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Dossier
Les relations entre pairs

Vers un sentiment de réussite et de bien-être des élèves au sein du dispositif Devoirs faits : regards croisés d’élèves et d’adultes

Véronique Barthélemy

Résumés

Depuis 2017, est instauré le programme Devoirs faits en collèges visant la réussite de chaque élève. Mais de quelle réussite parlons-nous ? Dans cet article, nous nous référons à la réussite éducative, renvoyant aux critères scolaires ainsi qu’au bien-être, à la confiance en soi, à la sociabilité ou à l’épanouissement personnel. Pour mesurer cette réussite, nous prenons appui sur le domaine 2 (organisation du travail et coopération) du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Nous cherchons à repérer en quoi Devoirs faits permet de favoriser la réussite éducative des élèves. Dans cette note de synthèse, les résultats issus de recherches et de rapports mettent en avant l’impact de ce dispositif sur les comportements des élèves, entrainant des progrès et provoquant un sentiment de bien-être. Ceci est rendu possible par les conditions de travail, par les interactions entre élèves ou entre élèves et enseignants et par l’importance accordée à la continuité entre les temps scolaire et familial.

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Texte intégral

Introduction

1Depuis 2017, a été instauré le dispositif Devoirs faits (par convenance nous utiliserons « DF ») en collèges, se déclinant autour de trois objectifs (Ministère de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports, 2017). Premièrement, il propose aux élèves un temps d'étude accompagnée pour réaliser leurs devoirs, en lien avec les connaissances et compétences travaillées en classe. Deuxièmement, il a vocation à favoriser la continuité et la cohérence entre le temps scolaire et le temps familial et périscolaire. Troisièmement, ce programme est basé sur la coordination des acteurs internes et externes à l’établissement scolaire.

2Ainsi, ce dispositif, en proposant des conditions d’organisation (lieu, temps, actions), de fonctionnement et de relations entre élèves d’une part, entre élèves et adultes d’autre part, doit « favoriser une forme de sérénité à la maison sur ce sujet » (MEN, 2017, p.1) et permettre la réussite éducative de chaque élève ; réussite éducative, considérant à la fois l’instruction (intégration de savoirs académiques), la socialisation (acquisition de savoirs, valeurs, attitudes et comportements), la qualification (préparation à l’insertion professionnelle) ainsi que la réalisation du plein potentiel de l’élève et l’atteinte de ses buts personnels (Périer, 2013).

3A la lecture de cette définition, nous pouvons aller plus loin et partager les propos de Beaumont (2018, p. 26) lorsque cette dernière affirme que la « réussite éducative vise le développement des potentialités affectives, morales, intellectuelles, physiques et spirituelles des jeunes tout en misant sur leur réussite académique ». C’est pourquoi, toujours selon cet auteur, « aider les jeunes à développer ces multiples compétences, c’est participer au développement de futurs citoyens responsables, capables de veiller à leur propre bien‑être » (p.26).

4Par conséquent, réussite éducative et bien-être semblent liés ; pour Glasman (2007, p.76),

la réussite éducative, c’est ce à quoi parvient un enfant ou un adolescent au terme d’une période donnée, au cours de laquelle il a été soumis à une action éducative, et qui se caractérise par un bien-être physique et psychique, une énergie disponible pour apprendre et pour entreprendre, une capacité à utiliser pertinemment le langage et à entrer en relation, une conscience acquise de ce que l’école peut lui apporter et de ce qu’il peut en attendre, une ouverture d’esprit à son entourage et au monde.

5Pour en faciliter l’accomplissement, il est nécessaire de réfléchir à

l’ensemble des initiatives prises et des actions mises en œuvre par ses parents, par son entourage ou par des professionnels pour permettre à l’enfant ou à l’adolescent de se rapprocher et d’atteindre cet état, et la progressive appropriation par l’intéressé de ce qui lui est fourni (Glasman, 2007, p. 76).

6En bref, ce dispositif, en visant la recherche du développement harmonieux de l’élève et en tentant de concilier l’épanouissement personnel, la relation aux autres et la réussite scolaire (Peillon, Pau-Langevin, Bertinotti, Fourneyron et Lamy, 2013) répondrait aux besoins sociaux, psychologiques et cognitifs de l’élève (Tricot et Rayou, sd). Or, une tension semble exister puisque d’un côté, il est proposé aux élèves de réaliser leur travail au sein du dispositif de DF (ce qui pourrait augmenter le sentiment de contrôle du travail des élèves par les adultes), d’un autre côté les textes de cadrage de ce dispositif mettent en avant le développement de la sérénité des élèves lors de leur retour à la maison (puisqu’ils ont pu soit finir leurs devoirs soit avancer dans la réalisation de leur travail à leur rythme et de manière autonome).

7Pouvons-nous de ce fait envisager DF comme un lieu (le collège), un temps (les périodes et créneaux horaires organisés au sein des établissements scolaires en fonction des contraintes spécifiques de ces derniers) et des actions (les pratiques pédagogiques et éducatives des intervenants) pouvant permettre de porter un autre regard sur l’éducation en associant le développement des compétences académiques et des compétences psychosociales, les deux étant intrinsèquement liées : un élève heureux est un élève qui va mieux réussir et inversement ? Ou autrement dit, DF proposerait-il un cadre de travail scolaire et relationnel positif favorable à la réussite éducative (apprentissages et socialisation) et au bien-être des élèves ? C’est du point de vue des élèves et des enseignants que nous apporterons des éléments de réponses à cette question.

8Nous faisons l’hypothèse que DF aurait un impact sur les attitudes et les comportements des élèves, entrainant des progrès (en lien avec le domaine 2 du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, MEN, 2016) et provoquant, chez ces derniers, un sentiment de bien-être (Rees, Goswami, Pople, Bradshaw, Keung et Main, 2013 ; Ryff, 2014 ; Marsollier, 2016). Par ailleurs, ils feraient preuve d’acceptation d’eux-mêmes en développant leur autonomie. Ceci serait rendu possible grâce aux modalités d’organisation et de fonctionnement de ce dispositif.

9Pour ce faire, nous proposons, dans cet article de synthèse, de relater le bilan des recherches et des connaissances sur notre thème à partir d’une sélection de publications (ie. : travaux scientifiques (Barthélémy, 2019 ; Gobert, Guille-Biel Winder, Assude et Millon-Faure, 2021 ; Félix et Mouton, 2021 ; Assude et al., 2021) et rapports de recherche (Sève et Ménager, 2019 ; Inspection Générale de l’Education, du Sport et de la Recherche, 2020a et 2020b) et d’envisager de nouvelles pistes de discussion. En d’autres termes, d’un point de vue méthodologique, cette synthèse permettra, à partir de l’analyse bibliographique, de passer au crible les concepts et les questions, les méthodologies et les résultats des équipes de recherche travaillant sur ce sujet.

10Ainsi, dans un premier temps, nous expliciterons comment la réussite éducative est un enjeu de DF. Dans un deuxième temps, dans la partie « des élèves qui réussissent », nous identifierons les effets de DF sur l’accomplissement personnel de l’élève en pointant les propos positifs relatifs à l’acquisition de connaissances et de compétences du domaine 2 du socle commun (ie. : organisation du travail personnel et la coopération et réalisation de projets). Dans un troisième temps, nous mettrons en évidence comment se construisent les conditions scolaires efficientes et les relations sociales d’autre part ; nous expliciterons les raisons pour lesquelles les élèves éprouvent un sentiment de satisfaction, et ce de leur point de vue mais aussi du point de vue des encadrants et des parents. Pour finir, nous dégagerons comment ce dispositif, de par sa visée de la réussite éducative et de par ses conditions de fonctionnement, donne satisfaction aux élèves et entraine chez ces derniers un sentiment de bien-être. Nous proposerons ainsi une analyse des éléments recueillis à la lumière du modèle sociologique de Konu et al. (2002) ; il s’agira de repérer comment « penser le bien-être » (Frigout, 2017) au sein de DF répond à la satisfaction de besoins fondamentaux (« having », « loving », « being et « health »).

La réussite éducative comme enjeu de devoirs faits

11Dans ce premier point, notre objectif est de mettre en lumière comment la réussite éducative apparait comme enjeu (ou pari ?) de DF. Nous tâcherons ainsi d’en préciser les contours, en montrant qu’il ne s’agit pas de réduire l’enfant à sa seule vie scolaire mais de l’appréhender dans sa globalité (Bourgeois, 2010). Enfin, nous indiquerons comment nous envisageons de la mesurer.

Quelques éléments de définitions de la réussite éducative

12Dans le cadre cet article, nous cherchons à savoir si DF permet particulièrement la réussite éducative des élèves, car, comme évoqué plus haut, elle concerne à la fois l’instruction, la socialisation et la qualification. De plus, la réalisation du plein potentiel de l’élève et l’atteinte de buts personnels fixés par ce dernier sont des dimensions essentielles.

13Ainsi, à la lecture du programme DF (Ministère de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports, 2017) et du Vademecum à destination des principaux de collège (2017), nous pouvons relever cet enjeu puisque DF est un moment privilégié pour que l’élève donne du sens à son travail personnel et développe son autonomie. Via l’instruction, l’élève pourra intégrer des savoirs grâce à la possibilité offerte de formaliser les finalités du travail à faire (ex. : que comprend-il de ce qu’il doit faire après lecture de la consigne ? Que doit-il avoir réalisé une fois le travail fini ?).

14La socialisation peut être perçue selon les items suivants :

  • à certains moments, il organise son travail (ex. : activité, support),

  • les objectifs d’apprentissage sont explicités et du sens est donné à son travail,

  • il prend conscience de la manière dont il travaille, dont il mémorise, dont il organise sa pensée, dont il peut envisager différentes stratégies pour surmonter une difficulté.

15Cela se traduit dans DF par un temps dédié, en dehors des heures de classe, à l’accomplissement par l’élève des tâches demandées par ses professeurs. Chaque collégien bénéficie d’une aide appropriée au sein du collège afin de rentrer chez lui ses devoirs faits. La coopération est encouragée entre élèves (ex. : petits groupes, tutorat d’élèves) (Vademecum à destination des principaux de collège, 2017).

16Toutefois, il reste en suspens la question de la mesure de la réussite éducative, question à laquelle nous répondons ci-après.

Une mesure de la réussite éducative

17Le terme de réussite éducative renvoie à une volonté de s’émanciper d’une approche trop académique des difficultés des enfants, en les abordant d’une manière plus multidimensionnelle (Communier et Rouzeau, 2009). En effet, selon l’INEDUC (2018), la réussite éducative englobe différentes dimensions : elle peut renvoyer à des critères « scolaires » (les notes, les diplômes), mais également au bien-être, à la confiance en soi, à la sociabilité ou à l’épanouissement personnel (Dubet et Martuccelli, 1996 ; de Léonardis, Féchant et Prêteur, 2005). Or, ces dimensions sont difficilement mesurables. C’est pourquoi nous prenons appui sur le socle commun de connaissances, de compétences et de la culture (2016) pour en définir des critères puisqu’il ne se fixe pas comme objectifs une simple liste de connaissances scolaires à acquérir, mais il tente de décloisonner les savoirs disciplinaires pour les articuler en termes de connaissances, capacités et attitudes (Barthélémy, Dejaiffe et Espinosa, 2021).

18Dans le cas qui nous intéresse, le domaine de compétences plus particulièrement concerné par DF est le domaine 2 intitulé « des méthodes et outils pour apprendre » (MEN, 2016). En effet, il a pour objectif de

permettre à tous les élèves d’apprendre à apprendre, seuls ou collectivement, en classe ou en dehors, afin de réussir dans leurs études et, par la suite, se former tout au long de la vie. Les méthodes et outils pour apprendre doivent faire l’objet d’un apprentissage explicite en situation, dans tous les enseignements et espaces de la vie scolaire. Par ailleurs, la maîtrise de ces méthodes et outils doit développer l’autonomie et les capacités d’initiative en favorisant l’implication dans le travail commun, l’entraide et la coopération (p.4).

19Ainsi, deux axes de connaissances et de compétences pour la maîtrise du socle commun sont décrits. Le premier, « organisation du travail personnel », renvoie à la

capacité de l’élève à se projeter dans le temps, à anticiper et à planifier ses tâches. De plus, l’élève doit comprendre le sens des consignes ; ceci supposant qu’il met en œuvre les capacités telles l’attention, la mémorisation, la mobilisation de ressources, la concentration, l’aptitude à l’échange et au questionnement, le respect des consignes et la gestion de l’effort (p.4).

20Le second axe est la « coopération et réalisation de projets ». L’élève est amené à « travailler en équipe, partager des tâches, s’engager dans un dialogue constructif, accepter la contradiction tout en défendant son point de vue, faire preuve de diplomatie, négocier et rechercher un consensus ». Par ailleurs, il doit

être capable d’évaluer l’atteinte des objectifs. Pour cet axe, il doit prendre conscience du fait que DF est un lieu de collaboration, d’entraide et de mutualisation des savoirs. Il se doit d’aider celui qui ne sait pas comme il se doit d’apprendre des autres (p.4).

21Ainsi, afin de savoir si DF est susceptible de favoriser la réussite éducative des élèves (et par voie de conséquence le bien-être), nous soulignons ci-dessous les effets de ce dispositif en fonction des critères suivants :

  • pour l’organisation du travail personnel, nous relatons comment le sentiment de progression des élèves (via la compréhension des consignes, l’acquisition de compétences scolaires et méthodologiques) est décrit par eux, leurs enseignants et leurs parents.

  • pour la collaboration et la réalisation de projets, nous repérons les différentes formes de travail mises en œuvre (ex. : travail individuel, travail en groupe, tutorat) ainsi que les types d’aide imaginée et apportée (ex. : assister dans la réalisation des devoirs, réexpliciter les consignes et le but des exercices, donner des méthodes de travail…).

Des élèves qui réussissent

  • 1 Nous proposons ici les éléments clés des protocoles méthodologiques validant ces recherches. Assude (...)

22Comme évoqué plus haut, cet article est à visée de synthèse, tout en sachant qu’à ce jour les ressources scientifiques pouvant nous aider à enrichir spécifiquement notre thématique restent peu nombreuses. Aussi, les propos et les constats repérés sont issus de recherches qualitatives et/ou quantitatives (Barthélémy, 2019 ; Barthélémy et Bauby 2020 ; Assude et al., 2021 ; Barthélémy, 2022) ainsi que de rapports et de notes d’étapes issus d’inspections générales (Sève et al., 2019) dont nous donnons en note en bas de page les protocoles méthodologiques1. Nous allons décrire ici, du point de vue des élèves, des encadrants et des parents, les connaissances et les compétences jugées acquises grâce au dispositif DF autour de deux thèmes « organisation du travail personnel » et « coopération et entraide ».

Organisation du travail personnel

23Concernant l’organisation du travail personnel, il ressort à la lecture des résultats de travaux de recherche et de rapports un sentiment de progression et ce du point de vue des élèves d’une part et du point de vue des enseignants et des parents d’autre part.

24Ainsi, les premiers disent avoir progressé, notamment en termes de compréhension des consignes et d’organisation (Barthélémy, 2019, 2022 ; IGESR, 2020b). En effet, ils considèrent que DF leur a permis de « comprendre ce qu’il y a à faire après la lecture de la consigne » tout comme il a permis « de faire seul leurs devoirs » et de « savoir mieux s’organiser » (réponses d’élèves, Barthélémy, 2019, 2022). Ces conclusions sont confortées par Sève et al. (2019) lorsque ces auteurs indiquent que les élèves se perçoivent progresser sur le plan des apprentissages scolaires et méthodologiques (ex. : meilleure organisation du travail, apprentissage de technique pour apprendre et réviser), affectifs (ex. : plus grande confiance en eux » (p. 13). D’ailleurs, concernant les progrès scolaires liés à la gestion de l’effort, Assude et al. (2021) donnent l’exemple d’un élève étant sur une bonne dynamique lorsqu’il se montre capable de réduire le nombre de fautes d’orthographe dans ses écrits.

25Pour leur part, les enseignants mentionnent également des effets positifs pour une grande majorité des élèves. Ces derniers participent volontiers dans l’ensemble, s’investissent davantage dans leur travail (ex. : ils notent mieux leurs devoirs à faire, les font plus régulièrement, sont attentifs lors des corrections, lors la lecture des énoncés et améliorent ainsi leur concentration et autonomie) et gagnent en confiance et en compétences (Sève et al. 2019). De plus, les enseignants soulignent des progrès dans la maîtrise de la langue des élèves les plus en difficulté, du fait de nombreuses opportunités d’interactions verbales durant les séances de DF. Dans leurs travaux, Assude et al. (2021) évoquent aussi des « effets visibles » en termes de comportements d’élèves. A titre d’exemple, elles citent le cas d’une élève qui a changé de comportement : celle-ci considérée comme perturbatrice est devenue une élève « tutrice » à l’arrivée d’une élève ne parlant pas le français et l’épaulant ainsi dans son apprentissage de la langue.

26Dans leur rapport, Sève et al. (2019) affirment que les parents sont satisfaits de l’accompagnement dispensé par DF ; celui étant efficace et de bonne qualité d’une part et permettant de suppléer le manque de compétences et les difficultés qu’ils ressentent pour aider leurs enfants dans la réalisation de leurs devoirs d’autre part. De surcroit, les parents perçoivent moins d’anxiété chez leurs enfants et une amélioration de leur confiance en eux. Ainsi, les dégradations du climat familial liées aux devoirs diminuent. Par ailleurs, des parents se disent être mieux informés des difficultés que rencontrent leurs enfants, même si certains aimeraient des retours d’informations plus fréquents et plus détaillés sur ce qui est réalisé lors des séances de DF.

Coopération et entraide

27Pour ce domaine de compétences, nous nous attendons à ce que l'élève puisse bénéficier de l’aide qui lui sera apportée et propose son aide à ses pairs, grâce à un travail de coopération et d’entraide.

28Il ressort tout d’abord que durant les séances de DF, les élèves apprécient « travailler à deux » ou « travailler en groupe » (réponses d’élèves, Barthélémy, 2022). Ils sont plus modérés lorsqu’il leur est proposé de « travailler sous forme de tutorat ». En revanche, nombre d’entre eux ne veulent pas « travailler seul » (réponses d’élèves, Barthélémy, 2019, 2022). Ces constats se retrouvent dans le rapport de l’IGESR (2020b) lorsqu’il est indiqué que les élèves apprécient particulièrement être en groupe avec leurs pairs.

29Ensuite, dans ses travaux, Barthélémy (2022) montre que les élèves apprécient les types d’aide apportée par les enseignants pouvant être ciblés sur les aspects suivants : « faire leurs devoirs », « retravailler les notions étudiées en classe », « réexpliquer les exercices », « montrer l’intérêt des cours dans la vie » et « redonner confiance » (propos d’élèves). De plus, ces élèves apprécient qu’on leur donne des méthodes de travail (IGESR, 2020b).

30Enfin, les élèves apprécient également la manière dont les enseignants adaptent leurs interventions : certains élèves ont en effet besoin d’être fortement accompagnés et suivis par les enseignants (ex. : l’enseignant est alors fortement présent à leur côté) alors que d’autres apprécient le fait que l’enseignant ne vienne que si les élèves ont besoin d’eux. Ils considèrent mieux travailler qu’à la maison et plus efficacement car « chez moi il n’y a pas l’ambiance, ici on nous aide » ou « on peut mieux se concentrer dans les séances DF car on n’a pas de téléphone, on n’est pas tenté » (IGESR, 2020). Ces conclusions sont confortées par Sève et al. (2019) lorsqu’elles indiquent que « globalement les élèves volontaires sont satisfaits des séances DF » » […] ; elles permettent de bénéficier d’une aide efficace et de rentrer à la maison avec une charge moindre de travail […] » (p13).

31En conclusion, de ces résultats, nous pouvons retenir que ce temps d’études a permis aux élèves de développer des compétences scolaires et méthodologiques d’une part et la confiance en eux d’autre part. Par ailleurs, ils jugent l’ambiance de travail plus stimulante que chez eux et apprécient le travail en groupe ainsi que les interactions plus personnalisées avec les intervenants. A partir de cet ensemble de propos, nous allons apporter dans le point suivant quelques éléments d’explication et d’analyse montrant comment ce regard positif est lié au cadre de travail scolaire (lieu, temps, actions), à l’aspect relationnel et participe ainsi à ce sentiment de bien-être chez les élèves.

Les raisons de la satisfaction des élèves conduisant à un sentiment de bien-être

32En termes d’hypothèse, nous avons indiqué plus haut que l’augmentation de la confiance et du sentiment de compétence des élèves et les nouvelles relations qui s’instaurent entre eux et leurs enseignants seraient liés aux modalités d’organisation et de fonctionnement de ce dispositif. Nous pouvons, au regard des constats tirés des études et rapports précédemment cités, proposer quelques raisons pour lesquelles les élèves sont satisfaits de leur implication dans DF ; ceci leur apportant un sentiment de bien-être (au regard des variables « having/being », « health » et « loving »).

Having/being ou l’importance des conditions de travail favorables

33En premier lieu, il est à noter que les conditions de travail ainsi que les relations aux intervenants sont bénéfiques. Globalement les élèves volontaires sont satisfaits des séances DF, car ils apprécient le fait de pouvoir travailler en groupe, entrainant une ambiance de travail stimulante grâce aux échanges entre pairs. De plus il ressort que les interactions élèves/enseignants sont plus personnalisées (Sève et al. 2019), leur permettant ainsi de bénéficier d’une aide adéquate. D’ailleurs, Assude et al. (2021) parlent de sentiment de légitimité des intervenants. Pour reprendre leurs propos, ce sentiment est perçu comme positif lorsque celui-ci est reconnu comme ayant une certaine autorité et légitimité : « Parfois je n’arrive pas à faire mes devoirs et je suis allé aux devoirs [faits] pour faire mes devoirs avec X parce que X est très fort » (propos d’élèves, Assude et al., p. 8-9).

Health ou une meilleure gestion du stress

34En second lieu, les élèves ont une perception plutôt positive de ce qu’on y fait. En effet, Assude et al. (2021) révèlent que « certains [élèves] disent que « ça les aide parce que j’ai beaucoup de difficultés », d’autres affirment que cela leur permet de gérer leur stress : « des fois je suis stressée quand je dois faire mes devoirs, et après là, je les fais et après je ne suis plus stressée » (p. 8). L’intérêt déclaré du dispositif vient de son utilité lorsque les élèves sentent qu’ils en ont besoin : « je me suis rendu compte que j’avais besoin », ou alors « c’est une très bonne chose. Ce serait très utile pour les personnes en difficulté et il faut pas dire que ça ne sert à rien, ça sert à quelque chose, à apprendre » (p. 8). Ces auteurs concluent que cette utilité a été mise en relation avec le fait d’apprendre, avec le besoin ressenti face aux difficultés et avec le stress. En conséquence, ce dispositif apparaît comme un moyen de pouvoir reprendre sa place d’élève en prenant la parole, en donnant des réponses et en comprenant l’essence du devoir scolaire.

Loving ou une meilleure appréciation du rapport au travail

35Ceci conduit, en troisième lieu, à la nécessité de penser le lien entre le dispositif DF et la classe. En effet, certains élèves évoquent leurs difficultés en rapport à certaines disciplines ; cela se traduit par le « manque de goût pour certaines matières » ou par le « sens attribué aux matières et plus précisément en mathématiques ou en français » (réponses d’élèves, Barthélémy, 2022). Elles relèvent par ailleurs de l’attitude des élèves face au travail ; si ces derniers se découragent vite, ne sont pas motivés, d’autres font face à une incapacité à se mettre au travail, à faire les exercices ou à comprendre les démarches pour les résoudre (Barthélémy, 2019). Or, par les aides apportées durant DF, ces élèves se sentent plus à l’aise (ex. : « je fais tous mes devoirs, je comprends et après je me sens à l’aise et je prends la parole » (propos d’élèves, Assude et al. 2021, p.8)) et affirment que « si on connait et que [le professeur] va poser plein de questions et ben on va pouvoir répondre. Même pour les exercices on est plus rapide » (propos d’élèves, Assude et al., 2021, p.8).

36En quatrième et dernier lieu, ce dispositif semble essentiel dans la mesure où il permet aux élèves de rentrer à la maison avec une charge moindre de travail (IGESR, 2020) et en sachant ce qui leur reste à faire (Barthélémy, 2019). De plus, ce dispositif semble favoriser une forme de sérénité à la maison notamment lorsque les familles n’ont pas les moyens d’apporter le niveau d’aide attendu à leurs enfants. D’ailleurs, les élèves le reconnaissent dans leurs propos (ex. : « mes parents pensent que les enseignants sont à même de le [m’aider] faire ; parents qui, par ailleurs, ne pourront pas forcément consacrer du temps pour les aider à faire leurs devoirs » (réponses d’élèves, Barthélémy, 2019)). Ainsi, la relation avec le travail à la maison est mise en valeur et nous pouvons percevoir une certaine continuité et cohérence entre le temps scolaire et le temps familial.

Conclusion et prolongements

37Notre article avait pour but de repérer en quoi le dispositif DF est susceptible de favoriser la réussite éducative des élèves et par conséquence leur sentiment de bien-être, à partir de différents travaux de recherche et rapports. Pour rappel, nous avons pris ici le parti de ne prendre en considération que les effets jugés bénéfiques par les élèves, les enseignants et les parents quant à l’acquisition de connaissances et de compétences en lien avec le domaine 2 du socle commun de connaissances de compétences et de culture.

38Ainsi, nous avons pu faire ressortir une certaine satisfaction de la part des élèves liée au fait d’avoir eu le sentiment d’avoir progressé, d’avoir été accompagnés et suivis par les encadrants et d’avoir le soutien de leurs familles. Ceci a été rendu possible par les conditions de travail durant les séances de DF ainsi que par les interactions entre élèves mais aussi entre élèves et enseignants et par l’importance à accorder à la continuité et la cohérence entre temps scolaire et temps familial.

39En prolongement de ces résultats, nous pouvons affirmer que, de par le climat existant au sein de DF, les élèves ont pu éprouver un sentiment de justice (chacun est pris en compte dans son altérité d’apprenant), un sentiment de sécurité (les adultes interviennent pour aider les élèves), un sentiment d’appartenance/ d’attachement à l’école (ex. : j’aime participer à DF) et la qualité des relations interpersonnelles et du soutien perçu (ex. : je travaille avec mes amis).

40Ces premiers éléments de synthèse montrent l’importance du cadre de travail scolaire et relationnel de DF, autant comme un lieu, un temps et des actions favorisant le bien-être des élèves, condition nécessaire de la réussite éducative. Il semblerait que DF favorise la mise en œuvre d’une « éducation positive » ; celle-ci découlant de la « psychologie positive appliquée dans le champ de l’éducation » (Heidmann, Dolma, Reynaud et Boniwell, 2017, p.5) visant l’épanouissement et permettant l’émancipation éducative. Le bien‑être des élèves prend ainsi appui sur leur capacité à mieux apprendre, sur leurs capacités socio‑émotionnelles (ex. : reconnaissance et expression adéquate des émotions, compétences relationnelles) et sur leur adaptation aux situations nouvelles. Par ailleurs, selon Beaumont (2018), cette posture d’éducation positive n’est rendue possible qu’à la condition que les dirigeants des établissements et le personnel scolaire soient soucieux d’une autorité éducative sécurisante et prônent une culture scolaire fondée sur la bienveillance, l’exigence, la fermeté et l’encouragement des élèves.

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Bibliographie

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Notes

1 Nous proposons ici les éléments clés des protocoles méthodologiques validant ces recherches. Assude et al. (2021) ont organisé leur travail selon trois axes : les acteurs du dispositif, ses mises en œuvre et la création d’un espace collectif de débat et de discussion. Pour ce faire, elles ont mené des entretiens individuels semi-directifs avec les acteurs du collège participant à DF (la principale-adjointe, 4 enseignants, 4 assistants d’éducation et 20 élèves). Puis, elles ont mené des observations de séances du dispositif. Pour leur part, Sève et al. (2019) ont étudié l’application effective de la mesure sur la base de visites dans 73 collèges de 29 académies implantés dans des contextes différents afin d’apprécier l’appropriation par les équipes des enjeux de cette mesure, les modalités concrètes de sa mise en place, et les effets sur les pratiques des enseignants, sur les comportements des élèves et sur l’adhésion des parents. Enfin, Barthélémy et Bauby avons assisté aux réunions de concertation organisées dans deux collèges, réunions au cours desquelles se faisaient le recensement des élèves en difficulté et leur orientation vers les dispositifs adéquats. En parallèle, nous avons recueilli les fiches-navette « collège/parents » pour connaitre les difficultés des élèves. Puis, nous avons interrogé les élèves concernés par le dispositif DF par questionnaire dont les items étaient l’identification, les raisons pour lesquelles ils se sont inscrits, les actions mises en œuvre au sein de DF et les apports de DF.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Véronique Barthélemy, « Vers un sentiment de réussite et de bien-être des élèves au sein du dispositif Devoirs faits : regards croisés d’élèves et d’adultes »Éducation et socialisation [En ligne], 67 | 2023, mis en ligne le 31 mars 2023, consulté le 07 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/edso/22999 ; DOI : https://doi.org/10.4000/edso.22999

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Auteur

Véronique Barthélemy

Université de Lorraine, INSPE de Lorraine

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Droits d’auteur

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