1. Introduction

1Cette introduction présente les différents concepts théoriques qui ont guidé la réflexion de cette étude.

1.1. Promotion de l’activité physique auprès des adolescents

2Les bienfaits de l’activité physique ne sont plus à prouver. En effet, que ce soit sur la qualité de vie (Penedo et Dahn, 2005), sur l’estime de soi (Biddle et Asare, 2011), sur les qualités physiques (Wilmore et al., 2017) et même sur les fonctions cognitives (Ploughman, 2008), l’activité physique a un impact positif considérable et non négligeable. En 2022, l’OMS indique que les personnes qui n’atteignent pas les recommandations en termes d’activité physique ont un risque de décès majoré de 20 % à 30 % par rapport aux personnes suffisamment actives. Afin de pouvoir espérer inverser la tendance, la littérature actuelle met en évidence le rôle de l’école dans la promotion d’un style de vie sain et actif auprès des élèves (Turcotte et al., 2023). En effet, l’enfant passe la plupart de son temps à l’école, celle-ci joue donc un rôle majeur dans l’éducation et dans la construction du futur de l’élève (Pate et al., 2006 ; Perrenoud, 1987).

1.2. L’enseignant en éducation physique comme protagoniste dans l’adoption d’un style de vie sain et actif

3Au sein de l’école, l’enseignant en éducation physique a été qualifié par plusieurs auteurs de « pierre angulaire » dans l’éducation d’un citoyen physiquement éduqué (Cloes, 2017 ; Tappe et Burgeson, 2004). Ce dernier a une relation unique avec ses élèves puisque la dynamique de son cours, autant au niveau structurel que relationnel, est tout à fait singulière. Elle lui permet notamment de créer un lien important qu’il peut utiliser pour transmettre différents messages en matière de style de vie sain et actif (Naylor et al., 2015). En effet, le cours d’éducation physique a évolué, il ne vise plus seulement à développer des capacités physiques et motrices, mais vise plutôt à promouvoir l’adoption d’un style de vie sain et actif en dehors de l’école (Cale, 2000 ; Cloes, 2017 ; Naylor et al., 2006 ; Turcotte et al., 2023). L’enseignant a donc de plus en plus de missions et peut initier de nombreux projets en lien avec l’activité physique et la santé. En 2014, Snyers et ses collègues développaient un outil pour aider les enseignants en éducation physique. Celui-ci vise la promotion de l’activité physique dans les écoles secondaires et est composé de six piliers : (1) la politique de l’école vis-à-vis de la promotion de l’activité physique ; (2) l’importance et la place du cours d’éducation physique ; (3) les déplacements actifs ; (4) le sport à l’école avec les activités extra-scolaires et parascolaires ; (5) les qualités et l’adéquation des installations sportives et ; (6) les projets interdisciplinaires. Ces piliers sont très largement diffusés dans les programmes scolaires belges (Fédération Wallonie Bruxelles – FWB, 2022 ; Pacte pour un Enseignement d’Excellence, 2017).

1.3. Du cours d’éducation physique à la vie quotidienne

4Pour exploiter les notions apprises durant le cours d’éducation physique en dehors des murs de l’école, Clements (2013) explique qu’il est important que l’enseignant mentionne le transfert possible entre le cours et la vie quotidienne de manière explicite. En 2005, Parlebas et Dugas mettent déjà en évidence que le transfert des apprentissages en éducation physique se faisait généralement de façon implicite. Néanmoins, si l’élève n’est pas conscient de l’apport du cours, celui-ci ne l’appliquera pas dans sa vie quotidienne (Clements, 2013). Pour réaliser un transfert efficace, deux moyens didactiques s’offrent aux enseignants : (a) inciter les élèves à réfléchir dans quels contextes les apprentissages pourraient être utiles et, (b) inciter les élèves à investir concrètement les apprentissages dans différents contextes tout en justifiant les conditions d’utilisation (Presseau, 2000).

5En 2017, Cloes propose un concept pouvant encourager l’enseignant en éducation physique à effectuer des liens entre son cours et la vie quotidienne de l’élève (figure 1). Ce concept appelé « ancrage sociétal » ou « transfert sociétal » est défini comme une approche pédagogique permettant à l’élève de comprendre l’utilité des notions apprises à l’école pour ainsi l’appliquer dans sa vie de tous les jours. Ce concept comporte sept types de catégories : (1) Pratique sportive autonome - éléments permettant à l’élève de pratiquer une activité physique et/ou sportive de manière autonome et responsable ; (2) Aspects transversaux - éléments qui n’ont pas de lien direct avec la pratique sportive mais qui peuvent servir dans la vie quotidienne ; (3) Santé et sécurité - éléments permettant d’acquérir une meilleure hygiène de vie et de s’adapter aux différents niveaux de danger ; (4) Aspects psychologiques - éléments permettant le développement personnel de l’élève ; (5) Aspects sociaux - éléments permettant d’améliorer la vie sociale ; (6) Connaissance du corps humain - éléments permettant de comprendre le fonctionnement du corps humain ; (7) Culture motrice et sportive - éléments permettant à l’élève de comprendre le domaine des activités physiques et sportives (bienfaits, athlètes, records, etc.).

6Malgré le rôle central de l’enseignant et de l’école, différents auteurs mettent en évidence que la perception des élèves à l’égard du cours d’éducation physique est assez mitigée et que les ressentis négatifs augmentent avec l’âge (Corr et al., 2019 ; Fisette, 2013 ; Mercier et al., 2017 ; Prusak et al., 2014). Plusieurs auteurs soulignent également que les élèves ne ressentent pas de véritable soutien de la part de leur enseignant en éducation physique dans leur pratique d’activité physique en dehors du contexte scolaire, contrairement à celui de leur famille (Dubuc et al., 2021 ; Hardman, 2005). C’est pour cela que les éléments comme la promotion de l’activité physique, l’utilité et le transfert du cours d’éducation physique vers la vie quotidienne sont les éléments clés de cette recherche.

2. Objectif de recherche

7L’objectif général de cette recherche consiste à identifier les ressentis et perceptions des adolescents et jeunes adultes sur les notions apprises durant le cours d’éducation physique et pouvant être utiles dans la vie quotidienne. Cet objectif général engendre des objectifs plus spécifiques pouvant être formulés sous forme de questions :

• Quels sont les ressentis des élèves et des jeunes adultes sur la promotion de l’activité physique à l’école (Snyers et al., 2014) ?

• Quel est le soutien perçu par les sujets vis-à-vis de la pratique d’activité physique en dehors du contexte scolaire ?

• Sur base du modèle de l’ancrage sociétal (Cloes, 2017), quels sont précisément les éléments retenus et appliqués dans la vie quotidienne des sujets ?

3. Méthodologie

8Cette section permet de présenter le design de l’étude, la population étudiée, les différents outils qui ont permis de récolter les données et la manière dont celles-ci ont été traitées.

3.1. Design de l’étude

9Afin de répondre aux objectifs, le design de cette étude adopte une approche mixte, combinant à la fois des méthodes qualitatives et quantitatives, dans le but de comprendre et d’analyser les ressentis des sujets (Sullivan et Sargeant, 2011).

3.2. Population

10Deux populations distinctes provenant de la partie francophone de la Belgique ont été étudiées. Le premier échantillon était composé d’élèves de l’enseignement secondaire supérieur, âgés de 15 à 21 ans. Le deuxième échantillon était composé de jeunes adultes (18-25 ans) qui ne fréquentaient plus l’enseignement secondaire supérieur. En tout, cette étude rassemble les ressentis et perceptions de 477 élèves (221 garçons, 245 filles et 11 non-genrés) et de 127 jeunes adultes entre 18 et 25 ans (51 hommes et 76 femmes). Le fait de prendre deux populations distinctes visaient à analyser les perceptions sur le court terme (élèves actuellement dans l’enseignement secondaire supérieur) et les perceptions sur le long terme (jeunes adultes sortis de l’enseignement secondaire supérieur). De plus, le choix de ces deux populations est encouragé par la littérature qui met en évidence un déclin de l’activité physique plus prononcé vers la fin de l’adolescence (Diehl et Hilger, 2016 ; Kwan et Faulkner, 2011).

3.3. Récolte des données

11Les participants ont été recrutés sur une base volontaire. Pour le premier échantillon, les enseignants ont été contactés afin de convenir d’un moment propice pour distribuer l’outil sous format papier. Dans chaque établissement, une salle de classe a été mise à disposition pour permettre aux élèves de répondre de manière individuelle et dans le calme. Quant aux jeunes adultes, l’outil a été diffusé en ligne, via les réseaux sociaux. Pour les deux échantillons, l’outil utilisé se composait de deux parties : un questionnaire et un incident critique.

3.3.1. Questionnaire

12Le questionnaire visait plusieurs objectifs : définir le profil du sujet, identifier les ressentis face au cours d’éducation physique et la place de la promotion de l’activité physique au sein de l’établissement scolaire (Snyers et al., 2014). De plus, il cherchait à comprendre le soutien perçu par l’élève et le jeune adulte dans leur pratique d’activité physique en dehors du contexte scolaire. Ce questionnaire a été élaboré par l’équipe en charge de la recherche et a été ajusté à la suite des résultats obtenus lors de la phase pilote. Le tableau I présente le type de questions ainsi que leur nombre en fonction de chaque thématique.

3.3.2. Incident critique

13Dans cette partie, les participants ont été invités à rédiger un évènement positif et/ou négatif vécu en dehors du contexte scolaire, mais dans lequel ils ont fait un lien avec un élément appris durant le cours d’éducation physique. L’idée était que les élèves et les jeunes adultes décrivent le plus précisément possible ce qui s’est passé, comment cela s’est déroulé, qui était là, où cela s’est déroulé, quand cela s’est déroulé et quel était le lien avec le cours d’éducation physique. A l’aide de cette technique, les sujets ont pu s’exprimer librement sans jugement sur leurs ressentis et leurs émotions (Brunelle et al., 1988). De plus, l’incident critique émerge comme une méthode largement utilisée dans les recherches éducatives (Dassé et al., 2009 ; Leclerc et al., 2010).

3.4. Phase pilote

14Avant de débuter la récolte des données, une phase pilote a été effectuée afin de tester les outils (Cohen et al., 2017). Pour les élèves de l’enseignement secondaire, le questionnaire et l’incident critique ont été proposés à 72 élèves (16 garçons et 56 filles) entre 16 et 18 ans. Finalement, une seule question a été adaptée. Un élève a proposé de remplacer le mot « sexe » par le mot « genre ». Pour les jeunes adultes, l’outil a été testé auprès de 24 sujets (16 hommes et 8 femmes). Aucune question n’a été modifiée. Les données de cette phase pilote ne sont pas incluses dans cette étude.

3.5. Analyse des données

15Au niveau de l’analyse des résultats, pour les données associées à la promotion de l’activité physique à l’école (Snyers et al., 2014) et aux soutiens perçus, les scores moyens ainsi que les écarts-types ont été calculés. Il a été défini qu’un score moyen supérieur à 2,5 est égal à une tendance positive vis-à-vis de l’item évalué. Pour les données liées aux questions ouvertes du questionnaire et les données dans les incidents critiques, une retranscription et un codage en codes et méta-codes ont été effectués pour permettre de regroupés les données en plusieurs thématiques et de les trier par ordre de fréquence (Wanlin, 2007).

16Pour appuyer l’analyse des incidents critiques, ceux-ci ont été classés selon le modèle « d’ancrage sociétal » proposé par Cloes (2017). Afin de gagner en précision par rapport aux réponses données par les participants, des nuances à ces définitions ont été apportées. Lorsqu’un participant mentionnait avoir « appris » un sport, c’était un ancrage sociétal dédié à la « pratique sportive autonome ». Lorsqu’une personne prétendait avoir « découvert » un sport, c’était placé dans « Culture motrice et sportive ». Si des participants mentionnaient avoir appris à s’échauffer et à s’étirer, ces éléments étaient classés dans « pratique sportive autonome ». Une personne expliquant pourquoi il fallait s’échauffer et s’étirer trouvait son incident critique dans « santé et sécurité ».

3.5.1. Fidélité inter-analyste

17Les incidents critiques de l’ensemble des participants ont été analysés puis classés dans les sept catégories de l’ancrage sociétal (Cloes, 2017). Le coefficient global de Kappa a été calculé pour évaluer la fidélité inter-juges. Initialement, le premier codage a révélé un score relativement bas, marqué par un degré élevé de désaccord (0,57). Le codage a été recommencé, suivie de discussions approfondies sur les désaccords, aboutissant à l’obtention d’un coefficient final de 0,84, considéré comme élevé selon Landis et Koch (1977).

4. Résultats et discussion

18Afin de répondre à l’objectif de l’étude, cette partie contient les résultats et la discussion de ceux-ci par rapport à la littérature scientifique actuelle.

4.1. Quels sont les ressentis des élèves et des jeunes adultes sur la promotion de l’activité physique à l’école ?

19Comme présenté ci-dessus, dans la partie méthodologie, les élèves et les jeunes adultes ont été questionnés sur la promotion de l’activité physique à l’école, répartie en six piliers par Snyers et ses collègues (2014). Les participants devaient se positionner, grâce à une échelle de Likert, pour cinq des six piliers : le cours d’éducation physique, les déplacements actifs, les activités extra-scolaires, les activités en classe et les installations sportives au sein de leur établissement scolaire (tableau II). En ce qui concerne le pilier lié aux projets interdisciplinaires, une question ouverte a été posée.

20En analysant les résultats du tableau II, 349 élèves (73,2 %) et 120 (94,5 %) jeunes adultes ressentent que le cours a une place importante, voire très importante, dans l’établissement scolaire. Contrairement à certains auteurs qui soulignent le manque de reconnaissance des élèves vis-à-vis du cours d’éducation physique (Fisette, 2013 ; Prusak et al., 2014 ; Mercier et al., 2017 ; Corr et al., 2019), dans cette étude, les résultats indiquent le contraire. Un élément qui peut nuancer les résultats est le fait que, malgré l’anonymat des questions, les participants étaient tous volontaires, ce qui conduit à un éventuel biais de sélection. En revanche, les déplacements actifs, les activités physiques en classe et les activités extra-scolaires obtiennent les résultats les plus faibles pour chaque population. En Belgique, les projets en lien avec ces trois piliers sont plus nombreux dans l’enseignement primaire (Cloes et Cloes, 2014 ; Griet et al., 2014). Des investigations plus approfondies pourraient être menées dans l’enseignement secondaire supérieur pour mettre en évidence les barrières qui empêcheraient le développement de ces trois piliers.

21En ce qui concerne les projets interdisciplinaires, les participants ont été invités à répondre à une question fermée suivie d’une question ouverte pour décrire les disciplines ciblées et le projet. Soixante élèves (12,6 %) ont exprimé en avoir réalisé durant leurs études. De manière générale, aucune discipline transversale au cours d’éducation physique n’est vraiment ressortie. Pour les jeunes adultes, 124 (97,6 %) prétendent n’avoir jamais réalisé ce type de projet. Cependant, il semblerait que la compréhension du terme « projet interdisciplinaire » a été difficile pour la plupart des sujets. Dès que les participants trouvaient des similitudes entre les cours, ils prenaient cela comme un projet. Malheureusement, cette incompréhension n’a pas été mise en évidence lors de la phase pilote. Néanmoins, comme le souligne Schneider (1997), les projets interdisciplinaires sont une approche pédagogique très intéressante. L’interdisciplinarité a pour objectif d’associer des connaissances et des méthodes de plusieurs disciplines pour aider l’élève à comprendre les phénomènes qui ne peuvent pas être compris par un seul cours. Renforcer les projets interdisciplinaires permettrait d’améliorer l’apprentissage et favoriserait le réinvestissement dans des pratiques concrètes (Hasni et al., 2008 ; LeDoux, 2003).

4.2. Quel est le soutien perçu par les élèves et les jeunes adultes vis-à-vis de la pratique d’activité physique en dehors du contexte scolaire ?

22Les perceptions des participants sur le soutien perçu par leur entourage dans leur pratique d’activité physique en dehors du contexte scolaire ont également été analysées. Pour chaque personne de l’entourage ciblée, ils ont été invités à sélectionner un nombre sur une échelle entre 1 et 10 (1 = pas de soutien du tout ; 10 = énormément de soutien). Le tableau III présente les résultats en lien avec cette échelle.

23Dans le tableau III, les résultats soulignent que la famille et l’entraineur restent des éléments de soutien centraux pour l’adolescent et le jeune adulte. En effet, l’entraîneur se distingue avec le score le plus élevé pour les deux populations. Envisager une collaboration entre les écoles et les clubs sportifs semble prometteur, étant donné ses apports positifs (Bjarne et Klaus, 2019). En ce qui concerne le soutien parental, il est essentiel dans la pratique de l’activité physique des enfants (Martins et al., 2015). Les parents jouent un rôle majeur dès le début de la pratique au niveau des soutiens émotionnel, logistique, financier et informationnel (Côté et Hay, 2002 ; Durand-Bush et al., 2004 ; Rhodes et al., 2013 ; Wolfenden et Holt, 2005). En revanche, avec un score juste au-dessus de la moyenne pour les élèves et un score juste en-dessous pour les jeunes adultes, l’enseignant en éducation physique obtient le deuxième score le plus faible pour les élèves et le score le plus faible pour jeunes adultes. Il convient de souligner que les jeunes adultes ne maintiennent plus de contact direct avec leurs enseignants d’éducation physique, étant donné qu’ils ont quitté l’école. Dans une étude réalisée par Dubuc et al. (2021), les auteurs obtiennent des résultats similaires, le soutien de l’enseignant en éducation physique est inférieur à celui de la famille. Comme le souligne plusieurs auteurs, si la famille occupe une place si importante dans la pratique de l’adolescent, une collaboration entre l’enseignant et ces derniers est nécessaire (Allard-Latour, 2023 ; McGarty et Melville, 2018). L’enseignant pourrait créer un carnet de cours pouvant être suivi par les parents (Robillard et al., 2012). Ce support soulignerait les objectifs et les éléments abordés tout au long de l’année scolaire, en précisant les domaines de la promotion de l’activité physique visés par un transfert vers la vie quotidienne. Des messages en lien avec un style de vie sain et actif pourraient être ajoutés. De cette manière, en plus des élèves, les parents seraient également sensibilisés aux bienfaits et à l’intérêt du cours d’éducation physique.

24Le soutien des technologies dans la pratique d’une activité physique en dehors du contexte scolaire a également été étudié. Deux cent-quarante élèves (51,8 %) et 68 jeunes adultes (53,5 %) ont indiqué qu’ils utilisent les technologies pour être actifs en dehors du contexte scolaire. La figure 2 illustre les supports numériques utilisés par les élèves et par les jeunes adultes. Les sujets étaient libres de mentionner plusieurs supports.

25Les applications mobiles semblent être des outils fréquemment utilisés par les sujets pour pratiquer leur activité physique en dehors du contexte scolaire. Ceux-ci ont mentionné plusieurs exemples comme Strava, Komoot, Tabata Timer et WeWard. Ces applications sont utilisées essentiellement pour soutenir la condition physique (renforcement musculaire, course à pied, marche active, etc.). La littérature souligne que la plupart des enseignants ignorent si leurs élèves ont réussi à transférer leurs capacités et leurs connaissances dans leur vie quotidienne. Souvent l’intervention de l’enseignant s’arrête à la porte du gymnase (Royer, 1979). Utiliser les applications mobiles pour soutenir l’enseignant dans cet enjeu pourrait être une piste à envisager. En effet, plusieurs auteurs préconisent de ne pas lutter contre les technologies mais de les utiliser à bon escient pour encourager l’apprentissage (Gil-Espinosa et al., 2020 ; Vega-Ramírez et al., 2020). De plus, l’utilisation des téléphones portables comme outil pédagogique, semble bénéfique pour l’apprentissage de l’éducation physique (Casey et al., 2017 ; Krause et Sanchez, 2014 ; Zhu et Dragon, 2016). Cependant, ce domaine de recherche en éducation physique se développe à un rythme plus lent que les autres disciplines (Yang et al., 2020). Ceci pourrait être une porte d’entrée pour de futures études.

4.3. Quels sont précisément les éléments retenus et appliqués dans la vie quotidienne des élèves et des jeunes adultes ?

26Pour répondre à cette question, les incidents critiques des participants ont été analysés et classés dans les sept catégories de l’ancrage sociétal (Cloes, 2017). Les participants pouvaient mentionner plusieurs incidents. Au total, les élèves ont rapporté 473 incidents critiques tandis que les jeunes adultes en ont rapportés 141.

27La figure 3 représente les incidents critiques positifs décrits par les deux échantillons. Pour les élèves, 297 (62,8 %) incidents positifs ont été mentionnés tandis que les jeunes adultes en ont rédigés 91 (64,5 %).

28Les résultats indiquent que les notions les plus retenues et appliquées concernent la catégorie liée à la pratique autonome. En effet, pour les deux échantillons, cette catégorie domine. La plupart des sujets expliquent que le cours d’éducation physique leur a permis d’appliquer dans leur vie quotidienne des principes comme l’échauffement, la gestion de la respiration, les étirements ou leur a permis d’avoir l’envie de pratiquer une activité physique. Par exemple, un garçon de 17 ans mentionne « Avec notre prof d’éducation physique, nous avons fait du run and bike et nous avons fait beaucoup de balades. Maintenant, je connais de belles balades et j’ai pu les réaliser avec ma famille et des amis. J’ai également acheté un nouveau vélo ». Un autre élève indique « J’ai appris à gérer mon rythme quand je cours et à mieux contrôler ma respiration ». Pour terminer, un jeune homme de 20 ans écrit « Je me suis inscrit au club de mini-foot proposé par l’Université car j’aimais beaucoup cela en secondaire ».

29Les éléments liés à la santé et la sécurité sont également bien représentés. Les sujets mettent surtout en évidence les notions axées sur les gestes de premiers secours comme le mentionne un participant « Au cours d’éducation physique, nous avons appris les interventions de premiers secours. Un jour ma sœur s’est blessée et s’est brulée. J’ai directement été cherché le désinfectant et des pansements comme mon professeur me l’avait enseigné. ». Cet élément peut s’expliquer par le fait que, depuis septembre 2022, le cours d’éducation physique belge est devenu « cours d’éducation physique et à la santé ». Ce changement était prévu depuis quelques années, la formation initiale des enseignants et les formations continues se sont adaptées et ont permis aux enseignants d’être plus sensibles à ces notions (Pacte pour un Enseignement d’Excellence, 2017). Depuis 2016, le projet « L’école sauve des vies » s’est déployé dans de nombreuses écoles francophones belges, permettant aux enseignants d’enseigner les gestes de premiers secours à leurs élèves avec le matériel adéquat.

30Par ailleurs, l’ancrage sociétal le moins appliqué est celui lié à la connaissance du corps humain. En effet, très peu de participants font référence à cet élément. Parmi les incidents critiques, un élève mentionne cependant « J’avais des courbatures à la suite d’un entrainement de natation particulièrement fatiguant. Grâce à mon enseignante, qui nous a enseigné les muscles, j’ai été capable de savoir exactement quel muscle me faisait mal ».

31Le fait que certaines catégories soient plus représentées que d’autres, comme notamment la section « pratique autonome », indique peut-être que l’enseignant est plus à l’aise avec les notions directement liées à la pratique sportive. En étant plus à l’aise avec la matière, le lien vers la vie quotidienne est plus explicite ce qui facilite la compréhension de l’élève (Clements, 2013). Pour développer des citoyens activement responsables de leur santé l’enseignant doit élargir ses champs d’action et varier davantage la nature de ses messages (Autralian Sports, 2019). Permettre à l’élève de mieux comprendre les bienfaits de l’activité physique pourrait contrer les constats liés à la sédentarité (OMS, 2022).

32Après les incidents critiques positifs, il est intéressant d’analyser les éléments négatifs. La figure 4 illustre les incidents critiques négatifs mentionnés par les participants.

33Au total, les élèves ont mentionné 32 (6,8 %) incidents critiques négatifs et les jeunes adultes 10 (7,1 %). Pour les élèves, les résultats soulignent une dominance des aspects psychologiques. Pour rappel, cette catégorie comporte tous les éléments en lien avec le développement personnel comme la confiance en soi et l’estime de soi. Une élève mentionne « J’ai tout appris à l’aide de ma famille. Le cours de sport à l’école ne m’a jamais rien apporté hormis un manque de confiance en moi. » Une autre élève indique « La prof fait des commentaires déplacés et décourage les filles. Nous n’avons jamais envie d’aller au cours, il n’est pas amusant ». Ces propos tenus par l’élève montre la place qu’occupe les aspects psychologiques dans la construction et le développement de l’adolescent. La littérature affirme que les perceptions relatives à l’estime de soi auraient tendance à baisser au cours de l’adolescence ce qui engendrerait également une baisse de l’activité physique (Cumming et al., 2011). Pour soutenir un climat motivationnel dans son cours, l’enseignant en éducation physique doit placer ses élèves dans un environnement bienveillant et agir positivement sur leur sentiment de compétence et sur l’estime de soi s’il veut les encourager à adopter un style de vie sain et actif (Girard et al., 2019 ; Lemoyne et Girard, 2018). Cet environnement bienveillant doit être davantage développé auprès du public féminin qui, comme le mentionne certains auteurs, est une population à risque du point de vue de la sédentarité (Allard-Latour, 2023 ; Aubert et al., 2020). Ce climat motivationnel peut s’encourager par des moments d’autonomie, des commentaires et encouragements positifs (Sun et al., 2017).

34Pour les éléments négatifs en lien avec la pratique autonome, les participants mentionnent l’absence d’apprentissage, la répétition des exercices ou encore l’apprentissage de notions erronées. Les aspects transversaux et ceux liés à la connaissance du corps humain ne sont pas répertoriés sur la figure 4 car aucun incident critique sur ces notions n’a été mentionné.

35Il est également nécessaire de noter que 144 (30,1 %) élèves et 30 (23,6 %) jeunes adultes ont indiqué qu’aucun élément n’avait été appris durant le cours d’éducation physique.

5. Les limites de l’étude

36Tout d’abord, une limitation majeure de cette étude est le biais lié à la participation volontaire. Les jeunes adultes avaient le choix de répondre ou non au questionnaire en ligne, tandis que les élèves du secondaire ont été encouragés par leurs enseignants en éducation physique. Cependant, des mesures ont été prises pour atténuer ce biais, notamment en soulignant l’importance de la franchise dans les réponses et en garantissant l’anonymat.

37Ensuite, La formulation de la question sur les activités physiques en classe n’est pas cohérente par rapport à l’échelle de Likert proposée. Une reformulation appropriée pourrait être : « Quelle est, selon toi, l’importance des activités physiques en classe dans les autres disciplines (autre que le cours d’éducation physique) ? ». Ce biais n’a malheureusement pas été détecté lors de la phase pilote. Cependant, pour maintenir la cohérence avec les cinq piliers de Snyers et ses collègues (2014), les données ont été conservées et analysées.

38Enfin, un autre biais pourrait expliquer la forte présence d’incidents critiques liés à la catégorie « pratique sportive autonome » de l’ancrage sociétal. En effet, celle-ci peut être considérée comme trop vague. Une solution serait de la subdiviser en précisant si, par exemple, les participants ont appris des techniques spécifiques ou des connaissances sur les règles, facilitant une pratique autonome de l’activité physique. Ceci permettrait une meilleure compréhension des transferts entre le cours d’éducation physique et la vie quotidienne.

6. Conclusion

39L’objectif de cette étude consistait à identifier les ressentis et perceptions des élèves de l’enseignement secondaire supérieur et des jeunes adultes sur le transfert entre les notions apprises durant le cours d’éducation et leur vie quotidienne. Tout d’abord, en ce qui concerne les ressentis des élèves et des jeunes adultes sur la promotion de l’activité physique à l’école, ils sont similaires. Les ressentis sur la place du cours d’éducation physique sont positifs mais les ressentis sur l’importance des déplacements actifs, des activités physiques en classe et des activités physiques parascolaires sont quant à eux assez négatifs. Ensuite, en ce qui concerne le soutien perçu par les participants dans leur pratique d’activité physique en dehors du contexte scolaire, dans les deux cas, l’enseignant en éducation physique obtient un score assez faible. Il arrive derrière la famille, les amis et les entraineurs. Enfin, pour les éléments retenus et appliqués dans la vie quotidienne des élèves et des jeunes adultes, les éléments cités sont très souvent axés sur la pratique sportive autonome avec par exemple, les notions en lien avec la manière de s’échauffer, de s’étirer, de gérer sa respiration et de pratiquer certains sports à l’extérieur. Cependant, en ce qui concerne les élèves, un point d’attention a été mis en évidence et concerne les éléments liés à la confiance en soi et l’estime de soi. Ces aspects psychologiques ont été les plus cités dans les incidents critiques négatifs.

40Cette recherche se centre essentiellement sur les élèves mais, dans le cadre de futures études, il serait intéressant de se concentrer sur les enseignants en éducation physique. En effet, analyser leurs ressentis sur la place de leur établissement scolaire dans la promotion d’un style de vie actif et leurs ressentis sur les facilitateurs et les freins à établir ce lien entre le cours d’éducation physique et la vie quotidienne pourrait être le début de nouvelles recherches. Une autre piste à envisager est le croisement des ressentis des élèves et des enseignants. En effet, la question de l’enseignement explicite a été discuté à plusieurs reprises, comparer leurs avis au sein du même contexte scolaire pourrait permettre d’expliquer pourquoi certains élèves ne perçoivent pas l’utilité du cours d’éducation physique alors que certains enseignants mettent peut-être de nombreuses choses en place pour les faire changer d’avis. Pour terminer, les outils numériques peuvent servir de soutien pour l’enseignant dans cet enjeu d’éduquer les élèves à adopter un style de vie sain et actif sur le long terme.