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Les brulûres de la guerre

Le Pays fantôme. Lettre au festival Doc en courts

Laurent Roth

Résumés

Faute de pouvoir se rendre à Lyon du fait de la grève des transports pour y présenter Le Pays fantôme dans le cadre du festival Doc en courts en 2019, Laurent Roth a adressé, en guise de présentation au public, une lettre que nous reproduisons ici. Le Pays fantôme s'est vu décerner lors de cette 19e édition une mention spéciale du jury du Grand Prix.

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Texte intégral

Crédit image : Jacques Gerstenkorn.

Villiers-le-Bâcle, le 19 décembre 2019.

André Labarthe considérait qu’il y a deux façons de faire du cinéma : on est soit « chasseur » soit « piégeur ». J’en ajoute une troisième ; on peut être « glaneur ». Depuis quelques années, je traque des bobines de films d’amateur, dans un geste de collecte totalement compulsif. À la fois joueur de casino et amant libertin, sitôt la collecte faite, je pense à la bobine d’après. Mais cette bobine trouvée sur eBay m’a elle terrassé : elle m’a obligé à m’arrêter. À tel point que j’avais écrit presque intégralement les quatre variations qui en forment le commentaire avant même qu’elle ne me parvienne par la poste. C’est un rare état de grâce, il se poursuit actuellement, et je complète Le Pays fantôme de deux autres films : Dortmund et Sur les routes, à partir de films amateur tournés en Allemagne dans les années soixante-dix ; le tout devant  former bientôt un moyen-métrage : Suite allemande. Je répare sans doute un traumatisme fondateur : la perte durant la guerre des bobines des films de ma famille, elle même disparue dans les camps.

Plus profondément, ce petit film que vous allez voir a joué un rôle cathartique dans ma pas si longue carrière : j’avais décidé, à vingt ans, de faire du cinéma contre la littérature. On dirait à écouter ce film que c’est raté. Me voilà redevenu écrivant, sinon écrivain. Et c’est comme par hasard dans une cour de caserne que je me retrouve, cette cour qui fut le décor de mes débuts, où, ne sachant pas que j’allais faire du cinéma, j’alternais entre les voûtes du Lycée Henri IV, les fossés du Fort de Vincennes, les stalles de l’Abbaye d’Hautecombe : trois conditions me semblaient alors enviables, celles de poète, celle de moine, celle de soldat. J’ai  flirté avec ces trois conditions sublimes, sans rien en faire, sinon chroniquer cette défaite, souffrir de ne pas choisir, de ne pas engager ma vie dans une voie sacrée, de ne pouvoir faire voir le cristal pur et sans tache de l’idéal. Tout est opaque, je fais des films, j’essaie de trouver une parole pour donner de la lumière à ce qui me paraît si sombre encore, et parfois muet comme cette bobine ancienne. Oui, j’essaie de transformer l’obscur en mystère, à défaut de pouvoir en faire rayonner la gloire.

J’essaie.

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Table des illustrations

Crédits Crédit image : Jacques Gerstenkorn.
URL http://journals.openedition.org/entrelacs/docannexe/image/6154/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 5,1M
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Pour citer cet article

Référence électronique

Laurent Roth, « Le Pays fantôme. Lettre au festival Doc en courts »Entrelacs [En ligne], 18 | 2021, mis en ligne le 13 décembre 2021, consulté le 17 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/entrelacs/6154 ; DOI : https://doi.org/10.4000/entrelacs.6154

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Auteur

Laurent Roth

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