1De nombreuses petites villes rurales en France s’inscrivent dans l’histoire industrielle du pays, certaines sont encore reconnues pour leur savoir-faire traditionnel ou pour l’exploitation de ressources locales spécifiques. Qualifiés de « tiers espaces » (Vanier, 2016), ces territoires restent pour autant relativement marginalisés et encore plus quand il s’agit d’industrie (Férérol, 2014). De même, leurs maires témoignent de leur inquiétude face à la reconfiguration de leur place dans l’administration municipale au sein de laquelle de nombreuses compétences ont été transférées à l’intercommunalité, depuis les dernières lois de décentralisation.
2Un retournement semble cependant s’opérer depuis quelques années, renforcé depuis les crises sociales et sanitaires récentes. Ces espaces « hors de l’ombre portée des métropoles » (Chadoin et al., 2016), suscitent un nouvel intérêt autant du côté de la recherche que des politiques publiques (i.e. le programme Petites Villes de Demain). Certains auteurs soulignent les atouts de ces territoires, propices à l'émergence d’activités porteuses de développement territorial durable. Le territoire rural permettrait l’accès à du foncier de qualité (Dedeire et Razafimehefa, 2014), à un coût plus faible qu’ailleurs (Talandier, 2008). De plus, la petite taille favoriserait, grâce à une proximité physique immédiate entre acteurs (Talandier et Gros-Balthazard, 2020), la rencontre et la coordination des parties prenantes aux projets, éléments d’autant plus cruciaux que complexes pour le développement actuel d’activités face à la nouvelle organisation territoriale et à la répartition des compétences qui en découle. Ces travaux laissent supposer une certaine capacité de rebond des territoires ruraux peu denses. Notre étude questionnera les conditions initiales et les étapes de développement d’une industrie agro-alimentaire biologique récemment implantée sur Genouillé, petite commune rurale du département de la Vienne (86), grâce à une analyse en termes de proximités. Nous chercherons plus précisément à répondre aux questions suivantes. Qu’en est-il véritablement des atouts associés aux petites villes rurales ? La réunion des ressources nécessaires au projet est-elle une condition nécessaire et suffisante à l’émergence d’activités sur le territoire ? Autrement dit, le développement de l’activité est-il possible en dépit d’un projet initialement a-territorial (implantation exogène sans prise en compte du contexte territorial). Enfin, le maire de la commune joue-t-il encore aujourd’hui un rôle spécifique dans la réussite de ce dernier dans ce contexte de nouvelle organisation territoriale ? L’analyse fine de ce projet et son inscription sur le territoire nous conduit ainsi à étudier en creux la gouvernance territoriale.
3Notre travail empirique repose sur la collecte de données qualitatives originales issues d’entretiens semi-directifs, mises en contexte par des données quantitatives relatives à la trajectoire de développement économique et aux ressources (naturelles, matérielles, foncières, démographiques, etc.) du territoire d’étude. Le traitement de ces données, grâce à une approche compréhensive et à l’aide d’un graphe relationnel, met en évidence des résultats nouveaux et en confirme d'anciens. En dépit de l’accès à des ressources foncières avantageuses, l’installation en territoire rural peu dense – et la co-localisation avec les parties prenantes du projet qui en découle – ne suffisent pas et l’accueil de projets a-territoriaux implique des difficultés dans leur développement. L’activation de la proximité physique et la construction de proximités organisées apparaissent indispensables pour la coordination des acteurs aux intérêts et ressources divergents, révélant ainsi l’importance du temps dans l’établissement d’une bonne gouvernance territoriale et de fait dans la capacité de rebond des territoires.
4Bien que la France soit un pays traditionnellement rural composé de petites villes, de bourgs, de villages, la recherche des vingt dernières années s’est davantage intéressée aux questions urbaines et métropolitaines. D’ailleurs, l’espace rural avait disparu un temps des statistiques depuis la réactualisation du zonage en aire urbaine en 2010, qualifiée de « meurtre géographique » par certains auteurs (Dumont, 2012). Il faut attendre la grille communale de densité diffusée en 2020 pour redonner une place centrale à l’espace rural. En dépit de ce contexte lacunaire, réinterroger la place des territoires ruraux de faible densité et leur capacité de rebond économique semble répondre à un intérêt scientifique actuellement prégnant au regard de la nouvelle organisation territoriale et des enjeux de réindustrialisation dans lesquels peuvent s’inscrire avantageusement ces territoires.
5De manière générale, la petite ville rencontre des difficultés à trouver sa place dans l’organisation institutionnelle actuelle, sa représentation en étant diluée dans des EPCI (établissement public de coopération intercommunale) de taille de plus en plus importante (i.e. concentrant un nombre plus important de communes).
- 1 Rapport publié en 2019.
6Les maires ruraux ont manifesté récemment leur désarroi auprès du pouvoir central face à la perte de pouvoir et de visibilité dans l’espace politique et économique de leurs territoires (cf. le manifeste publié par l’Association des Petites Villes de France Petites villes, cœur battant des territoires en mars 2022). La mission de contrôle sénatoriale1 réalisée entre 2015 et 2017 s'inscrit en témoin de l’effet « fusion-absorption » des transferts de compétences entre les communes et les EPCI, associé au sentiment de perte de pouvoir des élus : « les élus communaux regrettent que le renforcement de l’intercommunalité s’accompagne du transfert de compétences communales, transformant les communes en "coquilles vides". Ce constat renforce chez certains élus municipaux le sentiment d’une "subordination" des communes envers l’intercommunalité mais également, notamment en milieu rural, d’une perte d’identité des communes et de leurs habitants, la peur d’un déclassement, en raison de leur éloignement aux services publics ». En effet, la représentation des communes dans la gouvernance intercommunale dépend de sa taille démographique. Ainsi, plus la commune est peuplée et plus le nombre d’élus communautaires sera important, à la défaveur des moins peuplées.
7Le maire, élu de proximité et assumant depuis toujours des fonctions multiples (i.e. de la fonction d’administrateur de sa commune à celle d’officier d’état civil (CGCT, art. L2122-32) et d’officier de police (CGCT, art. L2122-31)), semble jouer un rôle nouveau partagé entre « légitimité de proximité et légitimité managériale » (Le Bart, 2003). La recherche de ressources extérieures devient indispensable pour mener à bien ses projets. Le rôle du maire-entrepreneur (Faure, 1992) jusqu’alors propre au modèle urbain, apparaît du côté des maires ruraux.
- 2 D’autres programmes de soutien existent mais les objectifs fixés sont plus généraux : les pôles d’e (...)
8Au-delà de la nouvelle organisation territoriale où la décentralisation a souvent renforcé le pouvoir politique des villes de plus grandes tailles, on observe, en France comme à l’international, un décrochage des territoires urbains d’ancienne industrie et de ceux, plus ruraux, restés à l’écart des flux de l’économie globale (Béal et al., 2021). Les territoires ruraux ont en effet à la fois souffert de la réorganisation de l’activité agricole et des mutations économiques dont les délocalisations d’industries. En dépit de ce contexte global, l’industrie française perdure dans l’espace rural, 27 % des emplois sont encore industriels contre 21 % dans les métropoles et 16,5 % en moyenne en France (Talandier et Gros-Balthazard, 2022). Les espaces moins denses sont ainsi depuis peu perçus comme de potentiels lieux de réindustrialisation, pour preuve le programme d’action publique « Territoires d’industrie2 » lancé fin 2018 qui vise « la reconquête industrielle des campagnes, des espaces périurbains, des villes petites et moyennes » (Talandier, 2023).
9Il convient toutefois de préciser que les espaces ruraux – qui représentent 88 % des communes françaises et 33 % de la population française selon la nouvelle grille de densité communale de l’INSEE – ne sont pas homogènes. Un rapport récent met en exergue quatre catégories principales : les ruralités résidentielles, productives, touristiques et les petites polarités (Talandier, 2023). Ce même rapport souligne, selon une vision prospective, « les capacités contributives des espaces ruraux aux transitions » parmi lesquelles figurent les transitions agro-industrielles. Cette vision prospective n’est pas nouvelle puisque Le Blanc dans « Territoires 2040 » avait déjà identifié des scénarii pour les petites villes rurales dont deux « porteurs d’espoir » : la révolution industrielle verte et l’alter industrialisation renvoyant à l’économie locale et aux circuits-courts (Férérol, 2014). Les espaces ruraux bénéficieraient en effet de véritables atouts pour répondre à la réindustrialisation et d’autant plus aujourd’hui qu’apparaissent de nouveaux enjeux (réindustrialisation, transition, souveraineté économique, émigration urbaine (Dumont et al., 2022)).
10La faible taille du territoire faciliterait l’interconnaissance entre acteurs, nécessaire à la construction de projets d’innovation basés sur la coopération (Gros-Balthazard et Talandier, 2020). Ces espaces seraient ainsi favorisés dans la mise en place d’une bonne gouvernance territoriale, aujourd’hui indispensable pour les petites communes qui doivent composer fortement avec les strates administratives supérieures. Les espaces ruraux apparaissent également particulièrement bien positionnés en disposant de ressources naturelles et notamment d’un foncier à bas coût, représentant un avantage concurrentiel pour l’implantation d’une activité industrielle (Talandier, 2008 ; Férérol, 2014 ; Gros-Balthazard et Talandier, 2022).
11Nous proposons de mieux comprendre l’émergence et le développement d’activités industrielles sur les territoires peu denses en mobilisant la grille analytique des proximités, laquelle apparait particulièrement adaptée pour comprendre les problématiques de coordination entre acteurs sur les territoires (Pecqueur et Zimmermann, 2004). En effet, l’école de la Proximité est née au début des années 1990 de la volonté théorique d’endogénéiser le territoire au sein de la dynamique industrielle en plaçant le concept de proximité au cœur de leur réflexion. Les auteurs de ce groupe cherchent à dépasser l’utilisation qui en est traditionnellement faite dans la littérature et qui rend compte de son caractère exclusivement géographique. Ils montrent qu’être proche de quelqu’un, ce n’est pas seulement se trouver à côté de lui, ce peut-être aussi avoir une forte connivence avec une personne géographiquement éloignée qu’elle appartienne au même cercle d’amitié, familial ou au même réseau d’entreprise ou professionnel (Rallet et Torre, 2004, p. 25). Ces auteurs proposent différentes décompositions analytiques de la proximité en fonction des entrées théoriques privilégiées (approches institutionnalistes, évolutionnistes ou de la nouvelle sociologie économique) et s’appuient ainsi sur certains concepts théoriques associés (capital social (Angeon et Callois, 2005), encastrement social (Granovetter, 1985), institution (North, 1990), etc.). Nous ne rentrerons pas ici dans ces débats et en resterons à une distinction plus générique entre proximité physique et proximité organisée (Gilly et Torre, 2000), celle-ci permettant d’ores et déjà d’avancer fortement l’analyse de notre objet. La proximité organisée repose sur deux logiques essentielles, qui ne sont pas antinomiques, et que l’on qualifie de logiques d’appartenance et de similitude (Gilly et Torre, 2000). La logique d’appartenance désigne le fait que deux ou plusieurs acteurs appartiennent à un même graphe de relations alors que la logique de similitude correspond à l’adhésion mentale à des catégories communes (partage de valeurs, langages, savoirs).
12Le développement territorial reste un domaine où l’approche des proximités s’est rarement aventurée, ce qui peut paraitre paradoxal, tant les deux approches présentent de congruences, comme le souligne Torre (2018) : l’approche par les proximités pourrait améliorer la compréhension des processus de développement territorial en mettant en évidence les déterminants du bon déroulement d’un processus de gouvernance territoriale, indispensable à l’émergence d’activités. La combinaison des proximités physique et organisée permettrait le développement de projets de territoire et supposerait, dans le cas inverse, l’existence d’un projet a-territorial (tableau 1).
Tableau 1 - Proximités et type de projets sur les territoires
13Les approches proximistes ont ainsi été très peu mobilisées pour l’analyse du développement de territoires de petite taille. Talandier et Balthazard (2020) indiquent toutefois que la faible taille du territoire peut favoriser les rencontres entre acteurs locaux et faciliter l’interconnaissance, suggérant ainsi l’existence d’une plus forte proximité organisée pour la ville petite ou moyenne. Texier (2022), de son côté, montre comment la grille proximiste permet de déterminer la capacité des petites villes à constituer une centralité au regard du positionnement des acteurs clés de ces territoires.
14Suivant ces deux derniers travaux, nous interrogeons le rôle des proximités physique et organisée dans l’émergence des projets sur des territoires peu denses. Nous affinons, d’une part, l’analyse de la proximité physique au regard des différentes échelles spatiales de l’organisation politique du territoire (État, région, département, intercommunalité). La variable « proximité organisée » est, d’autre part, mobilisée pour évaluer le pouvoir de négociation des élus locaux (i.e. maire) dans le développement des projets et est distinguée selon l’appartenance à un même milieu politique (appartenance à un même parti), institutionnel (appartenance à une même strate administrative), organisationnel (appartenance à une même entreprise, association, club « professionnel », etc.) ou encore social (appartenance à un même groupe amical ou familial). Suivant Texier (2022), plus il existe une proximité organisée entre les centres de pouvoir, plus les élus locaux ont accès aux ressources facilitant la mise en œuvre de projets pour leur commune. Ainsi, le maire jouerait un rôle primordial dans la dynamique des petites communes rurales dont l’importance dépend des liens de proximité entretenus avec les parties prenantes du projet.
15Au regard des travaux mentionnés, le recouvrement ou non des proximités physique et organisée (précisées selon les typologies précédentes) permettrait de mettre en évidence différentes configurations, plus ou moins favorables à la gouvernance territoriale (i.e. développement de projet de territoire) et de fait au développement d’activités sur le territoire.
16La commune de Genouillé est localisée à l’intersection de plusieurs départementales et petits pôles (Civray, Savigné et Ruffec-Condac) dans le département de la Vienne, en région Nouvelle-Aquitaine. Elle figure dans la catégorie des territoires très peu denses (16,7 habitants/km², cf. Insee, RP 2019) selon la grille communale de densité de l’Insee de 2021.
17La commune connaît un déclin démographique continu depuis le début du XXe siècle. Comptant actuellement 497 habitants (Insee, RP 2019), elle a enregistré jusqu'à 1 495 habitants avant les années 1900. La commune a assuré pendant longtemps la fonction de centralité offrant les services et commerces principaux à ses habitants mais seules quelques infrastructures publiques perdurent aujourd’hui : la mairie, la salle des fêtes, le stade de foot, le cimetière.
18Ce déclin économique et démographique s’est accompagné d’une perte de pouvoir politique. Ses compétences communales ont été en partie transférées à la communauté de communes (CC) du Civraisien en Poitou comptant 36 communes et 27 349 habitants (Insee, RP 2019). Le Sud de cette intercommunalité, zone éloignée des grands pôles d’emplois et notamment de Poitiers, présente les symptômes les plus apparents de la dévitalisation : baisse et vieillissement de la population, éloignement des réseaux de transports, ville-centre en difficultés (Civray), taux de pauvreté de 17 % et taux de chômage à 16,2 % (i.e. supérieurs à ceux de la CC, du département et de la région).
19Enfin, Genouillé est une commune rurale historiquement à vocation agricole. La nouvelle grille des ruralités positionne Genouillé dans la catégorie des « ruralités productives à forte dominante agricole », caractérisée par une part importante d’emplois agricoles, le vieillissement de la population, un faible niveau de retraite couplés à un fort taux de vacance résidentielle. En effet, 79,1 % des surfaces de la commune de Genouillé sont des surfaces agricoles et 20,9 % des forêts et des milieux semi-naturels (CGDD-SDES, 2018). L’activité agricole est ainsi très présente : 19,3 % des établissements actifs appartiennent au secteur agricole (Insee, 2022) et on compte entre 15 et 20 exploitations agricoles sur les vingt dernières années (données du recensement agricole). Les surfaces agricoles sont destinées essentiellement à la culture des céréales (42 %), et aux oléagineux (34 %). Le prix moyen du foncier agricole dans le département est particulièrement attractif en étant inférieur à la moyenne nationale (terres et prés libres non bâtis évalués à 4 920 €/ha contre 5 940 €/ha en France (SAFER, 2021)).
20Le secteur agricole s’est intensifié dès la fin de la deuxième guerre mondiale avec les progrès dans l’agriculture et une augmentation du rendement, tant au niveau des céréales (blé, orge, maïs) que de la production laitière grâce à l’élevage. Cette activité industrielle connaît d’ailleurs un véritable essor en Poitou-Charentes à la fin du XIXe siècle, laquelle est classée d’industrie spécifique dominante dans la région (Pinard, 1971) soutenue par un mouvement coopératif dynamique puis, au XXe siècle par une politique de décentralisation favorisant le développement des réseaux routiers et ferrés dans la Vienne au détriment des cours d’eau. La création en 1911 de la laiterie coopérative de Saint-Saviol (près de Genouillé) fait figure d’exemple. En 1931, est créée une succursale à Sauzé-Vaussais pour la fabrication de fromages au lait de chèvre. Dans les années 1960-1970, cette laiterie est un modèle en matière d'équipement technique de pointe (i.e. le procédé de tour de séchage) et emploie à cette époque jusqu’à 120 salariés. La fermeture de la laiterie régionale est décidée en 2019, témoin de l’essoufflement agricole que connaît le territoire.
21Deux investisseurs originaires de Champagne, se présentant comme « les pionniers de la distribution et la mise sur le marché de produits bio », décident en 2018 d’installer, sur la commune de Genouillé, une usine d’agroalimentaire biologique reposant sur le concept de « la fourche à l’assiette ». Née de la contraction entre « écosystème » et « résilience », Ecolience est une unité de fabrication, de transformation et de commercialisation de produits agricoles biologiques.
- 3 Il compte sur un approvisionnement local à partir de la production de la ferme et des fermes parten (...)
22Ce projet est atypique à plusieurs égards. Tout d’abord, c’est un projet d’ampleur représentant un investissement de 12 millions d’euros, visant la production de 7 500 tonnes de produits dont 500 tonnes issues directement de leur ferme. Ensuite, le site de transformation des produits agricoles (bâtiment de 3 620 m²) est situé au milieu de l’exploitation agricole. Les porteurs de projets soulignent d’ailleurs cette spécificité : « construire une usine agroalimentaire en plein champs sort des codes ordinaires ». Enfin, ce projet consiste en l’intégration verticale complète de l’ensemble de la filière de son activité, de l’exploitation agricole, à l’outil de transformation et de conditionnement, jusqu’à la commercialisation en vente directe (physique et en ligne) et par des réseaux de distribution spécialisés dans l’agroalimentaire bio, sous la marque « Sans détour ». Leur stratégie repose sur cinq piliers : le bio, le local3, la transparence, la faible empreinte carbone et la démarche filières. À terme, les porteurs de projets souhaitent développer 13 familles de produits bruts représentant la commercialisation de plus de 200 références. En 2023, Ecolience a déjà créé 20 emplois localement (ferme et ateliers) et pense pouvoir recruter 75 salariés à horizon 2028.
- 4 Les subventions publiques comprennent le fonds FEDER par l’intermédiaire de la région Nouvelle-Aqui (...)
23Le binôme de créateurs s’appuie sur une collaboration réussie et une expérience solide de près de 40 ans dans le domaine de la distribution de produits biologiques à Reims. Un des porteurs est aussi issue de parents agriculteurs et a suivi, plus jeune, une formation agricole dans l’objectif de reprendre la ferme familiale, ce qu’il n’a pu mener à l’époque faute de moyens financiers, selon ses confidences. Bien que leur premier choix d’installation dût voir le jour logiquement en Champagne, le « hasard des rencontres et des opportunités » les conduit vers le Sud Vienne. Ce projet de fin de carrière est ainsi le fruit d’une trajectoire professionnelle marquée par la volonté de revenir à la terre, aux origines familiales, tout en mettant à profit leur savoir-faire dans la distribution et les produits alimentaires biologiques. Sur le plan financier, les deux protagonistes s’appuient essentiellement sur leurs fonds propres issus de la vente de Vitafrais, le concours bancaire et environ 20 % de financements publics4 « espérés ».
24Le développement de ce projet a suivi plusieurs phases selon la chronologie résumée ci-après.
Illustration 1 - Les différentes étapes chronologiques du projet Ecolience
Auteurs : Marie Ferru et Elodie Texier, 2023.
25Les données collectées pour l’analyse de ce projet sont diversifiées et reposent sur des données primaires et secondaires. Elles s’appuient au préalable sur des ressources documentaires telles que des articles de presse, des documents d’urbanisme (Schéma de COhérence Territoriale et le Plan Local d’Uurbanisme intercommunal principalement), des actes de sociétés, les bulletins d’informations communaux et intercommunaux, les sites internet des acteurs et territoires concernés. Des bases de données statistiques ont ensuite été mobilisées (fichier Flores, recensement de la population 2019, fichiers des parcelles foncières 2019, données communales Agence Bio 2019 à 2021) pour contextualiser l’analyse de notre cas. Enfin et surtout, quinze entretiens semi-directifs, réalisés en face à face et d’une durée de 1h30 environ, ont été menés entre avril 2022 et novembre 2022 avec les différentes parties prenantes du projet (tableau 2) afin de mieux comprendre les modalités de développement du projet et les interactions entre les différentes parties prenantes.
Tableau 2 - Entretiens semi-directifs réalisés
26Ces différentes données ont permis à la fois de reconstruire l’histoire du projet, de ses conditions initiales aux différentes étapes de son développement. Nous sommes ainsi en mesure d’identifier 1) les ressources locales (et non locales) ayant été déterminantes pour l’installation et le développement du projet, 2) les acteurs clés du projet et 3) les relations entre ces derniers. Nous avons cherché à donner une représentation graphique synthétique des relations entre acteurs mobilisés pour le développement du projet. Ce graphe relationnel met en évidence l'importance d’un acteur central (i.e. mettant en relation un grand nombre d’acteurs (locaux et non locaux) pour le développement du projet. Nous précisons ensuite le positionnement de cet acteur au regard de ces proximités (physique et organisée) avec les acteurs impliqués dans le projet.
27Les données collectées rendent compte de l’importance déterminante de certaines ressources des territoires ruraux de petite taille, notamment foncières, ressources recherchées ici par les porteurs de projets et les amenant à développer leur projet sur Genouillé (i.e. proximité physique recherchée). Elles révèlent par ailleurs la nécessité de développer des relations de proximité non seulement physique mais également organisée avec les différentes parties prenantes du projet et le rôle d’une bonne gouvernance territoriale.
28Les porteurs de projets ont élaboré une véritable stratégie pour le développement d’Ecolience, en identifiant l’ensemble des ressources locales. Grâce à leur expérience passée (cf. supra), ils disposent déjà de certaines ressources intrinsèques indispensables. En effet, leur trajectoire de formation et professionnelle leur ont permis de développer des capacités d’apprentissage relatives au développement de projets d’envergure dans le secteur de l’alimentation biologique et de disposer de ressources financières et relationnelles. Les porteurs de projet ont été pionniers de la mise sur le marché de produits biologiques et ont ainsi développé un réseau de connaissances essentiellement non locales dans le domaine grâce à des positions de représentation (présidence de la fédération de PME agroalimentaires biologiques par exemple).
29Pour développer Ecolience tel que souhaité (i.e. intervenir sur l’ensemble de la chaine de production, avec 65 % des produits transformés en région et un approvisionnement limité à un rayon 100 km), les porteurs de projets avaient besoin de ressources complémentaires et plus particulièrement de foncier. Ils recherchaient de façon prioritaire des terres agricoles d’un seul tenant et cultivables en agriculture biologique. Ainsi, après avoir cherché « à une heure autour de Reims », les porteurs de projet élargissent leur recherche et sont amenés à visiter Genouillé. En effet, un cabinet conseil parisien avec lequel ils avaient l’habitude de travailler les a mis en relation, par l’intermédiaire d’un ami, avec un agent immobilier situé à Saint-Macoux (à quelques kilomètres de Genouillé). L’installation sur ce territoire leur permet d’accéder à du foncier en quantité importante, à un coût plus faible que sur les territoires envisagés initialement tout en offrant de bons rendements : « même si les terres sont moins fertiles ici, l’écart de rendement était moindre en bio et le coût du foncier beaucoup plus faible ! ».
30L’exploitation agricole acquise ne permettait pas à elle seule de répondre à l’objectif de production fixé, i.e. 3 000 hectares d’exploitation agricole biologique pour 7 500 tonnes de produits d’ici 2025. Ayant anticipé ce besoin et étudié les terres agricoles alentours, les porteurs de projet contractualisent dès le départ avec des exploitants locaux : « nous comptons 500 producteurs bio dans un rayon de 40 km et 2 000 dans un rayon de 90 km ». Des demandes de conversions en agriculture biologique et une hausse de la surface en grande culture (+22 hectares) ont ainsi été constatées sur le territoire depuis leur installation (données communales de certification au 31 décembre 2019, Agence Bio).
31Les porteurs de projet ont ensuite vérifié la faisabilité de leur installation sur Genouillé en termes de parts de marché : « nous avons été séduits par l’écosystème et nous avons rapidement découvert que les consommateurs de bio étaient très nombreux à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine ».
32Ces premiers résultats révèlent l’importance déterminante des ressources foncières de qualité des petites villes rurales dans l’émergence d’activités. Pour en bénéficier et développer leur projet, les investisseurs se sont appuyés sur une proximité physique recherchée (localisation à proximité des ressources).
33Une représentation graphique des relations entre les parties prenantes du projet, met en évidence la diversité des liens nécessaires au développement du projet, i.e. la grande variété d’acteurs impliqués à différentes échelles spatiales. Ce graphe relationnel révèle ainsi le rôle prépondérant de partie(s) prenante(s) et confirme ainsi l’importance du maire dans le développement des projets de petites villes.
Illustration 2 - Graphe des relations mobilisées pour le projet
Auteurs : Marie Ferru et Elodie Texier, 2023.
34L’analyse des liens des investisseurs sur le graphe relationnel, au regard de la chronologie du projet, montre tout d’abord l’importance d’acteurs intermédiaires : pour acquérir leurs terres, les investisseurs ont contacté un cabinet de conseil non local, qui les a lui-même mis en contact avec un agent immobilier, qui était un ami d’un ami. Les relations avec les acteurs publics locaux (maires, Direction Départementale des Territoires (DDT)) apparaitront plus tard, suite à leur localisation sur place (voir en pointillé le déplacement des porteurs de projet sur l'illustration 2) et afin de lever certains freins au développement du projet (cf. infra).
35Ce graphe relationnel met par ailleurs en relief les acteurs clés du projet, en l’occurrence les maires de Genouillé et le président de la communauté de communes du Civraisien en Poitou. En effet, ces acteurs concentrent le plus grand nombre d’échanges avec d’autres acteurs publics qui peuvent être des élus et des agents territoriaux de la même strate et aussi ceux situés à différentes échelles (département et services déconcentrés de l’État). Toutefois, le président de l’intercommunalité n’a pas de lien direct avec les porteurs de projet, les maires de Genouillé étant toujours l’intermédiaire. Le second maire apparait de plus en plus en central au fur et à mesure du développement du projet en entretenant des liens variés autant avec les acteurs publics que privés : « le maire de Genouillé utilise (même) son carnet d’adresses pour la mise en place du réseau de télécommunication » comme l’expliquent les porteurs de projet. Le Directeur Général Adjoint des services (DGA) de la communauté de communes ajoute à son égard que « certains maires ont plus d’impact que d’autres sur la "com com" [communauté de communes], ils connaissent tout le monde mais aussi savent travailler avec un réseau d’acteurs sur lequel ils vont pouvoir travailler, aller voir les différents services de l’Etat ». Rappelons que le premier maire de Genouillé n’a été impliqué dans le projet que la première année, lors de l’arrêt de son mandat en 2019.
36Suivant les travaux de Texier (2022), et pour préciser le rôle du second maire de Genouillé, acteur central du développement du projet, nous regardons les relations de proximités entre cet élu et les autres parties prenantes du projet.
Tableau 3 - Proximités entre le maire et les parties prenantes du projet Ecolience
Auteurs : Marie Ferru et Elodie Texier, 2023.
37Au regard de ces relations de proximité (tableau 2), on observe que le maire combine à la fois une proximité organisée (de différentes natures) et une proximité physique (plus ou moins forte) avec les parties prenantes. Une proximité organisationnelle existe tout d’abord entre le maire et les porteurs de projet, du fait de leur formation et expérience professionnelle antérieures communes, permettant une bonne compréhension mutuelle : les porteurs indiquent que « le maire a bien compris le sujet du fait de son expérience, il a argumenté sur le projet de territoire » et ajoutent « lorsque le maire a été élu, il a suivi le dossier, il était convaincu par le projet car il vient du monde du céréale ; il a organisé une réunion avec la chambre d’agri et la DDT et a construit un dossier avec argumentation ». De même, une proximité institutionnelle entre le maire et différents acteurs publics locaux existe, les élus ayant souvent leurs mandats depuis de nombreuses années et de générations en générations et le maire de Genouillé ayant été conseiller pendant une trentaine d’années avant d’être élu maire de la commune.
38On observe par ailleurs l’absence de proximité entre le maire et les services de l’État, à l’exception d’un lien professionnel antérieur entre le maire et la secrétaire de la DDT (i.e. proximité organisationnelle) : « j’ai déjà travaillé avec elle » nous indique le maire à l’égard de cette dernière.
39Enfin, il apparait que la proximité physique immédiate sur ce territoire de petite taille favorise la rencontre et l’interconnaissance et donc une certaine proximité sociale entre les acteurs en général et entre le maire et certains acteurs locaux impliqués dans le projet. Le maire, en étant né sur la commune, « connait » la plupart des élus locaux, qui sont eux aussi présents sur le territoire « depuis toujours » ; un élu indique à propos du maire de Genouillé, « on était au même lycée ». Il apparait également que la proximité physique entre acteurs de ce territoire doit aller au-delà de la simple co-présence pour donner ses effets positifs pour le développement de projet, elle suppose une certaine appartenance au territoire comme l’explique un adjoint : « je me rends compte que pour avancer des projets, ce qui sauve c’est que je suis né à Civray ».
40Des éléments relatifs à la gouvernance du projet, non considérés par les porteurs de projet au moment de leur installation – « on fait et on verra » –, s’avèrent primordiaux. En effet, le développement du projet, dans sa dernière phase notamment (i.e. la construction de l’outil de transformation sur l’exploitation), fait apparaitre différents blocages « techniques » qui nécessitent, pour être levés, une concertation avec les acteurs locaux, dont la réussite dépend de la combinaison des proximités géographique et organisée.
41Le projet a été initialement pensé comme un projet d’investissement sans lien au territoire. Le DGA de l’intercommunalité souligne à cet égard les limites d’un projet qu’il qualifie de « déterritorialisé » (cf. supra, l’origine du projet n’avait aucun lien avec le territoire d’installation) : « une ébauche de plan et un cahier des charges étaient déjà faits avec un cabinet d’études parisien mais pas en détail : au départ le lieu d’implantation n’était pas celui d’aujourd’hui, les contraintes d’accessibilité, de voiries, la fibre, les accès routiers ont entrainé un changement de localisation du projet. »
42L’organisation territoriale et la répartition des compétences qui en découlent n’avaient pas été considérées comme importantes par les porteurs de projet. Nous pouvons citer à titre d’exemple, la demande de permis de construire pour la construction du bâtiment industriel sur l’exploitation agricole, laquelle dérogeait aux règles d’urbanisme existantes. Dans la mesure où cet outil industriel ne pouvait être considéré comme le prolongement de leur activité agricole (CRPM, art.311-1) étant d’une dimension trop importante au regard de l’activité de production, les règles d’urbanisme en vigueur (zone agricole) n’autorisaient pas la construction d’un bâtiment industriel. Cette contrainte a alors obligé les porteurs de projet à se rapprocher des élus (maire et président de l’intercommunalité) et des services pour trouver une solution. D’autres obstacles ont nécessité le recours aux compétences des élus, les porteurs de projet n’ayant pas les pouvoirs pour agir seuls. On peut citer la création d’une route reliant le bâtiment industriel à une départementale, où la communauté de communes, le conseil départemental de la Vienne et les communes de Charroux et d’Asnois ont dû coopérer pour permettre la desserte avant de s’en remettre à l’avis du préfet.
43Le projet a dû intégrer les contraintes relatives à l'attribution et à l'exercice des compétences des collectivités territoriales et a ainsi nécessité la coordination entre élus et techniciens des services aux différentes échelles spatiales : « l’intercommunalité a pris le relais assez vite, des problèmes de coordination sont apparus avec les élus, le fait que ce soit des élus qui ont la sensation de maitriser, la connaissance du terrain, ils peuvent nous relayer dès qu’il y a un projet pour que les remontées d’informations soient faites au bon moment. » Cette coordination n’est pas aisée comme le remarque le porteur de projet : « le désalignement de la volonté politique avec les services techniques et le reste qui n’a pas été fait ». Par ailleurs, l’instabilité des interlocuteurs inhérents à leur statut d’élu ou de fonctionnaire a ralenti les prises de décision : « les élections, les changements d’interlocuteur ne sont pas facilitateurs, il faut tout réexpliquer, tout refaire. Il n'y a pas de passage de témoin ». En effet, en dépit de la permanence des acteurs sur le territoire, durant l’élaboration du projet, on note des changements de fonction des acteurs publics : le sous-préfet qui soutenait le projet a été muté, et le maire de Genouillé a été remplacé par un ancien conseiller.
44Les blocages « techniques » ont rappelé aux investisseurs l’importance du contexte territorial (son organisation et ses acteurs et non seulement ses ressources avantageuses). Le projet s’est progressivement territorialisé comme on peut l’observer explicitement dans le discours des porteurs de projet, parlant aujourd’hui de « projet de territoire » (y compris dans leur communication officielle sur le site internet d’Ecolience).
45L’objectif de ce papier était de mieux comprendre les possibilités de rebond des territoires ruraux peu denses, à partir de l’analyse d’un projet emblématique de redynamisation de la commune de Genouillé. L’analyse des conditions initiales et du développement du projet étudié à l’aide de la grille des proximités révèle le rôle déterminant des ressources foncières (coût et qualité) et l’importance d’une « gouvernance coordonnée des acteurs d’un territoire » (Leloup et al., 2005) (i.e. coordination entre acteurs privés et publics et entre acteurs publics intervenant aux différentes échelles administratives).
46Ce travail confirme les effets positifs de la proximité physique directe et de l’interconnaissance entre acteurs d’un territoire de petite taille : au-delà de la simple co-présence, les acteurs se connaissent et appartiennent au territoire, donnant ici au maire le rôle d’intermédiaire entre les acteurs privés et publics et entre les acteurs publics et les agents (territoriaux ou d’Etat ou services) et de facilitateur du développement du projet. Fort de ses proximités physique et relationnelle conférées par son statut, le maire apparait en effet comme le mieux positionné pour activer la chaine relationnelle d’acteurs (Tallec, 2012), notamment si les porteurs de projet n’ont pas le réseau local suffisant. Cela illustre le rôle contemporain du maire non spécifique au territoire étudié, puisqu’il se retrouve dans le cas des grandes villes (Harvey, 1989). Ce dernier apparait à la fois gestionnaire et entrepreneur (Faure, 1992), négociant à toutes les échelles territoriales et recherchant des ressources extérieures pour donner à leur territoire une capacité de rebond.
47De même, cet exemple démontre que la seule installation des porteurs de projet sur le territoire (i.e. localisation à proximité des ressources) ne pouvait suffire au bon développement du projet, la proximité physique doit être activée et combinée à des proximités organisées entre l’ensemble des parties prenantes du projet pour une gouvernance coordonnée des acteurs du territoire, élément indispensable à la réussite du projet et à la capacité de rebond du territoire. Les porteurs de projet ont initialement pensé la création d’Ecolience de manière a-territoriale en ne s’appuyant, au départ, que sur leurs ressources individuelles (expériences professionnelles et ressources financières) sans tenir compte des contraintes liées à l’environnement local (règlementation d’urbanisme, accès aux réseaux et infrastructures...). Ainsi, la dimension territoriale semble avoir été écartée du processus de création d’Ecolience, faisant fi de fait de ces deux piliers, « à savoir la coordination des acteurs et les ressources territoriales » (Lamara, 2009). Par la force des choses et la rencontre de blocages « techniques », la logique d'action individuelle initiale des porteurs de projets s'est transformée en une logique d’action collective, montrant à la fois les contraintes relatives à la répartition des compétences territoriales mais également le rôle facilitateur des proximités organisées pour la coopération entre acteurs privés et acteurs publics et la réussite du projet.
48Ces relations de proximité sont complexes à mettre en œuvre et ne peuvent être créées ex nihilo ; leur construction et activation nécessitent du temps. « Les politiques d'encouragement à l'activation des liens de proximité négligent largement la dimension temporelle de construction de ces proximités. Cette construction est pourtant issue le plus souvent de processus d'apprentissages progressifs, d'interactions répétées » (Bertrand et Moquay, 2004). Toutefois, le temps politique (mandat électif) ne correspond pas toujours au temps des projets, et l’instabilité des postes des agents fonctionnaires (mutation) impose aussi un passage de témoin des dossiers qui vient compliquer le développement de projets ambitieux.
49L’analyse de ce cas, en soulignant les limites d’un projet a-territorial et l’importance des proximités, est riche d’enseignements non seulement pour les petits territoires ruraux mais également pour l’ensemble des territoires, sur leurs marges de manœuvre pour l’émergence de nouvelles activités locales. En effet, ce projet « providentiel » (arrivée exogène d’investisseurs rassemblant dès le départ les conditions matérielles du projet), constituait une opportunité pour le territoire mais pour la transformer en réalisation concrète, le territoire et ses acteurs – dont le maire en première ligne – doivent rassembler toutes les conditions nécessaires à son développement et ancrage territorial.
50Enfin, la nature de ce projet vient confirmer la vision prospective offerte par la nouvelle grille de lecture des espaces ruraux (Talandier, 2023), puisqu’il s’inscrit en tous points dans la « transition agro-industrielle » envisagée par les auteurs. Cela fait aussi écho aux deux scénarii positifs de Le Blanc dans Territoires 2040, ceux de la révolution industrielle verte (l’agriculture biologique) et de l’alter industrialisation (le local et les circuits-courts).
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