Albero, B. et Thievenaz J. (dir.) (2022). Enquêter dans les métiers de l’humain. Traité de méthodologie de la recherche en sciences de l’éducation et de la formation. Éditions Raisons et Passions.
Éditions Raisons et Passions.
Texte intégral
1Ce traité réunit 133 collègues, très majoritairement Français, pour une œuvre titanesque (trois tomes totalisant plus de 1 500 pages) décrivant la recherche en sciences de l’éducation et de la formation. Il a bénéficié du soutien financier de nombreuses associations professionnelles ou savantes, comme l’Association des enseignants chercheurs en sciences de l’éducation. Une seconde édition vient d’être publiée seulement quelques mois après la première parution.
2Le propos est chronologique dans la démarche d’enquête, depuis les premières formulations de la question de recherche et le cadre théorique (tome I) ; puis la méthode de recueil de données empiriques qualitative par entretien (sur des sujets tels que la classe, la laïcité, le handicap, les enfants fragilisés, etc.) ou quantitative par questionnaire ou à partir de fichiers administratifs — partie qui inclut les hypermédias et la recherche sur Internet (tome II) ; enfin, le traitement scientifique du matériau, l’écriture et la valorisation sous forme de publications ou d’interventions, scientifiques, politiques ou formatives ; par écriture audiovisuelle en particulier (tome III). Si les coordinateurs ont réussi la gageure de l’unité stylistique, quelques redondances entre chapitres s’expliquent par la présence de nombreuses autorités universitaires actuelles en France dans la discipline. Il serait trop long pour une note de lecture de fournir un résumé détaillé de chacune des contributions et indélicat de privilégier telle ou telle partie — l’ensemble étant, encore une fois, homogène.
3De manière générale, l’entrée « Enquête » donne le ton de l’influence de John Dewey et du primat de l’action, qui sont les partis pris des directeurs du livre. L’idée de « Métiers de l’humain » est discutable (dans les sciences de l’homme, les sciences de l’éducation auraient elles le monopole des métiers ? L’ouvrage ne donne pas de définition du « métier » : est-ce une communauté expérimentée autour d’un outil ?) mais elle renvoie indéniablement à une entrée par l’activité professionnelle, le travail éducatif, voire les compétences ou arts de faire. Les différents chapitres ont une approche très sociologique, une des disciplines fondatrices des sciences de l’éducation.
4On remarque que le travail éducatif étudié dans plusieurs contextes (école, entreprise, association) va dans le sens du changement de nom de la section au sein du conseil national des universités, adjoignant la formation (professionnelle, des adultes, continue…) aux sciences de l’éducation, encore très fortement marquées par les réalités scolaires. Cette œuvre de synthèse majeure, pareille à un effort de manuel global qu’a pu récemment produire une discipline comme l’économie, s’inscrit donc dans une dynamique institutionnelle à laquelle une des coordinatrices a participé : Brigitte Albero était présidente de la 70e section lors de son changement de nom.
5Et l’on remarque l’influence de longue haleine du Conservatoire national des arts et métiers, où a été formé l’autre codirecteur ; car Joris Thievenaz était affilié au Centre de recherche sur la formation, laboratoire fondé par Jean-Marie Barbier. Les métiers sont sous les projecteurs des chercheurs, ce alors que le traité décrit les arts et compétences de ces mêmes chercheurs. Cette approche est aussi celle du traité précurseur, paru trois ans auparavant (en 2019) chez Champ social : La recherche en sciences humaines et sociales et les enjeux de société de Patrick Obertelli et Richard Wittorski — ce-dernier portant des questions similaires et des perspectives du Cnam sur les métiers et usages des savoirs dans les mondes professionnels, pour avoir été dans la même équipe.
6Révélateur d’un réseau académique et institutionnel qui impulse une dynamique nationale, le livre ne peut cependant pas être résumé à son titre et aux positions de ses coordinateurs, voire leurs oppositions dans un même champ qui les réunit et les structure par les mêmes capitaux et enjeux : ceux de la formation professionnelle. Cette œuvre majeure sur la recherche actuelle en SEF formate sous l’entrée « enquête dans les métiers » (et non « sur les métiers », cf. le chapitre sur la recherche intervention), les efforts de nombreux collègues francophones qui peuvent se lire au travers d’une sociologie de l’action ou du travail éducatif.
7L’ouvrage est recommandé à toute bibliothèque universitaire, voire aux particuliers du fait de son coût abordable (les trois tomes peuvent se lire indépendamment les uns des autres), et est destiné à servir de référence pour les enseignants et chercheurs durant de longues années.
Pour citer cet article
Référence électronique
Olivier Marty, « Albero, B. et Thievenaz J. (dir.) (2022). Enquêter dans les métiers de l’humain. Traité de méthodologie de la recherche en sciences de l’éducation et de la formation. Éditions Raisons et Passions. », Éducation et socialisation [En ligne], 66 | 2022, mis en ligne le 08 décembre 2022, consulté le 28 mars 2023. URL : http://journals.openedition.org/edso/22252 ; DOI : https://doi.org/10.4000/edso.22252
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