2L’ouvrage s’articule autour de quatre parties distinctes et comprend 21 contributions. La première partie est consacrée aux relations entre l’IA et la création artistique. Les contributeur·rices questionnent d’abord le déterminisme inhérent à l’IA versus l’intention artistique et la création de l’inattendu dans le processus créatif. Puis les deux contributions suivantes éprouvent ce questionnement à l’univers du jeu, du jeu de société au jeu vidéo.

3La deuxième partie aborde le recours à l’IA et aux algorithmes de recommandation pour la diffusion des contenus journalistiques et culturels. Le premier chapitre fait un état des lieux des différentes expérimentations de l’IA par les rédactions journalistiques, que ce soit pour la collecte et l’analyse de l’information, la production ou la distribution. Le second chapitre propose une analyse comparative du recours à l’IA des algorithmes et des Big Data par les plateformes audiovisuelles, que ce soit pour la recommandation de contenus ou comme guide pour la création de nouveaux contenus. Les contributions suivantes portent spécifiquement sur les algorithmes de recommandation de contenus. Ainsi, Lily-Canelle Mathieu s’interroge sur le dilemme agentiel permanent auquel fait face l’usager·ère des plateformes face au système de recommandation algorithmique, entre soumission et tentative d’émancipation. La contribution suivante s’interroge sur la marge d’autonomie laissée par le système de recommandation algorithmique de Netflix aux usager·ères pour découvrir et explorer de nouveaux contenus. Les deux dernières contributions de cette partie questionnent la dimension éthique du recours à l’IA. La première est dédiée à l’expérimentation d’algorithmes de contenu à contenu en matière de patrimoine cinématographique tandis que la seconde aborde le partenariat de données entre les acteur·rices comme une solution collective intégrant les acteur·rices culturel·les.

4La troisième partie de l’ouvrage porte sur l’intelligence artificielle et la sauvegarde du patrimoine culturel. Il réunit des réflexions et des expérimentations de l’IA appliquées à des objets culturels et patrimoniaux spécifiques. La première contribution dédiée au Sénégal en matière d’IA est partagée entre la crainte de voir disparaitre les identités culturelles particulières et la possibilité d’accélérer la diffusion des savoirs et savoir-faire dans les différentes langues d’usage au Sénégal. Le texte suivant porte sur le recours à l’IA pour la transcription de documents ou la reconnaissance automatique d’images dans le cadre de recherches archéologiques. Cette partie se clôt sur l’analyse de Lina Uzlyte qui explore comment l’IA investit les espaces de la visite guidée et questionne les enjeux déontologiques afférents.

5La dernière partie de l’ouvrage est consacrée aux répercussions de l’IA sur la propriété intellectuelle, les droits humains et la diversité culturelle. Les trois premières contributions questionnent les enjeux juridiques qu’implique le croisement de l’IA avec la culture : quel statut pour les productions algorithmiques ? Peut-on parler de droit d’auteur en la matière ? Dans son texte, Camille Alegre souligne notamment que le concept de droit d’auteur semble peu adapté aux réalisations produites via l’IA en ce qu’elles sont le fruit d’un processus collectif mêlant de nombreux acteur·rices. Quant à Stephen Monteiro, il aborde précisément la question de la reproduction et diffusion des œuvres sur les plateformes de partage malgré les systèmes de contrôle mis en place avec la collaboration de l’IA. Dans les deux contributions suivantes, Lucia Flores Echaiz traite de la gouvernementalité algorithmique suivie par une réflexion d’Iris Richer et Clémence Varin qui plaident pour le développement d’une intelligence artificielle éthique et responsable, tenant compte de la diversité culturelle. C’est également de diversité ou plus précisément d’absence de diversité dont il est question dans les deux dernières contributions. La première aborde les normes discriminatoires envers les femmes au sein des outils développés par l’IA, véhiculant des stéréotypes sexistes. La seconde réflexion menée par Thibault Grison et Virginie Julliard porte sur la manière dont la modération menée par l’IA conduit à invisibiliser les contenus LGBT, et comment les communautés mettent en place des stratégies de contournement des systèmes de modération générés par l’IA.

6Outre la qualité et la variété des contributions réunies au sein de cet ouvrage, l’une des forces de celui-ci est qu’il nous invite à penser l’intelligence artificielle dans sa transversalité. Les objets, les terrains, les acteur·rices questionné·es au travers de ces contributions s’éclairent mutuellement et participent à une meilleure appréhension de l’IA. Ajoutons que si les contributeur·rices évoquent leurs difficultés à circonscrire les différentes manifestations de ce processus technologique et plus encore à en prédire les impacts sur l’environnement culturel et médiatique, cet ouvrage constitue sans nul doute un état des lieux exhaustif des enjeux que soulève l’IA en 2024.