Plan systématique pour l’étude psychologique de l’enfance
Texte intégral
- 1 Seulement en ce qui concerne les directions générales.
1L'année dernière, on introduisait dans les écoles de la ville de Passaü, New-Jersey (États-Unis) un plan systématique d'étude de l'enfant, qui a déjà l'ait ses preuves et dont on peut espérer qu'il rendra des services sans cesse plus grands. Un recueil de direction et d'indication est mis entre les mains de chaque maître intéressé. Il renferme des conseils sur la manière d'observer et de tirer parti des observations faites, et il explique si bien l'objet, la portée et la méthode du travail, que nous le donnons ici in extenso1.
Principes fondamentaux et directions générales
21° L’éducation se propose de diriger le développement de l'individu. Ce développement, cette croissance ont leur principe dans l'individu lui-même et ils suivent les lois fondamentales de la vie. La direction est imposée de l’extérieur, d'une façon plus ou moins médiate ; elle est inévitable, incessante.
32° On a grand tort quand on pense que l’éducation ne se fait que dans la salle; de classe et aux heures de classe, même quand on y ajoute* l'action de la famille ou de l’église et que les maîtres, les parents, les ministres des cultes sont les seuls éducateurs. C'est encore une erreur, pour le maître, de penser que, seule, l'éducation à l’école le concerne. Tous les éléments du milieu, animés ou inanimés, conscients ou inconscients qui exercent une influence quelconque sur l’enfant, affectent le développement de cet enfant et par suite sont un facteur de son éducation. Et il y a une résultante et une seule de toutes les influences éducatives qui agissent sur un enfant, c'est-à-dire l’enfant lui-même, quand son éducation est terminée, que cette éducation ait été d'ailleurs bonne ou mauvaise, efficace ou non. Et puisque l'éducation efficace de l’enfant est le but véritable recherché par le maître, il est imprudent d'ignorer aucune des forces convergentes, dirigeantes qui approchent ou éloignent de ce but.
43° L'éducation de chaque enfant commence bien des générations et bien des siècles avant que l'enfant n'entre à l’école. Le courant de vie qui aboutit à chacun des hommes s’est frayé son chemin par de multiples et tortueuses voies; certaines d'entre celles-ci, à la suite de fréquents passages et sous l'influence conservatrice de l'hérédité, sont devenues les; sentiers battus du progrès humain. Chaque individu y doit passer pour s'élever dans l’échelle des êtres de la cellule vivante, unique, à la vie d'adulte ; en langage technique l'ontogenèse répète la phylogenèse. Celte répétition est fortement abrégée, mais elle est la loi, aussi bien du développement intellectuel que du développement physique, loi qui cependant est soumise à de considérables modifications dans chaque individu, mais n’est complètement violée chez aucun. Ainsi, d'une manière très générale, les lignes fondamentales de l’histoire de l'éducation de chaque individu sont déterminées à l'avance, et peuvent être prévues et formulées en lois, ces lois sont l'expression de la périodicité et de la symétrie de la croissance. Les forces mêmes de développement, leur espèce, leur variété, leur intensité, le moment où elles s'éveillent et le temps durant lequel elles persistent, bien que suivant des lois générales, sont, dans leur détail, particulières à chaque enfant. Tout organe, toute fonction du corps et de l'esprit a un point minimum d'origine et un point maximum de développement. La période qui relie ces deux points est celle où la direction imposée du dehors sur l'organe ou la fonction en question est la plus affreuse. C'est la période d’éducation. Il s'ensuit que la connaissance de ces périodes naturelles doit déterminer les devoirs de l'éducateur.
54° L'éducation n'a de prise que sur les individus. Une classe n'est éduquée que dans la mesure où le sont les individualités qui la composent. L’enseignement ne doit donc s'adresser qu'aux individus, la classe ne le recevra que dans la mesure où il atteindra les individus qui la constituent.
66° Le même milieu agit différemment sur des enfants différents et produit sur eux des réactions différentes ; réciproquement, des milieux différents agissent différemment sur le même enfant et produisent en lui de différentes réactions. Aussi, dans l'un et l'autre cas, l'éducation qui en résulte est différente. La fonction de l’instituteur est de modifier le milieu pour l'adapter à l’enfant : la fonction de l'enfant, de croître. Pour accomplir sa fonction avec succès, l'instituteur doit connaître à la fois l'enfant, le milieu et les actions et réactions mutuelles qui résultent de leur mise en présence.
77° Le succès, le résultat de l'éducation sont mesurés par le pouvoir qu'elle a d'élever l'enfant jusqu'au niveau d'un milieu supérieur à son niveau primitif et par l’efficacité plus ou moins grande avec laquelle l'enfant est mis à même d'agir et de réagir sur ce milieu.
88° L’éducation à l'école primaire élémentaire doit être surtout générale et donner des principes fondamentaux, de manière à conserver et à développer ces aptitudes à agir et à réagir sur un milieu donné, qui sont la condition de la réalisation de toutes les fins dignes d'être poursuivies. Parmi les plus importantes de ces aptitudes sont les suivantes : santé de l'esprit et santé du corps ; habitudes de propreté du corps et de l'esprit; sincérité dans la parole et dans l’action, modeste confiance en soi-même, empire sur soi-même, connaissance pratique des différentes matières d'enseignement, largeur d'esprit et de coeur.
99° L'enseignement véritable est une profession pour l'exercice de laquelle un exercice spécial et une science particulière sont nécessaires. Pour s'y préparer, et la préparation ne peut jamais être trop complète, cette profession requiert:
10L'esprit et le savoir que donne l'étude approfondie de l'évolution des idées pédagogiques de la race, et, à la lumière de cette histoire, l'étude spéciale des phénomènes de croissance physique et intellectuelle des individus.
11La connaissance des facteurs importants du milieu où se fait l'éducation, et où les enfants que l’on doit élever sont nés et sont destinés à grandir et surtout de ce milieu spécial que doit offrir l’école ; le premier milieu est constitué à la fois par les lois dominantes de la société moderne, par ses aspirations idéales et par les conditions principales où se trouve placé l'enfant ; le second par les matières d'enseignement considérées non seulement en elles-mêmes, mais comme instrument d'éducation.
12Un fonds inépuisable d'idéal tant intellectuel que moral et un enthousiasme durable et contagieux pour sa réalisation dans la vie humaine.
13Pour la pratique intelligente de sa fonction, l'éducateur doit :
14Reconnaître sa vraie fonction, c'est-à-dire contribuer à diriger avec le plus d'efficacité et le plus de succès possible la croissance de chaque enfant qui lui est confié, et concevoir comme il faut la fin réelle de sa mission; former des hommes et des femmes dignes de ce nom.
15A la lumière des lois générales de la croissance, il doit étudier consciencieusement et constamment la croissance de chaque élève.
16Il doit se familiariser avec les facteurs principaux du milieu qui entoure l'enfant au moment on se poursuit son éducation.
17Il doit adapter le milieu scolaire aux besoins et non aux désirs de chaque élève, ces besoins étant déterminés non par le point où est arrivé cet élève dans son évolution, mais aussi par le milieu extra-scolaire où vit l’élève et la manière dont il en est affecté.
1810° La véritable éducation a 40 ou 50 problèmes à résoudre dont chacun concerne un enfant et son milieu spécial, et qui se posent constamment à lui, lui demandent chaque jour tout autant de réflexion que la préparation de ses leçons. En effet, les élèves se renouvellent chaque année ou plus souvent, tandis que la matière de l’enseignement est déjà plus ou moins bien connue.
19La vraie fonction de chaque instituteur est d'abord de contribuer pour sa part à la résolution de ces 50 problèmes concernant l’enfant et son milieu. L’enseignement fructueux des faits se rapportant aux divers sujets n'est que subordonné à ce résultat. Un tel enseignement est indispensable, mais il ne l'est que lié à l'antre fin.
20L’étude bienveillante des enfants pris individuellement, et à la lumière de ces principes généraux, est par elle-même une éducation constante pour celui qui la pratique et elle servira plus que quoi que ce soit à combattre la tendance étroite et routinière à réduire l’enseignement à une suite de leçons et ne peut manquer à la véritable éducation de l'enfant.
21Le directeur de l’enseignement américain entre ensuite dans la description de ses fiches d'observation individuelle, il explique leur sujet, leur but, donne, à leur sujet des instructions fort intéressantes, et aussi les précautions à prendre, car cette méthode d'observation pourrait devenir nuisible si on l'appliquait mal.
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Il ne faut voir que l'éducation de chaque enfant ;
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Eviter la rédaction de fiches qui pourraient prévenir défavorablement envers un enfant un de ses maîtres avenirs ;
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Ne jamais être prévenu soi-même contre un enfant par l’une des pièces de son dossier psychologique;
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Ne jamais oublier que les enfants grandissent et changent constamment, que ce qui est vrai aujourd'hui peut ne plus l'être demain, etc., etc.
22Par tous ces renseignements l'instituteur prudent et sage saura s’assurer l'inappréciable coopération de la plupart des familles. Le rapport énumère une série de questionnaires sur :
23Le corps de l'enfant, son allure, sa santé, sa nutrition, sa circulation, ses facultés motrices, l'usage de ses organes vocaux, ses exercices physiques et ses jeux préférés, sa fatigue physique, son sommeil, ses organes des sens, sa propreté.
24L'âme de l'enfant, ses connaissances intellectuelles, son esprit d'observation, sa perception et son jugement, son attention, sa mémoire, son imagination, son raisonnement, son originalité, ses facultés d'expression, ses goûts, son tempérament, ses émotions, ses craintes, le sens du respect et de la vénération, le sens esthétique, ses affections, ses relations avec ses camarades, son sens moral, ses mobiles d'action, ses ambitions, son idéal, sa sincérité, ses habitudes, son obéissance, son attitude devant les châtiments, sa volonté, sa capacité d'effort, sa capacité d'exprimer ses idées, ses études préférées, son assiduité, sa fatigue mentale, ses anomalies.
25Le milieu où vit l’enfant — Le foyer, le langage maternel ou paternel, le but que se proposent les parents, les milieux où a vécu l’enfant, les diverses influences, son travail dans la famille, les études accessoires, le genre de lectures préférées, ses relations sociales, la manière de passer les vacances et les jours de fête, les amitiés et les fréquentations, sa liberté d'action.
26Le rapporteur passe en revue quelques exemples d’observations types montrant le caractère des études déjà faites et qu’on pourra faire en s'inspirant du plan indiqué ci-dessus. Il termine enfin par cette conclusion que nous citons en entier :
27L’étude psychologique de l’enfant doit être purement facultative.
28C'est notre ferme conviction qu'après les études fondamentales dont nous avons parlé, une enquête systématique faite avec tact sur chaque élève; et sur les facteurs principaux, qui dans le milieu où il est placé agissent sur son éducation, est le travail professionnel le plus réellement important que puisse faire un maître. C'est en vérité un travail absolument essentiel pour tout maître qui veut remplir pleinement les plus élevés de ses devoirs. Bien que telle soit notre conviction, nous l'avons jusqu'ici laissé purement facultatif. Nous savons que l'imposition d'une pareille tâche est généralement considérée connue une exigence supplémentaire ou comme l'effet d'un engouement passager à la fois pour le public et pour les maîtres. Il nous a donc paru sage de ne conseiller d'abord ce travail qu'à ceux que nous savions les plus désireux d'atteindre notre but. Tout en montrant aussi clairement et aussi fortement que possible l'importance de la portée de telles enquêtes, si l'on considère l'éducation du point de vue qui est le nôtre, nous n'avons caché à aucun maître la peine et la responsabilité qu’elles impliquaient et nous n’avons poussé personne à les entreprendre qui ne fût disposé à la faire de grand cœur, avec la conviction profonde que l’intérêt de l’enfance y était attaché.
Heureux résultats
29Nous avons toujours eu la certitude que les résultats de ces études démontreraient leur valeur à tous les maîtres de bonne foi et que, bientôt, il en serait peu qui ne désirassent y coopérer. L'extension rapide de l'œuvre a déjà montré que notre conviction était bien fondée.
30Quand ce plan d'études psychologiques de l'enfant fut préconisé, il y a moins d'un an, vingt instituteurs s'offrirent à en faire l'essai, aucun d'eux n'a encore abandonné l'expérience et plus de trente autres se sont joints à eux. Plusieurs maîtres dans chacune des écoles de la ville se sont engagés dans cette voie et il est plusieurs écoles où notre plan est suivi dans toutes les classes. Ces faits sont des plus encourageants parce qu'ils indiquent que nos maîtres sont pour la plupart pénétrés du véritable esprit de leur profession, qu'ils acquièrent une noble et large conception de leurs responsabilités et qu'ils ont à cœur d'accomplir dans toute son étendue ce qu'ils considèrent comme leur devoir.
Pour citer cet article
Référence électronique
« Plan systématique pour l’étude psychologique de l’enfance », Éduquer [En ligne], Bulletin de la Société libre pour l’étude psychologique de l’enfant, mis en ligne le 15 octobre 2008, consulté le 14 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/eduquer/86 ; DOI : https://doi.org/10.4000/11v4n
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