1Le mardi 4 octobre 2022, contre toute attente s'éteignait Marc Viré. Il laisse un grand vide.

2Enfant, Marc était déjà passionné d'histoire, l'histoire de son quartier où il furetait, entrait dans les cours, se glissait dans les maisons anciennes, puis de Paris qu'il arpentait ; il lisait tout ce qu'il trouvait. Cette curiosité l'a mené à consacrer ses études et son métier à l'histoire et l'archéologie, sur les traces de son grand-oncle, Armand Viré qui fut géologue, préhistorien, hydrogéologue, archéologue et précurseur de la spéléologie.

5Avec sa thèse, Marc devient un des principaux animateurs de ce groupe de travail qui construit une nouvelle conception de l'archéologie de la construction en s'intéressant à la fois au bâti, à l'architecture, à la nature des pierres, aux carrières, aux techniques extractives et de mise en œuvre, aux réseaux d'approvisionnement. Cette approche archéologique tous azimuts liant fermement les observations directes aux sources historiques permet une nouvelle compréhension du paysage bâti. L'exploration des carrières avec le regard du géologue permet d'identifier finement les différents bancs de pierre, le regard de l'archéologue, historien des techniques décompose et étudie les traces d'outils et les modes d'extraction, permettant d'en faire une chronologie. L'archéologue étudie encore les traces d'outils sur les édifices, pour comprendre la mise en œuvre cette fois, et la nature géologique des pierres permet d'identifier le banc de provenance de chaque bloc. Le regard de l'historien permet quant à lui d'identifier les chantiers documentés depuis les actes les plus anciens jusqu'aux restaurations les plus récentes, à la lumière de cette compilation, chaque bâtiment peut permettre, grâce au croisement des informations ainsi collectées la cartographie d'approvisionnement de chaque chantier qui l'a concerné, de chaque chantier sur ses façades, de chaque technique de mise en œuvre. L'étude archéologique complète donc celle des plans ; l'étude géologique identifie la provenance des pierres et tout aussi indispensable, enrichit la connaissance historique des exploitations. Ainsi il considérait que son métier était de faire parler les pierres pour qu'elles racontent l'histoire des monuments et de leur construction.

6La connaissance archéologique des carrières de Paris et des catacombes lui doit beaucoup, mais bien qu'il ait milité sans relâche pour leur patrimonialisation, les carrières souterraines continuent à être considérées comme des nuisances, des indésirables du patrimoine, réputées dangereuses, elles restent insuffisamment étudiées et si l'archéologie préventive est devenue une démarche normalisée en surface, elle reste exceptionnelle dans les aménagements souterrains. Marc a pourtant longtemps milité pour la prise en compte de ce patrimoine.

7Archéologue (ingénieur de recherche à l'Inrap Île-de-France, chercheur associé au Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris (LAMOP, UMR 8589), il a participé à de très nombreux chantiers notamment de grands chantiers de l'État (Vincennes, Notre-Dame) ou de collectivités locales (La Roche Guyon, Blandy-les-Tours) de grandes restaurations (cathédrale de Tours, Mont Saint-Michel, Abbaye d'Ardenne...). Il a développé une connaissance pour ainsi dire encyclopédique des édifices du Moyen Âge en France et jusque dans l'Europe occidentale, la construction dans le monde médiéval en somme et ne tarissait jamais de détails et d'anecdotes sur la construction des grands édifices, médiévaux en particulier. Pourtant s'il écrivait admirablement, il n'a pas publié assez ses nombreux travaux. L'entendre parler sur ses chantiers ou au pied des églises gothiques était toujours digne d'un cours magistral, et ô combien on regrette après coup de n'avoir pas pris de notes. En nous quittant, il emmène avec lui toute une mémoire, tout ce qu'il n'a pas écrit, qu'il ait projeté de le faire ou non, il nous prive de ses lumières.

8À la retraite depuis trois ans, il continuait de participer à la recherche, il a été chargé de mission pour le déblaiement et le tri des matériaux après l'incendie de Notre Dame de Paris, dont il était un très éminent connaisseur. Il était d'ailleurs, depuis quatre ans, mis hors de lui par l'incendie de la cathédrale qui a découlé de l'inconséquence des chaînes de responsabilité sur l'édifice qu'il n'a eu de cesse de dénoncer. Mais il s'intéressait aussi aux chantiers en cours, ainsi il est régulièrement passé sur le chantier de la basilique de Saint-Denis depuis le démarrage de la fouille préalable à la consolidation commandée par la reconstruction de la flèche, projet qu'il regardait avec enthousiasme, il nous a été de grand conseil et aurait été enchanté par la mise au jour des traces du chantier du XII^e siècle.

9Sa disparition a ouvert un gouffre et laisse un vide immense dans le champ de l'archéologie de la construction et des matériaux.