Ce travail bénéficie du cofinancement de l’Union européenne dans le cadre du fonds FEDER (Fonds européen de développement régional) et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

Introduction

1L’extinction massive des espèces est un des enjeux majeurs de nos sociétés contemporaines. Si l’étude des relations entre l’homme et la nature a été très investie dans le champ scientifique en anthropologie comme en géographie, il existe cependant encore peu de travaux sur la façon dont cette relation a été construite en tant que problème public par l’apparition et la diffusion du terme de biodiversité dans la société (Mauz et Granjou, 2010). Si on regarde plus précisément la relation biodiversité-agriculture en tant que problème public, les travaux sont encore moins nombreux, bien que l’agriculture soit souvent citée comme un des facteurs responsables de la fragmentation des habitats. Aborder cette question par la notion de problème public (Dewey et Zask, 2010 ; Cefaï, 2016) permet d’enrichir les approches géographiques et politiques sur les nouveaux objets et espaces de la biodiversité. Dans l’analyse de la construction de la relation entre agriculture et biodiversité en problème public, une attention particulière est à porter sur les étapes de problématisation et de publicisation (Felstiner et al., 1991) pour questionner la diversité des contours de cette relation. Dans cet article, nous abordons le rôle de la presse quotidienne nationale et régionale dans la diffusion auprès du grand public des relations entre agriculture et biodiversité comme problème méritant d’être pris en compte. C’est à cette dimension de la presse dans la construction du problème public de la relation biodiversité-agriculture que nous nous intéressons. Nous l’analysons selon une double perspective : celle de la presse qui se fait écho des transformations de la nature et celle de la presse qui participe, avec d’autres, scientifiques comme associations de protection de la nature, à la construction d’un problème public. Nous prêtons une attention particulière à la diversité des formes de médiatisation des relations entre l’agriculture et la biodiversité que portent différents supports de presse. Cette diversité dépend à la fois de l’échelle, du national au régional, mais aussi des lieux, de l’urbain ou périurbain aux espaces de nature, en passant par les espaces ruraux et agricoles. Elle s’inscrit également dans le temps. Ces problématisations et publicisations diverses précèdent et souvent accompagnent les mises à l’agenda politique du problème et contribuent à l’évolution des objets et des échelles auxquels il fait référence.

2Le problème public de la biodiversité est complexe. Il est non circonscrit et ses acteurs, non définis a priori, se composent également d’êtres vivants non humains (Deuffic, 2012). Il est d’autant plus complexe que les normes qui le définissent évoluent rapidement. Ainsi, par la progressive construction des connaissances scientifiques (Arnould, 2006), la nature est devenue objet de protection. La création du mot « biodiversité » en 1986 marque un double tournant dans les recherches scientifiques et les politiques publiques (Fortier, 2009). Les espaces de nature ne sont plus excluants des activités humaines, et les questions de biodiversité se pensent à l’échelle globale comme locale. A la biodiversité remarquable, s’ajoute celle nuisible que l’agriculture productiviste et moderniste cherche à mettre à l’écart (Deverre et De Sainte Marie, 2008), puis la biodiversité ordinaire, celle qui n’est pas rare mais qui mérite néanmoins notre attention (Mougenot, 2003). Ces nouveaux objets, environnement et biodiversité, non seulement réinterrogent les relations entre le rural et la nature (Mathieu et Jolivet, 1989) mais ouvrent à d’autres espaces comme celui de la ville (Simon et Raymond, 2015), ou à d’autres concepts tels que les continuités écologiques (Mougenot et Melin, 2000). Ils incitent également à bousculer les frontières entre sciences et société comme cela est le cas dans les sciences participatives où amateurs et scientifiques travaillent ensemble à la production et à la diffusion de connaissances relatives à la biodiversité (Charvolin, 2019).

3La mise à l’agenda politique d’un problème dépend ainsi de facteurs multiples parmi lesquels les médias ont un rôle important (McCombs et Shaw, 1972 ; Hassenteufel, 2010). Pour saisir la complexité des dimensions normatives et cognitives du problème public de la biodiversité et de ses relations à l’agriculture, mais également leurs évolutions contemporaines, nous proposons ici de porter un regard nouveau sur la médiatisation de la relation agriculture et biodiversité en analysant les contenus de la presse nationale et régionale sur ce sujet.

Histoire et géographie du problème public de la biodiversité

L’émergence du problème scientifique et politique de la biodiversité

4La protection de la nature émerge dans le champ politique français au début du XIX^ème siècle en marge des préoccupations relatives à la protection du patrimoine culturel et à la sauvegarde des sites remarquables (Lepart et Marty, 2006). La nature est alors considérée comme extérieure au monde des hommes et conférer des qualités naturelles à un territoire opère un découpage de l’espace (Alphandéry et Billaud, 1996). Les espaces de nature sont délimités, excluant, et les activités humaines, en particulier l’agriculture, y deviennent régulées. Une vision dichotomique entre une nature remarquable de valeur et une nature banale et ordinaire est véhiculée. Si la disparition des espèces inquiète depuis longtemps certains scientifiques (Carson, 1962), la création du terme « biodiversité » marque un tournant dans la mise à l’agenda politique de ces préoccupations.

5Après cette phase d’émergence du problème de disparition d’espèces, qui devient vite celui de l’érosion ou de la perte de la biodiversité, celui-ci est pris en charge scientifiquement puis politiquement à partir des années 1990 (Mauz et Granjou, 2010). Encourageant l’interdisciplinarité, la biodiversité devient le cœur de nombreuses recherches, et aux travaux d’évaluation (Jollivet, 2001 ; Millennium Ecosystem Assessment, 2005) s’ajoutent des actions politiques comme la ratification de la Convention sur la Diversité Biologique en 1994, l’adoption de la Directive Habitat à l’échelle européenne en 1992 ou la conférence internationale de Paris sur la biodiversité en 2005. C’est dans ce contexte que les normes d’efficacité productiviste de l’agriculture se trouvent bousculées par l’intégration d’une politique agri-environnementale au sein de la politique agricole commune de 1992 (Alphandéry et Billaud, 1996). En parallèle, la conception des espaces protégés se modifie également et s’éloigne d’une vision sanctuarisée où les activités humaines ne sont pas souhaitées pour aller vers une approche plus intégrative (Therville, 2013), en témoignent les outils tels que les parcs naturels régionaux ou le réseau Natura 2000 qui cherchent à intégrer les acteurs du monde agricole dans l’élaboration des mesures de gestion (Pinton et al., 2006).

6Ce déplacement du concept de nature vers celui de biodiversité a été favorisé par le contexte de mondialisation et de globalisation des enjeux écologiques du milieu des années 2000. La conservation de la biodiversité se transnationalise et se mondialise, laissant émerger la notion de biodiversité mondiale (Rodary, 2015). Au-delà de révéler cette internationalisation, la création en 2010 de l’International platform for biodiversity and ecosystem services (IPBES), surnommé le GIEC de la biodiversité, participe à une extension de la prise en charge du problème de l’érosion de la biodiversité dans une volonté d’améliorer l’interface science-politique (Charvolin et Olivier, 2017). De même, l’association de plus en plus fréquente de la biodiversité aux services écosystémiques témoigne d’un déplacement dans lequel la biodiversité devient davantage une préoccupation commune de l’humanité qu’un patrimoine, s’ouvrant ainsi à une possible appropriation et marchandisation (Simon, 2006) et donc à une extension des limites données au problème de l’érosion de la biodiversité.

La biodiversité au prisme d’une géographie de la médiatisation

7Aujourd’hui, le problème public de la biodiversité ne cesse d’évoluer, et les relations qu’il entretient avec l’agriculture se modifient. Les différents groupes d’acteurs se confrontent au sein d’arènes publiques et participent à la définition des dimensions normatives de l’opinion publique. Parmi ces arènes publiques, la scène médiatique joue un rôle majeur dans la mise à l’agenda des questions relatives à la biodiversité. Notre objectif ici est d’enrichir la dimension humaine de la géographie de la conservation (Mathevet et Godet, 2015) par une géographie de la médiatisation des relations entre biodiversité et agriculture au cours de la période récente afin de mettre en lumière une différenciation spatiale et temporelle de la relation homme-nature. Pour développer cette géographie de la médiatisation nous nous appuyons sur deux concepts, celui de relation homme-nature et celui de construction d’un problème public.

8Si le concept de relation homme-nature est un champ fortement investi en anthropologie (Descola, 2005), il est aussi un « paradigme originel » de la géographie (Mathieu, 1992) qui renvoie à une grande diversité d’approches et de positions. Comme les anthropologues, certains géographes privilégient des approches centrées sur les représentations et les systèmes de valeurs pour expliquer le comportement des hommes et des sociétés face à leur milieu naturel. D’autres s’intéressent à la matérialité de cette relation, aux modalités et aux conséquences des interventions humaines sur le milieu naturel (Marsh et Lowenthal, 1865). Notre approche de la médiatisation de la relation biodiversité-agriculture nous situe dans une position intermédiaire, la médiatisation renvoyant à la fois à la matérialité des phénomènes et aux représentations qui en sont données. Ensuite, la démarche géographique nous invite à considérer l’espace, pour articuler des échelles différentes comme pour saisir les différenciations entre les lieux et les espaces.

9Le second concept, la construction d’un problème public, est moins habituelle en géographie. Il a été emprunté à la sociologie (Neveu, 1999 ; Cefaï, 2016). Les travaux de plusieurs sociologues ont en effet montré que la mise à l’agenda politique d’une question est une construction sociale. Dans ce processus de mise en visibilité, une diversité d’acteurs est susceptible d’influer. Certains leaders d’opinion ou groupes de pression contribuent tout d’abord à la formulation du problème et font ensuite partie de ceux qui le relaient. La médiatisation a également un rôle considérable et a le pouvoir d’influencer l’agenda politique. Un phénomène médiatisé attirera plus facilement le regard des pouvoirs publics. C’est à ce rôle de la presse dans la construction du problème public de la relation biodiversité-agriculture que nous nous intéressons. Sans vouloir poser l’hypothèse unique et déterministe d’une relation entre médiatisation et mise à l’agenda politique, nous l’analysons selon une double perspective : celle de la presse qui se fait écho de phénomènes sociaux et celle de la presse qui participe à la construction d’un problème public. Notre apport comme géographe sera aussi notre regard attentif aux questions d’échelles et d’espaces.

Éléments de méthode

10Afin de mener cette étude multiscalaire, nous avons sélectionné sept journaux quotidiens nationaux français (Le Monde, Libération, La Croix, Les Échos, Le Figaro, L’Humanité, La Tribune) et un journal quotidien régional français (Le Progrès). Ce régional, fondé en 1859 et diffusé en partie sur la région Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté, possède plusieurs éditions locales pour les départements de l’Ain, du Jura, de la Haute-Loire, de la Loire et du Rhône. Sa zone de couverture, allant du massif du Jura aux portes de celui du Massif-Central, concerne tout autant la dynamique urbaine de Lyon, deuxième métropole française, les espaces naturels du Pilat et du Jura, que les plaines agricoles du Forez ou de la Bresse. Ce journal couvre ainsi une diversité de paysages et de territoires qu’il convient de mobiliser dans l’approche de la complexité des relations homme-nature En comparaison avec la presse nationale, il permet d’analyser une autre échelle de médiatisation de la biodiversité et de l’agriculture.

11En isolant les articles édités entre 1999 et 2017 comprenant à la fois les mots « biodiversité » et « agriculture » ou « agriculteur » depuis la base de données Europresse, nous obtenons un corpus de 1344 articles pour le journal Le Progrès et 2547 articles pour la presse nationale. Cette plage temporelle a été définie au vu de l’utilisation du terme « biodiversité ». Celui-ci supplante en effet le terme de « diversité biologique » à partir des années 1990 dans la presse française nationale (Chandelier et al., 2020). Nous analysons ce corpus avec le logiciel IRaMuTeQ (Ratinaud et Déjean, 2009) utilisant la méthode ALCESTE (Reinert, 1990). Nous avons recensé le nombre d’articles par année et distingué les mots caractéristiques de chaque année afin de mettre en lumière les évolutions temporelles. Nous avons ensuite mené une analyse des thèmes dominants grâce à une classification textuelle des articles selon les mots qui les composent. Seuls 1184 articles du journal Le Progrès et 2390 articles du corpus national ont pu être classés par le logiciel. Afin de saisir les tendances et les évolutions de la médiatisation, nous avons analysé les relations entre les thèmes identifiés et les années à l’aide d’un test du X². La complexité du problème de la biodiversité se décline à différents niveaux, et il apparait donc essentiel de questionner les relations entre les différentes échelles dans la publicisation et la problématisation du problème. Nous avons ainsi mené un recensement des espaces associés à un thème d’articles. Cette dernière analyse repose sur un test du Χ² entre les espaces et les thèmes d’articles (nous avons sélectionné les relations espace-thème où Χ²>6,63). Au vu de l’ambigüité entre certains noms propres mais également entre certains noms propres et communs créée par la lemmatisation, certaines zones n’ont pas pu être analysées. C’est le cas de la région Bretagne, des départements de la Loire, Haute-Loire, Loire-Atlantique, Rhône, Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne, Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne, Tarn, Landes, Nord, Seine-Maritime, Seine et Marne, Haute-Seine, Seine-Saint-Denis, Savoie, Haute-Savoie, Corse.

Les contours du problème public de la biodiversité se redessinent avec l’agriculture

Biodiversité et agriculture forment un problème public majeur du XXI^e siècle

12La médiatisation croissante depuis le début du XXI^ème siècle du problème public de la biodiversité et de ses relations avec l’agriculture montre l’importance qu’a pris l’enjeu agricole dans la sixième crise d’extinction massive des espèces. Entre 1999 et 2017, les journaux nationaux ont augmenté le nombre d’articles qu’ils consacrent à la biodiversité et à l’agriculture (figure 1) passant en moyenne de 8,57 articles par journal et par an en 1999 à 26,57 en 2017. Le journal Le Monde en particulier est celui qui propose le nombre le plus élevé d’articles sur la grande majorité des années, suivi par le journal Libération. Cette augmentation du nombre d’articles traduit une volonté éditoriale se matérialisant par la création d’une rubrique quotidienne dédiée à l’environnement portée par une équipe de journalistes, respectivement sept pour Le Monde et neuf pour Libération (Comby, 2009).

13De même, les différentes éditions locales du journal régional Le Progrès montrent une augmentation quasi-linéaire du nombre d’articles concernant la biodiversité et l’agriculture entre 1999 et 2017 (figure 2). Cette évolution, similaire dans les différentes éditions, renvoie à une ligne éditoriale commune définie à l’échelle régionale du journal. Si les éditions locales affichent en moyenne un seul article en 1999, ce nombre est en moyenne de 20,4 en 2017, marquant une croissance plus marquée que pour la presse nationale. Cette évolution relève d’une volonté de prise en charge du problème de la biodiversité et de l’agriculture davantage marquée dans la presse locale étudiée.

Une relation biodiversité-agriculture aux multiples facettes

15Les contours d’un problème public ne sont pas immuables, ils se modifient selon les acteurs qui s’en saisissent et au fur et à mesure des échanges et discussions. Catégoriser les articles de presse selon les mots qui les composent permet d’identifier le poids de chacune des figures médiatiques que prend la relation biodiversité-agriculture, et de repérer selon quelles normes ou valeurs elle est qualifiée (tableau 1). La presse présente de multiples facettes de cette relation, mélangeant les domaines, les acteurs et les objets. La biodiversité transcende ainsi les visions sectorielles car elle s’associe avec les problématiques d’alimentation, d’éducation à l’environnement, de citoyenneté, d’innovation, de changements globaux et d’aménagement du territoire. La biodiversité se retrouve ainsi mise en perspective avec d’autres problématiques environnementales telle que le changement climatique, pouvant même dans certains contextes se retrouver en concurrence avec celui-ci (Legagneux et al., 2018).

16La presse nationale évoque en effet de nombreux thèmes relatifs à différents problèmes environnementaux globaux comme le réchauffement climatique ou la déforestation. Il est donc question dans ces articles des rencontres internationales, de leur tenue, déroulement et de leurs conséquences législatives. La presse nationale met en lumière le problème de l’érosion de la biodiversité dans ce système de problèmes, et l’agriculture fait partie des facteurs responsables de ce déclin : « Pas de phénomène naturel ou de chute de météorite pour expliquer cette grande extinction cette fois-ci. Le responsable ? L’être humain et ses activités. Les auteurs citent la dégradation de l’habitat (du fait de la déforestation ou de l’agriculture intensive), l’urbanisation, la surexploitation des espèces (via la chasse, la pêche et le braconnage), la pollution, les maladies mais aussi les effets du changement climatique » (Libération, 2017). En particulier, l’agriculture qualifiée d’intensive et les organismes génétiquement modifiés sont mis sur le banc des accusés. Il est question des effets néfastes de ces technologies sur les populations sauvages mais également sur la biodiversité domestique. Face à cela, l’agriculture biologique, soutenue politiquement par le Grenelle de l’environnement, s’impose dans la presse comme le modèle agricole, en opposition avec celui de l’agriculture intensive, capable de résoudre une partie du problème biodiversité-agriculture : « L’agriculture biologique a donc, en regard de l’agriculture conventionnelle, un impact très positif sur l’ensemble des composantes de l’environnement : qualité des eaux, fertilité des sols et préservation des autres aspects du milieu (biodiversité, ressources naturelles) » (Les Échos, 2002).

17Dans le journal régional, les articles abordent les réglementations issues des ministres ou du préfet, les mesures de conservation de la biodiversité mises en œuvre par les agriculteurs, les associations et les chasseurs, mais aussi les actions de sensibilisation où associations et scientifiques s’expriment face à un public familial ou scolaire. Les articles traitant d’éducation à l’environnement abordent de nombreuses actions locales permettant d’acquérir des connaissances via des expositions ou des conférences (sur la santé, les phytosanitaires ou la biodiversité comme facteur de production et de protection des cultures), mais permettant également de construire un lien entre l’homme et son environnement et en particulier entre le citoyen et l’agriculture à travers des journées dédiées à la nature ou à l’agriculture biologique. On retrouve également des articles sur les politiques d’aménagement où élus et collectivités prônent un développement durable de leur territoire. Il est aussi question d’alimentation où le consommateur et le producteur deviennent des acteurs « du maintien d’une agriculture de proximité respectueuse de l’environnement et de la biodiversité » (Edition Loire, Le Progrès, 2009) via en particulier les paniers des AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne). L’agriculture paysanne, dite favorable à la biodiversité et à la santé, véhicule une image positive de l’agriculture au travers de valeurs non plus seulement écologiques, mais également sociales. L’agriculture biologique, souvent mise en avant lors des manifestations d’éducation à l’environnement, est présentée également avec une forte valeur positive. De manière générale, l’agriculture n’apparait pas sous un jour négatif. Les zones humides par exemple, ces nouvelles vitrines de l’environnement (Sajaloli, 1996), sont décrites comme des « espaces longtemps préservés par l’agriculture » via la lutte contre la fermeture des milieux (Edition Loire, Le Progrès, 2015). De même, la stratégie Natura 2000 malgré la méfiance des agriculteurs sur ses contraintes, est présentée positivement comme « une manière de concilier plusieurs activités : préservation de l’eau potable, chasse, pêche, agriculture, loisirs, sports et évènements culturels » (Edition Rhône, Le Progrès, 2012). La presse régionale n’évoque pas l’impact négatif que peut avoir l’agriculture sur la biodiversité, occultant l’agriculture intensive au profit de l’agriculture biologique et paysanne, elle met davantage l’accent sur une valeur positive de l’agriculture et sur les synergies qu’elle peut entretenir avec différentes formes de biodiversité. Le journal régional étudié, le Progrès, met ainsi en lumière les initiatives qui se déroulent sur son territoire dans une rhétorique positive mettant de côté les limites de ces initiatives et outils pour se féliciter d’abord de leur existence.

Tableau 1 – Typologie des articles dans la presse nationale et régionale autour des questions de biodiversité et d’agriculture entre 1999 et 2017.

Presse régionale Le Progrès 1184 articles entre 1999 et 2017			Presse nationale Le Monde, Libération, Les Échos, La Croix, Le Figaro, L’Humanité, La Tribune 2390 articles entre 1999 et 2017
Thèmes d’articles (5) et mots caractéristiques	Nombre d’articles dans le thème		Thèmes d’articles (8) et mots caractéristiques	Nombre d’articles dans le thème
Stratégie de conservation de la biodiversité humide ; Natura 2000 ; haie ; prairie ; zone ; agriculteur ; chasse ; parcelle...	278 (23,5 %)		Politiques nationales, européennes et controverses ministre ; député ; dossier ; socialiste ; voter ; assemblée ; commission ; Notre-Dame-des-Landes ; conseil...	371 (15,5 %)
Éducation à l’environnement exposition ; conférence ; dégustation ; atelier ; découvrir ; animation ; fête ; enfant...	256 (21,6 %)		Alimentation vin ; potager ; goût ; bio ; légume ; jardin ; cuisine ; cuisinier ; vigneron ; salon ; fromage ; ferme...	354 (14,8 %)
Aménagement du territoire urbanisme ; développement ; territorial ; projet ; PLU ; durable ; plan ; élu...	237 (20 %)		Changements globaux déforestation ; croissance ; atmosphère ; tropical ; forêt ; climatique ; Chine ; démographie...	291 (12,2 %)
Politique nationale et réglementation gouvernement ; ministre ; dégât ; loup ; préfet ; ONG ; sanglier...	221 (18,7 %)		Politiques internationales et démocratie mondialisation ; OMC ; Johannesburg ; social ; citoyen ; sommet ; conférence ; Rio ; capitalisme...	290 (12,1 %)
Agriculture paysanne et système alimentaire variété ; paysan ; biologique ; semence ; AMAP ; produire ; consommateur ; producteur...	192 (16,2 %)		Innovations agriculturales et OGM semence ; colza ; INRA ; plante ; génétique ; gène ; maïs ; insecticide...	286 (12 %)
			Érosion de la biodiversité espèce ; extinction ; mammifère ; UICN ; conservation ; invasif ; menacer ; écosystème...	275 (11,5 %)
			Grenelle de l’environnement Grenelle ; taxe ; fiscalité ; transport ; bâtiment ; énergie ; rénovation ; trame ; fiscal ; loi...	264 (11,1 %)
			Conflits locaux autour d’espèces touriste ; troupeau ; village ; mètre ; parc ; bête ; touristique ; loup ; chasse...	259 (10,8%)

 La construction de la relation biodiversité-agriculture en problème public dans la presse

18La construction du problème biodiversité-agriculture dans la presse varie selon les journaux. Certains journaux nationaux proposent une diversité d’angles d’approche du problème en abordant plusieurs thèmes comme Le Monde, Libération, Le Figaro et La Tribune (figure 4). Si Libération ou La Tribune ne mettent pas fortement en avant un thème, Le Monde et Le Figaro sont davantage tournés vers les articles faisant émerger le problème de l’érosion de la biodiversité et des changements globaux. Au contraire, Les Echos couvre quasi exclusivement le Grenelle de l’environnement et L’Humanité les politiques internationales. Ces journaux se concentrent sur les thèmes politiques abordés à une échelle nationale et supranationale. A l’opposé, La Croix, qui pratique également une spécialisation de ses articles, se situe davantage à l’échelle locale en abordant les conflits autours de la faune sauvage et l’alimentation. Ces différences de couverture médiatique sont liées à la ligne éditoriale de chaque journal mais peuvent également dépendre des moyens humains alloués aux thématiques environnementales dans les équipes journalistiques. Un nombre important de journalistes alimentant une rubrique quotidienne sur l’environnement, comme c’est le cas pour Le Monde et Libération (Comby, 2009) permet non seulement de publier plus d’articles mais également de varier les thèmes et les regards.

19De plus, les différents thèmes d’articles ne sont pas présents aux mêmes temporalités dans la presse (figure 5). Cette analyse diachronique nous révèle une construction médiatique du problème de l’érosion de la biodiversité dans ses relations avec l’agriculture qui se déroule en trois temps.

20L’année 2007 et les trois années suivantes marquent un changement dans la couverture médiatique de la relation agriculture-biodiversité. Ces années sont davantage consacrées à des articles se faisant le relais de la prise en charge du problème de l’érosion de la biodiversité dans ses relations à l’agriculture. Le Progrès aborde des actions concrètes réalisées à l’échelle locale autour des stratégies de conservation de la biodiversité ou des actions de sensibilisation et d’éducation qui se déroulent sur son territoire. La presse nationale, quant à elle, aborde la prise en charge du problème à travers le prisme politique avec le sommet de Johannesburg ou le Grenelle de l’environnement.

21Entre 2010 et 2017, le problème public agriculture-biodiversité s'élargit et se connecte à d'autres secteurs de l'action publique. La presse nationale met en avant de nouveaux thèmes comme l’alimentation et les controverses environnementales nationales. Dans Le Progrès, si les articles concernant l’agriculture paysanne ou les outils de conservation de la biodiversité se maintiennent au fil du temps, ceux traitant des politiques nationales s’effacent du devant de la scène pour laisser place aux préoccupations d’aménagement du territoire. Cette phase montre également une importance croissante donnée à la dimension spatiale dans les relations qu’entretiennent biodiversité et agriculture. Si, dans la presse nationale, le thème sur l’alimentation évoque des espaces comme le « jardin » ou la « ferme », le thème sur les politiques nationales et européennes localise les controverses à l’échelle communale. Dans le journal régional étudié, les articles sur les stratégies de conservation de la biodiversité abordent les échelles d’action comme la « parcelle », des éléments surfaciques comme les « prairies » ou linéaires comme les « haies », et également les zonages de conservation comme « Natura 2000 ». Le thème de l’aménagement du territoire montre que la biodiversité et l’agriculture s’inscrivent dans une dimension spatiale : « Une directive européenne, reprise par le Grenelle de l'environnement, préconise de mettre en place une trame verte et bleue (TVB), afin de préserver la biodiversité. Car, sous la pression de l'urbanisation, partout en Europe, les espaces naturels et agricoles se fragmentent, avec pour conséquence, la dégradation des habitats naturels ainsi que des paysages » (Edition du Rhône, Le Progrès, 2014). Ces thèmes d’articles qui préfèrent une entrée spatiale à une entrée espèce, mobilisent des exemples concrets d’urbanisme ou de mesures de conservation qui se déroulent au sein d’un espace particulier. Les articles abordant les stratégies de conservation de la biodiversité et l’aménagement du territoire représentent plus de 40 % des articles et sont ceux qui prennent depuis 2012 le plus d’importance au sein de l’arène médiatique régionale.

Médiatisation différenciée des espaces et des territoires

Le journal régional localise davantage ses différents thèmes d’article que la presse nationale

22L’analyse des références spatiales médiatisées dans les articles sur la biodiversité et l’agriculture révèle une diversité d’espaces et d’échelles. La presse nationale fait référence à des territoires administratifs comme les communes ou départements, mais également à des régions naturelles et culturelles de plus grande échelle comme par exemple la « Provence » ou les « Alpes » (figure 6). Le journal régional étudié s’appuie également sur des territoires à différentes échelles pour situer ses articles, en mobilisant des communes, des métropoles, des communautés de communes, et des parcs naturels régionaux (figure 7).

23La presse nationale, abordant le problème de la biodiversité comme un problème global, ne fait pas significativement référence à de nombreux espaces (figure 6). Seul trois thèmes d’articles sont spatialisés, ceux traitant de l’alimentation, des politiques nationales européennes et controverses, et ceux couvrant les conflits autour de certaines espèces. Ces derniers articles concernent des espaces bien précis en France et sont sans surprise replacés dans leur contexte spatial. Les conflits autour du loup sont ainsi abordés dans les « Alpes » et la « Provence » et ceux concernant l’ours dans les « Pyrénées ». La « Camargue », quant à elle, cristallise certains problèmes avec les sangliers. Les articles traitant des politiques nationales et européennes pratiquent une spatialisation autour de quelques lieux sujets à forte controverse environnementale. Ce sont essentiellement l’aéroport de « Notre-Dame-des-Landes » près de « Nantes » et le barrage de « Sivens » dans le Tarn. Au sein de ces deux controverses, la biodiversité fait office d’argument pour stopper le développement de projets d’aménagement. Le positionnement de l’agriculture par contre est différencié. D’une part, l’agriculture nantaise et les paysages bocagers associés sont envisagés, au même titre que la biodiversité, comme une ressource à défendre. A contrario, le débat médiatique sur le barrage de « Sivens » blâme l’agriculture intensive et en particulier les maïsiculteurs qui défendent le projet pour l’irrigation de leur culture. Enfin, les articles abordant l’alimentation semblent cantonnés aux grandes villes et métropoles françaises en faisant référence principalement à trois figures emblématiques : le salon de l’agriculture de « Paris », la gastronomie lyonnaise et les vignobles bordelais.

24Le journal régional Le Progrès, se faisant l’écho des initiatives locales, fait davantage appel à l’espace et localise l’ensemble de ses thèmes d’articles (figure 7). Les outils relatifs aux stratégies de conservation de la biodiversité sont médiatisés autour de certaines communes, terroir viticole comme le « Beaujolais » ou espace naturel comme le parc naturel régional du « Haut-Jura ». Les articles sur l’aménagement du territoire, quant à eux, se limitent à l’espace le plus urbain en médiatisant la métropole lyonnaise et ses communes. Dans ce journal, les conflits autours du loup sont traités dans les articles sur la politique nationale et les réglementations, et vont, comme dans la presse nationale, mettre en lumière les territoires concernés par sa présence, ici le « Haut-Jura ». Les actions d’éducation à l’environnement se déroulant partout dans le territoire, les articles évoquent les communes où elles ont lieu mais ces références ne peuvent pas être mises en lumière par notre analyse. Cependant, le parc naturel régional du Pilat, le Jarez et la commune de Beaulieu apparaissent comme des lieux souvent médiatisés sur ce sujet. Cela marque potentiellement une plus forte offre d’activités dans ces espaces. Enfin, la thématique de l’alimentation est, comme dans la presse nationale, davantage visible dans les communes comme « Feurs » par exemple, soit autour des AMAP soit autour des semences paysannes (sauvegarde au musée du « Revermont » dans l’Ain). Il est possible que les articles abordant l’alimentation et annonçant les actions d’animation et de communication soient à destination d’un public plus urbain que rural.

Une difficile mise en lumière des espaces agricoles face aux territoires urbains et naturels

25L’analyse des références spatiales médiatisés dans la presse nationale (figure 6) et surtout régionale (figure 7) montre l’importance pour sa médiatisation qu’un espace soit clairement délimité et facilement identifiable. Les espaces délimités par une limite administrative ou territoriale connue sont davantage mis en lumière. Ainsi le « Haut-Jura » et le « Pilat », tous deux parc naturel régional, sont les deux territoires qui dominent les articles de la presse régionale avec plus de 200 références chacun. De même, la métropole du « Grand Lyon » délimitée par un périmètre politique relatif à l’aménagement du territoire arrive sur le devant de la scène avec plus de 180 références. Dans la presse nationale, la ville de « Paris », à la fois lieu du salon de l’agriculture et du déroulé de nombreuses rencontres et décisions politiques nationales est présente dans plus de 400 références. Les termes « Pyrénées », « Alpes », « Provence » et « Corse », très présents dans la presse nationale font très souvent écho aux départements et régions qui incluent ces termes dans leur nom. Là encore, ces territoires délimités administrativement, mais aussi facilement identifiés par notre culture géographique commune, sont mis en avant.

26De plus, le mode d’occupation du sol est un facteur très prégnant dans les formes de médiatisation de la relation entre biodiversité et agriculture. Dans le journal régional, les territoires naturels remarquables comme les parcs naturels régionaux sont logiquement très médiatisés sur la thématique de la préservation et de l’éducation à la biodiversité alors que pour les territoires urbains, en particulier la métropole du « Grand Lyon », la thématique de l’aménagement du territoire prime. Par opposition, les espaces agricoles ne sont pas associés à un thème d’articles en particulier. Cependant, cela ne signifie pas nécessairement qu’ils ne font pas l’objet d’articles. Ces espaces pourraient être présents dans l’ensemble des thèmes d’articles et donc ne pas ressortir dans l’analyse. Cependant, il s’avère que l’étude de segments de phrases relatifs à ces espaces dans le journal régional ne fait que très peu ressortir la dimension agricole. Par exemple, le Forez apparait plus d’une centaine de fois, sans préférence pour un sujet particulier, mais il est majoritairement évoqué via ses éléments naturels comme les « monts », les « Hautes Chaumes » ou les « étangs », alors qu’il n’est que très peu question de la plaine du Forez où l’agriculture compose un paysage de culture et d’élevage. Dans le Rhône, le « Beaujolais » viticole est abordé mais laisse dans l’ombre les espaces de grandes cultures. La presse nationale, quant à elle, n’aborde pas non plus les grands espaces agricoles du pays, et laisse donc de côté la Beauce, la Champagne ou la Bresse par exemple.

27Il s’avère ainsi que les espaces agricoles sont, au contraire des territoires urbains ou à dominante naturelle, moins mobilisés par la presse. Certes ces espaces agricoles ne sont pas exclusivement productifs, la nature qui les compose constitue également un support pluridimensionnel (Mathieu, 1990). Pour autant ils restent marqués par l’activité agricole et donnent lieu à de nombreuses actions de conservation de la biodiversité, comme la stratégie Natura 2000 ou les mesures agro-environnementales. Par exemple, sur plus de quinze PAEC (Programme Agro-Environnemental et Climatique) démarrés en 2015 sur la zone de couverture du Progrès, seuls sept sont à peine évoqués dans quelques articles du journal régional. Au final, c’est le diagnostic d’une médiatisation limitée des relations agriculture-biodiversité dans les espaces agricoles là où pourtant les enjeux sont les plus présents.

Conclusion : le rôle de la presse dans la construction de la relation biodiversité-agriculture en problème public

28La médiatisation croissante des articles de presse étudiés confirme que les relations entre l’homme et la nature au travers des interrelations entre biodiversité et agriculture sont devenues un problème public majeur du XXI^ème siècle. L’analyse de la presse révèle la manière dont est construit et formulé ce problème pour le grand public. De 1999 à 2007, nous observons son émergence dans la presse qui fait suite à celle, plus large, de la construction de l’érosion de la biodiversité en problème public en France (Mauz et Granjou, 2010). Durant cette première période, la presse nationale appuie surtout sur les effets négatifs de l’agriculture sur les habitats, les écosystèmes et les populations animales et végétales. A partir de 2007 et jusqu’en 2010, le problème est davantage publicisé à la fois par le nombre très élevé d’articles qui lui sont consacrés, mais également par la diversité des thématiques abordées. D’une part, les articles dévoilent une prise en charge du problème par les autorités publiques en mettant en lumière les orientations politiques et les outils proposés pour essayer de résoudre ce problème. L’agriculture intensive y est blâmée et l’agriculture biologique apparait comme une solution, voire comme la solution. D’autre part, les articles de presse de cette époque, en particulier dans la presse locale, se font le relais des initiatives de sensibilisation du grand public aux interactions entre biodiversité et agriculture. Enfin, depuis 2010, la médiatisation du problème public biodiversité-agriculture s’élargit et se connecte à d’autres secteurs de l’action publique. Cette désectorisation du problème est marquée par l’apparition d’articles sur l’alimentation et l’aménagement du territoire.

29De plus, l’analyse de la presse éclaire également le rôle que les médias peuvent jouer dans la construction d’un problème public. En ce sens, presses nationale et régionale occupent des positions qui diffèrent. Avant les années 2010, la presse nationale propose des articles de sensibilisation aux facteurs qui participent à l’érosion de la biodiversité. Durant cette période, la presse nationale tend ainsi à être acteur du problème en alertant le grand public. Ensuite, elle se fait davantage le relais de la mise en politique de la relation biodiversité-agriculture en France. Le Progrès quant à lui se fait l’écho de la mise en œuvre, différenciée selon les territoires, de projets variés autour de la relation agriculture et biodiversité. À la différence de certains titres de la presse nationale, il ne se donne pas pour autant comme rôle de relayer des politiques complexes ni de répercuter les controverses parfois vigoureuses sur les effets de l’agriculture intensive sur la biodiversité. C’est donc tout à la fois une médiatisation spatialement détaillée et diversifiée dans ses thématiques qui est assurée à l’échelle locale mais c’est aussi une médiatisation dépolitisée (Comby, 2015) évitant les controverses pour préférer un discours positif et optimiste sur la relation biodiversité-agriculture.

30Par ailleurs, si la biodiversité est aujourd’hui devenue un enjeu mondial et global, la presse nationale et surtout régionale relaient de plus en plus la prise en charge locale de sa préservation. En effet, avant 2007, la presse nationale se concentre sur les évènements et rencontres politiques internationales, mais à partir du Grenelle de l’environnement les articles nationaux s’intéressent à l’échelle locale. Dans le journal régional, l’apparition d’articles relatifs à l’aménagement du territoire, révèle l’importance croissante de la dimension spatiale de la relation biodiversité-agriculture. Cependant, cette relation reste reliée à des territoires identifiés, délimités et connus, et elle peine à traverser ces frontières. Parmi les espaces mentionnés, les territoires naturels et urbains, comme les parcs naturels régionaux et les métropoles occupent le devant de la scène au détriment des espaces agricoles. Si la presse régionale véhicule une vision transversale de la biodiversité et pratique une médiatisation spatialement détaillée, elle relaie peu les outils, mesures ou innovations politiques, techniques et sociales qui se développent dans ces espaces ruraux et agricoles. Ils apparaissent, au final, difficiles à médiatiser car moins identifiés et différenciés que les espaces naturels comme les parcs régionaux ou les agglomérations.

31Porter attention aux médias et aux formes qu’ils véhiculent de la relation entre la nature et l’homme permet de mettre en évidence l’histoire contemporaine de la construction du problème public de la biodiversité ainsi que les espaces sur lequel il s’appuie pour se former. La géographie de la médiatisation d’un problème public que nous avons pratiquée permet, à différentes échelles, d’enrichir la compréhension des dynamiques de construction d’un problème public. Elle autorise une analyse conjointe de l’évolution dans le temps court des thématiques qui sont médiatisées et des différenciations spatiales qui sont pratiquées. Cette approche suppose de bien prendre en compte les stratégies de publication des différents médias, certains se faisant l’écho d’actions en cours, d’autres problématisant et politisant davantage les phénomènes.