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"Smart Home, Sweet Home": des générations interconnectées?

Date limite de réception des propositions (résumés) : 15 septembre 2025
Remise des manuscrits complets :
30 mars 2026
Parution : été 2027

Sous la direction de :

Vincent Meyer, professeur, Université Côte d’azur (France)

Florence Millerand, professeure, Université du Québec à Montréal (Canada)

De l’abri sous roche à la demeure contemporaine, dans l’urbain comme dans le rural, nos interactions humaines dans la cellule familiale ont été, pour beaucoup, préformées par notre environnement de vie et, tout particulièrement, par notre habitat. Ce dernier, en de multiples pièces, est à la fois le support et le réceptacle de notre identité, de notre intimité, de notre mémoire in fine de toute notre organisation quotidienne ; de l’habitat à l’habitus en somme. Dit autrement encore, l’habitat et ses dispositions et équipements classiques conditionnent sensiblement notre manière de vivre ensemble, de construire du lien parental y compris intergénérationnel. La récente pandémie de Covid-19 a révélé le rôle crucial du domicile en temps de confinement, obligeant certaines réorganisations au sein des foyers, bousculant les temporalités de la vie familiale, redistribuant nos agencements comme nos équipements. Ce coup de projecteur sur le domicile a également rendu visibles des disparités sociales très fortes en termes d’espace et de confort, de soutien ou d'isolement à tous les âges. Surtout, il a révélé le rôle irréfragable des technologies numériques et de la connectivité.

À l'ère du tout numérique (Cauli et al., 2022 ; Cardon et al., 2023), ce numéro vise à faire le point sur l’évolution de nos vies connectées dans nos environnements du quotidien en parentalité(s). Il s’agit de problématiser ce que l’habitat connecté - comme environnement du tout-ensemble - fait aux familles et ce que les familles font de ces dispositifs (intérieur multiscreen, Internet des objets, capteurs d’activités, robotique d'accompagnement et conversationnelle, réalités virtuelle et/ou augmentée, etc.) : pourquoi et comment cet ensemble participe des dynamiques familiales/parentales contemporaines, conjugales ou intergénérationnelles et quels effets (mais aussi quels mésusages et détournements) peuvent être identifiés ou caractérisés en diverses parentalités (Meyer et Stella, 2021) et/ou dans une reconfiguration des liens familiaux gouvernée par des algorithmes ?

L’habitat qu’il soit individuel ou collectif, aggloméré ou dispersé est aujourd’hui équipé et piloté par différentes technologies (Smeenk, 2023). Sans doute, pour éprouver cette évolution, faudrait-il partir des questionnements formulés il y a plusieurs décennies déjà sur la téléassistance/surveillance ouvrant sur la domotique. La technologie lato sensu a naturellement accompagné la modernisation de l’habitat sous couvert de protection et de contrôle. La technologie a également produit des discours d’accompagnement enchantés davantage centrés sur les effets d’émergence d’un implicite de nos interactions jusque-là invisible et/ou “gardé” entre des murs. Quand cet implicite traverse les murs, les apports et les avantages de dispositifs sociotechniques interopérables et personnalisables donnent à penser autrement leurs enjeux du point de vue social, éthique, économique voire politique notamment sur la famille, quelle que soit sa (re)composition. À titre d'exemples, les discours sur la prévision des négligences et des violences familiales grâce à l'habitat connecté témoignent de visions enthousiastes sur le potentiel transformateur des technologies, qui sont souvent empreintes de techno-déterminisme faisant fi de la complexité des interactions humaines et des contextes sociaux (Meyer, 2017).

La question, dans ce contexte, de l'“acceptabilité" de ces technologies n’a guère encore été posée. Les dispositifs ont été pensés comme a priori non intrusifs, banalisant la trame des interactions et leurs effets au profit de discours promotionnels. L’habitat doit être évolutif, durable, vigilant, aimable et aidant… L’habitat connecté actuel, lui-même inséré dans un territoire physique requalifié entre smart et safe cities (Lequesne-Roth, 2020 ; Meyer, 2021 ; Tréguer, 2024) est pourtant un puissant révélateur des tensions et des controverses entre les nouvelles formes de surveillance versus d’autonomie (Zuboff, 2020). S'y ajoutent les enjeux liés à la datafication et au traçage dans le recueil d’activités journalières, la simplicité des interfaces versus l'opacité de fonctionnement des systèmes, et l'épineuse question de la protection des données lorsque les IA parlent avec et pour nous (Denis, 2018 ; Millerand et al., 2025). Pour forcer (à peine) le trait, la porte est maintenant ouverte à une parentalité algorithmique. En effet, ce focus sur l’habitat connecté permet de nous intéresser aux transformations récentes de la famille, du lien parent-enfant, du lien entre les usages et les rôles sexués au sein des couples et des familles, du lien intergénérationnel, de la famille transnationale "connectée", d’autant que la catégorie réifiée des seniors dans ce premier quart du XXIe siècle est sensiblement acculturée aux technologies numériques (Delias, 2019). L'agencement, puis l’intégration du non-humain, du couplage humain-machine en continu, accompagne désormais la vie familiale. Ces évolutions préfigurent à tout le moins une intensification de la médiation technologique dans les rapports à soi et aux autres en famille. Elles sont aussi des marqueurs - avec en toile de fond, un monde qui génère de plus en plus de zettaoctets - d’une socialisation où le contrôle de son habitat en est également un des altérités à grand renfort de solutionnisme technologique (Morosov, 2014).

De manière non exhaustive, les propositions peuvent se centrer sur :

  • les dispositifs comme objets du point de vue de ce qu'ils configurent et préfigurent au sein des familles, mais aussi en termes de modalités d'accès, d’acquisition y compris financières ou marketing ; enfin, ce que traduisent les modalités actuelles de conception (techno-centrée ou participation des utilisateurs - codesign) ;

  • les dispositifs comme objets (externes et en évolution permanente) de sens, de sensations et/ou de productions désirantes pour les familles surtout quand ils se substituent probablement à la coprésence humaine, pallient l’éloignement, la séparation ;

  • les solutions d’une surveillance de soi et des siens à des fins de sécurité affective, relationnelle et physique (prévention des négligences voire violences intrafamiliales, soutien à la parentalité, etc.) ;

  • les discours d'accompagnement : effets d’émergence et représentations techno-centrées, imaginaires de protection, finalités bénéfiques, injonctions à l’action, d’évaluation des besoins et demandes des enfants, prescriptions en termes de relations interpersonnelles ;

  • le profil des usagers comme la composition des familles (y compris les familles d’accueil), leurs pratiques, usages, dynamiques d'appropriation et les controverses qu’elles suscitent.

Si les propositions doivent être ancrées prioritairement dans les sciences humaines et sociales, l’apport dans une perspective interdisciplinaire des sciences de l’ingénierie sur cette évolution contemporaine serait aussi utile qu’appréciée. Les propositions attendues sont des articles scientifiques originaux basés sur des recherches empiriques, incluant des cas d’études, mais aussi des discussions théoriques ou conceptuelles. Une diversité des approches est classiquement souhaitée.

Modalités de soumissions

Les propositions (résumés) doivent être soumises sur notre site pour le 15 septembre 2025. Veuillez sélectionner le titre du numéro thématique dans le formulaire de soumission. Les propositions d’article devront comprendre un titre provisoire, un résumé (1500 à 2000 caractères, espaces compris) et les coordonnées des autrice/teur·s. Les autrice/teur·s des propositions retenues devront remettre leur manuscrit au plus tard le 30 mars 2026. Pour consulter les règles d’édition de la revue. Les manuscrits sont acceptés ou refusés sur la recommandation de la direction de la revue et des responsables du numéro après avoir été évalués à l’aveugle par deux ou trois lectrices/teurs externes.

Bibliographie

Cardon, D. Parasie, S., Ricci, D. L'Atelier de cartographie de Sciences Po (2023). L’atlas du numérique, Presses de Sciences Po.

Cauli, M., Favier, L., Jeannas, J.Y. (dirs.) (2022). Dictionnaire du numérique, Iste Éditions.

Delias, L. (2019). « Les mécanismes d'appropriation des technologies informatiques et numériques chez les retraité.e.s du premier baby-boom: génération et trajectoires genrées », RESET– Recherches en sciences sociales sur Internet, no 8.

Denis, J. (2018). Le travail invisible des données, Presses des mines.

Lequesne-Roth, C. (2020). « Villes intelligentes et état de droit », dans Marteu, T. Parachkevova I. ET Racine, J.-B. (dirs.), Droit et objets connectés, Larcier.

Millerand, F., Coutant, A., Latzko-Toth, G. et Millette, M. (2025). Les publics de données : Penser la datafication de la société, Presses de l'Université de Montréal.

Meyer, V. (2017). Transition digitale, handicaps et travail social, Les études hospitalières.

Meyer, V. (2019). « Smart city : quel lien social pour la personne vulnérable ? », dans Cyrulnik, B. (dir.), Smart city, une autre lecture de la ville, Éditions Ovadia, p. 183-200.

Meyer, V., Stella, S. (2021). Parentalité(s) et après ?, Éditions Érès.

Meyer, V. (2021), « Vivre et vieillir en "bonne intelligence"», dans Pitaud, Ph. (dir.), Vieillir dans une société connectée. Quels enjeux pour le vivre ensemble ?, Éditions Érès, p. 111-125.

Morozov, E. (2014). Pour tout résoudre, cliquez ici, 1re édition, Éditions FYP.

Smeenk, H.G. (2023). Internet of Things for Smart Buildings: Leverage IoT for smarter insights for buildings in the new and built environments, Packt Publishing.

Tréguer, F. (2024). Technopolice. La surveillance à l’ère de l’intelligence artificielle, Éditions Divergences.

Zuboff, S. (2020). L’âge du capitalisme de surveillance : Le combat pour un avenir humain face aux nouvelles frontières du pouvoir, Zulma Essais.

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