1L’un des défis majeurs de l’Agenda 2030 est d’améliorer l’accès équitable et universel à l’eau potable. Cette ambition se justifie dans la mesure où l’accès à l’eau potable par les ménages reste une préoccupation majeure dans de nombreux pays du monde. En effet, un grand nombre d’habitants dans certaines contrées sont encore confrontés aux problèmes de points d’eau éloignés, d’eau insalubre et des services publics de base défaillants ou souvent inexistants (Baron et Bonnassieu, 2011). Selon les Nations Unies (2021), trois personnes sur dix n’ont pas accès à des services d’eau potable gérés de manière sûre. En dépit des investissements réalisés par les États, les partenaires nationaux et internationaux dans l’hydraulique, certains ménages ruraux, n’ont toujours pas accès à une eau potable. Comme le soulignent l’OMS et l’UNICEF (2017), les ménages vivant en milieu rural notamment en Afrique subsaharienne s’approvisionnent encore auprès des points d’eau non potable (eaux de surface, barrages, puits et marigots). Il ressort que près de deux millions d’enfants de moins de cinq ans décèdent chaque année de maladies hydriques ; faisant de l’accès à l’eau potable un déterminant de la santé de l’enfant et du bien-être familial (Akoteyon, 2019). Ainsi, l’accès à l’eau potable par les populations défavorisées constitue un enjeu politique, économique et social identifié comme prioritaire par l’Agenda politique du XXIe siècle (Tia et Séka, 2015 ; PSE, 2011). C’est pourquoi l’objectif 6 des Objectifs de développement durable (ODD) vise à « Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau ». En réalité, l’atteinte de cet objectif se justifie par le fait que l’eau soit une ressource vitale pour les humains et la planète (OECD, 2011). De ce point de vue, l’accès à l’eau potable est un droit fondamental faisant partie des droits humains (United Nations, 2009). La pertinence de cet enjeu réside dans le fait que les pénuries d’eau ou la mauvaise qualité de l’eau, l’éloignement des points d’approvisionnement et le manque d’équipements sanitaires constituent des difficultés majeures qui ont un impact négatif sur le bien-être des populations.
2Toutes ces difficultés rencontrées par les ménages peuvent expliquer leurs options en matière d’approvisionnement en eau. En effet, le ménage demande un bien en tenant compte de son revenu mais surtout de ses préférences et des facteurs environnementaux. À ce sujet, Lancaster (1966) met en exergue le rôle des attributs. Autrement, la demande d’un bien est beaucoup plus influencée par des caractéristiques que le bien referme. De son côté, Becker (1985) considère le temps comme une variable importante dont il faut tenir compte dans l’explication du comportement du ménage. Pour lui, le ménage alloue son temps selon une logique de spécialisation dans le but de maximiser l’utilité collective. Cette vision beckérienne est nuancée par certaines analyses développant de plus en plus l’argument de la non-spécialisation (Bustreel, 2001 ; Brossollet, 1992 ; Lommerud, 1989). Elles estiment que dans le ménage, tous les membres affectent le temps entre activités productives et domestiques. Cette vision théorique cadre avec le contexte des pays en développement où les femmes et parfois les enfants ne font pas que la corvée d’eau mais participent aux activités productives. Supposons un ménage dans un environnement donné où il dispose de très peu d’alternatives, le choix qu’il opère peut s’apparenter à une logique irrationnelle. Cette irrationalité apparente trouve son explication dans les fondements de l’économie comportementale. Elle est développée par Tversky et Kahneman (1974) et Thaler (2000, 2016) qui soutiennent que le choix opéré par un individu peut être influencé par des « anomalies » conduisant à des comportements rarement conformes à la théorie du choix rationnel. En général, la décision d’un agent est le plus souvent orientée par sa psychologie, ses émotions, les normes, les biais cognitifs et les interactions sociales.
3Les décisions peuvent également être influencées par d’autres facteurs. Il s’agit du revenu dont l’influence est largement discutée dans la littérature (Agbadi et al., 2019 ; Rimi, 2019 ; Elena et Elshiew, 2019 ; Omarova et al., 2019 ; Perrin-Heredia, 2013). De plus, le niveau d’instruction (Sehreen et al., 2019 ; Sintondji et al., 2017 ; Morakinyo et al., 2015), la taille du ménage (Arouna et Dabbert, 2010) ont un effet sur la décision d’approvisionnement des ménages. La distance à parcourir (Boone et al., 2011), la qualité de l’eau (Nurtazin et al., 2020) et les valeurs culturelles, religieuses (Omarova et al., 2019) exercent une influence sur le choix des sources d’eau.
4Au Burkina Faso, deux principales sources d’approvisionnement en eau existent en milieu rural. Il s’agit des sources potables (bornes fontaines et forages) et les sources non potables (barrages, puits, marigots). Selon l’Inventaire national des ouvrages (INO), le pays disposait au 31 décembre 2015 de 58 003 Points d’eau modernes (PEM), dont 48 808 forages et 8 258 puits améliorés. Le taux de fonctionnalité des pompes à motricité humaine équipant les forages était en 2015 de 88,7 % (MEA, 2016). Le taux d’accès à l’eau potable est passé de 65 % en 2015 à 73,4 % en 2018 avec respectivement 91,7 % en milieu urbain et 66,2 % en milieu rural. Dans le but d’améliorer l’accès à l’eau, le gouvernement a prévu d’investir 207 milliards de FCFA dans le secteur de l’eau en milieu rural en vue de faire passer le taux d’accès à 76 % en 2020 et à 100 % en 2030. Toutefois, les réalités actuelles montrent que les populations rurales ont un accès limité à l’eau potable. La disponibilité moyenne en eau est de 10 litres par jour et par personne contre une norme estimée à au moins 20 litres d’eau par personne et par jour (OMS, 2003) pour couvrir les besoins domestiques. En termes de distance, la norme de 200 mètres (ou des 15 minutes) à un point d’eau est loin d’être respectée car elle avoisine en moyenne un kilomètre en milieu rural avec d’importants écarts selon les localités. Face aux problèmes d’accès aux points d’eau modernes et au recours aux sources non potables, la nouvelle politique de l’eau au Burkina Faso est désormais centrée sur cette denrée existentielle admise comme un droit fondamental. Dans cette vision, chaque personne vivant au Burkina Faso doit disposer sans discrimination d’une eau de qualité et à un coût abordable pour ses usages personnels et domestiques. D’une manière générale, l’accès à l’eau potable est un indicateur de santé très important puisqu’il est avéré que « plus on dispose d’eau potable, mieux on adopte facilement des mesures d’hygiène adéquates » (Curtis et al., 1995 ; Satterthwaite, 1995). Dans la région du Centre-Ouest, le taux d’accès à l’eau potable était de 89,5 % en 2015. Ce taux cache des disparités au niveau communal et surtout en milieu rural. Dans la partie rurale de la commune de Koudougou, les villages sont faiblement dotés en infrastructures hydrauliques et enregistrent des besoins de plus en plus croissants en eau.
5Eu égard à la faiblesse des ouvrages hydrauliques modernes, le comportement des ménages vis-à-vis des sources d’eau peut être modifié par des facteurs de nature diverse. Si des analyses ont été déjà menées en milieu urbain sur les déterminants de raccordement des ménages à l’eau potable (Briand et Loyal, 2017 ; Nauges et Whittington, 2010), il est important de relever la faiblesse des études sur les déterminants du choix d’approvisionnement en eau en milieu rural. De même, si plusieurs variables classiques ont été examinées dans des études antérieures (revenu, distance, coût d’accès, taille du ménage, etc.), d’autres n’ont pas fait l’objet d’examen approfondi. Il s’agit de la perception des usagers sur la qualité des sources d’eau, le fait d’être victime d’une maladie hydrique et le temps mis pour s’approvisionner. C’est justement ce qui nous a amené à nous poser la question de savoir quels sont les déterminants du choix d’approvisionnement en eau potable des ménages ruraux de la commune de Koudougou. L’objectif de cet article est d’analyser les facteurs déterminants du choix d’approvisionnement en eau potable des ménages ruraux de la commune de Koudougou. De cette problématique, trois hypothèses sont émises : (i) le temps mis par le ménage influe positivement sur sa décision de s’approvisionner auprès des sources d’eau potable, (ii) la perception du ménage sur la qualité des sources d’eau influence positivement sa décision de s’approvisionner et (iii) les antécédents sanitaires vécus par le ménage suite à l’approvisionnement auprès d’une source non potable joue positivement sur la probabilité de recourir aux sources d’eau potable. La suite de l’article est organisée en quatre parties. La première porte sur la revue empirique de la littérature et la deuxième présente la méthodologie utilisée. Les troisième et quatrième parties analysent respectivement les résultats obtenus et dégagent les implications de politiques économiques.
6Dans cette partie, nous faisons la synthèse des débats empiriques sur les facteurs susceptibles d’affecter le choix des ménages en matière d’approvisionnement en eau potable.
7Le revenu (ou la richesse), le coût financier et les emplois stables (Xiong et al., 2018) sont des déterminants du choix des ménages en matière d’eau potable. Au Ghana, les travaux de Agbadi et al. (2019) ont mis en exergue l’influence de la richesse sur le choix d’approvisionnement en eau des ménages et des services d’assainissement adéquats. Ils montrent que la richesse influe positivement sur la décision des ménages à s’approvisionner en eau potable. Le cas du Nigeria est illustratif en ce sens que 64 % des ménages ayant accès à l’eau courante dans les logements sont des ménages riches ou de classe moyenne. Les plus pauvres constituent 83,4 % des utilisateurs d’eau de surface (Rimi, 2019). Selon Elena et Elshiew (2019), la disparité du pouvoir d’achat influence la demande d’eau provenant de sources d’eau publiques potables et non potables dans les zones rurales béninoises. Les ménages riches ont donc plus de chances de choisir des sources d’eau potable contrairement aux ménages pauvres. Dans le même pays, Comez et al. (2016), avaient montré que, dans la commune de Bantè, les déterminants financiers étaient un des fondements de l’accès à l’eau potable car, les populations n’arrivent pas souvent à s’acquitter de la somme due. Ainsi, l’insuffisance des moyens financiers représente un frein à l’accessibilité en eau potable (Akoteyon, 2019 ; Irianti1 et al., 2016 ; Arouna et Dabbert, 2010). Mulenga et al. (2017) soutiennent que l’accès à une eau potable est plus important avec l’augmentation du quintile de richesse dans les zones rurales et urbaines en Zambie. Dans la même veine, les travaux de Omarova et al. (2019) montrent que le coût d’accès à l’eau, le revenu familial et la disponibilité de sources moins chères ou gratuites sont les facteurs clés de la décision des ménages dans le milieu rural kazakhstanais. Un coût d’accès élevé constitue souvent une difficulté réelle pour les ménages dans les pays en développement (Baron et Bonnassieu, 2011 ; Arouna et Dabbert, 2010).
8Le choix d’approvisionnement en eau potable peut également être influencé par des caractéristiques sociodémographiques des ménages, des attributs et le temps.
9Du point de vue des caractéristiques sociodémographiques, le niveau d’instruction du chef de ménage constitue l’une des caractéristiques essentielles du ménage en matière d’approvisionnement en eau. En effet, un ménage dont le chef est instruit, a une meilleure compréhension des bénéfices rattachés à une eau de qualité et adopte souvent des comportements sanitaires et d’hygiène appropriés (Sehreen et al., 2019 ; Sintondji et al., 2017 ; Morakinyo et al., 2015). L’instruction joue donc un rôle déterminant et positif dans le choix des ménages.
10D’autres caractéristiques sociodémographiques notamment l’âge, la taille du ménage, le sexe du chef expliquent la décision du ménage. En Zambie par exemple, les travaux de Mulenga et al. (2017) ont montré que le sexe du chef de ménage, la région et le type de résidence représentent les déterminants majeurs de la décision d’approvisionnement en eau potable. De plus, un ménage dirigé par une femme a plus de chance de choisir une eau de meilleure qualité. En milieu rural, l’approvisionnement en eau est aussi expliqué par la taille du ménage et le temps mis (Arouna et Dabbert, 2010). En outre, les paramètres tels que la distance parcourue pour s’approvisionner en eau potable (Boone et al., 2011) ou bien la disparité spatiale des ouvrages hydrauliques (Comez et al., 2016) sont responsables des choix opérés par les ménages. Cette disparité s’explique entre autres par la nature du substratum géologique. C’est pourquoi, Gnélé et al. (2011) attribuaient le recours aux sources d’eau naturelle par l’inexistence ou la faible couverture des besoins en eau potable. Par ailleurs, le choix des ménages est expliqué par des facteurs culturels, sociologiques et politiques (Burch et al., 2020). Les travaux de Omarova et al. (2019) dans le milieu rural kazakhstanais et ceux de Comez et al. (2016) au Bénin ont mis en évidence les facteurs tels que les obligations religieuses, les conditions climatiques, les relations et les intentions.
- 1 Les valeurs moyennes de leur consentement à payer varient entre 11,5 € et 22,0 €.
11En termes d’attributs, la qualité de l’eau en est une. Elle peut avoir une influence significative sur la décision du ménage. Une eau de qualité est une eau non contaminée et respectant les normes organoleptiques (Nurtazin et al., 2020). Toutes choses étant égales par ailleurs, tout ménage aimerait choisir de s’approvisionner auprès des sources d’eau potable en vue d’en retirer le maximum d’utilité et d’éviter certains risques. En général, l’attachement à la qualité d’un produit ou d’un bien pousse les usagers à supporter un coût élevé pour y avoir accès (Lazaridou et Michailidis, 2020)1. L’attachement à une source d’eau peut aussi dépendre des habitudes et de la perception sur la qualité de celle-ci. Omarova et al. (2019) ont particulièrement montré que les habitudes acquises influencent largement le choix des sources d’eau de consommation. De plus, il ressort de l’analyse de Hèdiblé et al. (2013) que 60 % des ménages, disent préférer l’eau des rivières et des marigots au détriment des eaux de forages et d’Adduction d’eau villageoise (AEV) à cause de son goût, de l’hygiène et des considérations sociologiques.
12Un des facteurs essentiels souvent ignoré dans les études est l’existence de maladies hydriques. Cette variable constitue un attribut de la source et pourrait influencer la décision d’approvisionnement du ménage dans un contexte où il coexiste des sources potables et non potables. Lorsqu’un membre du ménage a déjà été victime d’une pathologie liée à l’usage de l’eau, son attitude pourrait être modifiée. Pour Gleick (2002), l’une des conséquences la plus flagrante de l’insuffisance d’eau de qualité est le taux élevé de mortalité parmi les jeunes enfants dû aux maladies évitables liées à l’eau. La rareté de l’eau potable dans les zones rurales a pour conséquence la forte prévalence des maladies d’origine hydrique telles que la diarrhée, la schistosomiase, le trachome et les helminthes intestinaux. Les origines de ces maladies sont attribuables à une eau insalubre, à un assainissement médiocre et au manque d’hygiène (Morakinyo et al., 2015). Simelane et al. (2020) montrent que les gains de santé des ménages augmentent avec l’accessibilité à l’eau potable. En plus des variables habituellement usitées, la prise en compte de la variable « maladie » peut davantage contribuer à expliquer le comportement du ménage en matière d’approvisionnement en eau.
13La méthodologie comprend le choix du modèle, les variables retenues et la source des données utilisées.
- 2 L’attribut est perçu comme une caractéristique du bien ou du service qui attire ou qui repousse le (...)
14L’objectif étant d’analyser le choix des ménages à recourir ou non aux sources d’eau potable, le choix du modèle économétrique doit tenir compte du fait que certains ménages utilisent concomitamment des sources d’eau potable et non potable. En effet, au-delà des facteurs économiques traditionnels (revenu), le choix des ménages est influencé par des facteurs non monétaires. C’est ainsi que Lancaster (1966) et Becker (1985) introduisent les notions d’attributs2 des biens et du temps. L’approche lancastérienne indique la possibilité pour un bien de présenter un vecteur d’attributs distincts, eux-mêmes pouvant éventuellement être présents et combinés à d’autres attributs en quantité variable et issus de la consommation d’autres biens. Les attributs peuvent être la nature de la source, la qualité de l’eau ou le risque de contracter une maladie ou non. Quant à l’approche beckérienne, le choix opéré par un ménage tient compte de la dimension temporelle. Le ménage étant rationnel, prend des options lui permettant de mieux allouer sa ressource temps. Ainsi, dans le domaine de l’eau, le temps d’approvisionnement peut influencer le comportement du ménage. En général, les choix de s’approvisionner à telle ou telle autre source ne sont pas indépendants dans la mesure où les sources d’eau potable et celles non potables présentent certains avantages et inconvénients qui pèsent sur la décision du ménage. Cela conduit à la spécification d’un modèle de choix bivarié décrivant la probabilité jointe de choisir les sources d’eau potable (bornes-fontaines ou forages) et de s’approvisionner auprès des sources d’eau non potable (barrages ou puits). Nous partons de l’hypothèse que l’accès aux sources alternatives est exogène. Autrement, nous supposons que la proximité à un puits ou à un barrage est un élément qui n’a pas été considéré par le ménage lors du choix de son lieu de résidence (Briand et al., 2009). Le choix des ménages peut être formalisé de la façon suivante :
(1)
15Nous supposons que les termes d’erreur ε1 et ε 2 sont normalement et conjointement distribués avec :
16E[ε1|X1,X2] = E[ε2|X1,X2] = 0 (2)
17Var[ε1|X1,X2] = var[ε2|X1,X2] = 1 (3)
18Cov[ε1, ε2|X1,X2] = E[ε2|X1,X2] = ρ (4)
19Pour ce type de modèle, l’estimation par la méthode du Maximum de Vraisemblance produit des vecteurs d’estimateurs convergents (Greene, 2003) des paramètres inconnus β1 et β2. Nous émettons l’hypothèse que les variables explicatives sont les mêmes dans les équations (2) et (3), c’est-à-dire que dans les deux équations ; X1 = X2. Cette modélisation est plus appropriée (Briand et Loyal, 2017) car le choix du ménage s’effectue dans un intervalle [0,1]. Aussi, il n’y a que deux types de sources d’eau (potable et non potable) et les décisions du ménage ne sont pas indépendantes.
20L’ensemble des variables retenues est présenté dans le tableau 1. Les variables dépendantes sont binaires. Il s’agit de l’approvisionnement auprès d’une source d’eau potable (SEP) qui prend la valeur 1 si le ménage en fait recours et 0 sinon. C’est la même codification pour la source d’eau non potable (SENP).
Tableau 1. Dictionnaire des variables du modèle
Variables
|
Nom
|
Définition
|
Signe attendu
|
sep
|
Source d’eau potable
|
Variable binaire (1 si le ménage s’approvisionne auprès du forage/borne-fontaine et 0 sinon)
|
/
|
senp
|
Source d’eau non potable
|
Variable binaire (1 si le ménage s’approvisionne auprès d’un puits/barrage et 0 sinon)
|
/
|
sexe
|
Sexe du chef de ménage
|
variable est binaire (Homme = 0 Femme = 1).
|
+/-
|
sitmat
|
Situation matrimoniale du chef de ménage
|
Variable binaire (1 si marié et 0 sinon)
|
+/-
|
instruc
|
Niveau d’instruction du chef de ménage
|
1 si le chef de ménage est instruit (alphabétisé, primaire, secondaire ou sup). et 0 sinon.
|
+
|
age
|
Âge du chef de ménage
|
Variable quantitative mesurant l’âge du chef de ménage en année
|
+/-
|
tmen
|
Taille du ménage
|
Variable quantitative mesurant le nombre de personnes dans le ménage
|
+/-
|
revenu
|
Revenu du ménage
|
Variable quantitative mesurant le revenu du ménage en FCFA
|
+
|
distff
|
Distance séparant le ménage de la borne-fontaine ou du Forage
|
Variable quantitative mesurée en km
|
-
|
distbp
|
Distance séparant le ménage du Barrage ou du puits
|
Variable quantitative mesurée en km
|
-
|
maladie
|
Maladie
|
Variable binaire 1 si au moins un membre du ménage a contracté une maladie hydrique, 0 sinon
|
+
|
dispo
|
Disponibilité des sources d’eau potable
|
1 si source d’eau potable disponible, 0 sinon
|
+
|
Usage
|
Usage principal de l’eau
|
1 si l’usage principal est la boisson/cuisson et 0 si autres
|
/
|
coût
|
Coût financier d’accès à l’eau potable
|
Une variable quantitative mesurée en FCFA
|
-
|
v
|
Village d’appartenance du ménage
|
1 si le ménage appartient au village et 0 sinon (V1 = Boulsin, V2 = Godin-Oualogtinga, V3 = LAttou, V4 = Tiogo Mossi et V5 = Toega)
|
+/-
|
tpsbp
|
Temps mis pour s’approvisionner au barrage ou au puits
|
Variable quantitative mesurée en minute
|
-
|
tpsff
|
Temps mis pour s’approvisionner au forage ou à la fontaine
|
Variable quantitative mesurée en minute
|
-
|
perceptff
|
Perception du ménage sur la qualité du Forage et/ou de la fontaine
|
1 si le Forage/Fontaine est perçu comme une source de bonne qualité et 0 sinon
|
+
|
perceptbp
|
Perception du ménage sur la qualité du Barrage et/ou du puits
|
1 si le Barrage/Puits est perçu comme une source de bonne qualité et 0 sinon
|
+
|
Source : l’auteur.
21La zone de l’étude est celle de la partie rurale de la commune de Koudougou caractérisée par une forte présence humaine, une faible dotation en infrastructures hydrauliques et l’intervention du projet USAID WA-WASH dans le secteur de l’eau. Elle est située à 100 km de la ville de Ouagadougou et compte 15 villages. Cinq villages ont été sélectionnés de manière aléatoire (tableau 2). Il s’agit de Lattou, Tiogo Mossi, Toéga, Boulsin, Godin-oualogtinga. Un échantillon de 150 ménages a été sélectionné en appliquant la méthode de stratification. La taille de l’échantillon se justifie par les difficultés rencontrées à cause de la crise sécuritaire dans le pays. La formule utilisée est : ERVi = (EFVi/ETM) *150 avec ERVi l’effectif des ménages retenus dans le village i, EFVi l’effectif total des ménages dans le village i et ETM l’effectif total des ménages dans l’ensemble des villages échantillonnés.
Tableau 2. Résultats de l’échantillonnage
Villages retenus
|
Effectif ménages (EFVi)
|
Poids (PVi)
|
Échantillon (ERVi)
|
Retenu (Arr)
|
BOULSIN
|
242
|
0,13
|
19,05
|
19
|
GODIN-OUALOGTINGA
|
644
|
0,34
|
50,68
|
51
|
LATTOU
|
422
|
0,22
|
33,21
|
33
|
TIOGO MOSSI
|
364
|
0,19
|
28,65
|
29
|
TOEGA
|
234
|
0,12
|
18,42
|
18
|
Total
|
1 906
|
1,00
|
150,00
|
150
|
Source : INSD.
22La collecte des données a duré dix jours en mai 2018 et a été conduite par quatre enquêteurs de niveau maîtrise et un superviseur. Les données recueillies ont été minutieusement traitées. L’analyse des données montre que dans la zone, les femmes et les enfants ont la plus grande charge de la corvée d’eau (graphique 1).
Graphique 1. Responsables de la corvée d’eau en % dans la zone
Source : l’auteur.
23Le graphique 2 montre que 57 % et 60 % des ménages interrogés qualifient respectivement les bornes-fontaines et les forages de sources d’eau potable. A contrario, plus de 70 % des ménages affirment que les puits et barrages sont des sources non potables. Les principaux usages de l’eau dans la zone sont la boisson (57 %), la lessive (29 %) et la cuisine/vaisselle (14 %).
Graphique 2. Perception sur l’état des sources d’eau
Source : l’auteur.
24En outre, l’accès à ces différentes sources engendre des coûts financiers qui s’élèvent en moyenne à 90 165 FCFA l’année. La taille moyenne des ménages dans la zone est de 11 personnes avec un âge moyen de 47 ans environ pour les chefs de ménage. Aussi, notons que 74 % des ménages disent avoir fait face au moins une fois à des cas de maladies hydriques. Les maladies les plus répandues sont la diarrhée (35 %), la fièvre typhoïde (27 %), le choléra (25 %) et la bilharziose (11 %). Les temps moyens pour s’approvisionner respectivement auprès d’une source d’eau potable et d’une source non potable sont de 15 min et de 18 min (tableau 3).
Tableau 3. Présentation de quelques statistiques descriptives
Variables
|
Moyenne
|
Minimum
|
Maximum
|
Écart-type
|
Coût (en FCFA/an)
|
90165
|
0
|
3,24E+06
|
2,83E+05
|
Âge (en année)
|
46,674
|
20
|
83
|
14,51
|
Revenu (en FCFA/an)
|
5,28E+05
|
5000
|
2,30E+06
|
6,30E+05
|
Tmen
|
11,053
|
2
|
50
|
7,1389
|
tpsPuit_Bar (en min)
|
15,033
|
0
|
255
|
28,054
|
tpsFor_Font (en min)
|
18,857
|
0
|
185
|
29,313
|
DistFor_ont ( en km)
|
0,7581
|
0,015
|
2,5
|
0,58547
|
DistPuit_Bar (en km)
|
0,874
|
0,1
|
3
|
0,59375
|
Source : l’auteur.
25Avant l’analyse des facteurs, notons que les modèles estimés (tableaux 4 et 5) sont adéquats car les coefficients de corrélation (rhô) sont différents de zéro et les tests du rapport de vraisemblance sont significatifs au seuil de 1 %. Cela témoigne de la bonne adéquation du modèle. Aussi, le test de Breusch-Pagan-Godfrey a relevé dans les deux modèles, une absence d’hétéroscédasticité car les probabilités associées à la statistique de Fisher et celle du LM sont toutes supérieures à 5 %.
- 3 Le revenu moyen annuel dans la zone est estimé à 528 000 FCFA, soit 48 000 FCFA par individu, ce q (...)
26Les résultats (tableau 4) montrent que les facteurs qui influent sur les choix des ménages en termes de sources d’eau sont entre autres le coût financier, la distance parcourue pour se rendre à une source, le revenu, le sexe du chef de ménage, son niveau d’instruction, la taille du ménage, le fait qu’un membre du ménage ait été victime de maladies hydriques et la perception sur la qualité de l’eau. Les facteurs tels que le revenu du ménage et le coût d’accès à l’eau ont une influence sur le choix du ménage. En effet, une augmentation du revenu d’une unité entraîne une hausse de la probabilité de recourir aux sources d’eau potable et à celles non potables. Ce résultat n’est pas contraire aux attentes dans la mesure où le ménage ne fait pas exclusivement recours aux sources d’eau non potable. Il fait une allocation de son revenu affecté à ce poste entre les deux sources. Cela s’explique par la faiblesse du revenu3 du ménage, de la multiplicité des postes de dépenses à couvrir (santé, éducation, alimentation) et de l’insuffisance des ouvrages hydrauliques modernes. Aussi, les usages de l’eau n’étant pas les mêmes au sein du ménage (boisson, lessive, cuisine), l’eau potable est utilisée pour la boisson et la cuisson d’une part et l’eau non potable à d’autres usages d’autre part. Ce résultat de terrain est en phase avec les conclusions de plusieurs auteurs (Agbadi et al., 2019 ; Rimi, 2019 ; Omarova et al., 2019 ; Akoteyon, 2019 ; Morales-Novelo et al., 2018) qui montrent que l’eau potable est davantage accessible par les ménages à revenus élevés comparativement aux ménages les plus pauvres.
Tableau 4. Résultats d’estimation
Fontaine/Forage
|
Barrage/Puits
|
Variables
|
Coefficients
|
dy/dx
|
Z
|
Variables
|
Coefficients
|
dy/dx
|
z
|
Coût
|
3,79E-06**
|
1,90E-06
|
1,993
|
Coût
|
4,01E-06*
|
2,33E-06
|
1,722
|
Revenu
|
4,11E-06*
|
2,14E-06
|
1,923
|
Revenu
|
2,40E-06*
|
1,30E-06
|
1,85
|
Âge
|
0,0447**
|
0,021888
|
2,044
|
Âge
|
0,0162366*
|
0,0090212
|
1,8
|
Instruc
|
1,1617***
|
0,369696
|
3,142
|
Instruc
|
1,07663***
|
0,343387
|
3,135
|
Sexe
|
0,7625*
|
0,459984
|
1,658
|
Sexe
|
1,33425*
|
0,780819
|
1,709
|
Sitmat
|
1,1395***
|
0,309779
|
3,678
|
Sitmat
|
0,843159**
|
0,351791
|
2,397
|
Tmen
|
0,0443**
|
0,02256
|
1,964
|
Tmen
|
0,0379661*
|
0,0226871
|
1,673
|
Disp
|
0,3777
|
0,31697
|
1,192
|
Disp
|
0,782952**
|
0,383132
|
2,044
|
Usage
|
0,4045
|
0,322061
|
1,256
|
Usage
|
0,0721328
|
0,264899
|
0,2723
|
Maladie
|
1,8639***
|
0,526731
|
3,539
|
Maladie
|
1,13877***
|
0,387206
|
2,941
|
DistFF
|
0,4251**
|
0,195193
|
2,178
|
DistFF
|
0,458575**
|
0,21039
|
2,18
|
DistBP
|
0,7075***
|
0,217834
|
3,248
|
DistBP
|
0,737536***
|
0,223686
|
3,297
|
PerceptquaFF
|
1,2593***
|
0,452459
|
2,783
|
PerceptquaFF
|
0,352941
|
0,289936
|
1,217
|
PerceptBP
|
0,8186**
|
0,344355
|
2,377
|
PerceptBP
|
1,14432***
|
0,317563
|
3,603
|
athrho = 0,2304** (0,01) Rhô = 0,2253
|
Test du ratio de vraisemblance de rhô = 0 chi2 (1) = 13,074 Prob >chi2 = 0,0002
Test de Wald : chi2(28) = 58,04 Prob>chi2 = 0,0007
|
Notes : *significatif au seuil de 10 % ; ** significatif au seuil de 5 % ; *** significatif au seuil de 1 %.
Source : l’auteur.
27Le coût d’accès à l’eau est également un déterminant pertinent du choix d’approvisionnement des ménages. Plus le coût est important, plus le ménage s’approvisionne auprès des sources d’eau potable. Ce résultat n’est pas surprenant dans la mesure où l’accès à l’eau potable est corrélé positivement à la somme payée. Ce résultat est également en concordance avec ceux trouvés dans des contextes différents notamment au Kazakhstan, au Bénin et au Burkina Faso (Omarova et al., 2019 ; Baron et Bonnassieu, 2011 ; Arouna et Dabbert, 2010).
28D’autres facteurs expliquent de manière significative le choix d’approvisionnement des ménages. En effet, si la distance séparant le ménage de la fontaine ou du forage augmente d’un kilomètre (1 km), la probabilité de recourir aux sources d’eau potable augmente. De même, si la distance séparant le ménage à une source d’eau non potable augmente, le ménage fait recours aux deux sources d’eau. La distance moyenne parcourue par les ménages est d’environ 1 km (soit de 0,758 km et 0,874 km respectivement pour les sources potables et non potables), ce qui n’est pas conforme aux normes de l’OMS. Une distance trop importante joue sur le coût lié à la recherche de l’eau en milieu rural. Ces résultats sont corroborés par ceux obtenus au Kenya, au Nigeria et en Indonésie (Iriantil et al., 2016 ; Whittington et al., 1991). Cette situation contre-intuitive s’explique par le fait que les ménages sont souvent contraints à parcourir de grandes distances du fait non seulement de l’éloignement mais aussi de la faiblesse des infrastructures.
29L’un des effets attendus dans cette recherche est celui de la variable « maladie hydrique » sur la décision du ménage à s’approvisionner en eau. En effet, le choix d’une source d’eau potable dépend des risques de maladies encourus par les ménages. En règle générale, les agents économiques rationnels cherchent à maximiser leur bien-être. Toutefois, les comportements peuvent évoluer et donner naissance à des choix qualifiés d’irrationnels. Dans la zone d’étude, lorsqu’un membre du ménage a été victime de maladies liées à la consommation d’eau non potable, la probabilité de s’approvisionner auprès des sources non potables et potables augmente. Ce résultat est contre-intuitif mais trouve son explication dans le fait que le ménage, face à des contraintes budgétaires serrées et à l’insuffisance des ouvrages hydrauliques modernes fonctionnels, est parfois obligé de recourir simultanément aux deux sources. Ce qui remet en cause le principe de rationalité qui commande que le ménage adopte une attitude préventive en consommant de l’eau potable pour améliorer ses gains de santé (Simelane et al., 2020). C’est pour rendre compte de ces comportements que l’économie comportementale tente de valoriser les conjectures, les émotions, les intuitions, les approximations et les situations contextuelles. Cette économie révèle que les comportements des agents économiques sont subtils (Dana et al., 2007) et particulièrement sensibles au contexte et au framing.
30En outre, la perception sur la qualité de la source d’eau utilisée est susceptible d’influencer le choix d’approvisionnement du ménage. Nous constatons que si le ménage perçoit la fontaine et le forage comme des sources de bonne qualité, cela n’a pas d’effet sur sa probabilité à recourir aux sources non potables, mais agit de façon positive et très significative sur la décision de s’approvisionner auprès des sources potables (Forage/Fontaine). Pareillement, si le ménage estime que les sources telles le barrage et le puits sont de bonne qualité, ils ont recours non seulement aux sources potables, mais aussi à celles non potables. De ces résultats, nous en déduisons que la perception sur la qualité de la source d’eau a un pouvoir explicatif sur la décision du ménage. La perception sur la qualité d’un bien reste subjective et est aussi liée à des variables culturelles. Certains ménages ont une forte préférence pour l’eau prélevée des puits et barrages parce qu’ils estiment que cette eau est de bon goût. C’est aussi une façon pour eux de perpétuer les habitudes léguées (Omarova et al., 2019) par les générations précédentes. Dans cette dynamique, le recours à des sources non potables est souvent élevé du fait des erreurs d’appréciation, conduisant à des risques sanitaires importants.
31De plus, le fait que le chef de ménage soit instruit augmente la probabilité de recourir davantage aux sources d’eau potable. Le niveau d’instruction est généralement associé à une forte valorisation des nombreux avantages tirés de la consommation d’une eau potable (Johri et al., 2019 ; Briand et Loyal, 2017). Cette propension du ménage à aller vers les sources d’eau potable est en phase avec les conclusions des travaux de certains auteurs (Sehreen et al., 2019 ; Kaiyatsa et al., 2016 ; Morakinyo et al., 2015) qui indiquent une relation positive entre le niveau de scolarité du chef de ménage et la probabilité d’avoir accès à des sources d’eau potable. Toutefois, il arrive parfois que le ménage fasse recourir aux deux types de sources d’eau indépendamment des conséquences.
32Nous observons les mêmes comportements avec la taille du ménage. L’accroissement de la taille du ménage par un membre supplémentaire entraîne une augmentation de la probabilité de 0,0225 et 0, 0226 de s’approvisionner respectivement auprès d’une source potable et d’une source non potable. Ce résultat est également en adéquation avec les réalités des pays africains en général et celles du Burkina Faso en particulier. Dans le milieu rural, un ménage de grande taille a tendance à recourir aussi bien aux sources d’eau potable qu’aux sources non potables eu égard à la faiblesse des moyens financiers et des infrastructures hydrauliques limitées. Aussi, les ménages de grande taille ont une demande en eau beaucoup plus importante que les ménages de tailles réduites. Selon l’INSD (2015), lorsque la taille du ménage dépasse sept personnes au Burkina Faso, environ 27,6 % des ménages éprouvent des difficultés d’accès à une eau potable. D’autres auteurs tels Simelane et al. (2020) trouvent qu’en Eswatini une grande taille du ménage affecte négativement l’approvisionnement auprès des sources d’eau potable.
33Dans le but de conforter ces résultats, une seconde estimation prenant non seulement en compte la variable temps et celles de contrôle (villages d’appartenance) a été faite. Le tableau 5 présente les résultats obtenus.
Tableau 5. Résultats d’estimation incluant le temps et les variables de contrôle
Fontaine/Forage
|
Barrage/Puits
|
Variables
|
Coefficients
|
dy/dx
|
z
|
Variables
|
Coefficients
|
dy/dx
|
z
|
Coût
|
2,50E-06**
|
1,00E-06
|
2,488
|
Coût
|
-5,12E-06*
|
3,04E-06
|
-1,685
|
Revenu
|
5,06E-06*
|
2,81E-06
|
1,802
|
Revenu
|
-6,11E-08
|
1,91E-07
|
-0,32
|
Âge
|
-0,0097142
|
0,0085727
|
-1,13
|
Âge
|
-0,0162952*
|
0,009856
|
-1,65
|
Instruc
|
0,150726
|
0,077493*
|
1,945031
|
Instruc
|
-0,5000421*
|
0,3014449
|
-1,66
|
Sexe
|
0,278241
|
0,132122**
|
2,105948
|
Sexe
|
-0,510759**
|
0,241186
|
-2,117698
|
Sitmat
|
0,132723
|
0,461495
|
0,29
|
Sitmat
|
0,686715*
|
0,37
|
1,855986
|
Tmen
|
-0,0154789
|
0,0184425
|
-0,84
|
Tmen
|
0,0135052**
|
0,0058907
|
2,29
|
Disp
|
0,1558165
|
0,2531941
|
0,62
|
Disp
|
-0,153907
|
0,286819
|
-0,5366
|
Usage
|
-0,6213164
|
0,2332342***
|
-2,66
|
Usage
|
-0,49415*
|
0,254739
|
-1,939828
|
Maladie
|
0,399227
|
0,159698**
|
2,499895
|
Maladie
|
-0,649602**
|
0,2569693
|
-2,53
|
tpsBP
|
-0,011933
|
0,0057319**
|
-2,08
|
tpsBP
|
-0,045963**
|
0,017965
|
-2,55851
|
tpsFF
|
0,0135052
|
0,0058907**
|
2,29
|
tpsFF
|
-0,053656*
|
0,029012
|
-1,849413
|
PerceptFF
|
0,5903721
|
0,2900058**
|
2,04
|
PerceptFF
|
0,0135052**
|
0,0058907
|
2,29
|
PerceptBP
|
-0,8122172
|
0,3349273**
|
2,43
|
PerceptBP
|
0,6237448**
|
0,3113756
|
2
|
V1
|
1,676784
|
0,613723
|
2,732152
|
V1
|
0,537556***
|
0,148457
|
3,620956
|
V2
|
1,248061
|
0,478873
|
2,606245
|
V2
|
0,427583***
|
0,114343
|
3,739478
|
V3
|
0,7164
|
0,532306
|
1,345843
|
V3
|
0,21983*
|
0,126243
|
1,741324
|
V4
|
1,012549
|
0,470479
|
2,152168
|
V4
|
0,410558***
|
0,121651
|
3,374888
|
athrho = 13,245** (0,000)
|
Rhô 0,0684
|
Test du ratio de vraisemblance de rhô = 0 chi2 (1) = 29,1565
Test de Wald chi2(28) = 53,14
|
Prob>chi2 = 0,0000
Prob>chi2 = 0,0028
|
Notes : * significatif au seuil de 10 % ; ** significatif au seuil de 5 % ; *** significatif au seuil de 1 %.
Source : l’auteur.
34La prise en compte du temps dans cette seconde modélisation permet de nuancer certains résultats obtenus dans la première estimation. En effet, lorsque le temps mis pour s’approvisionner auprès d’une source non potable augmente, la probabilité d’y recourir diminue. A contrario, lorsque le temps mis pour s’approvisionner auprès d’une source potable augmente, la probabilité de recourir à cette source augmente. Ces résultats mettent en lumière le rôle du temps dans la décision du ménage. La corvée d’eau n’est certes pas une activité productive, mais le ménage a tendance à s’approvisionner auprès des sources d’eau de bonne qualité au détriment du temps qu’il pourrait consacrer aux activités économiques. L’analyse beckérienne soutient que le ménage prend ses décisions sous une contrainte de « revenu total » en incluant le temps de travail dans ses ressources et permet de faire l’arbitrage entre les activités productives et domestiques (Becker, 1985). Toutefois, la division du travail au sein du ménage suivant la logique des avantages comparatifs peut connaître des limites. En effet, en milieu rural africain, les femmes et les enfants ne s’occupent pas exclusivement des travaux domestiques. Ils allouent leur temps total de travail entre activités productives et tâches domestiques. Ce comportement rationnel intègre certains phénomènes tels le divorce et le déclin du mariage, pouvant créer une rupture de la maximisation de l’utilité collective (Bustreel, 2001 ; Brossollet, 1992 ; Lommerud, 1989). La non-spécialisation induite par le principe de la rationalité implique une valorisation du temps dont dispose chaque membre du ménage. Cette conception de la non-spécialisation peut aussi être relativisée car le ménage préfère consacrer plus de temps à chercher l’eau potable que de recourir à l’eau non potable dont les conséquences sanitaires pourraient profondément dégrader son bien-être.
35En examinant à nouveau la variable « maladie » dans cette seconde estimation, il ressort un effet attendu du point de vue de la théorie. En effet, le fait d’être victime d’une maladie hydrique, réduit la probabilité de s’approvisionner auprès des sources non potables en l’occurrence les barrages et les puits. Ainsi, le ménage a tendance à aller vers les sources potables où les risques de contracter une maladie hydrique sont moins élevés comparativement à celles non potables. En réalité, un tel comportement est possible si les chefs de ménage sont instruits. Les ménages dont les chefs sont instruits opèrent leurs choix en anticipant sur un certain nombre de bénéfices que leur procure la consommation d’une eau potable (Johri et al., 2019 ; Sehreen et al., 2019 ; Briand et Loyal, 2017 ; Kaiyatsa et al., 2016 ; Morakinyo et al., 2015). Un chef de ménage instruit est plus disposé à recourir aux sources potables qu’aux sources non potables. Dans le même sens, les résultats trouvés montrent que si le ménage est dirigé par une femme, la probabilité de s’approvisionner à la fontaine ou au forage augmente de 0,132 et diminue de 0,241 quand il s’agit des sources non potables. La femme reste l’actrice principale en matière de ravitaillement et d’utilisation de l’eau au sein du ménage dans le contexte africain. De ce fait, elle perçoit très vite les bénéfices rattachés à une eau de bonne qualité qu’à une eau de mauvaise qualité qui comporte des risques sanitaires très importants. Ce résultat est en phase avec celui trouvé par Kaiyatsa et al. (2016) au Malawi. Au contraire, lorsque la taille du ménage augmente, la probabilité de s’approvisionner auprès des sources non potables est plus importante, alors qu’elle ne l’est pas pour les sources potables. En somme, le choix de la source d’approvisionnement en eau en milieu rural dépend de la taille du ménage.
36En outre, appartenir à un des villages (Boulsin, Godin-Oualogtingtinga, Lattou, Tiogo Mossi) ne réduit pas la probabilité du ménage à recourir aux sources potables et celles non potables comparativement au village de Toéga (V5, village de référence) à l’exception des ménages du village de Lattou (V3). En dépit du faible niveau de dotation du village Toega (V5) en infrastructures hydrauliques modernes, les ménages des autres villages sont plus enclins à recourir aux deux sources. Autrement, le village d’appartenance du ménage n’est pas une variable décisionnelle.
37L’objectif de cet article était d’analyser les déterminants des choix des ménages ruraux en matière d’approvisionnement en eau de la commune de Koudougou au Burkina Faso.
38Plusieurs résultats découlent de cette recherche dont les principaux sont : i) le temps mis par les ménages pour s’approvisionner auprès d’une source d’eau potable a une influence positive sur sa décision, ii) la perception du ménage sur la qualité des sources d’eau agit positivement sur sa décision de s’approvisionner et iii) le fait qu’un membre du ménage ait été victime de maladies hydriques, conduit le ménage à recourir davantage aux sources d’eau potable. Le recours aux deux sources intervient lorsque le ménage manque d’alternatives et de possibilités financières. Les hypothèses formulées sont confirmées.
39Ces résultats suggèrent que l’État et les partenaires au développement devront mettre l’accent sur un certain nombre de mesures en vue d’inverser la tendance. Il s’agit premièrement de réduire le temps mis par les ménages pour s’approvisionner en eau en augmentant le nombre d’infrastructures hydrauliques modernes. Deuxièmement, les services compétents en charge de l’eau (Office national de l’eau et de l’assainissement) devraient procéder à une vérification périodique de la qualité de l’eau. Troisièmement, il est opportun d’instaurer des campagnes de sensibilisation auprès des ménages sur les bienfaits de la consommation de l’eau potable et sur les risques encourus (maladies) en cas d’utilisation non appropriée de l’eau provenant des sources non potables. Cette recherche a eu le mérite de mettre en lumière la variable « temps » qui constitue un des aspects importants dans l’analyse beckérienne du comportement du consommateur. Aussi, l’analyse a été enrichie par la prise en compte d’un certain nombre d’attributs de l’eau (qualité, maladie hydrique).