Protection : propriété du Conservatoire du littoral, classement au titre des sites (loi du 2 mai 1930) et Opération Grand Site « Normandie 44 », site Natura 2000 (ZPS « Falaise du Bessin occidental »)

Particularité : falaises vives imposantes présentant une coupe stratigraphique de référence régionale, polémoformes de la Seconde Guerre mondiale visibles sur le plateau, site écologique et historique, menacé par l’érosion littorale et la surfréquentation touristique.

Coordonnées : 49°23'45" N ; 0°59'20" O

Introduction

1Promontoire sur la mer, la Pointe du Hoc se dresse vigoureusement sur la côte normande. Situé dans le département du Calvados, au cœur du pays du Bessin (fig. 1), ce lieu emblématique de la Seconde Guerre mondiale abrite les traces encore vivaces des préparatifs du débarquement du 6 juin 1944. Au-dessus des falaises vives sculptées par l’érosion et la dynamique littorale actuelle, le plateau, perché à 30 mètres d’altitude, abrite des vestiges de fortifications allemandes et des cratères de bombardement, témoins matériels des combats pour la libération de l’Europe. Marquée par une grande diversité paysagère et une variété d’habitats favorables à une faune et une flore diversifiées, la Pointe du Hoc est un site complexe où se mêlent patrimoine naturel et mémoire collective, faisant de ce lieu unique un géomorphosite à forte charge historique et culturelle.

Quand géopatrimoine, histoire militaire et biodiversité se rencontrent

2Point stratégique du mur de l’Atlantique, la Pointe du Hoc est un site géomorphologique littoral marqué par un promontoire rocheux, haut de 30 mètres et précédé d’une aiguille, qui s’avance dans la Manche. Les falaises calcaires qui la constituent et qui l’entourent sont particulièrement impressionnantes par leur verticalité, caractéristique soulignée dans les récits de soldats ayant gravi cette barrière naturelle lors du débarquement du 6 juin 1944. Une des originalités du site réside dans l’alternance de rugosités et de teintes se succédant de la base des falaises à leur sommet et qui permet une lecture précise de son histoire géologique (fig. 2A). Ces dépôts carbonatés successifs trouvent leur origine dans les phases répétées de transgressions marines ayant périodiquement exposé et submergé le continent au cours du Jurassique. Ce n’est toutefois qu’au Plio-Pléistocène que ces séquences se dégagent sous l’effet de l’épirogenèse de la région normande, phénomène amplifié par l’abaissement du niveau marin durant les épisodes glaciaires quaternaires (Udphuay et al., 2011). Grâce à l’affleurement des différentes couches géologiques en falaise, la Pointe du Hoc abrite une coupe stratigraphique de référence régionale pour les formations du Bathonien, constituée dans sa partie inférieure des Marnes de Port-en-Bessin (168 Ma), puis dans sa partie moyenne et supérieure par les Calcaires de Saint-Pierre-du-Mont (166 Ma), l’ensemble étant surmonté d’une fine formation de calcaires marneux localement appelée Caillasse de Longues, par endroit affleurante (165-166 Ma ; Dugué, 2008 ; Warden et al., 2007 ; Udphuay et al., 2011).

3La Pointe du Hoc est aussi un site d’intérêt pédagogique, d’une part en raison de la vue panoramique qu’elle offre sur l’ensemble du littoral du Bessin, d’autre part parce qu’elle permet d’apprécier facilement les dynamiques d’érosion littorale (Jeanne, 2011). L’activité érosive est particulièrement visible sur la « dent » située en avant de la Pointe – dont le flanc est s’est partiellement effondré en 2022 – et sur les falaises vives orientales soumises aux phénomènes de dérive littorale et donc plus souvent exposées à la houle (Savouret, 2007 ; Warden et al., 2007 ; Udphuay et al., 2011). La partie occidentale de la Pointe est, quant à elle, protégée par des dépôts sédimentaires et un cordon de galets qui n’empêche toutefois pas la survenue de phénomènes gravitaires, notamment les écroulements de surplomb particulièrement récurrents dans le secteur (fig. 2B). Sur la période 1944-2002, Savouret (2007) a enregistré une vitesse de recul des falaises de 0,15 m/an sur la façade ouest et 0,21 m/an sur la façade est. Par sa position avancée vers la mer, la Pointe du Hoc est de fait à l’origine d’une « dissymétrie dynamique du comportement érosif de la falaise » (Savouret, 2007), largement accentuée par la nature même de son substrat (calcaires diaclasés). La combinaison des intérêts stratigraphique, géomorphologique et sédimentologique vaut à la Pointe du Hoc d’être inscrite à l’Inventaire National du Patrimoine Géologique (BNO0384 - Falaises de la Pointe du Hoc, site 2 étoiles : https://inpn.mnhn.fr/​site/​inpg/​BNO0384).

4À ces particularités géologiques et géomorphologiques, s’ajoute l’originalité de formes et de formations induites, entre 1942 et 1944, par la construction du mur de l’Atlantique puis les préparatifs du débarquement. Bien qu’elles se soient légèrement estompées sous l’effet de la pluie, du vent et du piétinement, les polémoformes (Amat, 1987) se comptent par dizaines sur le plateau. Une partie a disparu sous l’effet de la remise en culture des terres. Seules les parcelles situées à proximité immédiate du front de falaise sont exceptionnellement bien conservées. Soulignons à ce propos le travail effectué par la commune de Grandcamp-Maisy qui, pendant de longues années, a indemnisé les agriculteurs des communes voisines pour prévenir tout nivellement du terrain (Loiseau & Leleu, 2019). Impressionnantes par leur taille mais moins imposantes que les célèbres entonnoirs de mine du front de 1914-1918 (e.g. cratère Lochnagar dans la Somme, Cote 108 dans l’Aisne, butte de Vauquois et crête des Éparges dans la Meuse), les polémoformes de la Pointe du Hoc sont encore parfaitement visibles dans le paysage. Leur origine est double. On y trouve tout d’abord une première génération de polémoformes datant de 1942 et 1943 découlant des travaux de construction du mur de l’Atlantique. Ces structures, peu nombreuses, forment de vastes dépressions circulaires nées de l’encuvement des canons anti-aériens destinés à défendre les positions allemandes (fig. 2C et 3). Ces batteries d’artillerie sont au nombre de six sur l’ensemble du site. La Pointe du Hoc étant fortifiée par une multitude d’édifices bétonnés de type « bunker », d’importantes quantités de matériaux furent excavées et placées à proximité des ouvrages, causant par endroit l’apparition de monticules de terre pulvérulente. La seconde génération de polémoformes, bien plus visible, inonde littéralement le plateau et se matérialise par des cratères d’obus (artillerie) et de bombes (largage) de taille et profondeur variables et souvent coalescents (fig. 2D et 3). Ces cratères résultent des bombardements aériens des 15 avril, 4 et 5 juin 1944 puis du bombardement naval le matin du 6 juin 1944, opérations destinées à affaiblir les positions allemandes en vue du débarquement des troupes alliées. Zaloga (2011) évoque un chiffre de 380 tonnes d’obus déversées sur la Pointe du Hoc à la veille du débarquement.

5D’un point de vue écologique, la modification profonde du paysage bocager a permis l’introduction de nouvelles conditions favorables pour certaines espèces animales et végétales. C’est en particulier le cas des ruines des ouvrages bétonnés (fig. 2E) qui sont aujourd’hui des gites à chiroptères grâce à des conditions thermiques et hygrométriques idéales (Conservatoire du littoral, 2015). Ces communautés de chauves-souris, a priori absentes des lieux avant la guerre, peuvent être qualifiées d’obsidionales indirectes, introduites sous l’effet de la « bunkérisation » du littoral (Parent, 1991 ; Vernier, 2014). D’autres communautés parfaitement étrangères à ces événements militaires et déjà présentes avant le conflit ont trouvé refuge dans le Bessin. C’est le cas de l’avifaune, particulièrement bien implantée sur les falaises du Bessin occidental et la Pointe du Hoc (Jeanne, 2011 ; Savini, 2021). Du côté de la flore, la diversité du paysage côtier combinée aux pratiques touristiques et agricoles locales a contribué à l’émergence d’une biodiversité riche : flore algale du platier rocheux, pelouses et fourrés calcicoles, prairies mésophiles à xérophiles ou encore flore rudérale liée notamment à l’afflux de touristes et aux activités agricoles en marge du site (Jeanne, 2011 ; Savini, 2021). La Pointe du Hoc est aussi un site propice à l’observation des phénomènes d’anémomorphoses végétales (Cantat, 2009).

La campagne « LiDAR HD » : une donnée de choix pour visualiser et valoriser le patrimoine géomorphologique

6Le 6 octobre 2020, l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) a été désigné parmi les dix-neuf lauréats du Fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP) pour développer son projet LiDAR HD : « Le chantier est d’une ampleur inédite et porte un objectif ambitieux : acquérir des données LiDAR haute densité (HD) sur l’ensemble du territoire métropolitain, des DROM et des collectivités territoriales uniques (hors Guyane) pour en proposer la description 3D la plus fine jamais établie à l’échelle de la France entière » (IGN, 2024). Le projet, qui s’achèvera en 2026, a déjà permis la livraison de plus de deux tiers de la couverture prévue à la fin du mois de novembre 2024. Peuvent ainsi être aujourd’hui téléchargées librement les données de toute la moitié sud de l’Hexagone, la Corse, l’Alsace, la Franche-Comté, une bonne partie de l’Île-de-France et des Hauts-de-France et de manière très localisée d’autres régions, incluant par exemple la partie occidentale du Calvados.

7Avec une densité annoncée de 10 pts/m², nous avons tenté d’évaluer l’apport d’une telle source de données pour modéliser finement la topographie en « peau d’orange » si caractéristique de la Pointe du Hoc et plus largement des paysages de guerre. L’usage du LiDAR est particulièrement adapté au site dans la mesure où il n’existe pas de couverture forestière et où il permet de rendre compte à la fois de la monumentalité des falaises verticales du Bessin occidental et de la cratérisation du plateau provoquée par le largage des obus et les bombardements navals. Ce constat est encore plus évident lorsque nous examinons la figure 4, qui met en lumière la complexité du paysage littoral où se succèdent la planitude de la mer, la verticalité des falaises, la topographie chahutée de l’ancien champ de bataille et le terroir agricole aux formes lisses.

8La figure 5 offre un autre point de vue de ce polémo-paysage à travers une série de quatre modes de visualisation générés à partir du modèle numérique de surface (MNS) issu de la campagne LiDAR HD. L’application de ces géotraitements permet d’apprécier de manière quasi individuelle les 152 cratères parsemant la Pointe du Hoc, au point de pouvoir caractériser leur morphométrie : jusqu’à 15 m de diamètre et 5 m de profondeur et des pentes atteignant jusqu’à 75 degrés d’inclinaison au sommet de leurs flancs.

9Dans une logique d’usage du numérique au service de la patrimonialisation, le LiDAR HD semble être une source de choix pour représenter en 3D des sites d’intérêt géomorphologique. Rappelons d’ailleurs que cette technologie laser rend visible des paysages enfouis sous forêt, ce qui en fait un outil particulièrement apprécié des géomorphologues et archéologues s’intéressant aux problématiques d’archéologie des conflits contemporains (e.g., Passmore et al., 2013 ; Taborelli et al., 2017 ; Gheyle et al., 2018 ; Matos-Machado et al., 2019 ; Zalewska et al., 2021). Toutefois, il convient d’être prudent quant à l’utilisation de ces données car la densité du feuillage fait obstacle aux impulsions laser et réduit la qualité du scan au sol. Pour cette raison, les acquisitions sont le plus souvent menées en dehors des périodes d’activité végétative, généralement en octobre-novembre et/ou mars-avril lorsque la neige est absente. Compte tenu de l’ampleur de la mission LiDAR HD, certains vols ont été réalisés en dehors des périodes optimales d’acquisition. Il en résulte par endroit la production de nuages de points particulièrement bruités, voire inexploitables en contexte intra-forestier. L’utilisateur souhaitant modéliser des paysages en 3D devra tenir compte de cet éventuel biais lors des traitements. Ce cas de figure ne se posait pas pour la Pointe du Hoc, dépourvue de masque forestier, où la densité de points du nuage traité variait de 8 à 22 pts/m² (double balayage sur le secteur). C’est donc avec une certaine aisance que nous avons pu cartographier de manière détaillée les polémoformes du plateau. La figure 6 permet de visualiser précisément l’ampleur des bombardements, la forme circulaire caractéristique des cratères qui en découle et la raideur de leurs pentes. Certains cratères révèlent encore les traces de la couronne d’éjectas formée par la violence de l’explosion.

Gestion d’un site soumis à l’érosion littorale et à la surfréquentation touristique

10Par son intérêt scientifique, sa dimension paysagère et ses divers attributs patrimoniaux (vestiges de la Seconde Guerre mondiale, biodiversité végétale et animale), la Pointe du Hoc réunit toutes les caractéristiques d’un géomorphosite. Sa réputation et ses reliefs étant étroitement liés aux événements de la Seconde Guerre mondiale, nous pouvons la qualifier de polémo-géomorphosite (Bétard, 2017), terme suggéré pour désigner les paysages nés (ou modifiés) de l’action de la guerre et présentant un intérêt géomorphologique central. Un des défis majeurs que pose la Pointe du Hoc réside dans la capacité de ses gestionnaires à conserver les traces du passé dans un contexte où l’érosion littorale et la pression touristique sont particulièrement fortes. Pour ce faire, le Syndicat Mixte Calvados Littoral Espaces Naturels (SMCLEN) d’une part, les États-Unis via l’American Battle Monuments Commission (ABMC) d’autre part, peuvent compter sur une solide maîtrise foncière de la part du Conservatoire du littoral, propriétaire depuis 1986 des 25 hectares de terres incluant et entourant la Pointe du Hoc. Précisons à ce propos que l’ABMC possède l’exclusivité de gestion des 12 hectares associés à l’ancien champ de bataille (Jeanne, 2011 ; Conservatoire du littoral, 2015).

11Pour œuvrer vers une gestion durable du site, le SMCLEN et l’ABMC s’appuient sur un éventail de mesures déployées par les acteurs locaux et plus largement par l’État dans le cadre de sa stratégie de protection de la biodiversité et du patrimoine (Jeanne, 2011 ; Conservatoire du littoral, 2015 ; Savini, 2021) : classement au titre des sites (loi du 2 mai 1930) depuis 1955 et Opération Grand Site « Normandie 44 » depuis 2004, réserve ornithologique du Groupe Ornithologique Normand (falaises situées sur la commune de Saint-Pierre-du-Mont), site Natura 2000 au titre de la Directive Oiseaux (Zone de Protection Spéciale « Falaise du Bessin occidental »), arrêté de protection de biotope (sommet des falaises) et zone de quiétude (circulation maritime interdite). À ces différents zonages de protection s’ajoute une ZNIEFF de type 1 (« Falaises et estran rocheux du Bessin occidental » ; Savini, 2021) étroitement liée à la présence d’espèces faunistiques et floristiques d’intérêt patrimonial le long du littoral. Son périmètre s’étale sur près de 144 hectares répartis sur cinq communes dont Cricqueville-en-Bessin (Pointe du Hoc) et abrite 288 espèces dont 43 considérées comme déterminantes. La richesse ornithologique des falaises du Bessin occidental a largement encouragé la création de cette ZNIEFF. Vingt-trois des espèces déterminantes sont aviaires, formant la plus grande colonie d’oiseaux marins du Calvados (Savini, 2021). Les espèces nicheuses, premières populations, comptent trois espèces protégées d’intérêt national : la Mouette tridactyle (Rissa tridactyla ; effectif maximum de 2 200 individus sur la période d’observation 1995-2018) implantée dans le Bessin occidental depuis les années 1970 ; le Fulmar boréal (Fulmarus glacialis ; effectif maximum de 188 individus sur la période 1994-2018) dont les effectifs se sont largement accrus entre la fin des années 1970 et celle des années 1980 ; et le Faucon pèlerin (Falco peregrinus ; effectif maximum de huit individus sur la période 2013-2018) dont la première observation remonte à 2003 (Savini, 2021). Citons en second lieu les espèces hivernantes et migratrices dont trois sont considérées comme remarquables sur le secteur : la Mouette mélanocéphale (Larus melanocephalus), la Mouette pygmée (Larus minutus) et le Harle huppé (Mergus serrator). La ZNIEFF abrite également deux espèces floristiques d’intérêt régional : le Séneçon blanchâtre (Senecio helenitis subsp. candidus), sous-espèce endémique de Normandie présente sur les rebords rocailleux du plateau et protégée régionalement, et la Doradille marine (Asplenium marinum), une espèce de fougère poussant sur les falaises rocheuses et classée vulnérable sur la liste rouge régionale (Savini, 2021). Dès lors, toute intervention sur site est strictement encadrée.

12Parmi les mesures de conservation entreprises par les gestionnaires pour contrer les aléas côtiers, évoquons les grands travaux de consolidation de la falaise de la Pointe du Hoc menés par l’ABMC (en étroite collaboration avec le Conservatoire du littoral, la DREAL et la DDTM) entre février et septembre 2010. Ces travaux ont consisté à combler les cavités en pied de falaise par un mélange de béton texturellement proche des roches environnantes et de blocs calcaires afin d’atténuer le sapement. Conformément aux dispositifs de protection mis en place, une étude d’impact réalisée avant exécution des travaux a permis d’évaluer les effets des dispositifs de protection sur les populations d’oiseaux (Conservatoire du littoral, 2005 ; Jeanne, 2011). Malgré l’ampleur de ces aménagements, les éboulements sont nombreux, exposant progressivement les vestiges du champ de bataille et le Monument de la Pointe du Hoc à l’érosion littorale (fig. 3 et 4).

13La surfréquentation est un autre problème de taille pour les gestionnaires de la Pointe du Hoc. Le recul du trait de côte qui restreint la surface praticable par les touristes accentue le phénomène. Certes, l’afflux de l’ordre de 500 000 à un million de visiteurs par an contribue significativement à l’économie locale, mais il nuit sensiblement à la pérennité du site de mémoire. En 2004, l’ABMC avait piloté de premiers grands travaux de réaménagement de l’itinéraire pédestre afin de mieux contrôler le flot de touristes et de limiter les phénomènes de piétinement en dehors des sentiers ; sans résultats probants. En réponse à ces dégradations, des clôtures ont été aménagées en 2020 le long des sentiers. Les bienfaits de ces installations ont très vite été perçus. Alors qu’il était couvert d’une pelouse rase parcourue de sentiers dénudés, le site de l’ancien champ de bataille est aujourd’hui en grande partie occupé par des formations herbacées hautes, des ourlets et fourrés calcicoles (Jeanne, 2011 ; Savini, 2021). L’ABMC ne s’arrête pas à ces seuls travaux. Dans un avenir proche, l’itinéraire emprunté par les pèlerins et les touristes sera entièrement repensé pour préserver au mieux le site de l’érosion. Plutôt que d’inciter les visiteurs à circuler à même le sol à proximité immédiate des polémoformes et autres vestiges de guerre, l’agencement d’ouvrages non invasifs, comme des passerelles et des plateformes d’observation, permettra une contemplation « aérienne » de l’ancien champ de bataille. Les travaux commencés en juillet 2024 devraient s’achever à l’horizon 2026.

Conclusion

14La Pointe du Hoc est un géomorphosite littoral remarquable en Normandie. Ce lieu emblématique du débarquement du 6 juin 1944 abrite des paysages à forte charge historique mêlant formes et formations naturelles et anthropogènes. Les polémoformes, qu’il s’agisse des reliefs creux (cratères, batteries d’artillerie) ou surélevés (éjectas, déblais), rappellent les combats intenses menés sur ces terres durant la Seconde Guerre mondiale, qui ont transformé profondément le paysage bocager. Les conditions écologiques propres au littoral du Bessin, partiellement modifiées par la guerre, ont contribué à l’émergence d’unités paysagères favorables à de nombreuses communautés animales et végétales, faisant de la Pointe du Hoc un site remarquable associant patrimoines naturel et culturel, deux caractéristiques fondamentales du géomorphosite.

15Dans une logique de valorisation et pour mieux rendre compte des spécificités géomorphologiques de la Pointe du Hoc, nous avons expérimenté les premières données aéroportées de la campagne LiDAR HD afin de modéliser en 3D les altérations topographiques du site. Les traitements montrent que cette technologie est particulièrement adaptée pour révéler et valoriser numériquement la complexité géomorphologique de l’ancien champ de bataille. Mieux encore, cette expérimentation confirme la transposabilité de tels traitements à d’autres sites d’intérêt géomorphologique et/ou champs de bataille, une fois la campagne LiDAR achevée.

16Enfin, la gestion de la Pointe du Hoc constitue un défi de taille. L’érosion littorale et la surfréquentation touristique exercent de fortes pressions sur cet espace fragile. Les gestionnaires locaux, en collaboration avec des institutions internationales, mettent tout en œuvre pour sauvegarder ce haut lieu de mémoire, notamment par des travaux de consolidation des falaises et un meilleur accueil des visiteurs. Bien que son équilibre soit menacé, la Pointe du Hoc est un bel exemple de la complexité des interactions entre processus naturels et actions anthropiques. Le site ne cesse d’évoluer mais demeure, grâce aux efforts des acteurs locaux, un lieu remarquable où chacun peut côtoyer les différents héritages du passé.