant de cette source ont formé un barrage travertineux massif sur lequel la ville de Béni Mellal (Médina de Béni Mellal) a été construite. Ce barrage joue aujourd’hui un rôle de relais hydrogéologique entre l’aquifère karstique du Lias de l’Atlas et la nappe du Quaternaire. Cependant, ce géomorphosite d’Ain Asserdoune n’a pas conservé son état initial car il est fortement anthropisé et aménagé (canaux bétonnés, jardins, chutes d’eau artificielles) (figure 3). Son intérêt scientifique n’en demeure pas moins remarquable, car il est mentionné dans de nombreux travaux de recherche issus de différentes disciplines (géographie, géomorphologie, hydrogéologie, histoire) au niveau national et international (e.g., Bouchaou et al, 1997, 2002 ; El Khalki et Hafid, 2002).
Figure 3. Transformations du site au cours du temps. A : Le site en 1934, en travaux, avec sa chute d’eau artificielle. B : Le site en 2020, avec ses jardins et plantations (photo Ait Omar). 2002.
4La source d’Ain Asserdoune structure profondément le paysage socioculturel de la ville de Béni Mellal depuis l’Antiquité. La gestion de l’eau d’irrigation est régie par des règles coutumières appliquées par les tribus locales (figure 4A). Elle est dominée par le fameux « Ksar d’Ain Asserdoune » qui a été construit pour la protéger contre les ennemis qui venaient de la montagne (conflits historiques entre les tribus d’Ait Soukhmane et les Mellaliens). Culturellement, elle est associée à la « légende de l’homme au mulet » (Bahi, 2011) et elle est décrite par le poète Hajj Hamadi Mallouk dans son livre La mémoire de Béni Mellal : « La belle source d’Asserdoune, arrose-moi de tes eaux ; Sous les montagnes qui jaillissent, Gloire à la fraîcheur de ton eau… ». Elle est aussi représentée dans des peintures (figure 4B) et des chansons. Son importance esthétique est marquée par un contraste de couleurs entre l’eau, les arboricultures (oliviers, figuiers), la flore sauvage (Pin d’Alep, Euphorbe résinifère), la roche affleurante et le sol. Sa valeur iconographique est forte (137 photos recensées sur Google Earth et Google Map en 2019, soit plus de 60 % des prises photographiques publiées sur cette région ; Ait Omar et al, 2019b). D’après une enquête menée auprès de 400 personnes interrogées dans la région de Béni Mellal (habitants, visiteurs, élus, etc.), elle est le géomorphosite le plus connu et le plus cité (312/400 soit 78 % des interrogés).
Figure 4.Valeurs historiques et culturelles du géomorphosite d’Ain Asserdoune. A : Canal de distribution coutumière de l’eau d’irrigation (premier plan) et « Ksar » ou forteresse de Béni Mellal surplombant le site d’Ain Asserdoune (arrière-plan).
CC BY-SA 4.0. B : Peinture d’Ain Asserdoune par Abdelaziz Hannou (2015).
5Ce géomorphosite d’Ain Asserdoune offre également une valeur d’usage élevée car il contribue au développement agricole et à l’alimentation en eau potable de la ville de Béni Mellal. Deux complexes touristiques proposant divers services et activités de loisirs (restaurants, piscines, jeux pour enfants, etc.) ont été créés près du site (figure 5). Ce dernier est facilement accessible par les transports publics et la voiture (parkings à proximité immédiate du site).
Figure 5. Complexe touristique implanté à quelques centaines de mètres du site d’Ain Asserdoune
Photo Ait Omar, mars 2021.
6Le fonctionnement naturel de la source d’Ain Asserdoune est perturbé par des dégradations anthropiques liées notamment à la déforestation (déboisement et extension agricole à l’amont, sur les versants montagneux de l’Atlas) (El Khalki et Hafid, 2002). Par ailleurs, la forte attractivité touristique (tourisme de masse, surtout en été) et les activités informelles autour du site génèrent des pollutions diverses (déchets solides, dépôts d’ordures). Pour assurer sa durabilité et son attractivité géotouristique, nous proposons les actions suivantes : i) reboiser l’amont de la source, ii) maitriser les flux des visiteurs, surtout en été, iii) organiser et maîtriser le commerce informel, iv) mener des actions de médiation géoscientifique, v) construire un musée de l’environnement et de la culture d’Ain Asserdoune (figure 6).
Figure 6. Projet de musée du patrimoine local
Conseil Régional Béni Mellal - Khenifra 2021. Photo Ait Omar, mars 2021.