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Les mots du genre
La fabrique des concepts

Au-delà des mots, la matérialité extra-discursive du genre

Beyond words, the affective production of gender
Nelly Quemener
p. 75-84

Résumés

Cet article propose une discussion critique sur la place accordée aux discours et aux représentations dans l’appréhension des rapports sociaux de genre et la formation du sujet genré. L’objectif est, à partir des travaux issus du tournant néo-matérialiste au sein des Cultural Studies, d’ouvrir la voie à de nouvelles formes de récits des « mots du genre » ou, plus largement, des systèmes symboliques et des régimes discursifs du genre. Plutôt que d’appréhender ces derniers comme le terrain et le terreau de luttes définitionnelles, ce nouveau récit met l’accent sur les dynamiques relationnelles et agentielles, les logiques de différenciation et les processus de négociation qui président à leur avènement. Il s’agit alors de penser les mots et les signes qui performent, qualifient, produisent le genre à la fois comme l’effet d’un ensemble de déterminations et de phénomènes d’intensification et comme une action engendrant à son tour des effets qui ne sauraient être réductibles à la seule opération de signification.

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Texte intégral

  • 1 Judith Butler, Le Pouvoir des mots. Politique du performatif, trad. C. Nordmann, Éd. Amsterdam, 200 (...)

1Le sujet est constitué (interpellé) dans le langage par un processus sélectif à travers lequel les conditions de la lisibilité et l’intelligibilité de la subjectivité sont réglementées. Le sujet reçoit un nom, mais « qui » il est dépend autant des noms dont il n’est jamais appelé : les possibilités de la vie linguistique sont à la fois inaugurées et forcloses par ce nom1.

2C’est ainsi que dans Le Pouvoir des mots, la philosophe Judith Butler évoque la place du langage dans la constitution du sujet. Chez Butler, les mots ont un pouvoir. Ils font advenir le sujet au travers des processus d’interpellation et fournissent la garantie linguistique de l’existence d’une personne. Ils définissent les conditions de l’intelligibilité des corps et des pratiques, figeant des catégories dans une continuité historique et reproduisant par la citation et la répétition ritualisée des normes faisant autorité. Ils sont ainsi à l’origine de discours régulateurs qui enferment les corps dans des oppositions constitutives (masculin/féminin, hommes/femmes, homo/hétéro) et réduisent la subjectivité à un cadre binaire. Toutes ces contraintes et limites sont pourtant aussi la condition de la puissance d’agir du sujet. Les mots sont en effet le moyen et le lieu de la contestation, du déplacement, de la resignification. Ils dessinent un horizon politique, qui repose sur l’avènement de nouveaux modes de légitimation et l’extension des régimes du dicible et du visible.

3L’approche de Judith Butler est au cœur de notre réflexion sur la place des logiques énonciatives et discursives dans la formation du sujet genré et de ses possibilités d’agir. Ancrée en sciences de l’information et de la communication, cette réflexion a été menée dans le cadre de l’analyse de terrains médiatiques et de matériaux audiovisuels et écrits, présentant tout à la fois des dimensions symboliques, linguistiques et discursives. Elle nous a conduit à éprouver une approche, d’inspiration constructiviste et poststructuraliste, qui fait des représentations et des discours un site privilégié de la conflictualité autour des modèles de masculinité et de féminité, et de la production du sujet genré. Pourtant, la rencontre avec les travaux se revendiquant d’un néo-matérialisme ou de la théorie des affects nous invite aujourd’hui à penser à nouveaux frais le statut de ce matériau discursif et symbolique. Dans quelle mesure ce dernier participe-t-il à produire le genre au-delà de l’interpellation et des effets de sens ? L’objectif de cet article est d’interroger les implications pour l’analyse des « mots du genre » de ce déplacement épistémologique. En insistant sur les dynamiques extra-discursives, en pointant le primat donné à la dimension textuelle dans l’appréhension du social, les travaux évoqués proposent d’aborder les mots – et nous ajouterons, les systèmes de signes – qui performent, qualifient, produisent le genre à la fois comme l’effet de forces affectives et comme une action engendrant à son tour des effets qui ne sauraient être réductibles à la seule opération de signification.

Saisir le genre au niveau des représentations et des discours

  • 2 Stuart Hall, « Les Cultural Studies et leurs fondements théoriques » (1992), Identités et cultures. (...)
  • 3 Stuart Hall, « Race, articulation et sociétés structurées “à dominante” », Identités et cultures 2. (...)
  • 4 Stuart Hall, « La redécouverte de “l’idéologie” : retour du refoulé dans les Media Studies » (1982) (...)

4Pour comprendre les apports du tournant matérialiste et de la théorie des affects pour l’analyse des rapports de genre, il est utile de revenir à l’armature théorique des Cultural Studies, laquelle est au fondement de nos travaux. Les écrits fondateurs de Stuart Hall, situés à la charnière de l’héritage structuraliste et gramscien2, sont éclairants quant à la place accordée à la production discursive des idéologies et à la construction du social par les discours et les représentations. Ils proposent d’appréhender les rapports de pouvoir à deux niveaux. Le premier niveau est structurel et renvoie à ce que nous pourrions assimiler au versant macrosociologique des pratiques, inscrit dans une continuité historique. Travaillé par des ruptures, des crises, des déplacements, il dessine une configuration spécifique à une époque et une société des rapports de pouvoir de genre, de classe ou de race3. Il présente des tendances et des hiérarchies propres, qu’il s’agit de replacer dans une perspective socio-historique et dans un processus d’actualisation permanente. Le deuxième niveau chez Hall est le niveau discursif et symbolique, qu’il aborde notamment dans ses écrits sur l’effet idéologique dans les médias4. Dans le sillage des théories structuralistes, ce niveau est abordé comme la trace du niveau structurel qui s’incarne dans les permanences du langage, les allants-de-soi et les chaînes de signification. Les représentations médiatiques forment ainsi, au travers de lexiques, de répertoires, de grammaires, un système central de significations qui naturalisent et imposent certaines définitions des termes du débat public, des groupes, des catégories. Elles constituent le sens dominant des phénomènes sociaux et soutiennent idéologiquement les hiérarchies et les rapports de domination. Elles sont néanmoins aussi le terrain d’une lutte pour l’hégémonie, qui s’incarne dans ce que Hall nomme « les politiques de représentation », par lesquelles certaines voix contestent les discours dominants et proposent une vision alternative du monde, et les « politiques de l’identité » visant l’affirmation d’une différence. Même si ce niveau discursif et symbolique ne saurait se substituer au niveau structurel, il agit donc en retour sur ce dernier et participe à le transformer.

  • 5 Une idée que Hall suggère dans son texte sur les cultures populaires noires : Stuart Hall, « Quel e (...)
  • 6 Parmi les travaux français, voir Marion Dalibert, Accès à l’espace public des minorités ethnoracial (...)
  • 7 Stuart Hall, « The Work of Representation », Representation. Cultural Representations and Signifyin (...)
  • 8 Dick Hebdige, Sous‑culture. Le sens du style, trad. M. Saint-Upéry, Zones, 2008 [1979].

5Les travaux de Hall ouvrent la voie à une analyse des représentations et discours médiatiques en tant que sites de conflictualité et de possibles déplacements des modèles dominants sous l’effet de voix dissidentes. Ils se gardent toutefois de toute forme de célébration des résistances. Ils ne projettent pas sur les positions subalternes l’idée d’un contre-pouvoir et/ ou d’une nécessaire subversion5. Ils soulignent au contraire les compromis, les arbitrages, les négociations voire les effets de renforcement des normes et des mécanismes d’enfermement de la subjectivité à l’œuvre dans les logiques de représentation. Les travaux de Hall initient en outre un véritable chantier méthodologique, qui, dans les recherches qui s’en revendiquent, donne lieu à des propositions différenciées6. Le niveau structurel est à notre sens le plus complexe à saisir. Il invite à des démarches diachroniques et peut s’accompagner de méthodes, parfois quantitatives, qui permettent de faire le récit des (dis)continuités historiques et des (in)stabilités structurelles. Le niveau discursif et symbolique fait l’objet de plus longs développements dans les écrits de Hall7. Il implique de porter une attention aux systèmes symboliques, travaillés par des logiques de dénotation et connotation, et aux systèmes discursifs, constitués d’un ensemble d’énoncés qui obéissent à des règles de fonctionnement communes et établissent des régimes du visible et du dicible. Les représentations chez Stuart Hall proposent ainsi une interprétation de la réalité et une vision du monde en même temps qu’elles imposent un certain regard et une certaine manière d’examiner un phénomène, un problème, une pratique. Les conflits de définition s’incarnent quant à eux dans des luttes pour la signification, appréhendées par Hall en tant que luttes autour des associations du langage et des enchaînements de mots advenant dans l’articulation avec les significations qui circulent par ailleurs. Ils peuvent en outre relever de ce que d’autres écrits, tels ceux de Dick Hebdige sur les subcultures évoquent par le terme de « guerre sémiotique8 ».

  • 9 Stuart Hall, « La grande parade à droite » (1979), Le Populisme autoritaire, puissance de la droite (...)
  • 10 Ernesto Laclau, Chantal Mouffe, Hégémonie et stratégie socialiste. Vers une politique démocratique (...)

6Cette attention portée à la conflictualité, héritée de l’idée d’une domination « sans garantie », donne donc le primat à la production symbolique et discursive du genre, de la classe ou de la race, sans pour autant évacuer les dynamiques structurelles qui façonnent et travaillent cette dernière. Ce primat est d’abord sensible dans le présupposé selon lequel les forces de changement et de déplacement reposeraient sur l’avènement de représentations et de discours contrevenant au sens commun. Dans le cadre d’une analyse du genre dans les médias, cela peut impliquer de rendre compte de la production de figures contre-hégémoniques, ne répondant pas aux rôles traditionnels (de « père » ; « mère » ; « mari » ; « épouse » ; « travailleurs » ; « travailleuse », etc.) et aux cadres de valorisation de la masculinité et de la féminité. Les politiques de représentation ou politiques de l’identité se logent alors dans tout ce que les univers de signification dominants laissent de côté ou évoquent de façon réductrice. Elles font émerger de nouvelles associations, de nouvelles chaînes, et réarticulent, par le langage et les systèmes sémiotiques, des modèles hégémoniques, agissant en retour sur la structure sociale. Ce primat se traduit en outre dans la réflexion sur la force instituante des représentations et des discours9. La représentation d’une force politique est, dans les écrits de Hall, décrite comme un moment fondateur, constitutif, dans le sens où elle crée des « chaînes d’équivalence10 » entre des revendications dispersées, comme les nomment Ernesto Laclau et Chantal Mouffe qui ont largement inspiré Hall. Identifier « la classe ouvrière », revendiquer un « féminisme », qualifier le « mouvement LGBTQI », sont autant d’actes nominatifs, essentiels à l’organisation et à l’agrégation de pratiques parfois disparates, ainsi qu’à l’avènement et l’instauration d’un « bloc de (contre)pouvoir ».

  • 11 Judith Butler, Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l’identité, trad. C. Kraus, (...)
  • 12 Judith Butler, Ces corps qui comptent. De la matérialité et des limites discursives du « sexe », tr (...)
  • 13 Judith Butler, La Vie psychique du pouvoir. L’assujettissement en théories, trad. B. Matthieussent, (...)

7Cette attention portée à la force productive des représentations et des discours n’est pas sans écho avec les écrits du féminisme poststructuraliste qui, dans la lignée du « tournant linguistique » associé aux tenants de la French Theory, font du discursif le lieu de matérialisation des corps et de la production des identités de genre. Dans ses travaux sur la formation discursive du « sexe » et du « genre », Judith Butler renverse la place habituellement accordée à la matérialité, notamment corporelle, en la désignant comme un effet des discours plutôt que comme une donnée « prédiscursive » qui existerait avant la catégorisation et l’interpellation11. Chez Butler, les discours régulent, façonnent les corps et définissent des univers de possibles. Ils forment une véritable matrice du pouvoir, la « matrice binaire hétérosexuelle », qui divise le monde en hommes et femmes et impose le cadre d’intelligibilité des corps et des pratiques, au moyen d’une chaîne sexe-genre-désir qui fait du sexe la « cause » du genre et du genre l’« effet » du sexe. Ce cadre d’intelligibilité, en imposant ses normes et ses modes d’interpellation, est aussi le moyen par lequel les corps, les pratiques, les individualités qui échappent à cette catégorisation binaire, sont rendus invisibles et renvoyés du côté d’un territoire invivable et « abject12 ». Dans les écrits de Butler, tout se passe donc au niveau des procédés linguistiques qui assignent, interpellent et constituent les sujets en même temps qu’ils contraignent et excluent13. Ces procédés sont performatifs dans le sens où ils réalisent ce qu’ils énoncent et produisent la matérialité des corps et du sexe. Cette opération constitutive est pourtant aussi une opération imparfaite : même lorsqu’elle esquisse des normes et un idéal à atteindre, elle se confronte à l’impossible reproduction à l’identique. La matrice du pouvoir se voit alors travaillée de l’intérieur par les dissonances, les transformations et la part d’improvisation inhérentes à l’acte de répétition. Dans le « faire » des corps, dans la pratique du quotidien, autant que dans les mobilisations politiques, se loge selon Butler un pouvoir d’agir, à même de déplacer et subvertir les normes faisant autorité.

  • 14 Teresa de Lauretis, « La technologie du genre », Théorie queer et cultures populaires. De Foucault (...)
  • 15 Ibid., p. 41.

8Chez Teresa de Lauretis, le primat donné à la production discursive du genre se traduit par une synthèse inédite entre la sémiotique de Charles Sanders Peirce et l’approche foucaldienne des dispositifs de pouvoir14. Il est sensible dès les premières phrases du texte « La technologie du genre » : le « genre est (une) représentation » et « la représentation du genre est sa construction15 ». Par ces mots, de Lauretis souligne le fait que le genre est avant tout le produit des appareils discursifs qui façonnent des représentations hégémoniques du genre et des savoirs sur le genre. Il se résume, dans le cadre du cinéma hollywoodien, à une différence des sexes dérivant d’une différence sémiotique qui attribue aux hommes et aux femmes des propriétés particulières. Au-delà de produire l’idéologie de genre, les représentations importent en tant qu’elles façonnent les manières de se constituer en sujet genré. Même si le monde qu’elles donnent à voir ne correspond pas aux conditions d’existence réelles, elles « en-gendrent » au sens où elles dessinent le spectre des identifications à disposition dans lesquelles les spectateur·trices puisent pour se construire une identité de genre. Comme chez Hall et Butler, il existe toutefois chez de Lauretis un hors-champ, un « en-dehors » des représentations hégémoniques du genre, qui recouvre les pratiques et savoirs alternatifs. Ce hors-champ est le lieu même de l’idéologie. Il désigne les espaces du « non-sujet » et comprend les corps et les pratiques qui échappent à la reconnaissance par l’hégémonie culturelle et ne font l’objet d’aucune interpellation. Il est aussi l’espace dans lequel peuvent émerger des micropolitiques et des « résistances locales aux hégémonies », qui renouvellent les modalités d’évocation du genre et les modes d’adresse en faisant advenir des féminités jusque-là irreprésentables.

9Si les travaux de Stuart Hall invitent à saisir les régularités et les transformations de corpus médiatiques comme le symptôme des dynamiques structurelles et de luttes pour l’hégémonie, l’approche butlerienne conduit à conférer aux corpus le statut de traces d’actions passées, porteuses des déplacements à venir, et à saisir les sujets, les identités, les catégories tels qu’ils sont en train de se constituer. Les différents éléments qui composent les corpus étudiés importent donc pour ce qu’ils racontent et pour ce qu’ils disent, tout autant que pour ce qu’ils font et pour ce qu’ils fabriquent : les corps qu’ils font apparaître ; les sujets qu’ils constituent au travers de l’interpellation ; les identités qu’ils font exister en montrant les corps qui les performent et donnant à entendre les mots qui les qualifient. Ils forment alors un continuum marqué par des déplacements, des crises et des ruptures, dont l’analyse se propose de faire le récit. De son côté, la « technologie du genre » chez de Lauretis invite à considérer le rôle des médias, et non plus seulement des corps et des pratiques qui les habitent, dans la production des savoirs, des subjectivités et des définitions du genre. Elle dessine une grille de lecture qui met l’accent sur les résistances venues des marges, sur la force transformative de l’apparition et de la représentation de pratiques et subjectivités jusque-là restées dans l’ombre.

Vers une prise en compte des dynamiques affectives

  • 16 Lawrence Grossberg, « Identity and Cultural Studies : Is That All That There Is? », in Stuart Hall, (...)
  • 17 Gayatari C. Spivak, Les Subalternes peuvent‑elles parler ?, trad. J. Vidal, Éd. Amsterdam, 2009 [19 (...)

10Les approches constructivistes et poststructuralistes ne sont toutefois pas sans soulever des interrogations. Pour Lawrence Grossberg, l’une des figures de proue des Cultural Studies états-uniennes, un premier problème est qu’elles tendent à rabattre la compréhension des phénomènes collectifs sur une appartenance ou une identification à une « communauté16 ». Cette tendance empêche non seulement de penser des formes politiques et des mobilisations « sans identité », mais aussi de supposer que des forces autres que discursives, par exemple affectives, président aux processus de subjectivation et aux rencontres entre les différents éléments de la formation sociale. Un deuxième problème est que ces approches reproduisent les oppositions dont elles disent vouloir se départir. Grossberg voit à ce titre dans le primat donné au niveau discursif le terreau d’une conception dualiste du pouvoir, au sein de laquelle le sujet de résistance se situe « en dehors » et « contre » la structure du pouvoir, de sorte qu’il est qualifié et identifié par une subalternité et/ ou une position en marge, à laquelle est associée une subjectivité particulière et un potentiel déstabilisateur. Le risque d’une telle conception est de figer les sujets dans une position spécifique qui déterminerait leur place dans les relations de pouvoir et de faire peu de cas de la dimension agrégative, conjoncturelle et stratégique de toute force politique, que Stuart Hall lui-même défend longuement, et aux lignes de fracture qui travaillent les espaces sociaux, bien au-delà des seuls points de vue situés. Il est, enfin, d’aboutir à une contradiction : les luttes définitionnelles, même quand elles donnent lieu à une ré-articulation des modèles hégémoniques, n’en restent pas moins prises dans les rets de l’idéologie. Parler, se rendre visible, se représenter, impliquent en effet de se soumettre aux règles du régime discursif et de devenir sujet selon les termes de ce que Gayatari Spivak nomme l’impérialisme culturel17, de sorte que « l’en-dehors » n’en est jamais véritablement un.

  • 18 Rosi Braidotti, Metamorphoses: Towards a Materialist Theory of Becoming, Cambridge, Polity Press, 2 (...)
  • 19 Karen Barad, « Posthumanist Performativity : Toward an Understanding of How Matter Comes to Matter  (...)

11Dans le sillage de ces interrogations se sont développés un ensemble de travaux, regroupés pour certains sous le terme de « théorie des affects », inspirées par les écrits de Gilles Deleuze et Félix Guattari. Tout l’enjeu de ce « nouveau matérialisme18 », tel que le nomme Rosi Braidotti, est de s’extraire d’une conception jugée étriquée du sujet, cantonnée à des oppositions dialectiques et des dualismes structurants, et de réinvestir la question de la matérialité et des généalogies corporelles, que certaines approches évoquées, telle celle de Judith Butler, auraient gommé au profit du seul discours. La physicienne Karen Barad fustige à ce titre le renversement radical auquel aurait conduit le refus des approches naturalistes, qui consisterait à subsumer la matérialité au linguistique et au pouvoir des mots, et à substituer à l’idée d’une nature pré-discursive la toute-puissance du discours. « Le langage compte ? Les discours comptent. La culture compte. Cela donne l’impression que la seule chose qui ne compte plus du tout est la matière elle-même19. » Elle développe alors une approche qu’elle désigne comme « posthumaniste », qui incorpore les facteurs matériels et discursifs, sociaux et scientifiques, humains et non humains, naturels et culturels, et explore le rôle des pratiques « matérielles-discursives » dans les processus de différentiation. Le point commun de ces contributions est de refuser une bipartition entre le monde et la réalité, entre la matérialité et le langage, entre le dedans et le dehors des discours, et de préférer un empirisme transcendantal au travers duquel des événements et des sujets non catégoriels, non formels, marqués du sceau de la multiplicité, adviennent sur un plan constitué de forces, de phénomènes d’intensification, de logiques de différenciation et de variations sensibles.

  • 20 Lawrence Grossberg, « Does Cultural Studies Have Futures? Should it? (Or What’s the Matter with New (...)

12Pour Grossberg, une condition à ce nouveau récit est de s’extraire du primat donné dans les approches discursives à la temporalité, notamment historique, et à un modèle évolutionniste du pouvoir d’agir, pour lui substituer une démarche qui insiste sur les effets d’entraînement des phénomènes, des actions, des activités dans des espaces aux temporalités propres20.

  • 21 Lawrence Grossberg, We Gotta Get Out of this Place. Popular Conservatism and Postmodern Culture, Lo (...)
  • 22 Fred Pailler, Florian Vörös, « Des effets aux affects : médiations, pouvoir et navigation sexuelle (...)

13Cette démarche n’abandonne pas l’idée selon laquelle les pratiques et les relations sont structurées historiquement, mais elle propose d’appréhender les structures telles qu’elles sont constituées au travers des effets des pratiques, c’est-à-dire au travers de ce que les pratiques font et de la façon dont elles réorganisent les relations21. En d’autres termes, elle déplace le regard porté sur le matériau à disposition, dans notre cas composé de discours ou de représentations, pour l’appréhender en tant qu’effets de pratiques ayant à leur tour des effets et souligner les dynamiques relationnelles et agentielles qu’il dessine et dont il est le produit. Elle ajoute en outre un niveau d’analyse à l’idée du pouvoir constitutif des représentations et des discours. Ces derniers ne produisent pas seulement de la signification : ils opèrent aussi en tant que traces d’un agir qui déclenche une action. La signification n’est alors plus qu’un effet parmi d’autres, de sorte qu’au-delà de ce que les gens disent ou représentent, ce qui importe est aussi ce que les gens font, déclenchent et entraînent en disant. En plus des effets de sens, l’approche esquissée par Grossberg ouvre donc la voie pour saisir la façon dont les représentations ou les discours qui constituent nos corpus médiatiques agissent les uns sur les autres et participent de l’intensification des échanges et des interventions sur un sujet donné. Selon Fred Pailler et Florian Vörös, il s’agit d’identifier les forces de rencontre entre les éléments de la formation sociale qui produisent ces phénomènes d’intensification et d’en explorer la part productive et les effets sur l’organisation des relations22.

  • 23 Lawrence Grossberg, We Gotta Get Out of this Place, op. cit.
  • 24 Rosi Braidotti, « Les sujets nomades féministes comme figure des multitudes », Multitudes, no 12, 2 (...)

14Ce faisant, les travaux sur les affects qui intéressent notre propos s’éloignent de l’idée que la rencontre entre, par exemple, des discours, des pratiques et des gens reposerait sur des formes de reconnaissance et d’identification au niveau discursif pour insister sur la place du plaisir et les horizons d’attente sensible. Dans ses travaux sur les fans de rock23, Grossberg soutient que la force des investissements dans une pratique relève du plaisir attendu, de la sensation projetée et du présage de l’intensité de la rencontre avec cette dernière. Autrement dit, elle est l’effet de l’intensité affective qu’elle participe à constituer et, à ce titre, n’est pas neutre. Elle désigne ce qui est significatif, les choses qui comptent, des domaines et les sujets dignes d’attention et d’être investis pour se construire une identité. Elle organise les relations afférentes à une pratique ou un domaine particulier, lui accordant une valeur selon une échelle qu’elle participe à affirmer. Elle est enfin au cœur des luttes de pouvoir, chacun·e tentant d’imposer son mode de hiérarchisation des pratiques et des domaines à investir. Grossberg situe alors l’idéologie non plus seulement par la production d’une unité discursive ou d’un système central de significations aux effets constitutifs, mais dans la distribution spatiale des investissements et des intensités qu’ils produisent. Il donne des clés pour repenser le statut du matériau représentationnel et discursif en tant que traces d’investissements disparates dont il s’agit d’examiner la distribution, les effets autoréalisateurs et idéologiques. Ce matériau n’est en outre plus le terrain premier de la production du sujet. Comme le souligne la philosophe Rosi Braidotti, le sujet ne saurait se résumer à sa constitution dans le discours et le langage24. Il est au contraire « nomade », non unitaire, dynamique, traversé et porteur de forces de décentrement et ouvert à un ensemble de potentialités.

  • 25 Jasbir K. Puar, « “I Would Rather Be a Cyborg than a Goddess”. Becoming-Intersectional in Assemblag (...)
  • 26 Jasbir K. Puar, « Queer Times, Queer Assemblages », Social Text, vol. 23, no 3-4, 2005, p. 121-139, (...)

15Dans le sillage de ces travaux, le matériau représentationnel et discursif n’est donc que la partie visible, saisissable, actuelle et en actualisation permanente, d’un processus dynamique plus large de constitution du sujet. Il dessine des « intensités », sensibles dans le nombre d’interventions sur un sujet donné ou encore l’usage de registres émotionnels, et oriente le regard et l’attention vers des thèmes, des enjeux, des pratiques eux-mêmes sujets d’investissements intenses. Il est en outre le terrain de rapports de forces qui se voient eux aussi pensés à nouveaux frais. Plutôt qu’un horizon politique contre-hégémonique, l’approche par les affects voit dans la représentation et la visibilité et les logiques énonciatives et discursives qui les composent – le ressort de nouveaux enfermements. Pour Braidotti, ces logiques participent de tentatives de contrôle du sujet et d’imposition d’un régime définitionnel de la subjectivité en tant qu’identité, constituée de façon duale et discursive. Dans la continuité de ces écrits, Jasbir Puar souligne combien la territorialisation des pratiques autour d’identités, de catégories, de formes énonciatives est le lieu même de l’exercice du pouvoir disciplinaire25. Elle initie ainsi une réflexion sur les effets de démarches scientifiques, telle l’approche par l’intersectionnalité, qui consiste à représenter, nommer, qualifier, au risque de reproduire les enfermements et les processus d’altérisation dont certains groupes, dont les « femmes de couleur », font l’objet. Cette réflexion conduit Puar à refuser de réduire le genre, la race, la classe ou la sexualité à un terreau identitaire et des entités sociales faites d’oppositions binaires, et à envisager des dynamiques de subjectivation qui opèrent sur d’autres plans que le seul plan discursif et symbolique. En mettant à l’honneur « les sensations, le toucher, l’ontologie, l’affect et l’information26 », elle propose d’aborder la sexualité, le genre, la race en termes d’affectivité, d’intensité, d’émotions et de texture qui habitent les corps et les espaces, et d’examiner les arrangements complexes et les conditions par lesquelles les catégories de race, de genre et de sexualité adviennent, font irruption et deviennent énonçables.

  • 27 Lawrence Grossberg, « Identity and Cultural Studies », op. cit., p. 100.

16L’approche par les affects refuse par conséquent de reconduire une forme de binarisme entre l’en-dedans et l’en-dehors discursif. Elle fonde une démarche cartographique qui insiste sur les dynamiques spatiales autant, voire plus, que sur les dynamiques socio-historiques, au sein desquelles les discours et représentations sont une possibilité parmi d’autres de matérialiser les pratiques et les rencontres. Elle revisite et complexifie la compréhension des phénomènes collectifs : certains peuvent émerger de « la représentation », d’autres peuvent advenir sans qu’une « représentation » ou une « identité » ne leur soit accolée. Elle appréhende les « unités » discursives (l’identité, la représentation, les catégories) qui donnent sens à des expériences dispersées tels des événements dont il s’agit d’interroger les conditions d’apparition. La production de sens et l’identité ne sont alors plus qu’une possibilité et qu’une articulation parmi d’autres, qui émergent à l’intersection de plusieurs lignes d’assemblage27. Le pouvoir d’agir n’est quant à lui ni la qualité d’un sujet situé dans des rapports de force, ni la propriété d’un individu ou d’un groupe. Il est un agencement qui requiert des énergies, de la matière ainsi que d’autres agencements, et qui transforme le milieu dans lequel il advient. Plus encore, la production de sens et l’identité deviennent des opérateurs du pouvoir, en ce qu’elles impliquent des logiques de repli sur les éléments catégoriels et des formes de subjectivation par les discours. Les horizons de résistance résident à l’inverse dans l’intensification des relations, le déploiement des possibles et du sujet non unitaire, autrement dit dans ce qui échappe aux discours et représentations.

17L’approche par les affects se détourne de l’exigence de la dénomination au profit d’une narration des proximités et des rencontres, des éloignements et des dissociations, ainsi que des dynamiques et mouvements qui les constituent. Plutôt que de proposer une transformation radicale des méthodologies, elle déplace le regard porté sur le matériau symbolique et discursif et le récit qui peut en être fait. L’idée n’est plus d’appréhender ce matériau comme le terrain et le terreau de luttes définitionnelles, mais bien comme celui de processus d’intensification dont il s’agit d’examiner les effets. Elle est, en outre, d’élaborer un récit qui se charge de replacer le matériau dans une formation sociale conflictuelle et fracturée entre divers paliers et échelles, partagée entre une quête incessante d’équilibre et une instabilité chronique. Un tel récit donne le primat aux dynamiques relationnelles et agentielles, aux logiques de différenciation et aux processus de négociation. Il déploie une grille de lecture au sein de laquelle des pratiques de territorialisation, entendues comme des moments d’articulation qui relient des éléments ensemble (corps, discours, affects, matières) s’entremêlent et alternent avec des pratiques de déterritorialisation, entendues comme des moments de désarticulation où les liens se rompent, les éléments se dispersent et se relocalisent. Si ce récit est loin d’être évident, il permet d’éviter l’écueil qui consisterait à projeter sur le terrain les modalités supposées de son organisation, en présageant par exemple la centralité de certains rapports de pouvoir par rapport d’autres. Il ouvre la voie pour penser des manières d’être et d’agir du genre qui ne sauraient se résumer à des logiques énonciatives et discursives.

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Notes

1 Judith Butler, Le Pouvoir des mots. Politique du performatif, trad. C. Nordmann, Éd. Amsterdam, 2004 [1997], p. 65.

2 Stuart Hall, « Les Cultural Studies et leurs fondements théoriques » (1992), Identités et cultures. Politiques des Cultural Studies, Maxime Cervulle (éd.), trad. C. Jaquet, Éd. Amsterdam, 2008, p. 17-32.

3 Stuart Hall, « Race, articulation et sociétés structurées “à dominante” », Identités et cultures 2. Politiques des différences, Maxime Cervulle (éd.), trad. A. Blanchard, F. Vörös, Éd. Amsterdam, 2013 [1980], p. 113-178.

4 Stuart Hall, « La redécouverte de “l’idéologie” : retour du refoulé dans les Media Studies » (1982), Identités et cultures. Politiques des cultural studies, op. cit., p. 129-168.

5 Une idée que Hall suggère dans son texte sur les cultures populaires noires : Stuart Hall, « Quel est ce “noir” dans la “culture populaire noire” ? » (1992), Identités et Cultures, op. cit., p. 299-310.

6 Parmi les travaux français, voir Marion Dalibert, Accès à l’espace public des minorités ethnoraciales et “blanchité”, thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, université Lille 3, 2012 ; Sarah Lécossais, Chroniques d’une maternité hégémonique. Identités féminines, représentations des mères et genre de la parentalité dans les séries télévisées familiales françaises (1992‑2012), thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, Sorbonne Nouvelle, 2015 ; Nelly Quemener, Jamil Dakhlia, « Hérauts et héros de la postérité. Logiques de médiatisation et fabrique de la célébrité post mortem », Réseaux, vol. 210, no 4, 2018, p. 53-88.

7 Stuart Hall, « The Work of Representation », Representation. Cultural Representations and Signifying Practices, Londres-New Delhi, Thousand Oaks-Sage, 1997, p. 13-74.

8 Dick Hebdige, Sous‑culture. Le sens du style, trad. M. Saint-Upéry, Zones, 2008 [1979].

9 Stuart Hall, « La grande parade à droite » (1979), Le Populisme autoritaire, puissance de la droite et impuissance de la gauche au temps du thatchérisme et du blairisme, trad. H. Sauvage, É. Beerlham, Éd. Amsterdam, 2008, p. 31-53, p. 41.

10 Ernesto Laclau, Chantal Mouffe, Hégémonie et stratégie socialiste. Vers une politique démocratique radicale, préf. É. Balibar, trad. J. Abriel, Les solitaires intempestifs, 2009 [1985].

11 Judith Butler, Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l’identité, trad. C. Kraus, La Découverte, 2005 [1990].

12 Judith Butler, Ces corps qui comptent. De la matérialité et des limites discursives du « sexe », trad. C. Nordmann, Éd. Amsterdam, 2009 [1993].

13 Judith Butler, La Vie psychique du pouvoir. L’assujettissement en théories, trad. B. Matthieussent, Léo Scheer, 2002 [1997].

14 Teresa de Lauretis, « La technologie du genre », Théorie queer et cultures populaires. De Foucault à Cronenberg, trad. M.-H. Bourcier, La Dispute, 2007 [1987], p. 37-94.

15 Ibid., p. 41.

16 Lawrence Grossberg, « Identity and Cultural Studies : Is That All That There Is? », in Stuart Hall, Paul Du Gay (dir.), Questions of Cultural Identity, Londres, Sage, 1996, p. 87-107.

17 Gayatari C. Spivak, Les Subalternes peuvent‑elles parler ?, trad. J. Vidal, Éd. Amsterdam, 2009 [1988].

18 Rosi Braidotti, Metamorphoses: Towards a Materialist Theory of Becoming, Cambridge, Polity Press, 2002.

19 Karen Barad, « Posthumanist Performativity : Toward an Understanding of How Matter Comes to Matter », Signs: Journal of Women in Culture and Society, vol. 28, no 3, 2003, p. 801-831, p. 801 (notre traduction).

20 Lawrence Grossberg, « Does Cultural Studies Have Futures? Should it? (Or What’s the Matter with New York ?) Cultural Studies, Contexts and Conjunctures », Cultural Studies, vol. 20, no 1, 2006, p. 1-32.

21 Lawrence Grossberg, We Gotta Get Out of this Place. Popular Conservatism and Postmodern Culture, Londres-New York, Routledge, 1992, p. 59.

22 Fred Pailler, Florian Vörös, « Des effets aux affects : médiations, pouvoir et navigation sexuelle en ligne », RFSIC, no 11, 2017, <http:// journals.openedition.org/rfsic/2873>.

23 Lawrence Grossberg, We Gotta Get Out of this Place, op. cit.

24 Rosi Braidotti, « Les sujets nomades féministes comme figure des multitudes », Multitudes, no 12, 2003, p. 27-38.

25 Jasbir K. Puar, « “I Would Rather Be a Cyborg than a Goddess”. Becoming-Intersectional in Assemblage Theory », philoSOPHIA, vol. 2, no 1, 2012, p. 49-66, p. 52.

26 Jasbir K. Puar, « Queer Times, Queer Assemblages », Social Text, vol. 23, no 3-4, 2005, p. 121-139, p. 128.

27 Lawrence Grossberg, « Identity and Cultural Studies », op. cit., p. 100.

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Pour citer cet article

Référence papier

Nelly Quemener, « Au-delà des mots, la matérialité extra-discursive du genre  »Écrire l'histoire, 20-21 | 2021, 75-84.

Référence électronique

Nelly Quemener, « Au-delà des mots, la matérialité extra-discursive du genre  »Écrire l'histoire [En ligne], 20-21 | 2021, mis en ligne le 01 septembre 2022, consulté le 23 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/elh/2809 ; DOI : https://doi.org/10.4000/elh.2809

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Auteur

Nelly Quemener

Nelly Quemener est maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à la Sorbonne Nouvelle et membre du laboratoire IRMECCEN. Ses travaux en Cultural Studies portent sur l’articulation des rapports de classe, race, genre dans les représentations audiovisuelles, dans la médiatisation des mouvements sociaux et les controverses médiatiques. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages : Le Pouvoir de l’humour. Politiques des représentations dans les médias en France (Armand Colin, 2014) ; avec Maxime Cervulle, Cultural Studies : Théories et méthodes, (Armand Colin, coll. 128), 2015 ; avec Maxime Cervulle et Florian Vörös (dir.), Matérialismes, culture et communication. Vol. 2 – Cultural Studies, théories féministes et postcoloniales (Presse des Mines, 2016) ; avec Sarah Lécossais (dir.), En quête d’ar chives. Bricolages méthodologiques en terrains médiatiques (INA Éd., 2018).

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