Thèse de doctorat en Anthropologie sociale et Ethnologie, sous la direction de Sossie Andézian (CR, EHESS) et Christian Décobert (DR émérite, LEM, UMR 8584), soutenue le 18 janvier 2020 à l’École des hautes études en Sciences sociales (EHESS), Paris – 637 pages

1En entreprenant une anthropologie de l’esplanade des Mosquées, je me suis proposée de mettre au jour la fabrique contemporaine de ce territoire sacré, à travers les multiples pratiques, usages et discours dont il est l’objet. Le rayonnement de ce lieu saint s’explique autant par sa présence au cœur de l’actualité́ du conflit israélo-palestinien comme point d’achoppement dans les négociations et objet d’appropriations concurrentes entre Juifs israéliens et Palestiniens, que par sa place dans les traditions et l’histoire musulmanes.

2Le site, ancien emplacement du deuxième avatar du Temple juif détruit en l’an 70, devenu ensuite sanctuaire romain, est investi par la dynastie omeyyade au VII^e siècle. L’ensemble monumental de quatorze hectares, qui domine actuellement la Vieille Ville de Jérusalem, est le résultat d’une succession de phases de construction et de reconstruction architecturales. Il constitue un élément fondateur dans la mise en place du dogme musulman et la constitution de l’islam en tant que religion distincte. À travers cette thèse, je montre comment, plus de mille cinq cents ans après sa conquête par l’armée musulmane en 638, cette portion de terre se trouve appréhendée, représentée, imaginée, utilisée et construite.

3L’esplanade des Mosquées se situe actuellement dans un quartier palestinien de la Vieille Ville extrêmement paupérisé, occupé par Israël mais négligé par la municipalité́ israélienne. La Vieille Ville se trouve désertée par une grande partie des familles de la bourgeoisie palestinienne traditionnelle, qui y étaient anciennement en charge de fonctions religieuses. Cette situation de déclassement contraste avec la place que l’esplanade occupe dans le dogme et l’histoire islamiques. Par ailleurs, le haut niveau de conflictualité qui y a cours suscite un fort intérêt à la fois des médias et des spécialistes de sciences politiques, qui font passer ses usages religieux et sociaux, très présents dans les travaux historiques, au second plan. L’éclairage donné par la littérature permet de mettre au jour l’épanouissement diachronique d’une communauté religieuse par le legs de traces, d’empreintes, de signes qui doivent être interprétés et transmis. Il offre en outre la possibilité́ d’appréhender ce monument comme le lieu d’un déploiement synchronique d’interprétations multiples des mémoires successives qui le composent et se contredisent parfois violemment. Mon objectif est donc de donner à voir la polysémie de l’esplanade des Mosquées, laquelle constitue un site privilégié d’identifications et d’appropriations distinctes.

4Fruit d’une enquête de longue durée à Jérusalem, réalisée entre septembre 2011 et novembre 2014, cette thèse apporte des données ethnographiques nouvelles. Le contexte très tendu autour de l’esplanade ainsi que les conditions d’accès limitées m’ont amenée à multiplier les focales et la nature des sources mobilisées. J’ai décidé notamment de porter également mon attention sur les pratiques religieuses, sociales et politiques, qui « débordent » du lieu saint. À partir de là, l’enquête a suivi plusieurs angles d’approche complémentaires qui correspondaient à des itinéraires topographiques dans la ville de Jérusalem, et dans l’espace israélo-palestinien, et des parcours parmi les significations possibles données aux lieux visités, religieux ou non. La pratique du pèlerinage musulman à Jérusalem par des non-Palestiniens qui se déroule sur l’esplanade, mais également dans d’autres lieux saints, a constitué un thème important. Elle engage un grand nombre d’acteurs, depuis le lieu de départ jusqu’à l’arrivée – les pèlerins eux-mêmes, acteurs principaux du voyage, les organisateurs de la visite pieuse, les hôtes palestiniens. J’ai cherché à mieux comprendre la place du lieu saint pour les musulmans venus d’autres pays, ainsi que l’intégration de ce type de pèlerinage au secteur du tourisme tant palestinien qu’israélien. J’ai multiplié les discussions informelles, tout comme les observations, au sein des hôtels où séjournent ces touristes religieux. Les visites au lieu saint de fidèles palestiniens ont fait également l’objet de mon enquête. Ces visites participent à la création du territoire de l’esplanade en tant que vecteur de représentations reproduites ou transformées de celui-ci. Un réseau complexe de gestionnaires officiels et d’acteurs plus informels se trouve impliqué dans la fabrique de ces représentations du lieu saint : les fonctionnaires des waqf-s ; les différents mouvements politico-religieux et partis politiques ; les associations et ONGs de la société civile palestinienne ; la communauté́ locale. Je me suis intéressée à la vie des communautés palestiniennes de la Vieille Ville de Jérusalem, organisées autour de l’esplanade, et à la relation qu’elles entretiennent avec ce site. J’ai pu collecter des matériaux très divers, allant de discussions informelles avec des usagers étrangers et palestiniens ou avec des gestionnaires d’al-Aqsa, à des supports vidéo montrant des prêches et des manifestations politiques et traditionnelles dans le sanctuaire, en passant par la lecture de guides touristiques, de rééditions de recueils de Mérites spirituels de Jérusalem, compilations de hadiths dédiés à la glorification de la ville, de textes officiels, et l’observation de rituels religieux dans et hors du lieu saint, etc.

5À partir de ces données, la thèse met en lumière les conséquences des évènements de l’histoire récente sur les formes de piété musulmane observables sur l’esplanade des Mosquées et aux alentours. J’y propose une analyse pluridimensionnelle du sanctuaire en détaillant ses multiples réalités, qu’il fallait à la fois englober et faire communiquer (monument islamique partagé par les trois monothéismes, enclave administrée par la Jordanie, centre de pèlerinage, ressource de la mobilisation de mouvements panarabes et panislamistes, lieu d’une riche vie locale, religieuse et communautaire, métonymie de la Terre Sainte et du territoire national, etc.). Ma démarche, qui fait dialoguer anthropologie religieuse, urbaine et anthropologie du patrimoine, permet de mettre au jour la tension entre ces différents espaces, normatifs ou vécus ; distants ou proches ; extérieurs ou intérieurs ; religieux ou politiques. Ce travail s’est attaché à révéler l’intérêt de l’étude au plus près d’un lieu saint en contexte conflictuel pour montrer les transformations de pratiques religieuses qui sont pourtant revendiquées comme traditions immémoriales, à illustrer le processus par lequel des identités religieuses et nationales, ici palestiniennes, se coconstruisent dans la pratique d’un lieu saint.

6La thèse s’inscrit dans une réflexion plus large sur la construction religieuse du territoire, en particulier dans un contexte conflictuel où chaque parti cherche à défendre des identités exclusives, et où le régime de la contrainte est omniprésent. Elle montre que, même si l’esplanade des Mosquées est présentée, par les acteurs musulmans et palestiniens, comme un tout cohérent – au niveau architectural notamment, et religieux –, son identité se construit dans une interaction constante avec son environnement et lui est donnée par des pratiques sans cesse réinterprétées ; elle est aussi le résultat d’interactions entre différentes sphères politiques, économiques, religieuses. L’ordonnance architecturale fragmentée et mouvante de l’esplanade des Mosquées en fait un site à la fois pluriel, construit autour d’une multitude de structures, et un monument dont l’unité est maintenue par son enceinte et le nombre délimité de ses portes. Dans le contexte actuel, les frontières, aussi bien matérielles que symboliques, de l’esplanade des Mosquées apparaissent comme une condition nécessaire à sa définition, ce qui n’a pas toujours été le cas. L’enquête révèle un paradoxe, car ces frontières se trouvent sans cesse déplacées, et redéfinies à la fois par les acteurs en charge du pèlerinage musulman, les responsables religieux et politiques palestiniens, les fidèles. Les rituels religieux et communautaires débordent du lieu saint et tissent des liens avec le tissu urbain. Le statut des rues alentour est ambigu : l’Administration des waqf-s s’en présente comme la garante au même titre que de l’espace du lieu saint, les résidents en repoussent les visiteurs étrangers et les déclarent « espaces réservés ». Des fatwas présentent les portes de la ville et du lieu saint comme des sites où la prière aurait la même valeur que dans le lieu saint. Les pratiques pèlerines l’intègrent à l’espace idéel de la Terre sainte, définie plus par son centre que par des frontières. L’enquête met au jour ces mouvements de fermeture et de dilatation de l’espace sacré du lieu saint.

7Ce dernier se trouve en outre dématérialisé par ses nombreux usages sur internet, comme les visites virtuelles, les pratiques à distance, une profusion de matériel pédagogique, qui invitent également à repenser ses frontières, tout en réaffirmant ses limites territoriales et son identité palestinienne et musulmane. L’étude des limites symboliques du lieu saint nous invite par ailleurs à réfléchir à la possibilité d’une intégration – et aux conditions qu’elle exigerait – des espaces de l’esplanade, de la ville, du pays.

8La vie rituelle sous toutes ses formes est aussi appréhendée comme vecteur de construction du territoire et des identités collectives. Les rituels, canoniques ou non, forment des moments forts d’appropriation, à la fois matérielle et symbolique, de l’espace. La thèse défend une conception dynamique et évolutive du rituel. Elle illustre la redéfinition de pratiques religieuses qui s’ancrent dans l’histoire et les textes religieux, que ce soit la ziyâra ou le ribât. Outre la vie rituelle endogène, explorer les conditions actuelles du pèlerinage musulman des non-Palestiniens me permet de décrire une géographie religieuse et ses implications patrimoniales et politiques. Le pèlerin, en dessinant les contours du patrimoine de la Terre sainte, décrit son appartenance à un espace, à un groupe, à un corpus religieux. Il présente des espaces de communion et de distinction. Plus que d’usages politiques du religieux, de greffes politiques, comme on a pu l’observer dans d’autres contextes, il s’agit ici d’une véritable hybridation de plusieurs registres de sens. Prenons le cas du ribât : terme coranique, assimilé au séjour durable sur la frontière des terres de l’islam, il a également un sens piétiste. Sa polysémie est aujourd’hui réactivée. Le terme côtoie les registres modernes de la mobilisation politique sans que ne soit jamais remis en question son acception purement religieuse : le ribât est bien un acte de piété.

9La thèse montre que les phénomènes de patrimonialisation dont l’esplanade est l’objet ne relèvent pas d’un changement de régime du religieux au séculier. Ils accompagnent au contraire le renouveau de la vie religieuse, par le maintien de rituels, de prières et d’un enseignement religieux. En outre, l’institution de monuments et de pratiques religieuses ancestrales comme patrimoine relève d’une assimilation des répertoires religieux et politiques. La patrimonialisation, menée par des acteurs divers mais principalement par les autorités religieuses officielles, des associations affiliées au Mouvement islamique en Israël, ainsi que des citoyens palestiniens attachés à ce patrimoine urbain, accompagne la politisation, tout comme elle encourage la référence religieuse.

10Dans le cadre du patrimoine religieux musulman, et plus largement palestinien, une attention toute particulière doit être portée à la dimension de la perte et à celle des émotions patrimoniales. Le thème de la précarité́ sous-tend les discours sur le patrimoine ; c’est la perte qui est patrimonialisée et qui devient la condition d’existence même de l’esplanade. Ces discours sur la mise en patrimoine du religieux tenus par les autorités religieuses ainsi que par des partis, tel que le Mouvement islamique en Israël, qui se fait le chantre de la défense du patrimoine islamique, encouragent l’identification par des politiques de réactivation des rituels pour donner à vivre et à voir son attachement au lieu saint, bien plus que la mise à distance.

11J’ai adopté un mouvement allant de l’institutionnel à l’intime de l’esplanade des Mosquées, de ses aspects les plus concrets vers son existence virtuelle sur internet.

12La première partie interroge la genèse de l’esplanade des Mosquées, sa construction théologique, les discours des pouvoirs politiques et de l’institution religieuse qui s’y rapportent, ainsi que sa gestion et ses lectures officielles. Le premier chapitre porte sur la genèse de l’esplanade des Mosquées en tant que territoire délimité́ par des frontières physiques et sur les différentes entreprises de définition (noms, représentations, symboles) qui entourent le lieu saint. Dans le second chapitre, il est question de l’Administration officielle de l’esplanade des Mosquées et des autres acteurs chargés de son fonctionnement. L’analyse porte sur la production sociale du territoire, et sur ses évolutions, qui empêche toute définition fixiste de celui-ci. Enfin, le dernier chapitre est consacré à l’offre religieuse. L’esplanade fournit un cadre à la vie religieuse et se trouve au centre de la production de l’orthodoxie. Mon propos est de questionner les contenus religieux proposés et la place qu’y occupent le lieu saint et les traditions qui ont contribué à sa fabrique. Il s’agit de décrire la manière dont ces contenus dispensent ou non un discours sur le lieu saint, ses frontières, ses fondements et ses significations, appelé à être reproduit à l’infini et à entretenir une forme de système.

13La deuxième partie se focalise sur l’étude du pèlerinage musulman de non-Palestiniens en Terre sainte par lequel l’esplanade des Mosquées se trouve mise en réseau avec d’autres sites religieux ou non. De l’échelle du lieu saint à celle de la Vieille Ville, les frontières de l’enquête sont élargies vers un ailleurs, celui des itinéraires des populations pèlerines en Terre sainte. Mon analyse se construit comme un parcours, allant du versant le plus intime du pèlerinage, l’expérience personnelle des pèlerins, au plus extérieur, ses développements récents, liés au contexte contemporain et les tentatives de codification ou d’encadrement de celui-ci par différents acteurs palestiniens, israéliens ou étrangers, religieux, économiques ou politiques. Dans quelle mesure le lieu saint peut-il être appréhendé comme un patrimoine commun à la communauté́ des croyants, comme le lieu d’ancrage de mythes qui fondent l’islam en tant que religion distincte, comme un espace de mise en scène de la umma ? L’expérience pèlerine musulmane à Jérusalem permet de réinterroger la notion de communitas et la façon dont elle est vécue dans le moment pèlerin. Le premier chapitre est consacré à l’expérience pèlerine à Jérusalem et plus largement dans l’espace israélo-palestinien. Le deuxième s’intéresse au pèlerinage comme voyage, comme dispositif matériel régulant l’accès aux lieux qu’il circonscrit (circuits balisés) et se penche sur ses modalités et ses cadres. Comment ces itinéraires participent-ils à la définition d’une Terre sainte musulmane et à sa patrimonialisation ? Le troisième chapitre s’arrête sur les médiations patrimoniales conçues comme une interface entre le croyant et le patrimoine visité, principalement à travers l’activité de guides, d’une part, et d’autre part un mode de transmission d’un savoir sur ce patrimoine. Il s’ouvre sur un quatrième chapitre qui traite des identités pèlerines. Que nous disent ces parcours, à travers les significations du patrimoine visité, du rapport du pèlerin musulman à la communauté́ des croyants, telle qu’elle s’imagine et prend vie dans l’espace israélo-palestinien ? Le dernier chapitre est consacré́ à la production de discours sur ce pèlerinage en Terre sainte par les différents acteurs de la scène pèlerine, États, acteurs politiques, agences touristiques, autorités religieuses, Israéliens, Palestiniens et étrangers. Prescription religieuse, le pèlerinage, dans le contexte contemporain de l’espace israélo-palestinien, est l’objet de nombreuses controverses liées à sa légitimité́. Il révèle comment, dans ce cadre, actes religieux et politiques en viennent à se brouiller, se superposer, voire même s’opposer.

14Une troisième et dernière partie explore les collectifs palestiniens formés autour du lieu saint et leur degré d’attachement à ce dernier. Elle poursuit la réflexion sur l’esplanade des Mosquées comme espace d’identification collective, entamée à travers l’étude du pèlerinage. Par un rétrécissement de la focale, elle porte sur les usages palestiniens du lieu saint. Il s’agit de faire une place à ces acteurs de proximité, de mettre au jour les différents niveaux d’appartenance et d’appropriation et, par conséquent, les différents types de représentations de l’espace religieux et d’usages de ce dernier. Il devient ainsi possible d’appréhender l’articulation entre identité religieuse musulmane et identité nationale palestinienne. Des collectifs palestiniens s’identifient à l’esplanade des Mosquées conçue comme un lieu d’ancrage. Le registre de la consubstantialité au lieu saint domine à la fois les discours individuels, mais également ceux des autorités religieuses officielles et des groupes comme le Mouvement islamique. Toutefois les discours qui fondent l’autochtonie ne viennent pas remettre en question la vocation universelle du lieu saint décrit comme une « propriété musulmane », mais ils y superposent l’identité palestinienne. L’esplanade des Mosquées, les pratiques qui y ont cours, religieuses et communautaires, ainsi que les discours qui s’y rapportent, constituent un bon observatoire des relations entre normes religieuses et impératifs politiques. Alors que le domaine du sanctuaire décrit un monde radicalement distinct, l’appréhension de l’esplanade ressortit au registre de la proximité ressentie et encouragée par les mouvements politico-religieux. Le registre de l’amour mystique utilisé pour décrire le lien avec l’esplanade des Mosquées par des collectifs palestiniens vient nuancer la distance aux objets de dévotion imposée par le dogme.

15Le premier chapitre dresse le portrait du lieu saint et du tissu urbain qui l’entoure, entre intégration et fragmentation. À travers la description du quartier musulman et de pratiques religieuses en contexte, il donne la mesure de la dimension proprement locale du lieu saint. Le deuxième chapitre entend explorer le site dans ses usages quotidiens. Repère, refuge, le lieu saint peut en outre être décrit comme un prolongement de l’espace domestique pour les « fils de la ville » et même un prolongement de leur corps. J’y montre comment ce monument religieux historique devient ainsi un moyen de recréer et de représenter sa propre autochtonie. Le sentiment d’appartenance au lieu saint se trouve renforcé par ses usages sociaux et par la place qu’il occupe dans la vie quotidienne de certains habitants palestiniens de Jérusalem. Dans un troisième chapitre, la réflexion porte sur la « politique du lien » développée par des acteurs palestiniens multiples (leadership musulman, mouvements politico-religieux, partis politiques, associations de quartiers), destinée à organiser une résistance à l’occupation, notamment par la présence des fidèles et leurs actions principalement rituelles. La proximité, décrite par ces collectifs comme physique et affective et comme garante de leur autochtonie, trouve une traduction politique dans les discours de lutte pour la défense de l’intégrité (territoriale et symbolique) du lieu saint musulman dans le contexte contemporain de Jérusalem et des territoires palestiniens. L’étude des usages qui sont faits de l’esplanade et des significations données aux rituels permet de repenser l’articulation entre islam et nationalisme. La référence au lieu saint ne reflète pas forcément un projet national et un projet de société unifiés entre les différents partis, mais elle constitue un repère commun et un lieu privilégié d’articulation du religieux et du politique. Un quatrième et dernier chapitre s’intéresse à la dimension pédagogique au cœur des usages palestiniens du lieu saint, visites éducatives ou pratiques à distance, pour tenter de comprendre comment les frontières territoriales et symboliques trouvent à s’exprimer dans la dématérialisation du lieu saint et ses usages virtuels, destinés à organiser un lien et à fabriquer une proximité́ malgré́ la distance. Ce chapitre a permis de montrer que l’intérêt porté au patrimoine de l’esplanade consiste principalement dans un souci de lutte pour le territoire et de transmission.

16L’analyse proposée dans le premier volume est complétée par un deuxième volume d’annexes. Il comprend un ensemble de dix cartes, dont sept sont des cartes originales réalisées à partir de mes données, deux avec l’aide d’une géographe, les autres en collaboration avec un graphiste professionnel. Elles visent à faciliter la compréhension du contexte contemporain de l’esplanade des Mosquées, par la représentation visuelle des accès du lieu saint, de l’espace urbain environnant, des mobilités religieuses et des activités politiques. Parmi elles, deux cartes sont consacrées à l’organisation actuelle du phénomène pèlerin de Musulmans non-Palestiniens, d’abord à l’échelle de l’espace israélo-palestinien, puis à celle de la ville de Jérusalem. Une deuxième partie de ce volume d’annexes comprend cent quatre illustrations classées par parties et chapitres. De différentes natures, il s’agit de photographies, mais également de reproductions d’ouvrages, de guides, d’iconographies liées au lieu saint et diffusées sur internet, de captures de vidéos YouTube. Ce volume d’annexes reproduit in extenso certains documents en arabe ou en anglais qui ont servi de sources à l’analyse, telles qu’un prêche officiel prononcé dans la mosquée al-Aqsa, une déclaration du ministère des waqf-s jordaniens, un guide de pèlerinage publié très récemment. Enfin, il met à disposition du lecteur une chronologie indicative et un récapitulatif des principaux témoignages – que nous avons recueillis – de pèlerins afin de faciliter la compréhension du déroulement de l’enquête ethnographique.