Introduction

1Le passage des approches fonctionnalistes dans le domaine de l’aménagement du territoire, à une approche basée sur la mixité comme fondement de l’urbanité, amène à s’interroger sur la manière dont les différentes fonctions urbaines peuvent s’articuler les unes aux autres, ou plus précisément, sur la manière dont les unes et les autres vont générer des externalités – qu’on espère positives – les unes sur les autres. En particulier, en toile de fond de cet article, nous interrogeons l’intégration des activités productives au sein de la planification urbaine au sein des territoires post-miniers en quête d’un regain industriel.

2Face à ces nouvelles perspectives, les connaissances existantes relatives à l’articulation du développement urbain et celui des activités productives, au sein de villes moyennes marquées par la désindustrialisation, sont utiles à mobiliser mais elles apparaissent toutefois lacunaires. D’une part, les champs du management et de la géographie économique se sont intéressés aux échelles nationales, régionales ou encore métropolitaines. Des travaux plus rares portent sur les villes petites et moyennes (Demazière, 2017). D’autre part, les activités productives sont principalement abordées à travers le prisme des activités « industrielles » motrices sous l’angle des systèmes productifs (grappes, clusters, districts) tandis que l’inscription spatiale des TPE-PE, composant aujourd’hui à plus de 90 % le paysage productif, sont relativement absentes de la littérature géoéconomique. Par ailleurs, ces manquements ne sont pas palliés par les connaissances issues des praticiens. Les aménageurs urbains ont délaissé la question de la production ces dernières décennies tandis que les aménageurs économiques ont une connaissance limitée à certaines filières ou à certains milieux, à l’instar des parcs d’activité économique (PAE) sur lesquels ils sont compétents.

3Cet article propose de revenir sur les dynamiques relationnelles qu’entretiennent la production et le territoire, étudiées au sein d’une recherche doctorale centrée sur le cas de Mons, une ville moyenne située en Belgique. Dès lors, nous posons l’hypothèse que la question de la réindustrialisation dans les villes petites et moyennes est indissociable d’une meilleure compréhension de l’écosystème entrepreneurial local, d’une part, et d’une meilleure intégration de la fonction productive dans les politiques d’aménagement urbain, d’autre part. Dans le cadre d’objectifs récents de sobriété foncière, ces questions relatives aux modalités d’insertion dans le tissu urbain sont particulièrement vives.

4En écho aux multiples trajectoires industrielles qui émaillent l’Europe occidentale, il semble indispensable de produire une connaissance originale et territorialisée, car aujourd’hui, ces questions nouvelles de reconnexion sont propres à chaque territoire (Arab, 2019).

5Les résultats exposés dans cet article sont issus d’une thèse de doctorat qui interroge l’insertion des TPE-PE au sein des espaces géographiques et économiques ainsi que l’influence des dynamiques industrielles sur l’inscription spatiale des PMI sur le territoire de Mons. Nous définissons les TPE-PE productives comme les très petites et les petites entreprises dont l’activité de production est une activité économique formelle, dans l’ensemble de ses formes juridiques dont l’activité principale comporte en la fabrication, la transformation ou la réparation de biens matériels. Les TPE ont moins de 10 salariés tandis que les PE varient entre 10 et 50 salariés.

6Cet article se focalisera sur les choix d’implantation relatifs à deux milieux urbains : les milieux urbains homogènes (PAE) et les milieux urbains hétérogènes. Parmi ces choix de localisation, nous tenterons d’identifier l’importance des facteurs relatifs à la construction d’un écosystème. À quels réseaux appartiennent les PMI montoises ? Ces deux milieux urbains distincts induisent-ils des dynamiques productives différentes ? Quels sont les intérêts pour les TPE-PE à se situer dans l’un ou l’autre espace ? Quels sont les processus d’implantation des activités productives aux échelles les plus fines ? Quel est le rôle des acteurs publics au sein de ces processus d’implantation ? Quelles sont les pratiques au sein d’une région « qui ne gagne pas » ?

7Dans cet article, nous reviendrons d’abord sur ces questions majeures qui stimulent actuellement les champs de l’aménagement. Dans un second temps, nous illustrerons ces questionnements à travers l’analyse du cas de Mons, une ville moyenne située en Belgique. Dans un troisième temps, nous exposerons les résultats obtenus par le prisme de l’étude empirique des TPE-PE productives technologiques qui s’inscrivent au sein des champs de l’innovation. Ce travail de terrain réalisé par une démarche qualitative investira la question de l’inscription spatiale des PMI à la fois du point de vue spatial (à l’échelle du milieu urbain) et du point de vue économique.

Vers la (ré)intégration de la fonction productive dans les politiques d’aménagement urbain ? Le cas de Mons

8Si depuis longtemps les dynamiques géoéconomiques ont été investies par les sciences régionales, le croisement entre l’inscription spatiale et les dynamiques industrielles, dans un contexte ou l’impact carbone tend à (ré)inscrire l’échelle locale comme échelon essentiel, invite à réinterroger l’inscription spatiale de l’industrie selon de nouvelles approches. Parmi celles-ci, le souhait de reconnecter la fonction productive et le développement urbain a récemment émergé avec la notion de « ville productive » (PUCA, 2020 ; Crague et Levratto, 2022).

9De prime abord, cette reconnexion encourage la préservation de la mixité sociale et fonctionnelle des cœurs de métropole, la minimisation des flux de marchandises, ou le développement d’une économie circulaire et solidaire (d’Assenza-David, 2021). Différents éléments nous amènent à poser l’enjeu de la (ré)intégration de la fonction productive dans les politiques d’aménagement urbain aussi au sein des villes petites et moyennes.

11Enfin, par le prisme de l’équilibre territorial, fragiliser l’immobilier et le foncier productif revient à diminuer sa base productive au profit de bases présentielles et résidentielles. Pourtant l’équilibre entre les différentes bases et les différents secteurs semble renforcer l’économie du territoire face à la fragilité de l’appareil productif et de ces aléas (Talandier et Calixte, 2021).

12Au-delà des arguments, la notion interroge les modalités de la reconnexion entre la fonction productive et l’aménagement urbain. Dans un contexte de sobriété foncière dont les perspectives sont définies par l’Union européenne (l’UE vise à supprimer d’ici à 2050 l’extension des surfaces urbanisées.), la reconnexion entre les dynamiques industrielles et le développement urbain génère de nombreux enjeux.

13D’une part, les fonciers libres ou en friche sont massivement mobilisés dans le cadre d’opérations urbaines d’envergure. Ces opérations, souvent mixtes, écartent pour la plupart les espaces productifs et se concentrent sur les fonctions résidentielles, commerciales ou tertiaires. D’autre part, les parcs d’activité économique (artisanaux et scientifiques) apparaissent comme la principale réponse pour l’implantation des TPE-PE. Toutefois, leur situation en lisière des tissus urbains centraux et leur faible densité morphologique induisent auprès de certains le souhait de les ouvrir à d’autre(s) fonction(s). Ils apparaissent comme des potentiels fonciers mobilisables : « n’est-il pas temps d’ouvrir le front du renouvellement urbain sur le terrain des zones d’activités économiques et de développer une gestion urbaine des sites économiques afin de réintégrer les zones d’activités économiques dans la ville ? » (Lejoux, 2018).

14Dans ce contexte, la sobriété foncière se pose à la fois comme vulnérabilité pour les activités industrielles et comme opportunité de reconnexion par une bifurcation de la relation ville-production.

Mons, un territoire marqué par la désindustrialisation

15Le bassin montois, composé de Mons et du Borinage est une illustration remarquable des transformations socio-spatiales héritées des révolutions industrielles et mutations économiques successives. L’exploitation du charbon à partir du XII^e siècle et la démultiplication des infrastructures ont esquissé peu à peu l’organisation spatiale singulière de ce territoire dont la structure ne coïncide pas avec la géographie de surface ou le découpage communal (Céleste, 2020) (voir illustration 1). Durant la seconde moitié du XX^e siècle, le déclin progressif de l’activité charbonnière a engendré des difficultés démographiques, économiques, sociales et s’est accompagné d’une profonde transformation du tissu productif local. Ce territoire post-minier n’a pu compenser ce processus malgré le développement de nouveaux secteurs (pétrochimie, numérique…).

16Aujourd’hui, la commune de Mons est habitée par 96 545 habitants (Iweps, 2022) et se positionne comme polarité principale de la conurbation urbaine de Mons-Borinage (201 269 habitants). Si la démographie communale tend vers les 100 000 habitants, la configuration territoriale singulière de Mons est à appréhender comme une conurbation de taille moyenne composée d’un chapelet de petites villes dont les centralités abritent respectivement des poches d’environ 10 000 habitants. Outre l’indice démographique, la commune de Mons est également la polarité du bassin d’emplois. Les nombreuses administrations (hospitalière, judiciaire, territoriale), les équipements scolaires et sportifs sont autant d’infrastructures et d’équipements communautaires pourvoyeurs d’emplois.

17Ce territoire porte encore de nombreux stigmates socio-économiques de la désindustrialisation : taux de chômage élevé (14,3 %) et stagnant, faible niveau de qualification, taux d’abandon scolaire précoce, revenu moyen de la population parmi les plus faibles de Wallonie (CPDT, 2017). Cette situation socio-économique est générée par un déficit de valeur ajoutée de l’économie territoriale attribuable à un nombre d’entreprises insuffisant, à la faible dynamique dans le secteur privé et particulièrement dans le secteur marchand (IDEA, 2017). Par ailleurs, l’importance des secteurs publics (soins de santé, action sociale et enseignement) dans la proportion d’emplois et la diminution de la part de la population active par rapport à la population totale ne participent pas au dynamisme de l’arrondissement. Cet héritage configure aujourd’hui la base économique du territoire (une base résidentielle faible, une base sociale élevée, une base publique élevée et une base productive moyenne) et est finalement le reflet d’un territoire communal peu industrialisé (CPDT, 2006 ; IDEA, 2017). Ces éléments génèrent donc des boucles de rétroaction qui embourbent le territoire dans une faible dynamique socio-économique (IDEA, 2017). Ceux-ci confèrent au territoire une situation peu enviable, accentuée par un déficit d’attractivité (Halleux et al., 2019).

18Sur le volet productif, Mons héberge 1 120 établissements productifs dont 93 % sont des TPE. Le tissu productif, quant à lui, est principalement ancré dans l’économie fondamentale. Cette économie est caractérisée par « la création et la distribution de biens et de services consommés de tous parce qu’ils soutiennent la vie quotidienne » (Bentham et al., 2013). Le secteur de la construction se distingue particulièrement par sa prépondérance (63 %) tandis que les activités d’entretien et de réparation liée au transport sont de 17 %. Les activités restantes se répartissent au sein de différents secteurs manufacturiers. On y trouve les activités alimentaires, chimiques, pharmaceutiques ou encore métallurgiques.

Une stratégie axée sur l’économie de la connaissance, outillée par la mise en place de parcs d’activité économique

19En réponse à ces enjeux, la commune de Mons en tant que polarité d’un bassin de vie, a entamé au début du XXI^e un processus de reconversion économique (inscrit dans la lignée du paradigme de « ville créative ») prenant la forme d’un projet de ville dénommé « Mons 2015 vers un projet de ville, Ensemble ». Celui-ci repose sur cinq priorités absolues : la culture, le patrimoine, la création d’activités via la formation, le développement économique, la redynamisation du commerce de qualité au centre-ville. Par la suite, le développement résidentiel à travers l’objectif des 100 000 habitants complète ces axes prioritaires.

20Souhaitant accroitre son attractivité résidentielle et touristique, cette reconversion économique du territoire s’est accompagnée d’une série d’interventions concrètes concourant à la qualité des lieux de vie : scénarisation du centre-ville par l’embellissement des centralités urbaines, développement d’une nouvelle polarité commerciale, reconversion de friches, recours à l’architecture contemporaine, etc. Entre 2000 et 2020, la ville a mobilisé trois portefeuilles FEDER successifs pour réaliser ces aménagements. En 2015, Mons accélère son développement culturel, en devenant Capitale européenne de la Culture.

21Sur le plan économique, le territoire montois s’inscrit dans le projet de réindustrialisation porté par la Région Wallonne en vue d’accroitre la création de richesse et d’augmenter le taux d’emplois dans une Wallonie en décrochage économique durant les années 1990. Pour cela, elle adopte en 1999 le contrat d’avenir pour la Wallonie, remplacé en 2005 par le plan Marshall. Il découle de ces impulsions politiques la mise en œuvre des pôles de compétitivité, le soutien à la création d’activités par la fiscalité ou encore un financement accru à la recherche et à l’innovation. A travers ces différents axes, la stratégie tend à stimuler les filières dont le potentiel de transfert technologique est élevé ou la création de nouvelles activités industrielles ou le renforcement de filières existantes sont porteurs d’une haute valeur ajoutée (Boveroux et al., 2021).

22À Mons, La reconversion économique repose sur le développement de l’économie de la connaissance et la capitalisation des établissements d’enseignements supérieurs (université et hautes écoles) présents sur le territoire. L’objectif est bien de mobiliser ces acteurs pour générer une dynamique économique endogène qui cherche à stimuler le développement à partir des hautes technologies et les technologies de l’innovation. Cette stratégie se structure autour d’un réseau d’opérateurs locaux (la maison de l’entreprise, les universités et hautes écoles, les organes de financement) et du développement d’infrastructures d’accueil. À l’origine, les infrastructures d’accueil se composent d’un parc scientifique Initialis (25 hectares) situé en première couronne du centre historique et de halls relais implantés au sein de ce dernier. Plus récemment un second périmètre a été aménagé sous l’appellation Initialis 2.0, portant à près de 45 hectares, les périmètres d’accueil destiné à offrir une offre foncière ou immobilière comme élément d’attraction à la stratégie de développement.

Impacts et enjeux des parcs d’activités économiques sur le développement territorial

23Dotée d’un budget régional à hauteur de 1 500 millions d’euros (dont 30 % sont alloués à l’équipement de zoning), l’opérationnalisation de la stratégie mise sur pied génère un développement particulièrement expansionniste d’un point de vue foncier. Pourtant ce modèle, hérité de l’aménagement fonctionnaliste, est aujourd’hui questionné à de multiples égards.

24Sur le plan urbanistique, il a déjà été largement démontré que ces PAE souvent très généreux en foncier participent à la fois à l’étalement et au desserrement urbain. « Une telle situation contribue inutilement à la dévitalisation des tissus urbains traditionnels et elle est donc spatialement inefficace » (Vandermeer, 2016, p. 49). Finalement, leur développement peut aggraver les impacts négatifs connus sans générer de réelle plus-value territoriale (Delisle et Laine, 1998 ; Mérenne-Schoumaker, 2011 ; Vandermeer, 2016). Ce phénomène est d’autant plus vrai et inquiétant qu’il « incite les petites entreprises à s’excentrer alors que le milieu urbain pourrait parfaitement convenir à leur activité » (Vandermeer, 2016, p. 220). Ce phénomène a été observé à Mons. Il se caractérise par une réorganisation de la fonction productive et par la polarisation de ces établissements au sein des Parcs d’Activité Économique (PAE). Concrètement, cela s’exprime par deux dynamiques sous-jacentes : la diminution significative des espaces productifs dans les tissus urbains centraux et de première couronne ainsi que l’expansion par concentration au sein des PAE.

25Au regard de l’ensemble de ces éléments, nous interrogeons la pertinence de ces aménagements expansifs dans un contexte où les objectifs de sobriété foncière s’invitent à l’agenda des politiques publiques.

26En effet, l’Union européenne vise à supprimer d’ici à 2050 l’extension des surfaces urbanisées. En Belgique, la compétence de l’aménagement du territoire étant régionalisée, cet objectif est décliné par la Région wallonne qui vise « à réduire la consommation des terres non artificialisées à 6 km²/an d’ici 2030, soit la moitié de la superficie consommée actuellement et tendre vers 0 km²/an à l’horizon 2050 » (Région wallonne [2019], p. 127). Ces efforts seront menés en parallèle d’une politique de densification des centres urbains existants. Dans cette dynamique, le phénomène de déconnexion pourrait s’intensifier davantage dans les années à venir pour deux raisons.

27Ces dernières décennies, le rythme d’artificialisation sur le territoire wallon a sensiblement diminué en passant de 2 000 ha/an durant les années 1990 à 1 200 ha/an de moyenne entre 2012 et 2017. En comparant à l’augmentation de la population, 1 ha de terrain était artificialisé pour 2,3 nouveaux habitants entre 1992 et 1997 contre 5,7 nouveaux habitants entre 2012 et 2017. Cependant, l’objectif de 600 ha/an en 2030 est encore loin d’être atteint.

28La commune montoise, quant à elle, connait un rythme assez soutenu d’artificialisation des sols ces dernières années. Entre 2002 et 2017, le territoire montois a connu une artificialisation des sols à hauteur de 17 ha/an (en moyenne) dont 63 % de cette artificialisation est due au résidentiel. La part d’artificialisation attribuable aux parcs scientifiques (45ha) n’est pas négligeable.

29Ces politiques d’aménagement publique sont d’autant plus critiquables que les entreprises qui s’y installent semblent finalement nécessiter de peu d’espaces (voir illustration 3) et que les nuisances inhérentes à leurs activités semblent relativement faibles (de prime abord, celles-ci se limitent au charroi).

30Face à ces multiples constats, quels sont les facteurs qui jouent un rôle dans la localisation des entreprises ? L’implantation au sein d’une zone destinée aux entreprises de haute technologie et de l’innovation est-il une conséquence de l’inscription au sein d’un écosystème ? L’implantation au sein des entreprises de haute technologies et d’innovation au sein d’un même espace génère-t-il des relations spécifiques ?

De l’utilité de mieux comprendre le processus multifactoriel de localisation des entreprises. Focus sur les TPE-PE productives

31D’un point de vue analytique, l’entreprise est avant tout un système complexe qu’il s’agit de considérer comme une organisation bicéphale (composée d’une structure sociale et d’un centre de production) (Forrester, 1980). Le système bicéphale met en lumière « le produit » (et de manière inhérente sa chaine de production) ainsi que le rôle décisif de l’entrepreneur. Le « produit » résulte d’un processus de fabrication qui est lui-même composé, selon Barney du capital physique, du capital humain et du capital organisationnel. Le capital physique représente le bâtiment, les matières premières, la localisation, les technologies et machineries utilisées. Le capital humain fait référence aux compétences de la main d’œuvre. Enfin, le capital organisationnel comprend la structure formelle de l’entreprise ainsi que la répartition des rôles de décision, de coordination à la fois formelle et informelle (Barney, 1991).

32Les relations tissées entre le territoire et l’activité de production découlent donc de la construction dynamique liant les différents capitaux de l’entreprise et les ressources territoriales, d’une part, et les ressources territoriales et l’individu-entrepreneur, d’autre part. Ce sont ces deux types d’interactions que nous allons succinctement développer.

Les facteurs influant sur la localisation

33L’objectif premier d’un entrepreneur est donc d’articuler les besoins inhérents à l’entreprise avec les ressources multiples, tangibles et non tangibles, dont disposent les territoires. Ces ressources prennent différentes formes qui sont ici regroupées en quatre sous-catégories : les facteurs de production, l’environnement économique, l’environnement politique et l’encastrement territorial.

Les facteurs de production

34Les facteurs de production comprennent les ressources matérielles (matières premières) et humaines ainsi que l’ensemble des infrastructures territoriales nécessaires au processus de production tels que l’énergie, l’eau ou encore les infrastructures de transport.

35Nous distinguons dès lors les facteurs d’origine géographique tels que les ressources géosourcées (charbon, pierre…) ou biosourcées (chanvres, paille…), les facteurs humains (la quantité de main d’œuvre et sa qualité) ainsi que les facteurs générés par une intervention humaine volontariste qui vise à équiper le territoire. Les infrastructures de transport et l’aménagement de PAE en sont les projets les plus illustratifs.

L’environnement économique

36Les travaux menés ces trente dernières années et appartenant à la nouvelle économie géographique (NEG) ont mis en évidence le rôle de l’environnement économique comme facteur de grande influence sur la localisation des entreprises. Cet environnement économique est caractérisé par ses externalités positives et négatives qui confèrent de potentiels avantages comparatifs en termes de productivité à l’entreprise. Ces avantages sont imputables à la concentration industrielle (économie de localisation) ou à une forte diversité de firmes et de services (économie d’urbanisation) (Catin, 1991). Ces externalités émergent des caractéristiques urbaines, socio-économiques ou socioculturelles ainsi que du tissu entrepreneurial (Crevoisier, 2000).

37L’économie de localisation apparaît au sein d’une forte spécialisation industrielle. Nous pouvons alors distinguer les économies d’agglomération intra-industrielles et inter-industrielles. Les économies intra-industrielles sont composées d’activités inscrites au sein du même secteur d’activité et se caractérisent par un effet de spécialisation. Les économies inter-industrielles sont quant à elles composées d’une diversité d’industries. Ce modèle favorise alors la percolation de savoirs et de technologies à travers l’ensemble du tissu productif (Glaeser et al., 1992). Ces économies génèrent des externalités pécuniaire, technologique, de connaissance ou de réseau. Concrètement, elles s’incarnent par la dynamique d’innovation ou les investissements en R&D.

38Les économies d’urbanisation, quant à elles, dépendent de l’activation de ressources locales par les stratégies politiques. Elles s’accomplissent à travers le développement d’infrastructures, la qualité de la main d’œuvre, la qualité spatiale, urbaine et la qualité de vie, par exemple.

L’environnement politique

39La mise en place de réglementations, de contraintes sociales ou environnementales ainsi que les interventions de soutien sont également des facteurs qui peuvent influencer sur la localisation d’une entreprise. Les politiques incitatives ainsi que les organes de financement participent à leur manière à aider et à attirer les firmes sur le territoire.

L’encastrement relationnel de l’entrepreneur

40Les sciences de gestion et la sociologie économique abordent également l’entreprise comme un objet sociologique maintenu par des acteurs. Les travaux de Granovetter envisagent l’activité entrepreneuriale comme socialement située et encastrée dans des réseaux de relations (Granovetter M., 1973 dans Reix, 2008). Selon Granovetter, « Les acteurs [individuels] n'agissent ni ne décident comme des atomes en dehors de tout contexte social, pas plus qu'ils n'adhèrent servilement à des destins écrits pour eux par l'intersection des catégories sociales auxquelles ils appartiennent. Leurs tentatives d'action intentionnelles sont plutôt encastrées dans le système concret des relations sociales » (Granovetter, 1985, p. 487).

41Cet encastrement relationnel, outre les humains qui le composent, est porteur de liens et de valeurs d’influences collectives ou de références sociales qui évoluent à travers le temps et reposent sur la production volontaire d’un « capital social local » (Lagarde, 2006 ; Plociniczak, 2003). Ce capital social local offre ensuite un réseau de relations dense pouvant aboutir à des partenariats et collaborations (Reix, 2008).

Le choix d'implantation : un équilibre complexe entre optimisation du système productif et les considérations personnelles de l’entrepreneur

42Les considérations personnelles de l’entrepreneur, en arbitrage au sein du processus décisionnel, s’illustrent selon deux facettes : d’une part, à travers la structuration du système productif de l’activité et, d’autre part, à travers le choix d’implantation.

43La localisation des activités économiques sur le territoire est le résultat d’un processus cognitif mené par l’entrepreneur qui est à tour de rôle acteur politique, manager et homme sensible (Bailly, 1977 ; Mérenne-schoumaker, 2011). Le choix d’implantation résulte donc d’un compromis qui met en balance de multiples facteurs de nature économique, géographique, politique relativisés par un ensemble de considérations personnelles, elles-mêmes conditionnées par la soutenabilité du modèle économique. Ces considérations incarnent des valeurs de nature idéologique, affective ou opportuniste (Bousquet et al., 2016) et amènent l’entrepreneur à se positionner selon deux finalités : économique ou personnelle.

Le choix de localisation à dominante économique

44Dans un certain nombre de cas, le choix de localisation aboutit à des considérations économiques qui visent l’optimisation de leur modèle économique. Cette optimisation est possible atteignable par la localisation optimale selon un choix rationnel résultant de l’équilibre financier, fonction des coûts de transport, entre l’espace de production et son marché. Le choix de localisation peut également découler d’avantages comparatifs propres aux régions. Ces avantages sont nombreux et sont considérés différemment selon les activités. Un de ces avantages repose sur l’encastrement de l’entrepreneur : l’appartenance territoriale des acteurs et la succession d’expériences et d’affinités personnelles au(x) territoire(s) sont génératrices d’une force cognitive favorable à la santé et au développement de l’entreprise (Bousquet, 2014).

Le choix de localisation à dominante personnelle

45À l’inverse, l’encastrement relationnel au territoire est susceptible d’amener ce dernier à appréhender son positionnement dans l’espace géographique par des critères plus personnels, affectifs (Cadieux et St-Pierre, 2011). Par exemple, la présence familiale et amicale joue un rôle particulier. Cette dimension familiale met en lumière que le choix d’implantation est donc, aussi, le fruit d’arbitrage entre la sphère professionnelle et les attentes de la sphère privée (Bousquet, 2014).

46L’entrepreneur en tant qu’individu possède également des considérations idéologiques (éthiques ou environnementales) qui influencent aussi le système productif des entreprises. Souvent énoncées comme une forme d’économie alternative, de nouvelles formes entrepreneuriales se positionnent en rupture avec les logiques industrielles (Delperdange, 2021). Ces choix font alors échos à une représentation, une image admise d’un cadre ou d’un mode de vie.

47Ces quatre considérations (Optimisation – Avantages comparatifs – Affectif – Idéologique) ne sont pas étanches et participent, chacune à leur tour, au processus cognitif mené par l’entrepreneur. Il en découle un état de satisfaction défini par des considérations dominantes et des considérations secondaires.

48Cela nous amène à appréhender l’inscription territoriale de l’établissement comme le résultat d’un système complexe mettant en relation continue d’une part, le centre de production de l’établissement et le territoire par le biais du système productif de l’activité et d’autre part, l’entrepreneur comme individu socialement et culturellement encastré. En tant que système dynamique, ces relations sont relativisées perpétuellement par des considérations personnelles de l’entrepreneur (individuelles ou collectives en fonction du modèle de gouvernance) et en fonction de la variation des éléments conjoncturels. Mieux comprendre l’inscription territoriale revient à questionner, d’une part, l’encastrement de l’entrepreneur et, d’autre part, la structuration du système productif.

49Ce choix est particulièrement mis en évidence en regard des singularités territoriales périphériques. En effet, la microrégion montoise subit un déficit d’attractivité tandis que les micro-territoires du triangle wallon et de la Wallonie picarde génère des externalités territoriales positives. Il existe donc une certaine concurrence entre ces micro-territoires, très proches, insérés dans le territoire polycentrique wallon. Finalement, pourquoi les entreprises choisissent-elles de s’implanter à Mons ?

Lecture empirique des facteurs d’implantation des TPE-PE productives : résultats et interprétations

50Cet article se concentre sur 10 entreprises productives dont l’innovation ou la composante technologique est particulièrement prégnante dans leur business model.

51Une première analyse métabolique a permis de mieux comprendre les systèmes productifs des établissements visités ainsi que leurs inscriptions au sein des espaces économiques et géographiques. En se focalisant sur les différents flux, leurs origines ainsi que leurs destinations, cette lecture a permis de mettre en lumière les liens qui interconnectent les différents acteurs du territoire (illustration 7). Une seconde analyse cherchait à mettre en lumière les stratégies d’implantation en fonction du système productif de l’établissement.

52Les résultats étayés au sein de cet article relatent uniquement de notre lecture inter-cas. Celle-ci cherche à mettre en avant d’éventuelles redondances par le croisement des différents cas d’étude. Cette analyse nous a permis de mettre en lumière différents points communs ainsi que certaines singularités dans le processus de localisation. Toutefois, ces facteurs interviennent de manière différente selon l’échelle concernée. Nous distinguons nos résultats en deux phases. D’abord, nous détaillons l’influence de ces facteurs sur le choix de la micro-région. Ensuite, nous approfondissons cette même lecture à l’échelon du site.

Zoom sur la stratégie d’implantation d’entreprises innovantes à l’échelle de la microrégion

L’humain au centre des facteurs d’influence sur la localisation des TPE-PE productives

53Le facteur humain, incarné par l’individu entrepreneur et le capital humain de l’entreprise est mobilisé de manière récurrente dans notre analyse. D’une part, pour les activités existantes, le capital humain constitue une forme d’ancrage local qui influence considérablement la localisation. D’autre part, l’entrepreneur, individu sensible et socialement encastré, joue un rôle prépondérant.

54D’abord, le rôle de la ressource humaine, par sa redondance, s’est particulièrement révélé à travers les entreprises qui ont entrepris un déménagement durant ces dernières années. Le capital humain de l’entreprise induit une forme d’ancrage important qui se révèle structurant face au marché de l’emploi. La difficulté de recrutement et l’absence de compétence sur le marché de l’emploi forcent l’entrepreneur à éviter de perdre son capital social déjà en place. En revanche, cet ancrage concerne plus largement les profils d’ouvrier dont l’origine locale (bassin de Mons-Borinage) est significative. Les profils d’employés sont quant à eux plus largement dispersés et sont originaires d’autres régions.

55Ensuite, les facteurs d’ordre personnel apparaissent très structurants dans le choix de la microrégion. Dans la plupart des cas, les entrepreneurs montois ont choisi de s’installer à Mons pour des raisons d’attachement personnel au territoire. Ces facteurs transparaissent de manière plus importante à travers les activités ayant une relation économique au territoire en aval ou en amont de la production. Cependant, ce facteur s’exerce aussi auprès d’établissements dont les liens économiques sont plus faibles. Au-delà du lien affectif, la proximité entre le lieu de travail et le lieu de vie tend à nourrir la recherche d’un équilibre vie privée – vie professionnelle. Cela ne remet pas en cause la soutenabilité de leur projet. L’absence de dynamique industrielle ou d’externalités métropolitaines apparait secondaire même pour les activités de niche technologique.

« Moi je suis montois, je voulais travailler près de chez moi. Quand je viens travailler, je veux voir le beffroi » (Entretien Everdeen).

Le faible rôle des facteurs de production et de l’environnement économique

56Cette seconde section met en évidence le très faible rôle des facteurs à dominante économique sur le choix de la microrégion. Notre analyse inter-cas révèle le très faible rôle des ressources matérielles, des infrastructures et de l’environnement économique.

57D’abord, l’étude du système productif des entreprises illustre de manière évidente l’insertion voire la dépendance des TPE-PE aux marchés mondiaux, à la fois sur le plan des ressources, sur le plan du conditionnement, sur le plan de la clientèle, ou encore sur le plan de l’outillage et de la machinerie. En parallèle, l’étude du système productif met en lumière la faible exploitation de ressources matérielles locales. L’insertion mondiale s’accompagne d’une absence de liens inter-entreprises à la fois avec les industries qu’avec les TPE-PE productives présentes sur le territoire (à l’échelle régionale). Il ressort de nos observations que les flux de matières induits par la répartition spatiale de la clientèle et des fournisseurs influencent peu le processus d’implantation en regard de leur insertion au sein des marchés internationaux. Cette dépendance des entreprises aux ressources étrangères apparait comme paradoxale et augmente la vulnérabilité des territoires vis-à-vis de potentiels conflits géopolitiques mondiaux.

58Ensuite, la faible attractivité territoriale, l’absence de dynamique industrielle ou encore la faible spécialisation du tissu productif montois sont autant d’éléments qui sont défavorables à la mise en place d’un environnement économique attractif à l’échelle macro. Les économies externes de localisation et d’urbanisation n’ont pas été énoncées lors de nos entretiens. La présence d’une université et de centres de recherche n’est pas apparue comme externalités positives.

59En résumé, il ressort finalement de ces dix entretiens que les facteurs d’ordre personnel ont un poids important dans le processus décisionnel aboutissant au choix de la microrégion. Ces facteurs sont énoncés dans les différentes configurations, mais sont particulièrement présents dans le discours des activités dont la production s’incarne par des relations locales avec le territoire (import pour le marché local ou le local pour local). Les facteurs d’ordre personnel et particulièrement les facteurs affectifs apparaissent de manière récurrente et semblent jouer un rôle prépondérant dans le processus décisionnel.

60En revanche, l’encastrement territorial des individus-entrepreneurs et le potentiel de collaborations inter-entreprises sont assez peu apparus dans le discours. Seules deux activités ont reflété l’existence d’un capital social qui a amené des collaborations.

61Ces éléments permettent de mieux saisir l’arbitrage réalisé entre les considérations d’ordre économique et personnel. À cette échelle, les considérations d’ordre personnel prédominent sur les considérations d’ordre économique.

L’influence de l’action publique sur le processus de sélection du site

62Dans ce troisième et dernier temps, nous discutons des facteurs d’influence pris en considération par les entrepreneurs en termes de choix du site.

63À nouveau, les facteurs d’ordre productif semblent avoir peu de poids dans le processus décisionnel. D’une part, les relations territoriales à l’échelle du milieu ou de l’entité urbaine sont inexistantes. De potentielles synergies entre entreprises, implantées par exemple au sein d’un même PAE, n’ont pu être révélées. D’autre part, l’absence d’externalité en termes d’économie de localisation (cluster spécialisé, densité d’innovation ou de R&D) n’induit pas la recherche de proximité physique.

64En revanche, notre travail a révélé que les entrepreneurs en quête de foncier ou de locaux d’activité accordent peu de temps à l’étude de marché. Dans de nombreux cas, peu ou pas d’alternative ont été envisagée. Le processus de sélection est réalisé dans une temporalité très courte à laquelle s’ajoute un faible investissement de l’entrepreneur à cette tâche. Le choix du site découle des formes différentes selon que le processus soit réalisé en autonomie ou accompagné

Processus accompagné

65L’échantillon de cas sélectionnés a induit volontairement la sélection de TPE-PE située au sein d’un PAE. Parmi celles-ci, trois cheminements se distinguent : l’implantation dans un processus d’incubation, l’implantation par transfert et l’implantation nouvelle.

67Dans le cas de l’implantation par transfert, nous pouvons distinguer, d’un côté, les transferts d’établissement d’un tissu hétérogène vers un PAE (D-TEK, Optec, Ecostéryl, Labocréation) et, d’un autre côté, les déplacements d’entreprises d’un site vers un autre, tous deux situés en PAE (Everdeen). Ces transferts sont justifiés par des besoins d’agrandissement, une inadéquation entre les besoins et le local ou encore une vétusté. Ces raisons sont connues et déjà largement documentées (Delisle et Laine, 1998 ; Mérenne-schoumaker, 2011).

68Le processus d’implantation nouvelle concerne uniquement des activités exogènes au territoire dont le choix repose sur l’optimisation de leur système productif. La recherche de cette localisation optimale s’inscrit au sein d’un processus linéaire caractérisé par l’accompagnement de l’entrepreneur par l’IDEA. D’abord interlocuteur lors du choix de la microrégion, il est ensuite facilitateur dans la concrétisation du projet à travers un achat foncier ou immobilier. Dans ce processus linéaire, IDEA aiguille les acteurs économiques vers les PAE.

69De manière transversale à ces trois cheminements, notre étude illustre le rôle fondamental de l’action publique et les conséquences de l’homogénéité de ces dispositifs d’action qui se focalisent actuellement uniquement par l’aménagement de PAE. Dans chacun des cas, l’intercommunale de développement a été l’interlocuteur privilégié par l’entrepreneur. Cela confirme et renforce le rôle de l’intercommunale dans le phénomène de desserrement urbain par le recours systématique au PAE.

70En outre, les facteurs d’ordre personnel transparaissent peu dans le choix du site. De manière secondaire, des éléments relatifs aux économies d’urbanisation peuvent être mis en avant. D’une part, la disponibilité foncière est un élément structurant tandis que le prix n’est pas un facteur déclencheur, mais est plutôt perçu comme un avantage. D’autre part, la connexion aux infrastructures de transport et la facilité d’accès, tant pour ses membres que pour la logistique, ont également été mises en avant.

Vers une diversification de l’action publique pour la préservation des activités productives et le soutien de processus de réindustrialisation

71En introduction, nous posions l’hypothèse qu’une meilleure intégration de la fonction productive dans les politiques d’aménagement urbain est une condition de la réindustrialisation dans les villes petites et moyennes. Dans cet article, la réindustrialisation est abordée indirectement à travers le focus réalisé sur les TPE-PE productives, apparaissant comme le moteur d’un renouveau industriel comme socle technologique et compétitif en soutien à l’émergence d’écosystème industriel.

72En région wallonne, et plus particulièrement à travers le prisme du cas de Mons, ville moyenne au sein d’un territoire post-minier, la réalisation de parc d’activités mixtes ou de parcs scientifiques compose la principale réponse fournie par les politiques publiques en termes d’aménagement économique en vue d’une réindustrialisation du territoire. Leur développement est légitimé en regard de trois arguments : le PAE est un mode d’organisation spatiale répondant aux enjeux de cohabitation fonctionnelle au sein des tissus urbanisé ; le PAE est une réponse opérationnelle en vue d’augmenter la compétitivité du territoire en fournissant une réponse aux besoins d’espaces des activités grandissantes ; le PAE est une réponse stratégique en faveur du développement économique par l’augmentation de l’attractivité territoriale et le développement endogène. Pourtant, ce travail empirique participe à la démonstration que le rôle des PAE sur le développement économique est particulièrement faible.

73Premièrement, l’analyse métabolique réalisée auprès de ces établissements témoigne du peu de relations tissées entre les TPE-PE et les acteurs industriels ou institutionnels présents sur le territoire ainsi qu’entre les TPE-PE au sein du même PAE.

74Deuxièmement, les entreprises rencontrées sont principalement issues d’une initiative entrepreneuriale d’un entrepreneur local. Le choix d’implantation au sein d’une zone destinée aux entreprises de haute technologie et de l’innovation n’est pas une conséquence de l’inscription au sein d’un écosystème. Par ailleurs, l’implantation au sein des entreprises de haute technologie et d’innovation au sein d’un même espace ne semble pas générer des relations spécifiques.

75Troisièmement, à l’inverse de ces deux premiers points, le développement de ces infrastructures apparait comme une réponse opérationnelle efficace pour accueillir des activités locales en manque de place.

76Hérité du modèle fonctionnaliste, ils sont aujourd’hui les stigmates d’un aménagement expansionniste qu’il convient de reconsidérer dans l’objectif de sobriété foncière.

77Au regard de ces quelques résultats et en guise de conclusion, nous souhaitons ouvrir plusieurs pistes de réflexion.

78La remise en question de ce modèle expansif comme unique mode d’action publique nous invite à envisager sa diversification afin de tendre vers la limitation de l’artificialisation des sols. Cette diversification des dispositifs d’action publique en faveur des activités productives apparait nécessaire en vue de mieux répondre aux enjeux de sobriété foncière tout en considérant pleinement les activités productives. D’une part, cette diversification des pratiques d’aménagement s’incarne par une diversification des mécanismes d’action en vue de réintégrer les besoins des activités productives au sein des politiques urbaines. La connaissance de ces besoins impose une meilleure compréhension de l’écosystème entrepreneurial afin de faciliter le retour de la fonction productive et, in fine de la réindustrialisation. L’importance de cette connaissance et de cet observatoire des écosystèmes entrepreneuriaux est particulièrement vive dans les villes petites et moyennes, au sein desquelles les données sont souvent éparpillées, ou partielles. D’autre part, cette diversification des pratiques d’aménagement doit permettre une diversification des modèles typo-morphologiques afin d’envisager une reconnexion urbano-productive sous l’angle spatial du territoire. Cette diversification des modes d’action publique cherche à éviter le recours systématique des PAE. Concrètement, il convient alors de mieux appréhender la fonction productive dans la fabrique urbaine par la prise de conscience du rôle des espaces productifs situés dans les espaces hétérogènes particulièrement présents dans les villes moyennes et du potentiel qu’ils représentent dans un objectif de sobriété. Cette prise en considération pourrait dès lors s’accompagner d’une consolidation des espaces productifs situés au sein des tissus urbains par leur rénovation et leur sécurisation à travers le droit du sol et les outils de prescriptions programmatiques. Pour leur rénovation, l’action publique peut alors envisager la sollicitation des acteurs privés comme en témoigne l’AMI AIRE menée à Bordeaux ces dernières années. Une meilleure prise en considération des espaces productifs peut également amener les acteurs publics à (ré)introduire la fonction productive au sein de projet d’aménagement d’envergure tel que les réhabilitations de friches militaire, résidentielle, commerciale ou lorsque la situation le nécessite, industrielle. Ces friches sont encore nombreuses dans les villes moyennes post-industrielles, telles que Mons et plus largement la région boraine. Dans ce dernier cas, il convient toutefois de mesurer l’impact de l’ouverture de ces fonciers productifs à d’autres fonctions.

79En outre, ces constats nous amènent à penser que les villes petites et moyennes seront, dans un cadre de sobriété foncière, finalement soumises à des contraintes et enjeux spatiaux similaires aux métropoles connaissant aujourd’hui un desserrement productif imputable à la pression foncière. Dans ces circonstances, la place allouée à la fonction productive, dans ces différentes formes et contribuant à la réindustrialisation des territoires, est à appréhender de manière transcalaire.

80Au-delà de cette diversification des modalités d’action publique, notre étude de cas témoigne d’un nombre important de transfert de TPE-PE depuis les espaces urbains vers les PAE sans disposer d’étape intermédiaire. Il convient dès lors de mieux anticiper et de mieux appréhender le parcours résidentiel des entreprises par la mise en place de mécanisme de veille, de création de cadre de dialogues entre les acteurs du territoire et de discussions prospectives.

81Enfin, les faibles relations interentreprises laissent à penser qu’un travail conséquent peut être réalisé pour soutenir les processus de réindustrialisation, tel qu’une participation plus active au cœur des gouvernances des écosystèmes, ou d’autres mécanismes macro-économiques (fiscalité).