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Paiement redistributif : impact du plafond de surprime sur le ciblage des exploitations bénéficiaires

Redistributive payment: impact of the premium ceiling on the targeting of beneficiary farms
Laurent Piet, Catherine Laroche Dupraz et Cyrielle Beaudouin
p. 5-21

Résumés

Le paiement redistributif (PR) introduit par la réforme de la PAC de 2013 vise à redistribuer une partie des aides directes du premier pilier vers les petites exploitations. Il est versé à concurrence d’un « plafond de surprime » établi en France à 52 ha. Pour analyser l’impact du choix de ce plafond sur la distribution des aides entre exploitations selon leur taille, les auteurs proposent une méthode pour calculer le montant du PR par hectare en fonction du plafond retenu et du budget dédié. En utilisant un simulateur calibré sur les microdonnées publiques du Rica, ils montrent alors que même des exploitations d’une taille bien supérieure au plafond sont bénéficiaires nettes du PR et que pour cibler la redistribution sur les exploitations plus petites que 52 ha, il faudrait choisir un plafond très inférieur.

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Notes de l’auteur

Ce travail a bénéficié du soutien financier du ministère français de l’Agriculture et de l’Alimentation dans le cadre du projet de recherche Agr’Income (CEP 2018 AAP 02). Nous remercions les deux relecteurs anonymes ainsi que l’éditeur en charge de l’article pour leurs commentaires et suggestions qui ont grandement contribué à améliorer celui-ci.

Texte intégral

1La réforme de la Politique agricole commune (PAC) de 2013 a introduit le paiement redistributif (PR), ou « surprime aux premiers hectares », dans l’objectif de redistribuer une partie des aides directes du premier pilier vers les exploitations les plus petites. Cet article évalue les effets redistributifs de ce paiement et discute l’impact du plafond de surprime choisi (52 ha). Nous montrons que pour cibler la redistribution sur les exploitations effectivement plus petites que 52 hectares, il faudrait choisir un plafond très inférieur.

  • 1  Pour une discussion plus large de l’adéquation de l’instrumentation de la PAC 2014-2020 au regard (...)

2La réforme de la PAC de 2013 a en effet mis en avant la volonté de faire évoluer les paiements attribués dans le cadre de son premier pilier (aides directes aux agriculteurs) pour, d’une part, reconnecter l’attribution des aides agricoles avec de nouveaux enjeux environnementaux et sociaux de l’agriculture et, d’autre part, modifier la distribution des soutiens au revenu vers plus d’équité en favorisant les exploitations jusqu’ici moindres bénéficiaires1. Pour laisser de l’espace budgétaire à de nouveaux paiements potentiellement plus légitimes aux yeux de la société dans le cadre de la PAC 2014-2020, l’Union européenne (UE) a remplacé les droits à paiements uniques (DPU) du premier pilier de la PAC par plusieurs paiements directs. Le budget destiné à financer les aides directes du premier pilier a été alloué aux États membres (EM) sur la base de la répartition budgétaire de la PAC 2003-2013 ; chaque EM a ensuite eu la charge de répartir son budget entre les différents paiements possibles à l’échelle nationale, certains obligatoires et d’autres facultatifs. Concrètement, au paiement de base (PB) s’ajoutent obligatoirement le paiement vert (PV), conditionné à des exigences allant au-delà de l’éco-conditionnalité, et le paiement en faveur des jeunes agriculteurs (PJA), visant le soutien au renouvellement des actifs agricoles. Les EM doivent ainsi consacrer obligatoirement 30% de leur budget d’aides directes du premier pilier au PV, et jusqu’à 2% de ce budget au PJA. Ils peuvent également mobiliser une partie de leur enveloppe pour trois types de paiements facultatifs : paiement en faveur des agriculteurs situés en zones défavorisées (jusqu’à 5% du budget total du premier pilier), paiement forfaitaire à destination des petits agriculteurs (PPA, jusqu’à 10% du budget total du premier pilier), et paiement redistributif (PR, jusqu’à 30% du budget total du premier pilier). In fine, le budget consacré au PB dans chaque EM est le solde de l’enveloppe budgétaire allouée pour les paiements directs découplés du premier pilier, une fois retranchés les budgets nécessaires au financement du PV, du PJA et des autres paiements facultatifs éventuellement retenus.

  • 2  S’il s’avérait initialement inférieur à la valeur moyenne de référence (nationale ou régionale), l (...)

3Basé sur le système de références historiques de l’ancien DPU, le calcul des PB en 2014 s’est traduit par une inégalité des montants à l’hectare entre exploitations. Conformément à l’objectif de plus grande équité des paiements, l’article 25 du Règlement n°1307/2013 du 17 décembre 2013 (JOUE, 2013), a instauré la « convergence » des PB à l’hectare sur la période 2014-2019 afin, précisément, d’atténuer ces inégalités en vue de leur élimination progressive. Néanmoins, chaque EM devait arbitrer entre une convergence à l’échelle nationale ou régionale des PB par hectare, et décider de l’ampleur de la convergence visée à l’horizon 2019, dans le respect du cadre communautaire2. Notons que l’objectif de réduction des inégalités de paiement à l’hectare poursuivi par le principe de la convergence ne concerne que le montant des PB, et pas les autres paiements découplés prévus dans le cadre de la réforme.

  • 3  En pratique, le PR est un complément du PB. Il est en fait attribué non pas à 52 hectares stricto (...)

4Parmi les paiements à caractère facultatif, le PPA et le PR partagent la volonté de rééquilibrer les paiements entre petits et gros bénéficiaires. Le PPA a été conçu comme le versement d’une somme forfaitaire à l’exploitation d’un montant compris entre 500 euros et 1 250 euros, se substituant à l’ensemble des autres paiements découplés. Il visait principalement à simplifier l’accès des très petites fermes européennes au bénéfice des aides de la PAC, en leur épargnant les démarches administratives nécessaires au bénéfice des autres types de paiement. En consacrant un budget dédié à ce paiement, un EM réduit le budget qui lui reste pour les autres paiements facultatifs et, in fine, pour le PB. Ce faisant, l’EM opère un transfert budgétaire de l’ensemble des exploitations bénéficiaires de la PAC vers les plus petites. En pratique, le dispositif visait essentiellement les petits agriculteurs d’Europe centrale et orientale, exploitant de très petites structures et moins familiers des dispositifs de soutien de la PAC que leurs homologues de l’Ouest. Il n’est donc pas surprenant que la France n’ait pas retenu cette option. La France est en revanche à l’origine du PR, et a choisi d’y consacrer 10% de son enveloppe nationale de paiements directs. Ce paiement consiste en une surprime accordée aux premiers hectares d’une exploitation, permettant de réorienter une partie des paiements découplés des grandes exploitations vers les plus petites. Il s’applique jusqu’à concurrence d’un nombre d’hectares plafond, fixé par le règlement européen à 30 hectares ou à la taille moyenne des exploitations au niveau national. La France a ainsi fait le choix de mettre en œuvre le PR, avec un « plafond de surprime » établi à 52 hectares, qui représentait alors la surface agricole utile (SAU) moyenne française, toutes exploitations confondues3. Autrement dit, consacrer du budget au PR revient à réduire le montant des PB perçus par tous les hectares des exploitations agricoles bénéficiaires de la PAC (au-dessus et en dessous du plafond), au profit d’un paiement perçu par les seuls « premiers » hectares de chaque exploitation. Ceci se traduit par un transfert budgétaire des plus grandes vers les moins grandes exploitations, les premières étant contributrices nettes du transfert effectué alors que les secondes en sont bénéficiaires nettes, ce qui permet d’atténuer les effets négatifs de la convergence pour les exploitations plus petites que le plafond mais percevant des PB initiaux élevés. Ainsi, le PR a aussi mécaniquement un impact sur le montant total des paiements découplés à l’hectare perçus par chaque exploitation (PB + PV + PR), et donc des conséquences sur l’inégalité de ces paiements totaux entre exploitations.

5Analysant les impacts redistributifs du plafonnement des aides par exploitation et du PR à l’échelle européenne, Hanson (2021) met ainsi en évidence que ces deux instruments réduisent la part des paiements directs perçue par les plus grands bénéficiaires, et que, dans les EM qui l’ont mis en œuvre, le PR a plus d’effet que la dégressivité en matière de redistribution du soutien entre exploitations. Dans le cas de la France, Laroche et Piet (2018) et Chatellier (2020) montrent également que le PR constitue un outil majeur de redistribution des aides directes découplées entre exploitations, potentiellement plus important que les dispositions relatives à la convergence du PB par hectare. En utilisant un simulateur simplifié calibré sur des données agrégées du Réseau d’information comptable agricole (Rica), Laroche et Piet (2018) étudient plus spécifiquement l’impact du volume du budget dédié au PR sur la convergence des aides directes découplées totales par hectare et par exploitation, ce budget pouvant varier de 0 à 30% de l’enveloppe nationale dédiée aux paiements directs. Ils montrent ainsi que l’augmentation de la part du budget du premier pilier, dédiée au PR, se traduit mécaniquement par une augmentation importante de la redistribution des aides directes découplées totales par exploitation des grandes vers les moins grandes exploitations. En revanche, l’effet de convergence des aides directes découplées totales à l’hectare est maximum pour une part du budget alloué au paiement distributif autour de 7%. Au-delà de ce plafond, le transfert des grandes vers les moins grandes exploitations, réalisé par le PR, est plus que compensé par l’effet négatif lié à la baisse du PB à l’hectare. Contrairement à Laroche et Piet (2018), qui fixent le plafond de surprime à 52 hectares conformément aux choix arbitrés en France, Chatellier (2020) propose la simulation de différents scénarios de mise en place du PR en France sur les données du Rica. Il montre que si la décision était prise d’allouer les fonds consacrés au PR non pas aux 52 mais aux 30 premiers hectares de chaque exploitation, cela constituerait une action volontariste de l’État en faveur des petites structures, réduisant effectivement les écarts entre montants d’aides perçues par exploitation.

6Ici, nous adoptons une approche plus générale permettant d’appréhender plus en détail les implications d’une variation de ce plafond sur, non seulement la redistribution des aides directes totales découplées à l’exploitation, mais aussi sur la convergence des aides directes à l’hectare. Nous montrons dans quelle mesure, pour cibler une redistribution effective du soutien spécifiquement vers les exploitations de taille inférieure à la moyenne nationale (52 hectares), il serait nécessaire de définir le plafond de surprime à un niveau significativement inférieur (30 ou 10 hectares par exemple). Pour ce faire, nous partons de la réforme de 2013 telle qu’elle a été arbitrée en France, et discutons les effets du choix de calibrage des paramètres du PR opéré par l’État français au regard d’alternatives qui auraient été possibles tout en restant dans le cadre de la réforme. Ceci nous permet d’évaluer dans quelle mesure la mise en œuvre du PR entre 2014 et 2020 a effectivement permis, en France, de redistribuer le soutien de la PAC depuis les grandes exploitations vers les exploitations plus petites. Nous montrons en particulier que le choix d’un plafond de surprime à 52 hectares amène à une redistribution des paiements à l’hectare qui bénéficie aux exploitations d’une taille allant jusqu’à 100 hectares, soit près du double du plafond, tandis qu’un plafond de surprime établi à 30 hectares ciblerait plus spécifiquement les exploitations de taille effectivement inférieure à 50 hectares, c’est-à-dire plus petites que la SAU moyenne française d’alors.

7Dans la partie suivante, nous présentons l’outil de simulation calibré sur les données individuelles publiques du Rica, ainsi que les hypothèses et la méthode qui nous permettent de mesurer les effets de la mise en œuvre du PR, selon différents plafonds de surprime, sur la répartition des aides directes en fonction de la taille des exploitations. Les résultats sont alors présentés dans une troisième section, avant d’être discutés dans la dernière partie de l’article.

Simulation de la mise en œuvre du paiement redistributif

1. Adaptation du simulateur à l’utilisation des microdonnées publiques du Rica

8Dans sa version initiale à portée essentiellement pédagogique, le simulateur développé sous tableur décrit par Piet et Laroche (2018) repose sur les données moyennes par strates diffusées dans les « tableaux standard » du Réseau d’information comptable agricole (Rica), une strate consistant en la combinaison d’une région, d’une orientation technico-économique et d’une classe de dimension économique. Ce choix occasionne un nombre important d’hypothèses et de simplifications qui, si elles ne posent pas réellement de problème étant donné le caractère pédagogique de l’outil, en limitent les possibilités d’utilisation sur plusieurs points. En particulier, l’usage de moyennes interdit la prise en compte de l’hétérogénéité des exploitations au sein de chaque strate.

9Afin de lever certaines de ces limites, une première étape du travail a consisté à modifier le simulateur existant pour le faire reposer sur les microdonnées publiques du Rica. L’utilisation de ces données individuelles résout en grande partie le problème de la non-prise en compte de l’hétérogénéité des exploitations, et permet d’accéder à de nouvelles informations utiles pour la modélisation de la réforme de 2013, comme le statut juridique ou l’âge du chef d’exploitation. Mais le « brouillage » des données, aux fins de les rendre publiques, impose de nouvelles contraintes. En effet, afin de respecter les règles statistiques d’anonymisation des données, certaines variables physiques des microdonnées du Rica sont des versions discrétisées des variables d’origine (SSP, 2017). Ainsi, les surfaces et cheptels sont regroupés en un nombre de classes qui dépend des groupes de cultures et types d’animaux, la surface agricole utile (SAU) étant, par exemple, discrétisée en 31 classes. De façon équivalente, l’âge du chef d’exploitation est discrétisé selon 14 tranches de 5 ans chacune.

10La première conséquence de ce brouillage est que la représentation de l’hétérogénéité n’est pas complète, toutes les exploitations appartenant à une même tranche pour une variable donnée se voyant attribuer la même valeur pour ladite variable, à savoir le centre de l’intervalle correspondant. La deuxième conséquence est que certains des mécanismes de la réforme ne peuvent pas être modélisés de façon exacte mais seulement approchée. Ainsi, dans le cas qui nous intéresse ici, le plafond définissant le plafond de surprime du PR ne peut pas être fixé exactement aux 52 hectares correspondant au choix français, les classes de SAU disponibles imposant de choisir entre 50 et 55 hectares. En l’espèce, c’est le plafond de 50 hectares qui a été retenu.

11Un premier travail, non présenté ici, a permis de vérifier que la nouvelle version du simulateur permet bien de retrouver, si ce n’est quantitativement du moins qualitativement, les résultats de Laroche et Piet (2018). La nouvelle version a alors pu être utilisée pour répondre à de nouveaux objectifs, notamment celui de l’étude de l’effet du choix du plafond de surprime, l’un des paramètres-clés définissant la mise en œuvre du PR.

2. Calcul du paiement redistributif pour différents plafonds de surprime

12Tel qu’il a été prévu par la réforme, le PR représente au maximum 30% du budget national et s’applique sur les 30 premiers hectares d’une exploitation ou à concurrence de la taille moyenne des exploitations agricoles, fixée à 52 hectares pour la France dans l’annexe VIII du Règlement n°1307/2013. La première version du simulateur permettait de faire varier le pourcentage du budget alloué au PR, mais le plafond des 52 hectares était fixé une fois pour toutes, sans possibilité pour l’utilisateur de le modifier. L’objectif étant ici d’introduire cette possibilité, il a fallu calculer la valeur du PR par hectare que l’État serait en mesure de proposer, en fonction du plafond de surprime choisi et sous contrainte du respect du budget global alloué.

13Ce montant du PR par hectare, uniforme et décidé par l’État, s’obtient en divisant le budget disponible (numérateur) par le nombre d’hectares éligibles (dénominateur). Or il apparaît que si ce numérateur est connu dès lors que la part de l’enveloppe du premier pilier allouée au PR est fixée, le niveau du dénominateur dépend quant à lui du plafond de surprime choisi et doit donc être estimé dans chaque cas.

4h*hii jh*h*
  • 5  En réalité, le calcul de l’effet de la « transparence GAEC » tient compte des parts sociales respe (...)

14Notons que, dans ce calcul, il convient de tenir compte de la « transparence GAEC » qui permet, schématiquement, de multiplier le plafond de surprime par le nombre d’associés pour les exploitations ayant ce statut juridique : par exemple, un GAEC de 150 hectares entre deux associés pourra se voir attribuer un PR jusqu’à deux fois la valeur du plafond, soit 104 hectares si le plafond est de 52 hectares5. Il s’agit là d’une faculté dont ne jouissent pas les exploitations de statut sociétaire différent (EARL, SCEA, etc.).

K K6

15Formellement, soit L(q) cette courbe de Lorenz, où F représente la distribution cumulée des exploitations et q ∈ (0,1) un quantile. Autrement dit, L(q) représente le pourcentage de la surface totale utilisée par les q pourcents d’exploitations les plus petites. Nous pouvons alors montrer que le pourcentage q* d’exploitations dont la SAU est inférieure à un plafond h* est donné par (d’après Piet, 2016 : eq. 2) :

L’–1LqHNH Nh*h*h*
  • 7  L’inverse de cette dérivée n’a en revanche pas de forme explicite, mais une procédure simple d’opt (...)

16En pratique, parmi les différentes formes fonctionnelles proposées pour F dans la littérature (voir par exemple Kakwani et Podder, 1973 ; Chotikapanich, 1993 ; Rohde, 2009), il s’avère que celle introduite par Rasche et al. (1980) apparaît comme l’une des plus flexibles et faciles d’utilisation, sa dérivée première ayant une forme explicite simple7. Avec nos notations, la forme fonctionnelle proposée par ces auteurs s’écrit :

17α et β (0 < α, β ≤ 1) sont des paramètres qui peuvent être estimés par la méthode des moindres carrés non linéaires (Chotikapanich, 1993).

  • 8  Considérer l’ensemble des exploitations plutôt que les seules éligibles tend à surestimer les hect (...)

18Pour être cohérent avec la logique réglementaire, il faudrait en toute rigueur développer les calculs précédents sur les seules exploitations éligibles aux paiements découplés tout en tenant compte de la transparence GAEC évoquée plus haut. Malheureusement, les données correspondantes ne sont pas disponibles publiquement. De façon à maintenir l’esprit pédagogique du simulateur, nous avons donc construit la courbe de Lorenz pour l’ensemble des exploitations françaises à partir des données publiques de l’Enquête sur la structure des exploitations agricoles (ESEA) de 2013 (tableau 1)8. Les points de la courbe de Lorenz correspondants ainsi que l’ajustement de la forme fonctionnelle estimée, pour laquelle on obtient α = 0.795 et β = 0.354 (avec un pseudo-R² de l’ajustement non linéaire de 0.9996), sont présentés figure 1.

Tableau 1. Données nécessaires à la construction de la courbe de Lorenz utilisée

Classe de taille

Exploitations

Surface totale

Nombre

% cumulé

Nombre (ha)

% cumulé

0 à 20 hectares

182 326

40,37%

1 090 883

3,95%

20 à 50 hectares

78 573

57,77%

2 641 255

13,51%

50 à 100 hectares

93 192

78,41%

6 741 495

37,92%

100 à 200 hectares

73 955

94,78%

10 183 679

74,78%

200 hectares et plus

23 560

100,00%

6 965 216

100,00%

Total

451 606

-

27 622 528

-

Sources : SSP, ESEA (2013) ; traitement des auteurs.

Figure 1. Courbe de Lorenz de la SAU totale des exploitations françaises

Figure 1. Courbe de Lorenz de la SAU totale des exploitations françaises

Sources : SSP, ESEA (2013) ; traitement des auteurs.

19Les valeurs obtenues pour les nombres d’exploitations, les surfaces utilisées et le montant du PR par hectare obtenus pour différents niveaux de plafond de surprime et un budget alloué au PR de 10% sont présentées dans le tableau 2. Nous constatons que, pour un plafond de 52 hectares, le montant du PR estimé est d’environ 50 euros/ha, ce qui s’avère peu différent des 46,85 euros/ha effectivement attribués en 2018 (JORF, 2018). Étant donné les hypothèses et limites évoquées plus haut (cf. la note 8), ce faible écart tend à valider la méthode proposée.

Tableau 2. Estimation du montant du PR par hectare en fonction du plafond de surprime pour un budget alloué de 10% de l’enveloppe totale des aides du 1er pilier(a)

Plafond de surprime (ha)

Exploitations dont la SAU est…

Hectares primés totaux (ha)

Paiement redistributif (€/ha)

… inférieure au plafond

… supérieure au plafond

Nombre

Hectares (ha)

Nombre

Hectares (ha)

5

88 260

152 724

363 346

1 816 730

1 969 454

350,39

10

126 163

431 311

325 443

3 254 434

3 685 746

187,23

20

178 113

1 193 641

273 493

5 469 864

6 663 505

103,56

30

215 997

2 132 722

235 609

7 068 262

9 200 984

75,00

50

271 489

4 318 645

180 117

9 005 851

13 324 496

51,79

52

276 059

4 551 686

175 547

9 128 450

13 680 136

50,44

Note : (a) soit 690 millions d’euros après transfert de 7,53% des aides du 1er pilier vers le 2d pilier.

Sources : SSP, ESEA 2013 ; traitement des auteurs.

3. Calcul du PR pour les exploitations observées dans le Rica et scénario de référence

20Une fois la valeur du PR par hectare calculée en fonction du budget alloué et du plafond de surprime retenu, chaque exploitation observée dans les microdonnées publiques du Rica se voit attribuer un montant qui dépend de son statut juridique et de sa SAU.

21Pour toutes les exploitations en dehors des GAEC, le PR attribué s’obtient en multipliant le nombre d’hectares de l’exploitation par le montant estimé par hectare, jusqu’à concurrence du plafond choisi. Ainsi, une exploitation dont la SAU est inférieure au plafond se voit attribuer le PR sur l’ensemble de sa surface, tandis qu’une exploitation dont la SAU est supérieure au plafond se voit attribuer le PR sur les seuls hectares correspondant au plafond.

22Pour les GAEC, faute d’information sur la répartition des parts sociales dans le Rica (cf. note 5), le principe de transparence est pris en compte en faisant l’hypothèse que ces parts sont réparties en fonction du travail consacré, mesuré par le nombre d’unités de travail annuelles (UTA) non salariées. Ainsi :

23– si la SAU divisée par le nombre d’UTA est inférieure au plafond de surprime choisi, le GAEC reçoit le PR sur l’ensemble de ses hectares ;

24– si la SAU divisée par le nombre d’UTA est supérieure au plafond de surprime, le GAEC reçoit le PR sur un nombre d’hectares correspondant au plafond multiplié par le nombre d’UTA non salariées.

25Afin d’isoler l’effet propre du PR, les simulations faisant varier le plafond de surprime sont comparées à un scénario de référence correspondant à la réforme de 2013 telle qu’implémentée en France, mais « sans PR ». Autrement dit, il s’agit d’une mise en œuvre de la réforme dans laquelle le budget attribué au PR est nul, mais conforme aux choix français pour le reste. Ceux-ci prévoient ainsi la répartition suivante du budget des aides du premier pilier, après déduction du transfert de 7,53% de l’enveloppe vers le deuxième pilier :

  • 30% au paiement vert, choix imposé par le cadre européen

  • 1% au paiement jeunes agriculteurs

  • 0% au paiement pour les agriculteurs situés en zone défavorisée

  • 0% au paiement petits agriculteurs

  • et 15% aux paiements couplés

26Soit un reliquat de 54% pour le PB lorsque le PR n’est pas mis en œuvre. En outre, la réforme prévoit une convergence nationale comblant 70% de l’écart à 100% de la moyenne, avec une limitation des pertes liées à la convergence à 30% au maximum, ainsi qu’un calcul du PV par hectare proportionnellement au PB par hectare.

Analyse de l’impact du plafond de surprime

27En préambule à l’analyse des résultats, notons que, dans ce qui suit, la part du budget allouée au PR est systématiquement fixée au maximum autorisé de 30%, ce qui permet une meilleure lisibilité des graphiques et résultats. En effet, il apparaît que l’ensemble des résultats obtenus sont qualitativement équivalents, quelle que soit la part du budget allouée au PR, seuls les niveaux changent, et ce de façon proportionnelle à celle-ci. Ainsi, les montants des aides par hectare et par exploitation obtenus avec un budget du PR à 10% (choix effectivement mis en œuvre en France depuis 2016) représenteraient le tiers de ceux obtenus avec 30%, ceux obtenus avec 20% les deux tiers, etc.

  • 9  Il s’agit essentiellement d’exploitations spécialisées en maraîchage, viticulture ou élevage hors (...)

28La figure 2 présente la distribution du montant total des aides découplées par exploitation à l’horizon 2019 pour la réforme 2013 sans et avec PR, le plafond de surprime étant fixé ici à 50 hectares. Pour cette figure, et contrairement aux suivantes, les exploitations sont classées par montants d’aides découplées croissants, quelle que soit leur taille. Nous constatons tout d’abord que 17,3% des exploitations représentées dans le Rica ne perçoivent aucune aide découplée9 et que, sans PR, 51% des exploitations toucheraient moins de 20 000 euros d’aides découplées par exploitation et 17% d’entre elles plus de 40 000 euros.

Figure 2. Distribution des aides découplées totales par exploitation à l’horizon 2019 (part du budget allouée au PR fixée à 30% dans le scénario avec PR)

Figure 2. Distribution des aides découplées totales par exploitation à l’horizon 2019 (part du budget allouée au PR fixée à 30% dans le scénario avec PR)

Note : les exploitations sont classées par montants d’aides découplées totales croissants. Avec la réforme sans PR, les 50% d’exploitations touchant le moins d’aides découplées reçoivent un peu moins de 20 000 euros par exploitation ; dans les deux scénarios, 17,3% des exploitations ne perçoivent aucune aide découplée.

Sources : SSP, microdonnées Rica France (2013) ; traitement des auteurs.

29Avec les modalités présentées, l’impact du PR est bénéfique pour 65% des exploitations, soit 57,7% des exploitations touchant des aides découplées si l’on exclut les 17,3% d’exploitations n’en touchant aucune, l’ampleur du gain atteignant pratiquement 3 000 euros par exploitation pour toutes celles situées entre le 3e et le 5e décile. Au contraire, les pertes engendrées concernent les 35% des exploitations touchant le plus d’aides (soit 42,3% de celles touchant des aides découplées) et peuvent atteindre des montants importants (plus de 10 000 euros par exploitation en moyenne pour le dernier décile). La redistribution est significative puisque, avec la mise en place du PR selon les modalités retenues ici, le pourcentage d’exploitations recevant moins de 20 000 euros d’aides découplées par exploitation baisse de 6 points (à 45%) quand celui des exploitations en recevant plus de 40 000 euros baisse de 4 points (à 13%).

30S’il met bien en évidence l’impact important du PR en matière de réorientation des aides découplées vers les exploitations qui en touchaient le moins, ce graphique ne permet toutefois pas de déterminer si ce sont les plus petites exploitations, en termes de SAU, qui bénéficient de cet effet redistributif. En effet, même s’il est courant d’entendre que « les aides sont proportionnelles à la surface », cette relation n’est pas aussi simplement univoque étant donné l’hétérogénéité des montants d’aide par hectare qui persiste, en raison du recours initial aux références historiques pour déterminer les montants des aides découplées par hectare.

31La figure 3 présente ainsi le montant moyen des aides découplées totales par hectare selon la taille de l’exploitation pour la réforme 2013 sans et avec PR (là encore avec un budget alloué au PR de 30% et un plafond de surprime de 50 hectares). Comme précédemment, nous constatons que l’impact du PR est important, l’écart entre les courbes avec et sans PR étant significatif. Ce graphique permet néanmoins de mettre de surcroît en évidence que, en moyenne, ce sont bien les exploitations les plus petites qui bénéficient du PR.

Figure 3. Montant moyen des aides découplées totales par hectare selon la taille de l’exploitation (part du budget allouée au PR fixée à 30% dans le scénario avec PR)

Figure 3. Montant moyen des aides découplées totales par hectare selon la taille de l’exploitation (part du budget allouée au PR fixée à 30% dans le scénario avec PR)

Note : les exploitations ne dépassant pas 70 hectares représentent les 50% d’exploitations les plus petites ; sous la réforme sans PR, elles reçoivent en moyenne 275 euros par hectare d’aides découplées.

Sources : SSP, microdonnées Rica France (2013) ; traitement des auteurs.

32Néanmoins, force est de constater que le terme de « petites » est à relativiser. En effet, même si le PR n’est accordé qu’à concurrence d’un certain plafond, la figure montre qu’il bénéficie aux exploitations dont la SAU va bien au-delà. Ainsi, d’après la figure 3, avec un plafond de surprime fixé à 50 hectares, le PR s’avère en moyenne bénéfique pour toutes les exploitations jusqu’à plus de 100 hectares de SAU, soit plus de 65% des exploitations. Même si le gain s’avère malgré tout plus élevé pour les exploitations dont la SAU est comprise entre 30 et 50 hectares, soit celles dont la taille est effectivement inférieure à la « moyenne cible », le gain reste substantiel pour les exploitations dont la SAU est comprise entre 50 et 70 hectares, soit des exploitations plutôt « grandes » relativement à la moyenne. Autrement dit, bien que ne bénéficiant du PR que sur une partie de leur surface, certaines exploitations plus grandes que le plafond de surprime se révèlent être des bénéficiaires nettes de la redistribution, puisqu’elles gagnent plus à la mise en place du PR sur leurs premiers hectares qu’elles ne perdent à la réduction concomitante du PB sur l’ensemble de leur SAU. Le graphique théorique présenté en annexe, calibré sur les valeurs moyennes des paiements observés empiriquement, permet de mettre en évidence le mécanisme en jeu.

33Afin de mieux faire apparaître les gagnants et les perdants du PR, et ce en fonction de la définition du plafond de surprime, la figure 4 présente la différence entre le montant moyen des aides découplées totales par hectare pour différents plafonds et celui correspondant à la réforme sans PR (toujours pour un budget alloué de 30%).

Figure 4. Écart entre le montant moyen des aides découplées totales par hectare pour différents plafonds de surprime et celui correspondant à la réforme sans PR (part du budget allouée au PR fixée à 30%)

Figure 4. Écart entre le montant moyen des aides découplées totales par hectare pour différents plafonds de surprime et celui correspondant à la réforme sans PR (part du budget allouée au PR fixée à 30%)

Note : en moyenne, l’écart entre le montant des aides découplées totales par hectare perçu par les exploitations dont la SAU est de 40 hectares est de +75 €/ha entre une réforme avec PR attribué à concurrence de 50 hectares et la réforme sans PR.

Sources : SSP, microdonnées Rica France (2013) ; traitement des auteurs.

34Il est ainsi mis en évidence que réduire le plafond de surprime permet, en moyenne, de concentrer de façon substantielle le gain lié au PR sur des exploitations de plus en plus petites. Il apparaît néanmoins qu’il faudrait réduire de façon très importante le plafond de surprime si l’objectif était de concentrer ce gain sur les seules exploitations dont la SAU est inférieure à la moyenne de 52 hectares. En effet, même en fixant ce plafond à 10 hectares, la mise en place du PR continue à bénéficier aux exploitations dont la SAU atteint jusqu’à 75 hectares. Enfin, le gain maximum atteignable, s’il concerne des exploitations de tailles différentes, apparaît très dépendant du plafond retenu : avec un plafond à 10 ou 30 hectares il peut atteindre autour de 120 euros/ha, soit plus d’une fois et demie celui obtenu au maximum avec le plafond à 50 hectares (moins de 80 euros/ha).

35Les gains exprimés en termes d’aides découplées supplémentaires par hectare ne reflètent cependant pas l’impact du PR à l’échelle de l’exploitation, puisqu’il faut tenir compte de la SAU de celle-ci. Nous avons donc tout d’abord calculé la variation des aides découplées à l’échelle de chaque exploitation (en multipliant son gain ou sa perte moyenne par hectare par sa surface), puis agrégé l’ensemble des montants correspondants pour les exploitations pour lesquelles cette variation s’avère positive. Nous avons ainsi obtenu le montant total redistribué des plus grandes exploitations vers les plus petites, et avons alors pu analyser comment ce montant total redistribué se répartit entre exploitations bénéficiaires nettes du PR. La figure 5 montre ainsi que, pour un plafond de surprime à 50 hectares, les exploitations dont la SAU est inférieure au plafond ne bénéficient finalement que de 45% du montant total redistribué, les exploitations plus grandes que le plafond en percevant 55%. En outre, sous ce scénario, les exploitations de moins de 30 hectares, c’est-à-dire celles dont la SAU est inférieure au plafond fixé au niveau communautaire, captent seulement 10% de ce montant. La figure 5 montre enfin que la part du montant total redistribué capté par les exploitations les plus petites augmente logiquement à mesure que le plafond de surprime diminue. Par exemple, avec un plafond fixé à 10 hectares, les exploitations de moins de 30 hectares captent cette fois près de 40% du montant total redistribué.

Figure 5. Distribution cumulée du montant total redistribué grâce au PR pour différents plafonds de surprime par rapport à la réforme sans PR (part du budget allouée au PR fixée à 30%)

Figure 5. Distribution cumulée du montant total redistribué grâce au PR pour différents plafonds de surprime par rapport à la réforme sans PR (part du budget allouée au PR fixée à 30%)

Note : avec un plafond de surprime fixé à 50 hectares, les exploitations dont la SAU est inférieure au plafond bénéficient de 45% du montant total redistribué via la mise en place du PR.

Sources : SSP, Microdonnées Rica France (2013) ; traitement des auteurs.

Conclusion

36L’un des objectifs affichés de la réforme de la PAC 2014-2020 réside dans un soutien accru aux exploitations agricoles de petite taille dans le cadre des paiements directs du premier pilier. L’instauration du PR, ou surprime aux premiers hectares, cible précisément cet objectif, avec une efficacité certaine puisque sa mise en œuvre se traduit par une redistribution d’une partie des paiements découplés des grandes exploitations vers les moins grandes exploitations. Nous montrons qu’au-delà de la part du budget du premier pilier de la PAC affecté au PR, c’est plus encore le plafond de surprime qui détermine les classes de tailles d’exploitations qui bénéficient effectivement de la redistribution. En utilisant un simulateur calibré sur les microdonnées individuelles publiques du Rica, nous montrons qu’avec un plafond de surprime établi à 50 ha (c’est-à-dire proche du plafond effectivement retenu en France), le calibrage du PR bénéficie en fait aux exploitations jusqu’aux environs de 100 ha, celles-ci gagnant plus à la mise en place du PR sur leurs premiers hectares qu’elles ne perdent à la diminution concomitante du PB sur l’intégralité de leur SAU. Ainsi, par exemple, pour cibler strictement les exploitations de taille inférieure à 75 ha, il faudrait réduire le plafond de surprime à seulement 10 ha.

  • 10  Voir par exemple les priorités affichées de la plateforme « Pour une autre PAC », https://pourunea (...)

37Ces chiffres interrogent sur ce que recouvre le terme de « petite » exploitation. Les règles applicables pour la définition du plafond de surprime indiquent qu’il peut être établi au maximum à la taille moyenne des exploitations au niveau national, ce qui correspondait en France à 52 ha au moment de la rédaction du règlement communautaire instituant la nouvelle réforme. Cela signifie-t-il qu’en France nous considérons comme « petite », une exploitation de taille inférieure ou égale à cette valeur de 52 ha ? Si tel est le cas, alors nos résultats indiquent que le calibrage de la politique ne cible pas exactement l’objectif visé, en bénéficiant à une assiette bien plus large d’exploitations, comprenant non seulement les exploitations dont la taille est inférieure à 52 ha mais aussi des exploitations jusqu’à deux fois plus grandes. Mais quelles seraient les conséquences d’un meilleur ciblage de la redistribution obtenu par l’établissement d’un plafond de surprime plus bas ? D’un côté, il satisferait certainement les attentes des groupes d’agriculteurs en faveur d’un soutien explicite aux petites fermes, qui en attendent des effets positifs pour l’emploi et le développement rural en limitant l’agrandissement des exploitations10. De l’autre côté, il pourrait limiter les gains de productivité liés aux éventuelles économies d’échelles dans les secteurs soumis à la concurrence internationale. Force est de constater que l’influence de la taille de l’exploitation sur le développement économique agricole reste un domaine pour lequel les faits établis sont parcellaires et donc sujets à controverse. Finalement, nous pensons que l’établissement du plafond de surprime à 52 ha a constitué un compromis acceptable politiquement, puisqu’il permet de laisser penser qu’il constitue en priorité un soutien aux exploitations plus petites que la moyenne et n’érode que le soutien des exploitations significativement plus grandes que 100 ha.

38Par ailleurs, notre principale conclusion, selon laquelle la mise en place du PR bénéficie aux exploitations dont la SAU va bien au-delà du plafond de surprime, s’avère pleinement cohérente avec les résultats obtenus par Sadlowski (2022). Celui-ci a en effet conduit une analyse similaire à la nôtre pour la Bulgarie, la Lituanie et la Pologne, mais avec des données et une méthodologie différentes. L’auteur montre qu’alors que le plafond de surprime a été fixé à 30 ha dans chacun de ces trois EM, les exploitations bénéficiaires nettes ont une SAU qui va jusqu’à 55 hectares en Pologne, 70 hectares en Lituanie, et même 143 hectares en Bulgarie (Sadlowski, 2022).

39Nos résultats restent toutefois sujets aux limites inhérentes à l’usage des données du Rica. En particulier, le Rica exclut les « micro » exploitations au sens statistique du terme, c’est-à-dire celles dont la production brute standard est inférieure à 25 000 euros, qui sont elles aussi susceptibles de bénéficier du PR. En effet, la SAU de ces exploitations, non considérées dans la base, est par définition réduite (une dizaine d’hectares en moyenne, au maximum environ 20 hectares). Pour ces exploitations, qui ne relèvent pas du champ du Rica, nos résultats permettent de dire qu’elles seraient d’autant plus bénéficiaires du PR que le plafond de surprime serait fixé à un niveau très bas.

40Permettant d’éclairer qualitativement les enjeux redistributifs du calibrage du PR, et sous réserve d’actualisation des données du Rica et/ou de l’ESEA, la méthode maintenant établie est tout à fait adaptée pour simuler quantitativement les effets redistributifs des choix relatifs au PR dans le cadre de l’application de la réforme de la PAC 2023-2027 en France, à savoir la reconduction du PR en y consacrant 10% du budget des aides directes du premier pilier et en maintenant un plafond de surprime à 52 ha (MASA, 2022), et ses alternatives éventuelles. Notre cadre d’analyse peut en effet également permettre de tester d’autres modes de mise en œuvre d’un paiement à vocation redistributive tel que le PR, prévus ou non dans le cadre réglementaire de la PAC, comme, par exemple, limiter strictement la redistribution aux seules exploitations de taille inférieure au plafond.

41Un autre complément utile pourrait consister à utiliser notre cadre d’analyse pour mesurer l’impact du plafond de surprime sur le revenu même des exploitations agricoles. Toutefois, ceci aurait peu de sens sans une analyse fine par orientation technico-économique d’exploitation (OTEX), dans la mesure où la part des aides dans les indicateurs de revenu mobilisables (Excédent brut d’exploitation [EBE] ou Résultat courant avant impôt [RCAI] par exemple) varie du simple au triple selon les spécialisations (Chatellier, 2021 ; Piet et al., 2021), et où un tel travail se heurterait à la difficulté de prendre en compte les stratégies d’adaptation des exploitations à de telles nouvelles conditions de soutien. 

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Bibliographie

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Chatellier V. (2021). L’hétérogénéité des revenus des actifs non salariés au sein de l’agriculture française : un regard au travers de deux grilles typologiques. Économie rurale, n°378, pp. 57-75.

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JOUE (2013). Règlement (UE) n°1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) n°637/2008 du Conseil et le règlement (CE) n°73/2009 du Conseil.

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SSP (2017). Rica France : Présentation des fichiers détails mis en ligne. Méthodologie fichier Rica France 2017, 8 p.

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Annexe

ANNEXE

Le graphique ci-dessous montre l’impact théorique de la mise en place du PR pour une exploitation qui percevrait les montants moyens de paiement de base et de paiement redistributif. Il présente la somme du PB et du PR perçue au total par une exploitation en fonction de sa taille, sous l’hypothèse d’une part du budget allouée au PR fixée à 30% et d’un plafond de surprime fixé à 50 hectares.

Sans PR, le montant moyen du PB est estimé à 146 euros/ha, ce qui correspond à la pente de la courbe « PB sans PR ». La mise en place du PR, estimé à 155 euros/ha, conduit à réduire le montant moyen du PB à 65 euros/ha. La courbe « PB si PR » a donc une pente de 65 euros, quelle que soit la SAU de l’exploitation, alors que la courbe « PR » a une pente de 155 euros jusqu’à une SAU de 50 hectares (ligne pointillée verticale), puis devient plate puisque le PR ne s’applique plus au-delà. Le paiement total reçu avec la mise en place du PR correspond alors à la courbe « PB + PR », dont on voit qu’elle est au-dessus de la courbe « PB sans PR » jusqu’aux environs d’une SAU de 95 hectares, ce qui est cohérent avec les résultats empiriques présentés.

Source : auteurs.

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Notes

1  Pour une discussion plus large de l’adéquation de l’instrumentation de la PAC 2014-2020 au regard des objectifs visés en termes d’équité et de redistribution des soutiens, voir Lécole et Thoyer (2015).

2  S’il s’avérait initialement inférieur à la valeur moyenne de référence (nationale ou régionale), le PB par hectare d’une exploitation devait être revalorisé d’au moins un tiers de son écart à une valeur comprise entre 90% et 100 % de cette moyenne. À la fin de la période, i.e. en 2019, aucun PB par hectare ne devait être inférieur à 60 % de la moyenne de référence.

3  En pratique, le PR est un complément du PB. Il est en fait attribué non pas à 52 hectares stricto sensu mais dans la limite de 52 droits au PB (DPB) activés (MAP, 2019). Dans ce qui suit, nous parlerons pour simplifier de plafond « en hectares », et non « en DPB activés ».

4  En effet, supposons un plafond de surprime établi à 52 ha. Une exploitation, par exemple, de 10 ha bénéficiera du PR sur l’intégralité de sa surface (10 ha), alors qu’une exploitation, par exemple, de 100 ha ne le percevra que sur 52 de ses 100 ha.

5  En réalité, le calcul de l’effet de la « transparence GAEC » tient compte des parts sociales respectives des différents associés (MAP, 2019). Ainsi, si les deux associés ne détiennent pas le capital à parts égales mais si, par exemple, l’un des associés en détient 20 % et l’autre 80 %, le premier pourra faire valoir le PR sur 150 x 0,20 = 30 hectares et le second sur 52 des 150 x 0,80 = 120 hectares qui lui sont attribués. La « transparence » reste donc favorable puisqu’un tel GAEC pourra globalement bénéficier du PR sur 30 + 52 = 82 hectares et non pas seulement 52.

6  En réalité, nous ne disposons que de K – 1 points utiles pour l’interpolation, le dernier, correspondant au fait que 100% des exploitations utilisent 100% de la SAU totale, n’apportant pas d’information.

7  L’inverse de cette dérivée n’a en revanche pas de forme explicite, mais une procédure simple d’optimisation numérique de type « algorithme de Newton » permet facilement de déterminer q* pour tout h*.

8  Considérer l’ensemble des exploitations plutôt que les seules éligibles tend à surestimer les hectares éligibles au paiement redistributif, tandis que la non-prise en compte de la transparence GAEC tend à les sous-estimer. De même, construire la courbe de Lorentz sur les seules exploitations du Rica tendrait à sous-estimer les hectares éligibles puisque certaines « micro » exploitations, de taille inférieure à la définition du champ du Rica, perçoivent des aides de la PAC ; d’où le recours à l’ESEA comme un compromis a priori satisfaisant pour construire la courbe de Lorenz.

9  Il s’agit essentiellement d’exploitations spécialisées en maraîchage, viticulture ou élevage hors sol. Cette absence de paiements découplés ne préjuge pas du fait que, parmi ces 17,3 % d’exploitations, certaines perçoivent d’autres types d’aides, notamment du deuxième pilier.

10  Voir par exemple les priorités affichées de la plateforme « Pour une autre PAC », https://pouruneautrepac.eu/notre-vision/nos-12-priorites-pour-la-paac-post-2020/.

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Table des illustrations

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Titre Figure 1. Courbe de Lorenz de la SAU totale des exploitations françaises
Crédits Sources : SSP, ESEA (2013) ; traitement des auteurs.
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Titre Figure 2. Distribution des aides découplées totales par exploitation à l’horizon 2019 (part du budget allouée au PR fixée à 30% dans le scénario avec PR)
Légende Note : les exploitations sont classées par montants d’aides découplées totales croissants. Avec la réforme sans PR, les 50% d’exploitations touchant le moins d’aides découplées reçoivent un peu moins de 20 000 euros par exploitation ; dans les deux scénarios, 17,3% des exploitations ne perçoivent aucune aide découplée.
Crédits Sources : SSP, microdonnées Rica France (2013) ; traitement des auteurs.
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Titre Figure 3. Montant moyen des aides découplées totales par hectare selon la taille de l’exploitation (part du budget allouée au PR fixée à 30% dans le scénario avec PR)
Légende Note : les exploitations ne dépassant pas 70 hectares représentent les 50% d’exploitations les plus petites ; sous la réforme sans PR, elles reçoivent en moyenne 275 euros par hectare d’aides découplées.
Crédits Sources : SSP, microdonnées Rica France (2013) ; traitement des auteurs.
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Titre Figure 4. Écart entre le montant moyen des aides découplées totales par hectare pour différents plafonds de surprime et celui correspondant à la réforme sans PR (part du budget allouée au PR fixée à 30%)
Légende Note : en moyenne, l’écart entre le montant des aides découplées totales par hectare perçu par les exploitations dont la SAU est de 40 hectares est de +75 €/ha entre une réforme avec PR attribué à concurrence de 50 hectares et la réforme sans PR.
Crédits Sources : SSP, microdonnées Rica France (2013) ; traitement des auteurs.
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Titre Figure 5. Distribution cumulée du montant total redistribué grâce au PR pour différents plafonds de surprime par rapport à la réforme sans PR (part du budget allouée au PR fixée à 30%)
Légende Note : avec un plafond de surprime fixé à 50 hectares, les exploitations dont la SAU est inférieure au plafond bénéficient de 45% du montant total redistribué via la mise en place du PR.
Crédits Sources : SSP, Microdonnées Rica France (2013) ; traitement des auteurs.
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Crédits Source : auteurs.
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Pour citer cet article

Référence papier

Laurent Piet, Catherine Laroche Dupraz et Cyrielle Beaudouin, « Paiement redistributif : impact du plafond de surprime sur le ciblage des exploitations bénéficiaires »Économie rurale, 384 | 2023, 5-21.

Référence électronique

Laurent Piet, Catherine Laroche Dupraz et Cyrielle Beaudouin, « Paiement redistributif : impact du plafond de surprime sur le ciblage des exploitations bénéficiaires »Économie rurale [En ligne], 384 | Avril-juin 2023, mis en ligne le 01 janvier 2024, consulté le 22 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/economierurale/11224 ; DOI : https://doi.org/10.4000/economierurale.11224

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Auteurs

Laurent Piet

UMR SMART, INRAE, Institut Agro Rennes-Angers, Rennes

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Catherine Laroche Dupraz

UMR SMART, INRAE, Institut Agro Rennes-Angers, Rennes

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Cyrielle Beaudouin

UMR SMART, INRAE, Institut Agro Rennes-Angers, Rennes

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