1Plusieurs auteurs soulignent l’importance du code gymnique « C’est une variable didactique essentielle » qui cristallise les représentations de l’activité (Goirand 1996). Les documents d’accompagnement du collège en font également mention. C’est donc un objet que l’école emprunte aux pratiques sociales. Pour autant, quel usage en est-il fait par l’enseignant ?
2La plupart du temps, l’enseignant assume la responsabilité de construire le code et de le donner déjà constitué aux élèves. C’est un choix de transposition ou l’élève n’est pas impliqué dans la construction du code, le savoir nécessaire pour construire le code appartient à l’enseignant. Les élèves sont, quant à eux, invités de diverses façons à utiliser ce code pour identifier les éléments gymniques mis à l’étude, pour se situer, choisir, anticiper leur note, etc.
3Un autre choix consiste à considérer les règles de constitution du code comme un savoir nécessaire que les élèves doivent avoir l’occasion d’apprendre.
4Dans cette perspective, l’enseignant abandonne alors une tâche qu’il assumait jusque-là et fait dévolution aux élèves de la responsabilité de construire le code. Il propose pour cela une série de situations (un milieu au sens didactique) permettant de comprendre quels axes de complexification permettent de hiérarchiser les éléments gymniques qui leur sont proposés, et d’identifier les critères de réalisation de ces éléments. C’est faire le pari que les élèves accéderont ainsi, non seulement à l’outil – le poster des figures hiérarchisées – mais bien au-delà au sens, c’est-à-dire à la logique gymnique de complexification de leurs réponses motrices. Ils devraient ainsi s’approprier et dépasser le tableau des figures pour apprécier leurs prestations et inventer d’autres. Il est alors nécessaire de préciser brièvement ce que l’on entend par dévolution.
5La dévolution est vue comme un mécanisme de transfert des responsabilités du maître à l’élève (Sensevy, 1998). Si L’enseignant se dessaisit de la partie de sa responsabilité qui est spécifique du savoir, il est toutefois responsable de l’organisation d’un milieu a-didactique qui permette à l’élève de faire des hypothèses, de contrôler les effets produits par son action et de valider des éléments de réponse spécifiques du savoir visé par l’enseignant. « Le travail qui consiste à établir de telles situations est un travail proprement didactique et c’est même un des rôles fondamentaux du maître » (Margolinas, 1996). Ainsi, dans un processus de dévolution, le rôle du milieu est primordial.
6Nous avons constaté dans une précédente recherche (Garnier, 2003), malgré des convictions fortes et une volonté très marquée de la part de l’enseignant, l’échec de la dévolution de savoirs relatifs à la verticale renversée en gym. On ne peut imputer cet échec à de la mauvaise volonté ou à un défaut de connaissances, mais à des obstacles à dépasser. Chevallard (1988) reconnaît qu’il est extrêmement difficile de modifier le fonctionnement usuel du système didactique.
7Bloch (1999) observe que des séquences de dévolution, où l’enseignant se tient théoriquement en retrait, sont cependant très coûteuses pour ce dernier. Nous faisons l’hypothèse qu’au-delà de l’intention, différents déterminismes pèsent sur enseignant qui ne lui permettent pas de constituer un milieu pertinent pour que les élèves puissent assumer une dévolution effective du savoir visé.
8Ce travail poursuivait donc une double visée :
-
il avait pour objet de valider la pertinence du milieu construit par l’enseignant pour que les élèves puissent endosser la responsabilité d’identifier les axes de complexification des figures pyramides d’acrosport et leurs critères de réalisation ;
-
il avait dans le même temps l’ambition d’identifier les obstacles rencontrés par l’enseignant dans la constitution de ce milieu.
9Dans cet article, nous ne rapporterons que les séquences relatives à la construction des critères de complexification des figures gymniques.
10L’importance du milieu dans le processus de dévolution rend nécessaire une analyse de ce milieu à partir des conditions de possibilité offertes pour que l’élève puisse assumer le transfert de responsabilités escompté par l’enseignant. Cette analyse permet d’anticiper ce que les élèves vont y faire effectivement et la nature du contrat didactique susceptible de s’y nouer. Nous l’avons confrontée (à partir de l’observation vidéo et l’enregistrement des interactions) à l’analyse de ce que les élèves et l’enseignant y font effectivement, toujours du point de vue de la prise en charge des responsabilités relatives au savoir censé être dévolu.
11Cette double analyse permet de valider ou d’invalider le milieu, ce qui correspond à notre première visée.
12L’analyse de l’entretien post-séance entre l’enseignant et le chercheur sur les difficultés ressenties par l’enseignant et sur celles pointées par le chercheur (issues de la confrontation des analyses à priori et à posteriori) permet d’identifier les difficultés à la mise en œuvre d’une dévolution effective. Toutefois, ces difficultés ne sont pas forcément des obstacles.
13Au cours de la semaine, l’enseignant enseigne à nouveau cette même séance tout en modifiant, après l’entretien avec le chercheur, certaines séquences dans une autre de ses classes de même niveau.
14Le corpus issu de l’observation vidéo et de l’enregistrement donne lieu à une nouvelle analyse à partir, et de ce qui change, et de ce qui perdure chez l’enseignant dans ses tentatives de dévolution du savoir.
15La confrontation des analyses issues de l’entretien entre les deux séances et celles issues de la nouvelle séance permet de faire la part entre difficultés et obstacles récurrents, ce qui correspond à notre seconde visée.
16Dans le cadre de cet article, nous nous centrerons essentiellement sur l’analyse du milieu construit pour la dévolution.
17Pour la séquence que nous rapportons, deux corpus de données se recoupent : (i) les observations vidéo de la classe permettant de décrire l’ensemble des gestes de l’enseignant (conception des dispositifs et direction d’étude) imbriqués aux gestes d’étude de la classe ; (ii) les entretiens vidéo post-séance de l’enseignant. Nous avons abordé ce travail à partir de la théorie anthropologique du didactique (Chevallard, 1999). Ces deux corpus ont été analysés de façon itérative, à l’aide des catégories issues du modèle de l’action didactique (Sensevy, Mercier, Schubauer-Leoni, 2000) et du contrat de communication (Schubauer-Leoni 1997).
18Il s’agit d’une classe de 4ème lors du premier cycle d’acrosport de la scolarité collège. C’est la deuxième séance du cycle. Elle met en scène une classe de 28 élèves et Nat, l’enseignante. Elle enseigne depuis plus de 20 ans, et utilise l’acrosport comme support d’enseignement depuis plus de 10 ans. Il s’agit dès lors d’une enseignante confirmée. Lors de la première séance, les élèves ont eu à inventer des figures d’acrosport à partir de postures de départ imposées par l’enseignante. Dans cette séance et les suivantes (trois séances au total), Nat tente de faire dévolution aux élèves de la construction du code.
19Sur la séquence présentée ici, elle attend que les élèves se posent la question de la hiérarchisation des figures et qu’ils identifient des critères qui permettraient de les classer et de construire ainsi le code : à leur niveau, plus la figure est haute, plus c’est difficile ; plus il y a d’appuis tendus renversés dans la figure, plus c’est difficile ; et moins il y a d’appuis au sol dans la figure, plus c’est difficile.
20La classe est d’abord réunie au tableau.
21Nat : « Je vais vous donner une fiche, vous allez essayer de faire les figures et puis vous les classerez du plus facile au plus difficile. Ensuite, on viendra au tableau donner les réponses et on verra ce que vous avez trouvé, ça nous servira à vous mettre une note ».
22Les élèves répartis en petits groupes de quatre partent travailler 15 minutes sur leurs tapis.
- 1 L’acrosport transposée à l’école comme activité gymnique, doit alors poser un défi gymnique à une m (...)
23La fiche présente 12 figures de trio d’acrosport, d’une grande diversité. Certaines sollicitent la maîtrise de l’ATR sur un porteur à quatre pattes. D’autres, plus simples, n’exigent pas de renversement. Enfin, nombre d’entre elles ne présentent pas un problème spécifique à l’acrosport1 (fig. 1), lorsque par exemple, l’ATR est réalisé mains au sol avec un pareur de chaque côté.
Figure 1
24Pour que cette question de la hiérarchisation des figures d’acrosport puisse réellement être dévolue, Nat devait résoudre plusieurs problèmes didactiques. Examinons si le milieu proposé le lui permet.
25Le milieu permet-il à tous les élèves de mobiliser des connaissances in corpore, c’est-à-dire leur proposer des figures réalisables par tous, sans pour autant leur faire prendre trop de risques dans cette deuxième séance du cycle ?
26Certaines figures (fig. 2 et 3) sont inaccessibles, trop difficiles en l’état de ce que les élèves peuvent faire.
Figure 2
Figure 3
27Nat aurait pu utiliser, en les modifiant légèrement, les figures inventées par les élèves lors de la séance précédente. Elle serait ainsi partie de leur potentiel du moment. Mais elle les trouve « sans intérêt gymnique, trop banales », et pense qu’« il faut apporter du nouveau aux élèves pour leur ouvrir des perspectives, et puis faut pas les lasser ». Cette opinion renvoie à la chronogénèse, c’est à dire à la nécessité d’introduire du nouveau dans le défilement du temps didactique et au contrat de communication, c’est à dire à ce que l’enseignant croit percevoir des attentes des élèves.
28Le milieu permet-il à tous les élèves de trouver une réponse sans que ce soit le professeur ou ceux qui savent déjà qui la donnent ?
29Il faudrait pour que cela puisse être envisageable, que le nombre de figures proposées soit plus réduit. Il serait ainsi possible d’exiger que tous aient réalisé ces quelques figures, afin que chacun partage la même expérience. Mais Nat tient « à la diversité, la richesse de l’APS ». Cette opinion envoie à la transposition, c’est-à-dire au choix des objets issus de l’APS de référence.
30Le milieu permet-il aux élèves d’accéder à des catégories de réponses gymniques, ce qui réduirait l’incertitude des réponses des élèves, qui, nous le verrons, est ingérable par l’enseignante ?
31Il faudrait pour cela que les figures pyramides qui le composent soient représentatives des catégories de problèmes que Nat veut, en utilisant l’acrosport, poser à la motricité de l’élève parce qu’ils sont formateurs. Dans cette perspective, l’analyse de l’activité acrosport montre que les problèmes que la réalisation des figures posent à l’élève, sont liés à la hauteur, « plus c’est haut plus c’est difficile », à la stabilité/équilibre spécifiques à l’acrosport « moins il y a d’appuis, plus c’est difficile », et au renversement spécifique d’une motricité gymnique « plus il y a d’ATR dans la figure, plus c’est difficile ». Il faudrait donc dans les figures proposées aux élèves, isoler chacun de ces axes (la hauteur, le nombre d’appuis, le renversement) pour qu’ils puissent être identifiés sans équivoque. Or, les figures proposées par Nat sont bien trop nombreuses (il y en a 12 à essayer en 15 minutes) et trop diverses pour permettre aux élèves de dégager ces indices qui pourraient leur permettre d’accéder à la logique du code.
32L’analyse du milieu permet ainsi d’avancer qu’il n’offre pas aux élèves les conditions permettant d’identifier les réponses attendues.
33Ils « essaient » les tâches et oublient de les classer. Ils commencent par les figures sans renversement, puis « butent » sur celles avec un ATR. Ils désignent comme voltigeur celui qui sait déjà faire l’ATR ou qui est le plus dégourdi, ce qui déjà complique la question de la difficulté : difficile pour celui qui ne sait pas faire, plus facile pour celui qui sait déjà. Par exemple, c’est paradoxalement une figure relativement simple qui ne pose pas le problème de l’acrosport (les deux ATR se font au sol et sont tenus par un pareur au milieu qui doit ainsi parer deux ATR en même temps) qui leur est plus ardue du fait de la double tâche du pareur. Plus ardue qu’une autre, pourtant plus difficile, où l’ATR se fait sur le dos d’un porteur. Car, dans ce cas de figure, les deux pareurs hissent littéralement un voltigeur complètement passif sur le dos du porteur.
34Nat passe de groupe en groupe, répond aux sollicitations des élèves « M’dame, où il met les mains lui ? », pare certains groupes.
35C’est une séquence qui « marche » mais le contrat glisse imperceptiblement de « classer » à « faire » les figures. « M..., on a oublié de classer ! » s’exclame Léa lorsque Nat les rassemble.
36Nat est en difficulté pour obtenir des réponses, puis pour utiliser la grande diversité des réponses.
37Nat réunit la classe au tableau :
38- « Alors, vous avez pu les classer ? »
39- Hésitations… « Pas trop. » « C’est dur, M’dame. »
40- « Il y en a quand même que vous avez pu faire plus facilement que d’autres ? »
41Des réponses fusent qui ne satisfont pas Nat, et pour cause… ! Elles sont issues d’un raisonnement de sens commun et non pas de la mobilisation de connaissances gymniques comme l’attend Nat.
42« Ben, quand les costauds ils sont dessous, c’est plus facile que quand c’est des légers ».
43« Il faut être souple ».
44« Avoir de bons partenaires ».
45« Quand c’est celui qui sait faire l’ATR qui est dessus ».
46« C’est quand on se fait aider ça va mieux, il en faut deux qui aident ».
47Nat insiste, repose la question d’une façon différente et demande d’écrire sur un post-it, par groupe, ce qui fait qu’une figure peut être plus difficile qu’une autre et de coller la réponse au tableau. Les élèves sont très embarrassés. Bien que l’enseignante ait utilisé une technique didactique qui, à ses yeux contraindra tous les élèves à répondre à la question (l’écrire), rien dans le milieu n’a changé qui permettrait aux élèves de passer des connaissances de sens commun à des connaissances gymniques.
48- Léa : « Ben je sais pas moi, qu’est-ce qu’on met comme réponse ? »
49- Nadia : « On met que les filles sont plus souples que les garçons ? »
50- Léa : « Non. »
51- Issam : « Mais si, puis je sais pas moi, mets ce que tu veux. »
52- Léa : « Alors, faut écrire quelque chose… »
53- Nadia : « Ben on met ça... tant pis »
54Les filles sentent bien que ce n’est pas la réponse attendue, mais le poids du contrat institutionnel (l’élève produit une réponse) et l’impuissance du milieu à susciter des catégories de réponses gymniques les conduisent à puiser dans des connaissances de sens commun. Nat est en difficulté pour utiliser la grande diversité des réponses. Peu à peu, le tableau se remplit et Nat est alors débordée par la diversité des réponses. Certaines sont proches de critères gymniques « un arbre droit est plus facile au sol que sur quelqu’un », « la position en arbre droit est difficile à faire ». Mais le plus grand nombre relève toujours de réponses de sens commun « quand on doit compter les uns sur les autres », « quand on a de la technique ».
55Nat tente alors, par une autre technique didactique, un jeu de questions / réponses, d’amener les élèves à formuler les critères de hiérarchisation des figures.
56Dans un premier temps, elle repart des réponses des élèves qu’elle juge utiles pour faire avancer la question posée.
57« Bon, on va reprendre là, vous me dites la position en arbre droit est difficile à faire, alors entre une figure où il y en a un, et une figure où il n’y en a pas, qu’est-ce qui est le plus difficile ? Alors on dira que c’est plus difficile parce que… parce que… ? » Elle sait que dans le contrat institutionnel implicitement partagé par ses élèves, cette tournure de phrase et cette intonation fonctionnent comme un indice de reconnaissance de la bonne réponse attendue par le maître. La réponse est ainsi obtenue grâce au partage de codes implicites indiquant les attentes de l’enseignante. Du point de vue de la volonté de dévolution, ce n’est pas le milieu qui permet de cheminer vers l’institutionnalisation de la réponse, mais la parole de Nat.
58Ayant obtenu les réponses attendues, et ayant institutionnalisé aux yeux de la classe qu’une figure « est plus difficile avec un ATR que sans ATR », elle dessine ensuite au tableau deux figures qui se ressemblent, mais l’une est de faible hauteur, alors que l’autre est plus haute à trois étages superposés (fig.5) :
Figure 4
Figure 5
59- « Entre ces deux figures laquelle est la plus difficile à votre avis ? »
60- « Celle-là. »
61- « Dites-moi pourquoi ? »
62Le dialogue se poursuit entre quelques élèves et elle, pendant qu’Issam, Léa et d’autres attendent en discutant discrètement.
63- « M’dame c’est dur parce qu’il faut avoir de l’équilibre. »
64- « Oui, mais il faut en avoir partout de l’équilibre, pourquoi il faut en avoir plus pour celle-là ? »
65- « Parce que c’est dur de monter là-haut, on fait bouger tout le monde. »
66Elle insiste « et alors, si c’est haut , c’est que… ? » jusqu’à ce qu’elle obtienne une réponse acceptable « c’est dur parce que c’est haut » qu’elle reformulera et institutionnalisera en l’inscrivant au tableau « plus c’est haut plus c’est difficile ».
67Elle tente ainsi dans le feu de l’interaction, de substituer un nouveau milieu, les « figures voisines », bien plus pertinent que l’ancien du point de vue de la question qu’elle pose. Mais le temps qui passe et le coût organisationnel ne lui permettent pas de demander à la classe comme au début de la séance, à la classe d’aller les réaliser avant de répondre « c’était déjà (15h) trente, les faire repartir sur ces figures, ça m’aurait pris trop de temps » dira-t-elle lors de l’entretien post-séance. Elle est donc contrainte de faire fonctionner ce nouveau milieu de façon virtuelle au tableau et de s’appuyer à la fois sur les meilleurs élèves et sur les implicites du contrat didactique consistant à faire deviner la réponse attendue pour obtenir la réponse et faire avancer le temps didactique. Elle recommence la même chose pour obtenir le dernier critère attendu, dans une séquence presque semblable, (moins il y a d’appuis plus, c’est difficile d’autant plus que les élèves décryptant le contrat didactique ont vite compris où elle veut en venir). Nous ne la détaillerons pas ici.
68Que nous Les gestes de l’enseignant montre Nat ?
69Les gestes de l’enseignant dans la conception du milieu initial sont à minima sous trois contraintes qui peuvent devenir des obstacles.
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Les choix transpositifs : refléter en classe la diversité de l’activité sociale « c’est drôlement réducteur (de travailler à partir des réponses des élèves), l’acrosport ça se limite pas à ça. »
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L’avancée du temps didactique qui incite l’enseignant à introduire du nouveau à chaque séance : « Je voulais leur faire voir autre chose. »
70Bien que cela n’ait pas été exprimé par Nat, nous pensons que ce souci de la nouveauté et de la diversité obéit également à la contrainte essentielle d’obtenir l’adhésion des élèves à partir de leurs attentes supposées.
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La contrainte chronogénétique est un des déterminants majeurs des gestes de l’enseignant lorsqu’il régule la tâche : à l’issue de la séquence, il lui faut absolument obtenir et institutionnaliser le savoir visé.
71Nat espérait que le milieu permettrait aux élèves d’identifier les réponses. L’impuissance du milieu la contraint à utiliser dans l’urgence deux techniques didactiques.
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Lorsque les réponses des élèves sont assez proches des réponses attendues, elle s’appuie sur les implicites du contrat institutionnel, qui fonde tout arrière-plan communicationnel en classe, pour que les élèves puissent à moindres frais deviner ce qu’elle attend : intonation de la voix que nous connaissons tous « on dira que c’ est plus difficile parce que… », et qui sont caractéristiques des effets de contrats soulignés par Brousseau (1990).
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Lorsque les réponses des élèves sont trop éloignées de ses attentes, elle ne renonce pas à la technique mésogénétique de dévolution d’un milieu. Elle introduit un nouveau milieu (les figures voisines) qui s’avère pertinent en ce sens où il permet aux élèves d’isoler et d’identifier un des axes de complexification des figures d’acrosport dans le code. Mais la contrainte organisationnelle et la pression du temps qui passe ne lui permettent pas d’en faire effectivement dévolution aux élèves. Ce milieu reste « virtuel » et fonctionne dans un jeu de questions-réponses soutenu par les implicites du contrat institutionnel jusqu’à ce que les quelques élèves, qui ont déjà assez de vécu, de connaissances in corpore pour se distancier et imaginer la réalisation de ces figures, puissent apporter la réponse attendue. L’éventualité de cette technique avait été envisagée lors de l’entretien avec le chercheur/formateur, mais Nat avait résisté, n’en percevant pas l’utilité. Elle y revient dans l’urgence.
72La technique d’institutionnalisation reste assujettie au contrat institutionnel, dans le sens où c’est la parole de l’enseignant et non le milieu qui légitime la pertinence des réponses et officialise ainsi des connaissances en savoirs.
73Lors de l’entretien, Nat a vu avec le chercheur/formateur que solliciter les élèves avec la technique des post-it est une technique qui permet de façon économique à tous les élèves de la classe, de formuler une réponse. C’est également un outil professionnel qui oblige les élèves à prendre connaissance des réponses des autres et qui offre à l’enseignant une catégorisation des réponses de la classe presqu’immédiate. C’est aussi avec cet outil qui fait aussi partie intégrante du milieu dévolu que l’on obtient des réponses gymniques de la part des élèves. Mais elle ne retient de cet outil que sa forme « écrire sur un post-it, le coller au tableau » et pas son sens « tous les élèves répondent et tous lisent les réponses des autres », ni la façon dont cet outil se traduit par des exigences dans l’écriture et dans la façon de coller les post-it. Et c’est parce qu’elle n’a pas vu le sens qu’elle a d’abord posé la question oralement, parce que plus économique du point de vue de la pression du temps « faire écrire, c’est plus long ». N’obtenant pas la réponse, elle utilise la forme de l’outil dont elle a vu qu’il permet d’obtenir des réponses. Mais cet outil des post-it, déconnecté des exigences d’écriture et de restitution au tableau, et surtout déconnecté en amont d’un milieu qui permet de mobiliser des catégories de réponses gymniques est tout à fait stérile. Elle l’abandonnera donc très vite, tout en ayant quand même perdu pas mal de temps pour un piètre résultat.
74Ce travail permet d’avancer l’idée qu’il existe des conditions spécifiques au savoir pour qu’il y ait dévolution.
75En EPS, les savoirs dévolus sont complexes. Les APSA peuvent être considérées comme des nœuds de problèmes, en ce sens où elles mettent en jeu plusieurs dimensions qui toutes font problème pour la motricité usuelle de nos élèves. Nous pensons que le milieu doit isoler ou accentuer telle ou telle dimension du problème à résoudre pour permettre à l’élève de l’identifier. En l’occurrence, pour permettre aux élèves d’identifier les axes de complexification du code, dissocier la hauteur, le renversement et les appuis. Le milieu virtuel introduit au tableau nous paraît prometteur. Lors de la séance suivante, Nat transformera ce milieu virtuel en tâches concrètes à explorer par les élèves. Ce milieu réel, cette fois, tiendra ses promesses du point de vue de la dévolution.
76D’autre part, les gestes mésogénétiques de l’enseignant relatifs à la construction et l’évolution du milieu sont sous la double contrainte de son rapport au savoir enseigné et de la pression du temps didactique. Nous observons de la part de l’enseignante des transformations longues qui ne deviennent opérantes qu’en situation de crise c’est-à-dire face à des élèves qui ne présentent pas le comportement attendu dans une situation non maîtrisée, un contexte de dévolution, nouveau pour cette enseignante pourtant expérimentée.
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