1D’abord préoccupée par la nature de l’enseignement du volley-ball en milieu fédéral, (Amans-Passaga, 1997, Amans-Passaga, Amade-Escot et Bouthier, 2000), où l’on a pu approcher l’intérêt d’une formation des habiletés cognitives, de l’intentionnalité, chez des joueuses de club de niveau débrouillé, cette recherche s’inscrit dans un autre système didactique : l’Association Sportive Scolaire dans le cadre de l’enseignement secondaire, afin d’y observer comment s’envisage l’intervention relative à l’enseignement-entraînement en sports collectifs pour des équipes d’AS.

2Le cadre d’inscription de la recherche est celui de la didactique : lequel propose d’investiguer des systèmes didactiques spécifiques et préconise à ce titre une approche descriptive et compréhensive de l’enseignement ordinaire (Amade-Escot, 2003). De fait, sans perspective de généralisation aucune, nous sommes allés à la rencontre de quelques enseignants volontaires pour qu’ils nous livrent leur expérience en Association Sportive afin d’approcher les intentions qui président à l’action d’intervention dans ce contexte fort spécifique. A cette fin, nous nous sommes intéressés à l’appréhension particulière de ce milieu par les enseignants, à leur perception des objectifs fixés par l’institution, aux projets de formation qu’ils conçoivent. La visée de l’étude est également de mettre à jour les conceptions du jeu qui président à leur action de formation.

1. Contextualisation de la recherche

3On reconnaît en effet à l’investissement des enseignants d’EPS dans ce contexte des traits particuliers : ils disent majoritairement y consacrer beaucoup de temps (souvent au- delà du forfait requis par leur statut) et trouver dans ce cadre particulier de leur action, un intérêt soutenu. Selon les chiffres de l’UNSS inscrits dans le Rapport Leblanc (2001), 92 % des enseignants choisissent le forfait de trois heures dans leur service. Ils y développent d’ailleurs une forme d’intervention spécifique à mi-chemin entre enseignement et entraînement. Paradoxalement, ce secteur ne semble pas l’objet de nombreux travaux d’étude qui permettraient de mieux comprendre sa spécificité (la revue de question ci-après sera cependant l’occasion d’évoquer quelques études réalisées).

4Avant de nous lancer dans l’approche de ce secteur « délaissé », moins investigué par la recherche, il convient de rappeler le cadre institutionnel dans lequel s’inscrivent les enseignants : le Plan National UNSS 2004-2008 constitue actuellement leur référence institutionnelle. Il nous a semblé opportun d’en évoquer les grandes lignes, car comme le précisent Marsenach et Mérand (2003), « les contenus choisis par l’enseignant doivent s’inscrire dans la culture d’une institution précise qui fonctionne avec des directives officielles orientant contenus et modalités de leur enseignement ».

Tableau I : orientations proposées par le Plan UNSS 2004-2008

- L’AS se doit d’être un lieu de démocratisation des pratiques corporelles, où les jeunes sont éventuellement incités à poursuivre leur investissement en dehors du cadre scolaire (promotion).

- Tout élève peut prétendre participer ; aucune sélection ne s’opère, ce qui n’exclue pas de conduire certains vers un niveau de pratique et de résultats relevant de l’excellence (compétition).

- La notion d’équipe est valorisée en tant que cadre de construction d’un projet commun ; corrélativement, l’investissement à l’AS se finalise dans les rencontres inter-établissements.

- La responsabilisation des adhérents dans le fonctionnement de l’association d’établissement, dans l’organisation des compétitions est un autre axe fort traduit dans l’objectif d’initiation à la vie associative : une part des tâches et des décisions doit revenir aux élèves afin d’encourager chez eux la prise d’initiative et de susciter des vocations de membres actifs dans le cadre associatif.

- Enfin, l’AS se veut un lieu « citoyen » où les relations entre jeunes et entre jeunes et adultes se trouvent facilitées, favorisées : écoute et compréhension caractérisent la relation pédagogique installée entre le professeur et les élèves ayant choisi d’adhérer.

5Les préconisations ci-dessus renvoient à l’idée d’un contrat didactique particulier dans le cadre de l’Association Sportive. Plus qu’ailleurs, l’élève motivé et volontaire acceptera de faire son « métier », à savoir, apprendre et progresser, coopérer ; il adhèrera par exemple à ce partage des responsabilités, même si les motifs de la pratique, le rapport aux savoirs est individuel. Rappelons en outre que l’enseignant se doit d’inscrire son action dans le cadre d’un projet collectif dit « projet d’AS », annexé au projet d’EPS et rattaché au projet d’établissement : autant de contraintes qui peuvent influencer ses mises en œuvre.

2. Cadre théorique et questions de recherche

6Même si sport fédéral et sport scolaire présentent des identités différentes, les études réalisées dans le champ des pratiques fédérales pourraient être prises en compte à défaut de travaux plus proches du contexte ici étudié.

2.1. Les travaux sur l’entraînement et le coaching dans le sport fédéral

7Une revue de question récente proposée par Saury, Sève, Leblanc et Durand (2002) est consacrée à l’ « analyse de l’intervention des entraîneurs à l’entraînement et en compétition ». Ce travail recense les avancées permises par quatre perspectives de recherche analysant respectivement l’efficacité des entraîneurs, leurs planifications et décisions, leur expertise, leur activité opérative. Nous en relaterons quelques conclusions essentielles. Les premiers travaux insistent sur des traits généraux caractérisant les entraîneurs « efficaces » comme l’importance des feed-back individuels fournissant de l’information à l’athlète sur sa prestation, la capacité à gérer efficacement le dispositif matériel…, mais aussi sur la grande variabilité des profils individuels en liaison avec le sport collectif encadré, le niveau sportif du public entraîné.

8Les études sur les planifications et décisions des entraîneurs pointent en particulier la « complexité de l’activité cognitive des entraîneurs » qui disent à propos de leurs décisions tenir compte de différents paramètres inscrits dans le temps de l’action ou dans une temporalité plus large.

9Les travaux conduits sur l’expertise des entraîneurs montrent à quel point ils se trouvent placés dans des situations à forte incertitude et de haute complexité dans lesquelles ils doivent solliciter rapidement une activité interprétative afin d’agir efficacement. Dans ce registre certains travaux regroupés sous le vocable « Coaching Model » font apparaître le recours à des registres de connaissances divers (objectif visé, caractéristiques des athlètes, facteurs de contexte…) et en interaction.

10Enfin, la dernière catégorie de travaux repérée, plus récente, qui porte sur l’activité opérative des entraîneurs, fait émerger entre autres résultats la « dimension collective » des situations d’entraînement, dans le sens où athlètes et entraîneurs coopèrent à travers des interactions fortes, des négociations à propos des tâches d’entraînement, coopération souvent favorisée par l’expérience passée commune.

11Nous retiendrons de cette revue de question l’idée que l’entraîneur, quel que soit son lieu d’intervention, est soumis à de nombreuses pressions ou injonctions parfois contradictoires, dans des situations complexes l’appelant à mobiliser des registres de connaissances divers qui, au cours du temps, modèlent ses conceptions de l’intervention. Qu’en est-il pour les enseignants d’EPS entraînant en milieu scolaire associatif ?

2.2. Les travaux sur l’animation du sport scolaire

12Certes, l’enseignant d’EPS peut dans le cadre de l’AS adopter une posture d’entraîneur, mais il convient de resserrer le cadre théorique. Comme nous l’avons précisé plus haut, le secteur spécifique de l’Association Sportive et les actions d’enseignement - apprentissage qui s’y déroulent ont donné lieu à peu d’études. Cependant, dans un article intitulé « Quelles compétences pour l’intervention éducative dans les pratiques sportives ? », Bouthier (2003) recense des travaux réalisés sur la question du managérat d’équipes sportives scolaires, universitaires et fédérales. Il cite les travaux réalisés par Devezeaux et Léauté (1998), qui ont révélé le double jeu « des décisions relevant de planifications préalables et des régulations adaptatives émergentes en cours d’action » ; parmi les travaux évoqués par Bouthier, citons également celui de Wouda (1995) qui démontre le rôle de l’expérience personnelle de l’enseignant en tant que pratiquant dans la conduite du processus de formation et dans l’adéquation des prises d’initiative en contexte. En 1998, Bouthier réalise une étude sur les compétences à l’animation du sport scolaire à partir de l’observation d’un enseignant chargé de l’organisation d’une épreuve d’athlétisme : il met en évidence que la régulation de cet événement implique un registre large de compétences inscrites dans différents champs : l’enseignant observé révèle en effet différents registres d’expertise qui traduisent la connaissance fine du règlement, des anticipations précises par rapport aux performances attendues, une capacité à faire des adaptations de dernière minute au niveau de l’organisation.

2.3. Les conceptions des enseignants relativement aux sports collectifs

13Parce qu’elles influencent les choix pédagogiques et didactiques, les conceptions des enseignants sont à prendre en compte dès lors que l’on s’intéresse à l’analyse de l’intervention. Selon Brau-Antony (2003), les conceptions sont au carrefour de multiples paramètres tels que la formation initiale, l’expérience professionnelle, le vécu sportif, etc… Ces conceptions se traduisent par des prises de positions concernant les finalités et les moyens, positions parfois en décalage avec les mise-en-œuvre observées dans l’action pédagogique.

14Concernant l’enseignement des sports collectifs, cet auteur propose une modélisation en trois catégories destinée à analyser les conceptions que les enseignants révèlent à travers leurs pratiques en tenant compte de leur définition du jeu, du rôle du joueur, des savoirs à enseigner, des situations d’apprentissage préconisées, du modèle de l’apprentissage retenu (Brau-Antony, 2001). Avec toutes les précautions concernant le fait qu’un enseignant développe toujours une conception singulière, pas strictement repérable dans une typologie, il dégage trois conceptions : techniciste, structurale et dialectique. La première conçoit le jeu comme une combinaison de gestes que chacun doit initialement apprendre à maîtriser ; la deuxième valorise l’organisation de l’équipe et la communication interne à celle-ci ; la conception dialectique se focalise davantage sur les rapports de force entre les équipes et sur le développement des compétences stratégiques et tactiques.

15Quelques années plus tôt, Bouthier (1988) avait étudié et comparé différentes options concernant l’enseignement des sports collectifs et avait distingué la pédagogie des modèles d’exécution (PME), de la pédagogie des modèles auto-adaptatifs (PMAA), et de la pédagogie des modèles de décision tactique (PMDT) et montré expérimentalement la supériorité de cette dernière. Ces résultats sont concordants avec les conclusions issues des travaux de Gréhaigne (1995, 1999), et du courant TGFU (Teaching Games for Understanding) préconisant une approche des sports collectifs par le jeu avec présentation des règles d’action efficaces, et sollicitation cognitive des joueurs pour favoriser une activité décisionnelle tactique consciente. Ensemble ils ont plaidé pour une formation prioritaire stratégique et tactique des joueurs (Gréhaigne, Gotbout, Bouthier, 1999).

16Enfin rappelons que ce dernier auteur a également livré une analyse du système joueur en terme de composantes de l’action motrice (choix des solutions pertinentes, exécution contrôlée des solutions, maîtrise de soi et vigilance, gestion du potentiel physique) et montré que la mobilisation et la sollicitation de ces différentes composantes sont placées sous la dépendance des valeurs et motifs au nom desquels le sujet s’investit ; il a également souligné la nécessité d’articuler ces différents axes lors de la formation (Bouthier et Durey, 1995).

17Il ressort de ces différentes études l’idée que les conceptions des enseignants en matière d’intervention en sport collectifs combinent différents registres de croyances et de connaissances prenant en considération, à des degrés divers, des aspects relatifs aux valeurs et finalités de l’action éducative et des éléments liés à l’analyse des enjeux de savoirs et des manières de les transmettre. Cet article a pour visée de mettre en évidence quelques modalités d’organisation de ces conceptions chez des enseignants du second degré.

2.4. Questions de recherche

18L’étude que nous avons menée se donne pour but d’étudier l’investissement de quelques professeurs d’EPS dans le cadre de l’Association Sportive et d’identifier les conceptions que les enseignants déclarent vis à vis des sports collectifs. De fait, nous nous sommes attachés à recueillir des informations concernant leur positionnement spécifique à l’égard de cette partie de leur tâche professionnelle, les consensus mais aussi les disparités en matière de conception de leur rôle auprès des élèves volontairement engagés dans cette structure. Nous avons aussi tenté de mettre à jour les façons dont ils conçoivent l’encadrement des sports collectifs avec un contexte et un public pour chacun spécifique. Comment perçoivent-ils leur rôle ? Quel regard portent-ils sur leur action ? Comment prétendent-ils construire leur intervention ?

3. Méthodologie

19Elle consiste en un recueil de données auprès de sept enseignants intervenant en AS (de collège ou de lycée) dans le cadre des sports collectifs. Ces professeurs ont été volontaires pour réaliser un entretien dont les ambitions étaient d’accéder :

• à une certaine connaissance de l’enseignant (profil professionnel, trajectoire de formation, vécu sportif) ;

• à leur appréhension du cadre institutionnel donné par l’UNSS, à leur conception de l’AS, de leur rôle dans ce contexte (objectifs de formation spécifiquement poursuivis dans ce cadre) ;

• à leurs considérations relativement aux conditions matérielles de leur intervention, et à leur appréciation des modalités de fonctionnement de leur AS ;

• à leur conception de l’activité encadrée (analyse didactique du sport collectif enseigné) ;

• à la caractérisation qu’ils font du public auquel ils s’adressent ;

• aux orientations et ambitions de formation pour le groupe encadré ;

• aux contenus valorisés à l’entraînement, à leurs références théoriques.

20L’entretien semi-directif s’est déroulé sur la base d’un questionnement préalablement établi (cf. le guide d’entretien résumé ci-dessus) et identique pour tous (adaptable en direct), entretien enregistré et retranscrit. Les scripts des entretiens sont synthétisés dans des tableaux conçus pour en faire émerger les informations essentielles en rapport avec le thème investigué. Huberman et Miles (1991) prétendent en effet que les données qualitatives recueillies doivent être condensées dans des formats permettant inférences et interprétations.

21La grille de condensation ainsi construite est ensuite présentée à chaque enseignant afin qu’il atteste de la pertinence des informations retenues le concernant, qu’il vérifie que ses propos n’ont pas été déformés ; ceci devrait garantir en finale, la fidélité du portrait tracé.

22Les données obtenues ont permis :

• de dégager dans leur originalité deux profils d’enseignants intervenant en AS ;

• d’effectuer une comparaison des sept enseignants questionnés afin de faire émerger points communs et divergences sur les différents axes investigués.

4. Résultats

23Il s’agit de présenter deux cas originaux et relativement contrastés de par les positions défendues sur les deux registres : conception de l’AS et conception (au sens développé par Brau-Antony, 2001) du sport collectif encadré.

4.1. Profil de deux enseignants intervenant en AS sports collectifs

24Etude de cas N° 1

25Voici l’illustration du graphe de condensation des données obtenu suite à l’entretien avec l’enseignante Martine suivi d’une analyse des informations recueillies.

Tableau II : illustration du graphe de condensation des données obtenu suite à l’entretien avec l’enseignante Martine

	Données essentielles extraites de l’entretien	Items permettant de caractériser l’enseignant
Profil professionnel : ancienneté, pratique de l’AS, pratique de club	27 ans d’enseignement actuellement : professeur en lycée investissement permanent en AS (tennis et volley « pour le plaisir » pratique personnelle : volley-ball jusqu’en Nationale 2 , a été entraîneur en régionale , est titulaire d’un BE	enseignante expérimentée en EPS et AS pratiquante et entraîneur en VB fédéral par le passé
Conception des objectifs, missions de l’AS	répondre aux envies des élèves donner le plaisir de la pratique toucher des jeunes qui ne sont pas en club ou qui sont en club mais qui choisissent de pratiquer en AS une autre activité essayer de les éduquer au travers de l’AS : civilité, respect de l’adversaire, des horaires ; se mettre au service de l’équipe et donc oublier son caractère individuel créer une dynamique de groupe autonomie (s’échauffer seuls) la victoire est un objectif, mais qui n’écrase pas les autres faire participer tous les joueurs quel que soit le niveau , au détriment parfois de l’efficacité : une rotation s’opère pour qu’ils aient tous la possibilité de jouer	plaisir de la pratique (1er) éducation (2ème) (citoyenneté, équité dévouement, altruisme) compétition (3ème) : pas d’objectif de résultat mais respect de l’objectif de gagne des élèves (présent surtout chez les garçons)
Rapport aux élèves en AS	différent de l’EPS : moins de rigidité au niveau des horaires, des présences… plus de confiance (pas amicale mais plus chaleureuse) ; plus de plaisanteries avec eux (plus détendue) pédagogie du contrat : l’élève qui s’inscrit s’engage à être là par respect pour la structure AS et ceux qui la font fonctionner rôle de l’enseignant = redonner confiance au groupe (valable pour les filles après un match perdu) être avant tout un animateur	pédagogie plus souple , type entraîneur rapport de confiance contrat enseignant /élèves enseignant animateur , mobilisateur
Conception de l’activité enseignée : savoirs essentiels ; facteurs de la performance en général	savoirs essentiels à la performance : la 1ère touche ( réception, défense, relances), services et attaques dans le terrain la communication entre les joueurs « un bon joueur n’est pas quelqu’un qui frappe fort mais qui assure les effets de ses actions »	aspects techniques communication représentations à modifier chez les joueurs garçons en particulier
Conditions locales de l’enseignement en AS, temps, nombre d’équipes en charge …	entraînements tous les mardis (de 18h à 20h environ) souhait de l’enseignant de ne pas s’en tenir aux matches et de poursuivre les entraînements tout au long de l’année même une fois le championnat terminé matches les mercredis deux équipes en charge : 7 filles (4 cadettes et 3 juniors : 1 équipe engagée en junior) 12 garçons (dont 2 cadets et 10 juniors)	entraînement régulier, sans lesquels la compétition n’aurait pas de sens deux équipes engagées
Considérations sur le groupe à former : niveau de départ, motivations,	filles : aucune anticipation, difficulté à apprécier les trajectoires , jeu par réflexes, beaucoup de fautes directes garçons : problèmes dans l’enchaînement des tâches, difficultés dans la succession des rôles, problèmes de communication ;	filles : joueuses débutantes garçons : potentiel individuel mais difficultés au niveau collectif
Ambitions de formation, compétences visées pour ce groupe	valorisation du jeu défensif : importance de la réception et de la défense pour initier des constructions d’attaque intentionnelles relations entre joueurs , communication entre partenaires : s’affirmer en temps qu’intervenant sur la balle organisation collective : connaissance réciproque des joueurs de l’équipe entre eux points particuliers filles / garçons : FILLES : - importance du service chez les filles : servir dans le terrain insister sur le travail de l’arrière central « passer d’un jeu de renvoi direct et réflexe à un jeu construit, intentionnel » : « plus de ballon construits et si elles marquent pas le point je m’en fiche » GARCONS : - gérer leur force (attaques, services) ; transformer leurs représentations : frapper fort certes , mais dans le terrain - organisation de la défense, derrière le contre - « passer d’un jeu de renvoi direct et réflexe à un jeu construit »	ambitions vastes incluant la technique, et l’organisation collective, l’intentionnalité ambitions spécifiées chez les F et les G
Séance type	Le contenu des séances tient compte des observations faites sur le(s) matche(s) précédent(s) organisation : structuration du temps pour répondre aux besoins spécifiques de chaque équipe avant de réserver un moment au jeu mixte « pour le plaisir, pour le relationnel » 1ère demi-heure : travail de la technique individuelle avec les filles pendant que les garçons travaillent sur des thèmes en jeu dirigé à effectif réduit 2ème demi-heure : inversement entre les filles et les garçons 3ème demi-heure : travail collectif en mélangeant les filles et les garçons	approche classique des entraînements ; fonctionnement en boucle du match vers l’entraînement suivant gestion du groupe parfois démixé, parfois F. et G. ensembles, fonctionnement parfois en autonomie
Références didactiques et pédagogiques	aucune référence didactique n’est retenue , elle se base sur son expérience personnelle en réfère à ses propres entraîneurs dans le cadre de sa pratique personnelle et de sa formation	basée sur l’expérience personnelle

26Commentaires :

27Alors qu’elle fait acte d’un passé sportif personnel conséquent dans le secteur compétitif, cette enseignante valorise dans le cadre de l’AS, la promotion des APS, objectif qu’elle dit être prioritaire par rapport à la compétition : « avoir des jeunes de club ne m’intéresse pas vraiment ; je préfère initier et faire progresser des débutants… mon rôle est de former des jeunes qui ne sont pas déjà formés ailleurs » … « il faut rechercher la victoire mais pas à n’importe quel prix ; … comme on fait jouer tout le monde, c’est parfois au détriment de l’efficacité », témoignant par là du souci que tous les membres de l’équipe participent aux matches ; d’ailleurs, son public n’est pas composé de spécialistes, mais plutôt d’élèves désirant s’occuper à un moment de la journée : (« je touche des internes qui veulent occuper leurs soirées »). Elle ne cesse, au cours de son entretien, de redire son attachement aux pôles animation et promotion et sa réserve à l’égard de la compétition si celle-ci venait à ne plus respecter certaines règles déontologiques qui lui paraissent essentielles dans ce cadre précis.

28Pour elle, le deuxième intérêt de l’AS est d’être un lieu favorable à la transmission de certaines valeurs et règles citoyennes, par exemple, apprendre à se mettre au service de l’équipe, s’engager à la régularité comme atout pour le collectif. L’enseignante dit « passer un contrat avec ses élèves, respecter leur souhait : je m’adapte à ce qu’ils veulent », adopter une pédagogie plus souple qu’en cours d’EPS et les initier à un fonctionnement autonome ; autre signe particulier : la proposition de séquences d’entraînement mixtes pour favoriser une dynamique de groupe et générer de la convivialité, « pour le plaisir ».

29Concernant sa conception du volley-ball, on retiendra dans le cadre d’intentions plus larges incorporant le travail technique, relatif à la communication dans l’équipe, sur l’organisation collective et la formation tactique, son souci, avec ce groupe quasi débutant, de transformer les représentations des garçons en particulier, représentations relatives aux moyens de l’efficacité en volley-ball : « je préfère qu’ils assurent une attaque plutôt que de prendre des risques démesurés ». Avec les filles, elle souhaite développer un jeu construit, qui lui paraît prioritaire par rapport à l’efficacité immédiate. Pour les deux équipes, filles et garçons, elle évoque la nécessité de travailler la technique individuelle à chaque entraînement : « il est important qu’ils soient capables de mettre leurs services et attaques dans le terrain et qu’ils maîtrisent la première touche, en réception ou en défense ». Elle dit adapter les contenus de ses entraînements en fonction des besoins repérés, des urgences qui se sont révélées lors du match précédent.

30Enfin cette enseignante confie que sa pratique d’intervention se nourrit exclusivement de son vécu de pratiquante et d’intervenante, confirmant le poids de l’expérience révélé dans les études sur l’entraînement fédéral.

31Etude de cas N° 2

32Voici l’illustration du graphe de condensation des données obtenu suite à l’entretien avec l’enseignant Jérôme suivi d’une analyse des informations recueillies.

33Tableau III : illustration du graphe de condensation des données obtenu suite à l’entretien avec l’enseignant Jérôme

	Données essentielles extraites de l’entretien	Items permettant de caractériser l’enseignant
Profil professionnel : ancienneté, pratique de l’AS, pratique de club	12 ans d’ancienneté en tant que certifié d’EPS, actuellement TZR en lycée investissement en AS : création d’une AS dans un établissement, prise en charge de multi - activités ; s’occupe actuellement du hand fille pratique personnelle en rugby, hand et athlétisme entraîneur de rugby (brevet fédéral 2° degré d’éducateur et d’entraîneur)	enseignant expérimenté en EPS et en AS très motivé par le vécu spécifique à l’AS investissement dans le sport civil en tant qu’entraîneur de rugby
Conception des objectifs, missions de l’AS	cet enseignant se considère en AS, par ordre d’importance, comme : un entraîneur : optique de compétition, être efficace pour faire progresser rapidement sur les plans techniques et tactiques un éducateur : favoriser chez ses joueurs : le respect des règles, de l’arbitre, des partenaires … ; l’esprit collectif ; faire participer tout le monde aux matches quitte à le perdre un didacticien : adapter les objectifs en fonction du niveau des joueurs  ; s’il fait découvrir en EPS, il aide à trouver plus rapidement la solution en AS en collège, un des intérêts de l’AS est de faire pratiquer à un même groupe, plusieurs activités sur l’année	il se conçoit dans l’ordre comme : un entraîneur un éducateur un didacticien recherche de l’efficacité, du résultat, dans le respect des autres, en essayant d’impliquer tous les joueurs
Rapport aux élèves en AS	relations détendues, plus permissives (tutoiement accepté), pas de problème de motivation à gérer des moments privilégiés vécus avec les élèves, forts en émotion, affectivement intensifs se veut être un exemple de comportement pour les jeunes (esprit sportif)	enseignant plus libéral en AS, affectivement investi
Conception de l’activité enseignée : savoirs essentiels ; facteurs de la performance en général	- Savoirs essentiels : vision du jeu circulation du ballon contre-attaque un contre un prise des intervalles - Facteurs de performance : qualités physiques qualités défensives	enseignant installé sur une approche structurale des sports collectifs : circulation du ballon et vision du jeu , importance de la prise d’information gestes techniques au second plan
Conditions locales de l’enseignement en AS, temps, nombre d’équipes en charge …	pas d’installations sportives satisfaisantes : un seul entraînement par semaine un match chaque mercredi une équipe de hand cadettes	alternance entraînement et match
Considérations sur le groupe à former : niveau de départ, motivations,	2 filles de club de bon niveau les autres sont jugées niveau « moyen plus » en EPS, peu de capacités physiques et techniques mais beaucoup de volonté et de motivation (« ça , ça m’intéresse »)	La majorité du groupe ne présente pas de prédispositions notables par contre motivation conséquente de élèves
Ambitions de formation, compétences visées pour ce groupe	épanouissement : plaisir maîtrise technique : travail technique : tirs , passes tactique de la contre-attaque , sur jeu placé : fixations et passes, recherche des intervalles pour tirer de la zone l’enseignant est là pour aider à trouver rapidement la solution adaptation des objectifs pour préserver la motivation :gagner au moins une rencontre	préserver le plaisir compétences techniques et collectives à valoriser favoriser l’efficacité
Séance type	échauffement ludique : petits jeux avec ballon travail technique (manipulations de balle, shoot, passes….) situations d’opposition avec attaquants face à des défenseurs plastrons match sur tout le terrain objectif de l’entraînement : apporter des solutions pour être efficace au match suivant	valorisation des situations présentant un rapport d’opposition rudiments techniques
Références didactiques et pédagogiques	auteurs référence : Bayer , Mariot, Duret…..	appui sur traitement didactique proposé par des experts

34Commentaires :

35Cet entraîneur fédéral de rugby dit affectionner particulièrement l’AS (« c’est un grand plaisir de monter une équipe d’AS qui marche bien, de les tirer vers le haut, de les mener à un bon niveau ») où il se dit défenseur de la pluri-activité au moins en Collège (« ce qui me plait c’est de fonctionner avec le même groupe d’élèves sur plusieurs activités au cours de l’année »), mais aussi de la compétition : « pour moi, l’objectif numéro 1 en AS c’est le résultat ». Confirmant la complexité des décisions à prendre dans un tel contexte, du fait des contraintes éventuellement contradictoires auxquelles il est soumis, il dit aussi que toutes les joueuses doivent participer quitte à perdre.

36Sa deuxième ambition est d’être un éducateur qui transmet des règles de fonctionnement collectif et qui instaure avec ses élèves des relations souples. Il se propose de représenter un modèle : « je m’interdis en AS un certain vocabulaire et une certaine façon de me comporter que je me tolère par contre en club ».

37Il importe pour lui que les joueuses vivent des expériences riches en émotion, que le contexte soit convivial, bref que ce cadre de pratique soit un lieu d’épanouissement. Chez ses handballeuses débutantes, il met en avant leur volonté, leur motivation pour compenser un niveau de jeu et des capacités physiques dans l’ensemble faible.

38Il pourrait se retrouver dans une approche structurale des sports collectifs, du fait que sont mis en avant des objectifs de perfectionnement du fonctionnement collectif et la volonté de faire travailler les joueuses dans des situations d’opposition. Mais, il pointe aussi la nécessité de renforcer les savoir-faire techniques : « il y a toujours une partie de la séance sur du travail technique de manipulation de balle, de shoot, de passe… »).

39Concernant son modèle de l’apprentissage, il différencie sa position par rapport à ses cours d’EPS : en AS, il aide à trouver la solution, dans un souci d’efficacité plus rapide, de résultat ; « de ce résultat -dit-il- dépend la motivation du groupe qui doit être préservée » assurément parce qu’elle apparaît comme un levier essentiel dans cette situation singulière.

4.2. Comparaison des six enseignants interrogés

40La confrontation des tableaux de condensation des données d’entretien pour les sept enseignants permet une analyse comparative sur différents items. En émerge des traits communs mais aussi des positionnements spécifiques chez ces différents acteurs. Le tableau ci-dessous présente la confrontation des données sur deux premiers items : la conception des objectifs de l’AS et le rapport aux élèves.

41Tableau IV : confrontation des données sur deux premiers items : la conception des objectifs de l’AS et le rapport aux élèves

	conception des objectifs de l’AS	rapport aux élèves
Martine	plaisir de la pratique (1er) éducation (2ème)(citoyenneté, équité dévouement, altruisme) compétition (3ème) : pas d’objectif de résultat mais respect de l’objectif de gagne des élèves (présent surtout chez les garçons)	pédagogie plus souple , type entraîneur rapport de confiance contrat enseignant /élèves enseignant animateur , mobilisateur
Jérôme	il se conçoit dans l’ordre comme : un entraîneur un éducateur un didacticien recherche de l’efficacité, du résultat, dans le respect des autres, en essayant d’impliquer tous les joueurs	enseignant plus libéral en AS, affectivement investi
Paquita	insiste sur l’éducation et le vécu des élèves	relation favorable car enseignant membre du groupe
Laurent	Insiste sur l’aspect ludique et formateur de l’AS La compétition est perçue comme moteur de progression Développement de l’autonomie chez les élèves.	Rapports plus souples : respect, confiance et bonne entente
Cathy	insiste sur : son rôle d’éducateur : enseigner des savoir-être l’acquisition d’une expérience sportive dirigée vers la spécialisation et la compétition	relation favorable car enseignant membre d’un groupe motivé
Sophie	Plaisir de la pratique (convivialité) Autonomie Responsabilité Déléguer responsabilités aux élèves	Enseignant membre du groupe, meneur, conseiller, soutien Enseignant avant tout éducateur Comportement convivial Relation pédagogique souple
Jacques	démocratisation participation non sélective polyvalence se dit être un « défenseur » de l’AS scolaire	proximité supérieure peut établir des liens privilégiés dans le temps

42Une deuxième comparaison porte sur la conception du sport collectif enseigné et sur les compétences prioritairement visées avec le groupe à former.

43Tableau V : conception du sport collectif enseigné et sur les compétences prioritairement visées avec le groupe à former

	conception de l’activité enseignée	compétences prioritairement visées
Martine	Savoir faire techniques communication représentations à modifier chez les joueurs garçons en particulier	ambitions vastes incluant la technique, et l’organisation collective, l’intentionnalité ambitions spécifiées chez les F et les G
Jérôme	enseignant installé sur une approche structurale des sports collectifs : circulation du ballon et vision du jeu , importance de la prise d’information gestes techniques au second plan	préserver le plaisir compétences techniques et collectives à valoriser favoriser l’efficacité
Paquita	savoir - faire techniques et mobilité	ambitions raisonnées implication des joueurs dans l’organisation de l’AS technique , mobilité, collectif
Laurent	développement d’une bonne vision globale du jeu gestion des problèmes bio-affectifs développer des ressources physiques importance accordée au fonctionnement collectif	ambitions de formation évolutives au cours de l’année : elles s’adaptent à l’évolution des élèves ambitions larges incluant les aspects techniques et l’organisation collective
Cathy	activité volley définie à travers : les techniques spécifiques, l’intelligence de jeu, l’organisation collective	ambitions larges incluant les aspects techniques, tactiques, collectifs
Sophie	développer le collectif impliquer les plus spécialistes dans la prise en charge des matchs, de l’organisation général	ambitions larges incluant les aspects techniques, tactiques et l’organisation collective
Jacques	tactique et organisation collective	implication maximale de chacun dans la durée travail tactique et collectif plutôt que physique ou technique

44A partir des quatre items détaillés ci-dessus et des autres observations relevées dans les grilles, sont à présent proposés des éléments de comparaison des enseignants en terme de points de convergence et de points de divergence.

4.2.1. Points de convergence repérés sur l’ensemble des items

45Les propos des sept enseignants témoignent d’une grande concordance à certains égards :

• Remarquons en préalable que les enseignants interrogés attestent tous d’une longue expérience en EPS et en AS (sauf dans le cas d’une collègue très jeune), d’un vécu antérieur de pratiquant dans l’activité encadrée et d’une implication fédérale passée ou présente en tant que joueur ou entraîneur souvent d’ailleurs dans l’APS qu’ils encadrent à l’AS.

• Tous sans exception font une évocation soutenue, insistent fortement sur les finalités éducatives de l’AS (responsabilité, apprentissage de la vie associative, respect d’autrui…) ; est stipulé par trois enseignants le fait qu’ils confient aux élèves les tâches d’organisation des rencontres, de responsabilités par rapport au matériel ; qu’ils préparent leurs élèves aux fonctions d’arbitres et d’officiels, et par deux qu’il peut être confié aux élèves spécialistes (de club) des tâches particulières d’entraînement, de responsabilités d’équipes.

• Tous également manifestent la volonté de susciter chez les élèves motivation et plaisir : cela apparaît comme une priorité, comme un levier sur lequel agir, un terrain d’ancrage des objectifs de formation ; à l’image de son positionnement dans le schéma proposé par Bouthier (1995) pour comprendre le sujet agissant et construire sa formation, cet axe central concernant le sens, les valeurs, l’engagement consenti par les apprenants apparaît surdéterminant.

• De nombreux qualificatifs sont utilisés pour exprimer l’originalité de la position de l’enseignant en ce secteur : « éducateur » souvent, « entraîneur » une seule fois, mais aussi : « meneur, confident, soutien, celui qui impulse, qui établit des liens privilégiés avec les élèves dans la durée, qui instaure une pédagogie conviviale, détendu, permissif, libéral, un membre du groupe, qui se pose comme un exemple pour les élèves ».

• Par ailleurs la relation pédagogique est dite par tous « favorisée, facilitée » dans ce contexte où la motivation des élèves est assurée et où l’enseignant se dit affectivement très investi ; certains témoignent même de l’existence d’une négociation des objectifs et des axes de travail avec les élèves, démarche également repérée chez les entraîneurs fédéraux par les travaux de Saury, Sève, Leblanc et Durand (2002).

• Le souci de favoriser la démocratisation des pratiques sportives est annoncé comme prioritaire par rapport à la recherche de l’excellence ; « favoriser le sport de masse et permettre à tout public de s’exprimer » (Paquita) ; ceci peut s’expliquer par les niveaux de championnat auxquels les équipes des enseignants interrogés participent (rencontres de secteurs, championnats départementaux) ; les ambitions maximales sont au mieux, pour certains d’accéder aux phases académiques sans prétendre pouvoir y jouer les premiers rôles.

• Les enseignants disent tenir à l’alternance match-entraînement malgré des conditions de temps et d’espace pour les entraînements pas souvent optimales, et la nécessité imposée parfois de gérer plusieurs équipes en même temps à l’entraînement.

4.2.2. Points de divergence

46Les divergences entre eux apparaissent sur d’autres registres :

• Les conditions d’encadrement : nombre d’élèves, d’équipes, groupe mixte ou pas, homogénéité ou hétérogénéité du groupe, plages d’entraînement… laissent apparaître des conditions de fonctionnement en AS très hétérogènes ; on observe trois situations « difficiles » : Jacques qui encadre lors de chaque entraînement 37 élèves garçons appartenant à 4 équipes ; Paquita qui s’occupe concomitamment de 30 élèves (G et F) appartenant aux catégories benjamins(es), minimes et cadets(ettes) et enfin Cathy qui n’a pas de plage d’entraînement et qui dit compenser par le fait que ses effectifs sont en majorité inscrits à l’Option EPS ce qui lui offre un espace de travail hybride.

• Peu d’enseignants évoquent la place de l’AS dans leur établissement et le rôle du projet d’établissement : 2 cependant disent leur volonté de s’inscrire dans la vie associative du lycée ou du collège (Cathy et Sophie)

• Les enseignants manifestent des divergences relativement à l’importance du résultat, aux ambitions de performance : les résultats des rencontres, secondaires pour certains (Martine), revêtent aux yeux de Jérôme un rôle indispensable au regard de la motivation (« il faut qu’elles gagnent au moins un match »).

• La notion de polyvalence et de pluri-activité est citée plusieurs fois, témoignant du souci que les élèves vivent dans le cadre de l’AS plusieurs pratiques différentes au cours de l’année, les enseignants se positionnent ainsi par rapport à la question de la spécialisation dans une APS, de l’incitation à une pratique en club ; Cathy dit valoriser l’acquisition d’une expérience sportive, de la compétition, pouvant déboucher vers la spécialisation des élèves et l’orientation vers un club. A l’opposé Martine préfère s’occuper de joueurs non spécialistes à qui elle prétend pouvoir apporter plus qu’à ceux disposant déjà d’une expérience de club. Autre approche sur ce registre, celle de Paquita, responsable d’équipes de volley benjamins(es), minimes et cadet(te)s, qui exprime son souci de ne pas spécialiser les élèves aux différents postes.

• Les objectifs de formation prioritaires, les thèmes de travail à valoriser à l’entraînement sont disparates parce qu’ils relèvent à la fois de la conception personnelle de l’activité (facteurs de la performance) et de la prise en compte des particularités du groupe à former (niveau, antériorité de pratique en AS) ; on a des difficultés à inscrire certains enseignants dans les modélisations évoquées plus haut, vu l’épaisseur des ambitions de formation formulées. D’autant que l’on en reste somme toute aux théories d’action pédagogique ; seule une observation de l’intervention permettrait d’affiner ce registre. Cependant, pour certains des enseignants, l‘affectation est plus facile : Paquita serait installée sur un modèle technique, Jacques qui dit valoriser le travail tactique et collectif paraît plus près de la conception dialectique (« je n’ai pas d’ambitions sur le plan physique et peu sur le plan technique ; je préfère travailler plutôt la capacité d’adaptation rapide au jeu de l’adversaire ». Enfin, Sophie se recommande du modèle constructiviste, empruntant au modèle de l’enseignement par la compréhension (Gréhaigne, 2003) et à la pédagogie des modèles de décision tactique (PMDT, Bouthier, 1988).

• Si l’on en réfère au schéma emprunté à Bouthier (1995) permettant d’analyser l’engagement des joueurs, on remarque que les pôles bio-informationnel (prise d’informations, intentionnalité), et bio-mécanique (maîtrise des gestes techniques spécifiques) sont majoritairement évoqués en tant que facteur de la performance, et prioritairement visés dans la formation qu’ils dispensent. Cependant les paramètres bio-affectifs sont évoqués par Laurent qui encadre une équipe de filles en rugby. Deux enseignants évoquent aussi la nécessité de développer des qualités physiques trop faibles (Jérôme et Laurent)

• Les enseignants ne sont pas souvent explicites sur le registre des références sur lesquelles ils s’appuient pour fonder leurs choix didactiques ou en matière de théorie de l’apprentissage. Les travaux cités dans le cadre théorique, porteurs de conclusions en matière de formation en sport collectif, ne sont cités que dans deux cas. L’une des enseignantes cependant se dit marquée par « l’approche par la compréhension » défendue par Gréhaigne (2003).

5. Conclusion

47En guise de conclusion et en revenant sur les questions de recherche que nous avions soulevées à l’origine de cette étude, nous pouvons proposer quelques repères dont la validité ne prétend pas dépasser la population d’enseignants interrogée.

48En premier lieu on peut observer à quel point les enseignants défendent et justifient la structure « Association Sportive » dans laquelle ils disent tous s’investir avec un intérêt professionnel non dissimulé. Ils ont également une haute considération de la tâche qui leur est ici confiée par l’institution et affichent unanimement poursuivre des finalités éducatives avant de parler des objectifs sportifs. A ce sujet, les avis sont plus partagés puisque les enseignants se réclament pour certains plutôt défenseurs de l’animation, de la promotion des APS, pour d’autres plus motivés par la compétition, la recherche du résultat.

49La deuxième conclusion concerne l’hétérogénéité des contextes et des conditions d’intervention en AS entre les différents enseignants (nombre d’élèves en charge, plages d’entraînement disponibles…) : on observe pour certains des conditions difficiles dont ils cherchent toutefois à tirer le meilleur parti. Cependant, ils s’accordent sur un principe commun : celui de ne pas décevoir ces élèves volontaires en les acceptant et en les intégrant tous (quel que soit leur niveau), en adaptant les ambitions pour le groupe en question.

50Concernant les conceptions relatives aux sports collectifs et à l’entraînement dans cette famille d’APS, les enseignants se démarquent en n’établissant pas les mêmes priorités entre les différents pôles de l’action motrice repérés par Bouthier (1995) ; en outre les observations relevées sur ce registre montrent que les conceptions relatives à l’enseignement d’une APS sont complexes parce qu’elles font intervenir non seulement des références théoriques (ici rarement explicitées) mais aussi des savoirs pratiques issus de l’expérience. Il semblerait que vu l’urgence dans laquelle dit être placé l’enseignant d’un match à l’autre avec un seul entraînement pour réagir, donner des outils, redonner confiance, le contexte incite à une adaptation à court terme, des réorientations, qui peuvent déroger par rapport à un projet initial et s’écarter des conceptions théoriques. Ainsi, plus que des conceptions très structurées autour de noyaux d’analyse des sports collectifs comme a pu le mettre en évidence Brau-Antony (2001), on retrouve ici, nous semble-t-il, les caractéristiques des savoirs des formateurs telles que proposées par Lesne (1984) c’est dire des "synthèses personnelles faites de connaissances scientifiques, d’idéologies et d’expériences pratiques qui s’organisent en savoirs spécifiques, tirant leur pertinence de la pratique pour l’alimenter en retour ».

51Par ailleurs, ce bouclage de l’action à court terme qui semble caractériser l’action du professeur en Association Sportive ainsi que les visées institutionnelles qui l’influencent, nous amène à considérer que les cadres d’analyse construits pour comprendre l’action de l’entraîneur à haut niveau s’avèrent insuffisants à saisir l’originalité de l’intervention dans ce contexte. C’est pourquoi, dans la suite qui sera donnée à ce travail, nous nous proposons d’observer ces mêmes enseignants lors de séquences d’entraînement et de managérat en match afin de mettre à jour, dans l’intervention, leurs « théories d’action pédagogique » (Lesne, 0984) et ainsi de repérer en quoi celles-ci se trouvent influencées par l’originalité de la situation et par certains éléments du contexte. Nous prenons ainsi au pied de la lettre la recommandation du Rapport Leblanc (2001) qui tout en stipulant que l’intervention se révèle en ce lieu originale, invitait à ce « qu’un investissement soit fait tant en formation initiale que continue pour aborder le champ de la spécificité du sport scolaire ». Celui-ci ne s’impose t-il pas dès lors comme un milieu didactique à explorer pour le champ de la recherche en intervention dans les APS ?