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Dossier
Le management au sein du système éducatif : une question vive

Entre management et leadership : le « pilote » comme figure emblématique de l’activité des chefs d’établissement

Christiane Montandon et Marie Brégeon

Résumés

Le chef d’établissement, représentant de l’institution scolaire auprès d’une pluralité d’acteurs, apparait comme le cœur névralgique et stratégique de la mise en œuvre de la politique éducative. La complexité de ses missions réside dans des injonctions paradoxales : concilier autonomie des établissements et exigences de performance dans des contextes qui alternent et combinent problématiques locales, territoriales, nationales. A partir d’un corpus de terrain de 12 entretiens de chefs d’établissement de collèges, de lycée général et technologiques, de lycées professionnels, l’article analyse comment des chefs d’établissement et directeurs de Section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) appréhendent leur rôle de leader dans la manière de dynamiser et de réguler les interactions entre les différents acteurs de la communauté éducative en s’appuyant sur les médiations groupales que sont les Conseils d’administration (CA), conseils pédagogiques, conseils de discipline, commissions de concertation, etc. Les caractéristiques fondamentales du concept de leadership en psychologie sociale et le rôle des représentations socio-professionnelles des divers membres de l’établissement permettent de comprendre la manière dont un chef d’établissement peut assumer la double dimension administrative et pédagogique de cette fonction d’encadrement. Cette analyse nous incite à privilégier le rôle de leader au lieu de celui de manager, qui renvoie à une conception trop techniciste, pour souligner les dimensions éthiques et politiques qui sous-tendent la figure du « pilote », garant d’un ordre juste respectant des valeurs attendues tant des enseignants que des élèves.

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Texte intégral

Introduction

1Depuis 2005, toute une série de réformes ponctue les transformations demandées au personnel d’encadrement quant à la manière de gérer leurs établissements scolaires1 : ces injonctions à évoluer donnent lieu à l’émergence d’un grand nombre de dispositifs2, en recourant à une pédagogie de projets, à la création de partenariats, dans des contextes qui alternent et combinent problématiques territoriales, nationales, européennes, et internationales. Si l’autonomie des établissements constitue désormais une référence incontournable des textes institutionnels, elle implique également la complexification des tâches qui incombent à ceux qui en sont les responsables institutionnels, puisqu’ils doivent tenir compte de leur immersion dans leur territoire socio-économique, donner à voir qu’ils sont adaptés à leurs contextes d’implantation, pour en promouvoir le développement, en fonction de leur public d’élèves, de sa diversité, de ses spécificités ; or cette autonomie se double d’un engagement, à partir d’objectifs ciblés et précis, impliquant de mettre en cohérence spécificités de l’établissement et projet d’établissement qui demeure un document distinct (BOEN n° 3 du 15 janvier 2015 sur les enseignements primaire et secondaire). D’où une tension qui traverse cette figure d’autorité entre une incitation au pouvoir d’agir et à l’autonomisation d’une part, et d’autre part une exigence de performance3 et de résultats où il doit s’inspirer des pratiques entrepreneuriales dans leur dimension managériale, dont l’exigence de réussite s’avère une clé de la performance.

  • 4 Se reporter au Rapport-IGAENR-2017-080-Evaluation-etablissements-academies_883639.pdf.

2Le 8 juillet 2020, le Conseil d’évaluation de l’École arrête le cadre général de l’évaluation des établissements du second degré qui repose sur une articulation étroite entre la démarche d’autoévaluation et le recours à une évaluation externe. Ce processus vient renforcer l’utilisation des indicateurs de pilotage pour déterminer la performance. Il repose également sur une analyse partagée par le chef d’établissement et ses équipes pédagogiques comme point d’appui d’un plan d’action qui vise une amélioration de résultats, les objectifs d’amélioration étant également définis avec la direction académique. Le management, le travail d’équipe apparaissent comme centraux dans ce processus alors que la pédagogie qui, a priori, est aussi une condition majeure de la réussite des élèves, est peu visible4. Comment articuler alors la double dimension, administrative et pédagogique, du leadership assigné au personnel d’encadrement d’un Établissement public local d’enseignement (EPLE) ? Comment celui-ci conçoit-il son rôle de leader lors des espaces-temps de concertation et de rencontre avec les enseignants, les parents d’élèves, les représentants des collectivités locales, les interlocuteurs du rectorat, rencontres qui ponctuent la construction du projet d’établissement pour aborder une politique d’ouverture au monde en tenant compte de l’appartenance de son établissement au territoire ?

3Dans un ouvrage paru récemment (Montandon, Wagner et Krüger-Potratz, 2021), ce constat de nombreux remaniements des rapports à l’institution a conduit les auteurs à « mettre les personnels d’encadrement au centre de nos préoccupations de recherche comme cœur névralgique et stratégique de toute une politique éducative d’ouverture à l’altérité et de politique d’intégration de la différence» (p. 38). Explorer cette place centrale qu’occupent principaux, proviseurs, directeurs de Section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) dans l’émergence ou le maintien d’un climat propice à des relations de coopération entre les divers membres de la communauté éducative revient à décliner les facteurs facilitant engagement et investissement de chacun dans les pratiques et les tâches qui lui incombent : en quoi la manière dont le chef d’établissement gère le système des relations et régule le maillage des interactions entre les différents acteurs d’un établissement scolaire a-t-il un impact sur leurs agissements ?

4Dans une première partie, consacrée aux préalables théoriques et méthodologiques, il s’agit de cerner les caractéristiques fondamentales du concept de leadership en psychologie sociale et de présenter le rôle des représentations sociales et professionnelles des divers membres de l’établissement dans la manière d’assumer ce leadership. La présentation de notre corpus de terrain et des modalités de recueil des données clôt cette première partie.

5Dans une longue seconde partie nous interrogeons cette oscillation entre manager ou leader à partir de deux axes :

  • des expériences diversifiées relativement à des contextes d’encadrement différents qui pèsent sur la manière d’assumer cette fonction d’encadrement, mais corrélée avec l’expérience professionnelle antérieure ;

  • l’impact de la prise de poste dans un nouvel établissement comme moment crucial et déterminant pour la suite dans le style de management instauré et attendu du côté de la communauté éducative ;

6Ce balayage à la fois temporel et spatial, en région parisienne ou en province, en collège ou en lycée général et technologique (LGT) et en lycée professionnel (LP), nous amènera à privilégier en conclusion une approche systémique de l’exercice du leadership, où la figure du « pilote » permet de véhiculer un ethos garant de valeurs attendues des enseignants et des élèves.

Préalables théoriques et méthodologiques

Une vignette comme métaphore des aspects kaléidoscopiques du phénomène de leadership

7Aussi voici en exergue le témoignage, déjà ancien (Vieillir dans le métier, L’Harmattan, 2007, p. 119), d’une enseignante de philosophie qui, à la suite de la mutation de son ancien proviseur, met en évidence deux conceptions très différentes du leadership :

J’ai trouvé que le nouveau proviseur avait une gestion extrêmement personnelle, quasiment autocratique du pouvoir, et j’étais au Conseil d’administration (CA), j’ai fait partie d’un groupe de réflexion, pendant des années, avant c’était une groupe de réflexion, de pilotage, donc on avait une dimension de concertation, et quand je me suis trouvée en face de quelqu’un qui prétendait que la démocratie était une belle chose, mais dont je ne voyais pas la trace du début du commencement dans l’exercice du pouvoir, j’ai décidé de me retirer de tout ce qui pouvait donner l’apparence d’un fonctionnement démocratique. Je me suis retirée du CA, je me suis retirée des commissions de concertation, qui sont maintenant de pures et simples convocations, où il n’y a pas de concertation, il y a une convocation sans ordre du jour, nous ne savons pas pourquoi nous sommes convoqués, ni qui d’autre est convoqué. Et donc je me suis retirée de tout ce qui pouvait être dans le lycée une position, une participation à quelque chose qui aurait cautionné l’idée qu’il continuait à y avoir un fonctionnement collectif, quand j’ai compris qu’il n’y en avait plus à mon sens.

  • 5 Crozier et Friedberg ont insisté sur la nécessité de reconnaître le phénomène de pouvoir comme une (...)

8Cette dénonciation virulente d’un proviseur autoritaire qui veut singer la figure du proviseur démocratique introduit d’emblée la question du leadership formel, comme figure incarnant l’autorité, représentant de l’institution, mais aussi phénomène de pouvoir régulant les interactions entre individus et groupes5 : la manière dont le leader intervient et instaure des règles de fonctionnement pour gérer ces relations avec les groupes d’enseignants, les élèves et les parents induit un certain climat et une certaine représentation du leadership.

9Dans la définition que Nicole Aubert (1994, p. 368) donne du leadership, elle retient trois éléments dominants de la figure du leader :

  • la vision, savoir où il faut aller mais aussi communiquer où on veut aller ;

  • la confiance, faire confiance à son groupe mais aussi faire que le groupe ait confiance dans son leader, relation de réciprocité tout en restant un principe hiérarchique !

  • l’adhésion, enfin, qui s’appuie sur une coopération active pour réaliser des objectifs explicitement discutés et adoptés.

10Ces trois éléments semblent dans le discours de cette enseignante faire défaut ici au nouveau proviseur qui succède à quelqu’un qui avait emporté l’adhésion et créé un climat d’engagement collectif très mobilisateur.

11Ces différentes manières d’assumer cette fonction d’encadrement mobilisent diverses médiations organisationnelles : Conseil d’administration (CA), conseils pédagogiques, conseils disciplinaires d’enseignants, groupes de réflexion interdisciplinaires, commissions de concertation, groupe de pilotage, qui sont autant d’espaces-temps intermédiaires entre chef d’établissement et acteurs de la communauté éducative, mais qui, en tant que tels, induisent un certain type de réactions, (retrait, coopération, collaboration, opposition, etc.) selon la manière dont le responsable les utilise. Il faut préciser qu’outre ces médiations instituées, certains chefs d’établissement jugent bon de les compléter par des espaces-temps qui garantissent transitions et fluidité des interactions au sein du lycée : « il y a conseils pédagogiques et conseils d’enseignement, en fait au lycée C** on a décidé, c’est un collectif, de libérer une heure par semaine, donc on a une heure banalisée où les élèves n’ont pas cours, les profs n’ont pas cours, c’est un temps qui permet de réunir les gens nécessaires pour travailler, donc on a des réunions à thèmes, des temps de travail où les chantiers sont énormes ». Nous pourrons constater que plusieurs chefs d’établissement utilisent leur marge d’autonomie pour instituer ces lieux qui font du lien, pour faire participer et constituer un collectif de travail. « Tout l’enjeu du chef d’établissement, c’est justement d’amener les profs à se mettre dans ce collectif et à mettre en cohérence tout leur travail, leurs actions, leur choix ». Et ce proviseur d’ajouter : « ce collectif il n’existe pas, c’est un processus ».

Dimension systémique et interactionniste du leadership en psychologie sociale

12L’étude princeps de la théorie du leadership revient évidemment à Kurt Lewin qui inaugure l’étude de cette notion avec Lippitt et White (1965) à partir des trois styles de leadership, autocratique, démocratique et laisser-faire : ils ont d’une part déterminé les caractéristiques des diverses manières d’agir du leader pour en montrer les effets du climat sur les performances du groupe :

  • quant à sa manière d’initier ou non des contacts sociaux avec les membres du groupe : faire communiquer entre eux les individus, faire interagir,

  • quant à son aptitude à organiser, à écouter, à répondre à leurs questions, ou au contraire à refuser toute réponse aux questions,

  • quant à sa capacité à construire un esprit d’équipe, un climat de coopération ou au contraire à favoriser l’individualisme, la compétition, avec émergence d’un bouc émissaire.

  • 6 Voici comment Yves Dutercq articule ces deux « facettes » du leadership : « d’une part la manière d (...)

13D’autre part ils ont mis en évidence l’apparition d’un ou plusieurs leaders informels, à côté du leader formel, pouvant être soit en opposition, en rivalité, soit en soutien, en connivence par rapport à ce dernier. Une telle distinction amène certains auteurs à introduire la notion de leadership distribué6.

14En se référant explicitement à l’origine psycho-sociale et lewinienne de la théorisation de cette notion de leadership (Anzieu et Martin, 1979), Didier Anzieu entend sous la fonction d’animation du leader, les fonctions de production (aider le groupe de participants, l’équipe à construire des projets, à produire des idées), de facilitation (en reformulant les interventions, en fournissant des supports méthodologiques, en suscitant des questions pour approfondir la compréhension du problème, en faisant circuler la parole au sein de tous les membres du groupe) et de régulation (en rappelant les règles de fonctionnement du groupe, en se portant garant de ce cadre sécurisant, en faisant accepter les conflits et les désaccords pour mieux trouver des solutions de compromis). Parmi ces activités instrumentales le témoignage de cette enseignante montre combien l’animation d’un groupe de concertation dépend à la fois de l’objectif explicitement affiché (simplement informer ou au contraire solliciter les enseignants pour décider d’un projet et avoir véritablement voix au chapitre) et des moyens utilisés (préparer la réunion en donnant des informations sur les participants et l’ordre du jour). Outre ces interventions rationnellement constructives de la part du « chef », s’ajoutent à la définition psycho-sociale de la fonction de leadership des activités consommatoires, qui concernent les dimensions affectives, relationnelles, émotionnelles au sein du groupe, lors des rituels d’accueil, de départ en retraite, de moments festifs permettant de souder un groupe et de maintenir du lien, et qui mettent en jeu le plaisir de se retrouver ensemble. Un tel leader, (modérateur, animateur, chef, etc.) est celui qui est en mesure de concilier des activités d’ordre rationnel et relationnel, dans leur dimension également affective et émotionnelle, pour permettre que se construise peu à peu un collectif de travail (Caroly et Clot, 2004). Concevoir le groupe comme un objet d’investissement pour ses membres implique également pour le leader formel de savoir combiner des objectifs communs dans le respect des différences individuelles, en faisant de son hétérogénéité un principe moteur, d’enrichissement et de controverse, dans sa capacité à surmonter les divergences et à construire de nouveaux compromis. En effet la richesse des processus émergeant dans un groupe vient du respect des différences, de la diversité des profils de chacun et non d’une injonction à l’uniformité (Anzieu et Martin, 1979). On doit à Didier Anzieu, à René Kaës, à Angelo Béjarano et à l’ensemble des collaborateurs appartenant à cette équipe de psychanalyse groupale (1972) d’avoir étudié les diverses configurations possibles des relations entre leader formel et leaders informels, ainsi que les différents destins qui peuvent advenir dans la résolution de ces conflits d’alliances et de pouvoir.

15Notre cadre théorique concerne donc les conceptions psychosociologiques de la notion de leadership, mais aussi le concept de représentations sociales et professionnelles (Bataille, Blin, Jacquet-Mias et Piaser, 1997) que nous livrent les chefs d’établissement dans leurs discours sur leurs pratiques de gestion et sur leurs manières de faire avec les acteurs de la communauté éducative, que sont enseignants, élèves et parents d’élèves et autres collaborateurs, dans les divers partenariats qu’ils initient.

16En effet le rôle du chef d’établissement dépend de la manière dont les enseignants eux-mêmes se représentent ce qu’il doit faire, être et aider à faire, ce qu’ils attendent de lui : la manière dont enseignants et parents d’élèves perçoivent le chef d’établissement contribue à définir ce qui caractérise pour eux son leadership, sa manière de diriger l’établissement, corrélativement à la représentation qu’il a de sa propre manière d’assumer cette fonction d’autorité. Qui plus est, en tant que cadre intermédiaire, ces personnels d’encadrement sont censés concilier attentes des acteurs de la communauté éducative et exigences de leur hiérarchie, dilemmes et tensions que résument ainsi Hélène Buisson-Fenet et Yves Dutercq : « il leur est demandé non seulement de se montrer bons gestionnaires, promoteurs de l’établissement ou du service dont ils sont responsables, hommes et femmes de réseau, bâtisseurs de projets mais encore, qualité première du manager, rassembleurs et mobilisateurs» (2015, p. 10).

17Ainsi ces différentes facettes du leadership ne peuvent être appréhendées qu’à partir d’une perspective psychosociologique, et intersubjective, dans la mesure où la manière dont le chef d’établissement se représente sa fonction est tributaire aussi des attentes, des besoins et des représentations dont les autres, (représentants académiques compris) le perçoivent ; mais inversement les divers soutiens, alliances trouvées auprès des enseignants, ou obstacles rencontrés dans l’exercice de leurs missions ainsi que les stratégies de management et les dilemmes qu’ils affrontent retentissent sur leur manière d’habiter cette fonction. Aussi leur conception du management ne peut être que contextualisée, en particulier en fonction du territoire, (rural, urbain, favorisé/défavorisé) dans lequel ils interviennent ; la dimension langagière de leurs activités, les codes linguistiques utilisés, la manière de communiquer sont essentiels. Le double registre, écrit et oral, auquel tout chef d’établissement recourt inévitablement pour gérer ses interactions avec ses divers interlocuteurs souligne combien langage et travail déterminent corrélativement une manière d’induire coopération, collaboration, résistances, conflits : autant de modalités interactives qu’analysent Borzeix et Fraenkel dans leur ouvrage (2001) et où Girin montre le poids des implicites au-delà de ce que le chef d’établissement communique explicitement : « l’organisation est vue comme la mise en commun de savoirs implicites, c’est-à-dire de contextes d’interprétation » (Girin, 2001, p. 185).

  • 7 Cette opposition rejoint la distinction fondamentale qu’introduit Max Weber (1922), et après lui Ha (...)

18La dualité introduite entre les fonctions administrative et pédagogique qui incombent au chef d’établissement incite à distinguer deux modes d’intervention : le management, qui implique en effet la gestion et l’exécution de tâches administratives, le leadership qui s’inscrit dans une dynamique interactionnelle susceptible de faire évoluer les acteurs du collectif de travail au nom des finalités éducatives et de valeurs républicaines. La différence fondamentale entre ces concepts de management et de leadership relève donc d’une perspective épistémologique : l’un est issu de l’organisation scientifique du travail (OST) et d’une sociologie des organisations, en mettant l’accent sur les préoccupations de rentabilité techniciste et de rationalité instrumentale (Habermas, 1987), l’autre issu de la psychologie sociale et de la dynamique de groupe privilégie la dimension relationnelle et humaniste se réclamant d’une rationalité émancipatrice et revendiquant une posture éthique7 ; en effet une telle « posture» s’accompagne d’une réflexion critique sur les valeurs de l’éducation à défendre ainsi que sur leurs finalités et ne se contente pas seulement d’une obéissance aux objectifs définis par l’institution. Nous retrouverons cet engagement éthique vis-à-vis des exigences axiologiques qui caractérisent la finalité de l’éducation comme formation du devenir humain dans nombre d’entretiens.

19Ce cadre théorique interdisciplinaire, qui convoque à la fois psychologie sociale et psycho-linguistique, montre assez la complexité des missions du chef d’établissement qui mobilise différents registres d’activité et différents niveaux d’intervention. Ce sont ces intrications que le corpus de terrain va essayer de mettre en lumière.

Les modalités de recueil des données

20Dans le cadre d’une recherche précédente de trois années sur la mobilité institutionnelle, nous avions exploré à l’aide de dix entretiens auprès de proviseurs, principaux, directeurs de SEGPA, les discours et représentations que suscitait cette injonction à « faire bouger les choses » (Barrère, 2006). La consigne de départ qui démarrait ces entretiens compréhensifs s’énonce ainsi : « La mobilité institutionnelle, qu’est-ce que cela évoque pour vous ? » Au fur et à mesure d’un certain nombre de relances ont pu être dégagés des constantes montrant en quoi ces interlocuteurs s’estimaient courroie de transmission ou porteur d’une mission d’ouverture, ou de changement dans le fonctionnement institutionnel de leur établissement.

21La nature de l’établissement, Lycée général et technologique (LGT), Lycée professionnel (LP), collège, prend une grande importance dans la variété de maniement du leadership : Le corpus de terrain se compose donc de douze entretiens réalisés en deux vagues successives, en 2017-2018 et en 2022. Parmi eux, 6 sont des entretiens de groupes qui, pour 4 d’entre eux, associent des professeurs ou le conseiller principal d’éducation (CPE), 6 sont des entretiens individuels avec, au total, 14 personnels d’encadrement interviewés dont 5 femmes et 9 hommes.

22Les entretiens menés durant le premier semestre 2022 visent à explorer comment les chefs d’établissement disent remplir leurs missions et comprendre ce que l’épisode de la COVID-19 a entraîné comme modifications dans leur mode de fonctionnement.

Tableau 1 récapitulant la liste des interlocuteurs

Manager et/ou leader ?

Faire participer et coopérer à la décision

  • 8 Girin, op. cit., p. 173 : « Un agencement organisationnel est une combinaison de ressources hétérog (...)

23Les exemples de leadership participatif et communicationnel sont en priorité fournis par des principaux de collège associés à un directeur de SEGPA d’une part et d’autre part par les proviseurs de LP ; deux facteurs favorisent cette propension à coopérer : l’hétérogénéité culturelle des élèves, la diversité statutaire des enseignants dans ces établissements incitent les chefs d’établissement à faire se rencontrer plus souvent enseignants et élèves de classes différentes, à travailler ensemble, à proposer projet d’inclusion ou voyages en vue de stages ou d’ouverture sur une autre culture. Un tel « agencement organisationnel »8 combine ressources humaines, matérielles, symboliques.

24Ainsi cette directrice de SEGPA, qui occupe ce poste depuis neuf ans, insiste beaucoup sur l’importance de la durée pour privilégier un travail d’équipe, où enseignants du primaire, enseignants du collège, professeurs de lycée professionnel qui viennent travailler en atelier offrent des formations très différentes ; « j’essaye toujours que mes professeurs des écoles, spécialisés, travaillent avec les professeurs du collège sur des projets, qui heureusement restent au collège, parce que très souvent ils partent. Donc, quand on commence à lier des formes de relations très intéressantes parce que l’on se connaît, parce qu’il faut la confiance, parce qu’il faut acquérir la confiance des professeurs, je peux aller le voir et lui dire : oh tu me prends telle élève, elle est vraiment bien, tu fais un essai. »

25La relation de confiance réciproque entre enseignants et responsable hiérarchique se construit progressivement, pour élaborer par étapes un projet fédérateur : la directrice insiste sur le temps nécessaire pour que les enseignants s’investissent dans les réunions et que leur engagement dépasse la simple présence à ces réunions de concertation; « ça va quand une équipe reste. Là maintenant ils ont confiance en moi, pour ceux qui restent avec qui je travaille, ils savent qui je suis. Ils savent qu’ils peuvent me faire confiance, ils savent que mon bureau est toujours ouvert, que je peux faire plein de choses, c’est une relation de confiance qui s’est installée au bout d’un certain temps. Et cette relation de confiance est indispensable pour que ça marche. Donc pour que ça marche avec les élèves, il faut qu’il y ait cette relation de confiance. »

26En effet le sentiment d’appartenir à une équipe se développe à partir des identifications à l’institution, au groupe d’appartenance, à la tâche ; ces multiples processus identificatoires permettent de se conformer aux normes du groupe en fonction de son prestige : « les êtres humains évaluent leur propre situation par rapport aux valeurs des autres individus et finissent par accepter les objectifs des autres comme étant les leurs propres » (March et Simon, 1993, p. 65). Aussi cette directrice de SEGPA pour expliquer comment constituer une équipe insiste sur l’importance de l’émotionnel et de l’affectif : « quand il y a un problème, on en parle, et comme il y a cette relation de confiance, on peut en parler. »

27Un autre directeur de SEGPA veut impulser une certaine souplesse dans les réunions, avec la possibilité de les modifier en fonction des occasions d’ouverture vers l’extérieur pour rendre plus efficace l’autonomie des établissements : « rendre le système plus souple. Je peux donner des exemples : les heures de réunion sont annualisées, les emplois du temps sont définis mais peuvent être modifiés à tout instant. Saisir les opportunités, saisir les ouvertures, ça veut dire qu’il faut être très souple dans l’organisation dès le départ ».

  • 9 « Il faut apprendre à travailler en groupe ».

28Pour ces deux responsables de SEGPA, on peut faire l’hypothèse que la souplesse dans leur mode de fonctionnement est en partie tributaire de leur parcours biographique antérieur où leur expérience de management s’est d’abord exercée en dehors du cadre de l’éducation nationale. En effet l’un vient d’une école de commerce ce qui l’incite à prôner le travail en groupe9 et à développer des relations avec l’extérieur, des projets avec des enseignants de Brevet de technicien supérieur (BTS), avec les lycées avoisinants. Il définit son rôle de directeur comme celui qui impulse des idées de projet : « c’est moi qui donne les idées et qui vois comment les gens s’accrochent à ces idées ».

  • 10 Voici comment Nicole Aubert commente cette attitude : «c’est-à-dire à accomplir leur tâche le mieux (...)

29Si l’on en croit Warren Bennis (1985) qui distingue les dirigeants « gestionnaires » ou « managers », qui s’occupent à gérer10, des dirigeants « leaders », qui quant à eux, s’attachent plus à libérer une influence, à guider, à orienter, à susciter un engagement collectif, on comprendra que ce directeur de SEGPA relève de la seconde catégorie de dirigeants. Loin donc d’être des comportements équivalents, la position de « manager » et la posture de « leader » mobilisent des investissements différents et suscitent réactions et interactions différentes chez les équipes enseignantes.

30L’autre directrice de SEGPA insiste sur sa trajectoire professionnelle antérieure: « j’ai eu une vie un peu rocambolesque, donc je suis arrivée tardivement dans l’éducation nationale, je suis passée par un autre métier avant : assistante juridique qui ne me plaisait pas du tout mais qui me permettait de me nourrir, donc je suis arrivée dans l’enseignement général et tout de suite j’ai vu que moi les élèves qui fonctionnent n’ont pas besoin de moi, donc je m’intéressais principalement aux élèves qui n’y arrivaient pas. Comme à la base j’avais fait des études de psycho, il y avait des collègues qui m’avaient dit : « fais psychologue scolaire », donc j’ai repris ma licence de psycho, je l’ai finie et j’avais un stage à faire pendant ma licence et j’ai fait un stage avec une psychologue scolaire ». Après diverses tentatives de poste qui ne lui conviennent pas du point de vue éthique, elle opte pour l’enseignement spécialisé.

  • 11 Michel Crozier (1977) les appelle des marginaux sécants.

31Ces deux témoignages montrent comment, pour reprendre les analyses de Crozier, de telles personnalités « à la marge11 » peuvent utiliser de manière inventive l’autonomie laissée aux établissements. Dans la majorité des entretiens les interviewés insistent sur l’importance de leur trajectoire antérieure à la prise de fonction : anciens Conseillers principaux d’éducation (CPE), expérience décisive d’enseignant ou d’éducateur, caractère déterminant de la formation dans leur décision de devenir chef d’établissement.

32Un autre facteur de créativité et de développement de l’autonomie réside dans la diversification des LP. Cette hétérogénéité, tant statutaire que disciplinaire, des enseignants, mais aussi hétérogénéité culturelle et sociale des élèves en LP, est souvent présentée comme un atout par les proviseurs dans ces établissements polyvalents. « Le lycée professionnel est atypique, on a énormément de projets, il peut y avoir des projets qui sont complètement dans le cadre de l’enseignement normal mais qui en fait ne sont pas innovants, et il peut y avoir des professeurs qui font des projets sans être forcément innovants. Et puis il peut y avoir des professeurs très innovants au sein de leur classe qui ont des approches tout-à-fait intéressantes ».

33Cette plus grande ouverture à la diversité induit souvent chez les enseignants des attentes et des représentations différentes à l’adresse du proviseur ; ainsi ce chef d’établissement d’un lycée technique professionnel souligne combien les rapports entre enseignants et proviseur peuvent être davantage acceptés dans leur dimension pédagogique : « c’est très différent entre un lycée professionnel et général. Moi en lycée technique il m’arrivait très souvent d’aller dans la classe qui était l’atelier. Je dirais même que, si on n’y va pas, ils sont déçus et considèrent que c’est un manque de considération pour eux».

34L’ouverture vers l’extérieur semble à un autre proviseur de LP encore plus indispensable pour développer la mobilité des élèves ; mais ceci favorise également une certaine souplesse et fluidité dans les rapports avec les enseignants et surtout dans les initiatives qu’ils peuvent être amenés à prendre. Les diverses filières de cet établissement (hôtellerie, restauration, boulangerie, pâtisserie, services en salle, services à la personne, menuiserie) font que ce LP est tourné vers l’international ; ainsi le proviseur dit travailler à maintenir une image très valorisante de l’établissement,  à poursuivre (c’est sa première année dans l’établissement) la tradition d’un travail en équipes interdisciplinaires pour préparer les stages à l’étranger : « c’est à nous proviseurs qu’il incombe que cela puisse intéresser tous les élèves ». Comme les enseignants fonctionnent souvent en binôme, il dit que cette habitude de travailler en équipe retentit sur la manière dont fonctionnent les conseils pédagogiques qui se montrent dynamiques s’ils reçoivent une image positive de l’établissement.

35Cette volonté du proviseur de valoriser son établissement en demandant une section européenne pour augmenter « l’attractivité de l’établissement » vise à augmenter l’estime de soi des élèves dans des filières qu’ils trouvent peu valorisantes (dans la perception que les gens ont des métiers de service), et à consolider l’adhésion des enseignants pour participer aux projets « de manière volontaire, de façon à ce que la surcharge de travail soit bien répartie et ne pèse pas sur un seul enseignant ». En travaillant à cette image dynamique de son établissement il dit que cela permet d’augmenter l’estime de soi et le sentiment d’appartenance des élèves à ce lycée : «C’est plus facile de s’assimiler à quelque chose de positif et ça a une conséquence indirecte sur le climat scolaire d’un établissement : on favorise la responsabilisation, l’implication des élèves, la sérénité des rapports aussi entre élèves et adultes ».

  • 12 Le projet d'établissement (3-ATOS, 1991) est un véritable programme général d'action qui comprend u (...)

36La cheville ouvrière d’une coopération entre les divers membres de la communauté éducative est bien évidemment la co-construction du projet d’établissement12 : « je pense qu’il faut partager une vision : par exemple appuyer ce projet de construire un auditorium pour développer les rapports avec l’extérieur en faisant des spectacles ; travailler avec le conservatoire » ; et ce dénominateur commun, pour ce proviseur, «le cœur du projet éducatif c’est la culture ; donc la culture ça peut se décliner dans tous les sens : la culture artistique, ça peut être culture scientifique, et à partir du moment où on a trouvé ce terme commun, on peut le décliner dans tous les côtés et les gens commencent à adhérer ».

37Récurrentes dans les entretiens reviennent les préoccupations des chefs d’établissement de valoriser l’image que les parents ont du collège ou du lycée de leurs enfants :

  • introduire une seconde européenne en LP pour attirer davantage d’élèves et consolider la dimension internationale du projet d’établissement ;

  • faire le pari d’un système collaboratif, tant au niveau des élèves qu’au niveau des enseignants, dans ce collège, pour remplacer un système jugé trop répressif par un fonctionnement plus responsabilisant : « on va instaurer autonomie, liberté, responsabilité » ; « Il faut que les règles soient claires, qu’elles soient expliquées, et après faire le pari de la confiance auprès des élèves! » ; ce principal rencontre beaucoup de résistances tant de la part des enseignants que des parents pour modifier le système des sanctions ;

  • sur un autre collège d’une dimension beaucoup plus importante, impliquer davantage les parents pour les faire participer aux réunions : « la relation aux parents était incontournable, sans ça, ça ne pouvait pas fonctionner, parce que derrière c’est aussi l’image de l’établissement, la relation intra muros dans l’établissement entre les enfants, les parents et les profs ».

  • faire évoluer l’image de l’établissement, faire contribuer les enseignants à promouvoir la renommée d’un collège situé en périphérie de la ville, en concurrence avec d’autres collèges du centre ville, telles sont les stratégies recueillies auprès de ces cadres.

38Cependant pour d’autres chefs d’établissements nombreux sont les obstacles à franchir pour faire évoluer les attitudes de certains enseignants qui au nom de « leur liberté pédagogique » refusent de co-animer en binôme, de renoncer aux notes pour évaluer par compétences : « pour beaucoup d’enseignants nous ne sommes pas légitimes à ça, pour beaucoup d’enseignants nous n’avons pas de rôle pédagogique, ils ne savent pas en fait ce que c’est un chef d’établissement, ses missions ». Ce versant pédagogique d’une véritable politique éducative requiert pour être admis de penser autrement la formation des enseignants, sinon « tant qu’on est dans la pédagogie « hors classe », on arrive à avancer, mais quand on rentre dans la classe, c’est là où on commence à sentir des réticences ». Ce frein, tributaire des représentations socio-professionnelles des enseignants l’amène à rechercher auprès de « nouvelles CPE jeunes et extrêmement professionnelles et motivées » de nouvelles alliances qui modifient la configuration de ses modes d’intervention : « depuis l’année dernière ça a changé énormément de choses sur le climat ». Et de conclure : « c’est fondamental, cet étayage sur les CPE, sur la vie scolaire. »

39La reconnaissance par les enseignants de la fonction « pédagogique » du chef d’établissement pose problème au point que beaucoup avancent masqués comme l’affirme ce proviseur de LGT : « il faut que je fasse de la pédagogie sans dire que j’en fais, c’est-à-dire que je mets en place de l’accompagnement personnalisé, je sais pourquoi je dédouble certaines heures, je sais comment j’utilise les moyens qu’on me donne dans ma marge d’autonomie ».

40Une des préoccupations majeures de cette proviseure d’un lycée de la banlieue parisienne est de structurer le travail en divers axes de réflexion pour construire le projet d’établissement : pour ce faire l’étayage sur le cadre institutionnel fournit un environnement incitatif et sécurisant qui facilite ces processus coopératifs : « dans ce lycée, ils s’y inscrivent, le conseil pédagogique existait déjà, ils n’ont jamais refusé le conseil pédagogique, par exemple au lycée J**, il n’y a toujours pas de conseil pédagogique, les profs ne veulent pas travailler dans ce cadre-là, ici il n’y a aucun souci, le conseil pédagogique existe, c’est facile ici de travailler, le dialogue est là, même si par exemple il y a des inimitiés très fortes entre enseignants, ils savent faire la part des choses ».

41Ces attitudes de refus de toute intervention « pédagogique » de la part de ces enseignants récalcitrants témoignent d’une distorsion dans leurs représentations professionnelles entre la fonction administrative et gestionnaire qu’ils accordent au chef d’établissement et sa fonction pédagogique et innovante dans la mesure où elle cherche à promouvoir interactions et travail de réflexion collective entre les membres de la communauté éducative. Ces témoignages permettent de comprendre comment peuvent cohabiter, ou s’exclure dans certains cas, management et leadership : ils montrent en tout cas qu’ils ne sont pas au même niveau, le leadership mobilisant un engagement axiologique et des finalités éducatives qui impliquent un changement des postures enseignantes et une redéfinition des modalités d’enseigner.

La première année de la prise de poste dans un nouvel établissement : moment crucial et déterminant pour la suite dans le style de management instauré

42Didier Anzieu (2013) a bien montré les enjeux imaginaires et relationnels qui accompagnent la première rencontre du leader formel avec le groupe dans la mesure où elle cristallise un ensemble d’attentes et de représentations qui rendent cette première prise de contact décisive pour la suite ; c’est pourquoi dans cette transition d’un établissement à un autre et dans la passation des responsabilités à un nouveau chef d’établissement les moments de cette nouvelle prise de fonction semblent déterminants et révélateurs de la manière d’assumer son leadership. Et l’on voit bien que le relationnel et la manière de communiquer priment sur la gestion administrative.

43Nombreuses dans les entretiens sont évoquées comme particulièrement importantes et périlleuses les premières prises de contact dans le nouvel établissement : cette position est d’autant plus fragilisée quand le nouveau principal succède à une ancienne principale très appréciée des enseignants et des parents ; affronter cette situation inconfortable est à la fois un défi pour se faire accepter et faire adhérer le corps enseignant à des modes de coopération différente, en particulier les engager à co-animer, à travailler en équipes : « je suis dans une période où j’essaie d’analyser, de comprendre où j’ai été parachuté, et après d’essayer de travailler en hiérarchisant ; la hiérarchie, là tout de suite, mon action, c’est sur le climat ! C’est la première chose, après il y a une déclinaison pédagogique, etc., et puis il y a aussi la mise en place de cette réforme du collège ».

44Ce contexte semble parfois d’autant plus difficile que la volonté d’introduire des bouleversements dans les méthodes pédagogiques dépend de la stratégie incitative, collaborative, ou décisionnelle adoptée, et ce dans sa dimension chronologique : que changer d’abord ? Quelles priorités hiérarchiser ?

45Ce principal présente sa relation avec le rectorat comme très positive, facilitatrice, réconfortante, il trouve un soutien auprès de sa hiérarchie, mais cet accompagnement bienveillant ne suffit pas à lever les obstacles rencontrés au sein du collège :

Nous, on est sur du pilotage avec des indicateurs, des objectifs bien définis, on les analyse, on les co-construit avec notre tutelle, l’inspecteur d’académie, et après on en discute sur les points de progrès, de difficulté, etc., une espèce de boucle analyse, action, indicateurs, retour, redéfinition, etc. Le corps enseignant n’est pas construit comme ça, le statut ne le prévoit pas, les évaluations ne sont pas du tout faites comme ça, elles sont extrêmement infantilisantes, moi je trouve !

46Il se heurte alors à une sourde résistance de certains enseignants, à des critiques de la part des parents, quant à sa manière d’animer le Conseil d’administration et se plaint d’un manque de formation des enseignants au travail en groupe, d’une inertie et d’un refus chez certains de s’engager dans le co-enseignement, de revoir leurs méthodes pédagogiques.

47Une autre principale rencontre de grandes résistances de la part des enseignants quand elle veut au nom d’une politique éducative pour un meilleur engagement des élèves dans les apprentissages mobiliser les enseignants à adopter une évaluation par compétences :« je voulais en arrivant qu’il y ait de plus en plus de classes qui soient sans note, or j’ai un mouvement actuel d’enseignants qui veulent revenir sur des classes de notes pour tous, avec l’argument : on a envie de mettre des notes, parce que c’est plus parlant, parce qu’ils préfèrent ! » Et cette principale de collège de la banlieue parisienne conclut : « imposer ne servira pas à grand-chose si ce n’est à remettre un peu plus de tension entre les enseignants et moi ».

  • 13 Ceci fait référence à la règle de la mobilité dans l’institution qui oblige les chefs d’établisseme (...)

48Cet accueil mitigé a été aussi ressenti lors des premiers contacts avec le personnel d’un grand lycée de centre-ville par le nouveau proviseur quand il prend la suite de son prédécesseur : « quand on arrive on est un peu regardé avec des yeux bizarres, par rapport aux collègues on nous fait très rapidement comprendre qu’on a pris la place de quelqu’un, ça c’est sûr, c’est assez particulier là-dessus ! Ce que je n’ai pas du tout connu ailleurs, où il y avait une mobilité acquise, où les gens, vos collègues n’interrogent pas vos compétences, pourquoi vous êtes là. Ici ça a été un peu le cas, il a fallu aussi s’installer et expliquer les choses et donc pour revenir à la question de la mobilité institutionnelle13, je pense qu’il faut prendre son temps et en même temps en fonction de la situation dans laquelle on est, pas hésiter à essayer d’imprimer sa marque assez rapidement. » En opposant son expérience dans le poste précédent et son arrivée dans ce lycée de centre-ville où les enseignants refusent de bouger, il souligne combien savoir repérer les caractéristiques du contexte et le poids du passé est décisif pour définir sa propre stratégie d’intervention. Il souligne l’intérêt de prendre en compte l’existant, de comprendre le climat de l’établissement tout en imprimant sa marque dans son éthique de la communication :

On a quand même quelques facilités quand on arrive, l’organisation de la rentrée peut déjà donner un ton sur la façon dont vous voulez piloter, manager, exercer votre leadership, donc même s’il y a des distinguos à faire dans cette étape-là, mais ensuite la façon dont vous accueillez les gens, la façon dont vous mettez en place les réunions, la façon dont vous vous adressez aux gens, la façon dont vous communiquez, ça, il n’y a pas besoin d’analyse, ça, c’est déjà votre propre personnalité qui va faire sentir la façon dont vous voulez travailler avec les gens.

  • 14 Instaurée en 2001, la lettre de mission au chef d'établissement a été supprimée en 2021 parce qu'el (...)

49Mais comme son arrivée dans le lycée coïncide avec le début de la pandémie de la COVID-19, il a eu surtout recours au numérique, et n’a pas pu beaucoup s’appuyer sur ce qu’il appelle des « moments institutionnels » : « il faut qu’on se les crée nous-mêmes » ; il mentionne que le contexte COVID a modifié sa manière de s’adresser aux personnels, requérant une attention accrue aux besoins des personnes, y compris à distance (le sentiment d’urgence est relativisé). Si ces conditions ont modifié ses relations avec les équipes enseignantes à son arrivée, en revanche, il mentionne la nécessité de construire et de s’appuyer sur des tableaux d’analyse des indicateurs de pilotage qui lui permettent de partager un langage commun avec ses responsables hiérarchiques du rectorat : « très rapidement on nous demande un diagnostic, c’est-à-dire quand un chef d’établissement arrive sur son poste, vers octobre, novembre, le recteur va demander de faire très rapidement un diagnostic pour pouvoir établir une lettre de mission »14. La nécessité du confinement l’a empêché d’aborder d’emblée avec les équipes la question du projet d’établissement, qu’il entreprend ensuite de co-construire avec les équipes enseignantes seulement début 2022 dans le cadre du calendrier d’évaluation des EPLE : « il faut prendre du temps et être modeste ! Un chef d’établissement, c’est pas Zorro ! On n’arrive pas avec nos préceptes, je pense qu’un des gros écueils qu’on pourrait avoir, c’est d’essayer de reproduire systématiquement nos réussites des postes passées ».

  • 15 Il précise en effet son métier d’origine « Moi quand j’étais CPE, de toutes façons je travaillais t (...)

50Lui aussi souligne l’importance de son parcours antérieur, comme déterminant dans la manière dont il conçoit d’assumer sa fonction actuelle15, où il revendique une stratégie d’évaluation par le tableau d’indicateurs fournis par le Ministère : « Ici il n’y avait aucun tableau de bord, donc moi je les amène, je les crée. Par exemple avec la vie scolaire on a créé aussi des tableaux de bord, ils n’existaient pas. Pas de projet de vie scolaire ! Donc on parle de climat scolaire, on n’avait pas de notion de punition, de sanction, de projet d’évaluation de projets, tout ça c’est une dynamique qu’il faut mettre en œuvre, dans un lycée comme celui-là rien n’existait, donc il faut créer ! ». Fort de son expérience antérieure, il reproduit malgré tout ce qu’il avait utilisé précédemment, tout en l’adaptant au nouveau contexte !

  • 16 « Les professeurs ont voulu faire des projets autour du développement durable », « après il y a l’a (...)

51Un proviseur de LP, dès son entrée dans le poste, remet très rapidement sur la table le projet d’établissement ; sa stratégie est à la fois de s’appuyer sur l’existant, tenir compte des particularités de fonctionnement participatif de l’établissement, mais aussi de poursuivre régulièrement les consultations collectives pour choisir les nouvelles thématiques à développer: «la particularité de cet établissement c’est qu’il y a une assemblée générale, une assemblée plénière environ tous les mois et demi, on a tout le monde, tous les personnels, en dehors du temps, après 17 heures, on y va, on bascule en Assemblée générale (AG), c’est un peu descendant, c’est vrai, mais ça amène discussion, échanges et le projet d’établissement on l’a amené comme ça ! ». Il détaille alors par la suite comment a pu s’élaborer plus précisément ce projet. Pour mieux y réfléchir collectivement sont mises en place des demi-journées banalisées : « on a travaillé sur quelques grandes thématiques, trois axes16 à développer et puis après par commissions sur ces axes, il a été co-construit », et il précise par toutes les personnes, « pas uniquement les enseignants, c’est les personnels de service, c’est la vie scolaire, tout le monde était invité ce qui a permis parfois de crever quelques abcès ». Un tel étayage sur ces médiations groupales facilite la mise en œuvre d’un leadership distribué et transformatif (Aubert, 1994, p. 391).

52Cette autre principale qui a pris son poste juste avant l’arrivée du COVID-19 essaie de promouvoir un mode de fonctionnement participatif : «j’ai eu de la chance parce que la COVID-19 n’était pas encore là, en janvier 2020, on a fait une demi-journée et là j’avais suspendu les cours et là tous les personnels étaient invités, les agents techniques, la vie scolaire, les assistants d’éducation, tout, pas que les enseignants ! » Cette confrontation inter-statutaire favorise une ouverture à l’altérité : « ça obligeait les enseignants à travailler avec le service de la vie scolaire et à se poser des questions sur eux-mêmes, sur leurs pratiques, sur leur façon de faire et je pense que là, le levier de ce « travail de suivi des gamins en concertation » et non pas « je me décharge », je pense qu’il a commencé là en fait». Un tel collectif de travail encourage un climat de convivialité : « les enseignants étaient surpris au départ qu’il y ait des agents techniques, des surveillants, etc., et en fait tout le monde était ravi et en plus à la fin on a mangé la galette, il n’y avait pas encore la COVID-19, on avait le droit à ce moment-là ! Cela a été une demi-journée fabuleuse. »

53L’arrivée de la pandémie coïncide avec la restitution de l’enquête qu’elle avait demandée sur le climat scolaire, ce qui en bouleverse tout le déroulement : « au moment de la restitution, normalement il y a un groupe de travail qui décortique tous les items, là on a eu une restitution globale … et ce travail-là n’a pas été fait complètement à cause de la COVID-19 », « en fait s’il n’y avait pas eu la COVID-19, on aurait pu tout décortiquer ». Cette amputation d’une étape importante qui est celle du dépouillement collectif et interactif d’un document de travail par les divers membres de la communauté éducative retentit sur la suite dans la co-construction du projet d’établissement où la principale constate le peu d’implication des enseignants dans leur participation à proposer des axes de travail et à accepter de réfléchir à « mettre l’élève au centre »; « dans le retour de l’enquête « climat scolaire » j’ai abordé en conseil pédagogique le fait que dans les résultats les élèves avaient un sentiment d’injustice par rapport aux évaluations, alors là ça a été un tollé ! C’était inadmissible… »

54Ce bouleversement introduit une rupture dans la participation à un investissement collectif difficilement acquis et un repli sur soi engendrant agressivité et refus de collaborer.

55L’exigence du confinement a ruiné pour beaucoup de chefs d’établissement la possibilité d’une importante coopération et confrontation entre tous les membres de la communauté éducative et a rendu difficile la co-construction d’un projet fédérateur : le proviseur d’un grand lycée de centre-ville en province dit ne pas avoir encore pu élaborer de projet d’établissement : « alors la situation a été particulière, c’est-à-dire je n’ai connu le lycée qu’en temps de crise depuis que je suis là, entre la crise des Épreuves communes de contrôle continu (E3C), la crise des retraites et le confinement, et la COVID, par contre le projet de l’établissement, ça se co-construit ! Il faut arriver à dégager des axes, moi je pense que les axes c’est à moi de les donner, en tout cas au moins l’architecture, et après faire confiance aux équipes pour tout ! »

56Il trouve cependant à cette crise sanitaire une contrepartie positive dans le recours au numérique : « l’utilisation du numérique c’était tout sauf gagné ! Que tout le monde utilise l’Environnement Numérique de Travail, les visios, puisse déposer du travail, accompagner à distance, etc., ça a été une vraie révolution et ça a fonctionné globalement plutôt bien ; ça a été aussi une source de valorisation des personnels. »

57Il insiste alors sur les effets transformateurs de cette crise dans les attitudes tant pour lui que pour certains enseignants : « cette période-là m’a appris à prendre un peu plus de temps pour dire qu’on n’est pas constamment dans l’urgence ; l’urgence on l’a vécue, maintenant on sait ce que c’est ; donc on est capable maintenant de prendre du recul et de se dire : il n’y a pas besoin de traiter cela dans le quart d’heure ! On peut prendre un peu de temps pour la réflexion ! ».

  • 17 Ainsi que le mentionnent Hélène Buisson-Fenet et Yves Dutercq (2015, p. 10) en soulignant le « rôle (...)

58Cette expérience de crise s’avère donc une expérience à double tranchant dans la mesure où elle a forcé des chefs d’établissement à faire preuve d’une certaine adaptabilité et souplesse malgré « des injonctions contradictoires incessantes » ! Ainsi certains chefs d’établissement reconnaissent qu’ils sont soutenus par les instances académiques quand ils demandent de l’aide17 : « on est quant même bien étayé ! On est soutenu dans notre action, on a besoin d’un appui technique, on l’a quel qu’il soit, si on a besoin d’une écoute, parfois au bout d’un moment, on a de l’écoute du côté de la vie scolaire, on a une équipe qui est quant même assez compétente ». Ce soutien est d’autant plus apprécié quand certains rencontrent de grosses difficultés de coopération avec les enseignants la première année dans leur nouvel établissement.

Conclusion : management ou pilotage ? Une conception cybernétique du leadership

59Voici, en exergue, le témoignage de la représentation professionnelle qu’a pu élaborer cette principale d’un collège de la banlieue parisienne durant sa formation : « mon chef d’établissement, quand j’étais stagiaire, qui était un vieux chef d’établissement génial, il m’avait dit : « toi, tu es le pilote, le commandant du bateau, tu es le capitaine ; tu dois savoir où tu vas, et il faut que tout le monde sache où on va ! Et à partir de là, on y va » ; voilà moi c’est ma façon d’illustrer ça en fait ! ».

  • 18 Platon (2006) Phèdre. Flammarion, 247C. ; Platon (1998) La république. Garnier Flammarion, 551c.

60Recourir à cette métaphore du pilote (image platonicienne du κυβερνητϛ ou kubernètès18) implique de mettre l’accent sur le système de valeurs dont le chef d’établissement se réclame ; au nom de cet engagement axiologique ce dernier cherche à promouvoir une politique éducative fondée sur une éthique de la communication auprès des enseignants : les faire s’engager davantage à assumer leur rôle d’une éducation citoyenne, redéfinir les missions des enseignants en leur demandant de recevoir plus fréquemment les élèves et les parents, faire participer davantage les enseignants à la vie scolaire, les faire s’impliquer davantage dans la communauté éducative, mobiliser les enseignants à promouvoir une bonne image de leur établissement. Plusieurs des chefs d’établissement interrogés souhaitent une plus grande responsabilisation des enseignants dans leur participation à la vie scolaire en tenant compte de ce que ressentent élèves et parents, une principale refuse de convoquer les parents aux conseils de classe, elle préfère les « inviter à participer » en insistant sur l’importance symbolique de ce changement sémantique.

61Il ne s’agit pas ici de trancher entre management ou pilotage mais de souligner les dimensions éthique, politique et sociétale des missions des chefs d’établissement contrairement aux seuls aspects techniques, administratifs et de performance du management : voici ce que conclut un proviseur quant à son engagement dans sa fonction au nom de valeurs républicaines et démocratiques de l’éducation comme ascenseur social: « effectivement la dimension managériale est nécessaire, il y a des choses qui sont extrêmement similaires entre un cadre supérieur de l’éducation nationale et des cadres supérieurs d’entreprise, mais il y a quand même, in fine, derrière la fonction publique, et moi s’il y a quelque chose à laquelle je suis extrêmement attaché, c’est vraiment ça. » Une autre principale revendique elle aussi son engagement éthique : «mes priorités dans mon pilotage pédagogique c’est d’abord l’équité entre les élèves, et tenter de favoriser l’égalité des chances. »

62Cette conception d’un leadership collectif et distribué nous semble bien résumée dans la remarque récapitulative de ce proviseur de LP :

Si les enseignants et les jeunes se sentent bien, je crois qu’ils apprendront mieux, je ne dis pas qu’on résoudra tous les problèmes, il n’empêche qu’on peut faire avancer les choses :
1) en écoutant les jeunes et les personnels, ce que j’appellerais la bienveillance,
2) ce qui me paraît aussi important c’est la confiance qu’on doit installer dans les équipes de direction, c’est-à-dire entre l’adjoint et le proviseur, c’est un couple, si ça ne fonctionne pas bien, ça va coincer ; le gestionnaire général, les personnels administratifs, c’est une dynamique, ça va mieux quand c’est comme ça. !

63Ce symbole emblématique du « pilote » platonicien pourrait nous amener à détecter une ambiguïté dans la notion même de « pilotage » à travers ces deux aspects : un versant techniciste, managérial, qui, seul, ne peut satisfaire aux finalités ultimes de l’Education, un versant axiologique, ethos associé à des caractéristiques éthiques de responsabilité, garant d’un ordre juste et porteur de valeurs d’équité et de solidarité collective. Pour «faire de l’école un véritable lieu de vie démocratique » (Blais, 2013), il convient de maintenir l’équilibre entre cette double fonction, administrative et pédagogique, qui témoigne de cette symbolique de Janus et de subordonner le management à ce principe structurant les interactions qu’est le leadership.

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Bibliographie

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Notes

1 Réforme 2005 : la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école ; 2008 : réforme de l’école primaire ; 2009 : réforme de la voie professionnelle ; 2010 : la réforme du lycée ; 2013 : la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République ; 2013 : réforme des IUFM ; 2016 : réforme du collège ; BO du 19 juillet 2018 : réforme du baccalauréat général et technologique ; 2018 : transformation de la voie professionnelle.

2 Le nombre important des dispositifs développés lors du quinquennat 2017-2022 est mentionné dans la circulaire de rentrée 2021 parue au BOEN no 25 du 24 juin 2021.

3 Rapport de la Cour des comptes de décembre 2017 « L’éducation nationale : organiser son évaluation pour améliorer sa performance ».

4 Se reporter au Rapport-IGAENR-2017-080-Evaluation-etablissements-academies_883639.pdf.

5 Crozier et Friedberg ont insisté sur la nécessité de reconnaître le phénomène de pouvoir comme une relation alors que la figure d’autorité renvoie à un statut dont l’institution implique de recourir à des médiations pour l’exercer (1977, p. J31).

6 Voici comment Yves Dutercq articule ces deux « facettes » du leadership : « d’une part la manière dont le leader « formel » (la direction) reconnaît et prend en compte le leadership « informel » qu’exercent les membres du personnel en situation, et dans un domaine d’activité spécifique ; d’autre part, la manière dont le leader « formel » parvient à instaurer une organisation du travail qui permet de combiner, au mieux, les apports des uns et des autres afin de produire une valeur ajoutée » (Dutercq., Gather Thurler et Pelletier, 2015, p. 14.)

7 Cette opposition rejoint la distinction fondamentale qu’introduit Max Weber (1922), et après lui Habermas (1987) entre une rationalité téléologique (Zweckrationalität) et une rationalité éthique (Wertrationalität ou Zielrationalität).

8 Girin, op. cit., p. 173 : « Un agencement organisationnel est une combinaison de ressources hétérogènes, un composite à qui a été confié un mandat ».

9 « Il faut apprendre à travailler en groupe ».

10 Voici comment Nicole Aubert commente cette attitude : «c’est-à-dire à accomplir leur tâche le mieux possible, à assumer leurs responsabilités, à commander », (Aubert, op. cit. p. 370).

11 Michel Crozier (1977) les appelle des marginaux sécants.

12 Le projet d'établissement (3-ATOS, 1991) est un véritable programme général d'action qui comprend un projet pédagogique défini par les enseignants, avec le chef d'établissement et ses collaborateurs, en particulier les conseillers d'éducation. Loi du 10 juillet 1989  [Article 18).

13 Ceci fait référence à la règle de la mobilité dans l’institution qui oblige les chefs d’établissement à rester dans leur poste trois ans au minimum et neuf ans au maximum.

14 Instaurée en 2001, la lettre de mission au chef d'établissement a été supprimée en 2021 parce qu'elle ne pouvait plus être communiquée au seul chef d'établissement.

15 Il précise en effet son métier d’origine « Moi quand j’étais CPE, de toutes façons je travaillais toujours par indicateurs comme outil de pilotage, c’est-à-dire le taux d’absentéisme, les sanctions ».

16 « Les professeurs ont voulu faire des projets autour du développement durable », « après il y a l’aspect culturel, il y a un festival… », le 3ème axe «étant le bien être au travail ».

17 Ainsi que le mentionnent Hélène Buisson-Fenet et Yves Dutercq (2015, p. 10) en soulignant le « rôle crucial désormais dévolu aux responsables intermédiaires» pour mobiliser les personnels de terrain ».

18 Platon (2006) Phèdre. Flammarion, 247C. ; Platon (1998) La république. Garnier Flammarion, 551c.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Christiane Montandon et Marie Brégeon, « Entre management et leadership : le « pilote » comme figure emblématique de l’activité des chefs d’établissement »Éducation et socialisation [En ligne], 68 | 2023, mis en ligne le 30 juin 2023, consulté le 14 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/edso/23554

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