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Le hors-histoire entre dans l'histoire
Traduction

Le rêve et la temporalité de l’être

Charles Stewart
p. 139-149

Texte intégral

  • 1Thomas Kuhn, The Structure of Scientific Revolutions, Chicago, University of Chicago Press, 1962.

1[…] La linéarité ne rend pas compte avec précision de l’expérience du temps et de la conscience historique, même en Occident et chez les Occidentaux qui font eux aussi l’expérience du passé dans le présent ; ils et elles ne sont pas à l’abri de voir des fantômes, de faire l’expérience de l’étrange ou du déjà-vu, ou d’avoir des prémonitions. Peut-être ne sommes-nous pas aussi modernes que nous le pensons. Ou bien, peut-être que la fixation historiciste du passé, du présent et du futur n’a pas été le tournant définitif de la pensée moderne. Un autre tournant a été pris au-delà – la réalisation contradictoire que les trois temporalités coexistent fréquemment dans le présent, même si elles ne sont pas logiquement censées le faire. La modernité peut ainsi être plus précisément conceptualisée comme un « post-historisme », un état de surprise ou de choc lorsque les attentes de l’historicisme ne sont pas satisfaites dans l’expérience. Cependant, la force de l’attente historiciste est si grande que les expériences de multi-temporalité sont souvent excusées comme étant anormales ou ne sont pas du tout reconnues. L’historicisme fonctionne donc comme une « science normale1 » contre laquelle de nombreuses exceptions et anomalies se sont accumulées, mais n’ont pas encore été systématiquement articulées en un renversement révolutionnaire. L’historicisme poursuit ses activités comme si de rien n’était, malgré un manque constant de correspondance avec les expériences personnelles réelles du temps et du passé.

  • 2Joseph Mali, Mythistory: The Making of a Modern Historiography, Chicago, University of ­Chicago Pr (...)

2Depuis le début du xxe siècle, les physiciens ont discuté de la non-linéarité du temps en fonction de la vitesse d’un objet et de la position de l’observateur. Théoriquement, le temps pourrait reculer ou s’arrêter. L’idée de l’inconscient de Freud et les idées auxiliaires telles que l’inquiétude et l’après-coup (Nachträglichkeit) ont attiré l’attention sur le pouvoir du passé de réapparaître dans le présent. En littérature, le modernisme commence avec la méthode mythique de Joyce et Eliot, qui ont exploré la vitalité continue des mythes anciens dans la vie moderne2. Au sein des arts plastiques, le cubisme et le surréalisme ont également exploré la temporalité, ainsi dans le Nu descendant un escalier de Marcel Duchamp et dans ses ready-mades, différentes temporalités se rencontrent. Husserl a fourni l’une des descriptions les plus élaborées de la non-linéarité du temps dans son étude de la conscience interne du temps (1991), affirmant que le présent ne pouvait être strictement séparé du passé ou du futur, mais contenait une interpénétration mouvante de rétentions du passé et d’anticipations du futur.

3Ce sont ces idées et qui doivent être développées et appliquées pour ­comprendre le cas de Naxos. De fait, les rêves violent constamment les préceptes de l’historicisme. Ils peuvent fournir aux rêveurs des scénarios inédits qui bousculent l’ordonnancement du passé, du présent et du futur. Dans la mesure où les rêves offrent parfois des scénarios du passé qui sont ensuite communiqués socialement sous forme de récits ou d’autres formes de transmissions, ils incitent à la production d’« histoires ». L’étude des rêves offre ainsi une perspective inhabituelle sur la conscience historique telle qu’elle prend forme dans la vie sociale quotidienne.

  • 3Katherine MacDuffie, George Mashour, « Dreams and the Temporality of Consciousness », American Jou (...)

4Cette étude n’est pas ancrée dans une approche biologique, mais un bref coup d’œil aux recherches récentes en neuro­psychologie offre un point de départ pour appréhender les rêves comme un mode d’expérience multi-temporelle. Selon les neuroscientifiques MacDuffie et Mashour, « lorsque nous rêvons, le passé, le présent et le futur ne sont plus perçus comme trois dimensions discrètes et facilement séparables3 ». Dans la vie éveillée, nous avons le sentiment de la continuité du temps ; lorsqu’on s’endort, on s’attend à se réveiller au même endroit à une heure ultérieure, et chaque moment succède au précédent. Les rêves nous font sortir de cette temporalité cumulative quotidienne. Ils commencent chaque fois à un nouvel endroit et, en interne, un rêve peut faire un saut en arrière et en avant.

  • 4Daniel Schacter, Donna Rose Addis, Randy Buckner, « Remembering the Past to Imagine the Future: Th (...)
  • 5Antti Revonsuo, « The Reinterpretation of Dreams: An Evolutionary Hypothesis of the Function of Dr (...)

5La découverte que les réseaux neuronaux de la mémoire et de la planification sont les mêmes4 suggère que les relations humaines au passé et au présent sont intégralement liées. Pour projeter l’avenir, il faut tenir compte des informations pertinentes du passé – ce qui explique pourquoi les amnésiques ne sont pas doués pour l’imagination. Les psychologues évolutionnistes ont soutenu que les rêves ont évolué pour simuler des menaces (par exemple, de grands animaux) et ont ainsi préparé nos lointains ancêtres à survivre aux attaques réelles5.

  • 6J. Allan Hobson, « The New Neuropsychology of Sleep: Implications for Psychoanalysis », Dreams: A (...)

6Cette fonction de simulation de la menace se poursuit malgré le changement des circonstances de la vie humaine. Les rêves sont un théâtre dans lequel le cadre cognitif de l’individu est exposé à de fortes doses d’anxiété, l’émotion prédominante dans tous les rêves et chez tous les rêveurs6. Sur le plan temporel, le passé et le présent sont subordonnés à une préoccupation saillante pour l’avenir.

  • 7Francis Crick, Graeme Mitchison, « The Function of Dream Sleep », Nature, 1983, vol. 304, p. 111‑1 (...)
  • 8J. Allan Hobson, Robert McCarley, « The Brain as a Dream State Generator: An Activation-Synthesis (...)
  • 9J. Allan Hobson, « REM Sleep and Dreaming: Towards a Theory of Protoconsciousness », Nature Review (...)

7Les recherches en laboratoire ont également montré que le rêve aide l’esprit à consolider les informations et donc à résoudre les problèmes, d’où le conseil de dormir avant les examens plutôt que d’essayer d’étudier toute la nuit. Les neuroscientifiques cognitifs Crick et Mitchison ont avancé l’hypothèse qui fait des rêves des sous-produits de la décharge aléatoire d’informations étrangères accumulées pendant la journée7. Les rêves, selon ce point de vue, seraient des déchets mentaux sans arrière-pensée, un simple épiphénomène du processus d’élimination qui empêche le cerveau de se surcharger. Le chercheur influent J. Allan Hobson a également soutenu que les rêves représentaient des décharges neuronales aléatoires provenant du tronc cérébral et envoyées au cerveau antérieur, où elles pouvaient être converties en histoires et en drames8. Dans ce modèle, les rêves sont des modèles de type Rorschach projetés par une partie du cerveau et auxquels une autre partie donne un sens. Hobson a par la suite postulé que cette activité cérébrale pendant le sommeil est préparatoire à la conscience éveillée plutôt qu’une récupération de celle-ci comme dans le modèle de Crick et Mitchison9. Le sommeil paradoxal prolonge donc le développement de la conscience éveillée en entreprenant des simulations de réalité virtuelle en mode hors ligne ; il fonctionne comme une protoconscience qui nous prépare à habiter le présent. Ce tour d’horizon des études neurophysiologiques du cerveau du rêveur montre que les rêves peuvent organiser le passé, préparer l’avenir ou simuler le présent, et que plusieurs de ces opérations peuvent se produire simultanément.

  • 10Sigmund Freud, The Interpretation of Dreams, Pelican Freud Library, vol. 4, Londres, Penguin, 1976 (...)

8Cette image multi-temporelle du rêve, issue de la neuropsychologie, est en accord avec l’intuition de Freud selon laquelle l’inconscient n’a pas de chronicité. Les objets désirés peuvent représenter la réalisation d’un souhait ou toute étape antérieure de manque et de désir. Pourtant, elle ne concorde pas avec la conception que Freud avait du rêve, puisqu’il considérait que les rêves découlaient de désirs infantiles stockés dans l’inconscient et activés périodiquement par les émotions et les événements de la vie d’un individu, comme « les fantômes des enfers de l’Odyssée – des fantômes qui s’éveillaient à une vie nouvelle dès qu’ils goûtaient au sang10 ».

  • 11Sigmund Freud, « Beyond the Pleasure Principle », J. Strachey (ed.), The Standard Edition of the C (...)

9Au début, Freud considérait les rêves comme un moyen d’accéder à l’enfance profonde de l’individu, mais il en vint progressivement à les considérer comme le reflet d’un passé plus récent. Après la Première Guerre mondiale, alors que les cas de chocs dus aux obus (« névroses traumatiques ») devenaient familiers, il révisa son point de vue pour considérer les rêves comme des répétitions compulsives de traumatismes récents dans le but de les maîtriser11. Pourtant, il n’a pas vraiment pris en compte le rôle du présent et du futur dans la production des rêves. Plusieurs de ses premiers disciples ont insisté sur l’importance du présent et du futur dans la psychanalyse, et leurs contributions ont conduit au développement d’écoles de pensée post-freudiennes qui sont plus appropriées pour cette étude que les idées de Freud seul.

  • 12Cité dans Henri Ellenberger, The Discovery of the Unconscious: The History and Evolution of Dynami (...)
  • 13Op. cit., p. 609.
  • 14Carl Jung, « On the Nature of Dreams », in Dreams, Londres, Routledge, 2002 [1948], p. 69‑84, ici (...)
  • 15Sigmund Freud, « New Introductory Lectures on Psycho-Analysis », in J. Strachey, The Standard Edit (...)

10Wilhelm Stekel était l’un de ces disciples. Rompant avec Freud, il publia un traité sur les rêves télépathiques dans lequel il affirmait que « les rêves cherchent toujours à explorer l’avenir, ils nous montrent nos attitudes envers la vie et les voies et les buts de la vie12 ». Alfred Adler était également convaincu que les rêves étaient plus positifs et prospectifs que ne le permettait Freud. Pour Adler, la vie psychique était orientée vers le futur et les objectifs13. Jung s’est également écarté de Freud en considérant les rêves comme donnant une direction pour une réalisation plus complète de soi ou « individuation14 ». Au lieu de regarder en arrière pour trouver la source d’une névrose, Jung et Adler se sont intéressés à la situation actuelle de l’individu (objectifs, stratégies et tâches évitées). Pour Freud, le but de la psychanalyse était de révéler et de comprendre les émotions gênantes et persistantes et de coloniser l’inconscient avec la raison : « Là où était le Ça, là sera le Moi », proclamait-il, comparant la psychanalyse à un projet de récupération des terres tel que « l’assèchement du Zuyder Zee15 ». Jung et Adler voyaient davantage de continuité et de complémentarité entre le conscient et l’inconscient, qui formaient pour eux une personne indivisible.

  • 16Ludwig Binswanger, « Dream and Existence », in K. Hoeller, Dream and Existence, Atlantic Highlands (...)

11Ces débats ont ouvert la voie à l’analyse existentielle des rêves de Ludwig Binswanger, exposée dans son traité Rêve et existence16. Rejetant la théorie de la pulsion libidinale de Freud, Binswanger considère que les rêves sont des moments d’imagination non voulus dans lesquels les individus sont exposés à leur propre être. Rêver, c’est ne pas savoir ce qui se passe.

  • 17Op. cit., p. 102.
  • 18Michel Foucault, « Dream, Imagination, and Existence », in K. Hoeller (ed.), Dream and Existence, (...)

C’est là [explique-t-il] l’élément ontologique fondamental de tout rêve et sa relation avec l’anxiété17. Comme Foucault l’a résumé dans sa première grande publication, une introduction à Rêve et existence de Binswanger18 : « Dans les rêves, il [une personne] rencontre ce qu’il est et ce qu’il sera, ce qu’il a fait et ce qu’il va faire, découvrant là le nœud qui lie sa liberté à la nécessité du monde. »

12Cette perspective constitue un nouvel angle pour considérer la manière d’agencer (agency) le passé, le présent et le futur comme un défi qui imprègne à la fois l’éveil et le sommeil. L’idée d’agency, issue des sciences sociales, a été développée pour analyser la manière dont les gens agissent à chaque instant pour mettre en œuvre leurs projets. En règle générale, les gens agissent par le biais d’activités quotidiennes telles que les déplacements et l’approvisionnement. Cette question se pose réellement face à des obstacles ou à des moments d’incertitude, comme dans les années 1830, lorsque les villageois de Kóronos ont été incorporés à l’État grec et ont vu leurs ressources en émeri nationalisées et leurs souhaits religieux refusés, ou encore en 1930, pendant la Grande Dépression […] lorsqu’ils ont ressenti de l’anxiété face à ce qui les attendait et ont puisé dans leur tradition de rêverie pour trouver des réponses. Dans les deux cas, ils ont rêvé de saints leur ordonnant de creuser pour retrouver des icônes enterrées, et ils ont commencé à le faire pendant de longues périodes. […] Les rêves sont une source d’action.

  • 19Pierre Bourdieu, The Logic of Practice, Stanford, Stanford University Press, 1990, p. 42.
  • 20Anthony Giddens, Central Problems in Social Theory : Action, Structure and Contradiction in Social (...)
  • 21Mustafa Emirbayer, Ann Mische, « What Is Agency? », American Journal of Sociology, vol. 103, 1998, (...)
  • 22Martin Heidegger, Being and Time, J. Stambaugh (trad. anglaise), New York, State University of New (...)

13Pour l’instant, il est pertinent d’observer que l’existentialisme fait partie de la généalogie du concept d’agency en sciences sociales, et que des théoriciens centraux comme Bourdieu19, Giddens20, et Emirbayer et Mische21 reconnaissent l’influence d’une idée de la temporalité qui peut être retracée jusqu’à Heidegger. S’inspirant de Husserl, Heidegger22 a proposé une description de l’existence dans la clé du temps. Par « temporalité », il n’entendait pas le déroulement linéaire de la vie, de la naissance au futur en passant par le passé et le présent, ni le simple fait qu’il existe trois catégories temporelles. Il voulait plutôt parler de la relation alambiquée et subjective au temps qui définit l’Être (Dasein). L’être se projette constamment dans l’avenir, jusqu’au moment de sa propre mort. À partir de ce point d’appui, il rebondit dans le passé pour trouver des modèles d’action et dans le présent, portant la résolution de faire quelque chose maintenant. C’est l’« être vers la mort » (Sein zum Tode) dont parle Heidegger – l’idée selon laquelle les excursions temporelles imaginaires sont essentielles pour découvrir de nouvelles possibilités d’être. En acceptant la mort et en réalisant que le temps est fini, nous trouvons l’impulsion nécessaire pour agir dans le présent.

  • 23Ludwig Binswanger, « Heidegger’s Analytic of Existence and Its Meaning for Psychiatry », in J. Nee (...)

14Bien qu’orientée vers le futur dans un premier temps, l’idée de temporalité de Heidegger implique la fusion du futur avec le passé et le présent de l’être humain. Comme le dit Binswanger, « [l’avenir de l’être] est de part en part impliqué dans son passé ». Le présent authentique se temporalise à partir de ces deux « extases » temporelles23.

  • 24Martin Heidegger, Being and Time, J. MacQuarrie, E. Robinson (trad.), Londres, SCM, 1962 [1927], p (...)
  • 25Emmanuel Levinas, Existence and Existents, A. Lingis (trad.), La Haye, Martinus Nijhoff, 1978, p.  (...)

15Le concept d’« extases » temporelles de Heidegger, en tant qu’expériences dans lesquelles les gens s’aventurent au-delà de leur monde quotidien, est particulièrement pertinent pour la présente étude des rêves. Il a joué sur les racines grecques de ce mot, qui signifient littéralement « se tenir à l’écart » (ek-stasis), ce qui coïncide avec les racines du mot « existence » (ex-ist), qui signifient également « se tenir à l’écart ». Il a employé le terme « extase » pour désigner ces éléments temporels qui « se distinguent » par le potentiel existentiel qu’ils révèlent dans le présent. Le mot « extase » avait aussi des connotations plus directes d’être dans une sorte de ravissement, de se tenir hors de soi. Heidegger considérait que la fusion des extases de la temporalité se produisait dans un « moment de vision », un jeu de mots sur le mot allemand pour « le moment présent », Augenblick (lit. « clignement d’œil24 »). En d’autres termes, le passé et le futur créent le présent dans un moment d’extase/existence. Comme l’a écrit Levinas dans un essai sur le sommeil et l’existence, « Par l’extase, l’homme prend son existence. L’extase se trouve alors être l’événement même de l’existence25. » En d’autres termes, nous ne sommes jamais autant nous-mêmes que lorsque nous sortons de nous-mêmes.

16Ces idées semblent purement philosophiques à première vue, mais des psychiatres comme Binswanger les ont adaptées pour aborder des situations individuelles et sociales dans leur travail clinique. Binswanger considérait la psychanalyse existentielle comme une « anthropologie », dans la mesure où elle analyse les modes d’être à l’humanité, et ses études de cas psychanalytiques l’ancrent dans des vies réelles. Où les gens se situent-ils, et qu’essaient-ils d’atteindre ? Dans le rêve, ces questions anthropologiques se croisent avec la temporalité non linéaire de l’existence selon Heidegger, dans laquelle l’avenir et le passé émergent du présent et s’en nourrissent. Anthropologie, histoire et ontologie se combinent. Avec Adler et Jung, les analystes existentiels considèrent que l’inconscient fait partie de l’« être » cohérent d’une personne, qu’il est en continuité avec le moi et qu’il réagit aux événements actuels. Ils s’écartent de la tendance à lire le matériel inconscient de manière régressive. Comme Heidegger l’a exprimé dans une lettre à Boss,

  • 26Martin Heidegger, Zollikon Seminars: Protocols-Conversations-Letters. M. Boss (ed.), F. Mayr (trad (...)

Les rêves ne sont pas les symptômes et les conséquences de quelque chose de caché derrière eux, mais ils sont eux-mêmes dans ce qu’ils montrent et seulement cela. Ce n’est qu’ainsi que leur essence émergente [Wesen] devient digne d’être interrogée26.

  • 27Ludwig Binswanger, « Existential Analysis and Psychotherapy », Psychoanalysis and Existential Phil (...)
  • 28Henri Ellenberger, « An Introduction to Psychiatric Phenomenology and Existential Analysis », Exis (...)

17De même que le futur prédomine dans l’existence, il est également mis en avant dans les rêves, qui enregistrent les mouvements intérieurs de l’existence27. L’approche caractéristique d’un rêve ou d’une personne consistait donc à examiner l’échec actuel à trouver un sens à la vie ou l’incapacité à agir, plutôt que de se concentrer sur les traumatismes passés28. Les rêves offraient des solutions pour le présent et des suggestions pour l’avenir, ainsi que des représentations du passé.

  • 29Ludwig Binswanger, « The Case of Ellen West: An Anthropological Clinical Study », Existence, op. c (...)
  • 30Op. cit, p. 358.
  • 31Eugène Minkowski, « Findings in a Case of Schizophrenic Depression », in Existence, op. cit., p. 1 (...)
  • 32Ludwig Binswanger, « The Case of Ellen West », art. cit., p. 358.

18En tant que médecins, les analystes existentiels se sont concentrés sur les pathologies, qu’ils ont souvent diagnostiquées comme provenant de défaillances dans la régulation de la temporalité – l’incapacité de maintenir les trois fuseaux horaires en relation ouverte. Le passé pouvait être fermé dans les pathologies de la temporalité comme l’amnésie ou le futur rejeté comme dans l’anorexie d’Ellen West, la patiente de Binswanger, qu’il interprétait comme sa tentative d’échapper au temps physique (le rejet de la nourriture étant un refus de prendre du poids et de vieillir29). Dans le cas d’Ellen West, les extases temporelles ordinairement fusionnées se sont effondrées30. De même, Minkowski a traité un homme schizophrène dont le trouble temporel consistait à ne pas pouvoir dormir car il pensait être exécuté au lever du soleil. Il vivait selon un régime purement passif, incapable de relier son présent à un futur31. Binswanger considérait ces blocages temporels comme des « nœuds » dans la ligne de vie où la liberté devient contrainte32. Ces troubles du temps servent de cas extrêmes qui définissent la règle, à savoir que l’être humain a besoin d’une relation ouverte au passé, au présent et au futur. À Naxos, les rêves individuels et le mythe-rêve pérenne ont pris forme afin de surmonter les contraintes que la nationalisation et la dépression ont successivement imposées à l’avenir du village. Les histoires produites par leurs rêves ont figuré un passé dans l’effort pour travailler vers un avenir et permettre la vie dans le présent.

Rêves, visions et imagination

19Les rêves historiques rapportés par des contemporains des rêveurs ou consignés dans des carnets par les rêveurs (ou dictés par eux) sont au centre de mon travail. Dans certains cas, les sources font référence à des rêves et dans d’autres à des visions. J’utilise le mot « rêve » dans le titre du livre, Dreaming and Historical Consciousness in Island Greece, parce que les personnes concernées ont décrit la majorité des cas comme des rêves. Les voyants de Naxos se désignaient eux-mêmes et sont toujours désignés par d’autres comme des « rêveurs » (oneirevámenoi). Localement, du moins, « rêve » semble être le terme « non marqué » dans la mesure où il a été généralisé pour désigner les rêves et les visions, tout comme le mot « homme » peut, bien que de plus en plus rarement, désigner « les hommes et les femmes ».

20Alors qu’en anglais on dit « I had a dream » et « I saw (or had) a vision », en grec on utilise exclusivement le verbe « to see » pour les deux expériences. Les textes historiques se contentent souvent d’indiquer qu’untel ou untel a « vu », puis passent directement à la description de ce qui a été vu. Le lecteur doit donc décider, en fonction du contexte, s’il s’agit d’un rêve ou d’une vision, mais il arrive que les détails soient insuffisants et qu’il faille se contenter de deviner. Le fait que les auteurs grecs, à tous les stades de l’histoire, n’aient pas toujours pris la peine de tracer une ligne de démarcation claire entre rêves et visions pourrait être considéré comme une indication qu’ils ne se préoccupaient pas de cette distinction.

21Cette disposition culturelle grecque ambiguë des visions et des rêves nous renvoie à la question. Pourquoi est-il important de faire une distinction entre les rêves et les visions ? Se passe-t-il quelque chose dans l’un et pas dans l’autre état qui pourrait avoir des implications particulières pour cette étude ?

  • 33Sigmund Freud, The Interpretation of Dreams, vol. 4, Londres, Penguin, Pelican Freud Library, 1976 (...)

22Du côté de la disjonction, on pourrait citer le point de vue freudien selon lequel le rêve implique une forme unique d’imagination, le « processus primaire », un maelström émotionnel généré par des souhaits et des images primaires dans l’inconscient. Le processus primaire est régressif dans la mesure où il accède à la psychologie prélinguistique de l’enfance, ce qui le distingue des autres types d’imagination ou de pensée33.

  • 34  Michel Jouvet, J. Delorme, « Locus coeruleus et sommeil paradoxal », Comptes Rendu de la Société d (...)

23Le neurophysiologiste français Michel Jouvet a identifié une autre caractéristique distinctive du rêve lorsqu’il a exploré le phénomène observé depuis longtemps selon lequel les chats bougent leurs pattes ou remuent leurs moustaches alors qu’ils sont autrement immobiles, endormis. Ayant identifié la zone du tronc cérébral responsable de cette relaxation du corps, Jouvet a conçu l’une de ces expériences qui consternent les antivivisectionnistes : il a enlevé chirurgicalement cette partie du cerveau (le locus coeruleus). En entrant dans le sommeil paradoxal, certains de ces chats ont alors couru autour de leur cage, sifflant et grattant comme s’ils attaquaient un autre animal. Jouvet a proposé le nom de « sommeil paradoxal » pour rendre compte de cette simultanéité de la stimulation mentale et de l’atonie musculaire34. Quelque chose de semblable se produit chez l’homme dans le rêve paradoxal, une sorte d’auto-pithèse temporaire qui permet à l’esprit de devenir le théâtre d’un réalisme émotionnel intense tandis que le corps est neutralisé. Le rêve se déroule donc dans un état physiologique distinct d’autres formes d’imagination intenses et absorbantes comme l’hallucination, le délire ou les visions.

  • 35Allan Rechtschaffen, « The Single-Mindedness and Isolation of Dreams », Sleep, 1978, p. 97‑109.

24Les chercheurs contemporains spécialisés dans les rêves observent en outre que les rêves durant le sommeil paradoxal impliquent une imagerie relativement fantastique, non logique et hautement associative, associée à un manque d’autoréflexion. Dans les rêves, il n’y a généralement pas de métaconscience, c’est-à-dire la capacité de réfléchir à ses propres pensées et de les contrôler comme dans la conscience éveillée35. Ces observations montrent que les rêves diffèrent qualitativement des visions éveillées.

  • 36Tracey Kahan, « Consciousness in Dream­ing: A Metacognitive Approach », in K. ­Bulkeley (ed.) Drea (...)
  • 37Harry Hunt, The Multiplicity of Dreams: Memory, Imagination, and Consciousness, New Haven, Yale Un (...)

25Il y a cependant de nombreuses raisons de voir un continuum entre le rêve bizarre et intense à un pôle et la conscience rationnelle ordinaire à l’autre. Même ces « opposés polaires » présumés sont caractérisés par des schémas d’ondes cérébrales presque identiques, ce qui montre l’impossibilité de tenter de définir tous les différents états de conscience par des critères entièrement distincts. Il se peut que nous soyons toujours en train de rêver, mais que dans les états de perception éveillée, nous ne soyons pas attentifs à ces rêves. Les visions et les hallucinations peuvent impliquer un manque de métaconscience, et dans le rêve lucide, la métaconscience est atteinte dans le rêve en sommeil paradoxal36. Les rêves – et la définition même de « rêve » est débattue par les spécialistes37 – peuvent survenir dans le sommeil non paradoxal, mais ils présentent une pensée relativement logique et un contenu émotionnel moins intense que les rêves paradoxaux. Des images qui ne sont pas toujours classées comme des rêves, mais qui sont parfois assez bizarres et émotionnelles, peuvent se produire au début du sommeil (hallucinations hypnagogiques) ou au moment de la transition vers l’éveil (hallucinations hypnopompiques).

26En résumé, le rêve et la vision sont tous deux des activités de l’imagination (par opposition à la perception). Lorsqu’on les considère dans le contexte de divers autres modes d’imagination tels que les hallucinations, le rêve sans sommeil paradoxal, la rêverie, le rêve éveillé, la fantaisie, l’imagination artistique créative et l’imagination quotidienne, ils sont relativement proches les uns des autres en termes d’intensité, de non-volonté et d’autonomie de l’imagination.

27Cet éventail d’états subtilement différents, dont certains ne peuvent être identifiés qu’à l’aide d’équipements de laboratoire ou de diagnostics sophistiqués, montre les limites de l’« autoévidence ». Les profanes peuvent ne pas être en mesure de distinguer de manière fiable ou même de comprendre les critères des différents états énumérés ci-dessus. Ils disposent simplement du vocabulaire disponible dans leur langage quotidien, qui, dans un village grec de 1830 ou 1930, aurait compris principalement phantasía (imagination), remvasmós (rêve éveillé), oneiropólos (rêveur éveillé), phótisi (illumination divine) et optasía (illusion, vision) en plus des óneiro (rêve) et órama (vision) standard. En d’autres termes, notre vocabulaire clinique hautement analytique crée des attentes qui ne peuvent être satisfaites par les matériaux historiques ou les données ethnographiques.

28Cela soulève une réflexion sceptique. Et si les expériences de rêve n’existaient pas du tout ? Peut-être que ceux qui prétendaient avoir rêvé rapportaient des rêves qu’ils avaient inventés pour obtenir un avantage quelconque. Les rêves de Naxos impliquaient des visions des saints personnages de l’Église orthodoxe, indiquant l’élection divine des rêveurs et leur conférant, ainsi qu’à leur communauté, une autorité spirituelle. De tels rêves auraient mérité d’être falsifiés. Une fois que les gens avaient rapporté un ou deux rêves (vrais ou faux), ils pouvaient se sentir poussés à continuer à faire des rêves dans un scénario similaire à celui des procès de sorcières de Salem. Dans cette affaire, un groupe d’adolescentes a décrit au tribunal des expériences visionnaires (appelées preuves spectrales) de sorcières les attaquant. Lorsque ces preuves ont abouti à des condamnations et à la peine capitale, les filles n’ont pas (ne pouvaient pas, par peur ?) rétracté les visions. Au contraire, elles les ont multipliées. Peut-être que c’est une pression publique similaire qui a fait que l’épidémie de rêves chez les garçons et les filles de 14 ans est devenue incontrôlable à Kóronos en 1930 ?

  • 38Waud Kracke, « Myths in Dreams, Thought in Images: An Amazonian Contribution to the Psychoanalytic (...)

29On ne peut douter que les gens rêvent. La question est de savoir si les récits de rêves dont nous disposons correspondent à des rêves réels. Dans le cas de Naxos, les rêves se sont répétés pendant des mois et des années, tant dans les années 1830 que dans les années 1930. Même si l’on admet que certains de ces rêves étaient des fabrications, ces récits (qui circulent sous forme de « rêves ») peuvent avoir été si impressionnants et inspirants qu’ils ont stimulé des rêves réels. De ce point de vue, même si les rêves ont commencé par être faux, ils ont pu rapidement devenir vrais, et le faux et le vrai ont pu alterner. Dans le corpus résultant, il ne serait pas facile de distinguer les uns des autres. Cette situation se rapproche du modèle proposé par Krack sur la base de ses recherches chez les Kagwahiva d’Amazonie38. Il a observé que la qualité émotive et dramatique du « processus primaire » des mythes est compatible avec les rêves, ce qui rend les mythes tout à fait susceptibles de se retrouver dans les rêves, où ils sont réexpérimentés.

  • 39Bert States, The Rhetoric of Dreams, Ithaca, Cornell University Press, 1988, p. 5.

30Cela nous ramène à la considération précédente des mythes comme des modèles convaincants d’expérience réactivés au fil du temps. La seule façon de juger de la fiabilité d’un rêve est peut-être d’évaluer sa ressemblance avec des rêves que l’on a soi-même faits39.

  • 40Rodney Needham, Exemplars, Berkeley, University of California Press, 1985.

31Si les récits de Naxos ne représentent pas des rêves réels, ils sont, à tout le moins, des produits de l’imagination. La situation peut être clarifiée en se référant au cas de George Psalmanazar, un voyou du xviiie siècle qui prétendit être originaire de Formose (l’actuelle Taïwan) et écrivit un récit historique et ethnographique de cette île complètement inventé. Plutôt que de jeter à la poubelle cette description frauduleuse d’une société, Rodney Needham a montré comment elle révèle les principes structurants communs de l’esprit humain, qui « invente » des sociétés selon la même logique profonde (notamment l’opposition binaire) qui entre dans la formation historique interne des sociétés réelles et qui serait donc également identifiée dans les « vrais » récits ethnographiques40. En d’autres termes, la société se forme et se développe par des inventions imaginatives qui sont cohérentes, à un niveau logique profond, avec les inventions imaginatives de la littérature. Le Formosa de Psalmanazar était frauduleuse, mais il a révélé des principes de structuration communs de l’esprit humain. Je ne m’intéresse pas ici au niveau universel de « l’esprit humain » abordé par des penseurs tels que Lévi-Strauss et Needham, mais, mutatis mutandis, les faux rêves (s’ils étaient effectivement faux) peuvent nous en dire tout autant sur l’imagination socioculturelle particulière des individus historiques de Kóronos que leurs rêves réels. Comme l’a noté Freud, tous les rêves ne sont connus que comme des formulations de l’esprit éveillé, qui les présente après une « révision secondaire ». Ils sont donc un type de récit dans un continuum avec les créations littéraires. L’imagination des artistes créatifs, comme le rêve, crée un espace de « jeu » – un monde imaginaire séparé de la vie quotidienne.

  • 41Lucien Levy-Bruhl, How Natives Think, L. Clare (trad.), Princeton, Princeton University Press, 198 (...)
  • 42Mihalyi Csikszentmihalyi, Flow : The Psycho­logy of Optimal Experience. New York, Harper Perennial (...)

32En fin de compte, certains des « rêves » analysés dans ce travail peuvent avoir été des visions, d’autres des confabulations de l’imagination éveillée, et d’autres encore des rapports de rêves réels, et tous pourraient être diversement classés dans la terminologie fine de la psychologie universitaire. En qualifiant la majorité d’entre eux de « rêves », les gens attirent, je pense, l’attention sur les sentiments irrésistibles et paradoxaux qui accompagnent l’acquisition d’images visuelles. Les rêves semblent absolument réels pendant leur déroulement. Cette caractéristique des « rêves vifs » (zontaná óneira) correspond à ce que Lévy-Bruhl a appelé « participation41 » (sans son imputation inessentielle de primitivisme) ou à ce que Csikszentmihalyi a capturé avec son terme « flux42 ». La nature paradoxale de l’expérience onirique rend les rêves extraordinaires et les conduit potentiellement à une communication mystique et révélatrice.

  • 43Michel Foucault, « Dream », op. cit., note 18, p. 49.
  • 44Cité dans James Fosshage, « The Psycho­logical Function of Dreams: A Revised ­Psychoanalytic Persp (...)

33Cette qualité mystique peut se ­combiner avec la recherche existentielle de moyens d’aller au-delà du présent. « Le rêve, comme toute expérience imaginaire, est un indice anthropologique de transcendance43 », écrit Foucault. Dans cette transcendance – un espace entre parenthèses de « jeu » imaginaire – les gens dépassent les contraintes de leur monde tel qu’il est donné et reconfigurent ce monde et eux-mêmes à la fois en lui et en dehors de lui. Selon le psychanalyste Fairbairn, « les rêves sont des représentations de situations endo­psychiques sur lesquelles le rêveur est resté bloqué (points de fixation) et comprennent souvent une tentative de dépasser cette situation44 ». Les rêves de Naxos, comme nous le verrons, vont jusqu’à la transcendance ultime de la seconde venue.

* * *

34Au cœur de ce travail se trouve l’histoire de la dépossession et de l’espoir persistant d’une communauté locale. Mon analyse s’articule autour de descriptions historiques et ethnographiques pour aboutir à des conclusions sur le rêve d’objets occultés, l’action face au changement historique et la transcendance. Après avoir mis en contexte les traditions culturelles grecques d’interprétation des rêves et présenté le village de Kóronos, j’aborde l’histoire de la manière dont les rêves ont conduit à la découverte des icônes dans les années 1830. Comme deux systèmes différents de connaissance et de preuve se heurtaient à une incompréhension mutuelle agressive, l’État a confisqué ces icônes. Alors que la Grande Dépression s’installe, quatre jeunes de 14 ans se mettent à rêver chaque nuit d’une autre icône enterrée. Leurs scénarios d’un retour imminent à la prospérité ne se sont pas traduits dans la réalité, et plutôt que de renoncer à leur investissement dans la recherche de l’icône de Sainte-Anne, ils ont produit des scénarios millénaristes toujours plus élaborés. Ainsi s’élabore une superposition des valeurs communautaires et de la valeur économique du village, telle que révélée par la préoccupation du village pour la découverte d’objets enfouis. Kóronos a été économiquement dépendant d’un objet enterré particulier, la pierre minérale lourde qu’est l’émeri, qu’ils exploitent en grande quantité pour vivre. Retracer l’essor et le déclin de l’industrie de l’émeri au xxe siècle, permet de replacer dans leur contexte les rêves de 1930 et le développement continu du mythe-rêve. Dans l’épisode le plus récent du mythe-rêve, les villageois construisent l’église prophétisée depuis longtemps, bien qu’ils n’aient pas eu d’autres rêves ni découvert l’icône requise. À travers l’analyse des rêves de Markos Kapíris, la relation entre l’historicisme et les paradigmes alternatifs de la conscience historique est bien interrogée, inquiétée. Au cours des siècles, l’historicisme occidental et la conscience historique romaine se sont conditionnés l’un l’autre pour créer une conscience historique fluide et hybride dans la montagne de Naxos. L’abondance d’artefacts précieux, sont pourtant des indices du caractère mouvementé du passé, intégrés dans le paysage de Naxos. Les rêves de ces trésors traitent l’historicité de la terre et restituent des histoires affectives liant le passé, le présent et le futur.

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Notes

1Thomas Kuhn, The Structure of Scientific Revolutions, Chicago, University of Chicago Press, 1962.

2Joseph Mali, Mythistory: The Making of a Modern Historiography, Chicago, University of ­Chicago Press, 2003, p. 11.

3Katherine MacDuffie, George Mashour, « Dreams and the Temporality of Consciousness », American Journal of Psychology, vol. 123, 2010, p. 189‑197, ici p. 190.

4Daniel Schacter, Donna Rose Addis, Randy Buckner, « Remembering the Past to Imagine the Future: The Prospective Brain », Nature Reviews Neuroscience, vol. 8, 2007, p. 657‑661, ici p. 657.

5Antti Revonsuo, « The Reinterpretation of Dreams: An Evolutionary Hypothesis of the Function of Dreaming », Behavioral and Brain Sciences, vol. 23, 2000, p. 877‑901 ; Antti Revonsuo, « Did Ancestral Humans Dream for their Lives ? », Behavioral and Brain Sciences, op. cit., p. 1063‑1082.

6J. Allan Hobson, « The New Neuropsychology of Sleep: Implications for Psychoanalysis », Dreams: A Reader on the Religious, Cultural, and Psychological Dimensions of Dreaming, K. Bulkeley (ed.), New York, Palgrave, 2001, p. 321‑332, ici p. 327.

7Francis Crick, Graeme Mitchison, « The Function of Dream Sleep », Nature, 1983, vol. 304, p. 111‑114.

8J. Allan Hobson, Robert McCarley, « The Brain as a Dream State Generator: An Activation-Synthesis Hypothesis of the Dream Process », American Journal of Psychiatry, vol. 134, 1977, p. 1335‑48. J. Allan Hobson, The Dreaming Brain, New York, Basic Books, 1989.

9J. Allan Hobson, « REM Sleep and Dreaming: Towards a Theory of Protoconsciousness », Nature Reviews Neuroscience, vol. 10, 2009, p. 803‑813.

10Sigmund Freud, The Interpretation of Dreams, Pelican Freud Library, vol. 4, Londres, Penguin, 1976 [1900], p. 705.

11Sigmund Freud, « Beyond the Pleasure Principle », J. Strachey (ed.), The Standard Edition of the Complete Psychological Works of Sigmund Freud, vol. 18, Londres, Hogarth, 1956 [1920], p. 1‑64, ici p. 13.

12Cité dans Henri Ellenberger, The Discovery of the Unconscious: The History and Evolution of Dynamic Psychiatry, Londres, Allen Lane, 1970, p. 598.

13Op. cit., p. 609.

14Carl Jung, « On the Nature of Dreams », in Dreams, Londres, Routledge, 2002 [1948], p. 69‑84, ici p. 80.

15Sigmund Freud, « New Introductory Lectures on Psycho-Analysis », in J. Strachey, The Standard Edition of the Complete Psychological Works of Sigmund Freud, vol. 22, Londres, Hogarth, 1964 [1933], p. 1‑182, ici p. 79.

16Ludwig Binswanger, « Dream and Existence », in K. Hoeller, Dream and Existence, Atlantic Highlands (N.J.), Humanisties Press, 1986 [1930], p. 81‑105.

17Op. cit., p. 102.

18Michel Foucault, « Dream, Imagination, and Existence », in K. Hoeller (ed.), Dream and Existence, op. cit., p. 30‑78, ici p. 47.

19Pierre Bourdieu, The Logic of Practice, Stanford, Stanford University Press, 1990, p. 42.

20Anthony Giddens, Central Problems in Social Theory : Action, Structure and Contradiction in Social Analysis, Londres, Macmillan, 1979, p. 54.

21Mustafa Emirbayer, Ann Mische, « What Is Agency? », American Journal of Sociology, vol. 103, 1998, p. 962‑1023, ici p. 968 et p. 997.

22Martin Heidegger, Being and Time, J. Stambaugh (trad. anglaise), New York, State University of New York Press, 1996.

23Ludwig Binswanger, « Heidegger’s Analytic of Existence and Its Meaning for Psychiatry », in J. Needleman (ed.), Being-in-the-World: Selected Papers of Ludwig Binswanger, New York, Basic Books, 1963, p. 206‑21, ici p. 214.

24Martin Heidegger, Being and Time, J. MacQuarrie, E. Robinson (trad.), Londres, SCM, 1962 [1927], p. 387.

25Emmanuel Levinas, Existence and Existents, A. Lingis (trad.), La Haye, Martinus Nijhoff, 1978, p. 81.

26Martin Heidegger, Zollikon Seminars: Protocols-Conversations-Letters. M. Boss (ed.), F. Mayr (trad.), Evanston, Northwestern University Press, 2001, p. 245.

27Ludwig Binswanger, « Existential Analysis and Psychotherapy », Psychoanalysis and Existential Philosophy, H. Ruitenbeck (ed.), New York, Dutton, 1962, p. 17‑23, ici p. 21.

28Henri Ellenberger, « An Introduction to Psychiatric Phenomenology and Existential Analysis », Existence, R. May, E. Angel, H. Ellenberger (ed.), Northvale, John Aronson, 1994, p. 92‑124, ici p. 119.

29Ludwig Binswanger, « The Case of Ellen West: An Anthropological Clinical Study », Existence, op. cit., p. 237‑364, ici p. 304.

30Op. cit, p. 358.

31Eugène Minkowski, « Findings in a Case of Schizophrenic Depression », in Existence, op. cit., p. 127‑138, ici p. 133.

32Ludwig Binswanger, « The Case of Ellen West », art. cit., p. 358.

33Sigmund Freud, The Interpretation of Dreams, vol. 4, Londres, Penguin, Pelican Freud Library, 1976 [1900], p. 763.

34  Michel Jouvet, J. Delorme, « Locus coeruleus et sommeil paradoxal », Comptes Rendu de la Société de Biologie, 1965, p. 895‑99 ; Michel Jouvet, The Paradox of Sleep: The Story of Dreaming, L. Garey (trad.), Cambridge, MIT Press, 2001.

35Allan Rechtschaffen, « The Single-Mindedness and Isolation of Dreams », Sleep, 1978, p. 97‑109.

36Tracey Kahan, « Consciousness in Dream­ing: A Metacognitive Approach », in K. ­Bulkeley (ed.) Dreams: A Reader on the Religious, Cultural, and Psychological Dimensions of Dreaming, New York, Palgrave, 2001, p. 333‑60.

37Harry Hunt, The Multiplicity of Dreams: Memory, Imagination, and Consciousness, New Haven, Yale University Press, 1989, p. 69.

38Waud Kracke, « Myths in Dreams, Thought in Images: An Amazonian Contribution to the Psychoanalytic Theory of Primary Process », B. Tedlock (ed.), Dreaming: Anthropological and Psychological Approaches, Santa Fe, School of American Research Press, 1986, p. 50.

39Bert States, The Rhetoric of Dreams, Ithaca, Cornell University Press, 1988, p. 5.

40Rodney Needham, Exemplars, Berkeley, University of California Press, 1985.

41Lucien Levy-Bruhl, How Natives Think, L. Clare (trad.), Princeton, Princeton University Press, 1985 [1912] ; voir Stanley Tambiah, Magic, Science, Religion and the Scope of Rationality, Cambridge, Cambridge University Press, 1990, p. 86.

42Mihalyi Csikszentmihalyi, Flow : The Psycho­logy of Optimal Experience. New York, Harper Perennial, 1991.

43Michel Foucault, « Dream », op. cit., note 18, p. 49.

44Cité dans James Fosshage, « The Psycho­logical Function of Dreams: A Revised ­Psychoanalytic Perspective », Psychoanalysis and Contemporary Thought, 1983, p. 641‑69, ici p. 654.

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Pour citer cet article

Référence papier

Charles Stewart, « Le rêve et la temporalité de l’être »Écrire l'histoire, 23 | 2023, 139-149.

Référence électronique

Charles Stewart, « Le rêve et la temporalité de l’être »Écrire l'histoire [En ligne], 23 | 2023, mis en ligne le 01 octobre 2024, consulté le 17 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/elh/3516 ; DOI : https://doi.org/10.4000/elh.3516

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Auteur

Charles Stewart

Professeur d’anthropologie à l’University College de Londres. Il a mené des enquêtes de terrain sur l’île grecque de Naxos sur lesquelles il a écrit deux livres : Demons and the Devil: Moral Imagination in Modern Greek Culture (Princeton, 1991) et Dreaming and Historical Consciousness in Island Greece (Harvard, 2012). En tant qu’éditeur ou coéditeur, il a publié des volumes sur le syncrétisme, la créolisation, la psychothérapie en Grèce, et l’austérité en Europe du Sud. Plus récemment, il a codirigé The Varieties of Historical Experience (Routledge, 2019). Ses recherches actuelles portent sur le concept d’« historicité » dans une perspective anthropologique comparative.

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