« Ce que j’éprouve maintenant, c’est cela qu’on doit appeler l’horreur sacrée ». Cette phrase célèbre du Journal d’Allemagne de Denis de Rougemont, écrite à propos du meeting nazi auquel il avait assisté le 11 mars 1936, et dont la description constitue ce que Denis Hollier appelle à juste titre le « morceau de bravoure » du livre, a fait couler beaucoup d’encre ; surtout depuis que Bernard-Henri Lévy l’a utilisée avec une insigne mauvaise foi pour classer le grand apôtre du fédéralisme européen du côté des ennemis de la démocratie, n’hésitant pas à mettre en parallèle la fascination des fascistes français pour les jeunesses hitlériennes et « l’émoi de Denis de Rougemont devant ces “ jeunesses bottées nu-tête, chemise ouverte, dont notre presse, dit-il, aime à railler les uniformes ” ».
Est-il nécessaire de souligner ici que le Journal d’Allemagne inspira le Rhinocéros de Ionesco et constitue l’un des réquisitoires les plus lucides écrits contre le régime nazi avant l’éclatement de l...