Introduction

1Cet article s’intéresse à l’extension depuis 2018 du mandat des professeurs principaux (PP ci-après) en matière d’information et d’orientation des lycéens ainsi qu’à sa mise en œuvre à l’échelle d’un établissement polyvalent. Les enseignants, et plus spécifiquement les PP, disposent depuis le début des années 1960 d’un mandat implicite en matière d’orientation (Mellouki et Gauthier, 2003). En effet, c’est à partir de leurs évaluations et de leurs appréciations que les enseignants formulent des propositions d’orientation. Chez Hughes (1996), la notion de mandat est indissociable de celle de licence. Celle-ci renvoie à l’autorisation d’occuper un certain champ d’intervention professionnelle après qu’il ait été convoité et revendiqué par un groupe professionnel ; le mandat correspond au pouvoir symbolique que tirent les professionnels de leurs savoirs et leurs positions pour ordonner le monde social (Le Floch, 2008).

3Faisant partie jusqu’alors du champ de compétences des conseillers d’orientation-psychologue (PsyEN depuis 2017), ces missions sont transférées aux PP sans qu’elles n’aient été revendiquées par les intéressés et sans qu’elles ne se réfèrent à un ensemble de savoirs et de compétences dont seraient porteurs les PP. Or, selon Bonnéry (2021, p.65), le processus de scolarisation s’accomplit lorsque le but éducatif est explicite, s’appuie sur des savoirs objectivés et un programme d’études. La scolarisation de l’orientation (Danvers, 1988) reste en définitive largement inachevée ou partielle. Plusieurs sources pointent l’insuffisance de la formation et le faible sentiment de compétences des PP (Benhaïm-Grosse, 2008 ; Cour des comptes, 2020). C’est pour toutes ces raisons que l’élargissement du mandat des PP est considéré dans cet article comme une charge supplémentaire, un mandat ambigu qui prend aussi l’aspect d’une injonction dont les enseignants ne tirent pas d’intérêts spécifiques hormis une compensation financière sous la forme de l’Indemnité de Suivi et d’Orientation des Elèves (ISOE).

4Le mandat élargi répond non seulement à l’objectif de favoriser l’élaboration par chaque élève d’un projet d’orientation mais aussi de l’amener à acquérir les compétences nécessaires constitutives de son engagement et plus largement de sa liberté de choix. Le paradoxe d’un mandat qui est attribué sans être revendiqué interroge alors l’effectivité et les modalités de l’accompagnement de l’élève fourni par les PP. Il incite à clarifier la manière dont est institutionnellement conçue et outillée l’orientation en tant qu’activité professionnelle spécifique. Il conduit également à questionner la manière dont les missions d’orientation s’inscrivent dans le travail ordinaire des PP, auprès des élèves dans leur salle de classe, et compte tenu des logiques propres à leur établissement. Il appelle enfin à tenter de dégager des variables et des indicateurs qualitatifs [ou observables], voire des figures idéales-typiques, permettant de rendre compte des constantes et principales différences quant à la manière dont les PP habitent leur rôle d’accompagnement à l'orientation en classe de terminale.

5Ces questions et objectifs ont guidé l’enquête qualitative menée dans un lycée polyvalent d’Ile-de-France auprès de dix professeurs principaux et trois personnels de direction. Nous montrerons que le caractère institutionnel du mandat non revendiqué aboutit à une forme de responsabilisation des PP orchestrée par le déploiement d’outils dont ils ont à se saisir et qu’il induit au quotidien un rapport malaisé au travail d’accompagnement à l’orientation. Les pratiques enseignantes n’en restent pas moins très diverses : nous tâcherons d’en rendre compte en esquissant une typologie comprenant quatre figures d’accompagnement oscillant entre logiques de sécurisation des parcours et d’individualisation de l’intervention.

Encadré méthodologique

Les guides pour les entretiens semi-directifs avec les PP de terminale s’organisent selon plusieurs entrées : conception de l’orientation ; activités menées ; supports et instruments ; organisation et pilotage de l’orientation au niveau de l’établissement ; différences et évolution du rôle de PP ; éléments socio-biographiques. Celui qui a été élaboré pour les personnels de direction (proviseur, proviseur-adjoint, directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques, ci-après DDFPT) comporte des entrées similaires : profil et point de vue sur l’orientation ; rôle et activités du PP en matière d’orientation ; coordination et organisation ; évolutions de l’orientation. Les entretiens recueillis concernent 4 PP en filière générale, 3 en filière professionnelle, et 3 en filière technologique. Si les accords de principe n’ont pas été difficiles à obtenir, il a été en revanche plus complexe de trouver des créneaux pour mener les entretiens. Anticipant sur leurs faibles disponibilités à partir de janvier, les entretiens ont été menés en fin d’année civile 2021. En raison de la centralité de Parcoursup comme plateforme et comme procédure, le niveau de terminale nous garantissait de pouvoir observer le travail fourni par les PP en matière d’accompagnement à l’orientation.

Un mandat non revendiqué 

Une « scolarisation » ou une dilution de l’orientation : l’évolution du mandat des PP

7L’orientation scolaire fut l’objet de luttes inter et intra-professionnelles depuis l’Entre-deux-guerres. La revendication portée par un large mouvement d’orientation professionnelle (Huteau et Lautrey, 1977 ; Martin, 2021) de substituer, à la pré-sélection des élèves à l’entrée de l’enseignement secondaire, une sélection en cours de scolarité sur la base de leurs aptitudes réelles, a opposé les enseignants du primaire et du secondaire d’une part, et les enseignants et les conseillers d’orientation professionnelle d’autre part, jusqu’à la fin des années 1950 (Lehner, 2020). L’enjeu était de taille : les personnels appelés à observer et évaluer les aptitudes des élèves auraient dès lors un pouvoir de (re)définition des critères d’orientation et, se faisant, potentiellement un mandat pour légitimer l’ordre scolaire en place, ou pour le délégitimer au profit d’un nouveau (Frajerman, 2007). Avec la réforme Berthoin de 1959, l’orientation, qui devient scolaire et professionnelle, continue d’être un mandat confié aux enseignants. C’est sur la base de leurs observations et des résultats scolaires des élèves, que le PP - dont le rôle est fixé par la circulaire de septembre 1960 - guide l’orientation des élèves du cycle d’observation (Rottier, 2022). Autrement dit, l’orientation scolaire des élèves telle qu’elle est décrite dans les textes officiels ne renvoie pas à un ensemble de savoirs extérieurs spécifiques. Elle repose sur les savoirs disciplinaires dont sont porteurs les enseignants qui organisent implicitement la sélection des élèves. Cette légitimation des savoirs scolaires s’observe également à la finalité que les réformateurs de l’École assignent à l’orientation. S’ils cherchent à élargir le recrutement de l’enseignement secondaire et à introduire plus de justice, ils envisagent aussi un moyen de préserver l’ordre scolaire de l’explosion scolaire (Cros, 1961) et d’ajuster l’École aux besoins de l’économie (Bongrand, 2012). L’orientation répond ainsi aux logiques académiques et professionnelles (Lehner, 2020).

8Les projets de créer le statut de « professeur-conseiller » en 1966 puis celui de « professeur-correspondant » en 1973 confirment le pouvoir des PP et ceux des enseignants en matière d’orientation. Toutefois, le second projet de statut induit par son intitulé le renforcement du dialogue avec les familles. Il coïncide avec l’élaboration progressive d’un système d’orientation – procédures d’orientation, diffusion nationale d’informations sur les filières d’enseignement et les métiers – et de la légitimation progressive de la thématique de la liberté de choix. Conséquence non seulement de l’avènement de l’échec scolaire et de l’insertion professionnelle des jeunes comme problème public légitime (Chapoulie, 2010) mais aussi de l’élaboration de savoirs et de pratiques spécifiques (psychopédagogie de l’orientation professionnelle, éducation des choix, Activation du Développement Vocationnel Personnel, ci-après ADVP) par les conseillers d’orientation (Danvers, 2022), une orientation libérale et éducative prend progressivement place dans les textes officiels au cours des années 1970 au côté des conceptions académiques et professionnelles (Chapoulie, 2010 ; Verdier, 2010). Il convient en effet que les élèves élaborent des choix assumés plutôt que contraints. Si l’on trouve des traces d’un nouveau souffle pour l’orientation dans des projets ou des circulaires qui mentionnent le projet personnel de l’élève, l’alternance politique, le renforcement du pouvoir des enseignants sous les ministres Haby et Chevènement ainsi que la relation toujours étroite entre École et économie relèguent au second plan la concrétisation de la scolarisation de l’orientation.

9Le mandat des PP s’élargit peu à peu après que la loi d’orientation de 1989 légitime une conception « active » de l’orientation qui vise à substituer à une orientation trop souvent perçue comme un « verdict » une orientation « conseil ». Le décret et la circulaire de janvier 1993 rendent explicite le mandat des enseignants et celui des PP en matière d’orientation puisque ces deux textes définissent une indemnité fixe (dont le montant en 2022 est fixé à 1256,53 euros par an) attribuée à tous les enseignants pour le suivi et l’évaluation des élèves et une indemnité modulable versée aux PP (dont le montant varie selon la filière) pour la coordination du suivi des élèves et de la préparation de leur orientation en lien avec le conseiller d’orientation-psychologue. Les circulaires de 1996 relatives à l’éducation à l’orientation réaffirment la place et la valeur des savoirs disciplinaires pour l’orientation des élèves dans la mesure où ce sont les disciplines qui participent à l’élaboration de compétences transversales chez les élèves. Les conseillers d’orientation, qui ont obtenu le titre de psychologue en 1991, figurent parmi les personnels ressources sans que leur spécificité soit précisée. Leur rôle semble d’ailleurs progressivement se réduire au profit des PP qui se verront notamment explicitement confier en 2007 et 2008 la charge de l’entretien individuel en classes de première et de terminale, puis en 2010 la coordination de l’accompagnement personnalisé des élèves.

10Plus de cinquante ans après la réforme Berthoin, qui définissait le rôle du PP et l’introduction de l’orientation comme nouveau mode de sélection des élèves (Prost, 2013), l’orientation est intégrée aux enseignements dans un but éducatif explicite : celui de développer chez l’élève les compétences nécessaires à l’élaboration de son projet d’orientation. Paradoxalement, la conception éducative de l’orientation, développée à partir de la fin des années 1950 par les conseillers d’orientation et dont sont ensuite issues des méthodes spécifiques comme l’éducation des choix, l’ADVP, la psychopédagogie du projet personnel de l’élève, etc…, n’a pas servi à construire des programmations et des progressions spécifiques à destination des élèves et dont auraient pu se saisir les PP. C’est sans doute en raison de la faible légitimité des conseillers d’orientation et de leur expertise auprès de l’État et de leur auditoire (Lehner, 2020) et/ou de leur nombre insuffisant, mais aussi parce que l’éducation à l’orientation a souvent été réduite à un accès à l’information et à des dispositifs spécifiques.

Des dispositifs en lieu et place de savoirs et de temps : la responsabilisation des acteurs éducatifs

11Avec cette extension par rapport à leurs missions du début des années 1960, le mandat des PP devient paradoxalement plus explicite mais aussi plus ambigu. Les PP deviennent juge et partie dans le processus puisqu’ils occupent un double rôle : celui d’accompagnant et de conseil auprès de l’élève ; celui de représentant de l’équipe pédagogique auprès de l’élève et de sa famille et à ce titre celui de messager du verdict scolaire. Cette contradiction apparente s’explique par l’absence de compromis dans les politiques éducatives entre une conception académique et une conception professionnelle de l’orientation (Verdier, 2010 ; Lehner et Pin, 2019). L’action publique éducative en la matière s’est donc élaborée selon le double objectif de maintenir l’ordre scolaire d’une part, et de réguler les flux selon les besoins de l’économie d’autre part, tout en continuant à garantir à l’élève et à sa famille un ensemble de droits et de dispositifs grâce auxquels ils exercent leur liberté et engagent leur responsabilité.

12L’ambiguïté du mandat des PP peut aussi s’interpréter comme le résultat d’une dépersonnalisation du pouvoir et du savoir (Lahire, 2005) en matière d’orientation. Les dispositifs pédagogiques déployés dans le cadre de l’éducation à l’orientation à partir de 2010 sont en effet autant d’indices d’une volonté d’attribuer à l’élève une plus grande maîtrise de son orientation. Le Parcours Découverte des Métiers et des Formations (puis en 2015 le « Parcours avenir »), l’entretien personnalisé, les dispositifs d’appariement comme Affelnet et Admission Post-Bac en 2008, participent de la même dynamique d’objectivation et de publicisation des informations auxquelles les élèves doivent se reporter pour construire les savoirs nécessaires à l’élaboration et au réajustement potentiel de leur projet d’orientation. Au cours de cette dynamique, le PP n’est donc pas celui qui sait mais celui qui facilite aux élèves l’accès et l’appropriation d’un ensemble de ressources. Pour Lahire, l’idéal pédagogique de l’autonomie a un coût pour l’enseignant (Lahire, 2005, p. 339) : ce qui relevait autrefois de son arbitraire, car « allant de soi », doit dorénavant être justifié à l’élève et sa famille. Dans le domaine de l’orientation, cette justification s’est révélée fréquente dans la mesure où les dispositifs tels qu’Affelnet, APB puis Parcoursup, censés expliciter les procédures et critères de sélection, n’ont pas tenu leur promesse de transparence (Grenet, 2022 ; Frouillou, Pin et van Zanten, 2022).

13En plus de l’incertitude, caractéristique de leur mandat, liée à cette position ambivalente de juge et partie, s’ajoute l’absence de savoirs spécifiques en orientation, qui leur confère un faible de sentiment de compétences (Benhaïm-Grosse, 2008 ; Cour des comptes, 2020). Les PP se trouvent de plus en plus exposés aux attentes voire aux contestations des familles à mesure que leur responsabilité « spécifique » est réaffirmée pour aider les élèves dans la construction de leurs choix d’orientation.

14Compte tenu des écarts récurrents, dans le champ éducatif, entre les objectifs des politiques nationales et leurs traductions locales (van Zanten, 2005), il est indispensable d’étudier la manière dont les enseignants se saisissent de leur mandat en matière d’orientation dans leur activité professionnelle au quotidien au sein de leurs établissements. Les deux parties suivantes ont pour but d’y contribuer en s’appuyant sur l’enquête conduite dans un lycée polyvalent d’Île-de-France.

Un travail malaisé

15L’enquête visait à documenter le travail ordinaire réalisé par les personnels d’un lycée et en particulier par les PP de classe de terminale dans l’intention de « “dégonfler” une approche trop institutionnelle » (Barrère, 2017, p. 17). L’une des intentions était ainsi de traquer les « dissociations fréquentes vécues entre statut et métier » (ibid.) par les PP en ce qui concerne leur responsabilité en matière d’orientation. Il s’agissait ainsi de mettre à l’épreuve l’hypothèse que ce mandat contribuait aux « malaises enseignants » (Barrère, 2017) et en l’occurrence au développement d’un sentiment mêlé d’inconfort, vis-à-vis de la logique de sélection accrue à l’entrée dans le supérieur, et d’impuissance à apporter le temps, les informations et les conseils nécessaires aux élèves pour les aider à se projeter dans la poursuite de leur parcours de formation.

Un mandat adressé et reçu sur un mode fonctionnel

16Le contexte de mise en œuvre de la réforme pouvait sembler propice à l’expression par les enseignants d’une forme de contestation professionnelle voire politique, en référence à l’idée qu’ils se font de leur métier d’enseignant du second degré. On pouvait ainsi s’attendre à ce qu’ils expriment de manière récurrente leur souhait de voir reconnaître leur maîtrise de savoirs disciplinaires plutôt que de savoirs « périphériques » portant sur le développement de compétences à s’orienter des élèves. On pouvait également s’attendre à ce qu’ils invoquent d’eux-mêmes leur attachement à une valeur « civique » plutôt que « marchande » de l’École (Boltanski et Thévenot, 1991) pour prendre des distances avec la logique de mise en compétition généralisée des élèves pour accéder aux études supérieures.

18Les enseignants appréhendent généralement leur mission d’accompagnement à l’orientation en se plaçant dans une fonction d’exécution inscrite dans les instructions officielles de l’institution scolaire et au regard desquelles ils doivent contribuer au bon déroulement de la procédure d’expression des vœux des familles, de leur traitement en conseil de classe, puis de la constitution du dossier Parcoursup des élèves. Ainsi, en voie générale, Mme Tenet, professeure de SVT, consacre une séance du début d’année pour mettre les élèves en situation de chercher des formations sur la plateforme Parcoursup, puis demande aux élèves de rendre après les vacances de la Toussaint un travail visant à fournir une première liste de vœux de formations. En voie technologique, M. Slimane et M. Louis entreprennent dès le premier trimestre de traquer les vœux d’orientation « hallucinants » parfois alimentés par des parents « perchés » qu’il s’agit de détecter dès le premier rendez-vous d’octobre. En voie professionnelle, Mme Jean utilise ses premiers entretiens avec les parents pour les informer des dates butoir de la procédure, puis consacre ses heures d’Accompagnement Personnalisé avec les élèves pour les aider à créer leur dossier Parcoursup et à rédiger leurs lettres de motivation.

19Ces pratiques d’accompagnement centrées sur l’exécution de la procédure sont ici présentées en référence à leur inscription dans des contextes d’enseignement propres aux voies générale, technologique et professionnelle. Il ne s’agit pas de supposer un « effet filière » sur les manières de traduire opérationnellement la procédure d’orientation post-baccalauréat. Il nous semble en revanche que le jeu de différenciation des situations pédagogiques que permet l’entrée empirique par les filières offre la possibilité d’observer plus complètement la manière dont l’accompagnement à l’orientation conduit à déstabiliser les enseignants.

L’expertise des enseignants déstabilisée

20Les entretiens avec les PP permettent également de relever qu’ils expriment rarement un sentiment d’incompétence totale en matière d’orientation. Ils ont même plutôt tendance à mettre en avant leur expertise pour identifier le profil des élèves et apprécier leurs potentialités en termes de poursuite d’études. Cette compétence s’exprime d’autant plus clairement quand les enseignants sont aussi responsables de formations post-baccalauréat dans leur établissement, et donc en charge de la sélection des candidats. Il en est ainsi dans la voie technologique, lorsque M. Slimani dit que le fait d’intervenir en BTS le rend capable de bien évaluer le potentiel de ses élèves... et leurs faiblesses récurrentes, telles que leur manque d’autonomie en termes de maîtrise de leurs processus d’apprentissage, et les risques auxquels ils sont régulièrement exposés, en particulier le fait de vouloir souvent avoir trop tôt un « petit boulot ». L’expertise sur les publics porte non seulement sur les dispositions scolaires (Mme Chancel évoque les « profils bien particuliers » de ses élèves de spécialité scientifique qui veulent tous faire médecine) mais aussi sur les caractéristiques psychologiques des élèves : Mme Jean dit de ses élèves en voie professionnelle qu’ils ont « besoin d’être rassurés », car ils sont déjà « fragilisés par leur scolarité en collège » ; Mme Starobinski, responsable de la spécialité théâtre en voie générale, évoque également des élèves fragiles tenant au fait que, dans leur cas, ils se projettent dans des parcours scolairement peu balisés et vécus comme des choix « par passion ».

21Un certain degré d’incompétence ne manque pas pour autant d’être exprimé par quelques PP, mais il est circonscrit à trois sous-champs de compétences, bien identifiés dans le travail d’accompagnement. Un premier réside dans leur méconnaissance éventuelle de la variété de l’offre de formation et donc du champ objectif des orientations et parcours possibles. Un deuxième renvoie moins à une carence de leur part qu’à ce qu’ils estiment être l’opacité des règles du jeu de la sélection post-baccalauréat – résonnant avec « l’incertitude et l’information incomplète et morcelée » relevée par Daverne-Bailly et Bobineau (2020) comme source de difficultés - qui a pour effet de les rendre incapables de répondre de manière informée et fiable aux sollicitations occasionnelles de parents leur demandant conseil. Un troisième registre d’incompétence concerne une situation-type problématique, celle dans laquelle ils se trouvent quand ils sont confrontés à des élèves sans projet ou quand ils sont eux-mêmes dans l’impossibilité, faute de temps, de n’aborder que de manière informelle l’orientation : se sentant alors impuissants, les PP tendent à externaliser le traitement du problème vers la PsyEN, soit en conseillant aux élèves de la voir, soit en sollicitant cette dernière.

22D’autres éléments sont mentionnés par les PP comme des facteurs parasitant l’exercice de leur responsabilité en matière d’orientation, mais en leur attribuant essentiellement un effet contextuel. Il s’agit notamment, pour la voie générale, de l’instauration d’un baccalauréat « à la carte », par spécialités, qui a pour effet de déstabiliser les logiques de classes et ainsi la capacité du PP de bien connaître le profil des élèves dont il a formellement la charge. L’attribution des deux PP par classe n’est pas perçue comme un moyen suffisant pour compenser l’impact négatif d’un tel changement. Plus largement, toutes voies de formations confondues, les PP regrettent le manque de moyens effectivement alloués par le ministère pour l’accompagnement à l’orientation au lycée, et certains s’interrogent sur les choix qui relèvent de l’établissement en la matière.

Un mandat pris dans des logiques organisationnelles complexes et instables

24Les contraintes organisationnelles sont évoquées lorsque que l’on interroge le proviseur et son adjoint sur le volume horaire dédié à l’orientation. Leur réponse consiste tout d’abord à souligner qu’« il n’y a pas eu de budget clairement associé [par le ministère] à la mise en place des cinquante-quatre heures [en voie générale] ». Probablement dans l’intention de ne pas vouloir donner l’impression de se défausser sur la politique gouvernementale, le binôme soutient qu’ « il y a quand même, sur l'ensemble de l'année, bien qu’on ne prétende pas faire des choses extraordinaires, un programme cohérent et progressif d'implication et de suivi sur l'orientation : il y a pas mal d'entretiens que les professeurs principaux ou référents font avec leurs élèves, et il y a des sessions spécifiques, avec toujours ces questions, depuis deux ans : est-ce qu'on vise la classe, ou plutôt le groupe de spécialité ? et comment les PsyEN interviennent ? ». Sans correspondre à la lettre au « Parcours avenir », le fonctionnement ordinaire de l’établissement donnerait donc tout de même à voir certaines de ses traductions attendues.

25Des arrangements locaux concernant les prescriptions nationales sont en revanche plus clairement concédés au sujet de la programmation différenciée des heures dédiées à l’orientation selon les filières. Ces arrangements sont toutefois justifiés par les textes officiels qui recommandent d’adapter l’accompagnement à l’orientation aux besoins des élèves. Nos interlocuteurs indiquent ainsi que si en voie professionnelle trois heures par semaine sont effectivement programmées pour les premières et les terminales, ce n’est pas systématiquement le cas en voie technologique, au motif que le volume horaire jugé conséquent des enseignants leur permet de dégager de leur propre initiative suffisamment de temps pour l’orientation. Quant à la voie générale, on apprend que la direction a décidé de ne pas attribuer d’heures dédiées à l’orientation dans les emplois du temps des enseignants au motif que les élèves y auraient un profil social plutôt favorisé et qu’ils bénéficieraient d’un soutien plus conséquent de leurs familles.

26Plus largement, le discours du proviseur fait état de l’ensemble des initiatives que lui et son équipe de direction (proviseur, proviseurs adjoints, DDFPT et PsyEN) mènent à l’échelle de l’établissement. Ces initiatives correspondent en premier lieu à une série d’actions organisées et exécutées par l’équipe de direction même, telles que les deux réunions du proviseur avec les parents (une première en début d’année, une seconde portant spécifiquement sur Parcoursup en janvier) et l’organisation d’événements annuels, en l’occurrence une « journée portes-ouvertes » et un « forum de l’orientation ». Toutefois, notre enquête auprès des enseignants de terminale nous a appris que ces réunions et événements sont conçus et mis en œuvre sans coordination avec eux. Les PP sont seulement incités à informer les élèves de l’organisation des événements dans l’établissement. Aux arrangements locaux avec les règles nationales s’ajoutent donc des dessaisissements ponctuels du mandat des PP qui visent moins à les délégitimer qu’à les décharger d’une partie de leurs missions. C’est dans cette perspective que sont mobilisés des acteurs extérieurs.

27La mobilisation d’acteurs tiers correspond à un deuxième type d’initiatives prises par l’équipe de direction en matière d’orientation. Le proviseur la justifie pour partie par des arguments managériaux en ce qu’elle permet de compenser le manque de ressources propres de l’établissement tout en déchargeant les PP de leurs obligations d’accompagnement. Cette logique transparait dans le fait que l’équipe de direction dit recourir à ces acteurs tiers – comme Article 1 (association spécialisée dans l’orientation) - non pas pour fournir aux élèves des informations ou des conseils de nature différente de ce que font habituellement les PP, mais bien pour se substituer à eux dans la diffusion d’une information de « premier niveau » sur la procédure d’orientation et le fonctionnement de Parcoursup. Cette stratégie managériale répond donc aussi à une logique pédagogique : celle de chercher à spécialiser le personnel de l’établissement dans l’accompagnement plus individualisé. Pour autant, la responsabilité pédagogique attribuée aux enseignants et en particulier aux PP d’individualiser leur accompagnement à l’orientation reste très faiblement outillée par l’établissement sur le plan des savoirs et des supports mobilisables.

Une typologie des pratiques d’accompagnement des professeurs principaux de terminale

28La typologie que nous proposons s’inspire des travaux portant sur les pratiques d’orientation scolaire et leurs effets potentiels en termes de « logiques de facilitation » (Draelants, 2013) pour l’accès des élèves aux études supérieures. Elle s’appuie sur l’analyse inductive croisée des contenus d’entretiens portant sur les conceptions, les activités menées et les ressources mobilisées par les PP. Deux axes ont été retenus pour caractériser les postures d’accompagnement adoptées par les PP de Terminale en matière d’orientation. Le premier axe, porte sur des éléments d’ordre quantitatif, sur la base du témoignage des PP concernant le temps qu’ils consacrent à l’orientation et le volume de ressources qu’ils présentent aux élèves. Un second axe, de nature qualitative, renvoie au degré d’investissement des PP dans le mandat (accompagnement générique ou aussi spécifique ; planification seulement en lien avec le calendrier administratif de la procédure ou intégrant aussi des objectifs pédagogiques, niveau d’engagement dans le soutien motivationnel voire affectif). Les dimensions quantitative et qualitative de notre typologie sont corrélées, comme l’illustre le tableau ci-dessous. Avant de présenter les quatre postures identifiées, nous expliciterons dans la section suivante les indicateurs utilisés pour situer les pratiques des enseignants sur ces deux axes.

L’accompagnement appréhendé en termes quantitatifs et qualitatifs

29L’axe quantitatif vise à fournir une valeur approchée de la quantité d’informations et de conseils fournis aux élèves en référence au nombre et à la régularité des temps que les PP disent consacrer à l’orientation. Les données recueillies permettent de construire une gradation à 4 niveaux, allant de la plus faible quantité à la plus élevée. Le premier niveau réunit un ensemble de PP pour lesquels il y a peu, voire aucun temps spécifique dégagé pour l’orientation, tout en le faisant tout de même a minima et de manière très circonscrite et informelle en début d’année, à l’ouverture de Parcoursup puis en assurant la préparation des conseils de classe et des échanges formels avec les parents. Un deuxième niveau regroupe des PP consacrant effectivement quelques temps à l’orientation mais sans pour autant que ces moments s’inscrivent dans une programmation précise. Il s’agit avant tout d’établir le profil des élèves, de s’assurer du bon déroulement des phases techniques et administratives sur Parcoursup, et de suivre la rédaction des « projets de formation motivés » (lettres de motivation). Les troisième et quatrième type de PP interviennent en revanche de manière plus fréquente et régulière tout au long de l’année et en mobilisant une plus grande variété d’outils et de ressources (non seulement ceux institutionnels tels que la plateforme Parcoursup et les sites internet de l’Onisep mais aussi des sites web d’autres prestataires proposant des questionnaires ou exercices ou des mises en relation avec des tuteurs ou mentors étudiants ou professionnels. Une caractéristique du quatrième type de PP est toutefois de faciliter les échanges hors temps scolaire en partageant leurs coordonnées téléphoniques personnels avec les élèves et leurs parents.

30L’axe qualitatif permet d’apprécier le degré d’engagement ou d’investissement des PP dans l’accompagnement à l’orientation. Nous proposons également sur cet axe une gradation à quatre niveaux. Un premier niveau d’intervention vise la sécurisation des vœux et des parcours des élèves, en s’appuyant notamment sur les informations statistiques fournies par la plateforme Parcoursup au sujet des capacités d’accueil des formations supérieures, ainsi que les taux d’accès selon les différentes voies de baccalauréat. Un deuxième niveau d’intervention ajoute au premier la conception et l’utilisation artisanales d’outils personnels tels que des questionnaires ou des entretiens occasionnels avec les parents pour détecter des « cas à risques » en vue de déléguer si besoin leur gestion aux PsyEN. Un troisième registre d’intervention, plus pédagogique, se détache : il s’agit d’enseignants cherchant à créer sur les élèves un effet de socialisation anticipée, en particulier en voie technologique ou professionnelle, dans la perspective d’estimer et de développer leur disposition au prolongement de leurs études et/ou leur projection dans un type d’emploi. Ces enseignants réalisent en début d’année des « entretiens entre 4 yeux », type « revue d’orientation », avec chaque élève, puis leur présentent les outils et ressources de l’ONISEP pour les inciter à en faire un usage autonome. Un quatrième et dernier type d’intervention correspond aux enseignants qui cherchent à construire des liens interpersonnels avec les élèves en organisant durablement leur accompagnement, en prenant le temps de chercher les ressources qui seront les mieux adaptées à leur profil, et en les aidant personnellement à effectuer chacune des étapes des procédures d’orientation et d’affectation. Ce type de pratique n'a été rencontré qu’en voie professionnelle, où une enseignante a proposé à ses collègues d’instaurer un suivi de classe des PP sur les trois ans de la préparation des mêmes élèves au baccalauréat.

Quatre figures professionnelles oscillant entre régulation des flux et accompagnement individualisé

31Le caractère finalement très contraint du mandat des PP participe paradoxalement à le rendre assez malléable et autorise par conséquent des investissements différenciés. Si nous n’avons pas les moyens de revenir au plus près des histoires individuelles (Giust-Desprairies et Ajchenbaum, 2022) qui permettent de « reconstruire le sens social de l’investissement » (Muel Dreyfus, 1983, p. 10), le croisement de la fréquence des interventions et du niveau d’engagement dans l’orientation des élèves donne à voir quatre rapports au mandat. Tout en sachant qu’il peut y avoir des recouvrements, on distingue d’un côté deux figures professionnelles – celles de « l’empêché » et du « bricoleur-opportuniste » – qui assurent plutôt un rôle d’agent de régulation dans la gestion des flux, et d’un autre côté, deux autres- celles « d’expert-conseil » et de « coach » – qui cherchent à développer des pratiques d’accompagnement plus personnalisées.

32Au croisement des premiers niveaux sur le plan quantitatif et qualitatif émerge la figure de l’empêché. On l’a vu précédemment, la question du temps revient fréquemment dans les discours des enseignants en voie générale. Faute d’heures dédiées, les PP priorisent l’achèvement du programme au détriment d’un accompagnement à l’orientation. Une enseignante en arts du spectacle, agrégée de lettres modernes, mentionne le télescopage des épreuves de spécialité théâtre avec Parcoursup. Compte tenu des délais très courts, Parcoursup n’est pas du tout abordé en classe et le suivi des élèves « se fait de manière informelle, par le dialogue après les cours - et c'est quand même fort peu confortable ». Les situations d’échec scolaire auxquelles sont confrontés certains élèves de voie professionnelle apparaissent aussi comme un facteur décisif pour l’élaboration ou non de séances ou de supports spécifiquement dédiés à l’orientation. Le professeur principal d’une classe de terminale professionnel, enseignant en dessin industriel, rappelle que l’un des enjeux pour ses élèves, qui n’ont bien souvent pas choisi d’être là, c’est d’abord qu’ils trouvent un stage puis qu’ils obtiennent le bac. Par conséquent, il ne reste que très peu d’heures pour l’orientation. Ces PP assurent toutefois un accompagnement minimal aux élèves et visent surtout à les responsabiliser.

33La figure du « bricoleur-opportuniste » qui se situe au niveau 2 des axes quantitatif et qualitatif renvoie aux PP qui, en dépit des difficultés à trouver des heures, proposent des médiations pour mieux cibler les profils des élèves et cherchent à les engager, via des exercices et des cours dialogués, dans un travail de recherche et d’appropriation des informations. Ils s’appuient sur les informations (pré-requis, capacités d’accueil) fournies par Parcoursup pour alerter les élèves du caractère plus ou moins incertain d’obtenir satisfaction dans la filière visée et les inciter à construire des « plans B ». Lorsqu’on l’interroge sur le contenu des heures dédiées à l’orientation, un enseignant en génie mécanique, un professeur principal en classe de Terminale Sciences et Technologies de l’industrie et du Développement Durable, précise qu’il en « fait sans trop en faire » en raison de l’absence d’heures d’accompagnement personnalisé (AP). Toutefois, il organise plusieurs temps dans l’année au cours desquels il présente les parcours possibles après un bac STI2D, mène des entretiens avec les élèves et leur demande d’effectuer un travail de recherche à partir du site de l’ONISEP sur leurs projets de formation. Compte tenu du faible sentiment de compétences pour tout ce qui touche à l’information sur les filières du supérieur et des débouchés professionnels, ce type de PP délègue volontiers une partie de son mandat à des partenaires extérieurs comme l’association Article 1.

34Une partie des PP propose un accompagnement plus personnalisé, ce qui suppose d’y consacrer du temps, non seulement dans des cadres formels (séances collectives dédiées, visites de salons, rendez-vous individuels, parfois répétés, avec chaque élève, accompagné ou non de ses parents), mais aussi, plus informels, en se rendant disponible pour les élèves et pour leurs parents, notamment via les moyens numériques voire par téléphone. C’est le cas des enseignants qui adoptent la posture de « l’expert-conseil ». Ils s’appuient sur leur connaissance plus ou moins fine de l’enseignement supérieur pour aider leurs élèves à construire leurs parcours au regard de leur profil. Ils recourent à des entretiens individuels pour guider le travail de recherche des élèves sur certaines ressources disponibles, notamment sur le site de l’ONISEP. Ils prodiguent en outre des conseils ciblés pour alerter leurs élèves sur ce qu’ils estiment être, par expérience, leurs faiblesses et leurs risques en matière d’orientation.

35La quatrième figure est celle du « coach » qui correspond aux PP proposant des pratiques d’accompagnement plus personnalisé. À cette fin, ils se rendent aussi particulièrement disponibles et développent une relation de confiance avec les élèves et leurs parents. Ils se distinguent néanmoins de la posture d’« expert conseil » du point de vue des savoirs mobilisés et de la finalité assignée à leur rôle d’accompagnement. Pour eux, l’accompagnement à l’orientation a pour fonction l’éveil et l’épanouissement personnel des élèves indépendamment parfois de leurs résultats scolaires et vise à mieux connaitre la personnalité de l’élève. Une PP, ancienne comptable et enseignante en terminale Gestion Administration, valorise certains outils comme « Génération Zébrée » permettant aux élèves de construire leur profil depuis la classe de première et « en fonction (…) ils vont pouvoir s'approprier, et puis ressortir une lettre de motivation un peu personnalisée. » Car, en définitive, « les élèves, ils ont peur, ils sont terrorisés, donc c’est aussi notre boulot de les encourager, de les accompagner aussi, mais surtout de les encourager, de faire de notre mieux ».

Conclusion

36Cet article visait à objectiver le caractère ambigu du mandat élargi des PP en matière d’orientation pour s’intéresser ensuite aux manières dont ils s’en sont saisis. Le détour par l’histoire a permis de rappeler que les savoirs professionnels concernant l’orientation se sont formés dans le giron du groupe professionnel des conseillers d’orientation devenus PsyEN - et donc en dehors des mondes enseignants – qui n’ont vu leur rôle à l’École que partiellement reconnu au début des années 1990 ; d’autre part, le transfert de savoirs des PsyEN vers les enseignants est, et reste encore largement impensé. En effet, la dynamique de dépersonnalisation et d’objectivation des savoirs qui caractérise l’évolution du modèle pédagogique depuis une trentaine d’années ne s’est pas accompagnée d’une formation spécifique des PP (et plus largement des enseignants) en matière d’orientation. Ces conditions structurelles, conjuguées à la politique d’établissement consistant à déployer sur le mode du « libre-service » (Draelants, 2013) et sans concertation avec les PP une série d’actions et d’outils, assignent au mandat des PP en orientation une finalité avant tout fonctionnelle. Ces premiers résultats nous ont ensuite conduit à examiner la manière dont les enseignants se saisissent effectivement de leur responsabilité en matière d’orientation à l’échelle de leur classe et plus largement à l’échelle de leur équipe professionnelle. L’enquête qualitative, bien que ne reposant ici que sur les données collectées au sein d’un seul établissement, permet toutefois de documenter à la fois le malaise éprouvé par les enseignants à exercer leur fonction, confirmant les conclusions des travaux existants sur le sujet (Daverne-Bailly et Bobineau, 2020 ; Michaut et Pannier, 2023), mais aussi la variété déjà significative de pratiques. Sur cette base, nous avons esquissé une typologie rendant compte de la manière dont les PP investissent sur deux modes la mission d’accompagnement à l’orientation : une mobilisation des élèves en termes de responsabilisation consistant à les mettre en relation ponctuellement avec une série d’outils et de supports censés leur permettre de faire des choix raisonnés ; une mobilisation des élèves en termes éducatifs consistant à développer leur autonomie dans la durée pour faire des choix adaptés à leurs profils et leurs aspirations. Si le premier mode illustre bien la manière dont l’accompagnement à l’orientation peut participer à maintenir les inégalités d’orientation (Daverne-Bailly, 2023), le second mode, par la prise en compte des profils et des aspirations des élèves, pourrait constituer un levier efficace pour lutter contre leur reproduction. Ces résultats interrogent, aussi, ce que supposerait le passage du premier au second mode non seulement en termes de formation initiale et continue mais aussi en termes de moyens pour l’établissement. La réflexion devrait, enfin, intégrer ce que les élèves apprennent et font de ces modes d’accompagnement mais c’est encore un autre chantier à investir.