Avec la collaboration des proviseurs adjoints de l’enseignement agricole et l’équipe d’appui du projet LéA, que nous tenons à remercier.

Proviseurs-Adjoints (12 régions)
Marie-Dominique Abela – Hauts de France
Isabelle Blanchard – Nouvelle Aquitaine
Fabrice Blanquet – Provence Alpes Côte d’Azur
Bertrand Bissuel – Occitanie
Jean-Luc Carlan – Provence Alpes Côte d’Azur
Emmanuel Courteau – Bourgogne-Franche-Comté
Catherine Demesy – Nouvelle Aquitaine
Emilie Fontaine – Bourgogne Franche Comté
Philippe Fourest – Nouvelle-Aquitaine
Caroline Galmard – Bourgogne Franche Comté
Sébastien Guerineau – Nouvelle Aquitaine
Carole Hababou – Auvergne Rhône Alpes

Frédéric Lalanne – Centre Val de Loire
Marie-Adelaïde Laude – Grand Est
Hugo Leroux – Normandie
Roseline Lilin-Vacelet – Centre Val de Loire
Hervé Lipp – Occitanie
François-Xavier Lugand – Occitanie
Christophe Maillet – Pays de Loire
Jean-Nicolas Mazeaud – Bretagne

Caroline Moreno – Auvergne Rhône-Alpes
Cédric Puisais – Centre Val de Loire
Valérie Rinteaux – Centre Val de Loire
Cécile Touchet (correspondante LéA) – Île-de-France

Équipe d’appui
Franck Constantin – AgroSup Dijon
Jean-Michel Millotte – AgroSup Dijon
Sylvie Petitjean – AgroSup Dijon
Christelle Renault – AgroSup Dijon
Régine Prion – Inspection de l’Enseignement Agricole

Introduction

1Dans le contexte institutionnel éducatif, les formes de recherche-action qui placent les chercheurs en posture d’experts ou de consultants laissent la place à de nouveaux modes de recherches collaboratives. Ces nouveaux modes peuvent associer des lieux d’éducation et aussi parfois des réseaux de professionnels de l’éducation. L’intérêt des liens entre la recherche et ces réseaux a fait l’objet de débats autour du texte de Bryk (2017) dans cette revue. L’objet de notre article est d’illustrer une recherche de ce type, et donc de donner à voir, assez précisément, comment une recherche engageant des chercheurs et un réseau de professionnels de l’éducation a pris forme. Les incidences de cette forme en termes de développement pour un professionnel de l’éducation (un proviseur-adjoint) et de design de nouvelles orientations de recherche seront mises en évidence.

2La recherche support de cette illustration s’inscrit elle-même dans le Réseau des Lieux d’éducation Associés (LéA) mis en place par l’Institut Français de l’Éducation (Ifé). Au sein de ce réseau, cette recherche concerne des acteurs généralement peu associés dans les LéA que sont les personnels de direction et plus particulièrement les proviseurs et leurs adjoints en établissement d’enseignement secondaire. Ces derniers ont en partie en charge le « pilotage pédagogique » de leur établissement. Ils sont, depuis le début du siècle, assignés par les institutions de tutelle, notamment sous l’impulsion de l’OCDE, à jouer un rôle plus déterminant qu’auparavant dans l’orchestration des activités éducatives et pédagogiques. Ainsi, au-delà des missions traditionnelles d’organisation et de « management » qui leur étaient conférées, ils jouent un rôle d’acteurs essentiels dans le système éducatif, notamment par le leadership pédagogique qu’ils exercent au quotidien (Bos et Chaliès, 2019). Ils représentent, aux yeux des institutions qui définissent des politiques publiques éducatives, un maillon important dans leur mise en œuvre (OCDE, 2016). Des distinctions nationales s’observent (Maroy et Voisin, 2014).

3En France, loin être les « simples relais » des politiques publiques, ils en sont des auteurs-concepteurs (Raybaud-Patin et Lefeuvre, 2018). Pourtant, si plusieurs recherches relatent le rôle déterminant de ces personnels de direction (Barrère 2006 ; Hassani et Meuret, 2010 ; Kandaria, 2016), elles sont encore peu développées. De plus, les gestes professionnels de ce métier sont peu décrits par les acteurs eux-mêmes. Dans ce contexte, on observe le développement de quelques recherches (Gaudin et al., 2018 ; Bos, 2020 par exemple) qui s’appuient sur l’analyse des activités réellement menées par les chefs d’établissement (par le recours à des vidéos in situ) pour développer un ensemble de connaissances sur ce travail, tel qu’il s’exerce en France. Le LéA support de cet article fait partie de ces recherches.

4Après avoir précisé le cadre et le dispositif de la recherche, plusieurs incidences (au sens de « retombées de la recherche ») seront dégagées, en termes de développement pour les différents acteurs et de renouvellement des questions de recherche.

Le cadre de la recherche

Le LéA : analyse du travail de proviseurs-adjoints de lycées agricoles

6L’objectif commun était la création d’un dispositif de vidéoformation. Ceci visait l’auto-formation de proviseurs adjoints en poste ou de nouveaux entrants dans la fonction, sur la base d’analyses du travail. Ces analyses ont pris appui sur plusieurs regards : ceux des proviseurs adjoints sur leur activité, ceux d’acteurs impliqués dans les situations étudiées (conseillers principaux d’éducation, enseignants, etc.), ceux des chercheurs, de personnels de l’inspection et de personnels chargés de l’ingénierie de formation, ou de formation initiale des personnels de direction de l’enseignement secondaire agricole public.

7Cette recherche résolument tournée vers une approche collaborative a visé à engager les personnels de direction à s’approprier des éléments constitutifs de l’analyse du travail en les faisant prendre part aux décisions de conception du dispositif de recherche, aux choix des situations susceptibles, de leur point de vue, de permettre du développement professionnel pour eux-mêmes et pour leurs pairs. Si l’utilisation de la vidéo en formation comporte de nombreux bénéfices (Veillard et al., 2011), ce sont ici des « situations potentielles de développement » (Mayen, 1999) qui sont recherchées : les situations de conception d’artéfacts de type vidéoformation sont envisagées comme des situations potentielles de développement des acteurs.

La recherche collaborative

8Pour répondre aux préoccupations des professionnels de l’éducation, de nombreuses recherches accordent une place de plus en plus prégnante aux approches collaboratives. S’inscrivant dans une histoire, elles donnent lieu selon les visées à des appellations variables : recherche-action, recherche-expérimentation, recherche participative, recherche partenariale, recherche-intervention, etc. Quelle que soit leur appellation, chacune étant déterminée par ses propres conceptions, elles ont pour visée la compréhension de l’activité des professionnels en situation (Vinatier et Morrissette, 2015). L’idée de faire de la recherche « avec » les professionnels plutôt que « sur » eux dans une visée émancipatrice trouve ses fondements dans les travaux de Lewin en 1940 aux États-Unis, puisant ses sources dans la philosophie pragmatique de Dewey. Ce type de démarche commence à se développer dans les années 1960 dans le monde anglophone, puis, à partir des années 1990, elle prend de l’ampleur au Québec. C’est véritablement à cette époque que des bases conceptuelles, épistémologiques et méthodologiques seront proposées (Desgagné, 1997, 2007 ; Desgagné et al., 2001 ; Desgagné et Bednarz, 2005). Vinatier et Morrissette (2015) définissent les recherches collaboratives comme étant « à la fois qualitatives, compréhensives et d’obédience clinique puisque largement orientées par l’élucidation du sens de l’activité mobilisée par les professionnels en contexte ».

9En France, les formes de recherche collaborative connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt, comme en témoignent notamment les recherches menées au sein du réseau des Léa. Les Léa visent à soutenir et à généraliser une dynamique de changement en s’appuyant sur une collaboration resserrée entre les acteurs de terrain et les chercheurs (Laflotte et Loisy, 2014 ; Chabanne et al., 2016 ; Monod-Ansaldi et Gruson, 2018).

10L’enjeu de notre écrit est de présenter ici le processus dans lequel s’est instituée la recherche collaborative avec les partenaires en se focalisant sur les présupposés et les démarches qu’elle sous-tend. La recherche collaborative et notamment la recherche orientée vers la conception (ROC) « vise l’explication d’un savoir-faire lié à un aspect de la pratique professionnelle et de médiation entre communauté de recherche et communauté de pratique » (Morrissette, 2013). Elle doit permettre de proposer des espaces épistémologiques, théoriques, méthodologiques et à visée heuristique où chacun peut contribuer à la co-construction et la production d’un objet de connaissance et permettre un développement professionnel (Desgagné et Bednarz, 2005 ; Morrissette 2013). En outre, la recherche collaborative s’inscrit dans une démarche compréhensive et non pas explicative : « ce n’est plus le terrain qui est central, mais c’est la manière dont les acteurs s’associent et interagissent dans le temps et l’espace pour définir un problème en fonction de leurs connaissances » (Vinatier et Morrissette, 2015).

11Morrissette et Desgagn (2009) nous rappellent que collaborer, « travailler ensemble » selon les statuts, les conditions d’élaboration ou de diffusion de la recherche, peut recouvrir une réalité complexe à laquelle le chercheur doit être attentif afin de préserver son positionnement épistémologique et méthodologique. Cependant, collaborer ne signifie pas seulement pour des chercheurs et des professionnels de faire ensemble, c’est avant tout reconnaître les compétences de chacun et les mettre en commun au service de l’objet de recherche (St Arnaud, 2003). La collaboration entre les chercheurs et les praticiens ne peut s’instaurer sans intérêt pour chacune des parties, sans règle du jeu, convention, contrat ou charte, mais aussi comme nous le rappelle Rousseau (1964) sans abandon d’une certaine marge de liberté, prix de l’engagement dans une action commune où chacun doit renoncer à ses intérêts personnels afin d’agir pour un intérêt général et pour le bien commun. La collaboration nécessite un engagement dans le collectif mais cet engagement doit permettre un bénéfice individuel.

12La collaboration suppose également que l’un des membres accepte d’entrer dans la relation d’échange suscitée par celui qui en a pris l’initiative. La définition d’un projet commun doit servir à la fois les préoccupations des chercheurs et celles des praticiens tout en permettant leur articulation : c’est le principe de double vraisemblance inspiré par Dubet (1994) et repris par Pépin et Desgagné (2017). Pour ces auteurs, ce principe doit pouvoir s’exercer même si « l’activité de recherche scientifique et l’activité de pratique professionnelle sont des activités différentes qui n’ont pas les mêmes enjeux et qui ne répondent pas aux mêmes exigences pour ceux et celles qui les exercent ». Il n’en demeure pas moins que « les points de vue de l’un et de l’autre seront négociés, argumentés, et ou leur champ de compétences respectif sera mutuellement reconnu et mis à contribution » (Pépin et Desgagné, 2017). Ainsi ces auteurs considèrent que le concept de « double vraisemblance » est un critère fondamental sur lequel doit reposer une recherche collaborative telle qu’ils la définissent.

13Dans les travaux de Sensevy et du collectif « didactique pour enseigner » autour des ingénieries coopératives, les auteurs soulignent que « la collaboration ne peut avoir lieu sans le partage d’un ensemble de principes de nature praxéologique » (Sensevy et al., 2013). Ces auteurs stipulent également et qu’il est nécessaire « de construire une forme d’hybridation des points de vue afin de construire des significations communes » (Sensevy, 2016). De nombreux chercheurs considèrent que la recherche collaborative est caractérisée par un espace interprétatif de création d’une zone partagée entre acteurs dans laquelle se co-construit un objet de connaissance, tout en permettant du développement professionnel (Desgagné, 1997 ; Bernardz et Desgagné, 2005 ; Morrissette, 2011).

15Le dispositif mis en place s’appuie sur les orientations définies par Desgagné (1997). Pour autant, comme le rappelle Desgagné, les chercheurs et les praticiens ne sont pas tenus de « faire ensemble » à tout moment. Il importe que les étapes qui s’inscrivent dans la logique de la double vraisemblance soient préservées.

16Les principes d’une recherche collaborative définis par Desgagné se déclinent en trois étapes :

• la co-situation : il s’agit de s’assurer que la co-construction de l’objet de recherche entre les différents participants se réalise dans le respect de chacun. La recherche collaborative doit tendre vers une double pertinence sociale. C’est lors de cette première étape de co-situation que se négocie et se construit le projet de recherche et de formation ;

• la coopération : elle correspond à la co-construction de l’activité réflexive grâce à laquelle l’analyse coopérative de l’objet et la collecte des données peuvent prendre place ;

• la coproduction : c’est le moment de la production des connaissances, qui permet d’une part le développement professionnel des praticiens et d’autre part de disposer de données qui pourront nourrir leur diffusion, tout autant pour la communauté de praticiens que pour celle des chercheurs.

Les proviseurs adjoints dans l’enseignement technique agricole : un réseau, des ressources

17Historiquement, les établissements de l’enseignement technique agricole en France ont été créés en zones rurales pour accueillir les enfants d’agriculteurs. Cette implantation sur l’ensemble du territoire français, outre-mer compris, relève de la volonté des politiques du ministère chargé de l’Agriculture de donner aux agriculteurs la possibilité d’être formés, accompagnés et de scolariser leurs enfants dans leur territoire proche. Les établissements d’enseignement agricole sont parfois situés en zone périurbaine, mais le plus souvent en zone rurale, sur des territoires souvent enclavés, conduisant les professionnels de l’éducation à se trouver dans des situations d’isolement géographique. Cet isolement se caractérise également par le fait que les proviseurs adjoints de lycées agricoles assurent pour beaucoup d’entre eux la direction du site sur lequel ils sont nommés (le chef d’établissement pouvant être basé sur un autre site constitutif de l’établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole). C’est notamment pour rompre cet isolement que ces professionnels se sont organisés en réseau.

18Ce réseau (nommé Res’APE pour Réseau Animation et Pilotage pédagogiques des Établissements de l’enseignement agricole public) se compose de proviseurs-adjoints chargés de la formation initiale scolaire. Il a vu le jour en 2011, dans le but de concevoir et mutualiser des ressources dans le cadre de la réforme de la voie professionnelle. Il est adossé à un dispositif d’appui à l’enseignement technique agricole mis en place par la Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche (DGER) du ministère chargé de l’Agriculture. Une note de service accompagne ce dispositif d’accompagnement, qui prévoit des « actions d’appui à l’enseignement agricole […] pour impulser son évolution et accompagner son adaptation aux changements éducatifs, sociaux, économiques ou techniques. Ces actions permettent de fournir des cadres de réflexion, des procédures et des outils indispensables à la mise en œuvre de l’innovation » (DGER, 2015, p. 2).

19Des animateurs (un à trois par région, selon leur taille) se réunissent au niveau national et animent, dans leurs régions respectives, des réunions entre adjoints, pour s’entraider dans le pilotage et l’animation pédagogique de leurs établissements. Les animateurs sont reconnus par les autorités académiques dans leur fonction d’animation. Les réunions nationales du réseau associent des chercheurs et formateurs de l’enseignement supérieur agricole ainsi que des représentants de l’inspection de l’enseignement agricole. La fréquence des réunions régionales peut aller d’une à six réunions par année scolaire. Notons que le réseau n’a pas d’obligation à exister, il tient par l’intérêt que les proviseurs adjoints y trouvent.

20Les proviseurs adjoints ont ainsi une double fonction dans le réseau : celle de co-concevoir des ressources lorsque le réseau se vit au niveau national et celle d’animer un groupe de pairs dans leur région. Ce mouvement allant du « national » vers le « régional » et inversement permet la circulation de questionnements autour de l’éducation. Ce sont précisément ces animateurs nationaux qui ont participé à la recherche inscrite dans le LéA et présentée ici.

22La mise en ligne de différents types de ressources et notamment de vidéos permet de donner à voir des expériences et de les partager sans avoir à se déplacer. Par conséquent, s’agissant pour l’enseignement agricole d’accompagner le travail des professionnels répartis sur l’ensemble du territoire national, un tel dispositif apparaît un atout majeur quant à la professionnalisation et l’accompagnement au changement. Outre cette possibilité de s’affranchir des distances, le travail d’élaboration des ressources et des vidéos en amont, à l’image du travail documentaire chez les enseignants (Gueudet et Trouche, 2008), constitue, notamment dans sa dimension collective, un moteur de développement professionnel.

Le dispositif de recherche

23Le dispositif de formation construit s’appuie sur la co-analyse du travail des proviseurs adjoints. Si accéder à l’activité des sujets nécessite de prendre appui sur des données empiriques, cela implique de choisir des méthodologies adaptées. Approcher l’activité effective des professionnels en situation reste une réalité complexe à mener. De nombreux travaux montrent qu’une part de l’activité n’est pas accessible directement par l’observation ou par le questionnement du sujet. L’activité est en partie invisible, elle n’est pas nécessairement conscientisée par le sujet. Pour accéder à l’activité, nous avons mobilisé des méthodes empruntées et éprouvées par la clinique de l’activité : l’autoconfrontation simple et croisée (Clot, 2005).

24L’autoconfrontation simple consiste à filmer le sujet en situation de travail, puis à lui demander de commenter « à chaud » ce film. L’autoconfrontation croisée, qui consiste à confronter ce sujet et un de ses pairs à l’activité, a quant à elle été utilisée pour « faire, avec les collectifs de travailleurs, une co-analyse qui mise sur un développement aussi bien des sujets, du collectif que de la situation » (Clot et al., 2001). Elle a été utilisée dans une version collective (plusieurs sujets confrontés à l’activité d’un de leurs pairs). Le pair en question a toujours été présent lors des séances collectives. L’autoconfrontation simple a été complétée, « à froid », par une autoconfrontation devant le collectif des pairs et des chercheurs.

25Le cadre finalisé des différentes étapes du projet Léa a été formalisé par Veyrac (2018a). Ces étapes sont présentées schématiquement (fig. 1).

26Étape 1 : Dans le cadre du projet Léa (2016 à 2019), nous avons mis en place deux séminaires de 2 jours par an. La première étape que nous présentons ici est une phase décisive du dispositif. Elle consiste à définir avec l’ensemble des participants l’objet de recherche et trouver un consensus sur les situations de travail à analyser. Ces dernières n’ont pas été proposées par les chercheurs, mais ils ont tout de même fixé quelques exigences. Ces exigences étaient de pouvoir filmer des situations de travail authentiques mettant en interaction un proviseur adjoint du LéA avec des « bénéficiaires de son action » (enseignants, assistants d’éducation, etc.), acteurs que Spillane et al. (2008) désignent par les « affiliés » des leaders. Filmer des entretiens individuels de ces « affiliés » ou « bénéficiaires » pour alimenter la plateforme de vidéoformation était également une exigence. Le choix des situations a ainsi été laissé à l’initiative des proviseurs adjoints, sous réserve qu’elles présentent selon eux une situation propice au développement professionnel de leurs pairs. Cette étape a donc permis non seulement de formaliser les attendus de la recherche mais aussi de définir collectivement l’importance des situations de référence dans ce projet. Ont été identifiées des situations de référence qui ont fait consensus et trouvé un volontaire pour se laisser filmer dans son établissement (animation de réunion avec les enseignants et CPE en fin d’année, animation de réunion de concertation de début d’année pour la mise en place d’un plan d’accompagnement d’élève en situation de handicap, un conseil de classe, un entretien avec un enseignant).

27Nous avons également précisé le calendrier de la conception du dispositif technique (Providéa), ses modalités d’usage, les conditions de diffusion et d’utilisation des vidéos. La possibilité de se référer à un dispositif « modèle » déjà existant (Neopass@ction) a grandement aidé à imaginer collectivement la nature de la production visée : en s’appuyant sur des similitudes et différences vis-à-vis de ce modèle, la visée a pu prendre une forme partagée relativement concrète (Veyrac, à paraître 2022).

28Ce premier séminaire nous a permis d’élaborer les étapes du projet. Cependant, comme tout projet qui se construit, des changements s’opèrent au fur et à mesure. Il s’agit alors de redéfinir les objectifs fixés et leur contractualisation.

29Étape 2 : Cette étape est consacrée à filmer des proviseurs adjoints volontaires sur leur lieu d’exercice pour constituer les « situations de référence ». Chaque situation de référence est filmée et suivie d’une autoconfrontation, le proviseur adjoint interrompant le film comme il le souhaite et choisissant avec le chercheur les extraits à conserver. Ce sont donc deux types d’extraits (situation et autoconfrontation) qui seront visionnés plus tard par l’ensemble des membres du réseau pour le choix final des vidéos à conserver ou à éliminer. La procédure est la même pour l’ensemble des situations de référence. Les situations de référence (vidéo de situations de travail de proviseurs-adjoints) retenues mettent en scène des proviseurs-adjoints expérimentés, et non pas novices. Elles ont permis de développer les thèmes suivants : « choisir un professeur principal », « impliquer les acteurs et accompagner les élèves » et « orienter un projet pédagogique ».

30Étape 3 : Cette troisième étape porte sur les enregistrements des échanges autour des vidéos “situations de référence”. L’ensemble du collectif est invité à discuter à partir des extraits du premier enregistrement vidéo de la situation. Les échanges sont animés par une chercheuse. Les proviseurs adjoints sont appelés à poser des questions au collègue filmé afin de faire émerger les éléments du contexte pour les renseigner dans le dispositif de vidéoformation. L’idée est que les éléments de contexte qui leur manquent pour comprendre la situation soient intégrés à la plateforme car ils sont nécessaires à la compréhension de la situation « du point de vue d’un proviseur » (et non pas d’un chercheur qui, lui, a d’autres besoins informationnels pour comprendre le contexte). Évidemment, le chercheur qui a filmé la situation dispose d’éléments du contexte qui lui ont été nécessaires pour comprendre la situation. Ces autoconfrontations croisées collectives sont à leur tour enregistrées. La durée d’enregistrement des échanges autour d’une situation de référence est variable, elle s’établit en fonction des commentaires et des échanges qu’elle suscite.

31Étape 4 : Cette étape du dispositif est dédiée au découpage et à la sélection des vidéos en présence des partenaires de la recherche. Les différentes vidéos ont fait l’objet d’une première analyse, par trois chercheuses, afin de procéder au découpage des vidéos et de supprimer des passages redondants ou jugés peu intéressants. Un travail individuel à distance impliquant les proviseurs adjoints a alors été mené, mobilisant des indicateurs de sélection consignés dans un tableau avec les indications suivantes :

• « Imaginez-vous devoir animer une réunion Res’APE en région. Quelles sont les vidéos qui vous paraissent être intéressantes à faire visionner aux adjoints ? »

• « Si vous trouvez un intérêt à conserver une vidéo, notez oui dans la case » ;

• « Si vous pensez que ce sera une perte de temps (intérêt trop réduit), notez non dans la case » ;

• « Si le nom de l’extrait vous semble inadéquat, n’hésitez pas à suggérer un changement de nom à l’extrait ».

32Le choix final des extraits à conserver ou à écarter en fonction de leur pertinence et de leur utilité a eu lieu en petit groupe en présentiel, mixant les chercheurs et les partenaires de la recherche. Chaque extrait de vidéo d’une situation de référence et les extraits d’autoconfrontation qui l’accompagnent ont été visionnés par les groupes constitués. Deux séminaires de rencontres ont été nécessaires pour réaliser ce travail. La sélection de l’ensemble des vidéos s’est effectuée sur la base de la première analyse individuelle présentée précédemment. Il s’agit non seulement de discuter de l’intérêt de garder ou pas les extraits mais encore de délimiter dans les extraits les parties à enlever en les repérant précisément dans la vidéo. À la suite de ce travail, chaque groupe présente à l’ensemble des partenaires de la recherche les résultats pour en discuter collectivement. Suivant les cas, certains choix des vidéos ont fait l’objet de discussions. Le temps passé a été particulièrement long et assez fastidieux aux dires des proviseurs-adjoints. Pour illustrer notre propos nous prendrons l’exemple d’une situation qui a été filmée dans une salle de cours, face à des élèves, impliquant un enseignant et un proviseur-adjoint (la situation de référence initialement prévue ayant été remplacée au moment de la venue de la chercheuse dans l’établissement). Les membres du LéA sont rassemblés pour commenter la vidéo de la situation. Ils n’ont pas accès aux vidéos d’autoconfrontation des enseignants et des élèves, soumises à un embargo d’une année (Veyrac, 2018a, p. 102). Un consensus s’établit : la situation filmée ne sera finalement pas retenue car elle apparaît comme n’étant pas suffisamment centrale dans leur métier.

33Enfin, au terme de cette étape, chaque extrait est nommé pour constituer l’outil prêt à être testé.

34Étape 5 : Cette dernière étape est dédiée à la conception et la mise en œuvre des vidéos sur la plateforme de formation accessible sur le site internet Res’Ape. Chaque situation de référence fait l’objet d’un ensemble de commentaires de la part des proviseurs concernés (autoconfrontation), de plusieurs de leurs pairs (autoconfrontation croisée), d’enseignants ainsi que des membres du collectif du LéA (enseignants-chercheurs, inspecteurs, ingénieurs de la formation). La présentation des vidéos est structurée en trois onglets : « Autoconfrontations », « Commentaires », « Agir dorénavant ». Ce dernier onglet regroupe les témoignages de proviseurs adjoints qui présentent des indicateurs de leurs développements professionnels conscientisés (traces d’autorégulation projetées du type « suite à ces analyses, je modifierai dorénavant telle façon de travailler »), sorte de « bonnes résolutions exprimées », dont l’effectivité n’est cependant pas démontrée.

35Des textes de présentation proposent des compléments d’information (inscription contextuelle de la situation) et d’analyse (aide à la compréhension des ressources et à la conceptualisation) (fig. 2). Les commentaires des personnes « bénéficiaires » de l’action des proviseurs adjoints (enseignants, conseillers principaux d’éducation) sont intégrés dans l’outil de vidéoformation. Pour illustrer notre démarche nous proposons ci-dessous les extraits de vidéoformation d’une des situations de référence.

36La figure 3 ci-dessous présente des extraits de vidéos relatifs à une situation de référence « Choisir un professeur principal (PP) en réunion de filière ». La vidéo 1 a été réalisée en établissement lors d’une réunion de filière et met en scène un proviseur adjoint. La vidéo 2 est le produit d’une autoconfrontation du même proviseur adjoint qui s’est déroulée consécutivement à l’heure de la réunion de filière. Les vidéos 3 à 12 correspondent aux autoconfrontations croisées, c’est-à-dire aux enregistrements des échanges autour des deux vidéos (1 et 2) de la situation de référence.

Les incidences et les valorisations de la recherche

37Des pistes d’exploitation de la plateforme ont été discutées et pensées à divers moments de la recherche. Bien que la plateforme ait été initialement prévue pour être exploitée en troisième année de la recherche, des incidences et valorisation ont été observées plus précocement et sous diverses formes. Ces formes sont très imbriquées, mais on peut en distinguer trois : une relative à la plateforme en tant qu’objet nouveau dans un champ professionnel, une liée au développement professionnel de différents participants et une relative à la définition de nouvelles perspectives de recherche.

38Le LéA a permis la conception d’une plateforme de vidéoformation. Plusieurs vidéos liées aux situations de références sont maintenant accessibles sur le site dédié aux proviseurs adjoints. Un tel outil ne pouvait pas être pensé dans le cadre du réseau de professionnels préexistant. Les caractéristiques temporelles du LéA ont permis de poser les bases de ce dispositif et d’accorder une place à la recherche : une année pour produire les premières vidéos « du terrain », une année pour finaliser le prototype et une année pour le tester. Sa conception même amène une dynamique : par exemple, un des thèmes qui a été réfléchi dans le cadre de la conception a été celui de l’animation des conseils de classe. Cette thématique a été reprise par une région et a fait l’objet d’une demande de formation (une vingtaine de proviseurs adjoints). La formation a été le point de départ d’une publication (Veyrac, 2017) qui met notamment le focus sur les difficultés pour les adjoints à faire vivre ces conseils (comment garantir une expression libre des enseignants sur un élève devant des représentants des parents et délégués élèves ?). Les échanges autour du conseil de classe qui ont lieu lors de la conception du dispositif et la formation amènent les chercheurs à questionner cette instance. Le conseil de classe semble être contourné voire devoir être repositionné.

39Le dispositif de recherche que nous avons construit avec les praticiens pour produire des ressources de type vidéoformation a pu être testé auprès de quelques proviseurs adjoints. Il s’agissait de mesurer “l’utilisabilité” des ressources produites par le collectif. Ces mesures ont été effectuées dans le cadre d’une initiation à la recherche en éducation (Dauny, 2019). Des entretiens individuels ont été conduits auprès de quatre proviseurs adjoints à partir de la situation de référence “choisir un professeur principal en réunion de filière”, puis les autres vidéos ont été visionnées en suivant. À l’issue de chaque vidéo, les avis de chacun des interviewés ont été recueillis et analysés. Les résultats montrent que ces vidéos sont perçues comme utiles pour des néo-proviseurs-adjoints ou des proviseurs-adjoints nommés sur un nouveau poste mais peu utiles pour des proviseurs ayant plus d’expérience. Ce travail relève également que les titres qui accompagnent les vidéos ne sont pas toujours suffisamment explicites pour ceux qui n’ont pas été à l’origine de leur création. Nous faisons alors l’hypothèse que les outils de vidéoformation pensés et construits avec les proviseurs adjoints sont efficaces pour ceux qui ont participé à leur création, mais peu opératoires pour les autres.

40Il nous est permis de penser que les connaissances produites dans ce LéA ont participé au développement professionnel du collectif constitué. En attestent les propos tenus par un proviseur adjoint qui témoigne de son vécu dans le dispositif, dont voici un extrait :

Ce que je me suis dit, la vidéoformation c’est quand même un outil intéressant pour faire de la formation. On capte les situations dans la réalité vécue et donc on n’est pas dans la théorisation d’une approche de construction d’une réunion […] C’est-à-dire qu’on a la possibilité de faire d’une autre manière en fait, ça permet d’élargir la palette des animations d’équipes pédagogiques possibles et puis d’avoir bien conscience de chacun des termes qu’on peut avoir, et de ce qu’on peut, enfin, des scénarios pédagogiques qu’on peut mettre en œuvre dans le cadre de réunions. […] C’est vraiment un acte professionnel […]. Finalement le fait de participer et le fait d’être dans une démarche participative sur notre métier fait que finalement comme on est dans des situations vécues, eh ben ça saute au visage. (Asloum et Guerineau, 2019.)

41L’engagement pris auprès de l’Ifé nous conduit à diffuser largement les résultats obtenus auprès des acteurs impliqués dans la recherche et sous forme de publications scientifiques ; des communications dans des colloques internationaux et nationaux, la production d’un chapitre d’ouvrage signé par une chercheuse et un proviseur adjoint. L’importance de « faire ensemble », y compris d’inventer des méthodologies, a été développée dans une note de synthèse d’Habilitation à diriger des recherches (Veyrac, 2018a) et des actions d’animation de formation ont été menées à l’initiative des proviseurs adjoints en région.

42Dans la continuité du travail accompli par le collectif, un nouveau dispositif d’analyse des situations a été inventé au cours du LéA : des « saynètes jouées en aveugle ». Le contexte d’émergence de cette invention est le suivant. Après avoir filmé trois séries de situations, et décidé des arbitrages majeurs s’agissant des vidéos qui composeraient une plateforme de vidéoformation (étape 4), les adjoints ont participé, avec les chercheurs, à des groupes de travail pour envisager la poursuite du projet. Dans un de ces groupes, auquel participait une chercheuse, la question suivante était posée « quelles nouvelles situations la plateforme pourrait-elle aborder ? ». L’intérêt de travailler sur des situations relativement rares, imprévisibles et difficiles a été exprimé par un adjoint. La chercheuse a alors rappelé son intérêt pour filmer des situations réelles. L’éventualité de laisser les adjoints filmer leur travail est apparue, mais cela s’est avéré difficilement possible du fait de la nécessité de recueillir les expressions des « bénéficiaires de l’action » par des tiers. Un des adjoints, qui s’est approprié les concepts de « style » et de « genre », a argumenté en ces termes : « mais moi, ça m’intéresse vraiment de savoir ce qu’on aurait pu faire de différent dans une situation que j’ai vécue, c’est les styles des autres qui m’intéressent. J’ai vécu une situation d’un prof qui vient m’expliquer que ses problèmes personnels l’empêchent d’assurer une activité pédagogique majeure. J’aimerais savoir ce que les autres auraient fait à ma place. »

43Des principes fondateurs de la plateforme étaient remis en cause par cette demande : accéder à une situation réelle captée par une vidéo et disposer des expressions des bénéficiaires de l’action. De plus, analyser une situation passée, qui paraissait à la chercheuse plus anecdotique que prototypique d’un genre professionnel, lui paraissait par ailleurs trop éloigné des principes retenus pour la conception. C’est donc en dehors de Providéa que cette modalité a été développée. Le dispositif a été très rapidement décidé puis mis en œuvre six mois plus tard, par une captation sur un lieu unique de 7 adjoints devant improviser, chacun à leur tour et sans se voir, dans la même situation, de la manière la plus plausible possible. Au final, en supprimant un ensemble important de variables (le lieu est commun pour toutes les captations, de même que le scénario et la connaissance par les proviseurs des affiliés), les différences dans l’activité jouée sont apparues comme très saillantes à l’analyse. De l’analyse des 7 « variations » d’une même situation (ou « contrefactuels », pour reprendre les travaux du collectif Didactique pour enseigner), une vidéo interactive a pu être imaginée. Elle a ouvert la voie à un ensemble de nouvelles recherches, en lien avec le développement de fonctionnalités d’interaction (les alternatives apparaissent sous forme de questions, des commentaires s’affichent en fonction des réponses de l’utilisateur, la linéarité du défilement des vidéos est rompue) qui renouvelle les méthodes d’analyse du travail et de ses usages dans les dispositifs de formation.

44Chaque vidéo reprend la même situation, au sein de laquelle improvisent des proviseurs adjoints différents. Par exemple, une saynète a été imaginée. Elle met en scène une enseignante en pleurs (jouée par une même chercheuse) qui se rend dans le bureau du proviseur adjoint pour lui faire part de son incapacité à accompagner une classe pour une sortie imminente hors de l’établissement. La connaissance du travail enseignant et de la psychologie du travail a permis de rendre la situation assez probable pour les proviseurs-adjoints pour qu’ils simulent une activité « réaliste » selon eux.

45Ce dispositif est une « variation » de la forme de vidéoformation qui a été initialement largement inspirée de néopass@ction (Ria et Leblanc, 2011). Cette variation se rapproche du théâtre forum (Lenel, 2011), dans le sens de l’expression de différentes solutions face à une même situation, mais s’en distingue dans le sens où il n’y a pas, dans un premier temps, de recherche de solution de manière collégiale. Le principe du dispositif consiste à réagir à une situation jouée par une ou des personnes sans connaître au préalable la situation. C’est grâce à l’implication et l’inventivité des proviseurs adjoints que ce dispositif a permis de proposer de telles situations alors même qu’il n’était pas possible de les filmer. Cette approche inventée par la collaboration entre proviseur adjoint et chercheuse montre ainsi la capacité des proviseurs à traduire et à adapter les concepts et les méthodes de la recherche dans le monde professionnel. Il montre aussi la liberté que s’est autorisée à prendre la chercheuse vis-à-vis de certains « paradigmes-totems » (l’analyse de l’activité doit s’appuyer sur une activité en contexte réel), pour répondre à la demande précise d’un proviseur dans le cadre de la recherche. Cette recherche collaborative a donc permis une transposition de la recherche de manière effective dans leur milieu de pratique et a eu en retour une incidence sur le développement professionnel d’une chercheuse.

46Une certaine impatience s’est fait sentir de la part de plusieurs proviseurs-adjoints, peu habitués au rythme plus lent des chercheurs et à leur « pointillisme ». Il semble raisonnable d’avancer que le statut particulier donné par le Réseau préexistant (Res’APE) aux membres du LéA (qui instaure un lien entre proviseurs-adjoints participant au LéA et ses autres pairs) a favorisé l’engagement dans la production de ressources. Ainsi, des proviseurs-adjoints et une inspectrice se sont lancés dans la conception d’une vidéo de type « tutoriel » sur « comment concevoir un emploi du temps », sans que les chercheurs ne s’y retrouvent en termes de problématique de recherche, ni ne s’y investissent. Cette initiative témoigne des « satellites » qu’ont voulu développer les non-chercheurs. Ils ont ainsi satisfait une envie nouvelle créée par le LéA, celle de déprivatiser leur travail dans un collectif défini (Veyrac, à paraître 2022). Ils ont ainsi voulu montrer des aspects peu connus, selon eux, de leur travail, pour en laisser apparaître la complexité et la technicité. Cette appropriation a amené à mettre de la distance entre recherche et production de ressources. Le vécu d’une chercheuse est capté dans ce moment du LéA (Veyrac, 2018b), témoignant de la désolidarisation dans cette production de ressource satellite (qui paraissait plus comme une « vitrine » que comme un « miroir » de l’activité des proviseurs). Il est par contre assez difficile de dire si le statut des proviseurs-adjoints, habitués à piloter des projets, a pu jouer dans cette dynamique de production de ressources et cette autorisation à développer des projets.

Conclusion

47Les principes de la dynamique coopérative de ce LéA ont fait l’objet d’une publication (Veyrac, à paraître 2022). Il s’est agi ici, en présentant plus précisément le dispositif collectif, de mettre en évidence des incidences de la recherche en termes de développement professionnel pour quelques participants et d’inventions. Le cadre du dispositif (les cinq étapes) a été tenu, tout en laissant place à des productions de ressources inattendues. Le nombre d’acteurs impliqués (plus de 20) et l’appréhension pour les chercheurs que les habitudes à diriger de la plupart des praticiens ne les autorisent à trop s’affranchir d’un cadre étranger à leurs cultures professionnelles ont poussé à la définition d’une contractualisation relativement rigide. Des points réguliers (2 fois par an) ont aidé à maintenir une conscience collective de l’évolution de la recherche, alors que de plus petits groupes se sont réunis en fonction des engagements ponctuels.

48La rigidité du cadre et la tenue du calendrier ont apporté une sérénité qui a permis des ajustements collectifs en termes d’objet de recherche. Dans le domaine de la vidéoformation, les avancées technologiques (plateforme numérique, vidéos interactives) incitent à des inventions de format de vidéoformation. Elles ouvrent de nouvelles questions théoriques. Par exemple, en concevant un nouveau paradigme de vidéoformation basé sur la mise en scène de « stratégies contrefactuelles » (Sensevy et Vigot, 2016), la question de son impact en termes de formation est soulevée. On peut aussi y trouver une nouvelle façon d’analyser le travail, prometteuse dès lors que la situation ne dispose guère de théorisation de l’activité (on rappelle qu’un praticien a voulu investiguer une situation difficilement observable parce que rare) : par la comparaison d’activités observées en situation simulée (avec une maîtrise d’un ensemble important de variables), des éléments de connaissance du travail apparaissent par la saillance des variabilités interindividuelles. En lien avec les vidéos interactives, la vidéoformation prend de nouvelles formes, plus explicitement accompagnées, où les contrefactuels pourront guider de manière appuyée la réflexion des personnels usagers de la plateforme, en s’insérant sur la vidéo même. Il s’agit ici d’une perspective de recherche, qui pourrait répondre aux limites des dispositifs de formation basés sur l’analyse de l’activité à partir de vidéo et de commentaires entre pairs chefs d’établissement d’enseignement (Bos, 2020), ces dispositifs donnant satisfaction aux participants, mais ne déclenchant guère de transformation des pratiques. Ces nouvelles pistes, avec un étayage plus fort permis par les vidéos interactives, n’auraient pas été ouvertes sans la recherche collaborative du LéA.