Navigation – Plan du site

AccueilNuméros67VariaGouverner, soigner, éduquer (à) l...

Varia

Gouverner, soigner, éduquer (à) la sexualité : enjeux subjectifs de la « maternité adolescente » en Colombie

Gabriela Patino-Lakatos et María Cristina Tenorio

Résumés

La maternité adolescente soulève des questions toujours actuelles et transversales dans des contextes socioculturels tels que ceux des pays de l’Amérique du Sud face aux politiques de la natalité. Elle exprime une dimension fondamentale de la sexualité qui demande à être analysée d’un point de vue clinique et culturel dans le champ de l’éducation. Sur la base d’une expérience de recherche réalisée en Colombie, cet article analyse les enjeux psychiques, intersubjectifs et culturels du rapport à la contraception et à la maternité durant l’adolescence, face aux discours médical et éducatif sur la planification familiale et, en arrière-plan, sur l’Interruption Volontaire de la Grossesse. Au travers de certains thèmes s’expriment des sujets féminins qui, dans leurs rapports aux autres, aux parents en amont des partenaires sexuels, résistent au savoir et au discours sanitaire et scolaire, dans des contextes culturels des pays dits « du Sud ».

Haut de page

Texte intégral

Introduction

1Le 21 février 2022, la cour constitutionnelle de la Colombie, après l’Argentine en 2020, a franchi le pas de la légalisation de l’interruption volontaire de la grossesse (IVG). Cette nouvelle mesure est autant saluée avec soulagement et enthousiasme, que contestée, voire violement récusée. Or, face à cette controverse, l’approche psychanalytique soutient que c’est d’abord le sexuel qui fait trace pour le sujet dans la relation, avant l’acte qui dans un deuxième temps vient à en éliminer la conséquence biologique. Le sexuel, dans son sens élargi, ancré dans l’expérience infantile, se présente comme un excédent de tension impensable qui fait irruption dans la vie psychique, à travers les échanges corporels et la relation entre l’enfant et l’autre prenant soin, avant même que le petit d’homme prenne conscience de la différence des sexes (Freud, 1915/2006 ; Laplanche, 2007/2014). Mais c’est dans la mesure où cet autre – déjà marqué par la division sexuelle – inscrit cette relation dans un échange langagier, que le sexuel peut prendre sens, s’inscrire psychiquement, et de ce fait être structuralement refoulé. C’est ainsi que l’être humain se structure comme sujet de l’inconscient sexuel, en tant qu’effet de ce refoulement originaire et des signifiants langagiers qui l’ont représenté. Ces signifiants inscrivent le sujet dans le discours de l’Autre qui a présidé à sa naissance, en tant que lieu symbolique du langage (Lacan, 1973). Déterminant les conditions de la parole et des actes, structurant le lien social, ce discours assigne le sujet à une certaine place.

2Les débats sur l’IVG nous permettent ainsi de poser la question du temps d’avant, celui de la situation ainsi que des enjeux subjectifs et intersubjectifs qui, pour les femmes, sont à l’origine de la grossesse. Nous souhaitons interroger particulièrement les enjeux psychiques et relationnels de certains comportements chez des adolescentes qui peuvent paraître « irrationnels » ou « irresponsables » au regard des discours médicaux et éducatifs qui ont pour but tantôt de contrôler, tantôt d’éduquer (à) la sexualité. La légalisation de l’IVG a amené certains acteurs en Colombie à exprimer la crainte que ce procédé soit banalisé et utilisé comme un moyen de contraception par les adolescents, ce qui a conduit à réinterroger les problèmes en matière d’éducation sexuelle (Jaimes, 2022). Depuis 1993, le Ministère de l’Éducation colombien a rendu obligatoire l’éducation sexuelle dans les établissements scolaires, mais ce projet a été dans la réalité inégalement appliqué (Botero et Ramos, 2022). Cette éducation est abordée de manière variable sous la forme de contenus thématiques dans des cours de biologie et d’éthique (alors que des enseignants n’ont pas été formés à cette fonction dans 69 % des établissements scolaires), de conférences annuelles données par le psychologue scolaire, des enseignants, voire des guides religieux dans certains établissements, ou par des intervenants externes lors de campagnes ponctuelles de prévention. Quand ce discours éducatif n’est pas tenu au nom des principes religieux, il se soutient de la science. Or, comme le remarque Laurence Gavarini (2016), les cours d’éducation sexuelle en milieu scolaire, dans leur effort d’objectivation biologique du rapport sexuel génital et de la procréation, écartent parfois les enjeux subjectifs qui sous-tendent les transformations sexuelles pendant la période adolescente chez les élèves. Des informations éducatives ainsi délivrées se heurtent à la réalité psychique de l’adolescent et peuvent, pour cette raison, avoir l’effet d’accentuer le malaise provoqué par le conflit soulevé entre, d’une part, ses pulsions et désirs et, de l’autre, ses craintes redoublées par les exigences de la vie sociale, qu’elles soient matérielles, morales ou religieuses.

3Partant ainsi d’une interrogation sur les impasses des campagnes d’éducation sexuelle et reproductive adressées aux adolescents, nous analyserons les enjeux subjectifs et relationnels de la maternité adolescente afin de comprendre la position des jeunes femmes face aux discours éducatifs et médicaux. Il convient de questionner ce que représente la maternité et l’enfant dans la psyché d’une femme adolescente en passe de devenir mère dans des contextes socio-culturels comme ceux que nous pouvons rencontrer en Colombie, où la maternité est souvent considérée comme le destin naturel de la femme, voire une fatalité inéluctable. Quelle place vient occuper l’enfant dans la vie sexuelle et affective de l’adolescente, relativement à son entourage, particulièrement par rapport au partenaire sexuel, et en amont, à la mère et au père ?

Contexte de la « maternité adolescente » en Colombie

4La maternité à l’adolescence apparaît aujourd’hui comme un phénomène atypique, abordé généralement comme un signe de risque psychosocial, sans que le vécu des jeunes mères soit toujours pris en compte (Sellenet et Portier-Le Cocq, 2013). Dans différentes régions du monde, elle soulève toujours des questions qui se révèlent transversales et pertinentes dans divers contextes socio-culturels où la médecine scientifique joue un rôle prépondérant dans la réorganisation des sociétés à l’échelle mondiale (Pison, 2013). Nous aborderons ici cette problématique depuis une approche clinique se référant à la psychanalyse et éclairée par une approche culturelle se référant à l’anthropologie. Selon cette double approche, le sujet de l’inconscient doit être considéré à l’aune des coordonnées culturelles qui sous-tendent son univers familial (Devereux, 1972/1993 ; Marie-Rose Moro, 1998/2011). 

5En Colombie, depuis 2002, la maternité chez les adolescentes a baissé légèrement. Le changement générationnel a été étonnant en 50 ans : une femme avait, en 1965, 7 enfants en moyenne ; en 1975, 4.4 enfants ; en 1985, 3.6 enfants ; en 2000, 2.6 enfants (Asociación Pro-Bienestar de la Familia Colombiana [Profamilia], 2000). Les statistiques indiquent qu’aujourd’hui une femme en milieu urbain a en moyenne 2 enfants et en milieu rural, elle a entre 3 et 4 enfants en moyenne (Profamilia, 2015). Bien que la Colombie soit l’un des pays de l’Amérique Latine à utiliser le plus de méthodes de contraception, le phénomène de la grossesse à l’âge de l’adolescence a été déclaré comme un problème de santé publique en raison d’une augmentation observée entre 1990 et 2005. Si une diminution relative est apparue depuis 2010, en 2015, 17.4 % de femmes entre 15 et 19 ans étaient déjà mères, ce qui équivaut à 3 % de moins par rapport à 2005 (Fernandez, 2018 ; Profamilia, 2015). Selon les femmes enquêtées, 40 % de ces grossesses étaient désirées. La Fédération Colombienne d’Obstétrique et de Gynécologie (Fecolsog) continue de considérer la « maternité précoce » comme un problème majeur de santé en 2018. Entre 2015 et 2020, une diminution globale de 7,5 % a été enregistrée pour la même tranche d’âge. Mais alors que cette diminution est constatée dans les villes, le secteur rural a accusé une augmentation de 38,6 % (Departamento administrativo nacional de estadística [DANE], 2022). Et durant la pandémie et le long confinement qui l’a accompagnée dans des conditions familiales et socio-économiques difficiles, la grossesse chez des filles de moins de 14 ans a augmenté de 19 %, parallèlement à une mise à mal de la scolarité, des services d’accompagnement et de protection des femmes et des mineurs (Ramirez et Jaramillo, 2020 ; Katz et al., 2021). Des paradoxes qui posent question non seulement à la clinique médicale, mais à la clinique du sujet, telle que nous l’avons définie précédemment : un sujet qui, en tant que construction inconsciente, se structure par la relation aux autres et particulièrement à la constellation familiale qui l’inscrit dans un univers symbolique de coordonnées langagières et culturelles.

6Les spécialistes attribuent la grossesse précoce principalement à une défaillance éducative et socio-économique : il y a plus de mères adolescentes dans les milieux socioéconomiques précaires et ruraux. Des professionnels du secteur signalent cependant que le facteur économique n’est pas le seul à prendre en compte, puisque la « maternité précoce » est présente aussi chez des femmes de classe moyenne qui ne perçoivent pas nécessairement l’âge de leur première grossesse comme un problème (Fernandez, 2018). Ce sont souvent les femmes ayant déjà eu deux enfants qui décident d’utiliser une méthode contraceptive par la suite, puisqu’elles ne souhaitent pas avoir plus d’enfants, ce qui constitue un changement significatif par rapport aux modèles et comportements d’il y a 50 ans. Ainsi, malgré la baisse moyenne du taux de natalité, beaucoup de jeunes femmes des secteurs ruraux et urbains précaires continuent à penser que devenir mère très tôt est un destin, une fatalité même ou une manière d’organiser sa vie, en accédant au statut de mère, valorisé dans leur milieu social.

7Ces constats soulèvent des questions importantes que nous essayerons d’aborder au travers d’une problématisation des situations où la sexualité, féminine en particulier, résiste au discours des professionnels de la santé sexuelle et reproductive dans des contextes des pays dits « du Sud ». Notre analyse s’appuie sur les résultats d’une recherche avec des adolescentes collégiennes ou lycéennes sur la « maternité précoce », la contraception et les modèles d’identité féminine dans quatre villes du sud-ouest colombien en 2002. Nous revenons après-coup à cette recherche en renouvelant sa lecture clinique, dans la mesure où elle nous permet de saisir des dimensions psychiques et intersubjectives de la maternité adolescente. Reprendre cette recherche remontant à 20 ans nous semble pertinent au regard des problématiques actuelles qui s’énoncent à travers les constats et les débats sur la maternité comme sur l’IVG chez les jeunes que nous avons relevés. Dans la section suivante, nous formulerons quelques hypothèses initiales qui ont guidé ce travail.

Résistances du sujet sexué aux politiques de la natalité

8Sigmund Freud a désigné trois métiers impossibles : éduquer, soigner, gouverner (Freud, 1925/1992b, 1937/2010). Roland Gori, psychanalyste, note à ce propos qu’il existe une « interpénétration des modèles médicaux, pédagogiques et politiques […] le nouage qu’opère Freud entre gouverner, éduquer et soigner se révèle, indépendamment même des circonstances historiques qui favorisent un tel rapprochement, culturellement essentiel pour rendre compte du caractère ingouvernable du sujet » (Gori, 2015, p. 13). La part d’ingouvernable du sujet se manifeste lorsqu’il ne répond pas comme prévu, ou met en échec, un projet éducatif, médical ou politique. Cette résistance est constitutive d’un sujet qui échappe, déjoue et s’oppose au discours qui lui vient de l’Autre, dans lequel il est pourtant inscrit (Lacan, 1966a). Cette résistance est d’autant plus forte lorsque le sujet est confronté à des exigences contradictoires, et pointe ainsi les limites inévitables de tout discours.

9La vision qui se veut rationaliste et universaliste des campagnes de contraception et de planification familiale, héritières des transformations sociales et culturelles ayant fait émerger la maternité adolescente en tant que problème moderne, voire comme un acte déviant (Knibiehler, 1997 ; Arango, Barreto et al., 1998 ; Le Van, 2006), se construit souvent sur la base d’une négligence des enjeux profonds du sujet qui se construit par une histoire singulière, dans une communauté culturelle particulière. Les modèles qui orientent les interventions en matière de santé sexuelle et reproductive rencontrent ainsi des phénomènes de résistance de la part de ce sujet structurellement en conflit, se référant aux modes de relation qui l’ont constitué dans son enfance et dont la parole n’est pas toujours entendue (Lindenmeyer, 2017). Les campagnes font souvent l’impasse sur ces résistances, ou considèrent, quand elles les reconnaissent, les dimensions psychique et culturelle comme secondaires, et pouvant se réduire au fil du temps, avec le « progrès ».

10Quelles peuvent être alors les motifs de résistance des adolescentes aux programmes de contraception, malgré le fait que les institutions éducatives et médicales diffusent l’information nécessaire auprès des communautés qui ne s’inscrivent pas dans les mêmes coordonnées socio-culturelles ? Selon les experts, le problème de la maternité adolescente serait dû, d’une part, à un manque de couverture institutionnelle et, d’autre part, à des « barrières d’accès et des raisons pour lesquelles les personnes n’ont pas d’éducation sexuelle continue » (Mejía et. al, 2010). Les programmes d’éducation sexuelle, de prévention de la grossesse précoce et des maladies sexuellement transmissibles reposent ainsi sur l’hypothèse que les adolescents « manquent » d’éducation, d’informations, et de ressources pour se procurer des contraceptifs. Nous formulons au contraire comme première hypothèse que l’adoption des techniques contraceptives ne dépend pas seulement de la réception consciente de contenus d’information, mais que ce processus cognitif est sous-tendu par des logiques affectives (dans la relation à l’autre), symboliques (de représentations de la parentalité) et sociales (de rapports entre les individus empreints de conflictualité) profondes.

11Trois études ethnographiques de longue durée (un an et demi de cohabitation dans un cas et six ans de fréquentation continue dans les deux autres) qui cherchaient à comprendre les causes de la grossesse chez les adolescentes afro-américaines aux États-Unis ont conclu que souvent les jeunes ne manquaient pas d’informations et que leur comportement était lié à leur identité sexuelle ancrée dans leurs modèles sexuels de jeunesse (Dash, 1989 ; Dean, 1997). Lesdites « barrières » à la contraception impliquent ainsi des modèles culturels d’identité sexuelle au regard desquels l’histoire affective singulière du sujet prend forme, particulièrement à l’adolescence. Et si le problème était alors qu’il est courant et attendu dans la constellation familiale et sociale de certaines adolescentes qu’elles aient des relations sexuelles très tôt et qu’elles deviennent mères à cet âge ? Cette attente de l’entourage peut s’exprimer de manières multiples à travers la demande du partenaire sexuel, dans les relations entre amis et dans la famille, y compris de manière paradoxale, sous la forme d’inquiétudes accompagnées de restrictions et de punitions. Nous pouvons dire en ce sens que le désir est le désir de l’Autre, dans lequel le sujet est pris (Lacan, 1973).

12Parlé avant d’être parlant, l’être humain est affecté dès la naissance par des pulsions qui, sur le plan psychique, représentent les excitations prenant source dans son corps érotisé au contact de l’autre (Freud, 1915/2005b, 1915/2006 ; Lacan, 1973). Pour habiter ce corps, le sujet doit l’inscrire au filtre de ses relations affectives dans le champ du langage et du désir, et selon les coordonnées de la culture. Le sujet rencontre alors, par la voie de la symbolisation, le manque constitutif de son être qu’aucun objet ne peut combler : son désir ne peut être satisfait que par une jouissance limitée par la voie du langage et de la culture (Lacan, 1966c). L’interdit de l’inceste scelle cette opération qui oblige le sujet à renoncer à satisfaire ses pulsions avec les premiers objets d’amour qui sont les figures parentales de l’enfance. Mais l’entrée dans la vie sexuelle génitale, avec les transformations qu’elle suppose à la période adolescente au niveau corporel, psychique, relationnel et social, oblige le sujet à un remaniement à travers lequel se rejouent le choix d’objet et les figures d’identification, constitués selon les prototypes de relation du passé infantile (Freud, 1924/1992a, ; Kaplan, 1984 ; Dolto, 1988/2003 ; Rassial, 1996).

13La maternité se présente alors comme le lieu d’expression des conflits internes et externes, inhérents au désir dans la relation affective à l’autre depuis l’enfance. D’autant plus à l’adolescence où le sujet cherche une issue dans sa quête d’identité sexuelle et sociale. Or, Françoise Dolto, pédiatre et psychanalyste, a souligné le fait que la maternité n’est pas un acte uniquement biologique, mais surtout une fonction d’ordre symbolique qu’une femme peut assumer si elle se trouve en position de donner les soins physiques et affectifs permettant à son enfant d’advenir en tant que sujet désirant, inscrit dans la loi du langage, des générations et des interdits (Dolto, 1989, 1999). Nous formulons ainsi comme deuxième hypothèse que le processus d’identification primaire de la fille à sa mère et à d’autres figures féminines de son enfance est à l’origine des résistances aux propos éducatifs sur la santé sexuelle. Cette identification est le premier processus par lequel le sujet se constitue par l’assimilation des attributs de l’autre. Ainsi, nous essayons de montrer que le problème est moins la grossesse à l’adolescence que les qualités de l’autre qui prend soin du sujet en construction, au niveau des relations selon lesquelles les jeunes femmes pourront ou non assumer une fonction de mère symbolique.

Méthodologie de la recherche

  • 1 Institution administrative de la recherche, la technologie et l’innovation, chapotée par le gouvern (...)
  • 2 L’équipe de recherche était constituée par plusieurs professionnels : M. E. Díaz, A. Torres, C. Muñ (...)

14Nous nous référons à une recherche sur l’identité et la sexualité féminines, réalisée en 2002 avec le soutien de Colciencias1. La recherche a été coordonnée par l’une des autrices, professeur à la Faculté de psychologie de l’Universidad del Valle (Tenorio, 2002). À cette époque, l’autre autrice, avait participé en tant qu’étudiante universitaire aux recherches documentaires, à la transcription et à l’organisation des matériaux de la recherche2.

  • 3 L’état colombien utilise la notion de « strate socio-économique » pour classer les immeubles en fon (...)

15La recherche a été réalisée avec la participation de 60 adolescentes, âgées entre 13 et 17 ans, collégiennes ou lycéennes inscrites dans des institutions scolaires publiques ou privées des quartiers socio-économiques précaires (« estratos » 1 et 23) de quatre villes du sud-ouest colombien : Cali, Buenaventura, Popayán et Pasto. Cette recherche a été ainsi réalisée dans des régions du pays qui présentaient le plus de besoins de planification familiale selon Profamilia : le Pacifique, le Cauca et le Valle del Cauca.

16Structurée selon une méthodologie qualitative ancrée doublement dans la psychologie culturelle et clinique, cette recherche s’est attachée à analyser en profondeur un phénomène, à en saisir les significations à partir de l’écoute de la parole du sujet en tant que participant à la recherche, avec qui la co-construction d’un savoir est possible (Paillé et Mucchielli, 2012). Dans la mesure où il s’agissait non seulement d’une recherche avec, mais pour les participantes, cette étude s’est inscrite plus fondamentalement dans le modèle de la recherche-action (Marcel, 2016) : elle visait non seulement à étudier les verbalisations des adolescentes, mais proposait un dispositif impliquant différents temps et situations de prise de parole potentiellement transformateurs, dans la mesure où ils ouvraient des espaces au sein desquels les participantes pouvaient se penser à partir d’une écoute d’elles-mêmes et des autres. Les chercheurs ont procédé selon une méthodologie s’inspirant de l’enquête de terrain (Beaud et Weber, 2003) « avec des limites » : cette méthodologie a été adaptée au monde quotidien des jeunes femmes, mais a impliqué la création d’un dispositif de recherche. Les ayant rencontrées dans leur contexte scolaire habituel, l’équipe a veillé toutefois à mettre en place des espace-temps spécifiques et différenciés à l’intérieur de l’institution, où les participantes pouvaient se sentir en confiance, en promouvant en même temps un regard et écoute analytiques qui leur permette de parler, de s’écouter et de réfléchir à ce qu’elles vivaient quotidiennement dans leur contexte familial et scolaire.

17Le projet a été présenté aux directeurs de six institutions scolaires : deux établissements dans chacune des deux grandes villes, Cali et Buenaventura, et un établissement dans chaque petite ville, Popayán et Pasto. Les directeurs et leurs équipes éducatives ont proposé aux élèves d’y participer de manière volontaire. Quatre psychologues formées aux perspectives clinique et culturelle ont réalisé les rencontres avec les adolescentes qui se sont montrées intéressées par le projet. Chaque groupe d’adolescentes a été suivi par la même psychologue.

18Le dispositif comprenait d’abord un entretien individuel semi-dirigé approfondi (Cyssau, 2003) d’une heure et demie avec chaque participante. Une première consigne large invitait les adolescentes à parler de leur expérience vécue et était complétée de questions ouvertes, si besoin de relance, permettant d’explorer leurs représentations, affects, pratiques et attentes par rapport aux thèmes de la relation aux parents et entre les parents, l’identité sexuelle, la sexualité, l’amour, la relation de couple, l’éducation et le rapport aux études. Il s’agissait de comprendre comment les adolescentes se percevaient, définissaient et caractérisaient leur identité sexuelle. De ces entretiens en profondeur ont été retracés des histoires de vie, s’inspirant de la méthode de récits de vie (Bertaux, 1997/2005). Dans un deuxième temps, des ateliers hebdomadaires furent mis en place avec les mêmes participantes, organisées en six groupes de parole semi-dirigés de 10 à 12 élèves, un groupe pour chaque établissement. Les adolescentes se sont réunies pendant cinq séances d’une heure et demie avec la psychologue qui les accompagnait, pour parler de la façon dont elles se représentaient elles-mêmes au présent et dans le futur, et réfléchir aux modèles auxquelles elles s’identifiaient. De plus, à partir de leurs histoires de vie, l’équipe de recherche a construit des scénarios décrivant des situations quotidiennes sur les relations entre hommes et femmes qui ressemblaient aux situations décrites par les participantes. Ces scénarios ont été mis en scène par elles, enregistrés sur vidéo, puis visionnés et commentées par elles en groupe. Un communicateur social spécialisé dans l’intégration de la vidéo dans les processus thérapeutiques et communautaires a travaillé avec les psychologues dans la mise en place de ces rencontres collectives. Les psychologues, le communicateur social et la directrice de recherche se sont réunis tous les quinze jours pour partager leurs impressions des rencontres individuelles et collectives avec les adolescentes.

19Les entretiens individuels et les groupes de parole ont été enregistrés avec le consentement des participantes et ensuite transcrits. Pour le traitement des données, deux modalités de systématisation et d’analyse ont été croisés. D’une part, à partir des entretiens individuels, nous avons procédé à l’élaboration d’études de cas (De Luca, 2020), comprenant l’actuel et l’histoire de vie singulière des adolescentes, que les limites de cet article ne nous permettent pas de présenter. De l’autre, nous avons regroupé l’ensemble de leurs verbalisations en situation individuelle et collective dans des catégories thématiques construites en équipe à partir du matériau recueilli, en confrontant les point de vue de plusieurs chercheurs. Ces catégories ont guidé l’analyse de contenu thématique des matériaux. La parole en situation d’entretien individuel a été comparée avec la parole en situation groupale, en prenant en considération l’écart que ces deux situations introduisaient dans l’adresse de la parole, dans la relation d’interlocution entre pairs, ainsi qu’entre un locuteur et un chercheur.

Présentation et analyse des résultats

20Nous présentons une synthèse des résultats de cette étude afin de relever l’intrication des dimensions psychiques et culturelles de la maternité à l’adolescence chez des jeunes femmes colombiennes. Les adolescentes ont manifesté d’abord une certaine résistance à parler de leurs sentiments, de leur histoire de vie et de l’intime à une adulte, puis à des pairs du même sexe. Probablement, en plus d’une résistance à la réflexivité, la demande de parler d’elles-mêmes impliquait une autre difficulté : elles ont souvent exprimé que personne dans leur famille ne s’était jamais intéressé à ce qui leur était arrivé, comment elles l’avaient vécu et ce qu’elles avaient ressenti : « Chez moi, personne ne parle avec moi » a été une phrase récurrente. Supposer qu’un autre pourrait s’intéresser à ce qu’elles pourraient exprimer sans les surveiller, juger et punir leur demandait de se situer par rapport à leur propre parole et de faire confiance à cet autre. Cette résistance a été relativement surmontée au cours des rencontres groupales encadrées par les psychologues, qui ont veillé à instaurer une écoute bienveillante et contenante. Les adolescentes ont exprimé alors avoir trouvé un certain soutien dans la parole et les récits des autres filles, pour penser et parler de leur vécu. Le dispositif de groupe de parole permet en ce sens de prendre soin de la parole dans une situation collective (Gavarini, 2009). Dans la section suivante, nous présentons les thèmes qui ont émergé dans leur parole.

Rapport à la mère dans la construction de l’identité féminine

  • 4 « Regaladas » est le mot souvent utilisé en espagnol.

21Dans de nombreux cas, ces adolescentes se plaignaient de se sentir seules, de ne pas pouvoir parler avec leur mère, de ne pas se sentir câlinées, voire aimées. Pour certaines, la mère avait été physiquement présente, mais était affectivement indisponible, distante ou punitive. D’autres racontaient comment leur mère les avait abandonnées, ou ne s’était pas occupée d’elles, les laissant aux grands-parents ou aux tantes et oncles, soit parce qu’elle devait travailler durement pour s’en sortir, soit parce qu’elle ne pouvait pas affectivement assumer cette maternité. Ce n’était pas rare que ces mères absentes à leurs enfants eussent été, lorsqu’elles-mêmes avaient été enfants, « offertes »4 par leur mère à des tiers. Beaucoup d’adolescentes interviewées exprimaient ainsi une carence affective précoce, dans le réel d’un trop d’absence maternelle ou dans le symbolique de sa parole et de sa qualité de présence (Aubry, 1975). La carence d’une mère « suffisamment bonne » (Winnicott, 1971/1975), était comblée imaginairement chez les adolescentes par une mère idéalisée. Dans leur demande d’amour, et par le besoin de se construire psychiquement, elles disaient se sentir attachées à leur mère, cherchaient à la soutenir et/ou à lui être obéissantes.

22Si habituellement la mère est la première figure d’amour et d’identification pour la petite fille (Freud, 1924/1992a), nous avons observé que ce lien d’identification primaire était particulièrement fort chez ces adolescentes, sans que pour autant les jeunes filles eussent pu intérioriser une « mère soignante » (McDougall, 1989) qui leur permettrait de prendre soin d’elles-mêmes et ensuite des autres. La relation mère-fille n’étant pas assez soutenue symboliquement, cette relation restait hautement duelle et conflictuelle, et la compensation imaginaire de la mère idéalisée masquait un lien agressif à une mère menaçante pour la sécurité du sujet. Dans des structures familiales où souvent le père était absent ou assumait très peu de responsabilités économiques, éducatives et affectives, les adolescentes critiquaient leur mère, sa façon d’être et de vivre. Mais elles restaient, dans le conflit, souvent très dépendantes psychiquement de cette figure maternelle, dans la mesure où elles n’avaient pas pu engager dans l’enfance ou l’adolescence des relations affectives significatives avec d’autres figures d’identification et d’amour leur permettant de prendre distance psychique du rapport à la mère.

Rapport à l’autre dans la relation amoureuse et sexuelle

23À l’origine de leur vulnérabilité, nous avons entendu une forte dépendance émotionnelle vis-à-vis de leur petit ami, dépendance fondée sur leur sentiment de manque d’amour ou de présence de leur père, manque qui redoublait souvent celui de leur mère. Elles disaient regretter de ne pas avoir eu de père s’intéressant à elles et qui les aurait soutenues, aimées et protégées. Souvent, elles n’avaient pas connu ou avaient un rapport lointain et conflictuel avec leur géniteur, qui ne les avait pas reconnues ou avait abandonné la mère et ses enfants ; certaines indiquaient avoir été le fruit d’une « erreur » ou d’un « accident » des parents qui avaient été eux-mêmes très jeunes, voire d’un viol de la mère par le père. Nous pouvons supposer qu’elles souffraient de ne pas avoir été investies affectivement par le père dans la relation œdipienne qui permet à la petite fille, se sentant aimée par le père, de se détacher partiellement de la relation affective avec la mère et d’aimer dans une position active (Freud, 1924/1992a). Lorsqu’elles n’avaient pas vécu cette affection protectrice qui leur aurait permis de s’éprouver à leur tour comme actives affectivement, elles adressaient par transfert leur demande et besoin d’affection aux jeunes qu’elles fréquentaient. De plus, quelques adolescentes ont rapporté avoir un père plus ou moins violent envers elles et la mère. Ainsi une jeune fille a raconté qu’à huit ans elle a donné un coup de couteau à son père pour défendre sa mère.

  • 5 En espagnol : « llenó el espacio que hacía falta en mí ».

24Le petit-ami était recherché alors comme substitut d’affection et de tendresse, dans un premier temps fortement idéalisé : « mon petit ami joue le rôle de mon frère », « il a rempli une place qui me manquait » 5, « chez moi personne ne parle avec moi, personne ne s’inquiète de savoir où je suis ni à quelle heure je rentre », a exprimé une lycéenne de 17 ans dont le père ne l’avait ni reconnue ni élevée après avoir violé la mère. Cette jeune fille avait grandi sans vivre avec des frères ou des sœurs, mais avait désiré en avoir pour s’appuyer sur ces possibles liens ; ayant rencontré plus tard un fils de son père, elle s’était attachée à ce demi-frère brutalement décédé peu avant cet entretien de recherche. Le petit-ami était ainsi mis à la place de l’objet du désir qui pourrait combler le manque dans l’imaginaire de la jeune femme. Mais ici le désir semblait se confondre avec la demande d’amour, voire avec un besoin affectif précoce. Si l’idéalisation a généralement lieu dans la rencontre amoureuse et est source d’un sentiment de réparation narcissique (Freud, 1914/2005a), l’amour est davantage et plus longtemps idéalisé, recouvrant une forte ambivalence, lorsque le sujet a le sentiment d’en avoir être privé ou grièvement dépossédé dans l’enfance. Les adolescentes ont exprimé souvent, en même temps, une méfiance, la peur d’être trompées et abandonnées par leur petit-ami. De plus, pour beaucoup d’entre elles, trouver un petit-ami et tomber enceinte était une « solution » pour quitter la maison parentale, surtout lorsque le contexte familial était particulièrement conflictuel, précaire, voire menaçant. Or presque toutes les adolescentes rencontrées ont dit avoir engagé des relations avec des jeunes hommes dominants et coercitifs, les contrôlant et leur imposant des exigences sexuelles. Dans leur parole, tous les hommes étaient « les mêmes » : possessifs, dominants, souvent irresponsables, et plus ou moins violents. Dans leur propre foyer, la plupart d’entre elles avaient vécu avec des pères et des beaux-pères qui exerçaient un pouvoir arbitraire. La situation de la fille qui a donné un coup de couteau à son père pour défendre sa mère témoigne du fait que souvent ces jeunes filles devaient se défendre très tôt des figures masculines agressives. Certaines affirmaient que leurs mères avaient des relations par peur ou par résignation avec des hommes qu’elles n’aimaient pas.

Rapport au savoir et à l’éducation scolaire

25Dans les relations amoureuses et sexuelles, les adolescentes se vivaient souvent comme victimes de leurs expériences, de même qu’elles considéraient que leur mère subissait les relations avec le père et les hommes en général. Leur propre participation et activité dans ces situations leur échappait, à la manière d’un savoir sur les actions et les représentations propres contre lesquelles le sujet se défend de manière inconsciente, mais aussi dans la mesure où leur environnement familial et social ne se référait pas à un discours supposant un moi actif et indépendant, suivant une causalité psychique (Landrine, 1995). Les effets de leurs propres paroles et actes leur revenaient ainsi de l’extérieur, de l’autre ou d’une puissance extérieure telle que la nature, le hasard, la sorcellerie, le destin, Dieu.

26Pour la majorité des adolescentes (à l’exception de celles habitant à Cali), la relation affective avec l’homme passait avant tout projet de formation et professionnel : à la suite du modèle d’une mère et des sœurs sans formation professionnelle qui parfois n’avaient pas fini l’école primaire, avoir des enfants et se marier jeunes relevait tantôt d’une fatalité qui ne pouvait pas être reportée, tantôt d’un rêve de destin valorisant qui passait avant ou était incompatible avec les études. Pour la majorité des participantes à cette étude, le rapport à la « chose scolaire » était plus qu’ambivalent, fragile. Elles avaient dû souvent interrompre leurs études secondaires, faute de moyens ou d’intérêt de la part de leurs parents pour payer les frais de scolarité ; soit le père n’attribuait pas de valeur aux études et refusait de payer l’école à sa fille ; soit la mère n’arrivait pas à subvenir aux besoins de la famille et demandait à sa fille de travailler pour l’aider économiquement.

27Quelques adolescentes rêvaient de faire des études universitaires, sans savoir comment y parvenir concrètement, tant dans les démarches que dans le positionnement subjectif que cela demandait. Ainsi, le rêve des études supérieures, peu ou prou investi fantasmatiquement, restait pour elles un discours abstrait et lointain, ne connaissant pas de figures de guidance pour cela dans leur environnement proche. Par ailleurs, les études secondaires n’étaient pas vécues comme une expérience qui pourrait les transformer en tant que femmes dans leurs rapports aux hommes et aux autres. Enfin, toutes les adolescentes pensaient que si elles pouvaient obtenir un bon emploi grâce à la scolarité, cela profiterait avant tout à leur mère et à leur famille. Elles avaient intégré dans leur idéal un discours de l’interdépendance, de la solidarité, de la dette ou de la gratitude, parfois à la limite de l’autosacrifice, même lorsqu’elles n’avaient pas été soutenues par leurs parents. Elles avaient appris de la vie familiale que les femmes « luttent » en endurant souvent des abus ou des relations insatisfaisantes afin d’assurer la subsistance et, si possible, l’éducation de leurs enfants. Pour elles, cela n’impliquait pas d’être dans une position passive et de soumission en tant que femme, mais représentait au contraire une force, voire une supériorité des femmes dans le rapport duel aux hommes. Nous pouvons supposer du point de vue clinique que cette attitude surmoïque à tonalité sacrificielle des adolescentes répondait à la mère idéale qu’elles s’étaient forgées pour se soutenir narcissiquement, en lien au discours maternel et à ses exigences. Ce discours ordonne en Colombie les paroles de la mère et de l’entourage sur la mère en tant que destin naturel qui suppose des sacrifices, mais qui en retour donne à la femme une puissance qui force le respect. Et ce malgré l’écart entre ce discours et la réalité des carences et violences que l’enfant peut vivre dans sa famille. Aussi, nous pouvons comprendre davantage cette position des adolescentes à la lumière d’une approche culturelle, selon laquelle le moi et la (re)présentation de soi sont plus fortement « indexés » dans le contexte, vécus comme dépendants des autres, dans les sociétés collectivistes par rapport aux sociétés individualistes (Landrine, 1995, Greenfield et Suzuki, 1998). Ainsi, ce qui apparaît aux yeux et à la sensibilité « modernes » comme un sacrifice absurde de soi, est vécu et validé socialement ailleurs comme une manière de protéger et d’aimer les enfants.

Rapport à la sexualité génitale, à la maternité et à l’enfant

  • 6 « Chica fácil » en espagnol.
  • 7 « Prueba de amor » en espagnol.

28Ces adolescentes abordaient souvent leur première relation sexuelle avec inquiétude, ayant peur que le garçon les quitte ou qu’il parle d’elles en termes de « fille facile »6. L’initiation à la sexualité était marquée ainsi par un sentiment de soumission au désir de l’autre, un manque de confiance en celui-ci, ainsi qu’un sentiment de honte ou de culpabilité en raison du possible désir ou plaisir éprouvés dans le contact sexuel. Elles ont dit que la première relation sexuelle, même si fantasmée, voire attendue, était arrivée comme un événement non planifié, ayant fait irruption dans leur vie par la demande de l’homme qui leur demandait cette « preuve d’amour »7. Elles ont largement affirmé avoir « cédé » aux insistances de leurs petits-amis de peur d’être abandonnées par lui si elles refusaient.

29Elles ont commencé leurs premières relations sexuelles entre 13 et 17 ans. Les relations sexuelles précoces engendraient, souvent, chez les adolescentes des sentiments de grande dépendance psychique et de soumission affective à leur partenaire. Cette dépendance les empêchait de rompre ou de transformer des relations destructrices, empreintes de violences, mais aussi souvent de se protéger et d’utiliser des méthodes contraceptives par la suite ; et ce même si elles avaient accès à une information précise à l’école ou plus informelle à travers des ami(e)s.

30Certaines adolescentes sont « tombées enceintes » lors de leur premier rapport sexuel, malgré le fait qu’elles connaissaient souvent les méthodes contraceptives ; mais nous devons noter que leur connaissance en était confuse. Ces adolescentes ne sont pas devenues mères, généralement, par un manque d’information ; elles n’appliquaient pas ce qu’elles avaient pu plus ou moins entendre, à l’école ou ailleurs, sur la sexualité et la contraception. Nous entendions un décalage entre leur discours conscient de ne pas devenir mères trop tôt (pour finir leurs études secondaires) et leur consentement à des rapports sexuels non protégés en raison des logiques affectives plus profondes qui déterminaient le lien qu’elles engageaient avec leur partenaire. Elles ont dit souvent avoir eu un enfant parce que leur petit-ami l’avait voulu comme « preuve d’amour ». Nous pouvons supposer que l’enfant venait représenter alors le moyen de retenir le partenaire sexuel et, à travers lui, le père, et d’apaiser ainsi, du moins provisoirement, leurs craintes d’abandon.

  • 8 « Muñequear » en espagnol.

31Confrontées à la grossesse, ces mères adolescentes ne se sentaient pas généralement en conditions psychiques, relationnelles et matérielles pour assumer, en tant que mères symboliques, la protection et l’éducation de leurs enfants. Parfois, l’enfant n’ayant pas été investi (ni désiré ni rêvé) avant sa naissance, elles s’en désengageaient en le donnant à des tiers, tels grands-parents, tantes ou oncles, voisins ou encore d’autres personnes, répétant parfois ainsi l’abandon parental et les conduites maternelles dont elles avaient été l’objet dans leur enfance. Parfois elles s’accrochaient à l’enfant en engageant avec lui une relation d’amour infantile où elles attendaient qu’il les « accompagne » et jouaient avec lui « à la poupée » 8, en s’amusant à l’habiller et le câliner pour passer le temps et supporter la solitude. Freud avait remarqué que lorsque l’enfant peut être investi, il advient en tant qu’objet de prolongation du moi parental, en particulier de la mère (Freud, 1924/1992a, 1914/2005a). On appelle narcissisme l’investissement affectif du moi à travers une image qui lui donne une représentation structurante (Laplanche et Pontalis, 1967). Or dans la situation de ces adolescentes, l’enfant venait représenter parfois une extension de leur narcissisme, l’objet supposé combler leur manque, voire les sécuriser. Pour une jeune femme, l’impensé d’une maternité « non planifiée » peut être vécu psychiquement comme un élément de réparation narcissique et d’étayage affectif pour construire sa vie. En ce sens, il offre une possibilité de consolation qui relance la rêverie face aux déceptions, pertes et renoncements qui habitent la jeune femme. Dans son univers symbolique et imaginaire, l’enfant peut venir acter l’opération qui promet à la fille une autre place, celle de mère. En fonction du soutien qu’elle peut trouver autour d’elle, l’enfant peut alors permettre à la jeune femme de troquer effectivement une place plus passive de fille (être l’enfant de) pour celle plus active de mère, face aux conflits avec ses propres parents.

Discussion

32Nous avons abordé les enjeux psychiques et relationnels du discours des adolescentes scolarisées qui, malgré des situations d’abandon ou de violence vécues dans leur famille et dans leurs relations amoureuses, sont devenues mères. Les résultats de cette recherche indiquent que la maternité chez ces adolescentes, survenue souvent autour de l’âge de 17 ans, était étroitement liée aux modes de relation affective engagés avec les premières figures d’amour et d’identification au cours de l’enfance, dans leur environnement familial. Ces expériences précoces s’inscrivaient dans des modèles culturels d’identité sexuelle et des conditions socio-économiques précaires, partagés par les adolescentes dans leur cercle d’amis. Nous pouvons comprendre ainsi après-coup que les choix et comportements de ces adolescentes suivaient ou répondaient à une « grammaire » de l’identité et de la relation sexuelle inscrite très tôt dans leurs relations intersubjectives. Cette grammaire, en tant qu’ensemble de règles régissant la langue, donnait forme à une pluralité de discours et faisait émerger des énoncés chez ces adolescentes ainsi que dans leur entourage (Paternostro, 2001). Le rapport subjectif à ces discours comme à la grammaire qui ordonnent les énoncés, reste largement inconscient. C’est en ce sens que Jacques Lacan disait que l’inconscient est le discours de l’Autre, d’abord celui de la constellation familiale dans laquelle une place a été donnée au sujet (Lacan, 1966b). Le sujet, parlé avant d’être parlant, est pris dans le langage et dans le discours de l’Autre, d’abord maternel et paternel. Il doit ensuite s’en dégager quelque peu pour pouvoir assumer son propre désir et parler en son nom. Différentes réalités et discours autour de la sexualité coexistent en Colombie et chaque sujet engage un rapport singulier aux discours qui l’assignent à une place dans l’espace social, en fonction de son histoire affective et des possibilités relationnelles offertes par son environnement. Le modèle selon lequel on devient femme quand on devient mère est toujours prépondérant dans les zones rurales ; dans les zones urbaines, selon le milieu social, il disparaît ou s’estompe seulement en partie, devenant un modèle latent qui exerce néanmoins une influence d’arrière-plan sur la vie psychique des femmes. Par conséquent, il est fondamental de comprendre les comportements sexuels en lien avec les multiples discours qui structurent le sujet. Analyser ces discours en lien avec les pratiques effectives suppose de comprendre la manière dont le sujet s’exprime, avec son ambivalence, ses contradictions et censures, tant au niveau de la parole qu’au niveau de ses actes.

33Ainsi, dans les pages précédentes, nous avons dégagé quelques éléments de réponse à la question de la résistance des adolescentes aux discours éducatif et médical sur la contraception et la maternité. Nous avons mis en lumière, d’une part, que l’identification primaire à une mère malmenée par le père, souvent « non-soignante » envers sa progéniture, rendait difficile aux adolescentes la possibilité de prendre soin d’elles-mêmes : non seulement elles n’avaient pas été éduquées à anticiper et à construire activement un projet de vie, mais encore, souvent, elles n’avaient pas pu intérioriser un environnement maternel suffisamment bon (Winnicott, 1971/1975 ; McDougall, 1989) qui pourrait relayer la parole institutionnelle sur la santé sexuelle et reproductive. D’autre part, le manque d’amour et de respect du père à leur égard, voire son absence réelle redoublaient, pour un certain nombre d’entre elles, les carences maternelles ou mettaient à mal le lien affectif à leur mère. Ainsi, les carences symboliques ou réelles de la présence maternelle et/ou paternelle ne les mettaient pas en position d’entendre et de s’inscrire dans un discours éducatif sur la maternité. Tomber enceinte et avoir un enfant devenait de manière inconsciente une solution pour retenir l’amour du père idéalisé, représenté par le partenaire sexuel en tant que substitut, et plus profondément, de retenir la mère idéalisée en tant que premier objet d’amour inconditionnel. L’enfant, s’il n’était pas l’objet de refus ou d’abandon, était supposé combler un trou, plus qu’un manque structurant, chez la jeune femme. Or si l’enfant est vécu comme promesse de réparation narcissique dans l’imaginaire de la jeune femme, elle se détourne du discours éducatif qui lui demande de différer l’accès à la position de mère, supposée lui apporter une autre place.

34Néanmoins, l’existence des programmes de contraception financés par l’état a aussi pour fonction de prévenir le recours à l’avortement, qui a été illégal et pénalisé en Colombie jusqu’en 2022 (16 à 54 mois de prison pour la femme et le praticien). Dans un pays où, d’un point de vue socio-culturel, la maternité est encore largement considérée comme un passage obligé du devenir femme, voire l’issue indissociable du rapport sexuel et affectif à l’autre, les femmes ont toutefois eu recours à différentes formes clandestines d’interruption de la grossesse (environ 300.000 par an), malgré les résistances institutionnelles, morales, affectives et religieuses, et les risques encourus par les femmes et ceux les ayant effectués. En plus des méthodes artisanales à haut risque, des praticiens, des cliniques et des organisations non gouvernementales réalisaient des IVG clandestins dans différents types de conditions sanitaires et tarifaires, avec différentes possibilités d’accès selon les milieux socio-économiques.

35La maternité adolescente et les possibilités de recours à l’avortement sont ainsi deux phénomènes coexistant qui, sans se recouper entièrement, nous obligent à penser la complexité des positions de la femme en tant que sujet, à partir de sa situation affective face aux énigmes de sa sexualité génitale, et en amont, à partir de son passé infantile. On ne peut pas, en ce sens, aborder aujourd’hui pleinement la problématique des positions subjectives vis-à-vis de la maternité chez les adolescentes seulement au regard des résistances aux programmes de contraception, mais aussi, nécessairement, au regard des modèles culturels et des conditions sociales relatives à l’interruption de la grossesse. De nouvelles recherches qualitatives approfondies d’un double point de vue clinique et culturel demandent en ce sens à être réalisées pour comprendre davantage les liens entre les rapports possibles des adolescentes à la maternité et à l’IVG.

Conclusion

36La rencontre avec les adolescentes de la recherche permet de comprendre comment leur vécu des relations affectives et sexuelles était modelé par les premières figures d’amour et d’identification de l’enfance : relations souvent marquées par la carence, l’abandon et la violence dans un environnement familial peu sécurisant ou bienveillant. Dans le processus adolescent, la maternité et l’enfant apparaissaient comme des solutions qui, face aux conflits, aux inquiétudes et à un sentiment de solitude, répondaient aux prototypes inconscients de relation à la mère et au père. Ainsi, la maternité se présentait à la fois comme une répétition du modèle maternel et comme une réparation narcissique des dommages subis, réels et imaginaires. En même temps, se pose la question des possibilités que les adolescentes avaient de diversifier les identifications sociales, au-delà de leur constellation familiale.

37Il n’y a pas une seule manière de vivre une vie de femme et la maternité « précoce » n’est pas un destin inéluctable, à condition de reconnaître que celle-ci n’est pas toujours vécue par le sujet comme un événement négatif, quoiqu’en pense l’autre. Si la femme adolescente dans les choix qui vont déterminer le cours de sa vie peut s’appuyer sur un tissu de relations dans, et au-delà de son entourage, du lien social et institutionnel, c’est elle qui, en dernière instance, en tant que sujet en construction, peut se prononcer sur son désir de devenir mère et sur le sens qu’elle peut donner à cette place. Nous avons montré que par leur rapport à la sexualité et à la maternité, les adolescentes rencontrées s’inscrivaient dans le discours de l’Autre, celui de leur constellation familiale, et y construisaient, en réponse, un énoncé reconnu par leur entourage, y compris dans les conflits que cela pouvait susciter. Toutefois, leur discours sur la maternité n’impliquait pas généralement pour elles de parler en leur nom, de leur désir, mais souvent de parler au nom du désir et de la demande de l’autre.

38Se pose alors la question de l’accompagnement d’une femme dans l’initiation de sa vie sexuelle génitale, dans son choix ou non de devenir mère, afin qu’elle puisse à un moment donné, si elle le souhaite, le devenir et donner à l’enfant les conditions pour être sujet à part entière et non seulement objet de son narcissisme (Dolto, 1989). Cela suppose de faire le deuil du moi idéal de l’enfance, au profit plutôt d’un idéal du moi comme visée, symbolisé dans le langage et le lien social. Envisager l’accompagnement en matière de contraception, de planning familial et d’IVG demande ainsi une écoute de la singularité du sujet pour comprendre la temporalité et la dynamique de l’ambivalence des sentiments que peuvent éprouver les adolescentes face à la maternité et au regard des figures de leur histoire. Devenir mère, ou non, n’est pas seulement une question de choix cognitif, conscient et rationnel, pris sur la base de contenus d’information délivrées par le discours éducatif et médical, mais un processus subjectif complexe guidé par des logiques affectives profondes, pour une large part inconscientes.

Haut de page

Bibliographie

Arango, L., Barreto, J., Deere, C. et Giraldo L. (1998). Mujeres, hombres y cambio social [Femmes, hommes et changement social]. Universidad Nacional.

Aubry, J. (1965). La carence des soins maternels. Denoël.

Beaud, S., Weber, F. (2003). Guide de l’enquête de terrain : produire et analyser des données ethnographiques. La Découverte.

Bertaux, D. (2005). L’enquête et ses méthodes. Le récit de vie. Armand Colin (ouvrage original publié en 1997).

Cyssau, C. (2003). L’entretien en Clinique. In Press éditions.

DANE. (2022). Nacimientos en niñas y adolescentes en Colombia [Naissances chez les filles et les adolescentes en Colombie]. Récupéré le 26 avril 2022 de https://www.dane.gov.co/files/investigaciones/notas-estadisticas/ene-2022-nota-estadistica-embarazo.pdf

Dash, L. (1989). When children want children ; An inside look at the crisis of teenage parenthood. Penguin Books.

Dean, A. L. (1997). Teenage pregnancy : The interaction of psyche and culture. Analytic Press, Inc Publishers

De Luca, M. (2020). Actualités de la méthode de l’étude de cas. Proposition d’une méthodologie hypothético-processuelle et traductive pour les recherches référées à la psychanalyse, L’Évolution psychiatrique, 85(1), 33-48. https://doi.org/10.1016/j.evopsy.2019.12.008

Devereux, G. (1993). Ethnopsychanalyse complémentariste. Flammarion (ouvrage original publié en 1972).

Dolto, F. (1989). L’échec scolaire. Essai sur l’éducation. Ergo Press.

Dolto, F. (1999). Sexualité féminine. Folio.

Dolto, F. (2003). La cause des adolescents. Pocket (ouvrage original publié en 1988.)

Fernandez, C. (2018, 5 décembre). Adolescencia y maternidad, un asunto de salud pública en Colombia [Adolescence et maternité, une question de santé publique en Colombie]. El Tiempo. Récupéré le 15 juin 2021 de https://www.eltiempo.com/salud/embarazo-en-adolescentes-en-colombia-301882

Freud, S. (1992a). La disparition du complexe d’Œdipe [Der Untergang des Ödipuskomplexes]. Dans J. Laplanche, A. Bourguignon et P. Cotet (dir.), Œuvres complètes, XVII (p. 25-33). PUF (ouvrage original publié en 1924.)

Freud, S. (1992b). Préface à Jeunesse à l’abandon [Die Verwahrloste Jugend]. Dans J. Laplanche, A. Bourguignon et P. Cotet (dir.), Œuvres complètes, XVII (p. 159-163). PUF (ouvrage original publié en 1925.)

Freud, S. (2005a). Pour introduire le narcissisme [Zur Einführung des Narzissmus]. Dans J. Laplanche, A. Bourguignon et P. Cotet (dir.), Œuvres complètes, XII (p. 213-245). PUF (ouvrage original publié en 1914.)

Freud, S. (2005b). Pulsions et destins de pulsions [Triebe und Triebschicksale]. Dans J. Laplanche, A. Bourguignon et P. Cotet (dir.), Œuvres complètes, XIII (p. 163-187). PUF (ouvrage original publié en 1915.)

Freud, S. (2006). Trois essais sur la théorie sexuelle [Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie]. Dans J. Laplanche, A. Bourguignon et P. Cotet (dir.), Œuvres complètes, VI (p. 59-181). PUF (ouvrage original publié en 1905.)

Freud, S. (2010). L’analyse fini et l’analyse infinie [Die endliche und die unendliche Analyse]. Dans J. Laplanche, A. Bourguignon et P. Cotet (dir.), Œuvres complètes, XX (p. 13-55). PUF (ouvrage original publié en 1937.)

Gavarini, L. (2009). Des groupes de parole avec les adolescents : à la recherche d’une parole « autre », Cliopsy 1, 51-68. https://doi.org/10.3917/cliop.001.0051

Gavarini, L. (2016). L’apprentissage scolaire à l’épreuve du (non) désir de savoir. Les Sciences de l’éducation - Pour l’Ère nouvelle, 49(2), 19-41. https://doi.org/10.3917/lsdle.492.0019

Gori, R. (2015). L’individu ingouvernable. LLL.

Greenfield, P. M. et Suzuki, L. K. (1998). Culture and human development : Implications for parenting, education, pediatrics, and mental health. Dans W. Damon, I. E. Sigel et K. A. Renninger (dir.), Handbook of child psychology : vol. 4. Child psychology in practice (p. 1059–1112). Wiley.

INSEE. (2022, janvier). Âge moyen de la mère à l’accouchement. Données annuelles de 1994 à 2021. Récupéré le 15 avril 2022 de https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381390

Katz, I., Priolo-Filho, S., Katz, C., Andresen, S., Bérubé, A., Cohen, N., …Yamaoka, Y. (2021). One year into COVID-19 : What have we learned about child maltreatment reports and child protective service responses ?. Child Abuse & Neglect, 105473. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8760954/

Knibiehler, Y. (1997). La révolution maternelle depuis 1945. Femmes maternité, citoyenneté. Perrin.

Kaplan, L. (1984). Adolescence. The farewell to childhood. Touchstone.

Lacan, J. (1966a). L’instance de la lettre dans l’inconscient ou la raison depuis Freud. Dans F. Wahl (dir.), Écrits (p. 493-528). Éditions du Seuil.

Lacan, J. (1966b). D’une question préliminaire à tout traitement de la psychose. Dans F. Wahl (dir.), Écrits (p. 531-583). Éditions du Seuil.

Lacan, J. (1966c). Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien. Dans F. Wahl (dir.), Écrits (p. 793-827). Éditions du Seuil.

Lacan, J. (1973). Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. Éditions du Seuil.

Landrine, H. (1995). Clinical Implications of Cultural Differences : The Referential versus the Indexical Self. Dans N. R. Goldberger et J. B. Veroff (dir.) The Culture and Psychology Reader (p. 744-766). New York University Press.

Laplanche, J. (2014). Sexual : La sexualité élargie au sens freudien. PUF (ouvrage original publié en 2007.)

Laplanche, J. et Pontalis, J.-B. (1967). Vocabulaire de la psychanalyse. PUF.

Le Van, C. (2006). La grossesse à l’adolescence : un acte socialement déviant ? Adolescence, 241, 225-234. https://doi.org/10.3917/ado.055.0225

Lindenmeyer, C. (dir.) (2017). L’humain et ses prothèses. Savoirs et pratiques du corps transformé. CNRS éditions.

McDougall, J. (1989). Théâtres du corps. Gallimard.

Marcel, J.-F. (2016). La recherche-intervention par les sciences de l’éducation. Accompagner le changement. Éducagri.

Mejía, M. L., Montoya P., Blanco A. J., Mesa M. L., Moreno D. J. et Pacheco C. I. (2010). Barreras para el acceso de adolescentes y jóvenes a servicios de salud. Propuesta para su identificación y superación [Obstacles à l’accès des adolescentes et jeunes femmes aux services de santé. Proposition pour les identifier et les surmonter]. Comité regional andino para la prevención del embarazo en adolescentes. Récupéré le 6 septembre 2021 de : https://colombia.unfpa.org/sites/default/files/pub-pdf/BarrerasJovenesWeb %20 %281 %29.pdf

Moro, M. R. (2011). Psychothérapie transculturelle des enfants et des adolescents. Dunod (ouvrage original publié en 1998).

Paillé, P. et Mucchielli, A. (2012). L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales. Armand Colin.

Paternostro, S. (2001). En la tierra de Dios y del hombre [Dans la terre de Dieu et de l’homme]. Sudamericana.

Pison, G. (2013). Tous les pays du monde (2013). Population & Sociétés, 503, 1-8. https://doi.org/10.3917/popsoc.503.0001.

Profamilia. (2000). Encuesta nacional de demografía y salud [Enquête nationale sur la demographie et la santé]. Récupéré le 6 septembre 2021 de http://profamilia.org.co/docs/ENDS %202000.pdf

Profamilia. (2015). Encuesta nacional de demografía y salud [Enquête nationale sur la demographie et la santé]. Récupéré le 6 septembre 2021 de https://profamilia.org.co/wp-content/uploads/2019/05/ENDS-2015-TOMO-II.pdf

Ramirez, J. et Castillo, A. (2020, novembre). El trabajo de las organizaciones de mujeres en las regiones en el marco de la Covid-19 [Le travail des organisations de femmes dans les régions dans le cadre de Covid-19]. CoreWoman. Récupéré le 26 avril 2022 de https://idl-bnc-idrc.dspacedirect.org/bitstream/handle/10625/60694/IDL-60694.pdf ?sequence =2&isAllowed =y

Rassial, J.-J. (1996). Le passage adolescent, de la famille au lien social. Érès.

Sellenet, C. et Portier-Le Cocq, F. (2013). Maternités adolescentes : le temps bousculé. La revue internationale de l’éducation familiale, 33, 17-36. https://doi.org/10.3917/rief.033.0017

Tenorio, M. C. (2002). Las mujeres no nacen, se hacen. Modelos culturales de mujer entre adolescentes en sectores populares [On ne naît pas femme, on le devient. Modèles culturels de la femme chez les adolescentes de secteurs populaires]. Universidad del Valle et Colciencias.

Winnicott, D. W. (1975). Jeu et réalité. L’espace potentiel [Playing and reality]. Gallimard (ouvrage original publié en 1971.)

Haut de page

Notes

1 Institution administrative de la recherche, la technologie et l’innovation, chapotée par le gouvernement colombien.

2 L’équipe de recherche était constituée par plusieurs professionnels : M. E. Díaz, A. Torres, C. Muñoz, A. M. Muñoz, L. Moncayo et C. Hernández et C. Eslava.

3 L’état colombien utilise la notion de « strate socio-économique » pour classer les immeubles en fonction de plusieurs paramètres, tels que le revenu des habitants : il existe une échelle de 6 strates, la plus basse étant le niveau 1 (milieux le plus défavorisés) et la plus élevée étant le niveau 6 (milieux les plus riches).

4 « Regaladas » est le mot souvent utilisé en espagnol.

5 En espagnol : « llenó el espacio que hacía falta en mí ».

6 « Chica fácil » en espagnol.

7 « Prueba de amor » en espagnol.

8 « Muñequear » en espagnol.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Gabriela Patino-Lakatos et María Cristina Tenorio, « Gouverner, soigner, éduquer (à) la sexualité : enjeux subjectifs de la « maternité adolescente » en Colombie »Éducation et socialisation [En ligne], 67 | 2023, mis en ligne le 20 mars 2023, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/edso/23184 ; DOI : https://doi.org/10.4000/edso.23184

Haut de page

Auteurs

Gabriela Patino-Lakatos

Université Sorbonne Paris Nord (UTRPP) et Université Paris 8 (CIRCEFT, CLEF-apsi)

María Cristina Tenorio

Universidad del Valle, Facultad de psicología, grupo de investigación Cultura y Desarrollo Humano

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search