2Les premiers articles scientifiques rendent compte d’exemples de recherches conduites pour comprendre et favoriser le développement de son enseignement à l’école primaire.

3Ainsi, le premier article intitulé La place de l’EPS dans l’expertise des PEMF : un exemple en gymnastique rythmique dans le cadre d’une collaboration avec un didacticien de la discipline rédigé par Sandrine Prevel et Florian Ouitre, présente une recherche collaborative entre une professeure des écoles maître formateur (PEFM) et un chercheur. Les PEMF sont des rouages essentiels de la formation initiale des professeurs des écoles (PE) par leur accompagnement dans l’entrée dans le métier, aussi bien en centre de formation qu’au cours des visites conseil des stagiaires et néo-titulaires. En ce sens leur expertise dans la conception et la mise en œuvre de contenus disciplinaires est fondamentale dans l’aide apportée aux néo-professeurs pour enseigner cette discipline. L’objet de la recherche vise à comprendre les modalités par lesquelles une PEMF s’empare des suggestions proposées par un enseignant-chercheur, didacticien de l’EPS, dans la mise en œuvre de contenus d’apprentissage robustes, ici en l’occurrence en gymnastique rythmique. L’identification des obstacles surmontés par cette enseignante pour s’inscrire dans un enseignement plus consistant, traités comme obstacles professionnels dans le cadre de la théorie de l’apprentissage par problématisation, apporte des résultats sur différents plans. Nous en relevons seulement deux dans cette présentation. D’une part elle dégage les éléments qui sont signifiants pour une PE permettant de s’engager dans une transformation de ses pratiques usuelles dans une logique de développement professionnel. D’autre part elle renseigne sur quelques-unes des modalités de coopération entre praticien et chercheur qui questionnent sur les conditions de diffusion des résultats des recherches d’ingénierie didactique.

4Le deuxième article, rédigé par Christine Amans-Passaga et Ingrid Verscheure s’intitule Analyse de la direction d’étude de professeur·es des écoles dans des situations de co-intervention en EPS à l’école primaire. Il rend compte des modalités de co-intervention entre PE et intervenant·es-extérieur·es. Le métier de PE repose sur de multiples formes de partenariat. Si le ministère précise que les PE peuvent être aidés dans leur mission tout en conservant la responsabilité de leurs enseignements, il ne précise pas quelles formes peuvent prendre ces collaborations. Ceci soulève alors la question de la nature des savoirs transmis lorsque deux intervenant·es, issus de contextes institutionnels différents, parfois concurrents, interviennent simultanément. Les savoirs enseignés répondent-ils aux attendus fixés par le ministère dans la définition des programmes de la discipline ? Pour traiter cette question les auteures ont conduit une recherche didactique visant à rendre compte des processus de co-construction des savoirs selon l’approche théorique de l’action conjointe en didactique au cours d’un enseignement de la gymnastique par deux PE et une même intervenante extérieure, entraineure de gymnastique dans le secteur fédéral. L’étude rapporte qu’en l’absence de concertation entre les différentes intervenantes, chacune intervient implicitement sur la base de ses propres savoirs professionnels. Ces résultats qui prolongent et complémentent d’autres observations précédentes réalisées dans des contextes de co-intervention similaires entre PE et intervenant·es-extérieur·es soulignent un décalage et des tensions sur les savoirs enseignés. Ils mettent à jour, dans le cadre de ces co-interventions une « sportivisation de l’EPS » au détriment d’une scolarisation des activités sportives conduisant à une distanciation et marginalisation de l’EPS par rapport aux autres disciplines scolaires de la polyvalence, en regard des normes et valeurs éducatives de l’école primaire.

5Le troisième article, rédigé par un collectif d’auteur·es autour de Benoit Lenzen, Co-élaborer des ressources curriculaires en EPS pour l’enseignement primaire en Suisse, au carrefour des épistémologies professionnelles et des cultures linguistiques présente une recherche d’ingénierie didactique consacrée à l’élaboration de ressources curriculaires et programme pour l’enseignement de l’éducation physique et sportive à l’école primaire en Suisse. Associant des acteurs et actrices de statut différent, (pilotage, rédaction des fiches, enseignant·es volontaires pour leur mise en œuvre), les données recueillies portent sur l’identification des divergences et obstacles dans la mise en œuvre d’un curriculum dans une logique de partenariat, de situations d’apprentissage au carrefour des épistémologies professionnelles des différentes catégories d’acteurs. Les désaccords autour des formes de pratique scolaire et contenus d’enseignement illustrent une tension entre pédagogies du laisser-faire laissant libre cours à un développement corporel spontané des enfants et les tenants d’une pédagogie progressiste pour lequel le développement de l’enfant dépend de la qualité de l’environnement culturel avec lequel il interagit. Or, les plans d’étude, programmes ne déclinent pas les contenus d’enseignement mais seulement les visées en termes de compétences. Les contenus d’enseignement sont alors à la charge des enseignants généralistes dont l’article montre bien les tensions autour de la conception de contenus d’enseignement renouvelés à cette étape de la scolarité entre une tendance spontanéiste d’un côté et culturaliste de l’autre.

6Ce numéro consacré à l’EPS à l’école primaire comprend un dernier article qui s’inscrit dans la rubrique Regard(s) sur l’intervention. Cette nouvelle rubrique permet à des auteur·es qui n’ont pas choisi la recherche académique de soumettre leurs réflexions autour de l’intervention éducative dans le champ de l’EP et du sport.

7Cet article s’intitule L’enquête des « écoles vitaminées » à l’EPS et perspectives de recherche et a été rédigé par Claire Pontais, Antoine Thépaut et Ingrid Verscheure. Il rend compte d’une enquête conduite à l’échelon national, portée principalement par deux syndicats « les écoles vitaminées à l’EPS ». Cette enquête vise à une investigation exhaustive et rigoureuse des modalités de mise en œuvre de l’EPS à l’école primaire (élémentaire et maternelle) sur la base d’une analyse des pratiques déclarées des enseignantes dans les écoles « où ça marche », c’est-à-dire où l’EPS est assurée à la hauteur des visées éducatives, objectifs, horaires définis dans les textes ministériels et objet d’un consensus large parmi les principaux spécialistes de la discipline. A partir des résultats dégagés, l’article envisage des pistes pour le développement de futures recherches visant une connaissance lucide et approfondie, hors des discours partisans, des enseignements, des contenus transmis et des effets des pratiques des professeurs des écoles (PE) pour le développement d’une EPS de qualité, émancipatrice et égalitaire.

8Les articles de ce numéro thématique montrent la vitalité et la nécessité de mener des recherches sur l’EPS dans le premier degré. Nous espérons, modestement, participer à la défense de l’idée que l’enseignement de l’EPS à l’école primaire est possible et nécessaire. En effet, même si la mise en œuvre des séances d’EPS à l’école primaire soulève des difficultés spécifiques en termes de conception, d’animation et de pilotage des apprentissages cette discipline doit aussi être une discipline de cœur au service de la construction des habiletés motrices et de la réduction des inégalités sociales, culturelles, territoriales, de genre... au cœur du projet d’une école publique et démocratique.

9Enfin, dans la rubrique Varia, Maurine Remacle, Robin De Raeve, Anthony Termini et Marc Cloes proposent un article intitulé Du cours d’éducation physique à la vie quotidienne : quels sont les ressentis et les perceptions des adolescents et jeunes adultes belges francophones ? Les auteurs s’intéressent aux ressentis et perceptions de 477 élèves de l’enseignement secondaire supérieur et de 127 jeunes adultes quant à la place de l’activité physique dans les écoles et les apports du cours d’éducation physique dans leur vie quotidienne. Les résultats ont révélé que la promotion de l’activité physique à l’école reste un sujet peu développé. De plus, les incidents critiques positifs ont pu mettre en évidence que les éléments retenus et applicables dans la vie quotidienne sont essentiellement centrés sur la pratique autonome. Les incidents critiques négatifs mettent en avant les aspects psychologiques avec une diminution de la confiance et de l’estime de soi.